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Droit des brevets et santé publique dans l’espace OAPI

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Academic year: 2021

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(1)

UNIVERSITÉ DE DSCHANG

UNIVERSITY OF DSCHANG

Faculté des Sciences

Faculty of Law and

Juridiques et Politiques

Political Science

Thèse de Doctorat / Ph. D. en Droit

Présentée et soutenue publiquement, le 07 janvier 2011

par :

Patrick Juvet LOWE GNINTEDEM

Sous la direction de :

Pr Yvette Rachel KALIEU ELONGO

Agrégée des Facultés de Droit

JURY :

Président : Pr Adolphe MINKOA SHE, Université de Yaoundé II-SOA

Rapporteurs : Pr DASHACO John TAMBUTOH, Université de Yaoundé II-SOA Pr Joseph FOMETEU, Université de Ngaoundéré

Membres : Pr François ANOUKAHA, Université de Dschang

Pr Yvette Rachel KALIEU ELONGO, Université de Dschang

DROIT DES BREVETS ET SANTE

PUBLIQUE DANS L’ESPACE OAPI

(2)

La Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de Dschang n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans cette thèse ; elles doivent être considérées comme propres à leur auteur.

(3)

A la Vérité,

A la Vie.

(4)

REMERCIEMENTS

- A Mme le Professeur Yvette Rachel KALIEU ELONGO, notre directrice de recherche, notre maître.

- A M. Isidore Léopold MIENDJIEM, inspirateur et guide dès nos premiers pas dans la recherche.

- A MM. les professeurs François ANOUKAHA, DASHACO John TAMBUTOH, Joseph FOMETEU, Ejan MACKAAY, Adolphe MINKOA SHE, Jean-Marie TCHAKOUA et Jacques de WERRA pour leur soutien, leur disponibilité et leur conseil à différentes étapes de la présente thèse.

- A MM. Elangi BOTOY ITUKU, Phostin Roger DJOUTSOP, Paulin EDOU EDOU, Ernest FOLEFACK, Roger KAMPF, René NJEUFACK, Christophe SEUNA, Jean-Marie TSHIMANGA KONGOLO ; Mmes Rolande KEUGONG WATCHO et Geidy LUNG ; la famille MICHAUD ; le Rd. Père Marie Benjamin KENGNE, pour leur soutien et leur collaboration.

- A notre famille : qu’en particulier nos parents, Daniel et Thérèse GNINTEDEM, y trouvent le reflet de leur travail et de leurs constantes prières, et notre petite sœur, Mlle Marie Duvale KODJO GNINTEDEM, un encouragement.

- Au CODESRIA, dont nous avons bénéficié du programme de Subvention des thèses.

- Au South Centre, à Genève, où nous avons effectué un stage en propriété intellectuelle.

- A nos aînés, nos amis ainsi que toutes les personnes dont la contribution a soutenu nos efforts tout au long de ce travail ; qu’ils trouvent ici l’expression de notre reconnaissance.

(5)

PRINCIPALES ABREVIATIONS

AB Accord de Bangui

ADPIC Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui

touchent au Commerce

AGNU Assemblée Générale des Nations Unies

Al. Alinéa

AMM Autorisation de mise sur le marché

Ann. Prop. Ind. Annales de la propriété industrielle

APE Accords de partenariat économique

Art. Article

CDB Convention sur la diversité biologique

CEIPI Centre d’Etudes Internationales de la Propriété Industrielle

CEMAC Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale

CIPIH Commission sur les Droits de la propriété intellectuelle, l’innovation et

la santé publique

CIPR Commission (britannique) des droits de propriété intellectuelle

CNUCED Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le développement

CODESC Comité des droits économiques, sociaux et culturels

CODESRIA Conseil pour le Développement de la Recherche en Sciences Sociales

en Afrique

Coll. Collection

Com. Chambre commerciale de la Cour de cassation

CPI Code de la propriété intellectuelle

CRDI Centre de recherches pour le développement international

D. Dalloz

dir. Sous la direction de

ed. Edition

eds. Editors

FAO Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture

GATT General Agreement on Tariff and Trade (Accord général sur les tarifs

douaniers et le Commerce)

GRTKF Intergovernmental Committee on Intellectual Property and Genetic

(6)

intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore)

Ibid. Ici même

Infra Plus bas

ICTSD International Centre for Trade and Sustainable Development (Centre

international pour le commerce et le développement durable)

IGWG Groupe de travail intergouvernemental sur la santé publique,

l’innovation et la propriété intellectuelle (OMS)

IIC International Review of Industrial Property and Copyright Law

IIPI International Intellectual Property Institute

IJLT Indian Journal of Law and Technology

INPI Institut National de la Propriété Industrielle en France

JIEL Journal of International Economic Law

JLT The Journal of Law and Technology

JP Juridis Périodique

JPTOS Journal of the Patent and Trademark Office Society

J.W.I.P. The Journal of World Intellectual Property

LBI Loi fédérale suisse sur les brevets d’invention

L.G.D.J Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

Litec Librairies Techniques

MSF Médecins sans frontières

OAPI Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle

OAMPI Office Africain et Malgache de la Propriété Industrielle

OCDE Organisation de Coopération et de Développement Économiques

OHADA Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

OMC Organisation Mondiale du Commerce

OMPI Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle

OMS Organisation Mondiale de la Santé

ONUSIDA Programme commun des Nation Unies sur le VIH / SIDA

Op. cit. Opus citatum (Cité plus haut)

ORD Organe de Règlement des Différends de l’OMC

OUA Organisation de l’Unité Africaine

p. Page

(7)

PCT Traité de coopération en matière de brevets

PED Pays en développement

PIBD Propriété industrielle bulletin documentaire

PIDESC Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

PMA Pays les moins avancés

PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement

PUA Presses Universitaires d’Afrique

PUF Presses Universitaires de France

RASJ Revue Africaine des Sciences Juridiques

RD Recherche – développement

RGDIP Revue Générale de Droit International Public

RIDE Revue internationale de droit économique.

RTD.com Revue trimestrielle de droit commercial

SIDA Syndrome d’immunodéficience acquise

Supra Plus haut

TGI Tribunal de grande instance

TMR The Trademark Reporter

TRIPS Trade-Related Intellectual Property Rights Agreement

UA Union Africaine

UNCTAD United Nations Conference on Trade and Development

UEMOA Union Economique et Monétaire Ouest Africain

UPOV Union pour la Protection des Obtentions Végétales

UNICEF Fonds des Nations Unies pour l’Enfance

USC United States Code (Code des Etats-Unis)

USPTO United States Patent and Trademark Office

VIH Virus de l’immunodéficience humaine

V. Voir

Vol. Volume

WHO World Health Organisation

WIPO World Intellectual Property Organisation

(8)

