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Vrais et faux ipécas

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Academic year: 2021

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Vrais et faux ipécas

Adrien Dolivo

Dolivo A. (2013). Vrais et faux ipécas. Bulletin du Cercle vaudois de botanique 42: 75-78. L’ipéca ou ipecacuanha (Carapichea ipecacuanha

(Brot.) L. Andersson = Cephaelis ipecacuanha (Brot.) A. Rich.) était considéré naguère comme une plante médicinale importante. C’est sans doute en raison de cette renommée que d’autres plantes, d’action pharmacologique voisine, ont été, d’une façon ou d’une autre, également appe-lées ipécas. Le but de cette étude est de rappeler l’histoire et les emplois médicinaux de l’ipéca vrai et de mentionner de façon sommaire les diverses plantes qui se sont vues recevoir le nom d’ipéca.

l’ipéca vrai Caractéristiques

L’espèce d’ipéca figurant dans la pharmacopée européenne est Carapichea ipecacuanha (Brot.) L. Andersson (= Cephaelis ipecacuanha (Brot.) A. Rich.; Psychotria ipecacuanha (Brot.) Stokes;

Uragoga ipecacuanha (Brot.) Baill.) appartenant

à la famille des Rubiacées. Elle est appelée ipéca cannelé mineur, ipéca du Brésil ou ipéca gris-noirâtre. Les racines provenant de cultures du Bengale et de la région de Singapour sont connues sous le nom d’ipéca de Johore. En absence d’in-dication contraire, le nom «ipéca» est utilisé dans cet article pour parler de Cephaelis ipecacuanha.

L’ipéca pousse à l’état sauvage dans les val-lées humides des forêts brésiliennes de certaines provinces. Il est (ou était) cultivé dans d’autres pays, notamment en Malaisie, en Birmanie ou à Singapour (Perrot & Paris 1971). L’ipéca est un arbrisseau vivace possédant un rhizome pro-longé par de nombreuses racines latérales. Ce sont précisément ces racines qui sont utilisées en médecine.

Composition chimique

Les principes actifs de la racine d’ipéca sont des alcaloïdes, dont les principaux sont l’émétine et la xéphéline.

Historique et usages thérapeutiques

Au Brésil, la racine d’ipéca est utilisée depuis longtemps comme anti-diarrhéique. C’est cepen-dant comme émétique que l’ipéca fut utilisé en Europe où il arriva vers 1600. Au XVIIIe siècle, il apparaît comme remède secret. Ce n’est qu’au début du XIXe siècle que la composition de la plante fut étudiée par des chercheurs français. Il est alors utilisé comme émétique, mieux toléré que les remèdes utilisés alors.

Jusque vers 1930, l’ipéca fut surtout utilisé comme émétique. Ensuite, ce fut comme expec-torant que l’emploi de la racine d’ipéca se généra-lisera. Au milieu du XXe siècle, l’ipéca connut son époque de gloire. Les potions contre la toux pres-crites par les médecins renfermaient de l’extrait d’ipéca accompagné parfois d’une autre plante expectorante, le sénéga (Polygala senega L.). Les pharmaciens délivraient parfois, sur prescrip-tion médicale, des sachets de poudre renfermant des extraits d’ipéca et d’opium. L’extrait d’ipéca figurait également dans les formules de sirops industriels en compagnie d’autres substances telles que la codéine ou l’éphédrine. Beaucoup de pharmaciens proposaient des sirops pecto-raux «Maison». Ils ne manquaient pas d’y incor-porer de l’extrait d’ipéca. Bien qu’elles ne fussent pas équilibrées au point de vue pharmacolo-gique, ces préparations étaient en général très appréciées.

