2013 SCIENCES PO TOULOUSE
MÉMOIRE PROFESSIONNEL PRESENTÉ
PAR M. OSCAR CHALÁ RUIZ
DIRECTEUR DE MÉMOIRE:
M. JEAN-‐MARC DÉCAUDIN
L'IMPACT DU NUMÉRIQUE SUR LES STRATÉGIES DIGITALES DES GRANDES MARQUES DU
LUXE ET DE LA HAUTE COUTURE
I. INTRODUCTION 5
II. LE LUXE, LE POUVOIR DU SUBJECTIF 7
III. QU'EST CE QU'UNE MARQUE DE LUXE ? 8
IV. QUI SONT LES PRINCIPAUX ACTEURS DE LA HAUTE COUTURE ET LE LUXE EN
FRANCE ET DANS LE MONDE? 10
1. LVMH 10
2. KERING 11
V. QUI SONT LES CONSOMMATEURS DU LUXE? 13
VI. LES STRATEGIES DE MARKETING DE LA HAUTE COUTURE ET DU LUXE 15
1. LES STRATÉGIES « CLASSIQUES » DE MARKETING DE LUXE 15 2. INTERNET, LA NOUVELLE FRONTIÈRE À CONQUÉRIR POUR LES MARQUES DE LA HAUTE
COUTURE ET DU LUXE 17
VII. LA HAUTE COUTURE ET LE LUXE, DANS L'ERE DU DIGITAL 18
1. LES « NATIFS DU NUMÉRIQUE », ACTEURS À PART ENTIÈRE DE L’UNIVERS DIGITAL 18 2. LE MODÈLE DE VENTE EN LIGNE, UN RELAIS POUR LES TECHNIQUES TRADITIONNELLES DE
VENTE 19
VIII. QUELS SONT LES OUTILS DIGITAUX UTILISÉS PAR LE LUXE ? 21
1. LES SITES WEB OFFICIELS 21
2. LA TENDANCE DES MINI-‐SITES TEMPORAIRES 22
3. LES MAGAZINES EN LIGNE 23
4. LA « CULTURE DU BUZZ », UNE PUISSANTE TENDANCE VIRALE. 24
5. LES WEB-‐SÉRIES 27
6. LE STORYTELLING 29
IX. LE LUXE ET LES MÉDIAS SOCIAUX 33
1. LA DIGITALISATION DES RÉSEAUX SOCIAUX 33
2. LE BLOG OFFICIEL DE LA MARQUE 35
3. LE PHÉNOMÈNE DE LA SOCIAL CULTURE 39
4. LE CHOIX DES BONS RÉSEAUX SOCIAUX 40
5. LA VAGUE DIGITALE DE FACEBOOK 43
6. LE FLUX TENDU SUR TWITTER 47
7. LA RÉVOLUTION INSTAGRAM 49
8. YOUTUBE ET VIMEO, LES FOYERS DU BUZZ MONDIAL 51
9. LES FASHION 2.0 AWARDS 53
X. L'ENJEU DES TECHNOLOGIES MOBILES POUR LES MARQUES DE LUXE 54
1. MARQUE DE LUXE ET APPLICATION MOBILE 54
2. LE SOLOMO, ET LA CONSTRUCTION DE RÉSEAUX SOCIAUX DE PROXIMITÉ 56 3. LE « DARWINISME DIGITAL », NOUVELLE BATAILLE DE LA SURVIE D’UNE MARQUE 56
XI. LUXE ET E-‐COMMERCE 57
1. LA REMISE EN CAUSE DES MODES DE DISTRIBUTION TRADITIONNELS 58
2. OPTIMISATION DE L’EXPÉRIENCE UTILISATEUR 59
XII. CONCLUSION 60
I. INTRODUCTION
Croissance du digital.
Avec des conditions d’accès plus faciles, à toutes les fonctionnalités du Web et des technologies digitales, la sphère digitale, a connu depuis la fin des années 1990 une très forte évolution. Depuis 2003, la sphère digitale avec sa pointe de fer, internet, se trouve dans une nouvelle « phase » de sa croissance et évolution, connue comme le Web 2.0. Le web 2.0 désigne généralement le "web nouvelle génération" ; c’est-‐à-‐dire l’ensemble des fonctionnalités communautaires et collaboratives (blogs, avis des consommateurs, flux RSS, plateformes d’échanges vidéo, etc.) qui se sont fortement développées sur Internet à partir de l’année 2005.1
La digitalisation des activités, des habitudes de consommation, de l’information et des renseignements ; ainsi que les pratiques de participation et intégration au sein de véritables communautés digitales, est bien une réalité moderne. Et les marques et entreprises de nombreux secteurs, se mettent progressivement au pas de cette évolution accélérée des moyens de communication.
Comme l’affirme Sylvie Gillibert -‐ intervenante référente du programme Communication et création numérique de l’ISCOM (Grande École de Communication et Publicité) : « Internet et le web 2.0 ont permis au consommateur de s’insérer davantage dans la vie des marques et des entreprises, forçant ainsi le marketing et les marketeurs à porter sur lui un nouveau regard et à reconsidérer le lien que les marques doivent ou peuvent entretenir avec leurs cibles. La qualité de la relation Marque-‐Consommateur est plus que jamais au cœur du nouveau marketing. »
Le développement d’une activité traditionnelle comme née sur le Web, semble être indispensable, voire incontournable, afin d’exister dans l’esprit des consommateurs et capter d’importantes parts de marché. Le Digital est perçu par certains comme un canal de communication en plus, prêt à être absorbé.
