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La culture au cœur des apprentissages

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Thierry Delavet Marie-Françoise Olivier

La culture au cœur des apprentissages

Un nouveau projet pour l’école :

stratégie culturelle

et territoire apprenant

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Direction éditoriale : Sophie Courault Édition : Sylvie Lejour Coordination éditoriale : Maud Taïeb

Correction : Anne Rémond Composition : Maryse Claisse

© 2014 ESF éditeur Division de la société Intescia

52, rue Camille-Desmoulins 92448 Issy-les-Moulineaux Cedex

www.esf-editeur.fr ISBN 978-2-7101-2928-8

ISSN 1158-4580

Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2e et 3e a, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non desti- nées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou ses ayants droit, ou ayants cause, est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

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Pédagogies

Collection dirigée par Philippe Meirieu

L

a collection PÉDAGOGIES propose aux enseignants, formateurs, animateurs, éducateurs et parents, des œuvres de référence associant étroitement la réfle- xion théorique et le souci de l’instrumentation pratique.

Hommes et femmes de recherche et de terrain, les auteurs de ces livres ont, en effet, la conviction que toute technique pédagogique ou didactique doit être référée à un projet d’éducation. Pour eux, l’efficacité dans les apprentissages et l’accession aux savoirs sont profondément liées à l’ensemble de la démarche éducative, et toute éducation passe par l’appropriation d’objets culturels pour laquelle il convient d’inventer sans cesse de nouvelles médiations.

Les ouvrages de cette collection, outils d’intelligibilité de la « chose éducative », donnent aux acteurs de l’éducation les moyens de comprendre les situations auxquelles ils se trouvent confrontés et d’agir sur elles dans la claire conscience des enjeux. Ils contribuent ainsi à introduire davantage de cohérence dans un domaine où coexistent trop souvent la géné rosité dans les intentions et l’improvisation dans les pratiques. Ils associent enfin la force de l’argumentation et le plaisir de la lecture.

Car c’est sans doute par l’alliance, sans cesse à renouveler, de l’outil et du sens que l’entreprise éducative devient vraiment créatrice d’humanité.

*

* *

Voir la liste des titres disponibles dans la collection « Pédagogies » sur le site www.esf-editeur.fr

Pédagogies/Outils : des instruments de travail au quotidien pour les enseignants, formateurs, étudiants, chercheurs. L’état des connaissances facilement accessible.

Des grilles méthodologiques directement utilisables dans les pratiques.

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Remerciements

N

ous tenons à remercier tous ceux qui nous ont aidés et particulièrement nos interlocuteurs lors des entretiens qui ont apporté des éclairages essentiels à notre réflexion. Nous remercions notamment Jean-Marc Autem, Laurent Bachler, Pierre Badaroux, Anne Barrère, Renée-Paule Blochet, Pierre Boutin, Jacques Braizaz-Latille, Jean-Charles Brunet, Thierry Houyel, Patrick Mignolas, Étienne Ragot.

Ce livre n’aurait pas pu voir le jour sans la confiance, les encouragements et la patience de Philippe Meirieu, professeur d’université.

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Table des matières

Introduction . . . . 7

Première partie Culture et éducation, un mariage de raison ?

1. L’improbable rencontre . . . 13

L’approche de l’éducation que nous retenons . . . 13

L’approche de la culture que nous retenons . . . 14

Définir la culture dans la stratégie culturelle . . . 17

Culture et éducation, une difficile rencontre . . . 20

L’école, une institution culturelle . . . 22

La culture populaire : l’exemple finlandais . . . 23

2. La stratégie culturelle, une surprise . . . . 27

L’impossible pilotage pédagogique d’un établissement scolaire . . . 27

Une stratégie en éducation ? . . . 32

Deuxième partie Une stratégie culturelle à travers trois espaces et en neuf principes

1. Premier espace : les contenus d’éducation . . . . 43

Principe 1. Réifier et partager la culture : ce « pâle objet du désir » . . . 43

Principe 2. Construire ensemble : l’insoutenable légèreté du projet . . . 53

Principe 3. Développer les compétences par la culture : culture, socle et autres curiosités . . . 66

2. Deuxième espace : dans l’établissement . . . . 79

Principe 4. Exercer un leadership : le chef d’établissement, plus petit dénominateur commun . . . 79

