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Si proche, si loin ! Penser les processus urbains à partir des modèles de la géographie du tourisme ?

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Academic year: 2022

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Si proche, si loin ! Penser les processus urbains à partir des modèles de la géographie du tourisme ?

MATTHEY, Laurent

Abstract

Notre modernité géographique semble caractérisée par un processus sans précédent d'exotisation du proche. Un travail de généalogie de nos façons de vivre en ville permet de montrer en quoi cette exotisation participe d'un corpus de techniques d'usage des mondes urbains par lesquelles les habitants rapprochent des espaces-temps distincts dans un « transfert analogique » (Lahire, 1998), qui offre l'occasion d'un « déplacement » récréatif.

L'accomplissement de ces voyages imaginaires requiert toutefois des lieux dotés d'une épaisseur sémiotique/symbolique singulière, situés le plus souvent dans les quartiers centraux des villes d'Occident. Il peut alors paraître judicieux d'interroger la pertinence des modèles issus de la géographie du tourisme pour penser certains aspects des processus urbains contemporains, notamment celui du retour en ville d'une nouvelle classe moyenne. Le recours à ces modèles semble en effet susceptible de compléter les deux grandes interprétations de la gentrification, soit celles de la rente urbaine et de la consommation ostentatoire. Dans leur quête du bien vivre en [...]

MATTHEY, Laurent. Si proche, si loin ! Penser les processus urbains à partir des modèles de la géographie du tourisme ? Articulo - Journal of Urban Research, 2007, no. 3, p. 1-12

DOI : 10.4000/articulo.613

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:77009

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

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Articulo - Journal of Urban Research

3 | 2007 :

Avant-gardes et élites

Dossier

Si proche, si loin ! Penser les processus urbains à partir des modèles de la géographie du tourisme ?

So close, so distant! Thinking urban processes through the models of geography of tourism

L

AURENT

M

ATTHEY

Abstracts

Français English

Notre modernité géographique semble caractérisée par un processus sans précédent d’exotisation du proche. Un travail de généalogie de nos façons de vivre en ville permet de montrer en quoi cette exotisation participe d’un corpus de techniques d’usage des mondes urbains par lesquelles les habitants rapprochent des espaces-temps distincts dans un

« transfert analogique » (Lahire, 1998), qui offre l’occasion d’un « déplacement » récréatif.

L’accomplissement de ces voyages imaginaires requiert toutefois des lieux dotés d’une épaisseur sémiotique/symbolique singulière, situés le plus souvent dans les quartiers centraux des villes d’Occident. Il peut alors paraître judicieux d’interroger la pertinence des modèles issus de la géographie du tourisme pour penser certains aspects des processus urbains contemporains, notamment celui du retour en ville d’une nouvelle classe moyenne.

Le recours à ces modèles semble en effet susceptible de compléter les deux grandes interprétations de la gentrification, soit celles de la rente urbaine et de la consommation ostentatoire. Dans leur quête du bien vivre en ville qui les attire vers les quartiers populaires, se pourrait-il que ces habitants quêtent les conditions d’une «  recréation  » immédiate de soi, qui leur permette de regagner, régénérés, la sphère du quotidien productif ?

Our geographic modernity seems to be characterized by an unprecedented process resulting in the attribution of exotic traits to familiar elements. A genealogy of our urban ways of life shows how this process stems from a body of techniques of urban usages by

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which city-dwellers draw distinct time-spaces closer to each other, through an “analogical transfer” (Lahire, 1998). This provides the opportunity for recreational journeys. However, such imaginary journeys require places characterized by a singular symbolic/semiotic substance, most often situated in the central neighborhoods of Western cities. It therefore seems appropriate to question the relevance of the models of geography of tourism to study certain aspects of contemporary urban processes, particularly the return to the city of a new middle class. Resorting to these models may complete the two main interpretations of gentrification, namely urban income and ostentatious consumption. Their quest for urban life, which draws them towards popular neighborhoods, may betray a search for the conditions of an immediate self-recreation, allowing them to return to the daily sphere of production feeling refreshed.

Index terms

Mots­clés : centre-ville, esthétique du quotidien, exotisation du proche, gentrification, territoires de la vie quotidienne

Full text

Au coin de la rue, le vaste monde

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Toute la mer dans le passage de l’Opéra. Les cannes se balançaient doucement comme des varechs.

Louis Aragon, 1926 (2003). Le paysan de Paris : 31.

