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Intérêt collectif, lutte contre les changements climatiques et le défi de l’universalité

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Intérêt collectif, lutte contre les changements climatiques et le défi de l'universalité

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence, VARFI, Katerina

Abstract

La protection de l'intérêt collectif dans ses différentes manifestations, normatives, institutionnelles ou matérielles, se situe au centre de la réflexion et de l'action du Professeur Kalliopi Koufa, en tant qu'universitaire et praticienne du droit international. Son oeuvre est traversée par les équilibres à trouver entre action au plan régional et celle au plan universel, entre les dimensions juridiques et politiques, entre division et intégration. Que ces quelques propos soient un hommage à sa réflexion et à son action. L'objet de cette contribution a trait à la protection de l'environnement et à la promotion du développement durable.

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence, VARFI, Katerina. Intérêt collectif, lutte contre les changements climatiques et le défi de l'universalité. In: A. Constantinides et N. Zaikos. The Diversity of International Law - Essays in honour of professor Kalliopi K. Kouf . Martinus Nijhoff, 2009. p. 627-637

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:42619

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CHAPTER THIRTY-SJX

INTÉRÊT COLLECTIF, LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET LE DÉFI DE L'UNIVERSALITÉ Laurence Boisson de Chazournes and Katerina Vmji'

La protection de l'intérêt collectif dans ses différentes manifestations, normatives, institutionnelles ou matérielles, se situe au centre de la réflexion et de l'action du Professeur Kalliopi Koufa, en tant qu'universitaire et praticienne du droit international. Son œuvre est traversée par les équilibres à trouver entre action au plan régional et celle au plan universel, entre les dimensions juridiques et politiques, entre division et intégration. Que ces quelques propos soient un hommage à sa réflexion et à son action. L'objet de cette contribution a trait à la protection de l'environnement et à la promotion du développement durable.

La protection de l'environnement ressortit à l'intérêt collectif, ce dernier revêtant des visages variés en fonction des .problèmes rencontrés et des stratégies élaborées. Une constante se révèle toutefois : les conséquences des dégradations écosystémiques sont et seront ressenties sous toutes les latitudes, de sorte que l'action de chacun est nécessaire pour anticiper ou apporter des solutions à ces problèmes. Les questions du climat, de la couche d'ozone, de la diversité biologique ou encore des forêts ne font pas exception à une telle dynamique. Ces questions qui relèvent de l' «environnement global », mettent en relief les solidarités et les interdépendances qui se dessinent dans la communauté intemationàle aux fins de la préservation de l'environnement et de la protection d'intérêts communs à l'échelon universel. Dans cette même optique, le droit international, instrument de promotion des intérêts collectifs, se meut à l'intersection de deux systèmes de complexité: celui des processus naturels et celui des sociétés humaines, ainsi qu'au point de rencontre de deux concepts fondamentaux: le temps et le savoir.1 Le régime de lutte contre les changements climatiques constitue un laboratoire stimulant pour observer les alliances qui se dessinent.

• Les avis exprimés n'engagent que leur auteur et ne peuvent en aucun cas être considérés comme une position officielle du Conseil de l'Union européenne.

1 Catherine-Zoi V arfis and Loma M. Wilson, 'International Agreements' in /nstitutional and Infrastructure Resource Issues: Convenaons, Treaties and other Responses to Global Issues, Gabriela Maria Kuning (ed.), Encyc/opedia of Life Support Systems (EOLSS), developed under the Auspices of the UNESCO (Eolss Publishers, Oxford, UK, 2004), <www.eolss.net>, 25 mai 2009 .!

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1. L'ÉLABORATION DU RÉGIME JURIDIQUE DE LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES À L'AUNE DU DÉFI DEL 'UNIVERSALITÉ

Le processus de sédimentation de l'intérêt collectif en matière de protection de l'environnement global repose sur le principe selon lequel l'action normative doit nécessairement être conduite à l'échelon universel. Cette optique marque de son empreinte le régime des changements climatiques. Elle en explique également la facture particulière.