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE……… 1

PREMIERE PARTIE : L’ADMISSION DANS LE DROIT DES BREVETS DES

INVENTIONS RELATIVES A LA SANTE PUBLIQUE ……….. 28

TITRE I : LE PRINCIPE GENERAL DE L’ADMISSION A LA BREVETABILITE

DES INVENTIONS RELATIVES A LA SANTE ………... 33

CHAPITRE I : le régime de l’admission ………..…… 36

CHAPITRE II : Les fondements de l’admission ……….. 89

TITRE II : LES REGLES SPECIALES LIEES A LA BREVETABILITE EN

MATIERE DE MEDECINE TRADITIONNELLE ………….……… 136

CHAPITRE I : La nécessité des règles particulières …..………... 139

CHAPITRE II : Les mécanismes de protection envisageables ……… 177

DEUXIEME PARTIE : LES LIMITATIONS AU DROIT DES BREVETS DANS

L’INTERET DE LA SANTE PUBLIQUE ………... 228

TITRE I : LES LIMITATIONS DIRECTES AU DROIT DES BREVETS DANS

L’INTERET DE LA SANTE PUBLIQUE …..………. 230

CHAPITRE I : Les mécanismes non autoritaires de limitation ...……….. 232

CHAPITRE II : Les mécanismes autoritaires de limitation : les licences obligatoires … 281

TITRE II : LES LIMITATIONS INDIRECTES AU DROIT DES BREVETS DANS

L’INTERET DE LA SANTE PUBLIQUE ………..………... 324

CHAPITRE I : L’aménagement par les législations de santé publique de la primauté de

la santé sur les droits privatifs ……….. 326

CHAPITRE II : La régulation des rapports entre santé publique et droits privatifs des

inventeurs ………..………... 379

(9)

RESUMÉ

Les problèmes de santé publique continuent de plomber les perspectives de développement des pays membres de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI). Pour les résoudre, il faut tenir compte de l’impact du système des brevets sur l’accès aux soins de santé des populations, dans un contexte international marqué par le renforcement des droits de propriété intellectuelle depuis l’adoption de l’Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC) en 1994 et la révision de l’Accord de Bangui de l’OAPI en 1999. En réalité, la question de l’efficacité du système des brevets dans la protection de la santé publique est loin d’être close.

Pour l’apprécier, la présente étude pose en postulat la primauté de l’intérêt de la santé publique sur les droits privatifs des inventeurs. Ainsi, le droit OAPI intègre les considérations de santé publique en admettant à la brevetabilité les inventions y relatives, et en prévoyant des limitations au droit des brevets dans l’intérêt de la santé publique. Ce faisant, le système des brevets présente des signes d’inadaptation, pour des raisons intrinsèques, mais aussi au regard du faible niveau de développement et des spécificités du système de santé dans les pays membres de l’OAPI, avec notamment la forte présence de la médecine traditionnelle. Il semble néanmoins possible d’aménager un cadre incitatif permettant de concilier les impératifs de santé et les droits privatifs des inventeurs. A travers une analyse économique du droit des brevets appliquée à la santé publique, l’étude replace en définitive l’Etat au centre de la problématique de l’efficacité des normes juridiques.

(10)

ABSTRACT

Public health problems continue to weight down the perspectives of development of the member States of the African Intellectual Property Organization (OAPI). To solve these problems, it is necessary to take into account the impact of the patent system on the access to health care of the populations, in an international context marked by the strengthening of intellectual property rights since the adoption of the Trade-Related Intellectual Property Rights (TRIPS) Agreement in 1994 and the amendment of the Bangui Agreement of the OAPI in 1999. In reality, the question of the efficiency of the patent system for the protection of the public health is still a cause for concern.

To assess this problem, the present research set up as assumption the primacy of the public health interest on the privative rights of the inventors. Thus, the OAPI legislation integrates public health considerations by admitting the patentability of health inventions, and by including limitations to the patent law in the interest of public health. In doing so, the patent system presents unsuitable signs, for intrinsic reasons, but also regarding the low level of development and the specificities of the health system in the member States of the OAPI, notably with the eminence of traditional medicine. However, it appears possible to arrange an incentive frame allowing the conciliation of both health imperatives and private rights of the inventors. Through an economic analysis of the patent system, the research finally replaces the State at the centre of the issue of the efficiency of legal norms.

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1- Que l’on soit riche ou pauvre, grand ou petit, de droite ou de gauche, il est un bien

qui est toujours regardé avec la plus grande attention. Celui qui le détient ne voudrait le perdre à aucun prix ; celui qui le perd voudrait à tout prix le récupérer. La santé, bénédiction des riches et richesse des pauvres, n’est pourtant pas un acquis dans le monde contemporain marqué par l’aggravation des problèmes de santé dont les principales victimes restent les plus pauvres. L’Afrique subsaharienne est l’une des parties au monde où cette aggravation est particulièrement ressentie.

2- D’après l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), on estime à 881 000 le

nombre de décès suite au paludisme en 2006, parmi lesquels 91 % ont eu lieu en Afrique et 85 % chez les enfants de moins de cinq ans1. Par ailleurs, le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA) souligne que deux tiers (67 %) du total mondial de 33 millions de personnes vivant avec le VIH se trouvent en Afrique subsaharienne, et trois quarts (75 %) des décès dus au sida en 2007 s’y sont produits2. Le fléau affecte tout particulièrement les couches fragiles de la population. On estime que sur 270 000 enfants de moins de 15 ans infectés par le VIH qui sont morts en 2007, plus de 90 % d’entre eux provenaient de cette région3 où la pandémie a rendu orphelins plus de 12 millions d’enfants de moins de 18 ans4. En outre, les besoins de santé des populations se sont accrus avec la recrudescence d’autres maladies5 telles que la tuberculose et le choléra.

3- Un tel scénario anéantit les efforts fournis par les pays africains pour se développer.

Le rapport de l’ONUSIDA observe que le VIH/SIDA ralentit la croissance économique en provoquant une perte de productivité importante, et il est susceptible de précipiter des millions de ménages supplémentaires dans la pauvreté d’ici à 2015. De toute évidence, la santé est un élément déterminant pour le développement des Etats et son absence est un facteur de destruction des structures familiales, sociales et économiques. En Afrique, une importante partie des populations pauvres consacre la grande partie de son revenu, déjà très

1 Organisation mondiale de la santé (OMS), Rapport mondial sur le paludisme 2008, OMS, 2008, p. xii. 2

Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), Rapport sur l'épidémie mondiale de sida 2008, document ONUSIDA/08.25F / JC1510F, 2008, p. 39.

3 Ibid., p. 37. 4 Ibid., p. 13. 5

(13)

réduit, à la satisfaction des besoins urgents de santé6. Cette situation retarde les perspectives de développement économique et social des pays africains7. L’importance de la santé pour le développement est unanimement reconnue8, et le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) considère de manière constante la santé comme un indicateur du

développement9. L’aménagement d’un système de santé approprié et efficace apparaît comme une véritable nécessité pour les pays d’Afrique subsaharienne. A ce titre, tous les déterminants qui peuvent affecter de quelque manière que ce soit les politiques de santé publique suscitent une grande attention ; et le droit des brevets est considéré dans le contexte actuel comme un déterminant majeur10.

