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La problématique de la sécurité alimentaire face à un développement agricole en pleine mutation dans le bas-Sassandra pp. 16-37.

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LA PROBLEMATIQUE DE LA SECURITE ALIMENTAIRE FACE A UN DEVELOPPEMENT AGRICOLE EN PLEINE MUTATION DANS LE BAS-

SASSANDRA

KOFFIE-BIKPO CÉLINE YOLANDE1 et ADAYE AKOUAASSUNTA2 1- Maître de Conférences à l’Institut de Géographie Tropicale

2- Doctorante à l’Institut de Géographie Tropicale

RESUME

L’agriculture et la sécurité alimentaire sont au cœur des débats qui animent la scène internatio- nale et nationale. Cet article intitulé« Problématique de la sécurité alimentaire face à un développement agricole en pleine mutation dans la région du Bas- Sassandra » vise à analyser l’impact du dynamisme agricole du Bas-Sassandra sur la sécurité alimentaire des populations et à montrer comment l’agriculture qui caractérise cette région peut être une option stratégique pour parvenir à une sécurité alimentaire durable. Afin de répondre aux préoccupations po- sées, les méthodes de travail ont été principalement basées sur l’analyse documentaire et les enquêtes de terrain. Celles-ciont été dominées par des entre- tiens et l’administration d’un questionnaire aux chefs de ménage. Le consensus technique des différentes parties prenantes de la sécurité alimentaire a permis de déterminer le niveau de sécurité alimentaire de la région. Il ressort de cette analyse que la sécurité alimentaire de la région du Bas-Sassandra est com- promise. La pression démographique, les contraintes d’ordre technique et économique ont entraîné une faiblesse de la productivité agricole. A ces facteurs, s’ajoutent les effets de la crise postélectorale de 2010 à 2011, avec la dégradation des termes de l’échange,la hausse fulgurante des prix des denrées alimentaire et l’insécurité grandissante. Laprécarité de la situation alimentaire qui en découle, a conduit les ménages à développer des stratégies d’adap- tation. La durabilité de la sécurité alimentaire de la région doit nécessairement passer une réorganisation du système de production et de commercialisation.

L’accent doit être mis sur le développement du vivrier, indispensable à la sécurité alimentaire.

Mots clés : Côte d’Ivoire, Bas-Sassandra, Agri- culture, Sécurité alimentaire, Stratégie agricole.

INTRODUCTION

La problématique de la sécurité alimentaire en Côte d’Ivoire est au centre de nombreuses pré- occupations, en raison de la crise sociopolitique déclenchée en septembre 2002, de la crise ali- mentaire mondiale 2007-2008 et des changements climatiques dont les effets néfastes sont perceptibles sur les disponibilités alimentaires du pays.Pour le Sommet Mondial de l’Alimentation (FAO, 1996) : « La sécurité alimentaire au niveau individuel, familial, national, régional et mondial existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active ».De ce fait, assurer la sécurité alimentaire à tout être humain, quel qu’il soit et où qu’il vive, c’est de lui garantir le droit d’ac- céder à tout moment, librement et dignement à une alimentation nutritive et saine.

Après plusieurs années d’intérêt particulier ac- cordé à l’analyse des effets des politiques d’ajuste- ment structurel et de la libéralisation progressive des structures agricoles de l’Etat, l’on assiste maintenant, à un recentrage des thématiques autour du concept de la sécurité alimentaire. Ainsi, celle-ci est perçue dans la perspective d’un développement viable et durable à long terme, avec une vision globale des quatre piliers qui la renferment à savoir la disponibi- lité, l’accessibilité, l’utilisation des aliments et la sta- bilité.Dans un contexte de désengagement de l’Etat, de libéralisation et de compétitivité spatiale entre

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cultures d’exportation et cultures vivrières, la sécurité alimentaire est désormais moins une problématique de la production que de l’accessibilité (économique et sociale aux aliments), de la répartition et du maintien des styles alimentaires.

En effet, l’importante croissance économique en- registrée par la Côte d’Ivoire depuis son accession à l’indépendance politique en 1960, est liée en grande partie aux progrès réalisés dans le domaine agricole.

Une agriculture ivoirienne qui, longtemps dominée par les cultures d’exportation, constitue la base de son relatif développement que certains observateurs n’ont pas hésité à le qualifier de « miracle écono- mique ivoirien ». Cependant, en dépit d’honorables performances au cours des deux décennies suivant cette indépendance, la production vivrière et sa projection dans le temps ont, à un moment donné, suscité des inquiétudes. L’urbanisation est devenue galopante avec pour corollaire une pauvreté extrême.

C’est alors que la question de la sécurité alimentaire des populations urbaines et même rurales va se poser avec acuité aux autorités ivoiriennes. Avec un taux de croissance de la population particulièrement élevé (3,5%), les besoins alimentaires doubleront à la fin de la période 1996-2015, en passant de 5,564 millions de tonnes à 10,2 millions de tonnes (MINA- GRA, 1996).

La région du Bas-Sassandra, objet de cette étude, n’échappe pas non plus à cette donne. Son activité agricole, essentiellement orientée vers les cultures de rente occupe 96,78% des superficies cultivées contre 3,22% pour les cultures vivrières(RNA, 2001).

Malgré le développement des cultures d’exportation, cette région présente des signes de satisfaction en matière d’autosuffisance alimentaire dans une large gamme de produits vivriers. Toutefois, la paupérisa- tion, l’inégalité de la distribution de la disponibilité des aliments sur le territoire et le coût des transactions, réduisent les chances pour sa population d’accéder physiquement et financièrement à un aliment en quantité et en qualité suffisantes.

En raison de conflit armé déclenché depuis sep- tembre 2002 à avril 2011, de la forte saisonnalité des pertes post-récolte et des difficultés de ravitaille- ment des marchés en produits vivriers, les flux de produits alimentaires ne couvrent pas les besoins nutritionnels des populations de la région. L’Evalua- tion Approfondie de la Sécurité Alimentaire (EASA,

2009), indique que 21,5% de sa population est en insécurité alimentaire sévère et modérée contre 12,6% au niveau national. De même, selon l’enquête sur le niveau de vie des ménages en Côte d’Ivoire, la région du Bas-Sassandra a un taux de pauvreté de 41,3% (INS, 2008). Ces résultats confirment bien les inquiétudes exprimées. Au regard de ceux-ci, force est de constater que la sécurité alimentaire de la région du Bas-Sassandra est problématique et paradoxale. Autant elle est sensée fournir de grandes quantités de vivres à nombreuses villes du Sud dont Abidjan (4 000 000 d’habitants), autant elle enregistre un fort taux d’insécurité alimentaire sur son terroir (21,5%).

Pourtant, depuis l’indépendance du pays en 1960, cette région du Sud-ouest ne cesse de faire l’objet d’attention particulière de la part des autorités ivoi- riennes, tant au niveau des cultures d’exportation que vivrières. En plus des nombreux facteurs climatiques et pédologiques traditionnels qui militent en faveur de sa croissance agricole, s’ajoutent de nombreux pro- grammes de développement tels que : l’Autorité de l’Aménagement de la Région du Sud-ouest (ARSO) mis en place en 1968, les projets agro-industriels etc. Ces avantages ont permis à cette région d’être le centre de prédilection d’une croissance agricole et en même temps d’une forte migration de popula- tions venues des pays voisins ou issues des zones de savane généralement pauvres, à la recherche de meilleurs revenus plus attrayants. Aujourd’hui, ce flux migratoire non contrôlé faisant place au dy- namisme pionnier des populations allochtones et à l’absence de contraintes foncières apparaît comme des éléments décisifs ayant prolongé le mouvement de colonisation foncière, jusqu’à l’épuisement des réserves forestières. Plus de 70% des 640 000 hecta- res de forêts classées de la région du Bas-Sassandra sont dégradées du fait de l’action de l’homme (SRAT, 2008). Ces différents facteurs sont sources de nom- breux conflits fonciers interethniques emmaillant la scène rurale de la région.On se trouve, dès à présent, face à différents facteurs externes et internes sus- ceptibles de susciter de profondes transformations des formes d’occupation de l’espace, des systèmes d’exploitation agricoles, des modes alimentaires et des régimes démographiques. Il s’en suit des muta- tions agricoles orientées vers la diversification des techniques et systèmes culturaux, dans un espace quasiment appauvri.

