• Aucun résultat trouvé

Responsabilité pénale de l'entreprise : modèles de réflexion

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Responsabilité pénale de l'entreprise : modèles de réflexion"

Copied!
38
0
0

Texte intégral

(1)

Article

Reference

Responsabilité pénale de l'entreprise : modèles de réflexion

ROTH, Robert

ROTH, Robert. Responsabilité pénale de l'entreprise : modèles de réflexion. Revue pénale suisse , 1997, vol. 115, no. 4, p. 345-381

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:46241

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

Robert Roth, Genève

Responsabilité pénale de l'entreprise:

modèles de réflexion

Table des matières

1. Introduction

11. Alternatives à la «solution pénale»

Ill. Deux références étrangères: France et Union européenne Jll. Modèles de responsabilité

1. Présentation des choix

2. Modèle direct, modèle vicarial et faure 3. Eléments constitutifs du modèle vicarial V. Que/qttes problèmes particuliers

1. Quelles entreprises?

2. Lien avec la punissabilité des personnes physiques 3. Perspectives de droit pénal international

VI Les sanctions VIf Propos final

1. Introduction

345

1. En 1991, la commission d'experts chargée de préparer le deuxième train de mesures législatives destinée à lutter contre le blanchissage d'argent proposait, entre autres mesures, d'introduire la «responsabilité (pénale) de l'entreprise)). Ce texte (qui sera ci-après désigné comme «avant-projet de 199 h ou «avant-projet») a reçu un ac- cueil particulièrement frais lors de la procédure de consultation menée par le Départe- ment fédéral de justice et police. De ce fair, l'objet a été détaché de l'édifice législatif au- quel il appartenait initialement'. Après avoir laissé reposer le dossier pendant quelques années, le Département a décidé de le rouvrir, en demandant à l'auceur du présent arti- cle, dont les propos n'engagent bien entendu en aucune manière son mandant, de tenter de

Rappelons que les art. 58-60 CP dans leuc nouvdlc teneur, 305"' ch. 2 et 26()1>• CP sont entrés en vigueur le l" août 1994.

(3)

346

Robert Roth· Responsabilité pénale de !"entreprise: modèles de réflexion

jeter un éclairage neuf, nourri de comparaisons internationales. Le rapport a été remis en mai 19962Ses principaux développements et conclusions sone présentées ici.

2. Le moment apparaît favorable pour une réouverture du dossier. A l'échelon international, en effet, un mouvement net se dessine en direcdon d'une acceptation générale du principe de la responsabilité pénale des personnes morales ou des encre- prises. Le nouveau Code pénal français a franchi le pas le 1 cr mars 1994 (loi du 22 juil- 1er 1992), suivant en cela l'exemple déjà ancien des Pays-Bas. En Belgique, la situation est fort proche de la nôtre: divers projets sone en attente; la réflexion pourrait pro- chainement aboutir. I..:impuJsion la plus forte pourrait toutefois venir de la Bruxelles européenne. Le 26 juillet 1995, le Conseil de l'Union européenne a adopté une

«convention relative à la protection des incérêts fmanciers des Communautés euro- péennes,, qui représente une étape importance dans la construction du troisième pilier européenne, donc les fondements ont été posés par le Traité de Maastricht3• La Convention ne prévoit pas en l'état d'obligation pour ses signataires d'admettre la res- ponsabilité des personnes morales, mais elle consacre un anicle (3) à la «responsabilité pénale des chefs d'entreprise», disposition qui est destinée à être complétée dans un proche avenir par une réglementation analogue sur les enrreprises4Quelle que soit la voie institutionnelle choisie (renforcement du premier pilier ou développement du troisième pilier de la construction européenne), il est manifestement dans les visées et dans l'intérêt des organes de l'Union européenne d'utiliser ce moyen, parmi tant d'au- nes, d'améliorer les conditions générales du grand marchéS.

Les instruments juridiques de protection des droits de la personne (morale) ac- cusée sone déjà en place, puisque la Commission européenne des droits de l'homme a clairement posé, dans son avis rendu dans l'affaire Stenuit, d'une part qu'une personne morale peut parfaitement faire l'objet d'une <<accusation en matière pénale» au sens de l'art. 6 de la Con vencion et, d'autre part, que <<les garanties conférées par celle-ci aux in-

2 Le pr~ent article, ciré de a rapport, a ét~ achevé en février 1997. Quasiment simultanément a ~té publiée la thèse de Sa11dra Liitolf. Stralbarkeit der jurinischcn Person, Züricb 1997, qui diSQltC de maoihe approfondie certaines des thèses du rapport et propose d'int~ressants développements dans une démarche essentiellement dogmatique.

3 JO C 316/48 du 7 novembre 1995 (•Con~ntion PIF•).

4 Tel est un des objeu du deuxi~me protocole de la convention PIF, en voie d'élaboration (voir le dernier état apr~s approbation par le Parlement européen, JO C 347 du 18 novembre 1996); le titre Il de ce protocole porce sur la <responsabilité des personnes morales•. En l'état, cene responsabilité peut être •pénale bu ad·

ministrative• (art. 2 par. 1 et 2); les Etats ne sont donc pas soumis à l' t>bligatibll de prévoir la punissabilité des personnes morales, mais ils y sont manifcstmem encouragés. Le catalogue des sane~ions comprend, outre des

•sanctions pécunaires» et des amendes, une •mesure judiciaire de dissolution• (art. 3 par. J lit. a et e). Voir aussi Mireille Delm11S-Marty (id.), Corpus juris portant dispositions pénales pour la protection des intérêts fi- nanciers de l'Union européenne, Paris 1997 et Rev. sc. cri m. 1997, n• 2.

5 Sur ce rapprochement, qui peut surprendre, entre responsabilité pénale de l'entreprise er amélioration des conditions de concurrence, cf. Hans-}iirgm Schrorh, Umernehmen als Normadressaten und Sankrionssub- jekte. Eine Srudie zurn Untcrnchmensstrafrecbt, Giessen 1993, 213.

(4)

347 Robert Roth· Responsabilité pénale de rentre prise: modèles de réflexion

dividus peuvent ... être accordées aux personnes morales qui seraient victimes d'une violation de ladite Convencion»6.

Le droit des Communautés et de l'Union européennes forme donc, à côté du droit français qui a fait l'objet de la réforme récente la plus ambitieuse, une des deux sources d'inspiration prioritaires d'une réflexion renouvelée sur la question. Le chapi- tre

rn

du présent article s'efforcera de résumer l'état actuel du débat dans ces deux enti- tés, après que le chapitre Il se sera, à titre liminaire, penché sur les principales «solu- tions alternatives».

Je temerai, dans le chapitre lY, d'élaborer un modèle de construction de la res- ponsabilité pénale nouvelle, qui rienne compte de ces expériences étrangères (ainsi que de celle des pays de common law, plus riche et plus ancienne, mais moins facilement transposable). Le chapitre V sera consacré à l'examen de modalités particulières, qui permemo~t, le moment venu, de concrétiser le modèle du chapitre précédent, et le chapitre VI aux sanctions.

