• Aucun résultat trouvé

Le désir est contagieux : ce serait prouvé

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Le désir est contagieux : ce serait prouvé"

Copied!
2
0
0

Texte intégral

(1)

1252 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 6 juin 2012

actualité, info

Le désir est contagieux : ce serait prouvé

L’heure est-elle venue de retracer les fron- tières qui séparent le consensus extérieur normal des sables mouvants de la pathologie ? Vieille question. Elle passionne plus les phi- losophes en peignoir que les médecins en blouse. La voici aujourd’hui officiellement soulevée en France, et de manière somme toute assez cocasse.

Ce pays vient d’élire au suffrage univer- sel un monarque républicain ; un monarque qui a procédé avant son sacre à un curieux autodiagnostic en se qualifiant de normal. Il s’agis sait, on le devine aisément, d’un argu- ment électoral : bien faire comprendre aux électeurs que cette normalité n’avait d’autre sens que celui que l’on donne à la publicité comparative. Le nouveau président n’est pas un homme plus normal que les autres.

Qui, d’ail leurs, oserait proclamer une telle paradoxa le outrecuidance ? Sans qualifier

l’état de son principal concurrent (qui était alors toujours président de la République française en exer cice) le futur le laissait en- tendre. Et comment ne pas se souvenir, ici, que durant le quinquennat quelques maga- zines s’étaient illustrés avec des couvertures de lèse-majesté ? Les gazetiers français po- saient alors ouvertement la question d’une

possible folie du président. Ils n’apportèrent bien sûr jamais de réponse. Du moins de ré- ponse assermentée.

Ce petit préambule pour aborder le sujet du désir, étroitement associé, comme chacun le sait ou le devine, à celui de l’exercice, nor- mal ou pathologique, du pouvoir ; a fortiori

quand ces derniers sont suprêmes. L’affaire nous est contée par une équipe de chercheurs de l’Institut national français de la santé et de la recherche médicale (Inserm). On ima- gine mal, pour tout dire, ce qu’une équipe travaillant dans le cadre de cette institution peut chercher autour du concept de désir. Et si l’on imagine mal c’est, au fond, que l’on a bien peu d’imagination. Il suffit, pour en prendre conscience, de jeter un œil au com- muniqué de presse ; ces communiqués pu- bliés, pour vanter auprès du plus grand nom bre, les grands mérites de publications scientifiques qui, sinon, resteraient lettre morte ; ou presque.

«La valeur accordée à un objet augmente quand celui-ci est désiré par d’autres, nous rappelle donc le service de presse de cet institut pu- blic. Regardez des individus convoi- ter un aliment, un vêtement ou un accessoire et vous voudrez les mêmes !» On pourrait ici objecter que cette affirmation ne nous sem ble nullement établie scientifiquement.

Ou du moins qu’elle connaît quelques ex- ceptions notables. A commencer par le lecteur de ce communiqué qui ressent précisément les effets inverses, développant une forme d’allergie assez constante devant les aliments, les vêtements et autres accessoires convoités par ses prochains. Mais passons.

Donc, une équipe de l’Inserm vient «de montrer que ce phénomène n’est pas seule- ment psychologique mais dépend de méca- nismes cérébraux bien précis, indispensa bles à cette contagion du désir». Nouvelle étape donc, et deuxième postulat. En pratique, le désir réflexe déclenché par le souhait de l’un de mes semblables d’acquérir une barquette de fraises venues d’Espagne (la chose vau- drait pour des champignons de Paris récoltés en Hollande) serait de nature contagieuse.

On sait bien que si la contagion n’est pas synonyme de pathologique (le rire en est un exemple), ce terme n’en est pas moins géné- ralement associé à des maladies transmissi- bles qui n’ont rien de bien franchement nor- mal. Contagion du désir ? On peut ici faire une pause littéraire en méditant cette formule d’André Maurois (1885-1967) : «La trahison n’est pas contagieuse mais le martyr est épi- démique».

«Pourquoi les enfants désirent-ils tous le même jouet quand il en existe d’autres tout aussi attractifs, voire identiques dans la pièce ? Ce phénomène, connu de longue date, s’ap- pelle en fait le désir mimétique, nous ensei- gne l’Inserm. Il a été initialement décrit par un philosophe français nommé René Girard dans les années 1960.» Où l’on retrouve les philosophes. L’objet, ici, n’est pas voulu seu- en marge

… la valeur accordée à l’objet augmente et le désir de l’obtenir également …

58_61.indd 3 04.06.12 12:08

(2)

Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 6 juin 2012 1253 lement pour ses qualités intrinsèques, ses

performances, son utilité, sa physionomie, mais parce qu’il est convoité par d’autres. Il s’agit en quelque sorte d’une «contagion mo- tivationnelle» d’un individu à l’autre pour l’obtenir. Plus les gens s’intéressent à lui, plus il devient désirable. C’est peut-être ici qu’il faut chercher le succès (parmi tant d’autres) de Mata Hari (1876-1917) ?