4- Le brevet peut se définir comme le titre délivré par les pouvoirs publics conférant à

son titulaire un droit exclusif et temporaire d’exploitation sur l’invention qui en est l’objet11. Il instaure un monopole d’exploitation au bénéfice de l’inventeur. Traditionnellement, l’on considère que l’inventeur qui apporte à la société une invention nouvelle se voit reconnaître, sur sa demande, un droit privatif en échange de la révélation de son invention. Le brevet est

6

Dans son récent rapport, M. Anand GROVER, Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, rappelle que l’état de santé est étroitement lié à la pauvreté. Il souligne que plus de 100 millions de personnes tombent chaque année dans la pauvreté parce qu’elles doivent payer leurs soins de santé et que, dans les pays en développement, les patients payent de leur propre poche 50 à 90 % du coût des médicaments essentiels. Assemblée Générale des Nations Unies (AGNU), Promotion et protection de tous les droits de l’homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement. Rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, M. Anand GROVER, Conseil des Droits de l’Homme, 11ème Session, A/HRC/11/12, 31 mars 2009, p. 7.

7 Sur l’impact des maladies sur l’investissement et le développement économique en Afrique sub-saharienne, V. par exemple, MWIKISA (C. N.), « Impact et implications en termes d’investissement du VIH/Sida sur le capital humain en Afrique sub-saharienne », Bull. du CODESRIA, N° spécial 2, 3 & 4, 2003, pp. 65 et ss. ; VASS (J. R.), « Impact du VIH/Sida sur la main-d’œuvre : exploration des vulnérabilités », Bull. du CODESRIA, N° spécial 2, 3 & 4, 2003, pp. 68-72.

8 V. par exemple, sur les rapports entre santé et développement économique, l’important rapport rendu par la Banque Mondiale en 1993 : World Bank, World Development Report 1993 – Investing in Health, Oxford University Press, Washington, 1993, 332 pp.

9 V. les différents rapports mondiaux sur le développement humain, disponibles sur le site du PNUD, http://hdr.undp.org/en/reports/global.

10 Les droits de propriété intellectuelle sont généralement classés en deux grandes catégories : la propriété littéraire et artistique et la propriété industrielle. Le droit des brevets fait partie de cette dernière catégorie. Il faut dire que dans l’étude des rapports entre les droits de propriété intellectuelle et la santé publique, le droit des brevets tient une place particulière. Il intègre l’essentiel des problématiques suscitées par ces rapports et il est rare d’en envisager de manière générale un aspect non perçu dans le système des brevets. Sur des études relatives aux rapports de la santé avec d’autres droits de propriété intellectuelle, V. par exemple, Commission britannique des droits de propriété intellectuelle (CIPR), Intégrer les droits de propriété intellectuelle et la politique de développement, Londres, 2003 ; FAVREAU (A.), Le droit des marques et la santé, Mémoire de DEA de créations immatérielles, année universitaire 2003-2004, Montpellier, décembre 2004.

11

(14)

généralement conçu, dans les pays industrialisés, comme un facteur essentiel de développement industriel et économique12.

5- L’instauration d’un régime unifié13 de protection des inventions par le droit des brevets dans les pays membres de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI)14 va en droite ligne avec cette logique. L’organisation des systèmes de propriété intellectuelle s’inscrit dans la philosophie des pays africains qui entendaient utiliser le droit comme un instrument qui leur permettrait de sortir du stade des besoins primaires pour acquérir un niveau de développement socio-économique15 et technologique satisfaisant. Cette perception du droit reste fortement présente dans l’élaboration des normes juridiques. Dans l’Accord de Bangui (AB) révisé de 199916, le législateur OAPI se montre plus ferme et précis que dans le droit antérieur. Il ne se contente plus seulement d’être animé « du désir de

protéger sur le territoire (des Etats membres) d’une manière aussi efficace que possible les droits de propriété intellectuelle »17. La protection n’étant pas une fin en soi compte tenu du rôle que devrait jouer la propriété intellectuelle dans la réalisation des objectifs de développement technologique, l’Accord de Bangui de 1999 traduit la volonté des Etats membres plus que jamais « animés du désir de promouvoir la contribution effective de la

propriété intellectuelle au développement de leurs Etats »18. Tel est le leitmotiv du Directeur Général de l’OAPI qui reprend avec constance que « l’OAPI du 21e siècle (…) doit être un

12

BURST (J.-J.) et CHAVANNE (A.), Droit de la propriété industrielle, Dalloz, 2ème éd., 1980, pp. 2-4 ; V. aussi KAMIL IDRISS, Intellectual Property - A Power Tool for Economic Growth, WIPO, 2003, 377 pp. 13 L’OAPI opère en effet une unification du droit de la propriété intellectuelle dans les Etats membres, adoptant ainsi la forme la plus radicale d’intégration juridique. ONANA ETOUNDI (F.), « Les expériences d’harmonisation des lois en Afrique », Revue de l’ERSUMA, n° 1, juin 2012, pp. 15-17. V. aussi, NGUEBOU (J.), Le Droit commercial général dans l’acte uniforme OHADA, PUA 1998, p. 4.

14 L’OAPI compte seize (16) Etats membres : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, République Centrafricaine, Congo, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad et Togo. Ces pays représentent une superficie de 7 797 632 km2 pour une population estimée à 134 034 448 habitants (V. OAPI Magazine N° 003, Edition spéciale, Octobre 2008, p. 12). Pour un aperçu de l’évolution historique de l’OAPI, V. infra, n° 28 et ss.

15 La conception du droit comme un instrument de développement économique et social modelé sur le système occidental est en effet sous-jacente dans presque toutes les réformes législatives entreprises en Afrique après les indépendances. V. MIENDJIEM (I. L.), Le droit des occupants du domaine national, Thèse de Doctorat d’Etat en Droit Privé, Université de Yaoundé II, 2007, p. 2.

16 L’AB de 1999 est entré en vigueur le 28 février 2002. Ce texte remplace l’Accord de Bangui (AB) du 02 mars 1977 qui était lui-même une révision de l’Accord de Libreville du 13 septembre 1962 instituant un Office Africain et Malgache de la Propriété Industrielle (OAMPI).

17 V. Préambule de l’AB de 1977.

18 Paragraphe 1 du Préambule de l’AB de 1999. Le texte de l’Accord de Bangui révisé de 1999 est sur le site de l’OAPI, http://www.oapi.int/index.php/fr/ressources/accord-de-bangui, consulté le 22 juin 2012.

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véritable laboratoire d’analyse capable d’aborder, sans complaisance ni complexe, les questions de développement en rapport avec la propriété intellectuelle »19. C’est dans ce même esprit que s’est tenue du 4 au 6 novembre 2008 à Dakar au Sénégal, la première

Conférence internationale sur la propriété intellectuelle et le développement économique et social des Etats membres de l’OAPI20, à l’occasion de laquelle une déclaration dite « Déclaration de Dakar sur la propriété intellectuelle et le développement économique et

social des Etats membres de l’OAPI » a été adoptée. Cet engouement multiforme contribue à

montrer le fondement essentiellement économique21 des droits de propriété intellectuelle22. En particulier, le droit des brevets permettrait de promouvoir la recherche nécessaire à la mise sur pied des innovations nécessaires pour relever les nombreux défis auxquels fait face la société contemporaine.

Dans le domaine de la santé publique, les perspectives offertes par le système des brevets ainsi présenté sont évidentes. Les problèmes de santé publique soulevés par l’existence de maladies anciennes et nouvelles révèlent à suffisance la nécessité de mettre sur pied des inventions qui permettent de les prévenir et les combattre, et des systèmes qui favorisent l’accès aux soins de santé.