II. Alternatives à la «solution pénale>>

l. Les objections à l'encontre de la responsabilité pénale des personnes morale sont aussi anciennes que le problème lui-même. Elles peuvent se subdiviser en deux grandes catégories: raisons de principe et arguments pratiques.

Les

principes invoqués som parfois politiques - la lecture des réponses à la consultation sur l'avant-projet de 1991 en atteste sans ambiguïté-et souvent juridi- ques. Dans une formule volontairement frappante, voire el1oquante, Graven/junod ecrivaient en 1988 que «le triple rempart dressé autour de la règle Societas (delinquere non potest) s'écroule d'une chiquenaude»7Le présent article s'efforcera, surcour en son ch. lY, de discuter ces arguments sur la base de réfutations qui apparaissent maime- nant majoritaires dans la littérature internationale et, sans oser à nouveau parler de chiquenaude, concluera à la possibilité de les surmonter.

Des considérations pratiques complètenc souvent ces objections policiques er ju- ridiques. La punissabilité des entreprises- même si eUe était par hypothèse admissible sur le plan des principes- déploierait des effets intolérables. Un légjslareur prudent, à qui le chapitre VI s'efforcera d'ouvrir quelques pistes de réflexion, devrait être capable de prévenir ce danger.

Les

adversaires de l'introduction de la responsabilité pénale des personnes mo- rales ou des entreprises sont au défi de proposer des solutions alternatives. Il convient

6 Cour ~ur. O. H. A 232-A, avis de la Commission du 30 mai 1991, ch.66 p.14.

7 Philipp~ Grawn/Charks-Andri junod, c$ociew dclinqucre potesr?• in Mélanges R. Parry, Lausanne 1988, 363.

(5)

348

Robert Roth-Responsabilité pénale de l'entreprise: modèles de réflexion

donc de les analyser brièvement dans ce préambule. Elles repqsent sur un paradoxe (ch. 2) et représentent à mes yeux une tentative de détournement (ch. 3).

2. La première de ces alternatives n'en est pas véritablement une. Elle consiste à n'ouvrir qu'une brèche dans le dogme, sérieusement ébranlé, de la non-punissabilité des sujets de droit autres que les personnes physiques, en réservant la possibilité de

sanctionner les personnes morales et/ou les entreprises en cas d'infractions mineures

ou plus spécifiquement de contraventiom.

Ce rype de démarche est illustré en Suisse, depuis 197 4, par la loi fédérale sur le droit pénal administratif (DPA); depuis lors, de nombreuses législations se sont inspi- rées de ce modèle8. Il répond d'une part à une raison pratique (lit. a) et d'autre part à une (prétendue) raison théorique (lit. b).

a. Le libellé de l'art. 7 DPA expose clairement que le pragmatisme est à l'origine de la solution critiquable du législateur de 1974, lorsqu'il se réfère à «des mesures d'ins- truction hors de proportion avec la peine encourue». Cette raison pratique est en soi indiscutable: qu'elle puisse servir de fondement à une exception dans un régime de non-punissabilité de la personne morale ou de l'entreprise est en revanche difficile à admettre.

b. D'où l'importance du fondemem dogmatique de la <<solution DPA/contra- vention»: les infractions de gravité mineure n'appelleraient pas de verdict de culpabilité

«morale»; elles seraient <<éthiquement neutres»; de ce fait, la sanction elle-même est une

simple réponse neutre à l'infraction, et elle peut s'appliquer à tout auteur d'infraction, même à celui qui ne serait pas à même de subir une condamnation teintée morale- ment.

Sous diverses variantes, cette manière d'envisager la répression de la délinquance mineure est commune au droit allemand des Ordnungswidrigkeiten (cf. par. 1 OWiG et la substitution de la Vorwn:fbarkeità la Schuld, qui autorise à son tour l'application de la sanction à la personne morale, par. 30) et au droit anglais ou américain, qui voit dans les infractions soumises au régime de strict liability des comportements qui n' engen- drent pas de «culpabilité morale>>9Le raisonnement doit être critiqué sous divers an- gles.

ba. A mesure que la faute acquiert une dimension «Sociale>>- sur laquelle nous re- viendrons (ch. IV. 2.) -l'absence de condamnation <<morale» perd de sa validité en tant que critère de discrimination entre des catégories d'infractions.

8 Pour une bonne présenracion de cette philosophie er des réalisations qui s'en sont inspirées, cf Eric Stauffo- cher, •La criminalisation du comportement collecrifio in Rapports suisses présentés au XIV' Congrès interna- tional de droit comparé, Zu.rich 1994, 189-191.

9 Ainsi, en droir anglais, seuls les quasi-crimts peuvent en principe être soumis au régime de strict lùtbility, il exis- te toutefois des exceprions, relie que, dans la jurisprudence américaine, la détention d'une grenade à main, cf.

US v. Freed (1971} 401 US 601, cité par AndrewAshwtmh, Principles of Cri minai Law, 2' éd., Oxford 1995, 195.

(6)

349 Robert Roth· Responsabilité pénale de l'entreprise: modèles de réflexion

bb. La jurisprudence, nationale ct supranationale, de ces dernières années s'est préoccupée de vérité des appellations; elle a accordé au critère de l'«accusation en ma- tière pénale» (art. 6 CEDH) une valeur classificatrice devant laquelle s'inclinent les dis- tinctions nationales telles que celle qu'avait établie le législateur allemand des OWiG 10

be. En soi, ct c'est sans doute là la considération la plus importante, la conclusion du raisonnement est choquante, dans la mesure où elle étend la répression pour les in- fractions les moins graves, qui n'emporte{raie)nt pas de «condamnation morale», alors qu'elle la limire pour celles qui, selon une des prémisses de ce raisonnement, portent atteinte aux valeurs fondamentales de la vic en société (ct, pour cette raison, appellent une réprobation particulière). Même si la démarche se justifiait en substance, elle serait néanmoins inacceptable dans son résultat11

3. Le lecteur des résultats de la procédure de consultation sur l'avant-projet de 1991 n'a pas manqué d'être surpris de voir proposée, à titre de vénirable alternative, la solution du développement des sanctions administratives. Cette surprise provient du fait que cette solution a précisément suscité, dans deux pays voisins dans laquelle elle a été très largement appliquée, de très vives critiques, qui peuvent à mon avis être trans- posées sans difficuhés à la situation suisse.

Le cadre du raisonnement est le même que dans le chiffre précédent {lit. b. bb): la

«matière pénale» au sens de l'art. 6 CEDH forme un ensemble que ne sauraient désin- tégrer les classifications nationales 12Cet ensemble s'étend même, depuis l'A TF 121II 22 au retrait du permis de conduire, sanction administrative par excellence.

