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AMNESTY INTERNATIONAL Index AI : ASA 11/02/95. DOCUMENT EXTERNE Londres, février AFGHANISTAN La crise des droits de l'homme et les réfugiés

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AMNESTY INTERNATIONAL ÉFAI Index AI : ASA 11/02/95

DOCUMENT EXTERNE Londres, février 1995

AFGHANISTAN

La crise des droits de l'homme et les réfugiés

Introduction

Des centaines d'Afghans dont les demandes d'asile ont été rejetées en Europe occidentale et dans un certain nombre d'autres pays continuent de vivre dans la crainte d'être renvoyés en Afghanistan. Ils sont généralement autorisés à séjourner dans le pays qui leur a refusé l'asile, mais leur statut est peu clair et toujours susceptible d'être modifié. À la connaissance d'Amnesty International, des Afghans ont été expulsés de Russie contre leur gré en 1994 et renvoyés dans leur pays. En 1993, un demandeur d'asile afghan a été expulsé du Danemark vers Kaboul 1.

L'Organisation est intervenue dans un très grand nombre de cas où des réfugiés étaient menacés d'expulsion. Elle s'est élevée contre le renvoi forcé d'Afghans dans leur pays lorsqu'elle pensait que ceux-ci risquaient d'être victimes de violations de leurs droits fondamentaux.

Bien qu'aucun autre cas d'expulsion de demandeurs d'asile afghans n'ait été signalé ces dernières années, Amnesty International est préoccupée par le fait que certains gouvernements considèrent que les Afghans peuvent rentrer dans certaines régions de leur pays. L'Organisation estime qu'un tel point de vue est dangereux. Des violations graves des droits de l'homme, imputables à pratiquement tous les groupes de moudjahidin, sont signalées dans tout le pays. Des groupes politiques ou ethniques sont parfois temporairement en sécurité dans certaines régions. Mais les renversements d'alliances politiques, et le fait que les territoires changent fréquemment de mains, peuvent créer un environnement politique inattendu et propice aux exactions. Des régions considérées comme sûres pour certains groupes peuvent passer soudainement sous le contrôle de groupes rivaux, ce qui expose la population à des violations de ses droits.

Les différentes couches de la société afghane ont toutes été la cible d'exactions, et la population continue de craindre de nouvelles atteintes aux droits de l'homme, notamment tortures et homicides.

Parmi les Afghans les plus exposés dans leur pays figurent les membres de certains groupes ethniques, religieux ou politiques vivant dans des zones contrôlées par des chefs de guerre qui leur sont hostiles. Les femmes instruites, les personnes favorables à la laïcité, les universitaires et les membres de professions libérales, ainsi que les fonctionnaires du gouvernement précédent et les journalistes qui suivent la crise politique, sont également en danger. Pratiquement toutes les factions en guerre se livreraient à des exactions graves. Il semble parfois que ces dernières soient autorisées, cautionnées, voire ordonnées par les dirigeants des groupes politiques ; ou bien les auteurs peuvent en être des hommes armés vaguement affiliés à un groupe politique, auquel ils ne rendent toutefois

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aucun compte.

Amnesty International prie instamment tous les gouvernements de veiller à ce qu'aucun demandeur d'asile afghan ne soit contraint de quitter un pays dans lequel il a trouvé refuge tant que la crise politique que connaît actuellement l'Afghanistan n'aura pas été résolue. Elle rappelle qu'il n'existe aucun moyen fiable de garantir que les demandeurs d'asile renvoyés dans leur pays ne seront pas victimes de violations de leurs droits fondamentaux.

Par ailleurs, les gouvernements ne devraient pas expulser vers l'Iran ou le Pakistan les Afghans dont la demande d'asile a été rejetée. Au Pakistan, où tous les groupes de moudjahidin sont très présents, ils peuvent en effet être victimes d'attaques et de violations de leurs droits. Le gouvernement iranien, quant à lui, expulserait de temps à autre des Afghans contre leur gré malgré les risques qu'ils encourent en revenant dans leur pays.

L'Organisation estime que le nouvel afflux de réfugiés fuyant l'Afghanistan est une conséquence directe des atteintes graves et systématiques aux droits de l'homme, dont bon nombre sont commises dans le cadre de la guerre civile. En conséquence, elle exhorte tous les gouvernements à prêter une attention toute particulière au lien existant entre la situation catastrophique des droits de l'homme que connaît le pays et la crise des réfugiés. L'exode massif ne prendra fin, et le retour des réfugiés en Afghanistan ne deviendra possible, que s'il est mis un terme aux violations de grande ampleur des droits fondamentaux.