6- Forts de ces arguments, les pays industrialisés ont insisté afin que les discussions

relatives aux droits de propriété intellectuelle soient intégrées dans les négociations du cycle d’Uruguay du GATT (Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce)23. L’enjeu,

19 V. EDOU EDOU Paulin, Directeur Général de l’OAPI, in OAPI Magazine N° 002 (Juin 2008), 003 (Octobre 2008) et 004 (Mars 2009), p. 3.

20

Sur cette Conférence, V. le dossier complet y consacré in OAPI Magazine N° 004, « Après Dakar, quel avenir pour l’OAPI ? », janvier- mars 2009, pp.12-31.

21 SABATIER (M.), L’exploitation des brevets d’invention et l’intérêt général d’ordre économique, coll. du CEIPI, Litec 1976, pp. 10 et 32.

22

Sur le plan international, la protection des droits de propriété intellectuelle s’est traduite au départ par l’adoption de plusieurs traités dont les principaux sont la convention de Berne pour la protection du droit d’auteur et la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle. Cette dernière est considérée comme le premier accord multilatéral dans le domaine des brevets. Elle a été signée à Paris le 20 mars 1883 et révisée à Bruxelles le 14 décembre 1900, à Washington le 2 juin 1911, à La Haye le 6 novembre 1925, à Londres le 2 juin 1934, à Lisbonne le 31 octobre 1958 et à Stockholm le 14 juillet 1967, et modifiée le 28 septembre 1979. Ces traités internationaux sont administrés par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), issue de la conférence de Stockholm du 14 juillet 1967. V. le site de l’OMPI, www.wipo.int.

23

L’Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce (GATT) a été signé le 30 octobre 1947, par 23 Etats membres. Les concessions tarifaires sont entrées en vigueur le 30 juin 1948, par l’intermédiaire d’un « Protocole d’application provisoire ». Par essence, le GATT constituait un accord et une organisation provisoires, suite à l’échec des négociations visant à créer une Organisation internationale du commerce (OIC) qui serait une institution spécialisée des Nations Unies chargée du volet commercial de la coopération

(16)

certes, était avant tout économique. Cette insertion faisait suite aux pressions de certains groupes économiques, notamment les industries pharmaceutiques, qui se plaignaient des pertes subies du fait de l’absence de protection de la propriété intellectuelle dans certains pays24. A l’issue des négociations du cycle d’Uruguay25 du GATT, est signé le 15 avril 1994 à Marrakech, au Maroc, le traité portant création de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). A ce traité ont été annexés plusieurs accords26, parmi lesquels l’Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (Accord sur les ADPIC)27.

7- L’Accord sur les ADPIC reprend et étend à tous les pays membres de l’OMC les

obligations de fond contenues dans les principaux traités internationaux en matière de propriété intellectuelle28. Il institue en outre plusieurs obligations nouvelles, notamment en ce

économique internationale, à côté des deux institutions de « Bretton Woods », la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI). De 1948 à 1994, le GATT a constitué les règles régissant une grande partie du commerce mondial et le seul instrument multilatéral régissant le commerce international. Il a poursuivi son objectif de promouvoir et de réglementer la libéralisation du commerce international au moyen de cycles ou « rounds » de négociations commerciales. V. par exemple, OMC, Un commerce ouvert sur l’avenir, OMC, Genève, 1998 ; OMC, Comprendre l’OMC, 3e éd., OMC, 2007, pp. 15 et ss.

24 V. par exemple, Commission britannique des droits de propriété intellectuelle (CIPR), Intégrer les droits de propriété intellectuelle et la politique de développement, Londres, 2003, pp. 16 et 21 ; OMS, Mondialisation et accès aux médicaments : perspectives sur l’Accord ADPIC de l’OMC, série « Economie de la Santé et Médicaments », n° 7, 2ème éd.,janvier 1999, pp. 40-41 ; DIXNEUF (M.), « Au-delà de la santé publique : les médicaments génériques entre perturbation et contrôle de la politique mondiale », Revue française de science politique (RFSP), vol. 53, n° 2, avril 2003, p. 294 ; GERVAIS (D.), The TRIPS Agreement: Drafting History and Analysis, 2nd Edition, London, Sweet and Maxwell, 2003, n° 1.11 et ss. ; SELL (S. K.), Private Power, Public Law: The Globalization of Intellectual Property Rights, Cambridge University Press, 2003, pp. 1 et ss.

25 Le Cycle d’Uruguay, qui a duré de 1986 à 1994, est la huitième et la dernière de toutes les séries de négociations. Il s’est ouvert en 1986 en Uruguay et a débouché sur la création de l’OMC et l’adoption d’un nouvel ensemble d’accords multilatéraux.

26

Les Accords et Décisions de l’OMC issus de la Réunion ministérielle de Marrakech en avril 1994 sont au nombre de 60 environ. Depuis lors, les négociations ont abouti à des textes juridiques additionnels tels que l’Accord sur les technologies de l’information et des protocoles dans les domaines des services et de l’accession. De nouvelles négociations ont été lancées à la Conférence ministérielle de Doha en novembre 2001. Les Accords de l’OMC sont annexés à l’Accord instituant l’Organisation. Sur l’ensemble de ces textes, V. « Textes juridiques de l’OMC », sur le site de l’Organisation, au lien http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/legal_f.htm, consulté le 07 octobre 2008.

27 L’Accord sur les ADPIC ou encore en anglais TRIPS Agreement (Trade-Related Intellectual Property Rights Agreement) est entré en vigueur le 1er janvier 1995.

28 Il s’agit notamment des principaux traités administrés par l’OMPI. L’Accord sur les ADPIC souligne ainsi en l’avant-dernier paragraphe de son Préambule le désir des Etats membres « d’instaurer un soutien mutuel entre l’OMC et l’OMPI et d’autres organisations internationales compétentes ». Les articles 1 al. 3 et 2 citent expressément entre autres textes la Convention de Paris telle que modifiée en 1967. En substance, l’art. 2 précise que « pour ce qui est des Parties II, III et IV du présent accord, les Membres se conformeront aux articles premier à 12 et à l'article 19 de la Convention de Paris (1967) ». La partie II de l’Accord sur les ADPIC intitulée « Normes concernant l’existence, la portée et l’exercice des droits de propriété intellectuelle » pose techniquement les règles relatives aux différents DPI particuliers, y compris les brevets.

(17)

qui concerne les indications géographiques, les brevets, les secrets d’affaires et les mesures relatives aux moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle. Désormais, tous les pays membres de l’OMC, désireux de s’ouvrir au commerce mondial29, sont tenus d’aligner leur législation sur les normes minimales30 établies par l’Accord même si une certaine latitude leur est laissée quant au choix des moyens pour y parvenir31. Pour le moins, l’idéal d’une « loi mondiale unifiée »32, affiché des années auparavant par d’imminents auteurs, est en partie réalisé.