L'un des préalables à toute édification d'un régime universel dans le champ de la protection de l'environnement global a trait au caractère holistique et systémique de la régulation mise en place. La régulation juridique des changements climatiques s'inscrit dans ce mouvement épistémologique. Elle ne se limite pas à un aspect de la protection du climat mais couvre tous !.es pans y afférents. Ainsi, l'effort de lutte contre les changements climatiques demande de porter san 11ttention sur les mécanismes régulateurs du « système climatique ...

·'~nsemble englobant l'atmosphère, l'hydrosphère, la biosphère et la géosphère, ainsi que leurs interactions» (article 1, par. 3 de la Convention-cadre sur les changements climatiques, ci-après la Conventiont

Un autre préalable majeur à l'édification d'un régime universel tient dans la formulation de droits et obligations propres à refléter juridiquement l'intérêt collectif qui préside à la régulation. C'est dans ce sillage que les instruments internationaux relatifs à la lutte contre les changements climatiques font de la nécessité d'agir au plan universel, la clef de voûte des actions et stratégies juridiques dessinées. Les États, déclarant qu'ils sont conscients que «les changements du climat de la planète et leurs effets néfastes sont un sujet de préoccupation pour l'humanité tout entière» (préambule de la Convention, par. 1), ont tenté au travers de la mise en-'place de cadres d'action de transcender les rivalités et intérêts natiohaux. Cet exercice de recherche d'équilibre au nom de la promotion d'un intérêt collectif universel explique que ies cadres institutionnels et normatifs de la lutte contre les changements climatiques soient le théâtre de plusieurs pas de danse, ceux menés pour protéger l'environnement global, ceux animés de recherche de compromis à coloration nationale ou régionale ou encore ceux constitués par les assauts visant à décrier le bien-fondé des stratégies élaborées. Le droit a son mot à dire, animé de ces divers pas de danse. C'est un droit de

2 Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques, New York, 1992, texte in Laurence Boisson de Chazournes el al., Protection internationale de /"environnement. Nouvelle édition revue et augmentée (Pedone, Paris, 2005), pp. 394-415.

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LA LU1TE CONTRE LES CHANGEMENTS CLli'vlATIQUES 629 nature particulière, construit sur une échelle plurielle de droits et d'obligations aptes à servir de réceptacle à une perspective universelle, ou du moins «universaliste)), au sens où elle tente d'associer toutes les parties prenantes. L'universalité ne rime pas avec uniformité du régime, la différenciation des droits et obligations étant un élément moteur de la construction du régime des changements climatiques.

Au-delà de l'intérêt collectif perse, la texture universaliste du régime s'impose en raison de la nature des risques gérés par les instruments relatifs à la lutte contre les changements climatiques. Ce sont des « risques globaux )) et des « risques incertains » dont la maîtrise présuppose l'établissement de mécanismes de type universel. La régulation des risques liés aux changements climatiques a servi de fer de lance dans l'édification et la consolidation d'un régime universel.

II. LE DROIT, L'INCERTITUDE ET LES RISQUES LIÉS AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES: ÉLEMENTS D'UN RÉGIME UNIVERSEL

Le phénomène des changements climatiques a émergé sur l'agenda des préoccupations internationales au cours des arinées 1980. Le risque d'une augmentation significative de la température du globe au cours du XXI"

siècle, provoquée par un accroissement des gaz à effet de serre dans l'atmosphère, a été mis en avant. Renforçant la composante naturelle de l'effet de serre, les émissions d'origine anthropogénique sont tenues pour responsables de ce phénomène, du fait notamment de la consomrriation de combustibles fossiles tels le pétrole, le gaz et le charbon mais également des émissions de méthane. De nombreux problèmes découleraient de cette situation, telles une élévation du niveau des mers, la disparition d'écosystèmes, des inondations ou encore une dégradation des sols, sans parler de toutes les conséquences humaines, cormne les épidémies, les pénuries alimentaires ou encore les phénomènes migratoires. Les impacts pourront varier selon les pays, sans qu'aucun ne soit épargné. .Un grand nombre de pays en développement risque toutefois d'en pâtir de manière plus importante, ne disposant pas toujours des moyens d'y faire face pour mettre en place des stratégies d'adaptation.