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Alors, au regard de toutes ces considérations, l’étude de la problématique de la sécurité alimentaire face à un développement agricole en pleine mutation a pour objet, l’analyse de l’impact du développement agricole régional du Bas-Sassandra sur la sécurité alimentaire de la population. De ce objectif général, la question principale est de savoir si le dynamisme agricole, caractérisant le Bas-Sassandra lui assure la sécurité alimentaire. En d’autre terme, le dynamisme agricole en vigueur dans le Bas-Sassandra favorise- t-il l’accès permanent des populations aux denrées, pour satisfaire leurs besoins alimentaires ?

LES METHODES DE TRAVAIL

L’APPROCHE À LAQUELLE EST LIÉE L’ÉTUDE

L’approche territoriale systémique appliquée au Cadre Intégré de Classification de la sécurité alimen-

taire (IPC) a été utiliséecomme moyen d’analyse de la question agricole et alimentaire.

Dans un cadre spatial défini comme la région du sud-ouest ivoirien, elle présente l’avantage de privilégier l’examen des phénomènes dans leurs in- teractions multiples et dont on trouve la transcription dans les paysages. I1 s’agit, dans une perspective géographique, de rechercher des corrélations entre l’organisation de l’espace, celle de la société et de son système alimentaire. Pour mettre en œuvre cette approche, nous avons axé nos questions de recher- che sur des niveaux d’analyse et non sur chaque élément du territoire. Ainsi, pour nous affranchir, le cadre analytique de l’IPC a été adopté (figure 1).

Figure 1 : Le cadre analytique de l’IPC. (Source : MINAGRI, FAO, 2012)

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Il est basé sur onze (11) principaux indicateurs, présentant une interaction dynamique entre les deux catégories d’indicateurs : les facteurs contribuant à la sécurité alimentaire et les indicateurs de résultat.

La détermination de la phase dans l’IPC tient compte de l’analyse causale des facteurs contribuant spécifi- ques (aléa, moyens d’existence…) et non spécifiques (services de santé insuffisants, soins inadéquats) à la sécurité alimentaire, ainsi que leurs impacts réels ou en termes de risque sur les quatre piliers fonda- mentaux de la sécurité alimentaire.

Les facteurs de causalité impactent sur les dimen- sions de la sécurité alimentaire, dont les effets géné- rés sont soit un risque de dégradation de la situation ou un impact réel sur les mesures de consommation alimentaire et/ou des moyens d’existence des mé- nages. Il s’agit du premier niveau de la classification des phases de la sécurité alimentaire. L’analyse de la situation alimentaire est renforcée par leurs effets directs ou indirects sur l’état nutritionnel et le taux de mortalité (second niveau de résultats). L’amplitude (quantitative et/ou temporelle) des indicateurs des deux niveaux de résultat pourrait constituer des aléas et des évènements aigus ou continus (rétroaction).

LES MÉTHODES DE L’ÉCHANTILLONNAGE Plusieurs techniques aident à obtenir un échan- tillon représentatif. Cependant, notre choix s’est porté sur la méthode empirique ou de choix raisonné, précisément, sur celle des quotas qui consiste à cher- cher à obtenir par raisonnement, un échantillon qui soit représentatif de la population cible. Les raisons qui sous-tendent ce choix sont multiples. Il s’agit de l’étendue de notre espace d’étude et du manque de statistiques récentes et fiables. Du fait aussi de la densité de la population, il n’est guère aisé de constituer une base de sondage avec un nombre précis de chefs de ménage. Notre aire d’investigation est la région du Bas-Sassandra. Selon le Ministère de l’Intérieur (2008) cette région couvrait 4 départe- ments, 21 sous-préfectures, 60 communes, 16 686 campements, avec 121 026 ménages agricoles.

Alors, pour opérer un choix raisonné de l’échantillon, l’accent est mis sur trois niveaux :

- le premier niveau est celui du choix des villa- ges ;

- le deuxième niveau est le choix des chefs de ménage et des exploitations ;

- enfin, le troisième niveau est le choix des acteurs de la commercialisation.

L’échantillonnage de chacun de ces niveaux est guidé par un ensemble de critères. La taille des vil- lages, la dimension socioculturelle traditionnelle, la distance des villages ont défini le choix des villages.

Au total, 08 localités ont été choisies en raison d’un village et du chef-lieu de sous-préfecture dans cha- cun des 04 départements. Les critères retenus pour le choix des chefs de ménage sont : les couches socioprofessionnelles agricoles, l’âge, le sexe et l’origine géographique.La combinaison des critères a débouché sur un échantillonnage de 200 chefs de ménages (36 autochtones, 120 allochtones, 40 allogènes et 04 autorités administratives).Enfin, les acteurs de la commercialisation sont répartis entre les commerçants grossistes au nombre de 04, les commerçants détaillants (40) et les chauffeurs et propriétaires de véhicules de transport (10).

LA MÉTHODE DE COLLECTE DES DONNÉES ET LE TRAITEMENT DES INFORMATIONS Cet article veut analyser l’impact du dynamisme agricole du Bas-Sassandra sur la sécurité alimentaire de la population. Pour mener l’étude, nous avons disposé de deux catégories de données collectées, les données issues de la documentation appelées encore données secondaires et celles constituées par nos enquêtes auprès des ménages (les données primaires ou le travail de terrain).

L’analyse documentaire a consisté à recueillir des informations dans des documents, rapports, thèses, mémoires, consultés dans des bibliothèques univer- sitaires, des structures de recherche, des ministères et organes de développement.

L’enquête de terrain a consisté en un recueil de données par l’intermédiaire de questionnaires mais également, de recueils d’informations qualitatives à travers des observations et des entretiens. Elle est primordiale dans une étude géographique en ce sens qu’elle permet d’appréhender sur l’espace concerné, l’ensemble des éléments et des informations suscep- tibles de confirmer ou d’infirmer nos hypothèses.Elle s’avère indispensable dans la mesure où sa fonction première est de percevoir, représenter et restituer le phénomène de l’emprise spatiale qui caractérise la géographie.

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1- LES FACTEURS DU DEVELOPPEMENT AGRICOLE REGIONAL

Le développement agricole du Bas-Sassandra dépend de nombreux facteurs tels que, le potentiel écologique, le niveau technologique, les aptitudes des producteurs agricoles et leurs initiatives et enfin, de la politique de l’Etat.

1 . 1 - D E S C O N D I T I O N S P H Y S I Q U E S FAVORABLES AU DÉVELOPPEMENT AGRICOLE

Elles portent sur les conditions climatiques, le relief, l’aptitude culturale des sols, la végétation et le réseau hydrographique.

Un climat contrasté

La région du Bas-Sassandra à un climat de mous- son soumis à un régime à deux saisons sèches et deux saisons des pluies qui modulent fondamentalement les activités agricoles et influencent le comportement des paysans.L’analyse des moyennes pluviométri- ques mensuelles (1983-2009) permet de distinguer trois types de mois.Les mois à faibles pluviométries ont une hauteur moyenne mensuelle inférieure à 100 mm. Il s’agit des mois de décembre, janvier, février et Mars. Ils marquent la grande saison sèche dans cette région à l’exception du département de Soubré qui enregistre une hauteur de plus de 100 mm pour le mois de Mars. Le mois d’août et celui de septembre sont également des mois à faible pluviométrie dans la région. Cette période de l’année correspond en fait à la petite saison sèche, marquée par la présence d’un air humide stable, qui ne donne pas de pluies mais un temps nuageux et frais. Les secteurs les plus touchés par ces faibles précipitations sont le département de Sassandra et de San-Pedro. Leur hauteur moyenne mensuelle est inférieure à 100 mm. Par contre, Soubré et Tabou enregistrent une pluviosité importante avec plus de 150 mm.