8- Cette « universalisation » de la propriété intellectuelle est pourtant fortement

contestée. Le droit des brevets suscite la méfiance de nombreux auteurs et acteurs de la société qui la considèrent comme un obstacle à l’accès aux soins de santé. En 1997, l’affaire des anti-rétroviraux (ARV) en Afrique du Sud33 a dévoilé de manière édifiante les risques que représentent les brevets pour l’accès aux soins de santé des plus pauvres. Même dans les pays industrialisés, l’on craint que le renforcement des droits des titulaires de brevets les incite plutôt à utiliser le système d’une manière qui pourrait être préjudiciable à la santé publique. Selon un récent rapport de la Commission européenne relatif au secteur de l’industrie

29 En vertu de l’art. XII al. 1 de l’Accord instituant l’OMC, l’accession à l’Organisation vaut de plein droit accession à tous les accords qui y sont annexés : « Tout Etat ou territoire douanier distinct jouissant d'une entière autonomie dans la conduite de ses relations commerciales extérieures et pour les autres questions traitées dans le présent accord et dans les Accords commerciaux multilatéraux pourra accéder au présent accord à des conditions à convenir entre lui et l'OMC. Cette accession vaudra pour le présent accord et pour les Accords commerciaux multilatéraux qui y sont annexés ».

30

Le mécanisme international prévu dans le cadre de la Convention d’Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle rencontrait toujours les réticences de la plupart des pays et il n’existait aucun moyen juridique pour contraindre les Etats parties à en respecter les dispositions. OMS, Mondialisation et accès aux médicaments : perspectives sur l’Accord ADPIC de l’OMC, op. cit., p. 40. Les professeurs REMICHE et KORS notent qu’en adoptant des standards minimum obligatoires pour tous les pays membres, l’Accord sur les ADPIC est « la concrétisation la plus achevée de la nouvelle organisation du commerce mondial et de sa relation avec la protection de la technologie ». V. REMICHE (B.) et KORS (J.), « Introduction », in REMICHE (B.) et KORS (J.), L’Accord ADPIC : dix ans après. Regards croisés Europe- Amérique Latine, Actes du séminaire de Buenos Aires organisé par l’Association Internationale de Droit Economique, Larcier, 2006, p. 5.

31 L’art. 1 al.1 de l’Accord sur les ADPIC dispose à cet effet : « Les Membres donneront effet aux dispositions du présent accord. Les Membres pourront, sans que cela soit une obligation, mettre en oeuvre dans leur législation une protection plus large que ne le prescrit le présent accord, à condition que cette protection ne contrevienne pas aux dispositions dudit accord. Les Membres seront libres de déterminer la méthode appropriée pour mettre en oeuvre les dispositions du présent accord dans le cadre de leurs propres systèmes et pratiques juridiques ». 32 MATHELY (P.), « La propriété industrielle », in Contemporary Industrial Property, E :Blum & Co., Patent Attorneys, Zurich, 1978, p. 45. Dans le même sens, PLAISANT (M.), Traité de droit conventionnel international concernant la propriété industrielle, Sirey, Paris, 1959, p. 5, cité par AZÉMA (J.) et GALLOUX (J.-C.), op. cit., n° 49, p. 31.

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pharmaceutique34, les brevets s’illustrent par leur utilisation comme un instrument néfaste pour la concurrence et paralysant pour l’innovation dans le domaine de la santé publique35.

9- Ces constats effectués dans un contexte général de renforcement du droit des

brevets au niveau mondial et de détérioration de la situation sanitaire dans les pays membres de l’OAPI permettent de nouveau de s’interroger sur l’efficacité du droit des brevets dans le domaine de la santé publique.

10- Il faut dire que la question de la capacité du système des brevets à promouvoir le

développement économique et social, y compris en favorisant l’accès aux soins de santé, a suscité chez les auteurs des opinions contradictoires à travers le temps. Au terme de son analyse économique du système des brevets en 1958, le professeur Machlup soulignait que si le système des brevets n’existait pas, il serait irresponsable de le recommander au regard de ses conséquences économiques ; mais étant donné que le système des brevets existait déjà depuis longtemps, il serait irresponsable de recommander son abolition36. Un demi-siècle plus tard, d’autres auteurs estiment que si la première branche de la réflexion du professeur Machlup est fondée, à l’inverse la seconde ne l’est pas. Ainsi, MM. Boldrin et Levine estiment qu’il serait socialement plus responsable en l’état actuel d’abolir progressivement les droits de propriété intellectuelle37. De notre point de vue, il semble encore difficile d’adopter une position tranchée alors que l’on admet que les études empiriques ne permettent pas d’établir avec certitude l’impact réel du brevet sur la protection de la santé publique dans les pays en développement38 en général, et dans les pays d’Afrique subsaharienne en particulier.

34 Commission européenne, Preliminary EU report on pharmaceutical sector inquiry - briefing, 28 nov. 2008, disponible sur http://www.eubusiness.com/Pharma/sector-inquiry.01/.

35 Selon le Rapport, entre 1995 et 1999, 40 nouvelles molécules par an en moyenne étaient lancées sur le marché ; ce chiffre est tombé à 27 dans les années situées entre 2000 et 2007. L’on assiste à une diminution de l’innovation tandis que le nombre de brevets déposés pour les médicaments ne cesse d’augmenter. En effet, alors qu’entre 2000 et 2007, le nombre de demandes de brevets a augmenté en moyenne de 4,9 % pour l’ensemble des secteurs, l’augmentation a été de 10,2 % en moyenne en ce qui concerne le secteur pharmaceutique. Sur un aperçu et une analyse de ce rapport, V. par exemple, ARMENGAUD (J.) et BERTHET-MAILLOLS (E.), « Du mauvais usage du droit des brevets en matière pharmaceutique, selon le rapport préliminaire de la Commission européenne », Propriétés intellectuelles (Pi), n ° 31, avril 2009, pp. 132 et ss.

36 MACHLUP (F.), An Economic Review of the Patent System, 1958, DC: U.S. Government Printing Office, p. 80.

37 BOLDRIN (M.) and LEVINE (D. K.), Against Intellectual Monopoly, 2008, Available at http://www.dklevine.com/general/intellectual/againstfinal.htm, consulted on April 2008, p. 277.

38 La Commission sur les Droits de la Propriété intellectuelle, l’Innovation et la Santé publique (CIPIH) de l’OMS a rendu un important rapport en avril 2006 intitulé Santé publique, innovation et droits de la propriété intellectuelle. Ce rapport traite globalement d’un nombre important de questions qui ont trait aux rapports entre les droits de propriété intellectuelle et la santé publique. L’on notera pourtant, pour se rendre compte de la

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Il conviendrait pour bien circonscrire la problématique, de définir ce qu’il faut entendre par santé publique et préciser le jeu d’intérêts que ses rapports avec le droit des brevets génèrent.

