Le jardin intérieur
Pour ma fille, Mélianne
Il existe un endroit, un lieu unique où personne d’autre que moi ne peut aller. Je suis la seule personne sur cette Terre à en posséder la clef.
Dans ce grand jardin, je suis en sécurité. Je suis chez moi. Je peux être heureuse et je peux être triste.
Je peux être moi-même. Ici, le temps n’existe pas.
Seul le murmure du vent dans les saules est invité à venir me rencontrer.
Les moineaux et les ramiers volent dans un ciel limpide où le jour et la nuit se confondent en une douce mélodie.
Dans cet immense jardin sauvage, le parfum du chèvrefeuille embaume les cours d’eau où les nénuphars en fleur parlent tout bas aux hortensias.
Ce beau jardin est un lieu unique parce que je l’ai créé. Il existe seulement parce que j’existe moi aussi.
Chaque fois que j’en ai besoin, je m’y réfugie.
Parfois, je pose ma joue contre l’écorce d’un lilas et je réfléchis sur la vie.
Parfois, je m’allonge sur la branche haute d’un arbre et je rêve. Je regarde le ciel puis je ferme les yeux.
L’adulte berce l’enfant dans ses bras. A la lisière d’un sous-bois, j’aperçois la vieille femme que je serai un jour et je prends ses mains dans les miennes, souhaitant qu’elle puisse me révéler comment ma vie va se
terminer.
Et, avant de rejoindre la réalité, je suis en paix avec moi-même, silencieuse comme un train arrêté sur les rails d’une gare abandonnée.
Maintenant c’est à toi que je viens transmettre cette poésie.
Crée un jardin aussi beau que celui-ci et cultive-le tout au long de ta vie.
Emma Baron