Les mois à pluviométrie intermédiaireont des hauteurs moyennes mensuelles comprises entre 100 et 200 mm. Le mois d’avril est un mois intermédiaire qui annonce généralement l’arrivée de la grande saison pluvieuse.Les mois d’octobre et de novembre comptent également parmi les mois de pluviométrie modérée. Cette période de l’année correspond à l’ins- tallation de la deuxième saison des pluies (ou petite saison des pluies). La majeure partie de cette zone

reçoit des précipitations comprises entre 100 et 200 mm par mois. Le nombre mensuel de jours de pluie confirme l’installation de cette saison des pluies.

Les mois de forte pluviométrie enregistrent des hauteurs moyennes mensuelles entre 200 et 500 mm. Les mois de mai, juin et juillet, sont les plus pluvieux de l’année. Les hauteurs de pluie les plus importantes sont enregistrées sur la côte précisément à Tabou et à Sassandra. Cette situation est plus re- marquable au mois de juin où les pluies enregistrées dans cette région envoisinent les 500 mm. Mais, les précipitations connaissent une légère diminution pendant le mois de juillet par rapport à celles de mai et juin. Le nombre d’événements pluvieux est un fait marquant de cette saison de pluie. Au moins 10 jours de pluie sont enregistrés sur la presque totalité de la région.

Quant aux températures, elles sont élevées et constantes tout au long de l’année (26°C en moyenne) et ne varient que peu d’un mois à l’autre, avec de faibles amplitudes thermiques saisonnières et annuelles toujours inférieures à 4°C. Cependant, elles sont avantageuses pour la mise en valeur agricole.

Cette division du climat s’accompagne de certains avantages dans le Bas-Sassandra. Ils proviennent de l’abondance des pluies et favorisent la diversité des produits agricoles, aussi bien des cultures d’ex- portation que vivrières.

Un relief favorable à une diversité de cultu- reset des sols aux aptitudes culturales bonnes mais de plus en plus exploités

L’ensemble de la région comporte un relief assez varié présentant l’allure générale d’une plaine qui débouche sur la mer, avec quelques hauteurs dont le sommet maximal ne dépasse guère les 475 m. Ce contraste ne constitue en aucun cas une entrave à la pratique agricole. Au contraire, ce relief peu accidenté présente de grandes surfaces cultivables ;associé aux sols,ils favorisent la diversité des cultures.

En effet, les sols du Bas-Sassandra appartiennent au groupe des sols ferralitiques. Ils sont marqués par un processus d’altération des roches appelé ferra- litisation, provoqué par le climat chaud et humide, qui donne des sols lessivés, à forte concentration d’hydroxydes de fer et d’alumine. La plus ou moins grande ferralitisation permet de distinguer trois sous-

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types qui correspondent assez bien à la pluviométrie : fortement désaturés au Sud et à l’Ouest, là où tombent plus de 1500 mm de pluie, moyennement désaturés plus au Nord et à l’Est, vers 1400-1500 mm, faiblement désaturés au-dessous de 1400 mm.

Dans l’ensemble et mis à part quelques sols cuiras- sés impropres aux cultures de faible étendue, les sols forestiers conviennent à la gamme des cultures vivrières. Les sols de l’Ouest, plus désaturés et dé- veloppés souvent sur des roches moins favorables, sont, sauf exception, moins fertiles que ceux de l’Est. Mais la plupart des sols sont classées dans la catégorie des sols aux aptitudes culturales bonnes ou moyennes. Ces sols, meilleurs par leur texture que par leurs qualités organiques ou chimiques sont pauvres et faciles à travailler. Toutefois, la croissance démographique très élevée de la région du Bas-Sas- sandra, due principalement à une forte immigration de travailleurs en quête de ressources forestières et de terres fertiles, a eu de lourdes conséquences agro-pédologiques.L’épuisement et la dégradation de la qualité des sols sont des contraintes qui sont évoquées par tous les enquêtés, quelle que soit la zone.Le phénomène est plus accentué dans les départements de Soubré et de San-Pedro où, à la question de savoir si les conditions naturelles du sol sont bonnes pour les cultures, respectivement 44,6%

et 62,9% ont répondu par la négation. Par contre, il est moins accentué à Sassandra (39,3%) et à Tabou (7,14%). Ce fait réduit considérablement les produc- tions de certaines cultures d’exportation comme le cacao et le café. Ce qui amène ces paysans soit à les remplacer par d’autres cultures comme l’hévéa, le palmier à huile ou par les cultures vivrières. Ces dernières, venant en appoint aux cultures d’expor- tation connaissent aussi une baisse de production, depuis la crise sociopolitique ivoirienne.A l’exception de l’igname (tardive et précoce) qui a connu une augmentation de 107% de 2001 à 2007, toutes les autres cultures vivrières du Bas-Sassandra ont connu une baisse de production. Le manioc a chuté de 7%, la banane 8%, le riz 45% et le maïs 69%. La baisse de ces différentes productions est due à l’infertilité des sols.

Une végétation fortement dégradée

La végétation de la région est pour sa quasi-tota- lité, celle du secteur ombrophile du domaine guinéen et pour une étroite frange côtière, celle du secteur littoral.Elle se situe au Sud de l’isohyète 1600 mm

et a pour climax dominant la forêt humide semper- virente, c’est-à-dire que la défeuillaison n’en affecte jamais l’ensemble. Toutefois, la physionomie actuelle de la végétation la qualifie de végétation fortement dégradée. La couverture végétative est en nette régression sous l’effet conjugué d’une agriculture itinérante sur brûlis et d’une exploitation forestière très mal maîtrisée. Désormais, la région présente un paysage composé en majorité de terres cultivées et de forêts dégradées. Il est constitué en grande partie d’une mosaïque de différents types d’associations culturales et forestières (îlots forestiers, culture sous- bois, friches ou jachères). La strate la plus basse correspond aux défrichements de l’année et aux cultures vivrières. Le deuxième type de paysage, le plus répandu, est fait d’un mélange de forêts se- condaires et de plantations arbustives de cacao, de café, de palmier à huile et d’hévéa. Le dynamisme agricole de cette région est également marqué par la présence de paysages composés de culture ou de jachère. Au-delà de cette physionomie d’ensem- ble, il existe

des

lambeaux de forêts notamment de forêts classées qui rappellent encore l’ancienne végétation

.

En définitive, le dynamisme agricole a abouti à un recul de la forêt. Le Bas-Sassandra a connu une destruction de son massif forestier, ces dernières années.

Une abondante ressource hydrographique insuffisamment exploitée

La couverture hydrographique de la région du Bas-Sassandra est dominée par un important réseau de cours d’eau particulièrement dense. Il s’agit des deux principaux bassins versants : le Cavally et le Sassandra, auxquels il faut ajouter un ensemble de fleuves côtiers et leurs affluents qui prennent leur source au Sud de la ligne de partage des eaux constituées par la chaîne de Grabo. Grâce à la fa- çade maritime d’environ 300 km, ceux-ci se jettent pour la plupart dans la mer.La région est suffisam- ment drainée et cela constitue un atout favorable au développement agricole.