Principe 5. Transformer l’établissement en organisation apprenante : La Liberté guidant le peuple . . . . 93

Principe 6. Faire mieux l’essentiel : sous la démarche, la qualité . . . . 102

3. Troisième espace : une contextualisation . . . . 119

Principe 7. Territorialiser par la culture : « La cité radieuse » . . . 119

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La culture au cœur des apprentissages

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Principe 8. Développer le partenariat jusqu’à l’hybridation :

« Ecce homo hybridus » . . . . 131

Principe 9. Considérer les temporalités : « Luxe, calme et temporalités » . . . . 143

Troisième partie Un territoire pour apprendre ou comment construire des parcours culturels

1. Les valeurs fondamentales du projet . . . . 161

De l’égalité des chances à l’égalité des droits . . . . 161

Liberté de choix . . . . 163

L’ouverture comme valeur : l’extérieur comme enrichissement, la coconstruction . . . . 164

La créativité . . . . 165

2. Des valeurs qui portent des parcours . . . . 167

Les parcours existent-ils ? . . . . 167

Un parcours nourri par le sens . . . . 169

Parcours et compétences . . . . 171

La question du pilotage . . . . 175

La construction, le suivi, la représentation des parcours . . . . 178

3. Mettre en place un territoire apprenant : élaborer ensemble des parcours . . . . 185

L’approche conceptuelle du territoire apprenant . . . . 185

Un essai de schématisation . . . . 187

L’élaboration des parcours . . . . 189

Les neuf principes du paradigme agencés . . . . 196

La question de l’évaluation . . . . 197

4. Comment entrer dans la stratégie culturelle ? . . . . 201

En guise de conclusion . . . . 205

Table des outils . . . . 207

Bibliographie . . . . 209

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7

Introduction

C

et ouvrage a été rédigé à quatre mains, point de rencontre de deux parcours singuliers autour d’une même question : quelle place pour la culture dans la construction éducative de l’élève ? La singularité de ces parcours individuels passés a nourri largement nos échanges, chacun s’enrichissant en amont de multiples découvertes : pour l’un, la prise de conscience de ce «rôle pédagogique aussi nécessaire qu’improbable des chefs d’établissement1 », d’où l’évidente urgence à faire émerger cet autre possible et sortir enfin de cet unique système d’administration de l’établissement scolaire ; pour l’autre, des rencontres imprévues issues du monde artistique, de l’éducation et de la formation, qui ont fait naître cette intime conviction que la culture devait réinvestir une place fondamentale dans l’éducation.

D’une part, reconquérir obstinément cette place centrale et fondatrice pour la culture, la penser au cœur de l’école, au cœur des apprentissages. Et, d’autre part, refuser cette culture « cerise sur le gâteau », utilitaire et accessoire. Pour cela, il nous faut regarder au-delà de l’école, apprendre à tisser des liens, favo- riser les rencontres les plus imprévues, en un mot s’inscrire dans un territoire humain.

Le maître mot de notre ouvrage est celui de la rencontre, rencontre au sein même de l’Éducation nationale de deux univers, celui du pilotage et celui de la culture. Rencontres humaines aussi, avec tous ceux qui, issus d’autres milieux, ont accepté de nous raconter, d’échanger autour de cette place de la culture dans l’éducation. Chaque dialogue nous a rendus encore plus sensibles à la complexité de l’école, à cet empilement des dispositifs, à ce morcellement et, au fond, à ce sentiment d’immobilisme trop fréquent. Nous sommes devenus curieux et avons décidé d’explorer tous ces plis et replis, ces interstices qui pourraient créer des liens et donner du sens. Enfin, une rencontre féconde autour de cette envie de partager, de mettre en lien, car il y avait urgence à interroger la tonalité, à ques- tionner autant l’école que la culture, parce que nous avons voulu conjuguer soli- daires, innovants et utiles.

1. Perrenoud Ph., Le rôle pédagogique des chefs d’établissements, université de Genève, 2009.

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La culture au cœur des apprentissages

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Notre ouvrage nous a appris la rigueur, cette rigueur à plonger dans des textes sources fondateurs de la pensée, à la découverte de ces écrits qui ont nourri notre propos. Rigueur aussi de notre conviction qui, au fil de ces deux années de réflexion et d’expérimentation, s’est affirmée.