1. Le contexte historique

L'Afghanistan est devenu un champ de bataille de la guerre froide lorsque les troupes soviétiques ont pénétré dans le pays en décembre 1979 pour maintenir au pouvoir le gouvernement communiste nouvellement installé. Les années qui ont suivi ont été marquées par une escalade des violations des droits fondamentaux imputables aux forces gouvernementales et des exactions perpétrées par l'opposition armée. Les structures civiles locales n'étaient pas en mesure d'empêcher de tels agissements, et les organisations internationales de défense des droits de l'homme ont rencontré de plus en plus de difficultés pour enquêter sur les atrocités.

Le retrait des troupes soviétiques, qui s'est terminé en février 1989, n'a pas mis fin à la guerre civile.

L'ex-URSS a continué de fournir des armes au camp gouvernemental tandis que les États-Unis, le Pakistan, l'Iran et l'Arabie saoudite armaient les moudjahidin.

Une certaine amélioration de la situation des droits de l'homme a été perceptible entre 1987 et le début de 1992. Les représentants du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et le rapporteur spécial des Nations unies sur l'Afghanistan ont été autorisés à se rendre dans le pays pour surveiller la situation des droits de l'homme. Les violations flagrantes des droits fondamentaux et les exactions imputables aux deux camps en présence n'ont toutefois pas cessé.

Le gouvernement du président Najibullah, renversé en avril 1992, n'a pas été remplacé par une véritable autorité centrale. L'anarchie a gagné tout le pays. La population civile a été victime de violations massives de ses droits fondamentaux, les chefs de guerre s'efforçant d'étendre leur propre pouvoir, ainsi que celui de leur parti ou de leur clan. Kaboul, la capitale, a le plus souffert de cette situation : elle est devenue un terrain d'affrontement où des groupes politiques rivaux se livrent des combats acharnés pour le contrôle des différentes administrations.

2. La situation politique actuelle

Il n'existe pas de véritable autorité centrale en Afghanistan. Les efforts des Nations unies en vue de promouvoir un gouvernement formé sur une base large et acceptable pour les différentes factions n'ont jusqu'à présent pas abouti. Bien que son mandat soit arrivé à expiration le 28 décembre 1994, le président Burhanuddin Rabbani est resté en fonction en attendant le résultat des négociations de paix qui se déroulent sous l'égide des Nations unies. Selon certaines sources, Mahmoud Mestiri, l'envoyé des Nations unies, avait mis au point une proposition de transfert du pouvoir à un gouvernement intérimaire très large, transfert qui devait s'effectuer à la fin de février. Ce plan a dû être retardé en raison de l'évolution récente de la situation politique, du fait notamment de

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l'émergence du mouvement des taliban (étudiants en théologie) (cf. ci-après). À la fin de février 1995, le gouvernement du président Rabbani ne contrôlait que certains quartiers de Kaboul ; toutefois, les forces alliées à son mouvement, leJamiat-e Islami, tenaient plusieurs provinces dans le nord et dans l'ouest du pays.

L'Afghanistan est toujours en proie à une guerre civile dévastatrice qui a coûté la vie à 25 000 personnes environ, des civils pour la plupart, depuis la prise du pouvoir par les moudjahidin en avril 1992. Kaboul reste divisée en zones contrôlées par les différents groupes politiques armés.

Les alliances et les inimitiés entre factions en guerre se fondent sur des fidélités de personnes, sur l'identité ethnique, ainsi que sur l'affiliation à l'un ou l'autre des principaux groupes politiques ; ces alliances et ces inimitiés changent d'ailleurs fréquemment. Lorsque un clan ou une localité est affilié à un groupe politique, tous les membres de ce clan et tous les habitants de cette localité – combattants ou non – semblent être considérés comme des ennemis par les hommes armés de tel ou tel groupe rival. Toutes les factions en guerre procèderaient délibérément à des tirs d'artillerie sur des zones d'habitation. Parallèlement, aucune faction ne semble avoir cherché à installer son système de défense et son artillerie ailleurs que dans des zones d'habitation. La distinction entre les objectifs militaires et ce qui n'est pas considéré comme tel reste donc floue ; le fait que quelques hommes armés patrouillent dans une rue peut alors amener une faction rivale à bombarder tout le quartier.