1.2- UNE CROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE E N C O R E R A P I D E M A L G R É U N RALENTISSEMENT RÉCENT

Le Bas-Sassandra regorge d’une population den- se et hétérogène.Un de ses traits marquants réside dans le niveau très élevé de son taux d’accroisse-

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ment moyen annuel. En effet, la population totale qui était de 195 399 habitants, selon le recensement gé- néral de la population de 1975, est passée à 647 696 habitants en 1988 pour atteindre 1 395 251 habitants en 1998, soit un taux d’accroissement moyen annuel de 9,7% sur la période 1975-1988 et de 8,0% sur la période 1988-1998. Ce taux est largement supérieur à la moyenne nationale qui était respectivement de 3,8% et 3,3% sur ces deux périodes. Selon les pro- jections de l’INS, la population de la région passerait de 1 395 251 habitants en 1998 à 1 889 235 habitants en 2008 pour envoisiner 2 448 841 habitants en 2018 soit respectivement des taux d’accroissement moyen annuel de 3,08% et 2,63%. Ces taux sont largement inférieurs à ceux des années précédentes. Ce qui témoigne de l’accroissement rapide de la population du Bas-Sassandra des années 1975, 1988 et 1998.

Mais à partir de cette dernière date, la région est soumise à un fléchissement de sa population. Les raisons en sont nombreuses. Il s’agit notamment des conflits fonciers relatifs à l’extinction des forêts et de la crise militaro-politique ivoirienne de l’année 2002. Ces deux éléments fondamentaux ont ralenti le mouvement des populations (surtout agricoles) vers la région.

2- LE DYNAMISME AGRICOLE ET ALIMENTAIRE DUBAS-SASSANDRA La région du Bas-Sassandra est une région éminemment agricole. Le secteur agricole constitue la principale activité économique de l’ensemble des chefs de ménage (93,73%) et mobilise environ 82,7%

des terres cultivables en 2004 (SRAT, 2008). C’est une agriculture extensive sur brûlis de type pluvial.

A partir de données quantitatives et qualitatives, il s’agit dans cette partie d’identifier et d’étudier pour l’ensemble régional, les systèmes de production agricole en vigueur et leurs mutations. L’accent est mis sur les principales productions de cultures arbus- tives et vivrières, car ce sont elles qui renseignent et commandent le mieux sur la situation alimentaire des ménages.

2.1- UN SYSTÈME DE PRODUCTION AGRICOLE VILLAGEOIS EN PLEINE MUTATION Les exploitations à économie de plantation sont généralement caractérisées par des cultures en association à leur début. Les cultures pérennes et vi-

vrières sont intégrées dans un même système fondé sur l’extensivité. Cettepratique reflète la variété des combinaisons culturales possibles. Chaque année, le paysan défriche un nouveau champ dans lequel il plante de nombreuses espèces et variétés vivrières.

Dejeunes pieds de cultures d’exportation sont ensuite misen terre et poussent à l’ombre des cultures ali- mentaires. Souvent, on rencontre dans les champs, troisprincipaux types de parcelles vivrières de pre- mière année. Les plus nombreuses sont plantées d’ignames, cultivées en buttes, par la majorité des Baoulé et auxquelles sontassociés en plus ou moins grande quantité, taro, banane plantain, légumes, voi- re maïsou manioc. Les deuxièmes parcelles, presque aussi fréquentes sont cultivés en riz pur ou associé à du maïs, avec quelques pieds debanane et des condiments, par quelques autochtones et migrants du Nord. Dans les dernières parcelles, la banane plan- taindomine, associée au taro et parfois au manioc.

Dans presque toutes ces parcelles de vivriers, sont complantées de jeunes cultures arbustives, surtout de cacaoyers. La banane plantain, mise en terre justeaprès les cacaoyers, dans la parcelle d’igname ou de riz, devient la principale culture vivrière dans la majorité des cas,lorsque ces dernières sont récoltées et elle reste en production sur une longue période.

Elle cohabite parfaitement avec les cacaoyers,ce qui explique son importance quantitative dans la région.

Mais, la saturation foncière, tant observée en cette décennie, empêche cette tendance de se reproduire.

La raréfaction des terres eu égard à leur occupation par de grandes plantations arbustives et l’accroisse- ment démographique, mettent gravement ce système en péril et conduisent certainement à opérer des mutations essentielles. Les paysans essayent tant bien que mal d’adapter leur système de production agricole. Ils réduisent la durée de jachère, en amé- liorant leurs techniques culturales pour retrouver l’équilibre et surtout pour être capable de répondre à la demande croissante en vivres. Ils ont mis fin à l’itinérance et se sont mis à cultiver les mêmes lopins de terres en associant plusieurs cultures vivrières sur les terres dégradées impropres aux cultures arbustives qui autrefois étaient délaissées pour la forêt. La répétition de culture sur les mêmes parcelles conduit progressivement à la pratique d’un système de culture sédentaire. Les vivriers sont désormais cultivés en monoculture. Près de 49% des ménages enquêtés font exclusivement du vivriers en culture

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pure contre 27% de ménages pratiquant l’association des cultures et 24% de ménages associant les deux, sur une superficie donnée. En dehors des personnes qui disposent encore de forêt pour l’extension des cultures arbustives, l’ensemble de la population et majoritairement les étrangers, pratique la monocul- ture. Cette pratique s’explique premièrement par la quasi extinction des forêts qui favorisaient l’associa- tion des cultures (cultures arbustives et vivrières).

Secondairement la monoculture est pratiquée plus par les migrants que les autochtones (83% contre 17%), car les premiers, n’ayant pas accès au foncier pour une culture arbustive, procèdent par location pour une durée maximale de deux ans renouvela- bles. Ils sont donc contraints à y mettre des cultures de cycle court telles que le maraîchage,le maïs ou le manioc.

En résumé, dans cette zone de forêts, les trois systèmes de production énumérés cohabitent. Ils connaissent chacun des fortunes diverses au regard de leurs capacités à participer à la satisfaction des besoins alimentaires des ruraux et urbains et de leurs perspectives d’évolution, pour être en adé- quation avec les nouveaux facteurs et conditions de production.

2.2- UNE DOMINANCE DES PRODUITS AGRICOLES ET DE VARIÉTÉS DES SYSTÈMES ALIMENTAIRES

De l’activité de navigation caractéristique majeure de l’ensemble des occupants du littoral ivoirien, en passant par la monoculture du binôme café-cacao, le paysage agricole du Bas-Sassandra se trouve ac- tuellement dominé par une gamme variée de cultures

tant industrielles que vivrières. Celles-ci occupent aussi bien de grandes surfaces agro-industrielles comme de petites surfaces à l’initiative des exploi- tants villageois individuels. L’agriculture de la région demeure ainsi une agriculture très diversifiée. Il s’agit essentiellement des cultures arbustives qui occupent 90% de la superficie cultivée, des cultures vivrières, des céréales et des arbres fruitiers qui se partagent le reste de la superficie 10% (RNA, 2001). Ces chif- fres renseignent aussi sur l’importance spatiale que revêt la culture du cacao (72,64%) sur l’ensemble des autres produits.L’agriculture industrielle est dominée par six principales cultures à savoir : le ca- cao, le café, le palmier à huile, l’hévéa, les agrumes à essence (le citron) et le cocotier. Son poids est à l’image des choix de développement économique opérés danscette région, dans le cadre du vaste programme de développement du Sud-ouest de 1969. De manière générale, l’on note une forme de spécialisation des principales zones de la région en matière de production agricole résultant du projet initial qui avait déterminé des zones précises de pro- duction des différentes spéculations.Le département de Soubré reste la principale zone de production du cacao et du café, bien que ces deux cultures soient présentes sur la quasi-totalité du territoire régional.

Le département de Sassandra est réparti entre les productions de cacao, de café et de palmier à huile, notamment à Sago. La principale zone de produc- tion de l’hévéa reste le département de San-Pedro, surtout Grand-Béréby avec l’usine SOGB installée à Ouéoulo. Quant au département de Tabou, il est dominé par la production du palmier à huile, princi- palement dans les zones forestières de Néka et de Grabo confère tableau1.