Jadis considérés comme incompatibles, nombreux sont les articles et études qui analysent l’entrée progressive des marques du luxe et de la haute couture dans le monde digital ; et comment ces deux mondes, se retrouvent et collaborent à présent.
Avec l’essor et croissance exponentiels de l’e-‐commerce, nombreuses entreprises et marques se retrouvent dans une course effrénée vers la conquête de ce nouveau terrain médiatique : le numérique. Comme le montrent bien les chiffres de l’e-‐commerce publié par la FEVAD (Fédération E-‐commerce et Vente A Distance), la France comptait 31 millions d’acheteurs en ligne en 2012, sur 40,2 millions d’internautes ; ce qui veut dire qu’en 2012 en France 77% des internautes ont effectué, au moins, un achat en ligne. Pour ce qui est du poids des secteurs qui nous intéressent pour la suite de notre étude, l’habillement, les chaussures et les accessoires représentent 9% des parts du commerce en ligne. Et bien que la France présente des chiffres élevés dans l’e-‐commerce, c’est loin d’être le premier pays où ce commerce se développe, ce qui montre que le cas de la France n’est pas unique, ni isolé, mais plutôt le reflet d’une tendance commerciale globale.
1Source : Définitions Webmarketing Encyclopédie.
Quelques généralités sur la digitalisation et son impact général sur les pratiques de marketing dans le secteur de la haute couture et du luxe.
Les expériences numériques – Actuellement avec la multitude de moyens qu’offre le web afin d’immerger les internautes dans des expériences numériques inédites, les opportunités et développements sont pratiquement illimités ; ou du moins, perçues comme telles. Internet et les technologies mobiles apparaissent progressivement comme des moyens de communication très puissants, offrant des opportunités infinies de communication à travers des méthodes aussi innovatrices que l’élimination de barrières physiques, temporelles ou même l’intégration d’une réalité parallèle – à travers la réalité augmentée ; et repoussent chaque jour davantage les limites de notre quotidien.
D’après les chiffres publiés par l’Agence NiceToMeetYou dans leur rapport « Les enjeux du numérique à horizon 2017 » -‐ 84% des décideurs interrogés considèrent que les décisions portant sur l’engagement de leur entreprise dans des solutions numériques sont stratégiques et que les principaux bénéfices en seront : « une progression de nouvelles manières de travailler : mobilité, télétravail… ; des échanges plus riches et plus fréquents avec les parties prenantes : clients, prestataires, partenaires… ».
Par ailleurs, le poids du digital et internet sur l’activité des entreprises devient tellement important, que des nouveaux «profils du digital » se dessinent au sein de la structure et la hiérarchie décisionnelle des entreprises et marques présentes sur le numérique. D’après une étude OPINION WAY pour Microsoft, effectuée du 10/12/2012 au 18/01/2013 auprès de 351
«Responsables d’affaires » (DG, DRH, Dircom, DAF, Direction marketing, commerciale, etc.) dans des entreprises de 250 salariés et plus, on distingue 4 catégories de profils de décideurs : « Le réticent (« peu technophile, futur quinquagénaire, il travaille le plus souvent dans une grande entreprise qui a déjà intégré le numérique. Frileux quant aux enjeux numériques pour les 5 prochaines années, il craint la transformation du business model et des nouvelles pratiques professionnelles”), le spectateur (Il travaille dans une entreprise « traditionnelle », encore peu impliquée dans le digital. Peu technophile, il est au début ou à la fin de sa carrière et il attend de voir les changements qui apparaitront dans le processus de prise de décisions et le business model), l’enthousiaste (plutôt technophile dans une entreprise qui ne l’est pas tout à fait, il fait partie des décideurs « digitaux ». La quarantaine, il a encore une vision généreuse du numérique : celle de faciliter les échanges, de collaboration et de partage) et l’influenceur (Il incarne la posture de manager digital dans une entreprise digitale. Plus présent dans les services de communication et marketing ; il maîtrise la technique, utilise les réseaux, et cherche l’efficacité. ROIste jusqu’au bout, il fait du numérique un enjeu économique pour son entreprise) ».
Ces constats et évolutions de la sphère digitale, et son influence croissante sur l’environnement commercial et structurel des marques du monde entier, nous emmène à nous interroger : comment l’organisation marketing des marques de luxe et de la haute couture évolue-‐t-‐elle, du fait de la croissance du digital ?
Les pratiques de marketing des entreprises du luxe et de la haute couture se sont transformées et adaptées au commerce électronique, du fait des nouveaux modes de communication, l’essor de l’e-‐commerce, et de l’influence croissante donnée à l’e-‐réputation.
Les nouvelles évolutions de la sphère digitale, et les NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication), ont apporté des nouveaux canaux de distribution et de promotion des produits de luxe ; ainsi que l’accès à une population plus vaste de consommateurs (grâce aux nouveaux marchés résultant des innovations des instruments de diffusion). Ces évolutions ont emmené les marques du luxe et de la haute couture à modifier ou adapter leurs approches
II. LE LUXE, LE POUVOIR DU SUBJECTIF
Qu’est-‐ce que le luxe? A l’origine, le luxe était perçu comme le résultat d’une construction sociale hiérarchisée, stratifiée. Actuellement, dans la perception généralisée, le luxe apparait pour certains comme un concept associé avec la sophistication, le raffinement, et souvent, un signe de distinction. Selon cette perception, le luxe représenterait notamment la capacité à se procurer un certain bien, un service, une destination ou tout élément qui pourrait être mis dans une catégorie de « traitements spéciaux ». Pour les uns c’est un élément de convoitise, un point à atteindre ; pour les autres, c’est leur façon de s’exprimer, se différencier. « Le terme de luxe évoque spontanément l’inaccessibilité, les modes de vie des riches, des biens et des possessions chers, et des services personnalisés coûteux », J.N. Kapferer et V. Bastien, Luxe Oblige. Une définition que J.N Kapferer et V. Bastien présentent comme le « luxe absolu ». Cependant, et comme le montrent bien aussi ces deux auteurs ; on ne peut pas parler d’un luxe. Le luxe est une notion subjective, attachée aux valeurs, à la perspective et aux goûts de chaque individu, qui modèle le luxe selon sa vision.