La gloire de l’ipéca expectorant fut cepen-dant éphémère. D’une part, les pharmacolo-gues voyaient d’un mauvais œil les mélanges d’ipéca avec des substances à effet pharmaco-logique contradictoire, d’autre part, les mucoly-tiques modernes, apparus dès 1986, s’avérèrent en général plus efficaces. L’emploi de la racine d’ipéca comme expectorant s’amenuisa consi-dérablement sauf en homéopathie. En 2013, la seule préparation commerciale disponible en Suisse est une pâte pectorale à base d’ipéca et de lysopaïne. La forte action vomitive de l’ipéca est

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76 parfois mise à profit en cas d’absorption de subs-tances toxiques. Relevons qu’un principe actif de l’ipéca, l’émétine, est utilisé comme amœbicide. les faux ipécas

Le succès passé de l’ipéca, que ce soit comme anti-diarrhéique, émétique ou expectorant, a provoqué l’apparition de nombreux autres «ipé-cas». Il faut distinguer d’une part les espèces voi-sines relevant de la même famille, les Rubiacées, d’autre part, des espèces provenant de familles totalement différentes, mais possédant des prin-cipes actifs analogues.

Autres Rubiacées

ipéca cannelé majeur (Carapichea ipecacuanha (Brot.) l. Andersson = Cephaelis acuminata H. Karst.)

Cette espèce, officinale dans de nombreux pays, est aussi appelée ipéca de Panama, de Carthagène ou de la Nouvelle Grenade. Elle se trouve en Colombie et en Amérique Centrale. Ses racines ont un diamètre plus gros que celui de l’ipéca vrai. Ses principes actifs et ses propriétés sont semblables à ceux de Carapichea ipecacuanha. ipéca strié majeur (Ronabea emetica (l.f.) A. Rich. = Psychotria emetica l.f.)

Cette espèce porte également le nom d’ipéca vio-let ou gris-cendré, ou encore des Côtes d’Or. Elle est originaire de Colombie. Ses racines ont une coloration brun-violacé.

ipéca ondulé (Richardsonia brasiliensis Hayne) Cette espèce officinale dans divers pays, porte également le nom d’ipéca blanc. Elle est origi-naire du Mexique et du Brésil. Ses racines ont une coloration blanc-grisâtre. Elle possède des propriétés émétiques. L’ipéca de Ste-Marthe est une variété sélectionnée sur l’île du même nom. Faux ipéca ou Borréria verticillé (Spermacoce verticillata l. = Borreria verticillata (l.) G. Mey.)

Le nom de faux ipéca donné en Argentine à cette espèce est probablement dû à ses ressemblan-ces avec l’ipéca vrai (arbrisseau de 1 m, nœuds fréquents sur la tige). La plante ne renferme pas d’émétine, mais un alcaloïde à action antisep-tique, ce qui explique son utilisation en Afrique dans le traitement des maladies de la peau.

Petit ipéca (Faramea guianensis (Aubl.) Bremek)

Originaire du Brésil, il est utilisé comme succé-dané de l’ipéca pour ses propriétés anti-diarrhéi-ques et expectorantes.

Plantes provenant de familles différentes ipéca de l’inde ou asclépiade émétique (Tylophora asthmatica (l.f.) Wight & Arn.), Asclépiadacées.

Plante originaire d’Inde et de Malaisie. La raci-ne est utilisée comme expectorant, les feuilles comme émétique.

ipéca bâtard, ipéca de l’inde, ipéca blanc ou Curassavian (Asclepias curassavica l.), Asclépiadacées.

Originaire d’Amérique tropicale, cette espèce a été introduite en Inde. La plante entière est utilisée comme émétique et possède également d’autres indications.

ipéca de la Réunion ou Scamonée de Bourbon (Secamone emetica (Retz.) Schult.), Asclépiadacées.

L’espèce se retrouve également en Inde. Elle est utilisée comme émétique.

ipéca de Goa ou ipéca portugais (Naregamia alata Wight & Arn.), Asclépiadacées.

L’espèce est originaire de l’Inde orientale. Ses propriétés sont semblables à celles de l’ipéca vrai.

ipéca du Brésil (Hybanthus parviflorus (l.f.) Baill. = Hybanthus microphyllus (Kunth) Baill.), violacées.