Tableau 1 : Superficies cultivées des spéculations industrielles

Départements S u p e r f i c i e s t o t a l e s cultivées (ha)

% Cacao

% Café

% Palier à Huile

% Hévéa

% Cocotier

San-Pedro 256 322 75,71 5,39 6,88 8,75 0,05

Sassandra 124 364 74,89 10,53 8,74 0,93 0,08

Soubré 302 789 71,27 11,18 4,35 1,61 0,06

Tabou 53 432 60,42 3,80 28,47 2,26 0,72

Source : Ministère de l’Agriculture, Recensement national de l’Agriculture 2001

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La répartition spatiale des activités agricoles mon- tre la présence des cultures traditionnelles (café et cacao) sur l’ensemble du territoire régional. Dans le département de Tabou, le palmier à huile représente environ 30% des exploitations agricoles et est la deuxième spéculation après le cacao ; c’est le seul département de la région où le palmier à huile a une telle importance. Le cacao reste la culture dominante dans tous les départements. Les nouvelles cultures industrielles émergentes, l’hévéaculture, le palmier à huile, le coco et le citron sont localisées sur la bande littorale des départements de San-Pedro, Sassandra et Tabou. Mais, il est à souligner un recul notable des exploitations caféières au profit de ces nouvelles productions agricoles industrielles, dans les départements de San-Pedro et de Tabou.

L’agriculture vivrière est une activité économique secondaire dans le Bas-Sassandra, au regard des cultures arbustives constituant l’activité principale.Toutefois, elle occupe une place importante au vu de la production et des superficies culturales. Les principales productions vivriè- res locales sont notamment : le riz, le maïs, l’igname, le manioc, la banane plantain et les légumes et sont globale- ment reparties sur l’ensemble du territoire régional. Mais l’igname tardive, le manioc, la banane plantain demeurent les cultures dominantes et l’emportent en tonnages et en superficies sur les céréales. La région expédie à l’intérieur comme à l’extérieur des quantités de vivres bien supé- rieures à celles qu’elle reçoit1. Le volume de vivriers en provenance du Bas-Sassandra, montre qu’il est l’une des principales régions fournisseuses de vivres à la métropole Abidjanaise. Nos enquêtes menées sur les marchés de gros d’Abidjan confirment l’importance du flux de vivriers en provenance du Bas-Sassandra, pour le ravitaillement de ces marchés. Aussi, une comparaison des productions vivrières nationales avec celles du Bas-Sassandra, mon- tre que celui-ci est l’une des régions ivoiriennes à avoir bénéficié d’un bilan alimentaire positif, surtout au niveau des féculents (Tableau 2).

Les disponibilités quantitatives en racines, tu- bercules et céréales sont en moyenne de 627 Kg/

tête/an, ce qui témoigne d’une région globalement autosuffisante au plan alimentaire. Néanmoins, les effets de la crise sont perceptibles avec une tendance

1- L’exception est faite du riz. Bien que la région produise de fortes quantités de riz, celles-ci ne peuvent pas couvrir toutela consommation de la population, surtout la population urbaine.

Le complément relève des importations alimentaires de la Côte d’Ivoires’élevant à 50% de riz importé.

baissière de l’ensemble de ces disponibilités. Les produits vivriers les plus abondants sont donc les racines et les tubercules avec plus de 349 Kg/tête/

an pour l’igname tardive et 116 Kg/tête/an pour le manioc.

Quant aux disponibilités du groupe des céréales (riz, maïs, arachide, sorgho), il connaît une moyenne très faible de 11 Kg/tête/an et témoigne d’une in- satisfaction alimentaire de la région en céréales.

Mais, il est important de souligner que, ce contexte alimentaire apparemment satisfaisant ne traduit pas toute la réalité alimentaire de la région. Pour preuve, les résultats des enquêtes menées par le PAM et la FAO en octobre 2009, indiquent que 21,5% de sa population est en insécurité alimentaire sévère et modérée. Selon l’enquête sur le niveau de vie des ménages en Côte d’Ivoire par l’INS en 2008, la région du Bas-Sassandra a un taux de pauvreté de 41,3%.

Quant à notre enquête menée en septembre-octo- bre 2011, elle a révélé une extension généralisée de l’insécurité alimentaire.En effet, nous sommes en présence d’une région qui subit deux grandes contraintes, depuis plus d’une décennie :

D’un côté, il y’a l’évolution régressive du milieu naturel, la baisse de la pluviométrie dont la consé- quence est la salinisation des sols et l’obligation des paysans à s’adonner de plus en plus à d’autres techniques agricoles telles que les cultures de bas- fond et d’adaptation (manioc) pour parvenir à leur survie alimentaire ;

Ensuite, il y’a les contraintes liées à la crise socio- politique de 2002 ayant occasionné le départ massif d’un grand nombre de producteurs et de la main- d’œuvre. Du coup, la production de l’ensemble des vivriers a baissée durant la période 2001-2007 dans l’ordre de 8% pour la banane ;7% pour le manioc ; 69% pour le maïs et 45% pour le riz.

L’ensemble de ces contraintes montre bien que la moyenne de la consommation par habitant, par an de 627 Kg/tête/an des racines, tubercules et céréales est un chiffre trompeur. Il cache plusieurs poches de villages dans lesquelles l’alimentation des habitants est un véritable problème. Face à cette situation d’insécurité alimentaire, les paysans ont développés des stratégies d’adaptation et de subsistance.

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Tableau 2 : Rangs nationaux de la région du Bas-Sassandra dans les cultures vivrières pour l’année 2007 et la consommation par tête

Cultures vivrières Quantité totale produite au niveau national (en tonne)

Pourcentage (%) de la quantité produite

dans la région

Classement de la région au niveau

national

Consommation/

tête (Kg/tête/an)/

Igname précoce 1 775 153 13,5% 4ème 130,5

Igname tardive 3 727 185 17,2% 2ème 349,07

Manioc 2 342 158 09,13% 5ème 116,43

Banane plantain 1 510 778 07,68% 5ème 63,18

Riz 606 310 02,53% 12ème 8,34

Maïs 531 940 0,81% 13ème 2,35

Arachide 69 256 0,69% 8ème 0,3

Sorgho 34 379 0,79% 5ème 0,2

Source : DSDI / MINAGRI (estimation) 2008

Le premier, c’est que, quelle que soit l’origine de la population agricole, elle est toujours attachée à l’ali- ment de base et donc, plus on en produit, mieux on accroît la sécurité alimentairedu ménage.Quant au deuxième objectif, il est lié au prix très rémunérateur appliqué aux vivriers avec l’expansion du phénomène de l’urbanisation.

L’autre observation très intéressante est l’in- tensification etle temps de travail consacré aux cultures vivrières et aussi, l’utilisation rationnelle des bas-fonds. A la différence de ce qui a toujours prévalu dans le système agricole du Bas-Sassandra où les substances naturelles du sol favorisaient le développement des vivriers, sans apport d’éléments extérieurs, le constat est que le paysan consacre plus d’investissements (engrais, enrichissement organi- que des sols,temps de travail, etc.) sur les cultures vivrières qu’il ne le faisait auparavant.Cetinvestis- sement est à l’origine du différentiel de croissance et de rendement de certains vivriers (maraîchage, manioc), malgré l’épuisement des sols en éléments nutritifs naturels.

Les stratégies de sécurisation alimentaire par la diversification des sources de revenus

Elles prennent en compte les stratégies alimen- taires fondées sur les revenus agricoles et celles des activités extra-agricoles. Bien que le café et le cacao soient la première principale source de revenu du monde rural du Bas-Sassandra, avec la diversifica- tion, d’autres spéculations se sont de plus en plus développées. Il s’agit notamment de l’hévéaculture, 2.3- L’ÉMERGENCE DE NOUVELLES

STRATÉGIES AGRICOLES PAYSANNES E N R É P O N S E A U X P R O B L È M E S ALIMENTAIRES

La nouvelle vision des actions à mener pour la sé- curité alimentaire n’est plus seulementlimitée à la pro- duction vivrière en grande quantité, mais dépendant désormais de la disponibilité des vivriers et d’autres produits alimentairesdans le temps et dans l’espace et de la capacité de la population à accéder à cette production ou biensûr à une autre. Cette conception des rapports de la population à la nourriture, fondée non plus surla seule activité agricole et la production de produits alimentaires, implique de la part des acteurs, la mise enplace de nouvelles stratégies axées cette fois-ci sur la diversification des cultures et surtout sur la création d’autres sources de revenus en milieu rural. Ainsi, dans la région du Bas-Sassan- dra, la capacité de résilience des acteurs agricoles se résume en trois points à savoir : la réadaptation des systèmes de cultures aux besoins alimentaire, les stratégies de sécurisation alimentaire par la di- versification des sources de revenus et l’adaptation des styles alimentaires.