Le régime de la lutte contre les changements climatiques s'est en grande partie bâti sur la notion de risques de dommages significatifs, sinon irréversibles, liés à ces problèmes. Les risques ont été et continuent de constituer la matrice de l'action. Il s'agit de risques entourés d'incertitude scientifique. L'objectivation de ces risques repose sur un processus de consultation et de coopération scientifiques axé autour de l'objectif de parvenir à un consensus mondial scientifique sur la nature

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des risques liés aux changements climatiques. La mise sur pied progressive d'un tel consensus au travers notamment des travaux du groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution des changements du climat (GIEC) confère une certaine prévisibilité au régime juridique international de protection du climat. Mais l'édification de ce consensus est avant tout un gage et un facteur d'universalité afm de s'assurer que tous à un niveau ou à un autre se perçoivent parties prenantes à l'édification du régime.

Le souci de coopération scientifique au plan universel témoigne de changements de paradigme dans le droit international. Celui-ci devient poreux et perméable à la « science des changements climatiques », science confrontée à certains niveaux - et non des moindres - à l'incertitude. Aussi, le doute entre-t-il dans le d.t:oit, l'imprègne et favorise le rôle du principe de précaution en tant que pierre angulaire du régime3 La Convention demande aux États de «prendre.

des mesures de précaution pour prévoir, prévenir ou atténuer les causes des changements climatiques et en limiter les effets néfastes. Quand il y

· ~ risque de perturbations graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour différer l'adoption de tellès mesures ... »(article 3, par. 3 de la Convention).

Par le biais de la précaution, le régime juridique des changements climatiques impose aGx États d'orienter leurs décisions dans le sens d'une prise en compte des risques liés aux activités humaines. Le principe de précaution tire sa raison d'être de l'incertitude scientifique. Il se différencie de ce fait du principe de prévention qui s'appuie sur la science, la prévision et l'expertise, pour orienter les décideurs publics. La certitude a pu gagner du terrain sur l'incertitude et de ce fait la précaution laisse place, peu à peu, à la prévention. Cette évolution dans la connaissance scientifique des risques liés aux changements climatiques a été facilitée par l'établissement de passerelles entres les diverses communautés scientifiques au niveau national, régional et international. Ces passerelles ont permis le façonnement progressif d'un discours scientifique «commun» devant servir de substrat au discours normatif. Les rapports du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) sont significatifs de l'évolution des connaissances dans le domaine couvert. L'instrument normatif négocié pour la période allant au-delà de 2012 pour succéder au Protocole de Kyoto sur les changements climatiques fera sans nul doute une plus large place à la prévention, tout en reposant sur le principe de

3 'Precaution in International Law: Reflection on its Composite Nature' in T. Malick Ndiaye and R Wolfrum (eds.), Law of the Seo, Environmental Law and Settlement of Disputes - Liber Amiconon Judge Thomas A. Mensah (Martinus Nijhoff, The Hague, 2007), pp. 21-34.

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précaution car nombre de phénomènes liés aux changements climatiques ne sont encore que partiellement connus.

Malgré ces changements structurels et conjoncturels, le régime international de lutte contre les changements climatiques reste confronté à une autre incertitude. Cene incertitude n'est pas d'ordre scientifique mais plutôt juridico-politîque et s'exprime dans les tennes suivants : peut-op bâtir un régime universel tout en organisant une certaine différenciation dans les droits et obligations des États?

III. L'UNIVERSALITÉ DANS LA DIFFÉRENCIATION?

En adoptant la Convention-cadre sur les changements climatiques, ouverte à signature lors de la Conférence de Rio de juin 1992 et entrée en vigueur en mars 1994, la communauté des États marqua sa volonté de lutter contre le problème du réchauffement planétaire, même si des incertitudes subsistaient sur l'ampleur et la portée de ses conséquences.