D’abord, dans mon quotidien, des indices. La compagnie suisse des Chemins de fers fédéraux (CFF) place sa campagne publicitaire 2007 sous le signe d’une injonction («  Découvrez la Suisse  ») qu’elle décline en des slogans variés, selon qu’elle appelle à «  Explorer l’Ouest  » (la région Jura-Neuchâtel), visiter «  des peuples rudes  » (les Valaisans) ou à découvrir des terres nouvelles (le pays de Vaud). Dans le même temps, le catalogue 2007 de Lausanne Estivale invite à des balades insolites à travers la vallée du Flon ou les cimetières lausannois. Alors que des guides à l’usage des indigènes proposent, depuis des années, des aventures du proche (Corajoud, 2003), à la découverte par exemple des « cossus »2 lausannois ou des quartiers populaires de la ville de Lausanne (Corajoud, 2002). Enfin, l’entrée de cette même ville dans la collection des guides touristiques d’une grande maison d’édition française constitue un événement (local) de librairie  — et les Lausannois de se précipiter en tête de gondole pour acquérir leur propre exemplaire.

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Que nous racontent ces anecdotes  ? Que nous disent-elles du social qui nous constitue  ? Que nous apprennent-elles de notre rapport à l’altérité  ? Que nous enseignent-elles à propos de notre relation à la culture, aux agents qui en définissent la légitimité et la hiérarchisent ?

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Ces anecdotes parlent d’un même désir de proximité. Elles travaillent le caractère dépaysant de nos paysages quotidiens. Elles ont propension à réifier l’altérité sous forme de types sociaux. Mais d’où vient ce désir de proximité  ? Quelle est son histoire ? Comment nos paysages ont-ils acquis ce pouvoir de nous déplacer dans un ailleurs outre-paysager  ? Comment le recours à des types sociaux favorise-t-il la composition de «  romans  » pratiques, l’imagination d’autres vies possibles à la contemplation des foules urbaines  ? Comment ce déplacement participe-t-il de techniques de vivre en environnement urbain conditionnées à la disposition du capital culturel idoine ?

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Une généalogie

Visages et vies imaginaires de l’homme des foules

La plupart des voyageurs sont des gens qui ont fini leur travail. Elle s’assied parmi eux, elle cherche à surprendre sur leurs visages ce qui peut bien faire l’objet de leur préoccupation.

André Breton, 1964 (2003). Nadja : 77-78.

Ce qu’on voit ici à l’œuvre n’est-ce pas plutôt l’ivresse de la ressemblance, de la superposition, de l’assimilation, qui se révèle plus forte dans les rues de cette ville [Paris] que la volonté de différenciation sociale ? Walter Benjamin, 1927-1934 (2000). Paris : 436.

Ces indices appellent des souvenirs de lectures passées. Il se pourrait en effet que quelques romans urbains (au sens où leur intrigue se déroule en ville) et traités sur l’art de se promener en ville des XIXe et XXe siècles3 offrent l’occasion d’une généalogie de cette exotisation du proche. Qu’ils permettent aussi de montrer en quoi cette exotisation participe d’un certain usage des mondes urbains, une façon de faire des rapports entre une chose et une autre qui anime la matière (Matthey, 2006).

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Par exemple, ces anecdotes appellent des souvenirs de « La fenêtre d’angle de mon cousin  » (Hoffmann, 1822 [1983]). Deux hommes examinent, depuis leur poste d’observation, l’attroupement occasionné par la tenue du grand marché. Ils conversent ; le cousin apprend au narrateur à « lire » la foule, à décoder les signes qu’elle propose à qui sait voir, à tirer des conclusions de « toutes sortes de détails amusants  » (ibid.  : 265). La foule est énigmatique. Le cousin et le narrateur observent et interprètent. Des personnages vont ici et là. Ils sont en situation. Ils donnent une pièce à un mendiant. Ils mangent des cerises. Ils font tomber une orange et s’agenouillent pour la ramasser auprès d’une jeune fille. Ils portent de petites chaussures de « satin blanc » ou un habit vif. Quel est le sens de tout cela ? Que signifient ces gestes, ces tenues  ? Quelles histoires sont-ils susceptibles de raconter ?

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Cette lecture de foule mobilise un langage qui est celui de l’investigation. Elle nécessite un «  entraînement  à  lire  sur  les  visages  » (ibid.  : 266). Elle se pose comme une pratique herméneutique dans le sens où il s’agit de décrypter des signes non codifiés. Elle appelle une sémiotique du mouvement et des postures par laquelle l’observateur remonte d’une situation à la personnalité de la personne qui agit.