Plante originaire d’Amérique subtropicale et du Pérou, qui ne mérite guère son nom du Brésil. La racine est utilisée comme émétique, ainsi que lors d’affections cutanées.

ipéca américain (Porteranthus stipulatus (Muhl ex Willd.) Britton = Gillenia stipulata (Muhl ex Willd.) Nutt.), Solanacées.

La plante est utilisée comme émétique, mais elle est considérée comme toxique, même à faibles doses.

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77 Acalyphe de l’inde ou Safran de la Guadeloupe (Acalypha indica l.), Euphorbiacées.

L’espèce est également utilisée comme succé-dané de l’ipéca, mais n’en porte pas le nom. Cette liste n’est pas exhaustive. Il y a d’autres plantes qui ont été ou sont peut-être utilisées comme substitut de l’ipéca vrai.

Cette abondance de faux ipécas est assez sur-prenante. Il se peut qu’une pénurie d’ipéca vrai ait favorisé la récolte et la propagation de plantes à action identique.

Il faut relever que la plupart des faux ipécas, originaires d’Amérique du Sud ou d’Amérique centrale, poussent dans des pays ou des contrées où ne se trouve pas l’ipéca sauvage. Dès lors, il était plus facile, dans ces régions, d’utiliser des plantes d’action similaire. D’autre part, le mot ipéca ou ipecacuanha, d’origine indienne, dési-gnait différentes sortes de racines. C’est donc probablement de bonne foi que des fournisseurs mettaient sur le marché des plantes d’action voi-sine en les appelant ipéca, nom qui était suivi de celui du lieu d’origine ou d’une indication de la coloration des racines.

Cependant, l’empressement qu’ont mis les producteurs et importateurs à affubler ces plan-tes du nom d’ipéca laissait beaucoup de place aux confusions, voire aux fraudes. L’examen

visuel ne suffisait pas toujours à déterminer avec certitude les différentes espèces. Un examen microscopique incluant la mesure de la taille des grains d’amidon (au maximum 0.12 µm) s’avérait parfois nécessaire pour garantir l’authenticité de l’ipéca vrai.

Conclusion

Les racines de l’ipéca vrai (Cephaelis

ipeca-cuanha) ont constitué une drogue appréciée,

utilisée comme émétique ou expectorant.

Son succès a vu affluer de nombreuses autres espèces, également appelées ipéca, d’action plus ou moins similaire. Il n’était pas facile de recon-naître ces différentes espèces et le recours au microscope était parfois nécessaire.

Remerciements

Je ne saurais terminer sans remercier vivement M. Jean-Louis Moret de son appui précieux et indispensable. Il a mis au net tout le texte et s’est chargé d’établir la nomenclature exacte et actuel-le de toutes actuel-les espèces mentionnées.

Bibliographie

Boullard B. 2001. Plantes médicinales du monde. Réalités et croyances. Ed. Estem, Paris. 625 p. Dorvault F., 1933. L’Officine. Vigot, Paris. 17e édition,

2002 p.

Gilg E., 1910. Lehrbuch der Pharmacognosie. Spring, Berlin, 134 p.

Hérail J., 1927. Traité de matière médicale. Pharmacographie. Baillière, Paris. 819 p.

Nees von Esenbeck T.F.L. 1828. Plantae officinales, oder Sammlung offizineller Pflanzen. Mit

litho-graphirten Abbildungen. Düsseldorf, Arnz & Co. 4 vol.

Paris R.-R., Moyse R., 1965-1971. Matière médicale. Masson, Paris, 3 vol.

Perrot P., Paris, R., 1971. Les plantes médicinales. Presses universitaires de France, Vendome. 2 vol. van Hellemont J., 1986. Compendium de

phytothéra-pie. Association pharmaceutique belge, Bruxelles. 492 p.

Fig. 1. Cephaelis ipecacuanha (Brot.) A. Rich. [Nees von Esenbeck 1828]

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Tableau récapitulatif

Faux ipéca Borreria verticillata G. Mey.