Un cheminement vers une utopie, celle qui refuse le réalisme sans avenir de ce mille-feuille d’une école statique. Nous avons choisi d’être ambitieux et de mettre en tension l’éducation et la culture, afin de repenser l’existant selon une logique d’économie et de simplification. Ce bien commun doit être partagé avec l’ensemble des acteurs de l’éducation. Cet espace conjoint que nous avons large- ment interrogé et expérimenté est devenu le point de rencontre entre l’intérieur (l’école) et l’extérieur (le territoire), afin de « faire reculer l’espace2 ». Reprendre ainsi cette belle idée de Bachelard, celle d’une poétique de l’espace, dans une perspective qui prendrait en compte l’ensemble des espaces, des temporalités et des acteurs dans une construction commune. L’humain doit être au cœur de l’activité. Nous affirmons et revendiquons une école vivante !

Nous proposons un nouveau paradigme organisationnel, en trois espaces et neuf principes. Nous présentons un processus, sous la forme d’un ensemble de clés, de logiques pour décaler le regard et donner du sens au parcours d’apprentissage de l’élève. C’est à cette entreprise de recherche de sens qu’espère contribuer cet ouvrage, en prenant comme élément principal la culture. Il peut, à ce titre, permettre à l’ensemble des partenaires éducatifs de trouver des outils, mais aussi les inciter à imaginer une nouvelle approche de l’école en inscrivant la culture comme stratégie de pilotage au service de la construction de parcours pour les élèves.

Comme Gide, nous disant son émerveillement lorsqu’il « tournait le kaléi- doscope doucement, admirant la lente modification de la rosace. Parfois l’insensible déplacement d’un des éléments entraînait des conséquences boule- versantes3 », nous proposons aussi de décaler le regard. Une sorte de kaléidos- cope pour aider les acteurs de l’école à composer ces nouvelles histoires, ces nouvelles images, pour de nouveaux parcours éducatifs, dans ces trois espaces, avec ces neuf principes. Comme l’affirmait encore cet auteur, « il est bien des choses qui ne paraissent impossibles tant qu’on ne les a pas tentées4 ».

Afin de mettre en œuvre notre paradigme, il nous faut d’abord comprendre les éléments qui sont en jeu, leur articulation et leur perspective. C’est pourquoi cet ouvrage comprend trois parties :

2. Bachelard G., La poétique de l’espace, PUF, 1961.

3. Gide A., Si le grain ne meurt, Gallimard, 1999.

4. Ibid.

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Introduction

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• La première partie va explorer d’un point de vue théorique les éléments dont nous nous sommes emparés, que sont la culture, l’éducation, le pilotage, pour en arriver à ce que nous nommons la stratégie culturelle.

• La deuxième partie présentera les neuf principes, organisés en trois espaces.

Chacun de ces principes sera exploré sous différentes entrées : d’abord, en dialogue avec un acteur associé, ensuite, d’un point de vue théorique. Nous exposerons, pour achever cette présentation, notre mise en œuvre concrète et les outils que nous proposons.

• La troisième partie s’articulera autour des valeurs fondamentales qui ont nourri notre travail, envisageant le parcours culturel de l’élève par les éléments de sa typologie, sa construction et ses différentes étapes. Pour terminer, nous garderons le concept de territoire apprenant.

Nous invitons donc le lecteur à une plongée dans ce processus qui fait se rencontrer la culture et l’éducation, au cœur de la stratégie culturelle.

La stratégie culturelle en trois temps

Nouveau projet pour l’école, la stratégie culturelle articule trois axes.

1. Les choix d’orientation

La culture est envisagée comme une politique éducative et non plus comme un objectif d’ouverture culturelle ; ce n’est pas « la cerise sur le gâteau ». Elle s’appré- hende donc au niveau global et rassemble ainsi l’ensemble de la communauté éducative élargie autour d’un projet commun ; c’est une démarche, un processus et non un catalogue d’actions.

La stratégie culturelle internalise de ce fait la culture au cœur des apprentissages en lien avec l’extérieur, que ce soit avec les partenaires culturels, associatifs, les struc- tures territoriales ou encore les familles.