Le Conseil d'Etat belge et le Conseil constitutionnel français om prolongé la réflexion: il n'est pas sain que se constitue un droit «cryp10-pénal• qui autorise, selon la formule de M. Dûmas- Marty, à •punir sans juger» '3Le Conseil d'Etat belge a assigné des limites strictes à l'établisse- ment de sanctions administratives: «sanction d'obligations purement administratives, ( ... ) amendes d'un montant réduit, dont le calcul est aisé et ne dépend pas de circonstances propres à l'espèce•••. Plus généralement, cette autorité belge à la fois judiciaire er administrative préconise un •choix clair» entre filière pénale et filière purement administrative. Des préoccupations ana- logues- prévenir ou pi!Jtôt freiner le développement d'un droit •crypto-pénal•-sonr une des raisons de l'adoption en France de la responsabilité pénale des personnes morales dans le droit pénal commun. ~i!vationen direction d'un système plus souple de •sanctions administraLivcso- par quoi sont visées non pas les sanctions pénales infligées par l'administration, qui relèvent sans

!0 Cf. ACEDH Oetztürk du 21 février 1984, Publ. A 73; Lun du 25 aoOt 1987, A 123.

ll Cf. la d~monsrration dans ce sens de Bnmi Adttrmann, Die Srrafbarkeir jurisrischer Personen im deucschen Recht und in auslandischcn Rechtsordnungen, Frankfurr/M. 1984. 222-223.

12 Cf., outre les décisions citées sous note 8 à propos de I'OWiG allemande, les arr!t.S de la Cour europ<'enne des droits de J'homme dans les affaires Weber (A 177), Demicoli (A 210) et Bendoun (A 284).

13 Cf. M. De/mttJ-Marty/C Teitgm-Colly, Punir sans juger. De b répression administrative au droit :ldminisrratif pénal, !>:iris 1992.

14 Cf. avis cir~ et commem~ par Alain tk Nauw, •!.:évolution législative vers un syS!bne punitif adrninisuaci&, Rcv.dr. pén. crim. 1989 385. Dans le même sens, la Cour d'appel de Paris. instance de conu61e de l'activité répressive des aurorités administratives indépendances françaises, dans une jurisprudence citée Re-v. sc. cri m.

1996299.

(7)

350

Robert Roth· Responsabilité pénale de l'entreprise: modèles de réflexion

discussion de la «matière pénale», mais un ensemble distinct de sanctions purement •exécu- coires»11-ne représente donc en rien une solution d'avenir'6.

4. D'un poim de vue de politique criminelle, c'est, duranr ces dernières années, dans le domaine de droit de l'environnement que s'est exprimée avec le plus de force la conviction selon laquelle les ressources offertes par un droit pénal axé sur la punissabi- lité des personnes physiques seraient insuffisantes pour répondre aux nécessités de la prévention et de la répression 17I.:argumentation comprend deux volets distincts: le premier est de type socio-économique; il repose sur une analyse de l'évolution des structumd'enrreprises (4.1 ). Le second est plus strictement juridique; il se fonde sur les insatisfactions engendrées par la mise en œuvre de la responsabilité pénale individuelle et en particulier celle du cihef d'entreprise (4.2-3).

4.1 La littérature récente consacrée à la réforme de !'«acteur pénal» s'accorde à considérer que les adversaires de cette réforme fondent leur argumentation sur une image dépassü de l'emre prise et de sa structure ta. La division du travail, la sophistica- tion des relations organiques et fonctionnelles à l'intérieur de l'enrreprise19 rendent malaisée la détermination de responsabilités individualisées. Ce qui est vrai de l'entre- prise <<saine» l'est a fortiori dans un état pathologique. La formule de l' «organisierte Un- verantwortlichkeit>>, qui hante la doctrine de langue allemande depuis vingt-cinq ans20,

illustre bien l'impuissance de l'observateur ou du juge face à une organisation qui, déli- bérément ou en raison des déficiences qui la frappent, à la fois favorise des processus gé- nérateurs de danger et dissoutles responsabilités individuelles dans une irresponsabilité collective. Le constat s'impose avec force face à des structures complexes, mais il peut être illustré de la manière la plus simple avec Je problème de la responsabilité des admi- nistrateurs qui, lors d'une séance, décident de mettre en route un processus de produc- tion entraînant des risques pour l'environnement. Us peuvent, en cas de dommage et

15 Pour reprendre le critère traditionnel de distinction de la doctrine suisse, représentée par M.lmbodm/R Rhi- now, Sch-izerische Verwaltungsrechtsprechung, 5' éd., Bile 1976, vol.l, 298. je ne pewc ouvrir ici le débat sur les délimitations entre sanctions pinales er administratives et le srarut txattde ces derniùes, cf. mon article .Sanctions administra cives: un nouveau droit (pinal) s:oncrionnareur?• in Le rôle sanctionnateur du droit pé- nal, Fribourg 1985, 125 ss. Cf. le point récent de Günur Stratm~rrh, Schweizerisches Suafrecht, AUgemei- ner Teil[, 2' éd., Berne 1996, 53-57.

16 Cf. dans le même sens Günrtr flein<, Die suafrechtlichc Verantworclichkeit von Umernehmcn, Baden-Baden 1995, 301.

17 Cf. en dernier lieu pour la Suisse NiltlaUJ Ob"holur, «Strafrechr und Umweltschun- Zur Problematik der srrafrechtlichen Zurechnungim Umweh:schunrecht• URP/DEP 1995394-407 etsurrout Guidojmn]I/Vzrl Ludwig Kunz, Berichr und Vorenrwurf zur Verstarkung des strafrechtlichen Schutzes der Umweh, Baie 1996, spécialement pp. 87 ss.

18 Cf. !leine (n. 16), p. 244; Alain d< Nauw, Les métamorphoses administratives du droit pénal de l'entreprise,•

Gand 1994, 18.

19 Voir déjà à ce sujet la démonstration érayée de Btrnd Sthünemann, Umernchmenskriminalirar und Srraf- recht, Kôln 1979, pp. 30-40. Les phénomènes ont été étudiés de mani he approfondie en Belgique, cf. Alttin d< Nauw, in Rev.crir. de jur. belge 1992 568-570.

20 Cf. l'hiStoire du concept chez Güntcr Strattnzv"th, •Strafrcchtliche Unternehmenshaftung?• in Festschrift .R.Schmitt, Tübingen 1992, p.201 n.26. !.:•inventeur• de la formule serait Ost<rmryacn 1971.

(8)

351 Robert Roth· Responsabilité pénale de l'entreprise: modèles de réflel(ion

de poursuite, échapper dans leur ensemble à roure responsabilité individuelle si leur vote n'est pas unanime. Si le Conseil d'administration fair ensuite corps, le secret de ses délibérations protège à la fois le(s) minoritaire(s) et les majoritaires21.

On peut ajouter que le droit pénal est confronté à des phénomènes devenus eux- mêmes plus complexes. Le droit (pénal) de l'environnement est ici encore exemplaire, en tant que «problème de conflit de systèmes et non de conflits individucls»22La for- mule s'applique mutatis muttmdis dans roue le droit pénal économique.

4.2 Si la désignation d'un ou de plusieurs responsables individuels est parfois dif ficile , elle peut également se révéler excessive ou injuste.

Les débordements de la jurisprudence relativeà la responsabilité pénale du chifd'mtrtprist illus- uenr sans doute le mieux ce risque, même si notre pratique est dans cc domaine bien plus réser- vée que ne l'est par exemple la jurisprudence françaisen. Sans qu'il soit ici nécessaire de discuter par le menu les quelques arrêts de principe rendus en la macière er les critiques auxquelles ils om donné lieu24, il convicmde rappeler les tr~ sévères mises en garde adressés au TF contre le carac- tère •apodictiquoo2s de la construction de la responsabilité pénale de Bühr!t dans I'ATF 96N 155: l'intéressé était chef d'entreprise, donc il lui incombait de prendre les mesures nécessaires pour prévenir la commission d'ir, fractions par ses subordonnées.