Suite à l’élaboration de certaines gammes de produits et créations faites par des « grands designers », certains produits des marques de luxe sont devenus plus facilement accessibles à un vaste nombre d’individus ; et par là, l’accès à des biens de luxe, et surtout, aux symboles du luxe.
Avec cet accès accru aux produits de luxe, le terme de luxe a connu un fort développement de son champ sémantique ; phénomène qui a donné naissance a des termes tels que « masstige » (prestige de masse), Cette « dispersion du luxe » (J.N. Kapferer et V. Bastien, Luxe Oblige) est couramment connue comme une « démocratisation du luxe » ; une phénomène qui semblerait être un produit social, propre aux dynamiques sociales. Ceci dit, il faut bien tenir en compte de la nature même du luxe, en tant que code et symbole d’une stratification sociale ; et par là, le fait que la démocratisation du luxe n’entraîne pas une vulgarisation de ce dernier, mais un élargissement de la population qui a accès au luxe.
Cependant, comme le précisent Jean-‐Noël Kaprferer et Vincent Bastien dans leur ouvrage « Luxe oblige » : « le luxe exprime une façon différente et globale de comprendre un client et de gérer un business » ; et n’exprime donc pas seulement l’accès à des gammes « supérieures » de produits, ce qui serait plutôt rapproché de la notion de « chic ». Le luxe exprimerait aussi, et surtout, l’accès à une culture dans la culture. Le luxe traduit un ensemble de codes, règles et symboles propres d’un élément social. Lorsqu’un individu achète un bien de luxe, il n’achète pas seulement le bien matériel, mais aussi le langage symbolique, les codes culturels propres à la culture de laquelle la Maison de création, elle-‐même, est issue. « Le bien de luxe est enraciné dans une culture […]
sociologique, philosophique et géographiquement» (J.N. Kapferer et V. Bastien, Luxe Oblige). Un exemple de cet enracinement du luxe dans sa culture d’origine peut être la marque Dior, issue de la culture française, et dont le savoir-‐faire et héritage obtiennent leur distinction et légitimité de cette culture où est née la marque.
Ainsi, le luxe se détache des rapprochements à une certaine catégorie de biens ou le besoin de se distinguer, pour nous dévoiler sa vraie nature en tant qu’une véritable culture ; une culture qui s’est nourri d’histoire, tradition et savoir-‐faire. La culture du luxe trouve ses origines dans la nature même des Hommes qui, traditionnellement organisés en hiérarchies sociales, ont développé des groupes « dominants » qui se distinguaient souvent du reste de la population par des symboles.
Ceci bien sûr, ayant comme implication que des différentes définitions sociales du luxe peuvent exister, en tenant en compte des spécificités et particularités d’une société ; ses mœurs, ses valeurs, son structure sociale et ses symboles sociaux. Le luxe s’inscrit ainsi, depuis plusieurs
siècles sur ces dynamiques sociales de distinction, de codes et règles bien précises, et enrichi par des symboles forts. « Le luxe consiste dans l’élévation » (J.N. Kapferer et V. Bastien, Luxe Oblige).
Le luxe se définira ainsi par son esthétisme, mais aussi par la relation avec l’individu. En effet, le luxe est une perception relative à chaque individu, et par conséquent, une notion subjective qui dépend des codes et symboles d’élévation propres à chaque individu. Le luxe et le pouvoir du luxe résident dans le désir individuel, dans la subjectivité de nos désirs ; et par conséquent, les produits de luxe se définiront à travers leur valeur d’usage, d’expérience, plus que par leur valeur monétaire. La valeur du luxe réside dans ses symboles et la transmission d’un code social.
La notion de luxe s’inscrit aussi dans le temps et les modes de vie de la société environnante. Ainsi, les marques de luxe, ayant des repères historiques anciens et une tradition qui peut parfois dater de plusieurs siècles, joueront sur cette notion du temps dans le luxe pour adapter leurs stratégies à leur époque, tout en légitimant la nature « de luxe » de ses créations et des codes que la marque véhicule. C’est grâce à cette caractéristique « intemporelle » que les produits de luxe se distinguent des produits « à la mode ». Les produits de luxe sont des biens durables qui vont au-‐
delà des tendances d’une époque, grâce aux symboles historiques et pérennes, qui sont inscrits dans ces créations.
Ce dernier point, en spécial, nous permet d’aller plus loin dans notre analyse de l’univers du luxe et de la haute couture ; et attire notre attention vers l’un des éléments les plus importants au moment de définir les frontières, parfois très fines, de l’univers du luxe. Cet élément sont les marques du luxe.
III. QU'EST CE QU'UNE MARQUE DE LUXE ?
L’industrie du luxe telle que on la connaît aujourd’hui est vraiment née après la Seconde Guerre Mondiale, lors d’une période de reconstruction économique et sociale à laquelle s’ensuivirent des périodes de forte croissance économique. Si bien les Grandes Maisons du luxe, dans des secteurs variés, sont nées à la fin du 19e siècle, le développement de l’industrie du luxe vint avec l’après-‐
guerre.