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Je me souviens alors que L’homme des foules (1841 [2004]) d’E.A. Poe mobilise cette même lecture inductive du monde génératrice de romans pratiques et de décloisonnements quotidiens. Un homme attablé dans un grand café londonien contemple la foule d’une rue populeuse. « Chaque chose [lui] inspir[e] un intérêt calme, mais plein de curiosité » (ibid. : 67). L’homme a lui aussi une méthode. Il procède d’abord par généralisation et abstraction. Il regarde les passants «  par masses » et s’intéresse « aux rapports collectifs ». Puis il « descen[d] au détail, et […] examin[e] avec un intérêt minutieux les innombrables variétés de figure, de toilette,  d’air,  de  démarche,  de  visage  et  d’expression  physionomique  » (ibid.  : 68). Dans le rapport de la masse au détail, il dégage des types et des sous-types.

Les pages 69 à 73 de l’édition que j’ai à présent sous les yeux consistent ainsi en une description d’espèces urbaines (« la race des commis ») et des sous-espèces

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Romans pratiques et banalisation des voyages imaginaires

Rempli du désir d’atteindre enfin le lieu où ce que j’avais oublié me reviendrait à l’esprit, je ne pouvais côtoyer la moindre rue sans m’y engager et tourner au coin aussitôt après.

Siegfried Kracauer, 1964 (1995). Rues de Berlin et d’ailleurs : 14.

(« les petits commis des maisons à esbroufe ») qui les composent.

Or, si cet exercice de taxonomie s’inscrit dans une posture esthétique, il se calque également sur un modèle qui est celui de l’enquête  : le texte recourt au vocabulaire de l’intrigue policière4. L’herméneutique à l’œuvre dans la « Fenêtre d’angle de mon cousin » travaille ici encore la narration. Le regard du narrateur dégage des «  masses  », les considère dans leurs «  rapports  collectifs  », puis descend au détail. Et quand la focale se resserre sur les visages de cette masse, une

« physionomie » particulière à « l’absolue idiosyncrasie » intrigue l’observateur.

Il veut la décrypter. Il veut savoir l’« étrange histoire [qui] est  écrite  dans  cette poitrine  » (ibid.  : 73). Il veut en «  savoir  plus  long  » sur cette complexion. Le désir de savoir appelle un approfondissement de la mise en examen, la nécessité d’une filature. C’est l’homme en situation qu’espère connaître le narrateur. Alors l’homme se lève, quitte le café et suit, dans la nuit londonienne, cette physionomie qui l’a ému, mis en mouvement. Il le poursuit. Il s’approche, masqué par l’épaisseur de la foule, et peut alors l’« étudier commodément », l’« épier » jusqu’à la trame et imaginer sa vie.

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Je me souviens de ces deux textes et je réalise qu’ils nous apportent des éléments de réponse aux questions que les anecdotes introductives ont insinuées.

Tous deux esquissent une technique du vivre en ville qui consiste à imaginer des existences tierces dans une lecture indiciaire et réifiante de l’altérité. Les

« autres » sont transformés en type et servent d’embrayeurs à une autre vie rêvée.

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Cette lecture indiciaire et réifiante de la réalité collabore à la production de voyages imaginaires dès lors que les personnages l’appliquent non plus à d’autres personnages mais à des fragments de paysage. Ces voyages imaginaires requièrent en effet l’usage d’un œil herméneutique, un œil qui cherche les détails susceptibles de fonctionner comme des tremplins vers un ailleurs outre-paysager. C’est du moins ce que je pense au souvenir des péripéties de des Esseintes, le « héros » de À rebours (1881) de J.K. Huysmans (1848-1907).

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Rappelez-vous avec moi  : au sortir d’une brève maladie, des Esseintes fait le projet d’un long voyage ; le temps pluvieux qui prévaut depuis quelques jours et la lecture de Dickens l’inclinent à partir pour Londres. Le personnage se prépare, anticipant son voyage en Angleterre alors que sa culture littéraire s’entremêle à certains éléments paysagers. Rue de Rivoli, au Galignani’s  Messenger,des

«  étrangères  assises  » «  baragouin[ent], en  des  langues  inconnues,  des remarques  » [ibid.  : 168]) et lui procurent un avant-goût britannique. Ce sentiment d’un déplacement se renforce à la Bodéga tant sont nombreux les éléments d’exotisation (« corbeilles de biscuits Palmers », « assiettes » emplies de

« mince­pie », alignement de porto aux « laudatives épithètes » [« old port, light delicate,  cock­burn’s  very  fine  »]), si bien que des Esseintes a le sentiment d’évoluer positivement parmi des personnages dickensiens. Des Esseintes se propose enfin de se restaurer à la Taverne5, rue d’Amsterdam, avant de prendre le train pour Dieppe. Un décor saturé de marqueurs de britannicité le plonge à nouveau dans une rêverie profonde et factuelle. L’heure du départ approche. Des Esseintes recule le moment de se lever et décide finalement de ne pas partir. Il est

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« saturé  de  vie  anglaise  depuis [s]on départ », si bien «  qu’il  faudrait  être  fou pour  aller  perdre,  par  un  maladroit  déplacement,  d’impérissables  sensations  » (ibid. : 174).