Les tirs d'artillerie dirigés contre des zones d'habitation entraînent inévitablement la mort de civils non armés et la destruction de leurs maisons. La plupart des victimes ont été tuées alors qu'elles marchaient dans les rues de la capitale ou attendaient l'autobus, voire chez elles, ou dans les immeubles où elles avaient trouvé refuge après la destruction de leur maison. De nombreux civils non armés ont été tués ou blessés à Kaboul lors d'attaques délibérées visant des mosquées, des écoles et des hôpitaux. Des attaques similaires ont été lancées contre des zones d'habitation dans d'autres régions du pays.

Il est extrêmement difficile de trouver un lieu qui soit sûr en toutes circonstances, où le droit à la vie et à la sécurité soit garanti. Les Afghans qui fuient leur pays font état d'un sentiment d'insécurité général et permanent dans tout le pays.

Jusqu'au début de 1995, deux alliances politiques principales luttaient pour s'assurer le contrôle du territoire et l'autorité politique. La première était la Shura-e Nazar (Conseil de supervision) dirigée par Ahmed Shah Masoud et rassemblant tous les commandants affiliés au Jamiat-e Islami (Société de l'islam), notamment Ismaël Khan – l'influent gouverneur de la province de Herat – ainsi qu'un certain nombre de petits partis. La seconde, appelée Conseil suprême de coordination, regroupait les forces du général Abdul Rashid Dostom basées dans le nord du pays et celles de Gulbuddin Hekmatyar ; le Hezb-e Wahdat (Parti de l'Unité), mouvement chiite, en faisait également partie.

En février 1995, une force politique puissante et populaire connue sous le nom des taliban avait apparemment pris le contrôle de neuf des 30 provinces de l'Afghanistan, soit le nombre de loin le plus important de provinces tenues par un seul parti. Les taliban, dont un grand nombre ont fait leurs études dans des écoles coraniques au Pakistan, sont apparus en novembre 1994, date à laquelle ils se sont emparés de la ville de Kandahar auparavant aux mains de commandants de groupes de moudjahidin. Ils ont ensuite poursuivi leur progression vers les provinces du Helmand, de Khost et du Wardak, sans rencontrer de véritable résistance de la part des autres partis. Leur succès le plus significatif a été la prise, en février 1995, du quartier général du Hezb-e Islami de Gulbuddin Hekmatyar installé à Charasyab, au sud de Kaboul.

On sait peu de chose du programme politique des taliban, lesquels semblent être des musulmans orthodoxes désireux d'instaurer un régime islamique strict.

3. La situation catastrophique des droits de l'homme

L'Afghanistan continue de connaître une situation catastrophique en matière de droits de l'homme.

Homicides délibérés et arbitraires, détentions illégales et actes de torture – un très grand nombre de femmes et d'enfants sont notamment victimes de viol – figurent au nombre des exactions perpétrées par la quasi-totalité des groupes politiques armés.

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condamnent des prisonniers à être exécutés, lapidés ou flagellés en l'absence de toutes garanties juridiques. Dans plusieurs régions, des tribunaux islamiques auraient prononcé des sentences capitales et des peines de flagellation en public. Plusieurs milliers de personnes ont été incarcérées illégalement en raison de leurs opinions politiques, de leur religion ou de leur origine ethnique, dans des centres de détention administrés par des groupes de moudjahidin. Des centaines d'autres personnes ont "disparu".

Plusieurs dizaines de milliers de civils ont été tués et des dizaines de milliers d'autres blessés lors de tirs d'artillerie délibérément dirigés vers des zones d'habitation. Toutes les factions en guerre se sont rendues responsables de tels actes. Les groupes politiques disposent d'armes et de munitions fournies par des puissances étrangères. Des quantités considérables d'armes ont été acheminées en Afghanistan jusqu'en avril 1992, date à laquelle le gouvernement du parti Watan (Patrie) a été renversé. Toutefois, plusieurs pays de la région continuraient d'alimenter les différentes factions en armes et en munitions. Des centaines de milliers de personnes ont été déplacées ou ont fui le pays en raison de la guerre civile, et pour échapper aux violations massives et systématiques des droits de l'homme. On estime à environ trois millions le nombre de réfugiés afghans vivant aujourd'hui en Iran et au Pakistan.