La marque de luxe se construit comme un produit culturel, fortement encastré dans des symboles sociaux qui vont définir les codes propres à la marque. Elle ne se définit par seulement par le esthétisme de ses créations mais par la tradition et les valeurs qui sont transmises dans chaque création. Sociologiquement, les individus rechercheront à élever la marque de luxe au-‐dessus des autres marques afin de recréer cette stratification dont une grande partie de la population a besoin, afin d’établir des critères et codes de différenciation. La marque de luxe est l’un des vecteurs qui permettent aux individus de reproduire certains codes qui leur permettront
« l’élévation ».
Par conséquent, il semble important de marquer une différence entre les marques de luxe et les marques de mode. La différence essentielle est que le luxe, comme on l’a déjà expliqué plus tôt dans l’étude, relève d’une construction sociale par laquelle les individus (ou groupes d’individus) cherchent à établir une stratification sociale à travers des codes et valeurs précis; le luxe est subjectif ; propre aux désirs de chacun. D’autre part, la mode relève plus d’une tendance, plus ou moins éphémère, qui exprime le besoin d’exposer « publiquement » l’appartenance à une certaine catégorie sociale, à un mouvement ou à un groupe social.
Ainsi, les marques de luxe se positionneront selon un système de codes et valeurs bien précis, encastrés dans leur histoire et les constructions sociales historiques propres à la Maison de luxe.
De la même manière, les marques de luxe se distinguent des marques « Premium ». Ces dernières se caractérisent par des produits de haute qualité avec une forte utilité fonctionnelle ; des produits qui permettront à l’individu de montrer son « rang » dans la société. Le luxe d’autre part, se caractérise par une véritable utilité d’usage, une utilité symbolique « qui s’inscrit plutôt dans l’ordre de l’héritage, d’une distinction sociale ».2
De cette façon, on distingue bien une différence entre les marques de luxe et les marques Premium. Malgré le fait que dans certains cas les frontières pour distinguer ces marques soient floues. Par exemple en termes de diversification des produits ; une marque de luxe, riche en histoire et stratégie pourra opter pour la création et distribution de produits « de qualité supérieure » (Premium) portant le logo ou signes distinctifs de la marque. Ces produits porteront les valeurs de la maison, mais la « perte » de leur nature incomparable ou rare impliquera aussi une perte de leur nature en tant que bien de luxe. Cette approche commerciale relève plus des objectifs de rentabilité financière de l’entreprise, plus qu’une transmission de codes culturels. Ainsi, ces produits seront considérés comme des produits Premium.
Ainsi, en plus de leur construction différente, on constate qu’une différence dans les logiques commerciales et de positionnement, créent aussi une distinction entre les marques de luxe, les marques de mode et les marques Premium.
Triangle de positionnement des marques du luxe, de la mode et des marques Premium
Source : J.N Kapferer et Vincent Bastien, Luxe oblige (The Luxury Strategy).
2 Source : J.N. Kapferer et V. Bastien, Luxe Oblige.
Afin de mieux comprendre la différence entre les marques de luxe et les marques Premium et les marques de mode ; et mieux comprendre le positionnement des plus grandes marques de luxe, on peut reprendre les six critères de distinction du luxe, énoncés par Kapferer (1998) et Barnier, Falcy et Valette-‐Florence (2012). Les six critères qui définissent une marque de luxe et ses produits sont :
• « Une expérience hédoniste de haute qualité ou produit pérenne ;
• Un prix qui excède sa pure valeur fonctionnelle ;
• Lien fort avec l’héritage, savoir-‐faire et culture propres à la marque ;
• Disponibilité délibérément réduite et contrôlée ;
• Personnalisation des services dérivés ;
• Représentation et symbole social ; offrant à l’utilisateur une expérience de distinction ».
IV. QUI SONT LES PRINCIPAUX ACTEURS DE LA HAUTE COUTURE ET LE LUXE EN FRANCE ET DANS LE MONDE?
Parmi les principaux acteurs de la haute couture et le luxe en France et dans le monde, deux grands groupes se distinguent. Le premier, le groupe LVMH (Moët Hennessy Louis Vuitton) ; et le deuxième : le groupe Kering (ancien PPR – Pinault-‐Printemps-‐Redoute).
1. LVMH
LVMH est reconnu comme le leader mondial des produits de haute qualité, LVMH Moët Hennessy -‐ Louis Vuitton dispose d'un portefeuille unique de plus de 60 marques prestigieuses. Le Groupe est présent dans cinq secteurs d'activités : Vins & Spiritueux, Mode & Maroquinerie, Parfum &
Cosmétiques, Montres & Joaillerie, et la Distribution Sélective.
Grâce à sa politique de développement des marques et à l'expansion de son réseau de distribution international (plus de 3 000 magasins à travers le monde), LVMH s'inscrit, depuis sa création en 1987, dans une dynamique de croissance forte. Actuellement, le groupe compte près de 100 000 collaborateurs, dont 79 % basés hors de France. Le lien fort les unissant étant le partage des valeurs du Groupe.
« Outre son action en matière de développement du capital humain, dont la LVMH House et la Chaire LVMH-‐ESSEC sont des exemples, le groupe LVMH conduit de multiples initiatives dans le cadre de son engagement pour la protection de l'environnement. Fidèle à sa vocation de mécène, le Groupe s'implique également dans les domaines de la culture et du patrimoine, de l'action humanitaire et de l'éducation et apporte son soutien aux jeunes créateurs » (Source : Site officiel du groupe LVMH – Présentation institutionnelle).
La mission du groupe LVMH est d'être l'ambassadeur de l'art de vivre occidental en ce qu'il a de plus raffiné. LVMH veut symboliser l'élégance et la créativité. Ils veulent apporter du rêve dans la vie par leurs produits et par la culture qu'ils représentent, alliant tradition et modernité.