Des Esseintes «  écrit  » des romans pratiques en contemplant des objets, qu’il anime de sa pensée. Il joue du « coudoiement » autorisé par les foules anonymes de la grande ville pour migrer dans une existence alternative. Bien évidemment, si des chaussures de satin blanc racontaient  — au cousin et au narrateur de la nouvelle d’E.T.A. Hoffmann  — la vie d’un ballet, si une physionomie idiosyncrasique laissait supposer  — à l’observateur d’E.A. Poe — un monde interlope, la mise en évidence des éléments d’un environnement «  physique  » susceptible de s’inscrire dans une intrigue qui déplace n’est pas une « pratique » littéraire d’une grande originalité. Elle nous dit néanmoins quelque chose à propos du transfert de ce schème esthétique. Ce qui se cristallise de manière aléatoire, au hasard de la rencontre d’un type d’hommes des foules, s’effectue de la même manière en présence d’un élément du décor urbain. Il gagne ainsi en systématicité, et permet une reproduction de l’expérience : la localisation assure stabilité et persistance. L’espace diégétique du voyage imaginaire repose sur un

« regard » banal qui décèle les éléments paysagers susceptibles d’occasionner un

«  transfert  analogique  » (Lahire, 1998), c’est-à-dire les points susceptibles de rapprocher, par analogie, un lieu et un autre. C’est ainsi que certains quartiers de ville en viennent à enraciner des identités typiques ou des imaginaires.

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Je me souviens enfin qu’en 1880, G. de Maupassant (1850-1893) publie une courte nouvelle, « Les dimanches d’un bourgeois de Paris », dont l’ironie permet de mesurer indirectement l’ampleur prise par cette quête d’aventures près de chez soi. Patissot, le personnage principal, s’y promène en ville ou dans les futurs territoires de sa « reptation »6 — parcourant « en touriste, toute cette partie de la France qui s’étend entre les fortifications et la province » (ibid. : 7) —, dans une pratique dorénavant banale puisqu’on peut la caricaturer, qui consiste à exotiser le proche dans les activités quotidiennes. Patissot anticipe ses escapades, les prépare à l’avance. Il acquiert un matériel spécifique. Il se met en condition, travaille sa mise en scène. Il « gagn[e] la Seine pour prendre l’Hirondelle7 qui le déposer[a] à Saint­Cloud et, au milieu de l’ahurissement des passants, il sui[t] la rue  de  la  Chaussée­d’Antin,  le  boulevard,  la  rue  Royale,  se  comparant mentalement au Juif errant ». L’Hirondelle « pren[d] en son esprit des allures de paquebot, comme s’il allait partir pour un long voyage, passer les mers, voir des peuples nouveaux et des choses inconnues ». Patissot se « pla[ce], tout à l’avant, debout, les jambes écartées à la façon des matelots, pour faire croire qu’il avait beaucoup navigué » (ibid. : 18).

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Je me souviens, et je me dis que les aventures de des Esseintes et Patissot aident à comprendre les anecdotes évoquées en introduction. Un œil herméneutique fonctionnant sur un principe de « transfert analogique » a collaboré à l’exotisation du proche. O, cette exotisation relève d’une esthétique du quotidien en ce qu’elle est notamment liée aux pratiques occidentales de la mimèsis. Comme l’ont notamment montré Erich Auerbach (1946 [2005]), Mikhaïl Bakhtine (1975 [2004]) et Ian Watt (1957 [2002]), le genre romanesque est une tentative de représenter de la manière la plus réaliste possible la vie de tous les jours de gens ordinaires évoluant dans un environnement banal. C’est dans ce mouvement que la proximité a été magnifiée comme source d’étrangeté, que le proche s’est constitué comme altérisant8  : lieu de transformation, de révélation ou de subjectivation ; lieu où s’exprime « une irréductibilité, […] une singularité dans la ponctualité […] d’une action ». Irréductibilité et singularité par lesquelles le sujet se manifeste, tant par rapport aux autres qu’à soi, par « une indétermination »,

«  des  ‘hésitations’,  un  ‘flottement’,  un  ‘bougé’  » (Corcuff [1999  : 99] citant Benoist).