La réadaptation des systèmes de cultures aux besoins alimentaires

L’une des réactions stratégiques la plus remar- quable dans le Bas-Sassandra est l’adaptation du calendrier cultural, tout en réservant une part impor- tante au maintien de la production vivrière de base.

Derrière cette stratégie se profilent deux objectifs.

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du palmier à huile, de la sylviculture, de l’élevage et du maraîchage. L’hévéa constitue la deuxième culture d’exportation en termes du nombre de ména- ges, après le cacao (48,06%). Il est dominant dans les départements de Soubré (48,27%) et San-Pedro (29,31%). De 2001 à 2007, il a connu une expansion fulgurante de 47% pendant que le cacao était à 254%

la même période ; quant au café, l’on a remarqué une baisse significative de 92% de 2002 à 2005 et son relèvement de 45% de 2006 à 2007. Le café tend à disparaître des systèmes agricoles de la région et est progressivement remplacé par l’hévéaculture et le palmier à huile.Le maraîchage gagne au fur et à mesure du terrain. Il est en concurrence spatiale avec le riz. Les bas-fonds, autrefois mis à l’écart de toute culture, sont devenus l’espace de prédilection du maraîchage et du riz. Le manioc est de plus en plus produit. Caractérisé d’aliment de soudure, il est désormais consommé en toute saison et consti- tue une source de revenu tant pour les ménages urbains que ruraux. Les cultures vivrières, produits d’autoconsommation sont de plus en plus vendues et constituent la principale source de revenu pour 23%

des ménages enquêtés. Elles contribuent à résorber certains goulots d’étranglement financiers grâce aux recettes quelles fournissent à des périodes variées de l’année. Dans un contexte de saturation foncière, le développement des vivriers constitue une alterna- tive à la diversification des sources de revenus des ménages, surtout pour la population migrante limitée à l’accès à la terre. Les vivriers assurent désormais une part importante des ressources financières.

La pratique d’une activité extra-agricole est très répandue dans le Bas-Sassandra (25,5% des mé- nages enquêtés) et les départements de Soubré et de San-Pedro enregistrent de fortes proportions res- pectivement 52% et 29% contre 14% pour Sassandra et 05% pour Tabou. Cette pratique fluctue nettement selon le niveau de disponibilités monétaires du mé-

nage, pour faire face aux besoins alimentaires.Ces activités extra-agricoles sont proportionnellement plus élevées pour les populations migrantes surtout les allogènes et les allochtones (81,1%), contre 18,9% d’autochtones. Dans la grande majorité des ménages agricoles toutefois, elles restent secondai- res (saisonnières, temporaires ou à temps partiel).

Cependant, les activités à caractère commercial restent les plus prisées et fortement valorisées en milieu rural, loin devant le salariat et tout autre forme de travail extra-agricole, car le petit commerce ga- rantit une relative indépendance pour l’actif et permet une grande flexibilité dans la conduite de l’activité.

La baisse significative des revenus aux producteurs contribue à rendre cette activité plus significative et certainement, en plus de la vente du vivrier, s’ouvre sur d’autres activités comme la vente de l’attiéké, de friperies, de tartines, l’extraction et la vente d’huile de palme et prend désormais en compte d’autres acteurs (les hommes, surtout les jeunes). Ces derniers embrassent des activités de petits métiers (boutiquiers, couturiers, mécaniciens, transporteurs et les motos-taxis).Par ailleurs, en plus des stratégies basées sur les activités extra-agricoles, les ménages opèrent des stratégies de substitution et de reconver- sion alimentaire face à un certain nombre de chocs jugés immédiats.

L’adaptation des styles alimentaires

Les stratégies de substitution et de reconversion alimentaire sont diversifiées et leur mise en œuvre dépend de la volonté et de la capacité des ménages, confère le tableau 3. Cette capacité de faire face aux problèmes alimentaires est étroitement liée aux caractéristiques socioéconomiques des ménages, en particulier à leur dotation en capital humain, social, économique et financier et à la structure et diversifi- cation de leur base de revenus.

(12)

Tableau 3 : Principales stratégies d’adaptation alimentaire développées par les ménages

Stratégies des ménages

Total Création

d’autres activités secondaires

Développement des cultures

vivrières

Reconversion des anciens

vergers en la culture de

l’hévéa

développement Le du maraîchage

consommation La des aliments moins préférés

car moins chers

diminution La de la quantité d’aliments consommée

Autochtones 8 5 10 0 11 3 37

Allochtones 35 9 10 3 41 21 119

Allogène 7 7 1 3 12 10 40

Total 50 21 21 6 64 34 196

Source : Nos enquêtes de terrain de septembre-octobre 2011

18% des ménages enquêtés ont même déclaré qu’ils rencontrent des problèmes alimentaires sévères et souvent qu’ils dorment sans manger, l’essentielest que les enfants aient à manger.

D’autres stratégies comme la reconversion des anciens vergers en la culture de l’hévéa, le dévelop- pement des vivriers et du maraîchage s’en suivent, 11% des enquêtés reconvertissent les anciennes plantations improductives en plantations d’hévéa.

Plus de 47% d’autochtones adoptent cette stratégie.

L’on comprend aisément que les quelques rares réserves foncières dont ils disposent, expliquent ce fort taux d’adhésion. Par contre, seulement 5%

d’allogènes peuvent se le permettre.

En définitive, le riz est aujourd’hui l’aliment de base de l’ensemble de la population. L’igname, la banane et le maïs viennent au second plan. Les enquêtes de perception des effets des modifications environnementalessur les comportements, révèlent la substitution du riz aux principaux produits de consommation de base des populations. Aujourd’hui, l’ampleur des retards de pluie et la déforestation sont autant de facteursqui rendent difficiles la culture de ces produits de consommation de base. Face à leur vulnérabilité aux conditions écologiques actuelles, le riz, de plus en plus cultivé dans les bas-fondshu- mides et relayé par le riz importé, sont devenus les aliments les plus consommés par l’ensemble des ménages,66% des ménages enquêtés affirment avoir introduit le riz dans leur alimentation actuelle. Alors, dans la région du Bas-Sassandra, le changement du style alimentaire apparaît comme étant une réponse locale aux effets des mutations spatiales et des chocs que subissent les ménages.

La consommation des aliments moins préférés car moins chers a été plus utilisée comme stratégie dans la région, par 32,7% des ménages. Les mé- nages migrants (allochtones et allogènes) ont plus recours à cette stratégie que les autochtones (83%

contre 17%). Elle confirme le thème de la réduction des dépenses alimentaires qui revenait souvent dans les témoignages que nous avons recueillis auprès des ménages.La cherté des prix sur le marché fait que beaucoup se contentent de ne consommer uni- quement que les produits de leurs champs. Voici le témoignage d’un enquêté allogène sur la cherté des prix des produits de consommation : « aujourd’hui, le marché est trop cher ; quelque fois pour la consom- mation, on se contente d’abord de ce qu’il y’a sur place dans nos champs. Autrefois, on mangeait bien, ce qu’on voulait, mais maintenant je mange manioc, placali, attiéké, que j’ai appris à manger ici en Côte d’Ivoire ». Aussi, l’on remarque une substitution des aliments de base (igname, banane) par le riz.

La création d’activités secondaires vient en deuxième position avec 25,5% des ménages.