4. Les principales formes de violations des droits fondamentaux

Les exécutions extrajudiciaires et les homicides délibérés et arbitraires : Des centaines, voire des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants auraient été exécutés de façon extrajudiciaire par les troupes gouvernementales, ou délibérément et arbitrairement tués par des membres des différents groupes de moudjahidin, au cours d'attaques contre des quartiers de Kaboul et dans d'autres régions du pays.

La torture : Des civils appartenant ou supposés appartenir à des groupes politiques ou ethniques rivaux continueraient d'être soumis à des tortures et à d'autres formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, dans les prisons administrées par les divers groupes de moudjahidin. D'anciens prisonniers ont affirmé avoir été frappés à coups de crosse de fusil, attachés pendant plusieurs jours à des cadavres et contraints de manger ce qu'on leur a présenté comme de la chair humaine. Certains d'entre eux auraient reçu des décharges électriques ou auraient été presque étouffés, d'autres auraient eu les testicules écrasés au moyen de tenailles. De très nombreux détenus seraient morts des suites de torture. Les prisonniers qui ne sont pas en mesure de verser les sommes exigées pour leur libération risquent à nouveau d'être torturés, voire tués de façon délibérée et arbitraire. Les détenus hommes et femmes, y compris bien souvent les enfants et les adolescents, seraient victimes de viol – qui est une forme de torture.

L'emprisonnement politique : Des personnes sont toujours incarcérées dans des centres de détention privés en raison de leurs opinions politiques, de leur religion ou de leur origine ethnique.

Les ravisseurs les détiennent parfois à titre d'otages en vue d'un éventuel échange, ou dans le but de leur extorquer de l'argent. Des journalistes qui couvraient le conflit ont été arrêtés ou emprisonnés par les factions en guerre.

Les "disparitions" : Depuis avril 1992, dans toutes les régions d'Afghanistan, plusieurs milliers de personnes auraient "disparu" après avoir été enlevées par des hommes armés appartenant aux différents groupes politiques en guerre.

Les procès iniques et les châtiments cruels : Le système judiciaire est devenu pratiquement inexistant dans la plus grande partie du pays. Les chefs des groupes armés jugent des prisonniers qu'ils condamnent, entre autres, à la sentence capitale ou à des peines de lapidation ou de flagellation. Dans certaines régions, des tribunaux islamiques rendraient une justice expéditive et prononceraient notamment des condamnations à mort et des peines de flagellation en public. Ces procès ne respectent apparemment pas les normes internationalement reconnues en matière d'équité. L'impartialité n'est pas garantie ; les accusés ne disposent pas des moyens appropriés pour se défendre, et ils ne peuvent bénéficier de l'assistance d'un avocat ni interjeter appel des condamnations prononcées.

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5. Le blocus alimentaire

En 1994, Kaboul et différentes autres villes du pays se sont vu imposer durant plusieurs mois un blocus alimentaire qui a finalement été levé en décembre. Selon certaines sources, les organismes dépendant des Nations unies étaient parvenus à un accord avec Gulbuddin Hekmatyar au début de 1994 ; aux termes de cet accord, les quartiers de Kaboul contrôlés par le Jamiat-e Islami devaient recevoir les mêmes quantités de nourriture que le quartier général du Hezb-e Islami à Charasyab, dans la banlieue de Kaboul. Le Hezb-e Islami s'était en outre engagé à ne pas empêcher la circulation des convois de nourriture entre le Pakistan et Kaboul. Gulbuddin Hekmatyar, Premier ministre à l'époque, aurait exigé que les vivres envoyés à Kaboul ne servent pas à l'approvisionnement des forces armées du président Rabbani, et que des observateurs du Hezb-e Islami accompagnent les convois destinés à la capitale. Les Nations unies auraient accepté ces conditions. Gulbuddin Hekmatyar a toutefois refusé de fournir des observateurs après que les premiers convois eurent pénétré dans la ville, au début de 1994. Les risques d'attaques ont eu pour conséquence qu'aucun convoi n'a pu ensuite être acheminé vers Kaboul. Le Hezb-e Islami aurait imposé un nouveau blocus alimentaire en janvier 1995 ; celui-ci a été levé en février après la prise de Charasyab par les taliban, et les convois de nourriture ont été autorisés à pénétrer dans Kaboul.