Dans ce cadre, cinq impératifs constituent des valeurs fondamentales partagées par tous les acteurs du groupe LVMH : la créativité et l’innovation, la recherche de l'excellence dans ses produits, la conservation passionnée de l'image des marques du groupe, le développement de l’esprit d’entreprise, et la volonté d’atteindre l’excellence.
Les sociétés du Groupe exercent des métiers riches en création. Elles visent en conséquence à attirer les meilleurs créateurs, à leur donner les moyens de s'épanouir, à les imprégner de la culture des marques, et à leur permettre de créer dans la plus grande liberté.
L'innovation technologique joue un rôle tout aussi essentiel au sein du Groupe : c'est en effet sur le travail de ses équipes de chercheurs que repose la réussite de nouveaux produits. Dans cette optique là, en 2010, le Groupe LVMH a également défini et adopté des principes pour le marketing on-‐line de l'ensemble de ses Maisons, en cohérence avec les recommandations de la Fédération Internationale des Annonceurs.
Plus précisément, dans le secteur de la mode, la Maison Louis Vuitton se distingue à travers de ses 13 marques, de renommée internationale: Louis Vuitton Malletier (créée en 1854 ; malletier, maroquinerie, prêt-‐à-‐porter, souliers, horlogerie, joaillerie, accessoires, lunettes de soleil, éditions), Céline (créée en 1945 ; Prêt-‐à-‐porter, maroquinerie, souliers et accessoires), Loewe (créée en 1846 ; Maroquinerie, prêt-‐à-‐porter, accessoires, fragrances), Berluti, Kenzo, Givenchy, Marc Jacobs, Fendi, Emilio Pucci, Thomas Pink, Donna Karan, Edun et NOWNESS.
Louis Vuitton, malletier à Paris depuis 1854, a bâti sa légende autour du voyage en créant des bagages, sacs et accessoires aussi novateurs qu'élégants et pratiques. Un siècle et demi après, la légende demeure, doublée d'une renommée internationale, à l'image de la toile Monogram qui depuis 1896 connaît un grand succès et figure parmi les éléments fondateurs du luxe moderne.
Selon les paroles des dirigeants du groupe : « L'innovation rythme l'histoire de Louis Vuitton ».
Toujours à l'avant-‐garde de la création, sans jamais renier son savoir-‐faire artisanal, Louis Vuitton a investi ces nouveaux domaines d'expression que sont le prêt-‐à-‐porter, les souliers, les montres et la joaillerie. Sous la direction artistique de Marc Jacobs, le succès ne s'est pas fait attendre, et la reconnaissance a été immédiate.
D’autre part, l’innovation dont sont imprégnées les créations du groupe n’exclut pas, évidement, la tradition de la marque. La Maison est associée à de grands événements qui traduisent son goût de l'excellence. Un exemple de cette portée de la culture du groupe Louis Vuitton, parmi les
« initiés » au luxe, est le concours Louis Vuitton Classic : le rendez-‐vous incontournable des collectionneurs d'automobiles du monde entier.
En perpétuelle expansion, Louis Vuitton compte aujourd'hui dix sept ateliers de production, un centre international de logistique et un réseau de magasins exclusifs partout dans le monde.3
2. KERING
Fondé en 1963 par François Pinault autour des métiers du bois et des matériaux de construction, l’ancien groupe PPR s'est positionné à partir du milieu des années quatre-‐vingt-‐dix sur le secteur de la Distribution, devenant rapidement l'un des premiers acteurs dans ce domaine.
La prise d'une participation de contrôle dans Gucci en 1999 et la formation d'un groupe de Luxe multimarque ont marqué une nouvelle étape dans le développement du Groupe ; avec les acquisitions par Gucci Group d'Yves Saint Laurent, d'YSL Beauté et de Sergio Rossi. En 2001, le Groupe a saisit une nouvelle opportunité de croissance dans le secteur du luxe lorsqu’il a fait l’acquisition des marques Bottega Veneta et Balenciaga, et a signé des accords de partenariat avec les grands créateurs Stella McCartney et Alexander McQueen.
3 Source : site officiel du groupe LVMH -‐ www.lvmh.fr
En Août 2012 les activités du Groupe prennent un tournant important lorsqu’ils créent une joint-‐
venture avec Yoox S.p.A, dédiée à la vente en ligne pour plusieurs marques du Pôle Luxe; et s’insèrent solidement dans la sphère digitale.
La plus récente action de développement du Groupe dans l’univers du luxe a été l’acquisition de 51% de la marque de designer de luxe “Christopher Kane”; ainsi que l’annonce en Mars 2013 : du changement du nom du groupe PPR qui est désormais connu comme KERING. Ce changement de nom s’inscrit dans un projet et une volonté plus vaste de changer l’identité du groupe ; et par là, les valeurs et culture qu’ils veulent transmettre à travers de ses produits et leur univers.
Kering se prononce « caring » et s’interprète comme tel. Ce nouveau nom symbolise la manière unique dont le groupe prend soin de ses marques, de ses collaborateurs, de ses clients, de ses parties-‐prenantes et de l’environnement.
Actuellement, Kering est un leader mondial de l’habillement et des accessoires qui développe un ensemble de marques puissantes comme : Gucci, Bottega Veneta, Saint Laurent, Alexander McQueen, Balenciaga, Brioni, Christopher Kane, Stella McCartney, Sergio Rossi, Boucheron, Girard-‐Perregaux, Jeanrichard, Qeelin.