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Un goût ordinaire du sublime

Ces textes nous rappellent donc que cette exotisation du proche procède d’un regard interprétatif, qui observe la ville en y traquant les traces d’autres vies possibles, d’existences pittoresques sinon patibulaires, dans la répétitivité des activités quotidiennes. L’exotisation du proche mobilise ainsi une double herméneutique, qui est à la fois celle du sujet qui observe et des lieux  — tissés d’existences tierces  — observés. La proximité devient ainsi extraordinaire  ; elle acquiert un statut d’altérisation qu’elle n’avait pas auparavant. Cette capacité à rendre autre, ce pouvoir de dépaysement sont mobilisés par les traités proposant, dès le début du XIXe siècle, un art de se promener en ville, dont les guides contemporains de P. Corajoud constituent, en quelque sorte, les héritiers. Depuis, la fin du XVIIIe siècle, un désir de proximité s’empare progressivement de l’Occident9.

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Les techniques du vivre en ville qu’on peut observer dans ces souvenirs de lecture consistent à sublimer le quotidien ou plus modestement à ouvrir des interstices dans une trame urbaine susceptible d’être aliénante. On retrouve ici le balancement du « naval » et du « carcéral » qu’identifiait déjà Michel de Certeau dans son Invention  du  quotidien  (1980 [1991]). Ces techniques impliquent néanmoins un capital  culturel spécifique, accumulé notamment par l’intermédiaire d’études secondaires ou tertiaires. Ce capital culturel se traduit, dans les rhétoriques contemporaines, par ce qu’il est loisible d’appeler un

« schème de l’appareil photographique » (Walter, 1996) et un goût ordinaire du sublime.

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Dès lors que l’on cherche à identifier la façon dont les habitants des centres- villes s’approprient leur espace de vie, on s’aperçoit en effet qu’ils se plaisent à esthétiser leur quotidien à partir de l’intuition de la belle image à réaliser, d’une prise de vue possible (Matthey, 2006). Ce schème tient bien sûr de l’histoire sociale du paysage. On y dépiste sans peine des phases historiques de paysagement. Le Beau, le Sublime, le Pittoresque s’y profilent, dans un

« entrelacement des codes » (Corbin, 2001 : 81), que ce soit — et je reprends ici des situations tirées de l’étude de cas citée ci-dessus — dans la contemplation de ville depuis l’ascenseur de la terrasse du Seujet, le décalage doucement effroyable né de la tension entre l’imagination d’une rencontre des Alpes et d’un fond sous- marin en plein centre de la ville ou enfin dans le lacis des petits passages, si pittoresque, de la Vieille Ville.Et ce qui affleure dans ces rhétoriques quotidiennes, c’est bien évidemment une « artialisation du regard » (Roger, 1997 [2001] : 16).

Or, il n’est pas inutile de s’arrêter sur cette artialisation du paysage urbain pour approcher les modalités de production du regard ordinaire.

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Le caractère conventionnel et classificatoire du schème de l’appareil photographique le rend en effet intéressant dans le cadre de mon propos. Les moments, les situations de mise en paysage de la ville manifestent une normalisation et une ritualisation. Les habitants disent approximativement la même chose, aux mêmes moments, aux mêmes endroits, selon des modalités analogues. Mais on peut supposer que ces moments, ces situations sont plus fondamentalement les lieux  linguistiques  d’une  opération  de  différenciation sociologique par laquelle des sujets cherchent à se distinguer. De même que la photographie est un « art moyen » (Bourdieu, Boltanski, Castel et Chamboredon, 1965), il semble en effet qu’esthétiser la ville par l’intermédiaire du schème de l’appareil photographique «  traduit  ou  trahit  la  relation [que le locuteur]

entretien[t]  avec  la  culture,  c’est­à­dire  avec  les  classes  supérieures  qui détiennent le privilège des pratiques culturelles les plus nobles, et avec les classes

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populaires dont elle entendent à tout prix se distinguer en manifestant, dans les pratiques  qui  leurs  sont  accessibles,  leur  bonne  volonté  culturelle  » (ibid.). Les esthétisations sont attendues (et entendues), parce que l’habitant se coule dans une expressivité qui répond à une injonction sociale à s’extasier devant le paysage digne d’attention. Injonction médiatisée par une imitation du plaisir esthétique de classes autrement dotées en capital culturel et qui explique la fréquente maladresse des «  emportements  » de l’habitant. Ainsi s’accomplit quotidiennement, la dégradation d’une «  esthéti[qu]e  élitiste  » (Roger, 1997 [2001] : 15), dans un processus d’injonction sociétale à l’extase.

