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28 juillet 2010actualité, info
avancée thérapeutique
Poursuivons l’analyse du rapport que vient d’adopter l’Académie nationale française de médecine sur le thème, bien difficile, de la prévention des récidives des crimes sexuels (Revue médicale suisse du 14 juillet). Après avoir traité des thérapies hormonales, les endocrinologues Edwin Mil- grom et Philippe Bouchard asso- ciés au psychiatre Jean-Pierre Olié résument dans ce document les possibles apports de la psycho- thérapie qui, selon eux, doit dans tous les cas être associée à la prise d’acétate de cyprotérone ou des analogues de la GnRH.
«En France, les psychothérapies dérivées de la théorie psychanaly- tique sont les plus fréquemment utilisées, rappellent les auteurs du rapport. Elles tendent à identi- fier les contenus inconscients à l’origine des passages à l’acte. Les évaluations des résultats de ces traitements psychanalytiques et psychodynamiques sont rares et pratiquement inexistantes dans le domaine de la délinquance
sexuelle.» On ne peut pas ne pas le regretter. Quant aux thérapies comportementales des délinquants sexuels, elles sont apparues à par- tir des années 1960 et ont été rapi- dement modifiées en «thérapies cognitivo-comportementales»
(TCC). L’un des objectifs retenus pour ces psychothérapies est, précisément, la prévention de la récidive.
En pratique, la première étape consiste ici à «motiver» le sujet en lui exposant les avantages d’un traitement. Même si elle constitue une évidence, une précision de taille s’impose : les sujets qui réfu- tent la réalité de l’agression sexuelle commise (comme ceux qui ne reconnaissent pas la souf- france induite par leur comporte- ment sexuel agressif) ne peuvent évidemment pas entrer dans un tel programme thérapeutique.
«Les fréquentes comorbidités psychiatriques (addiction, trouble du contrôle des impulsions, dé- pression…) doivent recevoir un traitement spécifique, soulignent
les auteurs. Ce dernier est d’ailleurs réputé améliorer l’effi- cacité propre des thérapies psy- chologiques ou biologiques ayant pour objet la modification des comportements sexuels.»
Cette approche thérapeutique peut s’effectuer en groupe ou in- dividuellement ; aucune évalua- tion publiée ne permet de compa- rer les bénéfices de ces deux modalités de prises en charge. Les objectifs fixés sont très variables selon le cas. Les auteurs citent ainsi :
– amélioration de l’estime de soi ; elle «facilite l’adhésion du sujet à sa psychothérapie et lui permet d’évoluer dans ses modes de pen- sée et de comportement» ; – acceptation de sa propre res- ponsabilité (en particulier lorsque le sujet cherche à minimiser cer- tains aspects de ses actes d’agres- sion) ;
– reconstruction de la trajectoire biographique du sujet, identifica- tion des éléments saillants per- mettant ainsi au thérapeute de mieux le comprendre ;
Récidives de crimes sexuels : que peut-on bien faire ? (2)
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– définition des modalités d’ac- complissement des actes d’agres- sion avec reconstruction des étapes menant vers l’acte de délinquance sexuelle ;
– apprentissage de la reconnais- sance des émotions d’autrui avec renforcement de l’empathie à au- trui (ce trait psychologique est souvent altéré chez les délin- quants sexuels) ;
– acquisition de capacités socia- les déficientes (par exemple la ca- pacité à s’exprimer ou à participer à un groupe) ;
– développement de stratégies de gestion des émotions ;
– évaluation des contenus sexuels (les agresseurs sexuels présentent souvent des déficits dans l’aptitude à une activité sexuelle normale et nécessitent donc une rééducation pour accé- der à une telle activité).
Mais il reste, dans ce domaine aussi, bien des interrogations : au- cune étude n’a fixé la durée opti- male de la psychothérapie, la lit- térature spécialisée faisant en général état de traitements s’éten- dant «sur plusieurs mois ou plu- sieurs années»… Et reste aussi la question, centrale, de l’évaluation de la dangerosité des délinquants sexuels ; une question à très haut risque et qui, en France, fait l’ob-
jet de polémiques récurrentes.
Différentes méta-analyses et pu- blications font état d’un taux de récidive de l’ordre de 15%. «Il s’agit certainement d’une sous- estimation car ces statistiques s’appuient sur le nombre de condamnations, observent les au- teurs. Beaucoup de ces crimes et délits échappent à la justice. En outre, certains criminels sexuels, en particulier les violeurs de femmes adultes, récidivent par- fois sur un mode violent mais non sexuel et ces faits ne sont pas inclus dans la statistique précé- dente. Précisons que la récidive est rare dans les cas d’inceste après qu’il y ait eu une interven- tion judiciaire.»
Or si l’on postule que la préven- tion médicale de la récidive ne peut pas s’appliquer à l’ensemble de la population des délinquants sexuels, il est indispensable d’identifier les sujets les plus dan- gereux, ceux qui sont susceptibles de récidiver. Comment faire au mieux ?
(A suivre)
Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com
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