6. Les personnes déplacées

Des centaines de milliers de personnes ont été déplacées à l'intérieur de l'Afghanistan à la suite de la fermeture de la frontière pakistanaise, en janvier 1994, et leur nombre ne cesse d'augmenter. La plupart des personnes ayant fui la capitale ont été accueillies dans des camps installés à Djalalabad.

Deux d'entre eux seraient gérés par des organismes dépendant des Nations unies, un troisième par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), et deux autres par la Shura (Conseil) locale qui rassemble plusieurs partis politiques. Près d'un million d'Afghans auraient été déplacés à l'intérieur du pays en raison du conflit. Deux cent cinquante mille Afghans ont rejoint les camps situés autour de Djalalabad entre avril 1992 – date de la prise de pouvoir des moudjahidin – et novembre 1994.

Selon les informations parvenues à Amnesty International, certaines catégories de personnes déplacées vivant dans ces camps se plaignent de recevoir des menaces de mort et affirment que leur vie est en danger. C'est souvent le cas, notamment, d'hommes et de femmes ayant exercé une profession libérale (médecins, anciens fonctionnaires, employés de bureau, personnes ayant travaillé pour le gouvernement). D'anciens membres du KHAD (les services secrets du gouvernement précédent) ont également exprimé leur crainte d'être en danger dans ces camps.

7. Les réfugiés en Iran

Au début de 1994, le gouverneur de la province iranienne du Khorassan, où vivent un grand nombre de réfugiés afghans, aurait rendu public un projet détaillé concernant le retour de ces réfugiés dans leur pays. Il aurait par ailleurs fait part de sa préoccupation à propos du statut de certains enfants afghans dont les parents n'ont pas fait enregistrer leur mariage dans les formes prévues par la loi.

Les autorités iraniennes ont toutefois annoncé en octobre 1994 qu'aucun plan de rapatriement forcé des réfugiés afghans n'était mis en œuvre. Elles ont expliqué qu'il y avait en Iran trois catégories de réfugiés afghans :

1) Les titulaires d'un permis de séjour permanent qui ont fait enregistrer leur mariage, et dont les enfants disposent d'une carte d'identité. Ils sont environ 1 270 000 et peuvent rester en Iran sans aucune restriction.

2) Les titulaires d'un permis de séjour temporaire qui n'ont pas effectué les formalités d'enregistrement indispensables, et dont les enfants n'ont pas de carte d'identité. S'ils souhaitent rester en Iran, ils peuvent faire les démarches nécessaires en vue d'obtenir un permis de séjour permanent. S'ils décident de ne pas solliciter ce document, ils devront quitter l'Iran. Environ 560 000 Afghans sont titulaires d'un permis de séjour temporaire.

3) Les réfugiés qui n'ont pas de permis de séjour temporaire ou permanent car ils n'en ont pas fait la demande. S'ils entreprennent les démarches nécessaires, ils obtiendront un permis de séjour temporaire qui leur permettra de rester en Iran. Quelque 50 000 à 60 000 Afghans sont dans ce cas.

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8. Les réfugiés au Pakistan

Depuis que le Pakistan a fermé en janvier 1994 le poste-frontière de Torkham, aucun réfugié afghan ne peut plus pénétrer légalement au Pakistan pour échapper aux violations des droits fondamentaux perpétrées dans son pays. Les Afghans peuvent toutefois obtenir des visas à Djalalabad ; une centaine seraient délivrés chaque jour.

La majorité des Afghans qui ne parviennent pas à obtenir un visa se réfugient au Pakistan en passant illégalement la frontière à Torkham et en versant des pots-de-vin. Ils s'installent généralement au domicile de proches au Pakistan, n'ayant pas de moyens de subsistance. Un grand nombre de réfugiés, dont la plupart sont originaires des zones rurales, vivent dans des camps non loin de Peshawar.

Les camps de réfugiés afghans au Pakistan sont généralement contrôlés, en totalité ou en partie, par des partis politiques afghans. Les réfugiés ne sont pas disposés à s'entretenir avec des étrangers à moins d'être certains que leurs propos ne vont pas les exposer à des représailles de la part du parti règnant sur le camp. La vie dans ces camps est devenue plus pénible encore au cours de l'année écoulée, les organismes donateurs ayant réduit, voire supprimé leur aide.

Des universitaires et des membres de professions libérales favorables à la laïcité qui ont fui au Pakistan affirment être fréquemment menacés de mort et insultés par des membres de groupes de moudjahidin. Certaines des factions en guerre les considèreraient comme des ennemis, car susceptibles de représenter une force de négociation dans le cadre d'un futur accord de paix.