La dimension prescriptive et convenue des esthétisations des habitants des centres-villes rencontrés dans l’étude de cas dont il est ici question relèvent donc d’un jeu de distinction et d’imitation du goût des autres. Ces habitants sont sans aucun doute sincères dans chacune de leurs esthétisations  ; ils aspirent à une forme de transcendance et de libération  ; mais ils restent traversés d’un désir d’imitation qui rend inoffensives leurs aspirations. Les habitants en question sont bien plus Patissot que Werther.

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Ainsi, il se peut que les techniques de vie en ville soient, au plus intime de chacun, des techniques de survie dans des univers saturés de signes et de symboles sous lesquels l’individu est condamné à ployer, préférant la récréation à la recréation de soi.

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En somme, l’exotisation du proche a une histoire et relève d’une technique du vivre en ville. Mais a-t-elle une fonction, une utilité systémique  ? Jafar Jafari (1988) théorisait les activités touristiques comme un système de récréation à l’intérieur du système capitaliste. Ces activités permettraient de se «  divertir  » avant de regagner la sphère des activités productives. L’Équipe MIT (2002 : 103 sq) reprend cette même idée et l’articule à une approche plus individualiste, postulant que les touristes aspirent à satisfaire un projet « recréatif » qui mobilise les quatre dimension du jeu théorisé par Roger Caillois (c’est-à-dire  :  l’alea, l’agon, la mimicry, l’ilinx) ; de sorte que le tourisme est une activité « recréative » par laquelle le touriste se voit offrir la possibilité d’un autre soi-même, l’occurrence d’une réinvention — conjoncturelle ou structurelle, circonstancielle ou durable — de soi.

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D’autres chercheurs ont par ailleurs identifié l’existence de «  mondes  du tourisme » (Cuvelier, 1998), selon que l’on s’intéresse d’une part à l’autonomie ou l’hétéronomie des comportements et d’autre part à la simplicité ou complexité des services consommés par le touriste. Le « monde du tourisme fordiste » s’articule ainsi à un « monde du tourisme sur­mesure organisé », un « monde du tourisme simple » et un « monde du tourisme sur mesure auto­organisé » (Cuvelier, 1998).

Ces modes du tourisme peuvent ainsi être compris — et je m’éloigne ici de P.

Cuvelier — comme une dispersion des activités touristiques, une extension du domaine du tourisme.

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On pourrait ainsi envisager que cette exotisation du proche constitue une radicalisation du tourisme post-fordiste, une façon de voyager en flux tendus pour se dépayser avec célérité et se recomposer avec rapidité. L’altérisation d’espaces familiers serait ainsi liée à de nouveaux rythmes économiques et à l’avènement d’une nouvelle classe sociale ou new middle class (Ley, 1996). En tant que forme radicalisée des séjours courts et proches plutôt que longs et lointains (Viard, 2000), l’exotisation du proche ne répondrait-elle pas, en effet, à une nécessité, pour les cadres de la «  nouvelle économie  » à l’état naissant — sommés d’être créatifs et performants  —, de s’assurer les conditions d’une maximisation des situations de récupération ?

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Espaces gentrifiés et lieux de recréation de soi

C’est d’un autre texte dont je me souviens à présent  : les notes de Walter Benjamin (1927-1934 [2000]) pour son livre des passages. D’abord parce que l’auteur y met aussi en rapport l’apogée du capitalisme de son époque et les pratiques de ville qu’il observe. Ensuite, parce que Benjamin identifie une dimension de l’espace qui est mobilisée par l’exotisation du proche. Cette dimension est ce qu’il appelle le « colportage de l’espace », à savoir cette capacité qu’ont les territoires à lancer «  des  clins  d’œil  au  flâneur  », à l’incliner à se demander : « de quels événements ai­je bien pu être le théâtre? » (ibid. : 437). Le

« colportage de l’espace » consiste ainsi à « percevoir simultanément tout ce qui est arrivé potentiellement dans [un] seul espace » et conduit à ce que « dans  la flânerie, les lointains — qu’il s’agisse de pays ou d’époques — font irruption dans le  paysage  et  l’instant  présents  » (ibid.  : 438). Chez Benjamin, les alliés de ce colportage sont le panorama, le passage, l’intérieur. Ici, ce sont les mobilités touristiques, les capitaux culturels des habitants, leur socialisation spécifique, le rapport qu’ils entretiennent avec la « haute » culture. L’intéressant néanmoins est que ce «  colportage  de  l’espace  » est favorisé dans les quartiers anciens ou populaires des villes d’Occident.