Ipéca américain Gillenia stipulata (Muhl ex Willd.) Nutt.

annelé mineur Carapichea ipecacuanha (Brot.) A. Rich. (Cephaelis ipecacuanha (Brot.) A. Rich., Psychotria ipecacuanha (Brot.) Stokes Uragoga ipecacuanha (Brot.) Baill.)

bâtard Asclepias curassavica L.

blanc Richardsonia brasiliensis Hayne

Hybanthus calceolaria (L.) Oken cannelé majeur Carapichea ipecacuanha (Brot.) A. Rich.

(Cephaelis acuminata H. Karst.) cannelé mineur Carapichea ipecacuanha (Brot.) A. Rich.

(Cephaelis ipecacuanha (Brot.) A. Rich. Psychotria ipecacuanha (Brot.) Stokes (Uragoga ipecacuanha (Brot.) Baill.) de Carthagène Carapichea ipecacuanha (Brot.) A. Rich.

(Cephaelis acuminata H. Karst.)

de Colombie Carapichea ipecacuanha (Brot.) A. Rich.

(Cephaelis acuminata H. Karst.)

de Goa Naregamia alata Wight & Arn.

de la Nouvelle Grenade Carapichea ipecacuanha (Brot.) A. Rich. (Cephaelis acuminata H. Karst.)

de La Réunion Secamone emetica (Retz.) Schult.

de l’Inde Tylophora asthmatica Wight & Arn.

de Johore Carapichea ipecacuanha (Brot.) A. Rich.

(Cephaelis ipecacuanha (Brot.) A. Rich. Psychotria ipecacuanha (Brot.) Stokes Uragoga ipecacuanha (Brot.) Baill.)

de Panama Carapichea ipecacuanha (Brot.) A. Rich.

(Cephaelis acuminata H. Karst.)

de Rio Carapichea ipecacuanha (Brot.) A. Rich.

(Cephaelis ipecacuanha (Brot.) A. Rich. Psychotria ipecacuanha (Brot.) Stokes Uragoga ipecacuanha (Brot.) Baill.)

de Ste Marthe Richardsonia brasiliensis Hayne

des Côtes d’Or Ronabea emetica (L.f.) A. Rich. (Psychotria emetica L.f.) des Portugais Naregamia alata Wight & Arn.

du Brésil Carapichea ipecacuanha (Brot.) A. Rich.

(Cephaelis ipecacuanha (Brot.) A. Rich. Psychotria ipecacuanha (Brot.) Stokes Uragoga ipecacuanha (Brot.) Baill.) Hybanthus parviflorus (L.f.) Baill. (Hybanthus microphyllus (Kunth) Baill.)

du Nicaragua Carapichea ipecacuanha (Brot.) A. Rich.

(Cephaelis acuminata H. Karst.)

gris-blanc Carapichea ipecacuanha (Brot.) A. Rich.

(Cephaelis acuminata H. Karst.)

gris cendré Ronabea emetica (L.f.) A. Rich.

(Psychotria emetica L.f.)

gris-noirâtre Carapichea ipecacuanha (Brot.) A. Rich. (Cephaelis ipecacuanha (Brot.) A. Rich. Psychotria ipecacuanha (Brot.) Stokes Uragoga ipecacuanha (Brot.) Baill.)

ondulé Richardsonia brasiliensis Hayne

ondulé majeur Ronabea emetica (L.f.) A. Rich.

(Psychotria emetica L.f.)

ondulé mineur Ronabea emetica (L.f.) A. Rich.

(Psychotria emetica L.f.)

violet Ronabea emetica (L.f.) A. Rich.

(Psychotria emetica L.f.)

vrai Carapichea ipecacuanha (Brot.) A. Rich.

(Cephaelis ipecacuanha (Brot.) A. Rich. Psychotria ipecacuanha (Brot.) Stokes (Uragoga ipecacuanha (Brot.) Baill.)

Petit ipéca Faramea guianensis (Aubl.) Bremek

Espèce utilisée comme succédané de l’ipéca, mais n’en portant pas le nom

Figure

Fig. 1.  Cephaelis ipecacuanha (Brot.) A. Rich.
Tableau récapitulatif

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