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Lois du frottement lisse et du frottement rugueux en
régime turbulent. Coefficient intrinsèque de frottement
rugueux
Ch. Sadron
To cite this version:
I. LOIS DU FROTTEMENT LISSE ET DU FROTTEMENT RUGUEUX EN
RÉGIME
TURBULENT. COEFFICIENTINTRINSÈQUE
DE FROTTEMENT RUGUEUXPar CH. SADRON.
Chargé
de recherches au Laboratoire deMécanique
des fluides de l’Université deStrasbourg.
Sommaire. - Dans ce premier article on examine les lois du frottement lisse du point de vue de la théorie de Karman. On simplifie légèrement la manière de les établir à partir de la loi de distribution des vitesses et l’on arrive à formuler d’une façon plus aprochée les lois numériques dans le cas des conduites de sections circulaire ou rectangulaire. Inversement, connaissant la loi expérimentale du frottement sur une plaque lisse, on établit la loi numérique donnant la distribution des vitesses dans une section droite de la couche limite.
1. On sait
qu’un
solide en translation uniforme dans un fluide réel subit de lapart
de celui-ci desactions
dynamiques qui
se réduisent à unesimple
ré-sistance à l’avancement dans le cas où le solidepré-sente un axe de
symétrie parallèle
à la direction de la translation.Cette résistance est due à deux causes :
La
première
est corrélative de l’existence d’unsil-lage.
Sagrandeur dépend
essentiellement de l’allure de celui-ciet,
parconséquent,
de la forme du corps. La deuxième tient à la viscosité du fluide et auxforces de frottement
qu’il
exerce sur le solide.Il est extrêmement
délicat,
dans le casgénéral,
de faire ledépart
entre cette résistance de forme et cette résistance de frottement dontl’expérience
ne fournit que la somme. Aussi est-illogique
des’attaquer
tout d’abord aux cas lesplus
simples,
c’est-à-dire aux cas danslesquels
n’intervient que l’un des deux termes que nous venons de définir. C’estpourquoi
l’étude de l’écoulement dans les conduites
rectilignes
ou le
long
desplaques
indéfinies où seules les forces de frottement entrent enjeu, présente
un intérêtd’ordre
général.
Elle
présente
également
un intérêtplus
immédiatpuisqu’elle
a trait à unchapitre
très étendu del’hy-draulique
s’ils’agit
deconduites,
et àd’importants
problèmes
relatifs aux ailes d’avion et aux carènes de navires s’ils’agit
deplaques.
Aussi cette étude a-t elle suscité
depuis
longtemps
de nombreux travaux tantthéoriques
qu’expérimen-taux, mais ce n’est que récemment.
grâce
aux travaux deReynolds,
deBoussinesq
de Prandtl et surtout de Karman que l’on a établi une théorie assez sûre pourclasser et
prévoir
lesphénomènes
réels et pour servir de basse à de nouvellesinvestigations.
Celles-ci s’exercent
surtout,
à l’heureactuelle,
surle frottement des
parois
rugueuses et dont on est encore loin de saisir le mécanisme. Les travauxexpé-rimentaux fournissent d’ailleurs des résultats d’une
assez
grande complexité
car on s’estpréoccupé
beau-coup
plus
del’aspect technique
duproblème (étude
de surfaces maldéfinies,
maispratiquement
t utiliséescomme celles de la fonte
brute,
de la fontepolie,
del’acier
brut,
de l’acierpeint,
dubois,
etc...)
que de sonaspect
vraimentscientifique.
Depuis
ces dernières années toute une école alle-mande s’est lancée dans une voiedéjà
ouverte par Bazin en étudiantles
lois du frottement sur desparois primitivement
lisses et que l’on avait rendues rugueuses en lesparsemant
régulièrement d’aspérités
de dimensions connues, constantes et de forme dé-finie. Les résultats obtenus
jusqu’ici
neparaissent
pasencore
parfaitement
sûrs,
et il semble bien que l’onaurait pu étudier d’une
façon
plus systématique
l’in-fluence des diversparamètres
entrant enjeu.