11- En ce qui concerne la définition de la santé publique, elle passe par la

compréhension de la notion même de santé. De l’avis de la grande majorité de la doctrine, la notion de santé est bien difficile à définir. L’on se demande s’il faut y voir une simple absence de maladie susceptible de limiter l’état physique ou mental, ou s’il faut y englober les nombreux éléments qui ont une influence potentielle sur l’individu39. L’Organisation Mondiale de la Santé40 a adopté une définition large et floue de la notion de santé. En vertu du premier Considérant du Préambule de la Constitution de l’OMS, la santé se définit comme « un état de complet bien être physique, mental et social et ne consistant pas seulement en une

absence de maladie ou d’infirmité ». Cette définition n’a pas été modifiée depuis 1946. Elle

implique que tous les besoins fondamentaux de la personne soient satisfaits, qu’ils soient affectifs, sanitaires, nutritionnels, sociaux ou culturels et du stade de l’embryon à celui de la personne âgée. En intégrant dans la définition de la « santé » une conception large du bien-être, l’OMS consacre deux aspects essentiels de la notion. Dans un sens objectif, la notion de santé représente l’état d’une personne non atteinte de maladie ou d’imperfections organiques ou fonctionnelles susceptibles de limiter son activité physique ou mentale. Dans un sens subjectif, elle est décrite selon la personne qui se « sent bien dans sa peau » et dans son milieu familial et professionnel, qui n’éprouve ni douleur, ni lassitude, ni contrariétés, ni

difficulté de parvenir à un compromis en la matière, les observations et les réserves de certains membres de la Commission qui sont annexées au dit rapport. V. Commission sur les Droits de la Propriété intellectuelle, l’Innovation et la Santé publique (CIPIH), Santé publique, innovation et droits de propriété intellectuelle : Rapport de la Commission les Droits de la Propriété intellectuelle, l’Innovation et la Santé publique, OMS, Avril 2006, pp. 201 et ss. Ce document est cité dans ce travail par la référence CIPIH 2006.

39 CROUZATIER (J. M.), Droit international de la santé, Editions des archives contemporaines et Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), Paris, 2009, pp. 11-12.

40

La Constitution de l’OMS a été adoptée par la Conférence internationale de la Santé, tenue à New York du 19 juin au 22 juillet 1946, signée par les représentants de 61 Etats le 22 juillet 1946 (Actes off. Org. mond. Santé, 2, 100). Elle est entrée en vigueur le 7 avril 1948. Les amendements adoptés par la Sixième, la Vingt-Neuvième, la Trente-Neuvième et la Cinquante et Unième Assemblée mondiale de la santé (Résolutions WHA26.37, WHA29.38, WHA39.6 et WHA51.23) sont entrés en vigueur le 3 février 1977, le 20 janvier 1984, le 11 juillet 1994 et le 15 septembre 2005 respectivement ; le texte cité tient compte de ces différents amendements. L’Assemblée mondiale de la santé (WHA) est l’organe délibérant de l’OMS. Elle se réunit une fois par an. Elle décide de la politique de l’Organisation et prend les principales décisions (notamment l’adoption des résolutions, conventions et règlements).

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inquiétude pour l’avenir et s’estime s’il lui arrive d’y penser, et quoique cela soit peu courant, en parfaite santé.

Cette définition trop extensive41 et « idéaliste », « sorte de version sanitaire du

bonheur »42, est considérée comme inadaptée aux besoins immédiats de nombreuses populations, notamment celles des pays en développement (PED). En même temps, l’on admet que cette définition large présente une utilité certaine, puisqu’elle est même directement opérationnelle dans des cas comme la lutte contre les violences43. Il reste pourtant qu’au sens traditionnel du terme, la santé désigne l’état d’une personne qui n’est ni malade ni infirme, ni sur le plan physique ni sur le plan mental. De ce point de vue, être en bonne santé désigne avant toute autre chose ne pas être malade44.

Dans tous les cas, la définition de la santé traduit la description de l’état de la personne, prise aussi bien individuellement que collectivement. C’est sous ce dernier angle qu’il faut définir la santé publique.

12- La notion de santé publique ou santé de la collectivité est le niveau de santé d’une

population ; elle est une de ses caractéristiques sociales. Elle regroupe l’ensemble des moyens collectifs susceptibles de promouvoir la santé et d’améliorer les conditions de vie45. En tant que discipline autonome, elle s’occupe de la santé globale des populations sous différents aspects préventif, éducatif, curatif et social. La santé publique a pour but d’améliorer la santé de la population et la qualité de vie des malades, réduire les risques pour la santé, réduire les inégalités de santé en développant l’accès aux soins, améliorer la sécurité et la qualité des

41 CROUZATIER (J. M.), op. cit., p. 12.

42 FASSIN (D.), « La globalisation et la santé. Éléments pour une analyse anthropologique », in HOURS (B.) (sous la dir.), Systèmes et politiques de santé. De la santé publique à l’anthropologie, Paris, Les Éditions Karthala, 2001, p. 28.

43 BELANGER (M.), « Le droit à la santé, droit fondamental de la personne humaine », in Droit et santé en Afrique, Actes du colloque international de Dakar des 28 mars – 1er avril 2005, Réseau « droit de la santé » de l’AUF, Les Études Hospitalières, 2006, p. 127.

44

CASAUX-LABRUNEE (L.), « Le droit à la santé », in CABRILLAC (R.), FRISON-ROCHE (M.-A.) et REVET (T.) (dir.), Libertés et droits fondamentaux, Paris, Dalloz, 10ème éd., 2004, p. 720 ; JOURDAIN-FORTIER (C.), Santé et commerce international : contribution à l'étude de la protection des valeurs non marchandes par le droit du commerce international, LexisNexis-Litec, Paris, 2006, p. 10.

45

POMMIER (J.) et GRIMAUD (O.), « Les fonctions essentielles de santé publique : histoire, définition et applications possibles », Santé publique 2007/0, N° 19, pp. 9-10. Comme pour la notion de santé, ces auteurs relèvent que force est de constater qu’il est difficile d’adopter « une définition absolue » de la notion de santé publique. En substance, cette dernière se définit par « les efforts de la société pour prévenir la maladie, pour promouvoir la santé et pour prolonger la durée et la qualité de vie de la population ».

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soins et, protéger, promouvoir et restaurer la santé. Elle s’inscrit dans une conception large de la notion de santé ; elle concerne aussi bien la santé de la personne humaine que la « santé

environnementale » et la santé animale, du fait de la consommation de chair animale par les

humains, et des risques de propagation de maladies animales à l’homme46. Mais au sens restreint, elle renvoie uniquement à la santé humaine. En ce sens, le dictionnaire Encarta 2008 définit la santé publique comme un « système de protection visant à améliorer et à maintenir

la santé au sein d’une collectivité humaine ».

13- Dans le cadre des pays membres de l’OAPI, il faut intégrer au système de santé

une pratique bien spécifique : la médecine traditionnelle. La médecine traditionnelle, à laquelle 80 % de la population africaine a recours pour répondre à leurs besoins en matière de soins de santé47, est souvent mise en parallèle avec la médecine moderne, ou encore médecine conventionnelle48.

D’après l’OMS49, la médecine traditionnelle « se rapporte aux pratiques, méthodes,

savoirs et croyances en matière de santé qui impliquent l’usage à des fins médicales de plantes, de parties d’animaux et de minéraux, de thérapies spirituelles, de techniques et d’exercices manuels – séparément ou en association – pour soigner, diagnostiquer et prévenir les maladies ou préserver la santé »50. Ces pratiques et connaissances s’appuient sur l’expérience vécue et l’observation transmise de génération en génération oralement ou par écrit51.

46 BELANGER (M.), 2006, op. cit., p. 123. 47

Sur l’ampleur de l’utilisation de la médecine traditionnelle dans les pays de l’OAPI, V. infra, n° 52, 209-211. 48 On parle encore, notamment dans les pays industrialisés, de médecine « complémentaire », « parallèle » ou « alternative » pour désigner la médecine traditionnelle. Sur une analyse critique de ces différentes appellations, V. infra, n° 50 et ss.