Les marques du groupe Kering sont complémentaires et toutes dotées d’un fort potentiel de croissance organique. Reconnues au niveau international, elles sont profondément attachées à leurs racines et fidèles à leurs valeurs distinctives. Par exemple, la marque Balenciaga, une marque de haute couture fondée en 1914 par le designer Basque, Cristóbal Balenciaga, a depuis sa création, été imprégnée de valeurs d’innovation, de créativité et modernisme, qui s’alliaient avec un forte tradition dans la couture.
Selon les sources officielles du groupe, la mission de ce dernier serait « de permettre à ses clients d’exprimer leur personnalité à travers ses produits, de réaliser leurs rêves et de s’épanouir ».
La stratégie de Kering se fonde principalement sur la croissance organique de ses marques de luxe et de sport & lifestyle: expansion vers de nouveaux marchés, renforcement de leur présence sur les marchés matures, et développement des réseaux et canaux de distribution, y compris le e-‐
commerce.
Parallèlement, des acquisitions, répondant à des critères stricts, portant sur des entités de taille petite ou moyenne et présentant des perspectives d’évolution prometteuses, renforceront et complèteront le portefeuille actuel de marques détenu par le groupe.
Chacune des marques du groupe bénéficie d’un fort degré d’autonomie et de responsabilité afin de préserver sa liberté de création, sa stratégie en matière de produits et de sourcing ainsi que son image et son positionnement. Parallèlement, au niveau du Groupe, se définissent les lignes directrices qui encadrent le développement des marques et assurent la cohérence au sein de leurs activités.4
Kering place le digital au cœur de sa stratégie et veut faire la course en tête. Une direction du e-‐
business a été créée au niveau du Groupe dont l’objet est de partager les meilleures pratiques digitales et les synergies, afin d’intensifier la présence digitale de ses marques. Pour développer la présence en ligne d’un certain nombre de ses marques, Kering s’est associé avec Yoox, l’un des leaders du luxe en ligne, en créant une co-‐entreprise, E-‐lite. Les marques du groupe ont ainsi
accès à une plate-‐forme technologique et à des ressources partagées ce qui leur permet d’accélérer leur développement en ligne.
Mais le digital implique aussi un véritable changement culturel. C’est ainsi qu’en 2011, Kering a mis en place une Digital Academy, un programme qui vise à installer une culture digitale à tous les niveaux du groupe, à favoriser l’échange des meilleures pratiques, et à renforcer les expertises.
V. QUI SONT LES CONSOMMATEURS DU LUXE?
Comme on l’a expliqué plus tôt dans notre étude, la notion de luxe est fortement attachée à une culture, des normes et des codes très précis qui dirigent les dynamiques entre les différents groupes sociaux. Ce que l’on peut retenir des différentes approches et définitions possibles de la notion de luxe est qu’elle est fortement subjective; et par conséquent, fortement rattachée à des valeurs et des normes sociales inscrites dans des périodes et espaces différents. Ainsi, par exemple, la perception du luxe par les Européens, ne sera pas las même que celle perçue par les Asiatiques ; et de la même manière, à l’intérieur d’un même pays, la perception du luxe va différer d’un individu à un autre.
Par conséquent, les marques de luxe et de la haute couture se doivent de bien cerner les attentes et codes recherchés et suivis par leur cibles potentielles, afin d’atteindre effectivement ses objectifs, en termes de profits, voire en termes de pérennité même, de la marque et de l’entreprise.
Selon une récente étude de marché réalisée par KPMG, traitant sur les tendances de consommation du luxe dans le marché chinois, intitulée « Global Reach of China Luxury » ; la population chinoise apparaît comme la principale « cliente » du luxe en 2013, dans le monde. Sur un échantillon de 1200 personnes interrogées, 72% déclarent acheter des produits de luxe lorsqu’elles se trouvent à l’étranger. Tendance qui se renforce aussi au niveau du marché domestique chinois.
De même, comme l’indiquent J.N Kapferer et V. Bastien dans leur ouvrage Luxe oblige, « selon l’étude de marché publiée par Bain [entreprise de consulting], le marché du luxe s’estimait à 12 milliards de dollars des Etats-‐Unis en 2012 ; avec les États Unis, le Japon et les pays européens à la tête des marchés de consommation pour les biens et services de luxe ».
En allant plus loin dans le détail de ces catégories de clients, Capgemini et Merrill Lynch ont développé un terme spécifique pour se référer aux consommateurs du luxe au niveau mondial (selon leurs critères de définition du luxe): « les HNWI » ou « IF » en francais; les détenteurs des grandes fortunes mondiales, qui occupent une place privilégiée parmi les cibles des marques du luxe et de la haute couture. Selon le Rapport sur la richesse dans le monde en 2013, menée par Capgemini ; « La population mondiale des individus fortunés (IF) et leur richesse investissable cumulée ont fortement augmenté en 2012 pour atteindre des niveaux record. La population de IF a augmenté de 9,2% pour atteindre 12 millions après avoir stagné en 2011.
Pendant ce temps, la richesse investissable cumulée a augmenté de10% pour atteindre 42,6 mille milliards de dollars US ». Parmi ces IF, les principales nationalités représentées sont : les Etats-‐
Unis, le Japon, l’Allemagne, la Chine, le Royaume-‐Uni, la France, le Canada, la Suisse, l’Australie, le Brésil, et la Corée du Sud. Montrant ainsi, une forte tendance à la croissance de la base de consommateurs potentiels du luxe, qui émerge à très grande vitesse dans les pays émergents ; couramment connus sous le nom de BRIC.