Néan-moins ils constituent un ensembleimportant
et donton
peut
tirer d’utiles conclusions.Ce sera
justement
le but de ce travail de montrercomment,
à l’aide de ce que 1 on saitdéjà
sur les écou-lements turbulents etgrâce
à unpetit
nombred’hypo-thèses,
onpeut
faire entrer le mécanisme du frotte-ment sur lesparois
rugueuses dans un schémasimple
etqui peut conduire, semble-t-il,
à la détermination àpriori
des coefficients de frottement rugueux par examenmicrométrique
desparois.
I. Lois du frottement
turbulent
pour les conduites et les
claques
lisses.2. Avant de passer à ce
qui
faitl’objet principal
dece travail nous allons
préciser quelque
peu les lois du frottement pour lesparois
lisses. Cela nouspermettra
d’élablir un certain nombre de relations
qui
nous seront utiles par la suite ainsiqu’une
certaine conti-nuité entre la théorie du frottement lisse et celle du frottement rugueux.3. Distribution des vitesses dans une
con-duite lisse
(Régime turbulent).
-a)
Nousdési-gnons également
sous le nom de conduite l’ensemble constitué par deuxplaques parallèles
indéfinies.118
fi
représente
la demi-distance entre lesplaques
ou le rayon de la section circulaire.u
représente
la vitesse moyenne en unpoint
dontla distance à l’axe est y et la distance à la
paroi
y, # /2 - y
(fi-. 1).
°uo est la, vitesse de maxima.
U est la vitesse moyenne de débit.
’:0 est la force de frottement par unité de
surface,
etle coefficient de frottement est défini par la relation :
où p
représente
la massespécifique
du fluide enexpérience.
Nous utiliseronségalement
le coefficient A = 4C~.
et le coefficient W défini par :.
R est le nombre de
Reynolds
de l’écoulement relatif au rayon de la conduite :...
-On posera :
bj
Ondistingue,
dans 1"écoulement turbulent ùansune
conduite,
deux domaines distincts pour ladistri-bution des vitesses.
Fi,g. 1.
Le
premier
est constitué par une couche mince,d’épaisse-tir ,
recouvant laparoi
et oû l’écoulementest laminaire. On
l’appelle
la couche laminairesecon-daire. La
grandeur
de~,
n’est pas, engénéral,
supé-rieure au centième de celle du rayon de la conduite.
La loi de distribution des vitesses dans ce domaine est alors :
Le deuxième occupe tout le reste de la conduite et la loi de distribution des vitesses y est absolument
indépendante
de la nature de laparoi :
elle est la même que cette dernière soit lisse ou rugueuse. Desconsidérations de dimensions conduisent Karman à écrire que :
-- .
.,, ,.,.
où 5 est une fonction universelle. La théorie bien
connue de cet auteur
permet
depréciser
la loiprécé-dente et fournit :
~ Fig. 2.
Pour de
petites
valeurs de yi c’est-à-dire auvoisinage
-de la
paroi,
la loiapprochée
est suffisante. Dans ces deux
expressions k représente
une constante sans dimension que
l’expérience
montre êtreégale
à 0,40.
La distribution des vitesses au
voisinage
de laparoi
est,
d’après
cesconsidérations,
représentée
par lafigure 2.
Il ne faut pas oublier
qu’il s’agit
ici d’unsimple
schéma et il est bien clair que l’on ne passe pas en
réalité d’une
façon
discontinue du domaine turbulentau domaine laminaire. fl ne doit pas y avoir de
point
anguleux
tel que A dans la courbeexpérimentale.
C’est ce que nous montrerons dans un instant.