Comme nous l’avons démontré un peu plus haut, cette stratégie de création d’activités secondaires concerne le commerce. Les revenus issus de ce commerce compensent le manque à gagner des cultures d’exportation et s’insèrent principalement dans l’achat d’aliments complémentaires pour le mé- nage. A ce niveau également, les ménages allogènes et allochtones s’investissent le mieux (84% contre 16% d’autochtones). Une autre stratégie comme la diminution de la quantité d’aliments consommés enregistre 17,3% des ménages. La baisse significa- tive des produits vivriers amène certains ménages à réduire la ration alimentaire. La prise de repas 3 fois par jours est devenue très rare dans les ménages,

(13)

3- EVALUATION ET ANALYSE DE LA SECURITE ALIMENTAIRE DANS LE BAS- SASSANDRA

Au regard des indicateurs du cadre analytique de l’IPC, cette partie est consacrée à la détermination du niveau et à l’analyse de la sécurité alimentaire du Bas-Sassandra.

3.1- PREUVES POUR LES FACTEURS C O N T R I B U A N T À L A S É C U R I T É ALIMENTAIRE

Plusieurs facteurs influencent la sécurité alimen- taire du Bas-Sassandra.

Les aléas

Le principalaléa est le comportement pluviométri- que qui a fortement perturbé les activités agricoles au cours de l’année 2011.Dans l’ensemble, les hauteurs des pluies pour l’année 2011 ont été inférieures à celles de 2010 et à la normale (1971-2000), comme le présente la figure 2 ci-dessous.

Figure 2 : Hauteurs pluviométriques (2010-2011) du Bas-Sassandra par rapport à la moyenne 1971- 2000.(Source : SODEXAM 2012)

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La pluviométrie en 2011 a été marquée d’une part par des pluies abondantes dans les mois de novembre-décembre (mois de faibles quantités de pluiesnormalement), et d’autre part, par de très faibles pluies de juillet à août (habituellement très pluvieux). L’arrivée des pluies (normalement en avril) a connu un décalage d’un mois. Ce comportement pluviométrique a été constaté tout le long du littoral de San-Pedro à Tabou. Il témoigne d’une mauvaise répartition des pluies. Contrairement à l’année 2010 où les pluies ont été abondantes et bien reparties, le comportement pluviométrique de 2011 a eu des impacts (modérés ou importants) sur les productions vivrières et d’exportation. Les perturbations climati- ques ont été principalement caractérisées par des arrêts de pluies au moment des phases sensibles (semis, levée, croissance végétative, épiaison), particulièrement dans les mois de mai-juillet et sep- tembre-octobre 2011 (raccourcissement de la saison des pluies et prolongement des saisons sèches).

Les impacts qui en ont résulté, ont été relativement significatifs pour la principale saison agricole 2011 et le second cycle dans un contexte marqué par des conflits postélectoraux durant les quatre premiers mois de l’année (fuite/abandon de parcelles, confis- cation localisée des terres, etc.).

Le second aléa est la sécurité des personnes et des biens. La situation sécuritaire dans le Bas- Sassandra est jugée préoccupante, en raison des conflits fonciers intercommunautaires, des attaques des hommes armés non identifiés (à Tabou) et de la psychose quasi permanente entretenue par les rumeurs. Le phénomène des coupeurs de route est préoccupant dans cette région, particulièrement sur l’axe San-Pedro-Sassandra. Des cas de braquages sont en recrudescence, surtout pendant la période de traite du cacao et lors de la paie des planteurs d’hévéa (en début de chaque mois) et du palmier à huile. Des cas de vols et de pillages de récoltes sont parfois observés. Suite à la crise postélectorale, des occupations illégales et forcées de certaines terres par des étrangers (cas de certains allogènes et al- lochtones devenus propriétaires de terres d’autoch- tones) en rajoutent aux difficultés sécuritaires des populations qui craignent une dégradation des relations intercommunautaires, compte tenu de la délicatesse de la gestion des conflits fonciers.

Les vulnérabilités

L’insuffisance de structures sanitaires surtout en milieu rural, leur faible équipement et la mauvaise application de la politique de gratuité, limitent l’ac- cès des populations aux centres de santé. Dans le pôle Sud-ouest, à peine 20% des infrastructures sanitaires étaient fonctionnelles (ESASU, 2012). De nombreux déplacés, suite à leur départ, ont perdu leur emplois et n’en ont pas encore retrouvé (61,25 % des enquêtés contre 9,3% avant leur déplacement).

Il y a donc un fort besoin en activités génératrices de revenus. La région a également enregistré des déplacés internes. Leur présence a provoqué une forte pression sur les stocks de nourriture et même sur les réserves de semences destinées aux semis de 2011, chez les ménages hôtes. Elle a également exacerbé le phénomène de la pression foncière, déjà problématique dans cette région, exposant ainsi les ménages à des difficultés alimentaires. L’exposition au risque de dégradation de la situation alimentaire des ménages est plus accentuée chez les ménages pauvres. Sur une pauvreté régionale de 45,5%, près de la moitié de la population rurale du Bas-Sassandra était jugée « pauvre » en 2008 soit 49,6% contre 26,6% en milieu urbain (DSRP, 2009). La récente crise de 2011 ayant déstabilisée les sources de revenus, le contexte actuel de pauvreté semble être plus préoccupant (seulement 29,1% de pauvres avant la crise, l’on enregistre à présent 77,8%). La pauvreté grandissante limite l’accès des ménages aux denrées alimentaires.

La disponibilité alimentaire

Cettedisponibilité est assurée par les productions vivrières locales (l’igname, le manioc, la banane, le riz, le maïs, etc.), les approvisionnements extérieurs (le riz, les légumes) et les aides alimentaires dans les villages affectés par la crise postélectorale.Les super- ficies régionales cultivées sont restées globalement stables entre 2010 et 2011, sauf dans les villages saccagés lors de la récente crise (cas de Pont Néro à Grand Béréby, villages de Grabo à Tabou, villages d’Ottawa et Okrouyo à Soubré). Les récoltes de l’année 2011 ont été mauvaises à moyennes pour les céréales (riz, maïs, etc.) et moyennes à bonnes pour les tubercules (igname, manioc) et le plantain.

Partant de ce constat essentiellement provoqué par les impacts pluviométriques, les effets des conflits et la faiblesse des rendements, la durée de stock ali-

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mentaire est limitée, conduisant ainsi à une précocité et un allongement de la période de soudure. De plus, la faible disponibilité des semences et la hausse de leur prix pourraient avoir un impact négatif sur les disponibilités alimentaires futures.Toutefois, le niveau d’approvisionnement national reste satisfaisant, mais marqué par des tensions généralisées sur les prix des denrées alimentaires.

L’accès aux aliments

L’analysede l’accès aux aliments se résume en trois points essentiels : les prix, les dépenses et les termes de l’échange (pouvoir d’achat).

Les prix sont restés généralement élevés et stables sur l’ensemble des marchés de la région (figure 3).

Figure 3 : Evolution des prix de quelques produits alimentaires sur les marchés du Bas-Sassandra.

(Source : OCPV 2012)

De manière générale, entre les années 2010 et 2011, un maintien à la hausse des prix des principales denrées alimentaires a été constaté, sur l’ensemble des marchés du Bas-Sassandra. Hormis le prix de détail de quelques féculents (ignamebètèbètè, bana- ne) ayant connu une baisse respective de 12%et3%

en 2011 par rapport à 2010, tous les autres produits de grande consommation ont enregistré une hausse considérable de prix allant de 4% à 133%. Les pro- duits animaux et halieutiques enregistrent les plus fortes hausses des prix. Le poisson sec, principal apport en protéine des ménages, connaît une hausse fulgurante de 133%, tandis que la viande de bœuf est à 27%. La crise et l’augmentation des coûts du trans- port ont directement impacté ces prix,empêchant les plus vulnérables de s’en procurer.