Le deuxième arrêt de principe, datam de 1979 (ATF 105TV 172) «n'est paSltn modèle de limpi- dité» ct, même s'il apaise certaines craintes, il «confond le problème des sources et celui des li- rrùres de la garanrie»26; de ce fait, les restrictions qu'il pose demeurent incerraines. Un lien direct entre cerre incertirude et la nécessité d'introduire la punissabilité de l'entreprise est établi par une partie des commeotateurs27•

4.3

La

punissabilité exclusive des personnes physiques impliquées dans l'infrac-

tion esc non seulement fragile dogmatiquement; elle est également souvent inlquùable ou inefficace. Elle est inéquitable, lorsque c'est véritablement un «esprit d'entreprise»

perverti qui explique l'infraction. Au moment où il inflige la sanction, le juge délivre un message, qui doit être aussi lisible que possible; cette lisibilité suppose la rranspa-

21 Le 1ribunal fédéral a examiné un probl~me proche, quoique différent, dans son arrêt F. et al. du 1" février 1996 (ATF 122IV 103 consid.6 2d)bb): quand un organe omet demettre sur pied une organis.'ltion qui per- meue de prévenir un danger, tout membre de l'orgo~ne qui n'a pas agi de manihe ~respecter son obligation (de meure sur pied l'organisation) est punissable. Le TF n'a pas à envisager l'hypothèse où il est imprusible de sa- voir qudle pan chaque individu a pris dans la d«ision (ou la oon-d«isioo). Cf. également le commentaire de T. Kolkr in SJZ 1.9961 09 ss. Pour des développements analogues dans la jurisprudence américaine, voir le ré·

sumé d'Anne Ehr!Jardt, Umemehmensdelinquent und Umemchmensstrafe, Berlin 1994, 244.

22 Marro RJJnUtni, Erfolg und individuelle Zur~nung im Umwelrstrafr~t. Freiburg i. Br. 1992, 133.

23 Cf. Glmrd Coururirr, cRépartirion des responsabilités emre personnes morales et personnes physiques-, in La responsabilité pénale des personnes morales, 11° spécial de la Revue des sociétés 211993 (cité ci-après: Revue des sociétés) 308-313.

24 Cf. PIJilippe Graven, •la responsabilité pénale du chef d'entreprise et de J'entreprise elle-m~me•, SJ 1985 497-523: DetlcfKratm, •Problemc der nrerschafc im Unternehmen•, pladoyer 111989 40-48; Niklatts Schmid. •Einige Aspekte der strafrechtlichen Vemntwordichkeit von Gesellschaftsorgane•, RPS 1988 156- 189 ct Ham \1-sr, •Die srrafrechdiche GammenpAichr des Geschaftsherrn•, RPS 1988 288-311.

25 Krauss ibidem, 43.

26 Gmwn (n. 24), 51 O.

27 Cf. Kmwr (n. 24), 48 er, plus prudent, Gl'flwn (n. 24) ch. IlL

(9)

352

Robert Roth· Responsabilité pénale de l'entreprise: modèles de réflexion

renee: je punis X. et Y., parce que ce sont eux les vrais responsables. Expliquer que X. et Y. sont punis à défaut d'un véritable responsable insaisissable est un message qui a toutes les chances d'être mal reçu et compris.

La répression exclusive des personnes physiques peut également avoir un effet négatif sur l' effi- cacité de l'action préventive assignée à la sanction. S'agissant en particulier de délits de pollu- tion, mais également de certains infractions économiques, l'intervention pénale a pour objectif essentiel d'empêcher la poursuite de l'activité dommageable. Sauf cas d'accidents au sens fort du terme, ces délits s'inscrivent généralement dans la continuité, qui est celle de l'activité écono-.

mique de l'entreprise. Les personnes occupant des posees de responsabilité peuvent ne faire qu'un passage éphémère. Er l'entreprise peut estimer avoir complètement épongé sa dette en se séparant de ses employés sanctionnés. A nouveau, le message de la justice risque dans de tels cas de ne pas être clair.

Dans le même ordre d'idées se pose le problème délicat de l'organisation de la lutte contre la ré- cidive. La <<récidive d'entreprise>> ne peut en tour cas pas être sanctionnée dans un système qui ne punit que les personnes physiques. La sanction ne peut en effer pas être alourdie contre un «res- ponsable» individuel, au motif que son activité s'est exercée dans le cadre d'une société dom un autre organe ou cadre a déjà été condamné antérieurement pour des faits analogues. I:impossi- biliré logique tombe en cas de punissabilité de l'entité elle-même. Cela ne signifie toutefois pas que rous les obstacles soient levés; en particulier, la constitution d'un casier judiciaire pose des problèmes spécifiques (cf. ch. VI. 5.2).

III. Deux références étrangères: France et Union européenne

1. La France

Sans passer inaperçue, l'introduction d'une responsabilité pénale de la personne morale n'a éveillé que peu de résistances28Le phénomène s'explique sans doute en grande partie par l'ampleur prise en France par le droit <<administratif pénal», qui ac- cueille sans réserve le principe de la «punissabilité» des personnes morales. Le nouveau dispositif du droit pénal commun a, entre autres motifs, été conçu comme moyen de mettre un terme ou en tout cas un frein à l' <<évasion» de la répression vers ce système ad- ministratif pénal. Ladmission de la responsabilité pénale des personnes morales a également été facilitée par la reconnaissance de la théorie de la réalité de l'existence de cette personne. Par contraste, c'est la question des personnes de droit public et l'orga- nisation des rapports entre les deux régimes de sanctions, celles qui visent les personnes physiques et celles qui visent les personnes morales, qui ont retenu l'attention des parlementaires (cf. ci-dessous ch. V. 1.5 et 6 et 2.1), avant que la doctrine et divers ac- teurs de la scène économique, qui avaient négligé d'intervenir durant la phase d' élabo- ration, reviennent soulever de délicats problèmes d'interprétation et de délimitation

28 La (petite) histoire parlementaire ne manque pas de sel: les deux seuls députés qui se sone exprimés d'une ma- nière franchernenr hoscile à la réforme som devenus peu après Ministres de la justice et de l'inrérieur!

(10)

353 Robert Roth· Responsabilité pénale de l'entreprise: modèles de réflexion

du champ d'application. En voici les principaux, qui sont autant d'avertissements adressés au législateur suisse.

a. La responsabilité se lim.ire-r-ellc aux actes illicites qui «entrent dans le but social>> de l' entrep6se?