Si bien les marques du luxe et de la haute couture ont rendu certaines de leurs gammes de produits accessibles à des sections de la population mondiale bénéficiant de revenus élevés, l’enjeu pour ces marques est de taille afin d’éviter une dilution de ces dernières dans la catégorie du « Premium » ou « Super-‐Premium » ; et par conséquent leur perte de statut en tant que marque de luxe. Ainsi, même si le cœur de cible des marques de luxe et de la haute couture se estimerait donc à 12 millions d’individus en 2013, la population totale des consommateurs du luxe dans le monde serait fortement plus importante que ce dernier chiffre. Selon les chiffres publiées par Merrill Lynch concernant les consommateurs du luxe dans le monde, le cœur de cible du marché mondial du luxe compterait 79 millions de personnes, avec 31 millions de personnes en Europe, 26 millions de personnes aux Etats-‐Unis et 22 millions de personnes dans les principaux pays émergents, connus sous le nom de BRIC. En effet, pour des raisons sociologiques, des sections assez importantes de la population mondiale auront une forte propension à acheter les biens de luxe, non pas pour la quête d’une expérience et valeur d’usage importante, transmise par l’héritage et culture du bien de luxe ; mais ils vont acheter les produits de luxe pour afficher une certaine « image sociale ». Pour ces catégories de la population, la dimension esthétique aura plus d’importance, sur leur propension à consommer des biens de luxe. Et par conséquent, la population des consommateurs des produits de luxe dans le monde, sera plus importante que celle limitée aux consommateurs qui cherchent une valeur d‘usage supérieure.
Selon J.N Kapferer et V. Bastien dans leur ouvrage Luxe oblige, il existerait plusieurs facteurs qui influencent la propension à consommer (acheter) des produits de luxe ; des facteurs tels que le revenu, les raisons de reconnaissance sociale, les facteurs sociologiques (hédonisme, la célébration d’un moment spécial, etc..) ; la dimension culturelle du luxe, attachée à cette valeur d’usage incomparable et qui va au-‐delà de l’esthétisme; et finalement, l’âge.
En continuant notre définition des consommateurs du luxe, on peut se référer à J.N. Kapferer (1998), qui a construit une typologie des consommateurs du luxe en se basant sur un échantillon de Managers et Directeurs généraux (représentatifs du cœur de cible des marques de luxe). Suite à cette étude qui cherchait à connaître la définition que ces individus donnaient du luxe, J.N.
Kapferer a distingué 4 types de consommateurs du luxe :
1. Le premier type correspondrait à une catégorie qui est fortement attirée par l’esthétisme des produits de luxe, et sa rareté.
2. Le deuxième type de consommateurs du luxe se rapproche plus du côté artistique ; de la créativité présente dans la fabrication des produits de luxe.
3. Le troisième type des consommateurs du luxe, attribue une très grande importance à l’intemporalité des produits de luxe, et à leur réputation internationale.
4. Le quatrième et dernier type de consommateur du luxe, attribue une grande valeur à la rareté attachée à la possession et la consommation des produits d’une marque de luxe.
Ce dernier type est fortement associé avec une valeur monétaire, quantitative du luxe.
Valeur monétaire grâce à laquelle les individus appartenant à ce groupe cherchent à exposer leur position sociale.
D’autres facteurs très importants à tenir en compte afin de mieux comprendre les consommateurs du luxe, sont leurs particularités culturelles. Fortement liées à leur localisation géographique, qui se traduit par des valeurs et approches différentes du luxe ; elles sont plus ou moins partagées par l’ensemble des différents corps sociaux qui composent une société en particulier. Par exemple, la société française, fortement influencée par des valeurs catholiques et de partage, va avoir une approche plus sobre du luxe. Une approche qui fera plus appel à l’expertise et l’éducation vis-‐à-‐vis
du luxe, plus qu’une simple consommation de celui-‐ci. Par opposition, la société des Etats-‐Unis, bâtie sur des valeurs de la réussite personnelle, le « self-‐made man », va avoir une approche plus ouverte par rapport au luxe ; et ce dans le sens où les consommateurs du luxe vont exposer plus ouvertement leur consommation du luxe (affichage des logos, exposition claire des signes de luxe, etc.).
D’autre part, dans les sociétés et marchés des pays émergents, d’autres approches du luxe s’affichent. Des approches plus esthétiques et d’utilité sociale. La consommation du luxe permet aux individus ayant les moyens, de montrer à ses pairs, ou à la société, sa réussite économique et sociale. Cette logique de consommation du luxe se rapprochant ainsi du rapport au luxe qu’ont les consommateurs des Etats-‐Unis. « Les consommateurs du luxe dans ces sociétés [des pays émergents] existent à travers le luxe » (J.N Kapferer et V. Bastien, Luxe oblige-‐ en faisant référence aux sociétés de potlach : la culture du don ; étudiées par Marcel Mauss).
Avec une multiplication des échanges et des flux d’information, nombreux experts parlent d’une homogénéisation des modes de vie, et des cultures, sous l’effet de la mondialisation. Cependant, les particularités culturelles restent bel et bien une réalité très présente dans les différentes cultures mondiales ; et les marques de la haute couture et du luxe doivent prendre bien en compte cet enjeu. Spécialement à une époque où l’essor des technologies digitales, ajoute des nouvelles variables culturelles, et dynamiques sociales, à prendre en compte au moment de bâtir une stratégie de marketing du luxe. D’ailleurs, en revenant aux résultats publiés dans le Rapport sur la richesse dans le monde de Capgemini, on constate une forte tendance à la hausse pour les interactions à travers les canaux numériques, par les « Individus Fortunés » (cœur de cible des marques du luxe et de la haute couture).