La négociation de cet instrument révéla les divergences d'intérêts des différents groupes d'États portant essentiellement sur les aspects économiques et fmanciers liés à une action en ce domaine. À l'opposition entre les pays du Nord et du Sud sur le partage des responsabilités, s'ajoutèrent des divergences au sein de chacun des groupes étatiques. Elles marquèrent de leur empreinte le contenu de l'instrument qui fut négocié_ En décembre 1997, l'adoption du Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (ci-après, le Protocole de Kyoto)4 constitua une étape supplémentaire sur la voie de la consolidation du régime du climat avec la formulation d'un objectif, celui d'une réduction du total des émissions des États du Nord «d'au moins 5% par rapport au niveau de 1990 au cours de la période d'engagement allant de 2008 à 2012 » (article 3, paragraphe 1 du Protocole de Kyoto). L'universalisme se conjuguait avec une équité revendiquée par les pays du Sud, celle selon laquelle la responsabili\é de la satisfaction de cet objectif commun ne devrait reposer que sur les pays développés au nom du principe des responsabilités communes mais différenciées.

Outre des engagements de réduction d'émissions, les pays industrialisés sont assujettis à l'obligation de fournir des ressources financières nouvelles et additionnelles, ainsi qu'à celle d'encourager, faciliter et financer le transfert de technologies à destination des pays en développement. Dans ce contexte, le Fonds d'environnement mondial

4 Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques, New York, 1992, texte in Boisson de Chazoumes et al., supra note 3, pp.

4I5-434.

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' 632 Laurence Bpisson de Chazoumes and Katerina Varfi

(FEM), mis conjointement en place par la Banque Mondiale, le PNUD et le PNUE, a été reconnu comme mécanisme financier chargé de fournir- des ressources financières sous forme de dons et prêts concessionnels. 5 D'autres mécanismes financiers ont ensuite été créés (Fonds d'adaptation. Fonds poUr les pays .les moins développés, Fonds spécial pour les changements climatiques). lis sont chacun marqués de J"empreintc d'équité dans le bénéfice des subsides à destinal!on des pays du Suù ainsi que dallS les systèmes de gouvernance mis en place.

Des engagements communs à tous les États visent notamment la constitution d'inventaires d'émission de gaz à effet de serre et la mise en place progressive de politiques sectorielles tendant à la réduction de ces émissions en recourant à des méthodes comparables. En outre, les États doivent encourager la mise au point et la diffusion de technologies qui permettent de maîtriser les émissions anthropiques de gaz à effet de serre, notamment dans les secteurs de l'énergie, des transports, de l'industrie, de l'agriculture, des forêts et de la gestion des déchets. Ces

\ informations doivent être communiquées aux organes du Protocole, ,. rendant ainsi accessibles des informations indispensables à l'évaluation de la mise en œuvre du Protocole de Kyoto, ainsi qu'à l'adoption éventuelle de nouvelles mesures nécessaires pour satisfaire à l'objectif ultime de la Convention.

Le régime qui doit être élaboré pour la période de l'après 2012- l'année 2012 étant l'échéance fixée par le Protocole de Kyoto- est déjà l'objet de vastes tractations. Il s'agit de prendre en compte les évaluations du Groupe d'experts sur l'évolution du climat (GIEC), et notamment celles de son quatrième rapport.6 Elles appellent à des efforts incommensurables au regard des actions présentes. C'est une véritable décarbomisation de l'atmosphère qui est prônée avec l'objectif de réduction de cinquante pour cent de réduction des émissions d'ici 2050.

L'un des principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre mais absent du cercle conventionnel du Protocole de Kyoto, à savoir les États-Unis, devra être partie prenante au nouveau régime et la négociation est conduite à cette fm.