Que nous apprennent donc les chercheurs de l’Inserm dans leur publication ? 1 Qu’ils ont souhaité décrypter les mécanismes céré- braux à l’origine de ce désirable mimétisme.

Ils sont ainsi parvenus à étudier les compor- tements et l’activité cérébrale de 116 adultes âgés de 18 à 39 ans. Installations de ces co- bayes volontaires dans des appa-

reils d’IRM et diffusions de dizaines de petites vidéos

présentant des objets différents (vêtements, accessoires, aliments, etc.) convoités ou non.

Par exemple, une part de gâteau montrée du doigt par un acteur alléché et la même part de gâteau délaissée sur une table dans une autre vidéo. A chaque fois, le sujet de- vait indiquer une note de désirabilité allant de 1 à 10. Les résultats montrent que les objets convoités par d’autres obtiennent de meil- leures notes que ceux auxquels personne ne s’intéresse.

Grâce à cette technique, les chercheurs ont observé en parallèle l’activité cérébrale des sujets soumis à ces tests. Ils ont alors pu constater deux phénomènes (déjà connus).

Le premier est l’activation du système des neurones miroirs quand un sujet observe une action. «Cette région s’active dès qu’un indi vidu fait un geste ou voit quelqu’un d’autre l’ef-

fectuer. Cela permet de comprendre l’action d’autrui», explique Mathias Pessiglione, co- auteur des travaux. Le second est l’activa- tion d’une autre zone appelée système céré- bral des valeurs dès lors que ce même sujet observe un objet séduisant.

Mais les auteurs ont constaté un troisième phénomène, nouveau. Ainsi, quand un par- ticipant observe un acteur voulant se procu- rer quelque chose, l’allumage du système des neurones miroirs stimule le système cérébral des valeurs. En d’autres termes, la valeur accor- dée à l’objet augmente et le désir de l’obtenir également. «Le fait d’observer un individu voulant se procurer un objet augmente son propre désir pour cet objet», résume Mathias Pessiglione.

Où il est bien démontré, en somme, que le désir est contagieux (et que tout ceci peut être observé en images). «A ce titre, un dysfonc- tionnement des zones impliquées pourrait expliquer certains problèmes de sociabilité, par exemple chez des enfants autistes qui n’accordent pas la même valeur aux objets que les autres ou ne s’intéressent pas aux mêmes choses. Mais cela reste à démontrer», avance, prudemment, Mathias Pessiglione.

Est-ce dire que le peu d’appétence que nous ressentons, pour les choix gastronomiques de nos contemporains exprimés entre les gon- doles glacées de la grande distribution, fait de nous un être aux antipodes du normal ? Cela restera encore longtemps à démontrer.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com 1 Lebreton M, et al. Your goal is mine : Unraveling mimetic desires in the human brain. J Neurosci 2012;32:7146-57.

.

LDD mconnors/morguefile

58_61.indd 4 04.06.12 12:08

Références

Documents relatifs

 Le processeur de son Nucleus 7 est prêt pour l’application Hybrid TM , ce qui signifie que vous pouvez combiner les avantages de votre audition naturelle avec un implant

Les données membres sont : categorie de type string et prix (prix d'un jour de location de l'outil) de type float. Les fonctions membres sont : un constructeur sans argument,

Si n est un entier strictement positif qui n’est pas une puissance d’un nombre premier et E un ensemble de n entiers consécutifs strictement positifs alors il existe un polygone

Bousculé, apostrophé, harcelé, l'auditeur ne sait plus si le bulletin météorologique qui annonce la neige a trait à la journée d'hier ou à celle de demain ; et il se retrouve en

Les électrons de la couche la plus externe sont appelés électrons périphériques (ou de valence) et les électrons des autres couches sont appelés électrons internes (ou de

Imagine un autre personnage qui rencontre la fourmi.. Complète les phrases et dessine

www.mathsenligne.com 5N2 - D ISTRIBUTIVITE - É QUATIONS A CTIVITES 2 On appelle EQUATION une égalité de deux expressions (les MEMBRES de l’équation) dans laquelle apparaissent

Trey: Oh, mais la philosophie de Yoda est plus intéressante que la philosophie existentialiste de La Nausée!. Tu es d'accord,