La réponse est forcément négative, sous peine de retirer à la norme une bonne partie de sa pu- gnacité.

b. La même question se pose à propos des excès commis par !'«organe ou le représentant>> de l'en- treprise, i.e. des actes qui sortaient du cadre de ses attributions. La réponse dominante est la même que sous a., avec toutefois davanrage d'hésitations (cf. ci-dessous, IV:3.3).

c. ~infraction est commise «pour le compte de» la société. Comment définir cc lien? Les travaux préparatoires permettent de répondre à cette question (cf. ci-dessous IV.3.2).

d. Est-il nécessaire d'identifier la personne physique qui a commis l'infraction? Le libellé de l'art.l21-2 CPF donne à penser que oui. La réponse est pourtant résolument négative.

e. Faut-il maintenir intégralement ou réduire la portée de la responsabilité du chef d'entreprise, notion qui a fait en France l'objet d'une large application? Diverses tentatives menées dans ce sens ont connu l'échec, tout comme, en sens inverse, une proposition, présentée devanf le Parle- ment, tendant à incriminer à titre particulier le «décideur». JI est trop tôt pour dire dans quel sens la jurisprudence évoluera.

f. Enfin, les problèmes traditionnels d'imputation demeurent, voire sont amplifiés dans le contexte nouveau: ainsi, comment établir les standards de comportement? N'est-ce pas encore plus difficile pour les entreprises que pour les individus? La Vmualtungsakzessorietiit reste un souci majeur des responsables de la polirique criminelle. La loi sur la protection des eaux du 3 janvier J 992 prévoit explicitement qu'un comportement conforme à. une autorisation déli- vrée en bonne et due forme n'est pas punissable.

2. Droit communautaire

1. Se fondant sur les expériences de quelque vingt ans de pratique et de décisions juridictionnelles, le Conseil de l'Union européenne vient d'adopter une sorre de Code des sanctions administratives sous la forme du règlement n° 2988/95 du 18 décembre 1995 29, gui offre le pendant, dans le domaine de la protection des intérêts financiers de la communauté, du règlement n° 17 du 6 février 1962, relatif à la mise en oeuvre des arr. 85 et 86 Traité CP0 . Dans ces deux cas, il ne s'agir cerres pas à proprement parler de droit pénal, puisque son absence de compétences dans ce domaine interdit à la Communauté de légiférer et de sanctionner pénalement. Mais ce jeu d'étiquettes ne trompe personne depuis bien longtemps: il s'agit bien là de «droit pénal>> qui ne peut pas dire son nom, pendant communautaire des droits administratifs pénaux natio- naux.

2. Le trait saillant des dispositifs communautaires est sa recherche de l'efficacité (économique); d'où l'utilisation de concepts ouverts, et en particuiier:

a. une définition large du destinataire: les art. 85 et 86 Traité CE parlent respec- tivement d' «entreprise>> et d' «association d'entreprises>>, puis de <<une ou plusieurs en- treprises>>, ce qui se comprend aisément vu l'objet des dispositions (lutte contre les pra-

29 JO L 312 du 23 décembre 1995.

30 JO L 13 du 21 février 1962.

(11)

354

Robert Roth· Responsabilité pénale de l'entreprise: modèles de réflexion

tiques carrellaires ou les abus de position dominante).

La

jurisprudence a précisé que ces notions étaient indépendantes de la question de la personnalité juridique er qu'était une «entreprise» roure entité engagée dans des activités commerciales31.

Portant sur un objet différent et plus indéterminé, l'arr. 7 R 2988/95 dresse de ses destinataires une liste en apparence moins large: sont visées, outre les personnes physiques ct les personnes morales les «autres entités auxquelles le droit national recon- naît la capacité juridique», notion qui englobe divers rypes de sociétés, en particulier dans les droits allemand er néerlandais, dorées du seante de «quasi personnes morales», et qui comprendrait sans doute les sociétés en commandite et en nom collectif du droit suisse;

b. une indifférence à la forme de culpabilité: intention er négligence sont mises sur le même plan; en revanche, la fonction légirimarrice de la faute est rcconnue32ein- différcnce à l'égard de la forme de culpabilité exerce une influence sur la résolution d'une question essentielle en droit économique, celle de l'erreur sur le contenu de la ré- glemcntacion33. Le débat porte sur le caractère évitable de l'erreur: ce qui est détermi- nant n'est pas de savoir si l'auteur connaissait l'interdiction, mais s'il pouvait ne pas la connaître, ce qui laisse peu de place à la Verbotsirrtum.

3.

Le droit communautaire prévoit généralement une large palette de sanctions.

Dans l'art. 5 R 2988/95, elles vont du <<paiement d'une amende administrative>> à

«d'autres sanctions à caractère exclusivement économique ... prévues dans les régle- memarions sectorielles adoptées par le Conseil en fonction des nécessités propres au secteur concerné» (lit.

g).

Cette formulation, incertaine sous l'angle de la légalité, illus- tre bien la prépondérance absolue de l'impératif d'efficacité dans les nouveaux disposi- tifs communautaires sancrionnels.

En revanche, ces mêmes dispositifs marquent une sensibilité particulière à l'en- droit du principe ne bis in idem, auquel est consacré un article fort développé dans la Convention relative à la protection des intérêts financiers de la Communauté du 26 juillet 199534Cerre sensibilité répond sans do ure aux critiques suscitées par la prise en considération incomplète de procédures antérieures ou parallèles dans la prarique de la Commission cr la jurisprudence de la Cour.

31 Cf. R. Wish, Competition Law, 2' éd., London/Edinburgh 1989,214.

32 Cf. arrêr CJCE Thyssen c. Commission, Rcc. 1983 3740.

33 Cf. K. Tïrdrmann, «Europaisches Gemeinschafrsrecht und Srrafrechr», NJW 1993 29.

34 JO C 316 du 27 janvier 1995, Convenrion citée ci-dessus cb.l.l. Voir ég-J.Iement le préambule duR 2988/

95: •Considéram que, en vertu de l'exigence générale d'équité er du principe de proportionnalité, a.insi qu'à la lumihe du principe nr bis in idrm, il y a lieu de prévoir ... des dispositions appropriées pour évirer un cumul de sanctions pb:uniair<s communautaires er de sanctions pénalos nationales imposées pour les mêmes faits à la meme J><'fSOnne.•

(12)

355 Robert Roth· Responsabilité pénale de l'entreprise: modèles de réflexion

IY. Modèles de responsabilité

1. Présentation des choix

1. Le tableau général des solutions adoptées par les divers droits qui connaissent la responsabilité pénale des personnes morales et des entreprises, ainsi que des princi- pales formules doctrinales, est d'une rare complexité. Il m'apparaît qu'à titre de ligne de démarcation générale, il convient de distinguer les modèles de responsabilité directe d'une part et les modèles de responsabilité «vicariale>> ou par représmtantd'autre parr's.

La rcrminologie elle-même mérirc d'être précisée. Ce qui sépare à mon avis les modèles est le rype de démarche suivie s'agissant du critère d'imputation principal dans la sphère de l'auteur. Voici ce que j'entends dire par là.