En outre, les pays du Nord veulent déconstruire l'apparente solidarité de corps du groupe des pays du Sud et impliquer les puissances économiques émergentes (notamment la Chine, l'lnde et le Brésil) en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L'équité

5 Voir Laurence Boisson de Cbazoumes, «La gestion de l'intérêt commun à l'épreuve des enjeux économiques - Le Protocole de Kyoto sur les changements climatiques >>

(1997) 43 Annuaire Français de Droit international, pp. 700-715.

6 Climate Change 2007 (Synthesis Report), A Report of the Jntergovemmental Panel on Climate Change, Vakncia, November 2007, <www.ipcc.ch/pdJlassessll)ent-reportlar4/

syrfar4_syr.pdt>, 25 mai 2009.

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revendiquée par les pays du Nord s'appuie sur les taux d'émission actuels et projetés des puissances économiques émergentes, à la lumière des conditions de concurrence économique au plan mondiaL À côté de revendications en faveur d'une différenciation entre les pays du Sud dans la mise en œuvre des droits et obligations ayant trait à la lutte contre les changements climatiques, d'autres stratégies sont mises en place. C'est le cas notamment des stratégies économiques dites de marché qui doivent elles aussi concourir à l'objectif d'universalité du régime.

IV. UNIVERSALITÉ DU RÉGIME ET STRATÉGIES DE MARCHÉ

L'empreinte de la globalisation économique est saillante dans le régime de lutte contre les changements climatiques, notamment dans l'appréciation des efforts à mener ainsi que dans les stratégies de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L'économie est devenue un prisme prédominant d'action et une très large place est réservée aux stratégies économiques forgées au gré de !'antieru1e des avantages comparatifs, au moyen d'échanges de crédits d'émission au travers de projets d'investissement, ou par la création de marchés de droits d'émission de gaz à effet de serre. Ces mécanismes, nourris de la logique de l'économie de marché, peuvent constituer des incitatifs importants pour les États et pour le secteur privé. Ils sont conçus autour d'une double fmalité : d'une part, la réduction des émissions de gaz à effet de serre afm de « stabiliser ... les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique »,7 d'autre part, la génération de revenus qui peuvent être ré-investis dans la recherche de teclmologies propres ou utilisés pour parer aux effets des changements climatiques qui menacent les plus démunis. La technicité de ces mécanismes et la logique lucrative pourraient tendre à prendre le dessus, les détachant de leur prisme d'explication qu'est celui de la défense d'un intérêt collectif tenant à la protection du climat. La raison d'être de leur mise en place, notanmlent dans la promotion d'un développement durable pour tous les pays, ne doit pas pour autant être oubliée. Le rôle que la société civile peut assumer afin de vérifier que cette double finalité ne soit pas sacrifiée sur l'autel de compromis faciles devient, par ce biais, primordial et est reconnu comme tel dans les stratégies internationales qui se dessinent.

Sur le plan juridique, plane l'aléa de la fragmentation du droit.

Les corps de normes régissant les mécanismes économiques .risquent de se replier sur eux-mêmes et d'entrer en conflit avec d'autres nonnes et

7 Article 2 de la Convention.

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objectifs liés à la lutte contre l'effet de serre. Le recours à des mécanismes économiques et financiers n'a pourtant de sens que s'il s'inscrit dans le cadre général du régime de lutte contre les changements climatiques, s'alimentant de considérations écologiques et de sécurité humaine et étant interprété en ce sens. Cette symbiose entre considérations de diverse nature révèle l'une des spécificités du cadre juridique tntemational de lutte contre les changements climatiques.

La création et la gestion des mécanismes fmanciers doivent également répondre à ce souci: L'accès aux ressources financières et techniques et les mécanismes développés à cette fin se doivent de répondre aux objectifs-de réduction et d'adaptation, cela en prenant en compte les besoins particuliers des divers groupes d'États en développement Leur fonctionnement doit s'insérer et être interprété à la lumière des objectifs, priorités et principes du régime de lutte contre les changements climatiques, -notamment les principes d'équité et de responsabilité commune mais différenciée.