2. L’organisation du système

La stratégie culturelle s’organise en neuf principes, qui permettent d’agencer l’exis- tant, de le faire évoluer. Ces principes se déclinent en trois espaces : celui des conte- nus, des savoirs, des compétences en direction des élèves, celui de l’organisation de l’école et enfin celui de la contextualisation de l’action éducative. Différents outils conceptuels et techniques permettent son opérationnalisation.

La stratégie culturelle favorise l’agencement des actions en temps et hors temps scolaire, sur un territoire, pour construire des parcours culturels.

3. Le pilotage du système

Contribuant à la cohésion de l’ensemble de l’action éducative, la culture ainsi envisa- gée comme stratégie se place dans et hors l’école, au même titre que l’éducation. Les pilotes peuvent s’en saisir pour le projet d’école, le projet d’établissement ou encore comme stratégie globale du contrat d’objectifs.

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Première partie

Culture et éducation, un mariage de raison ?

A

fin d’observer et d’analyser les relations entre culture et éducation, nous avons largement exploré les acceptions que d’autres ont pu leur donner. Un long travail de recherche nous a emmenés dans les textes de chercheurs, sur le terrain au plus près des enseignants et des élèves, ailleurs, comme en Finlande lors de notre visite d’étude. Il nous fallait ainsi prendre position et investir une définition pour chacun des deux termes, cela pour faciliter ensuite notre travail.

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1

L’improbable rencontre

L

a culture et l’éducation à l’école, un « mariage de raison » ? L’école a du mal à reconnaître la place éducative de la culture, au profit d’une entrée par connais- sances et savoirs. Le système isole cette entrée culturelle dans quelques disci- plines qui lui sont dédiées. Il faut renforcer et reconnaître la mission culturelle de l’école et celle éducative de la culture, ces deux missions entrant ainsi en résonance dans une coordination et un ancrage fort sur un territoire. L’école doit apprendre à construire avec ses partenaires et la culture. Parce qu’elle ouvre des perspectives multiples sur la société, elle peut devenir un objet fédérateur.

L’approche de l’éducation que nous retenons

Le concept même d’éducation questionne à la fois le citoyen, le chercheur et l’acteur de l’école. Deux conceptions vont s’opposer dans leur démarche ainsi que dans leur étymologie. La première, fondée sur le verbe latin educere, ex-ducere signifiant « conduire hors de », traduit une dynamique de mouvement, voire d’arrachement. Dans ce cas, la vision de l’éducation est d’émanciper le citoyen en l’affranchissant de sa condition initiale. L’école permet alors d’échapper aux déterminismes liés à l’âge et au milieu. Une seconde acception reliée au latin educare, signifiant « élever, nourrir, prendre soin », renvoie non plus à l’arrache- ment mais à son contraire, l’enracinement, comme le souligne le philosophe Alain Kerlan1. Dans ce cas, notre école et l’éducation qu’elle met en œuvre devront choisir un chemin en résonance entre héritages sociaux et mission émancipatrice de l’école. Le savoir scolaire peut-il être le vecteur de cette démarche ? Peut-il être un vecteur pour tous ou seulement pour ceux qui atteindront un niveau suffisant de pertinence dans les savoirs ?

Au printemps 2013, le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République affirme dans son article 3 : « L’éducation est la première priorité nationale. Le service public de l’éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants pour favoriser leur réussite scolaire. Il contribue à l’égalité des chances. Il les prépare à une formation

1. http://alain.kerlan.pagesperso-orange.fr/INDIVIDU_ET_SOCIETE_MR2.htm.

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tout au long de la vie. » Le Code de l’éducation lui-même reste assez général :

« L’éducation est la première priorité nationale… Il contribue à l’égalité des chances. Outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République2. » Si les textes fondateurs de l’école française mentionnent des objectifs comme l’égalité des chances (non précisée dans son contenu) et la transmission des connaissances (les savoirs scolaires ?), ils restent remarquablement flous sur une définition de l’éducation. Le site officiel du ministère de l’Éducation nationale, Éduscol, dans son dossier de présentation de l’enseignement scolaire en France, évoque les grands principes comme la gratuité, puis bascule dans des domaines techniques3. Le tableau souvent évoqué, Instruire – Éduquer – Former, n’a ni défi- nition ni valeur légale. La dialectique entre instruire et éduquer perdure.