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Une question me vient alors : le « retour en ville » de certains habitants, ceux qu’on a coutume d’appeler les gentrifieurs (et qui s’inscrivent dans la new middle class déjà évoquée) s’expliquerait-elle par ce besoin de dépaysament permanent et près de chez soi ? L’ailleurs social et historique que constitue ces quartiers est-il un moteur de leur investissement ? Autrement dit : les modèles de la géographie du tourisme sont-ils susceptibles de compléter les deux grandes interprétations de la gentrification ?

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Selon Valentine (2001 : 216 sq), en effet, deux façons peuvent être mobilisées pour expliquer l’embourgeoisement des centres-villes. Soit on se réfère aux modèles du rent gap, soit on fait appel aux théories du life style choice. Pour les tenants de la première, le retour en ville des catégories socioprofessionnelles concernées par la gentrification s’explique par un «  retour  en  ville  du  capital  » L’investissement dans la reconversion des centres-villes — qui s’explique par l’existence d’un différentiel défavorable (un gap) entre la valeur marchande et la valeur potentielle des biens immobiliers qui y sont situés — a conduit au retour de la new middle class (Ley, 1996).

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Les partisans de la seconde explication partent du postulat que «  la consommation  de  biens  immobiliers,  tout  comme  la  consommation  d’autres types de biens, est susceptible de jouer un rôle important dans la formation des identités  individuelles  » (Valentine, 2001  : 216). Cette quête d’identité – par l’intermédiaire d’un style de vie et par la consommation des signes d’un genre de vie – expliquerait le retour en ville de la « nouvelle classe moyenne » (Ley, 1996).

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Or, le recourt aux modèles de la géographie du tourisme et la prise en considération du processus sans précédent d’exotisation du proche qui caractérise notre modernité permettent de préciser le projet possible des usagers des centres- villes. Plus que la consommation de signes qui distinguent (comme l’insinue la thèse du life style choice), ce qui y est peut-être recherché, c’est l’occasion d’une confrontation quotidienne — mais fugace — à des fragments d’exotisme, à savoir des éléments revêtant un caractère extraordinaire d’étrangeté qui permette de se penser — de manière passagère — comme un autre. En somme, ce retour vers les centres anciens serait une manière de « recréation » permanente de soi sous des visages alternatifs, qui offre l’occasion de se recomposer rapidement pour regagner, régénéré, la sphère productive. Les centres anciens se verraient donc

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Patissot gentrifieur

attribuer la même fonction que celle que Jafar Jafari (1988) attribue aux espaces touristiques dans le système capitaliste, soit celle d’une reproduction de la force de travail, puisque les lieux touristiques sont, selon J. Jafari, des « systèmes satellites de re­création » (ibid.).

On observe d’ailleurs d’étranges similitudes (Matthey, 2007) entre les phases de mise en désir des lieux touristiques et les phases du cycle urbain tel que théorisé par certains géographes (Bailly, 1995). C’est ainsi que l’arrivée d’une new middle class dans les quartiers les plus anciens ou les plus délabrés des villes d’Occident requiert qu’un découvreur, puis une « bohème », aient préalablement retravaillé le sens du quartier en question pour en atténuer l’étrangeté. Le temps du squat ou de la bohème un peu arty fonctionne ainsi comme un tampon d’altérité qui permet à certaines populations d’investir des quartiers qu’elles n’auraient jamais eu l’initiative d’aller visiter avant le travail de reterritorialisaiton effectué par certaines avant-gardes culturelles. Ainsi, le temps excentrique de la bohème, reconfigurant l’«  identité  » initiale du quartier en transition, construit une

«  lisibilité  » spécifique de l’espace en question. Seule la population dotée du capital culturel idoine sera attirée vers ces nouveaux lieux urbains. Puis l’effet d’étrangeté diminuant encore, une nouvelle classe d’habitants intervient. C’est ainsi qu’une avant-garde joue involontairement aux passeurs pour une nouvelle élite économique en quête d’exotisme près de chez soi.

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Dans un livre récent, La  cité  heureuse, Benoît Duteurtre (2007) explore une possibilité de notre vivre en ville. Une société de loisirs acquiert le centre historique d’une grande ville d’Europe — dont la Municipalité se défait d’autant plus volontiers qu’elle n’est plus en mesure d’en assurer la gouvernance. Après s’être opposé mollement à ce rachat, le narrateur accepte de rester vivre dans ces lieux. Il doit à présent, comme tous les habitants du quartier, porter, quelques heures par jour, un costume d’époque qui accentue l’effet de décalage du lieu en question, transformé en parc à thèmes. Le centre-ville s’appelle à présent Town Park et le narrateur s’en va lire son journal au square, dorénavant, dit des Impressionnistes. Coiffé d’un canotier, «  ressembl[ant] furieusement  à  Marcel Proust », il éprouve malgré tout un moment de déclôturement, dans « la douceur automnale, vêtu d’un costume Belle Époque » (Duteurtre, 2007 : 21-24).