Les Afghans instruits et les membres de professions libérales réfugiés au Pakistan seraient la cible de menaces de mort, parfois mises à exécution. Certains d'entre eux ont donc quitté le Pakistan pour gagner un pays plus sûr. D'autres, qui se sont installés dans d'autres régions du pays, vivent dans la crainte d'être découverts.

Les femmes instruites réfugiées au Pakistan, et plus particulièrement celles qui œuvrent pour l'éducation et le bien-être des femmes et des enfants afghans, sont régulièrement menacées par des groupes de moudjahidin. La plupart de ces menaces sont attribuées au Hezb-e Islami de Gulbuddin Hekmatyar. Plusieurs Afghanes qui sont des personnalités connues ont déclaré ne pouvoir compter sur la police pakistanaise pour les protéger. En avril 1993, des policiers auraient fait un usage abusif de la force au cours d'une manifestation pacifique de femmes organisée à Peshawar, blessant un très grand nombre de participantes. Selon certaines sources, la police pakistanaise agirait de concert avec certains islamistes afghans dans le but d'empêcher les femmes afghanes d'avoir des activités politiques.

9. Les réfugiés dans d'autres pays

Des centaines d'Afghans auraient sollicité l'asile en Europe occidentale et dans un certain nombre d'autres pays. Amnesty International est intervenue en faveur de très nombreux demandeurs d'asile afghans menacés de reconduite à la frontière. Dans tous les cas, l'Organisation a prié le gouvernement du pays concerné de ne pas renvoyer ces demandeurs d'asile en Afghanistan ou au Pakistan.

La Russie

En septembre 1994, Amnesty International a exprimé au gouvernement de la Fédération de Russie sa préoccupation à propos d'informations faisant état de l'expulsion de 20 Afghans ; ces derniers auraient été liés au gouvernement de l'ex-président Najibullah et, de ce fait, craignaient à juste titre d'être renvoyés dans leur pays. L'Organisation a également déploré l'absence en Russie de procédure permettant d'accorder une protection véritable et durable aux réfugiés et aux demandeurs d'asile. Elle s'est en outre inquiétée de la situation précaire des réfugiés et demandeurs d'asile à l'aéroport international de Moscou.

Dans sa réponse datée d'octobre 1994, le gouvernement russe a déclaré qu'il partageait les préoccupations d'Amnesty International quant au respect des droits de l'homme dans les domaines touchant à la protection des réfugiés au sein de la Fédération de Russie. Il a notamment fait

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observer :

« À propos des circonstances précises évoquées dans votre lettre, l'expulsion de citoyens afghans était motivée, comme vous le savez peut-être, par l'absence formelle de demandes écrites adressées par ces personnes au Service fédéral de l'immigration en vue d'obtenir le statut de réfugié, ce qu'elles étaient tenues de faire conformément à la loi. Ce cas précis, ainsi qu'un certain nombre d'autres pro- blèmes survenus notamment à l'aéroport Sheremyetevo-2, démontrent la nécessité de réviser sans délai les directives en vigueur à la lumière de la nouvelle législation. Ceci devrait permettre à l'avenir d'éviter les conséquences néfastes du point de vue humanitaire des décisions prises par des autorités compétentes ».

Le Danemark

À la date du 5 décembre 1994, plus de 250 Afghans étaient apparemment dans l'attente d'une décision concernant leur demande d'asile. Cent soixante-quinze demandeurs d'asile afghans seraient entrés au Danemark pendant les 11 premiers mois de 1994.

L'Allemagne

Selon les chiffres officiels, les demandeurs d'asile afghans arrivent au cinquième rang dans le classement par pays d'origine. Ceux qui se présentent aux frontières terrestres de l'Allemagne sont refoulés vers le pays qu'ils ont traversé – appelé « pays tiers sûr » – sans avoir accès aux procédures de demande d'asile. L'Allemagne considère tous les pays limitrophes comme des « pays tiers sûrs », si bien qu'aucun Afghan pénétrant en Allemagne par une frontière terrestre ne peut de fait invoquer le droit d'asile, pourtant inscrit dans la constitution.