Qu’entendons-nous par éducation ? Bernard Charlot définit ce terme comme

« le processus par lequel un petit de l’espèce humaine, inachevé, dépourvu des instincts et des capacités qui lui permettraient de survivre rapidement seul, s’approprie, grâce à la médiation des adultes, un patrimoine humain de savoirs, de pratiques, de formes subjectives, d’œuvres. Cette appropriation lui permet de devenir […] : un être humain, le membre d’une société et d’une communauté et un sujet singulier, absolument original ». Nous retenons particulièrement ce triptyque qui prendra sens plus tard dans notre développement, une éducation répondant à « un triple processus d’humanisation, de socialisation et de singula- risation4 ». Une éducation qui s’assimile à ce processus et qui donne évidemment une place importante à l’accompagnant, et donc aux enseignants.

Nous postulerons ainsi qu’éduquer se conçoit selon trois volets – des valeurs, des outils et des institutions – et retiendrons la définition proposée par Bernard Charlot. Les valeurs sont celles de la République ; les outils regroupent les savoirs, les compétences ; les institutions sont celles de notre société : l’école et ses partenaires.

L’approche de la culture que nous retenons

Il peut paraître illusoire de chercher à définir d’une façon rigoureuse le terme

« culture ». Ce mot a évidemment évolué au cours des années, recouvrant une foule de concepts différents et nous renvoyant à des acceptions qui nous ouvrent un univers trop vaste pour se prêter à une vision univoque. Cependant, nous

2. Code de l’éducation, article L. 111-1, modifié par la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006, art. 1, JORF, 2 avril 2006.

3. http://cache.media.eduscol.education.fr/file/dossiers/07/1/2013_EnseignementScolaire France_244071.pdf.

4. charlot B., Les sciences de l’éducation, Un enjeu, un défi, ESF éditeur, 1995.

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L’improbable rencontre

15 pouvons constater que certaines définitions correspondent à des conceptions assez communes de la culture pour que l’on puisse dire qu’elles sont partagées par une grande partie de la société. Le Grand Robert de la langue française met en tension deux entrées holistiques, « l’ensemble des aspects d’une civilisa- tion » et « l’ensemble des formes acquises de comportement dans les sociétés humaines ». Le Petit Larousse (2004) décrit la culture comme l’« ensemble des usages, des coutumes, des manifestations artistiques, religieuses, intellec- tuelles qui définissent et distinguent un groupe, une société ». Plusieurs sources donnent à la culture le sens suivant : « ensemble des connaissances acquises par un individu. »

Une des premières définitions de ce terme a été avancée par l’anthropologue Edward B. Tylor dans son recueil Primitive Culture publié en 1871. « La culture ou la civilisation, entendue dans son sens ethnographique étendu, est cet ensemble complexe qui comprend les connaissances, les croyances, l’art, le droit, la morale, les coutumes et toutes les autres aptitudes et habitudes qu’acquiert l’homme en tant que membre d’une société5. » Il associait alors le terme culture à celui de civilisation. De cette approche historique, nous pouvons néanmoins noter trois points qui vont venir nourrir notre réflexion et nous aider à définir plus précisé- ment ce terme :

– cette définition du mot culture, présentée sous la forme d’une énumération, regroupe donc un ensemble de faits exposés, observés qui peuvent être modifiés, complétés, et qui évoluent dans le temps. Cet aspect évolutif, en mouvement est un élément important à noter ;

– la culture n’est pas héritée génétiquement, elle est toujours un apprentis- sage dont chacun va s’emparer et faire sien ;

– elle est le résultat de la vie sociale, sans société nous ne pouvons avoir de culture. Elle nous renvoie forcément à un groupe humain. Il est ainsi possible de catégoriser au sens courant des cultures, comme par exemple la culture populaire, africaine, artistique… Mais ces catégories nous renvoient toujours à des segments particuliers d’une société, relevant d’un genre, d’un pays ou encore d’une approche plus technique.

Cette analyse de la définition de Tylor nous enseigne que la culture inclut tous les aspects de la vie et pas seulement les connaissances que l’on possède ; elle nous renvoie au monde qui nous entoure comme un ensemble humain et vivant.