49

L’OMS souligne cependant qu’au niveau mondial, la médecine traditionnelle échappe à une définition ou à une description précise, étant donné qu’elle contient des caractéristiques et points de vue divers et parfois contraires. La définition qu’elle propose doit être considérée comme une définition de travail. C’est que, « la médecine traditionnelle peut être codifiée, réglementée, enseignée ouvertement, pratiquée largement et systématiquement et bénéficier de milliers d’années d’expérience. Inversement, elle peut être hautement secrète, mystique et extrêmement localisée, la connaissance de ses pratiques étant transmise de manière orale. Elle peut être basée sur des symptômes physiques saillants ou sur des forces surnaturelles perçues ». Pour l’OMS, la définition proposée, très utile, doit nécessairement être complète et exhaustive. OMS, Stratégie de l’OMS pour la Médecine Traditionnelle pour 2002-2005, OMS, Genève, 2002, p. 7.

50 Aide-mémoire N° 134, Révisé mai 2003. http://www.who.int/entity/mediacentre/factsheets/fr, dernière consultation en février 2007.

51 V. déjà OMS, série de rapport technique, n° 1 afro. 1976, p. 3 ; OMS, Stratégie de l’OMS pour la Médecine Traditionnelle pour 2002-2005, op. cit., pp. 7 et ss.

(22)

Dans le contexte de l’OAPI52, la médecine traditionnelle peut être définie comme « l’ensemble de toutes les connaissances, de techniques de préparation et d’utilisation de

substances et pratiques explicables ou non qui sont basées sur les fondements socioculturels et religieux des collectivités africaines, qui s’appuient sur les expériences vécues et les observations transmises de génération en génération oralement ou par écrit et qui servent à diagnostiquer, prévenir ou éliminer un déséquilibre du bien être physique, mental ou social ».

C’est cette définition que l’on retrouve dans les Codes de la santé du Burkina-Faso53 et de la Guinée54 à quelques nuances près. Une étude sur l’efficacité du système des brevets en matière de santé publique dans l’espace OAPI doit donc intégrer ce particularisme que constitue la médecine traditionnelle dans le système de santé des pays membres.

14- En ce qui concerne les intérêts en jeu, les rapports entre le droit des brevets et la

santé publique mettent en présence de deux intérêts qu’il faut protéger.

15- D’une part, l’on a l’intérêt de la santé publique, qu’il faut protéger en garantissant

le droit à la santé des populations tel que consacré par de nombreux instruments juridiques internationaux, régionaux et nationaux.

Parmi les instruments juridiques internationaux, l’on peut citer la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 (DUDH) qui met en évidence les aspects curatifs et sociaux du droit à la santé. En vertu de l’article 25 alinéa 1 de cette Déclaration, « toute

personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de

52

OAPI, « L’initiative pour la protection et la valorisation des inventions africaines en matière de médicaments », issue de la Conférence des Ministres chargés de l’Industrie et de la Santé des Etats membres de l’OAPI, Libreville, 11-13 Septembre 2002.

53 Art. 141, Code burkinabé de la santé : « La médecine traditionnelle est l’ensemble de toutes les connaissances et pratiques matérielles ou immatérielles, explicables ou non, utilisées pour diagnostiquer, prévenir ou éliminer un déséquilibre physique, mental, psychique et social en s’appuyant exclusivement sur des expériences vécues et sur des connaissances transmises de génération en génération, oralement ou par écrit ». (Le gras est de nous). 54 Art. 226, Code guinéen de la santé : « La médecine traditionnelle guinéenne est l’ensemble des connaissances techniques de préparation et d’utilisation des substances, mesures et pratiques en usage, explicables ou non à l’état actuel de la science, résultant des fondements socioculturels et religieux des collectivités guinéennes, qui s’appuient sur les expériences vécues et les traditions transmises à la postérité, oralement ou par écrit et qui servent à diagnostiquer, prévenir ou éliminer un déséquilibre du bien-être physique, mental, social ou spirituel ».

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maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté ». La DUDH fait de

toute évidence ressortir la définition extensive du droit à la santé et ne s’éloigne donc pas de la conception proposée par l’OMS.

Une telle approche se retrouve également dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC)55 qui offre un cadre conventionnel intégrant les aspects préventifs et éducatifs du droit à la santé. L’article 12 alinéa 1 de ce Pacte consacre ainsi la reconnaissance du « droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé

physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre ». L’alinéa 2 du même article précise que

les mesures à prendre pour garantir le plein exercice du droit à la santé doivent assurer : la diminution de la mortalité infantile, ainsi que le développement sain de l’enfant ; l’amélioration de tous les aspects de l’hygiène du milieu et de l’hygiène industrielle ; la prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres, ainsi que la lutte contre ces maladies ; la création de conditions propres à assurer à tous des services médicaux.

16- Pour préciser et concrétiser ces dispositions, le Comité des droits économiques,

sociaux et culturels (CODESC), qui surveille l’application du PIDESC, a adopté en 2000 une observation générale sur le droit à la santé56. Dans cette observation générale n° 14, le CODESC interprète le droit à la santé comme « un droit global »57, dans le champ duquel entrent non seulement la prestation de soins de santé appropriés en temps opportun, mais aussi les facteurs fondamentaux déterminants de la santé, tels que l’accès à l’eau salubre et potable et à l’assainissement, l’accès à une quantité suffisante d’aliments sains, la nutrition et le logement, l’hygiène du travail et du milieu et l’accès à l’éducation et à l’information relatives à la santé, notamment la santé sexuelle et génésique. Ces éléments fondamentaux comprennent également l’accès à des hôpitaux, des dispensaires et autres installations

55

Le PIDESC a été adopté par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies (ONU) dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966. Il est entré en vigueur 10 ans plus tard, le 3 janvier 1976. Au 19 septembre 2006, 154 Etats ont ratifié le Pacte, parmi lesquels 49 Etats africains (notons que parmi eux, l’Afrique du Sud a signé, mais pas ratifié le PIDESC). Le Botswana, les Îles Comores et le Mozambique n’ont ni signé ni ratifié le PIDESC.

56 Conseil économique et social de l’Organisation des Nations Unies, Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CODESC), Observation générale n° 14. Le droit au meilleur état de santé susceptible d'être atteint, Genève, Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, 11 août 2000 (E/C.12/2000/4).

57

(24)

fournissant des soins de santé, du personnel médical et professionnel qualifié recevant un salaire décent par rapport au niveau national, et des médicaments essentiels. L’observation générale n°14 indique que le droit à la santé se compose de quatre éléments58.

Le premier élément est la disponibilité. Il doit exister suffisamment d’installations, de biens et de services ainsi que des programmes fonctionnels en matière de santé publique et de soins de santé. La nature précise des installations, des biens et des services dépendra de nombreux facteurs, notamment du niveau de développement des Etats. Ces installations, biens et services comprendront toutefois les éléments fondamentaux déterminants de la santé.