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L’intrigue de La  cité  heureuse permet de réfléchir à la littérarisation, par l’industrie du divertissement, d’un vieil appel formulé pas Novalis en 1798 à romantiser le Monde. Novalis aspirait à « donne[r] à l’ordinaire un sens élevé, au commun  un  aspect  mystérieux,  au  connu  la  dignité  de  l’inconnu,  au  fini l’apparence de l’infini » (1798 [2002] : 46). Or, de même que la mystique cathare a été profanée par la romance des sociétés modernes (Rougemont, 1938 [1997]), l’absolu poétique du romantisme qui a collaboré à la production de nos techniques de vivre en ville — à la production du désir de vivre toutes les vies possibles à la contemplation des visages et existences imaginaires de l’homme des foules urbaines —, se trouve profanée, vulgarisée dans les pratiques au jour le jour des habitants des centres-villes. Le quotidien est esthétisé dans le cadre de processus qui relèvent de la rivalité mimétique, de l’imitation du goût d’un autre légitime et/ou prestigieux. Le proche est exotisé après avoir été constitué comme emblématique ou typique ; il sert alors de terrain de jeu et de mise en scène à une élite économique en voie de constitution, qui y cherche, outre la consommation d’un mode de vie qui distingue, l’opportunité d’une mise en vacance facilitée, source d’une maximisation des situations de recomposition.

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Ce que recherchent les nouveaux habitants des centres-villes, dans leur quête

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Bibliography

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du bien vivre en ville qui les attire vers les quartiers populaires, ce sont les conditions d’une récréation immédiate de soi, qui leur permette de regagner, régénérés, la sphère du quotidien productif.

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Notes

1 En référence à l'ouvrage de Pascal Bruckner et Alain Finkielkraut (1982).

2 Demeures bourgeoises des siècles passés.

3 Parmi les plus explicites : Apollinaire G., 1918, Le flâneur des deux rives ; Aragon L., 1936 (2003), Les  beaux  quartiers  et 1926 (2003), Le  paysan  de  Paris  ; Baudelaire C., 1869 (1989), «  Les foules  »  ; Hoffmann E.T.A., 1822 (1983), «  La fenêtre d’angle de mon cousin » ; Huysmans J.K., 1984 (1995), À rebours et 1881 (2005), En Ménage ; Jauffret R., 2003, Univers, univers  ; Kracauer S., 1964 (1995), «  Souvenir d'une rue de Paris  »  ; Le Clézio J.M.G., 1969 (1992), Le Livre des fuites ; 1966 (1994), Le Déluge et 1965 (1991), « La fièvre » ; Maupassant G. (de), 1880 (2004), « Les dimanches d'un bourgeois de Paris » ; Poe E.A., 1841 (2004), « L'homme des foules » ; Rilke R.M., 1910 (1995), Les Carnets de Malte Laurids Brigge ; Schelle K.G., 1802 (1996), L'Art de se promener ; Schiller F., 1795 (1873), « La promenade ».

4 Dans ses écrits sur le flâneur, W. Benjamin thématise souvent sa figure comme celle d’un

« détective amateur » (1938 [2004] : 104). Il identifie d’ailleurs le « contenu social primitif du roman policier [dans] l'effacement des traces de l’individu dans la foule de la grande ville » (ibid. : 69).

5   L’Austin’s Hotel dans l'espace référentiel, selon l’identification qu'en fait Locmant (2005 : 67), dans son édition du « Paris » de J.K. Huysmans.

6  « La ville en reptation » est une expression empruntée à François Walter (1995 : 203).

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7  Une hirondelle est un bateau à vapeur utilisé pour le transport des voyageurs.

8  Bien entendu, cette altérisation du proche bénéficie d’alliés de taille : l’accroissement des mobilités touristiques et la multiplication des récits (livres, photographies, reportage, etc.) de voyage qui les accompagnent. Les mobilités touristiques nourrissent en effet un regard analogique, une capacité à repérer les indices qui peuvent « faire (contre)sens ».

9  Pour jouer sur le titre d'un ouvrage célèbre d’Alain Corbin (1988 [1997]).

References

Electronic reference

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About the author

Laurent Matthey

Laurent Matthey is director of the Fondation Braillard Architectes in Geneva. He also is Head of Research at the Centre for Urban Studies and Sustainable Development (OUVDD) of the University of Lausanne and Research Associate at the Institute of Environmental Sciences of the University of Geneva.

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