Il nous a semblé également intéressant de nous pencher sur la polysémie du terme culture, afin de pouvoir en dégager une orientation qui guidera l’ensemble de notre propos. Jean-Claude Forquin, dans son livre École et culture, nous

5. tylor E. B., La civilisation primitive, volume 2, traduction BarBier E., C. Reinwald et Cie, 1876- 1878.

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La culture au cœur des apprentissages

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propose cinq acceptions possibles. En premier, la conception philosophique oppose la nature à la culture. Un second sens correspond à l’idée habituelle que nous nous faisons de l’homme cultivé et désigne les caractéristiques souhaitées qu’il doit acquérir, « c’est-à-dire la possession d’un large éventail de connais- sances et de compétences cognitives générales6… » Ensuite, nous retrouvons l’acception proposée par les sciences sociales, sociologie et anthropologie ; cette proposition fait référence aux traits spécifiques d’une société, d’une communauté ou d’un groupe à une époque donnée quant à leur mode de vie. La culture patri- moniale constitue le quatrième type de référent et renvoie à l’héritage collectif, intellectuel et spirituel légué par un groupe ethnique et définissant l’identité de ce groupe, avec la volonté de distinguer sa culture personnelle d’appartenance des cultures proches. Enfin, la cinquième acceptation ouvre à l’universalité en recherchant ce qui unit, à la différence de la précédente proposition qui mettait en avant ce qui pouvait séparer. Cette dernière acception donne à la culture toute sa valeur universelle, transcendant ainsi les frontières et les particularismes des pensées, prônant une mémoire commune et une dimension universelle.

Nous avons donc choisi pour notre réflexion la définition adoptée par l’Organi- sation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) : « La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances7. »

Dans notre société occidentale, la culture peut apparaître comme un objet à posséder afin d’accéder à une élite. Hannah Arendt évoquait déjà cette dérive :

« Le Philistin méprisa d’abord les objets culturels comme inutiles, jusqu’à ce que le Philistin cultivé s’en saisisse comme d’une monnaie avec laquelle il acheta une position supérieure dans la société, ou acquit un niveau supérieur dans sa propre estime – supérieur, c’est-à-dire supérieur à ce qui dans son opinion personnelle lui revenait par nature, ou par naissance8. » Il nous faut refuser cette culture

« faite d’accumulation de biens ou des signes de distinction9 », l’école n’a pas vocation à nourrir les Philistins de notre société. Cette forme de culture ne peut être la seule finalité de l’être. Celui-ci doit « “faire de sa vie une œuvre à travers le métier de vivre”. Dans cette problématique de l’être, le sujet se pose dans son

6. Forquin J.-C., École et culture, Le point de vue des sociologues britanniques, De Boeck, 1996.

7. Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles. Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico City, 26 juillet-6 août 1982.

8. arendt H., La crise de la culture, Folio essais, 2010.

9. caune J., La démocratisation culturelle, Une médiation à bout de souffle, PUG, 2006.

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L’improbable rencontre

17 rapport à l’autre et se construit à la fois dans sa singularité et dans son apparte- nance à un Nous constitué par un partage de valeurs et de sensibilités. La culture est ce qui permet de partager avec l’autre une vision de l’environnement social et un système de reconnaissance réciproque10 ».

Même si notre choix s’est fixé sur une définition qui semble nous offrir les dimensions recherchées, nous nous apercevons par ces propos liminaires de cette difficulté évidente à stabiliser le terme. Au-delà de l’objet culturel, la culture apparaît aussi et surtout comme un rapport à l’autre, aux autres, et offre ainsi une infinité de possibles. Nous achèverons ce rapide survol des acceptions relatives à ce mot en citant André Malraux : « Tout le destin de ce que les hommes ont mis sous le mot culture tient en une seule idée : transformer le destin en conscience ; fatalités biologiques, économiques, sociales, psychologiques, fatalités de toutes sortes, les concevoir d’abord pour les posséder ensuite. Non pas changer un inventaire en un autre, mais étendre jusqu’aux limites des connaissances humaines la matière dans laquelle l’homme puise, pour devenir davantage un homme, la possibilité infinie des réponses aux questions vitales11. »

Définir la culture dans la stratégie culturelle

Nous avons acté depuis de nombreuses années la place des pratiques artis- tiques et culturelles :