La responsabîJité pénale suppose réunies un certain nombre de conditions: dans la règle, modification du monde physique (qualifiée lésion ou mise en danger); viola- rion d'une règle préexistante du fait de ccccc modification; absence d'explication légale (de justification) de cette violation; rapport de causalité entre cette modification ct le comportement d'un agent; enfin, circonstances qui permettent de formuler un re- proche à l'égard de l'agent et s'agissant de cette modification. C'est cc reproche que le droit pénal classique qualifie foute (et on sàit que le droit allemand des OWiG a voulu marquer, en substituant à la notion de faure celle de Vorwerfbarkeit, qu'il sortait de l'or- bite du droit pénal classique). On n'excluera pas ici a priori l'existence d'une «faure d'entreprise~ (ou d'organisation). Le terme neutre employé ouvre la possibilité de substituer le cas échéant à la faure un autre type de reproche.

Dans le modèle <Urect, le juge appelé à se prononcer sur la responsabilité de l'en- treprise ou de la personne morale se prononce sur le comporrement de celle-ci sans né- cessairement devoir porter une appréciation sur le comportement d'une personne phy- sique. Le regard ne se pose sur l'agent individuel ou collectif- organe, représentant- qu'en tant qu'il est émanation de l'entité. Dans le modèle vicarial en revanche, la dé- marche s'effectue en deux remps qui se succèdent nécessairement: d'abord, évaluation du comportement de l'agent; puis assignation de ce comporremenr, er du reproche qu'il suscite, à l'entité, personne morale ou entreprise.

Si la distinction apparaît claire a priori, elle esc mouvance à un double ri cre:

- a} la lecture même des dispositifs législatifs peut différer entre deux auteurs appli- quant cerre grille d'interprétation;

- b) les systèmes se superposent voire se succèdent parfois dans le même ordre juri- dique.

35 Dans la littérature inrernarionale, c'est Guy Sussms, •Corporate Criminal Liabiliry: a Comparative Perspec- tive-, !nt. and Comparative Law Quanerly 1994 493-520 qui présente et utilise, me semble-t·il, de la ma- nière la plus convaincante cene distinction, cf. surtout 507.

(13)

356

Robert Roth· Responsabilité pénale de l'entreprise: modèles de réflexion

Les nouvelles normes d.u Code pénal français illustrent bien le premier cas de fi- gure: on les voit souvent citées à titre d'illustration du modèle direct36, alors que, selon ma compréhension, c'est un modèle vicarial assez pur qui est appliqué37; l'OWiG alle- mande est direct en première lecture et vicarial en seconde analyse38Le droit anglais a quant à lui connu l'évolution ou la dérive d'un modèle vers l'autre: d'abord exclusive- ment vicarial, il a vu sc développer, à partir du droit maritime'9, un modèle direct avec la théorie de l'identification.

La portée de l'expression40 et du changement que la substitution de termes marque sous l'angle des modèles est bien illustrée par les développementS de Lord Reid dans le cadre d'un des arrêts de principe essentiels, Tesco Supermarkets Led. v. Nat- trass41: «Dans certains cas, l'expression alter ego a été utilisée ... Concernant une so- ciété, je pense que le terme alter est trompeur. La personne qui parle et agit en qualité de la société n'esc pas un alter. Elle est identifée à la société ... Les personnes physiques représentent pour la société le moyen par lequel elle peut agir.••

2. Les deux modèles soulèvent des problèmes touchant à la fois les principes et la construction de la responsabilité. Pour bien situer les points névralgiques, il convient de partir des trois objections classiques à l'admission de la responsabilité pénale des per- sonnes morales ou des entreprises: elles n'auraient pas la capacité d'agir {ou la capacité délicruelle); elles seraient inaptes à !a foute; enfin, elles ne sauraienc subir de sanctions, pour diverses raisons théoriques et pratiques: insensibilité à la peine, inadaptation des sanctions à l'entreprise, etc. En revanche, dans les deux modèles, aucun argument né- gatif ne peut être tiré du principe de la personnalité des peines, puisque, par un chemin ou l'autre, la personne morale ou l'en rreprise se voit reconnaître une responsabilité per- sonnelle dans l'infraction er qu'elle ne vient pas, comme dans l'art. 7 DPA, en seconde ligne subir une peine pour ume infraction imputée à autrui.

3. Les problèmes de punissabitité se posent dans les mêmes termes dans le cadre des deux modèles. En revanche, les aurres problèmes de pur principe voire de pure dog- matique se posent de manière plus aiguë dans le cadre du modèle direct que dans celui

36 ibidem.

37 Dans ce sens, plusieurs contributions •La responsabilité pénale des personnes morales•, n• spécial de la Revu~

de droit des affaires internationales (RDAJ) 511995 5nss.

38 Cf. de nouveau Swmu(n.35). 508. Dans le même sens, l'analyse •autochtOne• et critique de Band Schüne- mann B., «lst eine direkte strafrechtlich.e Haftung von Wirrschaftsunternehmen zulassig und erforderlich?• in The Taiwan/ROC Chapter, lmernational Ass. of Penal Law (ed.}, International Conference on Environmen- tal Criminal Law, Taipei 1992,452, 455 et 459.

39 Cf. la d~monmation très complhe de Philippe Kene4 La responsabilité pénale des personnes morales en droit anglais, thèse Lausanne 1991, 167 ss puis 193 ss.

40 Le vocabulaire utilisé peur malheureusement ajourer de la confusion (sémantique) dans une matière qui est déjà en soi difficile. En effet, le terme •identification• est reçu er s'esc répandu à partir du modèle du droit an- glais, et je dois l'utiliser ici. Il sera routefois également question plus bas d'un autre rype d'identification, dans un sens français plus correct, s'agissant de la recherche de la personne physique dont les acres (ou les omis- sions) engagent la responsabilité de l'entreprise (ci-après ch. 3.6).

41 Jugement de la House of Lords de 1972, ciré d'après Kerul (n. 39) 100ss (les italiques sont de moi).

(14)

357 Robert Roth· Responsabilité pénale de l'entreprise: modèles de réflexion

du modèle vicarial. Le premier ciré incite davantage à faire preuve d'imagination juri- dique, pour établir la capacité déliccuelle des personnes morales ou des entreprises ct surtout pour qualifier le type de reproche (ou de ((faure») qui peut leur être directement adressé (cf. à ce sujet l'arr. 100quater ch. 1 al. 6 de l'avant-projet de 1991 et ci-après, ch.2).

En régime vicarial, il faut surrout faire preuve de rigueur. En effet, la démarche consiste à transposer une faute individuelle en un reproche (ou une faure) d'entreprise ou de personne juridique: cette transposition exige une très grande prudence.

Dans l'un et l'autre modèle, enfin, Ü importe de délimiter avec précision quels agtnts peuvent engager, directement ou indirectement, la responsabilité, et à quelles conditions. A ce dernier propos, toutefois, si la question est identique, la réponse ne l'est pas nécessairement. Le cadre de la réponse diffère en effet: dans un cas, il s'agit de déterminer par quels moyens l'entreprise ou la personne morale agit (étant admis qu'elle peur agir et être appelée à répondre de ses actes [ou omissions]); dans l'autre, il se pose un problème de parcage de la faure et de causes d'exculpation (ou de preuve li- bératoire) dans le chef de l'entreprise ou de son agenr~2

4. Souvent, dans ce débat, on évoque la strict Liability, connue des droitS anglo- américains. En deux mors; ce mécanisme consiste à poser une présomption de culpabi- lité (de l'auteur présumé de l'infraction), présomption qui peut être renversée (ce qui n'esc pas le cas dans un régime d'absoiute /iability, qui n'entre pas en considération ici).