VI. LES STRATEGIES DE MARKETING DE LA HAUTE COUTURE ET DU LUXE 1. Les stratégies « classiques » de marketing de luxe
L’industrie du luxe exige et impose ses propres conditions afin d’élaborer une stratégie de marketing et de communication. Le Business model du luxe est spécifique à celui-‐ci ; et si bien, ce business model peut s’utiliser de manière plus ou moins réussie dans d’autres secteurs d’activité, il n’en est pas de même dans le sens inverse. Ainsi, les entreprises et marques du secteur du luxe, et plus précisément dans le cadre de notre étude, de la haute couture, doivent respecter certaines lignes directrices afin de garantir leur position au sein de ce secteur.
Traditionnellement, dans le luxe, « c ‘est le créateur qui définit les critères de distinction, d’expérience ; la relation entre la marque et le client s’inverse » (J.N. Kapferer et V. Bastien, Luxe Oblige). Cette affirmation impliquerait que les objectifs du luxe et des marques du luxe se définissent selon des propres codes, des « inspirations »; et pas selon les lois « classiques » du marché sous lesquelles la demande incite l’offre (et donc, la production). Comme on l’a déjà étudié, le luxe possède des origines et bases culturelles, sociologiques, et historiques ; c’est avant tout un produit et une dynamique sociale. Par conséquent, les stratégies de marketing des marques du luxe ne suivent pas les mêmes logiques que les stratégies de marketing qui pourraient être appliquées aux produits de mode, ou Premium (et bien évidement, au reste des produits de consommation). « La réalité est que le marketing traditionnel ne concerne que le bas de la pyramide du luxe, où les marques ne sont plus en train de vendre des produits de luxe, mais produits dérivés des marques de luxe » (J.N. Kapferer et V. Bastien, 2012, p. 65).
Dans l’analyse de J.N. Kapferer et V. Bastien, on constate deux tendances dans la construction d’une stratégie de marque de luxe, qui pourraient nourrir notre réflexion. La première se base sur la construction d’un mythe autour du produit et son héritage. Cette tendance sera généralement associée à des marques du luxe qui possèdent une longue histoire de tradition et savoir-‐faire. La deuxième, correspond aux marques de luxe légitimement appelées comme ca, mais qui ont une histoire récente. Ces dernières vont inventer leur mythe créateur à travers des expériences sensorielles ; à travers les aménités et expériences qu’elles vont offrir à ses clients dans leurs diverses boutiques, dans l’objectif de transmettre leurs valeurs directement dans leurs espaces de vente. Dans les deux cas, on remarquera le haut contenu culturel et de héritage, propre des marques de luxe.
En tenant en compte de cette dimension fortement culturelle, sociale et historique du luxe, on peut discuter sur les différentes logiques de marketing adoptées par les marques de luxe.
Tout d’abord, il semble important de remarquer qu’en termes de positionnement, les marques de luxe ne vont pas chercher à occuper une position en spécial. Ce seront leurs traits et caractères propres (valeurs, savoir-‐faire, héritage), et leur spécificité culturelle qui vont leur permettre d’exister sur le marché ; pas la comparaison avec le reste de marques. « L’identité n’est pas divisible, elle n’est pas négociable-‐ elle existe, tout simplement » (J.N. Kapferer et V. Bastien, 2012, p. 66). Ainsi, le business model sur lequel se construisent les marques de luxe et de la haute couture relève de leur caractère intrinsèque ; un caractère social, culturel et créatif. Les marques de luxe se rattachent plus à leur héritage, leurs mythes créateurs, qu’aux attentes du marché, et par là, elles provoquent dans l’esprit de ses cibles, et consommateurs potentiels, un respect et une attraction vers la marque de luxe. A travers cette attraction vers la marque de luxe, ces marques vont fidéliser leurs clients, et développer au sein de leur communauté de clients un véritable « culte de la marque ». Dans le marketing classique, « le consommateur est le roi » ; dans l’approche marketing des marques de luxe et de la haute couture, ce sera, encore une fois, le respect de sa culture et son héritage symbolique qui guideront le chemin de la Maison de création.
Les marques de luxe bâtissent leur réussite dans la continuité et consistance au fil du temps ; éléments qui donnent de la légitimité à leur savoir-‐faire, et dès lors, leur statut « élevé » au rang de marque de luxe.
Ainsi, les stratégies de marketing utilisées par les marques de luxe et de la haute couture, garderont ce caractère de rareté (à travers une production limitée, exclusive) ; en s’appuyant sur un « noyau dur » et fidèle envers la marque, plutôt que d’adopter une optique d’expansion, sous le risque, très probable, de vulgarisation de la marque : un risque de perdre la mythification de la marque, et par là, l’un de ses caractères fondateurs.
Dans ce contexte, deux modèles de business model sont souvent utilisés par les marques de luxe.
Le premier appelé « la pyramide » (Vincent Bastien, 2009), se développe autour d’une approche dans laquelle l’image de la marque de luxe est créée « par le haut ». Cette image sera par la suite transmise à toutes les gammes de produits de la marque, tout en respectant le modèle du luxe : le contrôle de la production et la rareté des produits de la marque. Cependant, comme l’expliquent J.N. Kapferer et V. Bastien dans Luxe oblige, ce model comporte un fort risque de glissement de la marque vers la catégorie « Premium », lorsque la marque perd « le haut de la pyramide » suite à une accessibilité trop grande, de la part du Grand Public, aux produits de la marque.
Le deuxième modèle est connu sous le nom de « la galaxie » (Bastien, 2009). Dans ce modèle, un personnage emblématique ou un produit de la marque, se trouvera au centre de la marque ; ou au centre d’un ensemble de produits « satellites ». Dans cette optique de marketing, ce sera ce