En somme, l’augmentation des prix des denrées alimentaires est d’autant plus préoccupante que l’achat de céréales est le principal recours des mé-

nages enquêtés. Vu que la période de soudure a été précoce dans plusieurs localités, la part des céréa- les provenant de l’achat a augmenté. Si les prix se maintiennent à leurs niveaux actuels, de nombreux ménages ne seront pas en mesure d’acheter la quan- tité de céréales nécessaire sur le marché. Dans ces conditions, on pourrait assister à une substitution des denrées de base par le manioc ou à une réduction des quantités de nourriture consommée.

Au niveau des dépenses, nous notons que l’accès aux denrées alimentaires de base devient problé- matique dans le Bas-Sassandra, surtout que les statistiques et les enquêtes ont révélé des baisses considérables des disponibilités alimentaires, tant au niveau des ménages que sur les marchés. Par consé- quent, la dépense le plus souvent insurmontable pour l’ensemble des ménages demeure principalement la nourriture (45%) comme l’indique la figure 4.

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Figure 4 : Distribution des dépenses alimentaires et non alimentaires en espèce des ménages du Bas-Sassandra. (Source : le traitement des données de notre enquête 2011).

estliée non seulement à la non utilisation de ces produits dans l’alimentation courante des ménages mais aussi, aux facteurs d’ordre économique. Des enquêtés ont même affirmé qu’ils ne mangent des œufs que lorsqu’ils voyagent.

En termes de dépenses non alimentaires (55%

des dépenses mensuelles totales), elles varient également suivant les besoins. Les soins médicaux (14%), les fêtes et les funérailles (13%), le carburant et le pétrole (12%) occupent une place de choix dans les dépensesnon alimentaires annuelles des ména- ges. Produits d’hygiène, alcool/tabac et transport sont également des postes de dépenses importants parmi les priorités non alimentaires comptant pour27% des dépenses non alimentaires totales. La part de l’édu- cation reste faible (7%), tout comme les équipements productifs (5%), les frais de main-d’œuvre (4%) et les intrants (5%). La remarque que nous faisons est que les fêtes, les funérailles et même l’alcool et le tabac sont d’une grande importance dans les dépenses Le poisson représente la plus grandeproportion

des dépenses monétaires alimentaires (31%), suivi du riz (19%), des condiments (15%) et desaliments consommés dehors (8%). La structure des dépen- ses alimentaires indique que dans l’ensemble, le riz n’est pas produit en quantité suffisante pour couvrir la demande des ménages. Mais les autres cultures vivrières (le manioc, le maraîchage), pratiquées pour couvrir les déficits en riz et banane, constituent pour cela d’importantes sources denourriture et de revenu.

De plus, l’exploitation insuffisante des eaux et le fai- ble niveau de l’élevage dans la région, contribuent également à une large part desdépenses alimen- taires mensuelles allouées à l’achat de poisson et de viande (35%), tous deuxd’importantes sources de protéines.La faiblessedes dépenses observées à l’endroit de quelques vivriers (tubercules et ba- nane plantain 2%) indique que les productions des ménages arrivent à leur assurer une autosuffisance.

Par contre, la faiblesse des dépenses au niveau du lait, des œufs (1%), du sucre (1%), des fruits (1%)

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non alimentaires des ménages. Ces manifestations etcérémonies crèvent le budget des ménages et témoignent d’une gestion irrationnelle des revenus.

Ainsi, les dépenses qui devraient être prioritairement consacrées aux outils, semences, à la main-d’œuvre et à la pêche, pour produire davantage de vivres et bien mangé, sont malheureusement détournées vers lasatisfaction des rites.

En ce qui concerne la dégradation des termes de l’échange, entre septembre et octobre 2011, malgré une légère hausse de 5%, les prix d’achat du cacao restaient encore largement en-deçà du prix officiel de 1 000 FCFA fixé à la veille de la grande campagne 2011/2012, qui s’étend d’octobre à décembre. Dans les villages, le prix du cacao se négociait entre 644 et 681 FCFA. Le manque à gagner résultant du non- respect de ce prix officiel (entre 319 et 356 FCFA par kg de cacao) fait perdre environ un kg de riz importé aux cacaoculteurs du Bas-Sassandra sur chaque kg de fèves de cacao vendu. Il a aussi été noté une baisse des prix bord-champs du régime de palme de 14% dans la même période par rapport au mois d’octobre 2010. Ce fléchissement de prix a eu un impact direct sur l’accès alimentaire des producteurs de la région, surtout que l’insécurité pendant la crise postélectorale a occasionné des mouvements de population. Nombreux sont les producteurs qui n’ont pu semer le riz à leur retour. Ils seront donc encore dépendants du marché pour leur approvisionnement alimentaire ou de l’aide alimentaire limitée. Vu que les revenus issus de la vente des cultures d’exportation seront essentiellement consacrés aux dépenses alimentaires, l’accès à la nourriture des acheteurs d’aliments dépendra de l’évolution des prix de ces cultures.

En somme, l’insécurité alimentaire des ménages ruraux du Bas-Sassandra est fondamentalement un problème d’accès à la nourriture. Les ménages en insécurité alimentaire ont une production agricole faible, situation qui ne leur permet pas de couvrir la totalité de leurs besoins alimentaires. Ils ne parvien- nent pas également à combler leur déficit alimentaire par le biais du marché vu que leur pouvoir d’achat est limité.

Utilisation des aliments

L’utilisation des aliments se réfère à la capacité des ménages et des individus à préparer, conserver, consommer et absorber les aliments de façon à

maximiser la valeur nutritionnelle. Les estimations de l’année 2011 montrent un niveau d’apport calori- que moyen satisfaisant de 3 200 kcal/personne/jour à l’échelle nationale (DSDI, 2009). Cependant les indicateurs de consommation alimentaire des mé- nages et de l’état nutritionnel des enfants soulèvent quelques inquiétudes liées aux facteurs comme la pauvreté, les modes de consommation et de dépen- ses alimentaires du point de vue des nutriments et de la valeur monétaire, les inégalités en matière de consommation alimentaire, la variété des régimes alimentaires, etc. Dans cette région, 32,7% des mé- nages enquêtés consomment des aliments moins préférés car moins chers,17,3% diminuent la quantité de nourriture lors des repaset 18% ont même déclaré qu’ils rencontrent des problèmes alimentaires sévè- res et souvent qu’ils dorment sans manger, l’essentie- lest que les enfants aient à manger.Il y’a un énorme besoin de sensibilisation et d’éducation en termes de connaissances nutritionnelles, pour améliorer le ni- veau d’utilisation des aliments par les ménages. Des campagnes élargies devront intégrer les pratiques d’allaitement et de sevrage des enfants, mais aussi la diversification des régimes alimentaires pour un meilleur équilibre nutritionnel, les connaissances de base sur la préservation d’un environnement « sain » qui permet de minimiser l’incidence des maladies et des infections qui réduisent la capacité d’absorption des nutriments (infrastructures sanitaires, assainis- sement, hygiène, qualité de l’eau de boisson).

Accès à l’eau

La majorité des villages enquêtés (87,5%) ont accès à une source d’eau potable2. Les forages, les pompes et les puits améliorés sont les sources d’eau les plus répandues dans les villages enquêtés (62,5%).La présence de sources d’eau potable dans la plupart des villages ne garantit pas cependant l’accès suffisant des habitants du village à l’eau.

En effet, dans la majorité des cas, les habitants des villages estiment que les sources d’eau potable sont insuffisantes pour satisfaire leurs besoins en eau.

Si l’insuffisance des points d’eau est un problème structurel en Côte d’Ivoire, l’arrivée massive des déplacés dans les villages depuis le déclenchement du conflit postélectoral semble l’avoir accentué.Les données actuelles montrent une tendance continue à

2- Les sources d’eau potable sont le robinet d’eau courante, le forage, les pompes villageoises et les puits améliorés

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