Malgré
cela nous serons
obligés,
afin depouvoir
utiliserl’ana-lyse
mathématique,
de nous borner au schémapré-cédent.
c)
Pour établir la loi du frottement àpartir
de la loide distribution des vitesses nous
exprimerons
lescon-ditions aux limites sous une forme un peu
plus
simple
que celle
qu’utilisa
Iiarman.Considérons pour cela
l’épaisseur a,
de la couchelaminaire secondaire. Nous supposerons que pour
une valeur déterminée du frottement elle ne
dépend
que des conditions à la
paroi,
c’est-à-dire,
puisqoe
celle-ci est
lisse,
despropriétés physiques
du fluide, Enparticulier
nous la supposeronsindépendante
des dimensions de la conduite. Nous aurons dans cesconditions :
f (-r.,
p,p.)
où a est un coefficient
numérique.
D’autre
part
l’on a,d’après (3)
et endésignant
par ul la
vitesse en t~ :
En éliminant
alors 8i
entre(7)
et(8)
on obtient :soit encore :
Le frottement à la
paroi
obéit donc à la loiquadratique
à condition de choisir comme vitesse celle .à lafron-tière commune des domaines laminaire et turbulent. On a dès
lors, d’après
(6) :
d’où : o
Cette
expression
donne enfind’après
(7)
et(8) :
Fig. 3. -
(D’après Karman.)
’C’estJféquatîon
fondamentale de la théorie de Karman etqui
a été vérifiéeexpérimentalement
par Nikuradse,dont la
figure 3 représente
les résultats de mesure. Ona
porté
en abscisscs les valeurs deet en ordonnées celles de
On voit que les
points expérimentaux
se détachent de la courbethéorique
quand
y1
devient inférieur à 100 et semblent venir seplacer
sur la courbe de distribution des vitesses enrégime
laminaire,
en des-sinant unerégion
de transition àlaquelle
nous avonsfait allusion
plus
haut.Nikuradse
représente
ses résultats parl’équation :
u* ~
5,50 +
5,75logle
y~
à
laquelle
correspond k
=0,40
et ce== t 1 ,5.
4. Lois du frottement dans une conduite
l’expé--120
rience
puisque
nous avons les valeursnumériques des
coefficients x et k. Nous pouvons alors établir les lois du frottement. Eneffet,
nous avons,d’après (4) :
Or,
l’équation
(7)
donne :soit : -.
D’où la loi du frottement :
5. Cas de deux
plaques
parallèles
indéfinies.-L’inconvénient de la loi
précédente
cstflagrant :
elle est relative aux variables T etl~o
qui
se déterminent àpartir
de uo. Orl’expérience
ne donne pas facilementcette vitesse. Les mesures sont alors faites en déter-minant
C~
àpartir
de h. C’est enparticulier
le cas destravaux de Fromm sur
lesquels
nous désirons nousappuyer. Il est donc nécessaire de déterminer la rela-tion
qui
existe entre u et U. Ceci est facile. On a eneffet dans le cas
qui
nous occupe : -.soit,
ennégligeant
le débit de la couche laminaire secondaire(1) :
-.Tirons u de
l’équation
(5)
etportons
dansl’expression
précédente,
onobtient,
tous calculs faits :D’autre
part,
toujours d’après l’équation
(5) :
Eliminons uo entre ces deux
équations.
Onobtient,
enCf
négligeant
n les termesd’ordre
supérieur - :
A(1) C’est cette hypothèse qui nous conduit à perfectionner les lois du frottement que Karman obtient par sa théorie en utili-lisant un raisonnement peu rigoureux de Prandtl (Cf. Sadron Turbulence et frottement turbulent. Théorie de Karman.)
Remplaçons
a et Ic par leurs valeursnumériques
etpassons aux
logarithmes vulgaires,
nous obtenons :Fig.4.