Le régime de strict liability ne s'applique pas exclusivement aux personnes morales ou aux entreprises; la doctrine et les projets de téformc associent toutefois régulièrement les deux questions43.

Historiquement, c' esr dans le domaine que nous qualifierions en termes conùnenraux cdroir pé- nal administratif» que la striclliability s'esr dévdoppée. La présomption de culpabilité se fonde en elfer sur l'inobservation de prescriprions de nam re r~glememaire, er la répression pénale riem dans ces domaines lieu de substitur à des moyens de droit adminimadf qui sont inconnus ou sous-développés dans le monde anglo-américain~4Une généralisation du régime est difficile- ment envisageable. Aussi, la strict liability ne saurait entrer en considération en ranc que vérita- ble er pleine a.lrcrnative aux mod~les qui serom analysés ici. Tour au plus pourra-t-on se poser la question d'une réception complémentaire et panielle de ce régime. Ceue question ne sera pas traitée dans le présem article.

La strict liabilitya contre elle d'entraîner un bouleversement de grande ampleur de notre droit de la responsabilité pénale. Le même argumem doit entrer en ligne de compte dans le débat sur les modèles de responsabilité. Les critères de la compatibilité de chacun des modèles avec les deux formes de culpabilité reconnues en droit pénal

42 Cf. à ce sujetl-ltint (n.l6), 231-232.

43 Cf., dans une litt~rature immense, l'excellente analyse de l'histoire et du r~gimc juridique anglais, dans une optique compar:u.istc, pa_r Krntl (n. 39) et en particulier, quant au rapprochemem entre punissabilit~ des en·

ueprisc:s ct strin lia bi lily les projets qu'il cire pp. 251 ss.

44 Ce point est soulign~ à juste titre par Hrint (n. 16), 246.

(15)

358

Robert Roth· Responsabilité pénale de l'entreprise: modèles de réflexion

classique et de l'importance des aménagements que supposerait une opération consis- tant à compléter la définition de ces formes de culpabilité en y ajoutant l'hypothèse d'une responsabilité de la personne morale ou de l'entreprise seront donc déterminants dans l'analyse qui suit.

2. Modèle direct, modèle vicarial et faute

Dans l'optique de la recherche de la solution la plus simple4S, il convient d'exa- miner la compatibilité du modèle direct et de son concurrent vicarial avec les deux formes de culpabilité classiques. La thèse défendue ici sera la suivante:

un modèle direct peut parfaitement s'adapter à la culpabilité par négligence; s'agis- sant de l'intention, l'opération est périlleuse, voire impossible, et seul un modèle vi- carial est applicable.

Cette thèse repose sur les principes et constatations suivantes.

a. Les personnes morales, voire plus largement les entreprises (cf. ch. V l), doivent se voir reconnaître la capacité d'agir (Handlungsfohigkeit). Il me paraît que le refus de l'admettre n'est tout simplement pas réaliste: comment contester d'une part que laper- sonne morale ou l'entreprise ont les moyens de se forger une volonté colLective et de tra- duire cette volonté en actes et que, d'autre parr, l'ordre juridique a forgé les institutions qui traduisent cene réalité, puisque la personne morale est dotée d'organes dont la voca- tion est précisément d'exercer sur le monde extérieur tme action qui corresponde à la volonté collective qui s'est forgée au sein de la société. A cet égard, il est tout aussi évi- dent que la pleine reconnaissance de cette réalité par le droit civil doit être un argument décisif, et que la thèse de la pleine autonomie du droit pénal en la matière ne saurait l'em- porter sur les impératifs dictés par le principe de l'unité de l'ordre juridique46.

Il esc intéressant dans ce contexte de s'arrêter un instanr sur la jurisprudence belge, puisqu'elle a été rendue dans un pays dans lequel les réticences traditionnelles à l'égard de la responsabilité pénale des personnes morales sont aussi tenaces que chez nous. Dans un premier temps, la Cour de cassation a atténué la portée de l'adage clas- sique en le reformulant de la manière suivante: societas delinquere, sed non puniri po- test47. Cette jurisprudence, confirmée à de multiples reprises depuis lors, situait claire- ment et précisément l'obstacle à la reconnaissance de la pleine punissabilité sur le ter-

45 Choix qui amène à écarter le modèle proposé par Schüntmann (n. 19 et 38), qui s'expose par ailleurs à des cri- tiques fondamentales. En substance, ces critiques portent sur le constat de base de Schiineman11 (l'existence d'un •ltrttde nlcmitl• [de mise en place d'une re.sponsabüité pénale de la personne morale\) ecsunouc sur la llgitimarion du type de construction choisie, qui repose largement sur les difficultés rencontrées dans l'établis- sement de la preuve. Enftn, le critère déterminant est celui de l'intérêt de l'entreprise, donc on verra plus bas les insuffisances. J'ai développ~ ces points dans mon rapport cité in limint.

46 Cf à ce sujet Graven/junod (n. 7), 361-362; Niklaus Schmid, «Von der zivilrechtlichen zur strafrechtlichen Produktchaftung» in Festschrift Max Keller, Zurich 1989, 649-650.

47 Arrêt du 16 décembre 1948, Pasinomie 19181723 et Journal des Tribunaux 1949, p. 148. Voiries dévdop- pemencs ulrérieurs et un très bon résumé des réponses aux objections dogmatiques che-t Françoise Tulktm!Mi- chel van dt Kachovt, Jncroduction au droit pénal, 2' éd., Bruxelb 1993, 263ss.

(16)

359 Robert Roth· Responsabilité pénale de l'entreprise: modèles de réflexion

rain de la sanction. Elle a donné à la doctrine l'occasion de proposer de multiples constructions qui permettent, d'une manière. ou d'une autre, d'établir que «l'infraction existe là où le reproche social peut être adressé le plus adéquatement» 48Il reste à savoir si ce reproche peut prendre la forme d'une faute. La question doit être abordée dans une double dimension: celle de son admissibilité de principe d'abord!, qui ouvre un dé- bac bien plus philosophique que juridique; puis celle des éléments constitutifs (identi- ques à ceux de la fauce classique? ou différents?) de la «faute d'entreprise>>.

b. Sur le plan du principe, rien ne s'oppose à la reconnaissance de la <<faute d'en- treprise».

Le point cemral de l'argumentation porte sur la substance même dom est faite la faute aujourd'hui. On peut considérer que la seconde phase de laïcisation du droit pé- nal est achevée: à la première étape qui conduit, à l'époque des Lumières, à la séculari- sation soit à la séparation entre domaine du religieux et domaine du politique en géné- ral et du pénal en particulier, a succédé un second temps qui conduit à la dissociation entre faute pénale er faute <<morale». La faute se définü toujours comme obligation de répondre de ses actes (ou de ses omissions), mais cette obligation incombe à l'être sociaL davantage qu'à un être moral qui a quitté le devant de la scène pénale. La faute elle- même a donc acquis une dimension sociale prépondérante. Aussi, les objections à la re- connaissance de la capacité à la faute de la personne morale fondée sur sa <<neutralité»

morale ou sur le fait que seule la personne physique est digne, en tant que produit de la création, de répondre de ses actes sur le plan moral sonr dépassées. Telle est en tout cas la conviction qui amène à défendre la thèse de la possibilité d'existence d'une <<faute d'entreprise» ~9.