Les demandeurs d'asile qui réussissent à pénétrer clandestinement en Allemagne par voie de terre, puis qui déposent une demande d'asile, sont également renvoyés vers le pays tiers si les autorités sont en mesure d'identifier ce dernier, et si celui-ci est disposé à les recevoir. Lorsque les autorités ne parviennent pas à déterminer l'identité du pays tiers, les demandeurs d'asile ont accès à une procédure au terme de laquelle l'Agence fédérale pour la reconnaissance du statut de réfugié décide s'ils satisfont aux critères de persécution requis pour l'obtention de ce statut (ces critères sont définis dans la Loi allemande sur les étrangers, au paragraphe traitant du non-refoulement).

Les personnes pouvant justifier de leur arrivée en Allemagne par voie aérienne et présenter un titre de transport en bonne et due forme ont accès aux procédures normales de demande d'asile.

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En l'absence d'un tel document, les demandes d'asile sont considérées comme « manifestement infondées » et ne sont pas prises en compte. Les personnes se trouvant dans ce cas peuvent cependant contester cette décision à l'aéroport en recourant à une procédure accélérée, qui leur donne la possibilité de réfuter la présomption selon laquelle leur demande est infondée. Ils peuvent ensuite interjeter appel d'une décision de rejet devant une juridiction administrative. Cette démarche a un effet suspensif concernant l'arrêté d'expulsion aussi longtemps qu'il n'a pas été statué sur l'appel.

La loi allemande prévoit que l'asile ne peut être accordé qu'aux personnes persécutées par un État.

Les autorités arguent donc qu'en l'absence d'un véritable État en Afghanistan, elles ne sont aucunement tenues de prendre en considération les demandes d'asile introduites par des Afghans.

Toutefois, les tribunaux décident généralement que les demandeurs d'asile ne peuvent être renvoyés en Afghanistan, où le droit à la liberté et le droit à la vie – tels qu'énoncés dans la loi allemande sur les étrangers et dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales – ne peuvent être garantis.

La plupart des Afghans qui ont sollicité l'asile en Allemagne en 1994 sont arrivés par avion en provenance de Moscou. Ces deux dernières années, la grande majorité des demandeurs d'asile afghans étaient des personnes ayant suivi des études. Un certain nombre d'entre elles auraient appartenu au KHAD, les services secrets du gouvernement précédent.

Selon les chiffres officiels, 5 642 Afghans ont sollicité l'asile en Allemagne en 1994. En septembre et en octobre, 257 personnes se sont vu octroyer le statut de réfugié, tandis que 1 494 autres demandes étaient rejetées. En novembre et en décembre, 259 Afghans ont obtenu l'asile, alors 1 577 demandes n'ont pas abouti.

Aucune expulsion de demandeurs d'asile afghans n'a été signalée en Allemagne. Les autorités ont annoncé à plusieurs reprises à des demandeurs d'asile qu'ils allaient être expulsés, rejetant l'argument selon lequel leur liberté et leur droit à la vie seraient menacés s'ils étaient renvoyés en Afghanistan. Toutefois, dans tous les cas portés à la connaissance d'Amnesty International, les juridictions administratives ont empêché le renvoi de ces personnes dans leur pays d'origine, compte tenu de la situation que connaît l'Afghanistan.

Le Canada

Au Canada, il est plus facile aux demandeurs d'asile en possession d'un document de voyage valide, et qui sont en mesure de prouver leur identité, d'obtenir que leur demande soit examinée dans un délai raisonnable. Toutefois, les demandes des personnes dépourvues de documents valides sont également examinées.

Plus de 110 Afghans auraient sollicité l'asile au Canada au début de 1993 ; cinq demandes auraient été annulées, huit rejetées, et toutes les autres auraient été acceptées. Les autorités canadiennes procèderaient à un examen très attentif des demandes émanant de personnes liées à des membres du gouvernement précédent, cela dans le but de rechercher des preuves de leur éventuelle participation à des crimes contre l'humanité. La majorité des demandeurs d'asile afghans obtiennent apparemment le statut de réfugié. Aucun demandeur d'asile afghan n'aurait été renvoyé contre son gré en Afghanistan, au Pakistan ou dans un pays tiers.

10. Les catégories de personnes particulièrement exposées aux violations des droits fondamentaux

Il est extrêmement difficile de trouver un lieu sûr en Afghanistan dans le contexte de guerre civile et d'instabilité politique que connaît ce pays. Un sentiment d'insécurité général et permanent prévaut dans tout le pays ; tout est susceptible de changer à tout moment. Des années de guerre civile ont détruit les structures tribales de la société, privant les individus de réseaux de soutien indispensables. Il n'existe jusqu'à présent aucun endroit sûr pour les réfugiés rentrant dans leur pays. Certaines catégories d'Afghans ne sont même pas en sécurité dans les camps pour personnes déplacées, tels ceux installés non loin de Djalalabad.