) f

V. LES FONCTIONS DU DROIT DANS LE CONTEXTE D'UNE APPROCHE UNIVERSALISTE DE LA LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS

CLIMATIQUES

Dans le contexte du façonnement d'une approche universaliste en matière de lutte contre les changements climatiques, le droit a sa part à jouer, mais il doit la réaliser de pair avec d'autres disciplines scientifiques. On cpmprend de ce fait la diversité des rôles que revêt le droit. Ses contours prescriptifs peuvent être soulignés, mais ils ont été de peu d'utilité dans la phase d'élaboration d'un régime. D'autres fonctions doivent être soulignées, telles celle de formulation d'un langage commun et celle d'instrument de légitimation. L'élaboration du régime de lutte contre les changements climatiques est très récente. Le droit n'a fait immixtion en ce domaine que depuis une quinzaine d'années. Il a néanmoins déjà contribué à préciser et asseoir la terminologie à utiliser, aidant à forger un langage juridique et politique universel, commun aux différents acteurs, du Sud et du Nord, publics et privés. C'est un langage en évolution qui accompagne les connaissances qui se font jour, de même que les agréments qui se dessinent. Le droit ne cache pas pour autant les tensions en présence, qui obligent à des arbitrages et des compromis.

Le recours à la stratégie de la convention-cadre est révélateur de ces situations. Offrant un cadre juridique pour un compromis initial, le contenu d'un tel accord est suffisamment souple pour permettre à toutes les parties en présence d'y adhérer, même si leurs attentes varient. Cette

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LA LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CUMA TIQUES 635

technjque présente une autre vertu, celle de fournir les assises d'un régime qili se consolide progressivement. au gré de l'adoption ultérieure d'instruments de nature juridique diverse, qu'il s'agisse de protocoles additionnels, d'amendements ou encore de décisions des États parties à la Convention. La Convention-cadre sur les changements climatiques et le Protocole de Kyoto remplissent lous deux cette fonction. Le Protocole de Kyoto s'apparente en effet à un deuxième accord-cadre. Sa négociation a permis la consolidation des assises du régime mis en place en 1992 par la Convention, tout en appelant à la poursuite de nouveaux engagements. Adopté en 1997, son contenu a été précisé au travers des négociations âpres et tenàues qui ont fait suite à son adoption. Elles ont résulté en 1' adoption d un ensemble de trente-neuf décisions par les États parties à la Convention, commes aussi sous la dénomination des

« Accords de Marrakech» du nom du lieu de réunion de la septième Conférence des Parties en 2001.8 Le Protocole, entré en vigueur le 16 février 2005, ne peut donc être compris et interprété qu'à lu lwuière de ces nombreuses décisiollS adoptées subséquemment à son adoption el qui permettent son application.

Développer une stratégie dans le domaine de la lutte contre les changements climatiques entraînait à bâtir un nouveau régime juridique puisque le droit existant à. l'époque n'était pas doté des moyens d'action nécessaires. Au-delà de l'élaboration d'une terminologie, des principes d'action et des comportements devaient être formulés et des institutions mises en place. Le droit a permis leur formalisation et leur substantivation. Le régime de lutte contre les changements climatiques a pour pièces maîtresses la Convention el le Protocole et pour ramifications les décisions des Parties contractantes et les nombreux instruments adoptés au plan national et régional pour mettre en œuvre le régime. En d'autres mots, la Convention et le Protocole sont des instruments de légitimation d'un régime juridique en constante évolution.

L'instrument juridique qui entérinera les comportements à adopter à partir de 2012 relèvera de cette même catégorie d'instruments, quoiqu'il puisse être plus précis dans la formulation des comportements.

Les stratégies et comportements identifiés pourront aussi évoluer: Alors que le Protocole de Kyoto prescrivait des engagements quantifiés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, on peut se demander si telle sera la stratégie retenue dans l'instrument qui prendra sa suite. Il semble que la flexibilité soit considérée un meilleur appât pour s'assurer de l'implication de tous les États qui devront s'engager sur la voie de la réduction. Alors que le Protocole de Kyoto a fait une place prédominante

8 Le texte de ces décisions peut être consulté sur Je site de la Convention, <unfccc.int/

cop7/documents/index.html>, 25 mai 2009.