La courbe en
plein
de lafigure
4correspond
à l’équa-tionprécédente,
et lespoints
aux mesures effectuées par Fromm dans une conduite dont la section droite est unrectangle d’allongement
voisin de 13. L’accordest très
bon,
sauf pour lespetites
valeurs de RCf
2
auxquelles correspondent
des valeurs mesuréeslégère-ment
trop
faibles(différence
de l’ordre de 3 pour100).
6. Cas d’une conduite de section circulaire.-Dans ce cas
121
Fig. 5. - (D’après Nikuradse.)
négligeant
encore les termes d’ordresupérieur
àd’où l’on tire : -.
Remplaçons a
et K par leursvaleurs,
le coefficientC f
par -
et R par2013Re.
On obtient la loinumérique
du4 2
frottement :
Nous
reproduisons
ci-contre(fig.
5)
unefigure
dumémoire de Nikuradse résumant les
principaux
ré-sultats de mesures en conduite circulaire. Cet auteur propose la formule :Sur la
figure
G le traitplein correspond à l’équation
(l~)
et le traitpointillé
àl’équation ~16).
On voit que, pour une valeur donnée de l’abscisse ces deux courbesfournissent des ordonnées dont la différence est
trop
faible pour être décélable par
l’expérience,
au moinsdans le domaine des nombres de
Reynolds
utilisés.Fig. 6.
7. Loi du frottement sur une
plaque
lisse.-Nous
désignerons par ô l’épaisseur
de la couche limite à la distance x du bordd’attaque
de laplaque
et par uo la vitesse du fluide en dehors de la couche limite.Nous avons montré que la théorie de Karman
fournit,
pour la distribution des vitesses dans unesection droite de la couche
limite,
la loioù la
fonction j
s’annule pour y, - a. Si nous122
de
y1
et si nous admettons que pour lespetites
valeursc
de Yl nous pouvons
négliger
sans commettre d’erreur. grossière
les termesen de%.ant
log
y1
on obtient :’
à n a
Il y a
donc,
dans le cas d’uneplaque,
unparamètre
supplémentaire
A. Nous pouvons le déterminer àpartir
des mesures sur le coefficient local de frotte-ment. On a eneffet,
pour y 1 == Ol
soit,
en divisant les deux membrespar
i et enremplaçant
coefficient local defrottement) :
Si nous supposons que a a encore la valeur
11,5
il vient :¿.Bdmettons avec
Von Karman
que l’on
peut
enpre-mière
approximation
poserl’équation précédente
devient :Or les résultats obtenus par
Kempf
ont montré que laformule
représentait
convenablement les faits. Il s’en suit que d’oùet que la
loi
de
distribution des vitesses dans lacouche limite
peut
êtrereprésentée,
pour lespetites
valeurs par la formule :6
Dans un
prochain
article,
nous passerons à l’étudedu frottement rugueux.
Manuscrit reçu le 20 janvier 1935.
INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES Ecoulements turbulents et frottement lisse.
BOUSSINESQ. Théorie de l’écoulement tourbillonnant et tulmultueux
des
liquides.
Paris, 1897.REYNOLDS. Trans.
Roy.
Soc. London. 1895, 186, p. 123.PRANDTL. Z. ongew. Math. und Mech., 1925,
5,
p. 136. PRANDTL.Ergebnisse Göttingen. 1932,
4, p. 18.VON KARMAN.
Hydromechanische
Probleme des Schiffsantriebs.Hambourg, mai 1932, p. 50.
VON KARMAN. J. Aeronautical sciences, 1634, 1, p. 1.
SADRON. Turbulence et frottement turbulent. Théorie de Karman,
à paraître prochainement dans les publications scientifiques et
techniques du Ministère de l’Air.
NIKURADSE. V. D. I. Forschungsheft 356 (octobre 1932). Frottements rugueux.
NIKURADSE. V D. I
Forschungsheft
361 (août 1933).KEMPF.
Hgdromechanische
Probleme desSchiffsantriebs.
Ham-bourg, mai 1932, p. 74.