On précisera immédiatemem, avant de poursuivre le raisonnement que l'admis- sion de cette prémisse enlève une bonne partie de son intérêt à un modèle de responsa- bilité pénale de l'entreprise qui s'auto-limiterait à l'imposition de mesures (de sûreté) au sens des art. 42-44, 57-58, 61 et lOQbis CP 5°. Ce modèle, qu'a choisi de suivre l'avant-projet de 1991, offre le grand avantage de laisser ouverte (ou de régler par la né- gative) la question de la faute. Il reste à disposition en tant que solution de repli au cas où la thèse développée ci-dessus ne serait pas retenue. Je poursuivrai pour ma part le raisonnement sur la prémisse de la possibilité d'une <<faute d'entreprise».

48 Formule de Y.Hannrquart, citée dans un bilan très précieux de la littérature par A. de Nauw, Rev. crit. de ju.r.

belge 1995, 245 ss.

49 La littérature sur le sujet est immense. JI m'apparaît que la perspective empruntée ici est bien ouverte par les ouvrages de droit pénal général suivants: J Baummm!U. Weber, Strafrecht, AUg. Teil, 9' éd., Bielefeld 1985, 563; Stifan TrechseVPeter No/4 Schweizerisches Strafrechr, Allgemeiner Teil !, 4' éd., Zurich 1 994, 131-132.

Enfin, dans le débat allemand sur un sujet traité de manière particulihement approfondie dans ce pays, une influence prédominance est exercée par Klaus Tidnnann, en particulier ·Die Bebussung von Umernelunen nach dem 2. Gesecz zur Bekampfung der Wimchafrskriminalitat•, NJW 1988 1171-1172 et, plus récem·

ment, •La criminalisation du comportement collectif• in H. de Doruür/K Titdemann (éds.), Cri mina! Liabi- lity of Corporations, La Haye 1996, 25. Voir également les travaux belges cités no res 47-48.

50 Cf. surtout Stratrnwmb(n.l9), 302-303.

(17)

360

Robert Roth· Responsabilité pénale de l'entreprise: modèles de réflexion

La «faute d'entreprise» n' csr pas nécessairemem autonome. En vertu du principe de subsidarité que nous suivons ici, il convient d'abord de vérifier le!> possibilités d'in- tégration dans les formes traditionnelles de culpabilité.

c. Aucun problème majeur ne se pose s'agissant des éléments objectifi de la négli- gence. Une encreprise peut cour aussi bien qu'une personne physique violer ses devoirs de prudence et se le voir reprocher. Les difficultés croissantes rencontrées à l'époque contemporaine dans l'élaboration de ce reproche tiennent pour l'essentiel à des déve- loppements du droit qui affectent les individus autant que les sociétés; avant cout, le risque de pré-détermination par des réglementations administratives d'une parr et des régulations d'associations privées d'autre part (par exemple dans le domaine des acci- dents sportifs), contre l'emprise desquelles le juge pénal doir, tout comme le juge civil, se défendre. Il en va de même de la détermination du standard à l'aune duquel devra être jugée l'imprévoyance de l'entreprise. I.:entreprise moyennne n'existe cerces pas plus que l'individu moyen, er la responsabilité de Nesclé ne saurait être établie dans des termes identiques à celles d'un perir établissement industriel de la Vallée de Joux. I.:ap- préciation «objective-individualisée» gui s'applique aux individus)1 peut toutefois être transposée à l'échelon des collectivités.

d. Les difficultés sont plus réelles s'agissant de la composante subjective de la né- gligence. Sous l'influence du droit américain, la doctrine «avancée» admet ici une forme de reproche autonome, une faure stricto sensu sui generis, forremenc teintée de raisonnements empruntés à l'économie d'entreprise voire à la sociologie des organisa- rionss2. Cette objectivation partielle me paraît d'autant plus pouvoir se justifier, qu'elle ne fair que rapprocher cc rype de faute pénale de la faure civile, qui reconnaît, comme on le sait, une importance moindre aux éléments subjectifs de la faure B.

Il ne faut rourefois pas surestimer les difficultés. Sur un plan strictement pénal, les conceptions actuellement dominances en matière de construction de la punissabi- lité réduisent la portée propre des éléments subjectifs, puisque les caractéristiques de l'auteur de l'infraction sont pour l'essentiel prises en considération dans la détermina- tion du devoir de prudence et par conséquent de l'imprévoyances-4. Ne relèvent dès lors du volet subjectif que les circonstances suivantes:

-capacité à la faute: il est évident que les clauses d'exclusion classique-irresponsa- bilité, contrainte absolue- ne peuvent s'appliquer aux encreprises. Dès lors, le raisonnement devienc vire circulaire et purement normatif: si le droit (pénal) re-

51 Cf. Strattnwmh (n. 15), 436-338.

52 Cf. Gntlhm/junod (n. 7), 357; Htint (n. 16), 358-359.

53 Cf. classiquement Emil Hafier, Lehrbuch des Schwcizcriscben Srrafrechts, Allg.Tcil, 2' ~d., Berne 1946, 130 ou}ttm Dt~rbell4y. Théorie générale de l'illie<!ité en droit civil et en droit pénal, Fribourg 1955. 60ss. Plus ré- cemment, Fr11nz ~rro, La capacit~ de discernement et la fame dans le droit suisse de la responsabilité, Fri- bourg 1986, 58-59.

54 Cf. la synth~ tout~ fair récente de Strtttmwmh (n. 15), 445-446. J'ai renté d'illustrer cette construction dans mon ouvrage Le droit pénal face au risque et i l'accident individuels, uusanne 1987.

Références

Documents relatifs

A notre sens, le système de gestion interne de la conformité préconisé par les TFGC doit notamment être concrétisé par la mise en place d’une procédure in- terne de

Il n’est pas exigé, en revanche, que l’entreprise ait, par un défaut d’organisation, causé l’impossibilité d’identi- fier la personne physique, de sorte qu’il

De plus, dans le cadre des comptes rendus d’activités, nous avons mis en place une étude sur le climat social, cela permet à nos collaborateurs de s’exprimer, d’être

– Pour les portefeuilles d’actifs immobiliers sous gestion, soutient les objectifs, les efforts et la démarche dans l’atteinte des objectifs du plan d’action triennal

Le comité de rémunération est perçu par B ARONTINI , B OZZI , F ERRARINI et U NGUREANU 716 comme un mécanisme de contrôle indépendant apte à limiter l’opportunisme

14 HEINE, recht 2005, 8. A noter que le projet de révision législative en matière de corruption propose de soumettre expressément la corruption privée en vertu de

Passez votre commande sur notre site internet www.lelemons.fr rubrique contact, remplissez les cases du formulaire (nom, date de livraison, téléphone, email) ou par email

6. MlLET, L'accident du trajet et les actes s'intégrant à l'accomplissement du parcours, Dr.. Aux termes de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985, seule une faute inexcusable de