Toutes les catégories de la population risquent d'être victimes de violations des droits fondamentaux, notamment d'actes de torture et d'homicides. Parmi les Afghans les plus menacés

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dans leur pays figurent les membres de groupes ethniques ou religieux vivant dans des zones contrôlées par des chefs de guerre qui leur sont hostiles. Les hommes et les femmes favorables à la laïcité, les universitaires et les membres de professions libérales, ainsi que les fonctionnaires du gouvernement précédent et les journalistes qui couvrent la crise politique, risquent également d'être pris pour cibles.

11. Conclusions

Amnesty International estime que la situation des droits de l'homme en Afghanistan est si grave qu'aucun demandeur d'asile ne pourrait être considéré en sécurité après avoir été renvoyé dans son pays. Comme le montre le présent document, certaines catégories de demandeurs d'asile risquent plus particulièrement d'être pris pour cibles par les groupes de moudjahidin au Pakistan. Il est par ailleurs douteux que ces personnes bénéficient d'une protection véritable et durable si elles étaient renvoyées en Iran.

À la connaissance de l'Organisation, il n'y a eu au cours de ces deux dernières années que deux cas dans lesquels des demandeurs d'asile afghans ont été expulsés de pays extérieurs à la région vers l'Afghanistan. Toutefois, des centaines d'Afghans dont la demande d'asile a été rejetée continuent de vivre dans l'incertitude quant à leur avenir, sans bénéficier d'une protection efficace et durable. Il semble que les autorités qui ont examiné les demandes d'asile de ces Afghans n'ont pas suffisamment pris en considération la gravité de la situation des droits de l'homme en Afghanistan.

Amnesty International veut attirer l'attention sur la crise des droits de l'homme que connaît l'Afghanistan : l'Organisation souhaite en effet que tous les gouvernements prennent conscience de la situation et veillent à ce qu'aucun demandeur d'asile afghan ne soit contraint de quitter un pays où il a trouvé refuge, aussi longtemps que la situation des droits de l'homme ne se sera pas améliorée en Afghanistan.

La préoccupation d'Amnesty International concernant les réfugiés et les demandeurs d'asile découle du mandat qui est le sien dans le domaine de la défense des droits de l'homme. L'Organisation s'oppose à la détention de prisonniers d'opinion – incarcérés du fait de leurs convictions ou de leur origine ethnique, de leur sexe, de leur couleur ou de leur langue, bien qu'ils n'aient pas usé de violence ni préconisé son usage –, à la torture, aux "disparitions", aux exécutions et aux procès in- équitables de prisonniers politiques. Elle s'oppose donc à ce que des personnes soient renvoyées contre leur gré dans un pays où elles risquent d'être victimes de telles violations des droits fondamentaux.

À cet égard, Amnesty International fonde son action sur les normes internationales élaborées au fil des années pour la protection des réfugiés. Au nombre de ces normes figurent notamment : le principe fondamental du non-refoulement, reconnu par la communauté internationale comme relevant d'un droit coutumier international qui lie tous les États ; l'article 14 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, relatif au droit de solliciter l'asile et de l'obtenir ; la Convention de 1951, relative au statut des réfugiés ; ainsi que les conclusions du Comité exécutif inter- gouvernemental du programme du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

Le principe du non-refoulement oblige les États à ne pas renvoyer dans un pays une personne déclarant qu'elle risque d'y être victime de violations graves de ses droits fondamentaux, à moins qu'une procédure exhaustive et équitable n'établisse l'absence d'un tel risque.

Amnesty International a recueilli des informations sur les exactions et les violations graves des droits de l'homme commises en Afghanistan. Elle exhorte en conséquence tous les gouvernements à veiller à ce qu'aucun demandeur d'asile afghan ne soit contraint de quitter un pays dans lequel il a trouvé refuge, tant que la crise politique que connaît l'Afghanistan n'aura pas été résolue.

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La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et au Secrétariat inter- national par LES ÉDITIONS FRANCOPHONES D'AMNESTY INTERNATIONAL - ÉFAI - mai 1995.

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