Le deuxième élément est l’accessibilité. Les installations, biens et services en matière de santé doivent être accessibles à toute personne relevant de la juridiction de l’État partie au PIDESC. Le CODESC a déterminé que l’accessibilité comporte quatre dimensions qui se recoupent mutuellement59. Il s’agit en premier lieu de la non-discrimination : elle signifie que les installations, biens et services en matière de santé doivent être accessibles à tous, en particulier aux groupes de populations les plus vulnérables ou marginalisés, conformément à la loi et dans les faits, sans discrimination fondée sur l'un quelconque des motifs proscrits. En deuxième lieu, il y a l’accessibilité physique : tous les groupes de la population doivent avoir sans danger accès aux installations, biens et services en matière de santé ; il s’agit en particulier des groupes vulnérables ou marginalisés tels que les minorités ethniques et les populations autochtones, les femmes, les enfants, les adolescents, les personnes âgées, les personnes handicapées et les personnes atteintes du VIH/SIDA. L’accessibilité physique signifie également que l’on puisse accéder sans danger aux services médicaux et aux facteurs fondamentaux déterminants de la santé, y compris dans les zones rurales. Elle comprend en outre l’accès approprié aux bâtiments pour les personnes handicapées. L’accessibilité physique intègre donc ce que l’on peut aussi appeler accessibilité géographique, qui est schématisée par la distance devant être parcourue par les malades pour aller au point de dispensation des services de santé (une pharmacie par exemple pour les médicaments) le plus proche, ou le temps nécessaire pour y arriver60. La troisième dimension est l’accessibilité

économique ou abordabilité : elle signifie que les installations, biens et services en matière de

58 Ibid., § 12. 59 Ibid., § 12 b).

60 ZIO (S.), Les accords du commerce international et l’accessibilité aux médicaments dans les pays en développement, Thèse de doctorat en pharmacie, Université Claude Bernard – Lyon I, Octobre 2005, p. 13.

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santé doivent être d’un coût abordable pour tous. Le coût des services de soins de santé ainsi que des services relatifs aux facteurs fondamentaux déterminants de la santé doit être établi sur la base du principe de l’équité, pour faire en sorte que ces services, qu’ils soient fournis par des opérateurs publics ou privés, soient abordables pour tous, y compris pour les groupes socialement défavorisés. L’équité exige que les ménages les plus pauvres ne soient pas frappés de façon disproportionnée par les dépenses de santé par rapport aux ménages plus aisés. Enfin, l’on a en quatrième lieu l’accessibilité de l’information : elle comprend le droit de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées concernant les questions de santé. Elle ne doit toutefois pas porter atteinte au droit à la confidentialité des données de santé à caractère personnel.

Outre l’accessibilité, le troisième élément composant le droit à la santé est l’acceptabilité. Les installations, biens et services en matière de santé doivent être respectueux de l’éthique médicale et être appropriés sur le plan culturel, c’est-à-dire respectueux de la culture des individus, des minorités, des peuples et des communautés, réceptifs aux exigences spécifiques liées au sexe et au stade de la vie et être conçus de façon à respecter la confidentialité et à améliorer l’état de santé des intéressés.

Cet élément est particulièrement important du point de vue de la spécificité du système de santé des pays africains. En effet, le recours à la médecine traditionnelle y est fortement répandu et l’on ne saurait en ignorer l’impact sur la santé des populations. Le CODESC considère que les peuples autochtones ont droit à des mesures spécifiques pour leur faciliter l’accès aux services et aux soins de santé. Ces services de santé doivent être adaptés au contexte culturel, tout en tenant compte des soins préventifs, des thérapeutiques et des

remèdes traditionnels. En vue d’assurer le respect du droit à la santé, le CODESC ajoute que

« les Etats devraient fournir aux peuples autochtones des ressources leur permettant de

concevoir, de fournir et de contrôler de tels services afin qu’ils puissent jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint. Les plantes médicinales essentielles, les animaux et les minéraux nécessaires aux peuples autochtones pour jouir pleinement du meilleur état de santé possible devraient également être protégés. Le Comité note que, dans les communautés autochtones, la santé des individus est souvent liée à celle de la société tout entière et revêt une dimension collective »61. Il est donc important que les activités liées au

61

(26)

développement n’éloignent pas les peuples autochtones, contre leur gré, de leurs territoires et de leur environnement traditionnels, au risque de produire des effets néfastes sur leur santé.

Le quatrième élément qui compose le droit à la santé est la qualité62. En plus d’être acceptables sur le plan culturel, les installations, biens et services en matière de santé doivent être scientifiquement et médicalement appropriés et de bonne qualité, ce qui suppose, notamment, du personnel médical qualifié, des médicaments et du matériel hospitalier approuvés par les instances scientifiques et non périmés, un approvisionnement en eau salubre et potable et des moyens d’assainissement appropriés.

17- Le PIDESC consacre en matière de droit à la santé des principes que l’on retrouve

également dans des instruments juridiques régionaux. Dans le contexte africain63, la Charte

africaine des droits de l’homme et des peuples64 (ci-après la Charte africaine) constitue l’instrument juridique par excellence pour la protection du droit à la santé. Elle prévoit en son article 16 alinéa 1 que « toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé physique

et mentale qu’elle soit capable d’atteindre ». Il faut souligner que le cadre africain du droit à

la santé est différent de celui de la DUDH et du PIDESC. Il ne prévoit pas, du moins pas formellement, les mesures prévues à l’article 12 alinéa 2 du PIDESC65. Il n’évoque pas non plus le droit à un niveau de vie suffisant. Ce qui peut laisser penser que la Charte africaine a une dimension de droit économique et social moins large que les deux autres textes internationaux. Relevons tout de même que la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a reconnu comme composantes du droit à la santé des droits implicites66 qui

62 Ibid., § 12 d). 63

V. aussi, dans le contexte européen, l’article 11 de la Partie I de la Charte sociale européenne adoptée à Turin le 18 octobre 1961, et révisée le 3 mai 1996 ; l’article 3 de la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine du Conseil de l’Europe, dite Convention d’Oviedo, du 4 avril 1997. Dans le contexte américain, l’article 10 du Protocole du 17 novembre 1988 (entré en vigueur le 16 novembre 1999), additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l’homme du 22 novembre 1969 (entrée en vigueur le 18 juillet 1978) est consacré au « droit à la santé » ; l’article XI de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme de 1948 qui se réfère au « droit à la préservation de la santé et au bien-être ».

64 La Charte a été adoptée au sommet de Nairobi (Kenya), lors de la 18e Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernements de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), le 27 juin 1981. Elle est entrée en vigueur le 21 octobre 1986.

65 V. supra, n° 15.

66 Tels, le droit à un logement convenable et le droit à une nourriture suffisante. V. Communication 155/96, Social and Economic Rights Action Centre and another v. Nigeria, (2001), AHRLR (ACHPR 2001), paragraphe 63. V. plus précisément, TCHOUMAVI (B.-E.), « Traduire l’universel en régional : la pertinence de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples », in MAUGENEST (D.) et HOLO (T.) (Sous la dir.), L’Afrique de l’Ouest et la tradition universelle des droits de l’homme, Actes du Colloque d’Abidjan (13-15 mars 2006), Ed. du CERAP, Octobre 2006, pp. 371-376.

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