« À l’école, au collège puis au lycée, l’éducation artistique apporte des connaissances indispensables à la formation culturelle des élèves. Elle permet de développer une approche sensible et critique du monde conjuguant plusieurs qualités : la sensibilité aux œuvres et à leurs contextes, l’approche cognitive des langages et le développement de pratiques expressives. Elle contribue à la construction progressive de l’identité sociale, civique et culturelle, tout en mobilisant et développant l’initiative et l’autonomie des élèves. Elle construit enfin nombre de repères qui fondent la culture humaniste12. »

Dans la stratégie culturelle, la culture ne peut être réduite au seul volet artis- tique et culturel. Elle y occupe une autre place, une place plus centrale, plus intimement liée au fonctionnement de l’établissement et à l’acte d’éduquer. La culture est en résonance avec d’autres éléments, comme par exemple les disci- plines scolaires, qu’elle vient en quelque sorte compléter, améliorer, enrichir.

L’ensemble des disciplines scolaires possède un fondement culturel, elles sont

10. caune J., op. cit.

11. Malraux A., Discours « Sur l’héritage culturel » le 21 juin 1936, La politique, la culture, Folio essais, 10 février 2009.

12. « Les dimensions artistique et culturelle des projets d’école et d’établissement », circulaire n° 2007-022 du 22 janvier 2007.

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toutes issues d’un questionnement sur le monde ; c’est cette approche anthro- pologique de la culture qu’il nous semble important de favoriser. Comme le dit Philippe Meirieu, « il ne s’agit pas ici de la culture-programme, recueil de vestiges périmés dont la connaissance allusive permet de se distinguer dans le champ social13 », mais nous parlons bien ici d’une culture qui va permettre à l’enfant de comprendre, d’interroger le monde, des ressources qu’il pourra aller puiser dans des savoirs scolaires, mais aussi dans des œuvres qu’elles soient plastiques, littéraires ou musicales, des démarches collectives profondément humaines. La culture est au centre, au cœur même de cet acte d’éduquer. Il y a donc une diffé- rence fondamentale avec le volet artistique et culturel qui n’est, en fait, qu’un catalogue d’actions.

Nous partageons ainsi la notion de culture aux côtés de Bernard Charlot, par cette réponse au triptyque sur l’éducation : « L’éducation est culture14. » L’éducation est culture, parce que l’éducation est « humanisation » ; elle permet l’entrée dans un univers de signes, de symboles, elle permet ainsi la construction du sens. L’éducation est culture parce qu’elle est « socialisation », « parce que personne ne peut s’approprier le patrimoine dans son intégralité et que forcé- ment on va entrer dans un groupe de culture ». L’éducation est culture parce qu’elle est « singularisation » car elle est « un mouvement par lequel je me cultive, j’entre dans la culture, ma propre culture, je deviens singulier, je me nourris aussi par la culture des autres ».

Nous choisissons une approche de la culture plus large et globalisante que la culture élitiste souvent mise en avant. Nous prenons un exemple courant dans le cadre d’un séjour à l’étranger, en l’occurrence à Istanbul. L’enseignant construira certainement son cheminement autour de grands lieux historiques et patrimo- niaux et étudiera la Mosquée bleue, la cathédrale Sainte-Sophie et le palais de Topkapi. Ces références ne sont pas oubliées mais Istanbul ne peut se résumer à ce patrimoine historique classé. Istanbul est aussi une ville vivante, composée certes d’édifices prestigieux mais tout autant d’habitants. Ainsi, un Français pourrait-il trouver satisfaisant qu’un étranger pense comprendre la France et la culture française en venant à Paris visiter la tour Eiffel, le Louvre et le musée de Cluny ? Peut-on réduire une société, un pays à ses seuls monuments patrimoniaux et à la symbolique que l’époque leur donne ?

Traditionnellement, le professeur étudiera la Mosquée bleue (ou Sultanahmet Camii) selon plusieurs entrées : patrimoine, histoire ou histoire des arts. Cette approche, pour intéressante qu’elle soit, n’est pas suffisante dans le cadre d’un

13. Meirieu Ph., Pédagogie : des lieux communs aux concepts clés, ESF éditeur, 2013.

14. charlot B., Conférences générales du premier Forum mondial de l’éducation de Porto Alegre, conférence faite en portugais le 26 octobre 2001.

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