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636 Laurence Boisson de Chazournes and Katerina Va/ji

aux stratégies économiques de portée internationale pour satisfaire aux réductions quantifiées d'émissions, on peut se demander si les arbitrages à venir, tout en prenant appui sur la logique de marché international du carbone, ne feront pas plus de place aux «forces de l'intérieur» à l'échelon régional, national et local, pour trouver des solutions innovantes et de substitution à un recours trop pesant à l'énergie fossile.

Ces actions devront bien sûr s'inscrire dans un cadre de coopération internationale fondé sur des approches d'équité et de partage de responsabilités entre les pays du Nord et ceux du Sud.

VI. ACTIONS RÉGIONALES ET CADRE D'ACTION UNIVERSEL

L'action universelle et la recherche d'équité au sein de la co=unauté des États ne doit pas occulter la diversité des approches. Les actions régionales peuvent en être des véhicules. L'action européenne montre en quelque sorte la voie possible vers une régionalisation de l'action dans le domaine des changements climatiques. Les discussions à l'échelon de l'Union européenne ont permis que se forge un consensus conduisant l'organisation à s'engager sur la voie d'une réduction de vingt pour cent des émissions d'ici 2020, voire de trente pour cent si, dans le cadre de la négociation de l'instrument post-Kyoto, les autres États développés s'engageaient aussi en ce sens et si les puissances économiques émergentes montraient leur détermination à agir dans cette direction.9

Les actions envisagées au sein de l'Union européenne imbriquent étroitement celles des autorités publiques et celles du secteur privé. Cette perspective régionale a pour vocation de s'enchâsser dans l'élaboration du régime universel à venir, tant dans l'élargissement possible du système d'échanges de crédits d'émission ou de permis d'émission que dans le contrôle du système d'observance à mettre en place. D'autres stratégies régionales pourraient expérimenter d'autres angles d'approche (par exemple, la réduction de l'intensité énergétique par secteur proposée dans le cadre de l'initiative Asie-Pacifique (APEC).

Les caractéristiques régionales de ces stratégies pourraient refléter pltis

spécifi~uement les données climatiques, économiques ou sociales d'une région. 0 Le Protocole de Kyoto avait d'ailleurs fait place à la possibilité d'actions à caractère régional au travers d'actions conjointes en matière de réduction d'émissions (Article 4 du Protocole de Kyoto). Ces actions

9 Voir conclusions de la présidence du Conseil européen de Bruxelles, 8 et 9 mars 2007, <www. consilium.europa.eu/ueDocs/cms _ Data/docs/pressData/fr/ec/93135.pdf>, 25 mai 2009.

10 Voir Ph. Le Prestre, Géopolitique régionale du climat et coopération internationale (2009) Revue droit, économie et sciences (à paraître).

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LA LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES 637 conjointes font en outre place à des différenciations entre les États qui en sont parties prenantes. La Bulle européenne constituée sur la base de l'article 4 du Protocole de Kyoto est illustrative d'une telle approche située.11

Au cours des deux dernières décades, le droit a contribué à bâtir et solidifier un cadre d'action universel dans le domaine des changements climatiques. Il doit maintenant permettre de faire en sorte que la logique universaliste s'enracine dans l'action humaine quotidienne, que les objectifs et engagements définis à l'échelon universel deviennent des paramètres d'action de chacun. Diverses stratégies sont prônées pour répondre à cet objectif. L'émulation entre les dimensions internationale, régionale et nationale doit permettre que l'intérêt collectif dans le domaine des changements climatiques soit promu à ces différents échelons.

11 Voir Michael Bothe and Eckard Rehbinder (cds.), Climate Change Policy (Eleven International Publishing, Utrecht, 2005).

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