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Mohamad Al-Ghazali. Traduit de l arabe par Ahmed Fayed

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Texte intégral

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Les causes profondes de la décadence arabo-

musulmane

Mohamad Al-Ghazali

Traduit de l’arabe par

Ahmed Fayed

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L’auteur

« Je suis élève de deux écoles de pensée : celle de philosophie et celle de jurisprudence musulmane…Mon écriture est un mélange de style poétique et technique. »

Mohamad Al-Ghazali Grande figure du modernisme islamique

Mohamad Al-Ghazali Ahmad as-Saqqa, surnommé « l’écrivain de la prédication » est né à al-Biheirah (1917-1996) en Egypte dans une famille religieuse et d’un père attaché au soufisme et amoureux de la philosophie d’Abu Hamid Al-Ghazali. A l’âge de dix ans, il a appris le Coran par cœur à l’école coranique de son village Nakla al-‘Inab et sous la direction de son père qui prenait, lui-même, soin de son éducation religieuse. A l’institut azharite d’Alexandrie, Al- Ghazali a terminé ses études primaires (1932) et ses études secondaires (1937). Ensuite, il est parti au Caire pour poursuivre ses études universitaires à la faculté des fondements de la religion.

Diplômé en 1941, il s’est spécialisé dans la prédication musulmane et a achevé ses études spécialisées en 1943. Il a été nommé imam et enseignant à une mosquée appelée ‘Azaban au centre-ville du Caire où sa notoriété d’orateur commençait à se faire jour. En même temps, il occupait le poste de secrétaire du journal des Frères Musulmans dont il était un des membres fondateurs. Il a occupé plusieurs fonctions dans la hiérarchie de l’Azhar : inspecteur des mosquées, sous-secrétaire de la direction des mosquées, directeur général du département de la prédication, sous-secrétaire du ministère des Waqfs. En 1971, il a été nommé professeur au département d’études supérieures puis en 1976 chef du département de la prédication (faculté de la charia).

En 1974, il est parti enseigner la religion à l’université d’Oum al-Qora de la Mecque, puis à l’université islamique (Qatar). En 1984, en Algérie, il est parti avec d’autres savants de renom comme al-Qaradawi et al-Bouti pour enseigner la religion à l’université de l’émir ‘Abdul Qader (Constantine). Entre les années 1985-1988, il a occupé le poste de président du conseil scientifique de cette université où il était responsable de la rédaction de son programme éducatif et d’établir d’autres facultés religieuses. Dans ce pays, cher

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à son cœur, il a joui d’une renommée fulgurante grâce à ses débats télévisés et au soutien du président algérien ach-Chadli Bendjedid.

Al-Ghazali était aussi membre à l’Assemblée des Recherches Islamiques de l’Azhar, à l’institut royal de la civilisation islamique en Jordanie, à l’institut international de la pensée islamique à Washington, à l’Organisation internationale de charité islamique au Kuweit.

Al-Ghazali a reçu plusieurs prix pour ses grands efforts déployés dans les domaines religieux, littéraire et académique : la plus haute distinction algérienne (1988), le prix international du roi Faysal (1989), le prix de distinction au Pakistan (1991), le prix d’Etat égyptien (1991), le prix de ‘Ali Hafez et de ‘Uthman Hafez, etc.

Au cours de ses études universitaires, Al-Ghazali a appris les sciences religieuses auprès d’une élite de savants comme Abd

‘Adhim az-Zurqani, savant versé dans la religion et la littérature arabe, Mahmoud Chaltout, le Grand Imam de l’Azhar, qui lui enseignait l’exégèse du Coran et le droit musulman, Abu Zuhra, Mohamad Youssef Moussa, ‘Abdel ‘Aziz Bilal, Ibrahim al- Gharbawy. Parmi ses disciples figurent Youssef al-Qaradawi, Manna’ al-Qattan, Mohamad ar-Rawy, Ahmad al-‘Assal et autres.

Au cours de ses études secondaires, Al-Ghazali a manifesté sa vocation pour la littérature arabe ; son recueil poétique la Première Vie (al-Haya al-Oula) (1936) témoigne de son génie littéraire. A cette époque où l’Egypte était sous l’Occupation britannique, Al- Ghazali, animé d’un zèle religieux et patriotique, a présidé des manifestations contre l’Occupation et les gouvernements alliés.

Cette attitude anticolonialiste lui a valu la prison et le renvoi de l’institut pour un certain temps. Pourtant, il n’a pas abandonné la lutte contre les Britanniques et rédigé, à ce propos, son livre « La colonisation, rancunes et convoitises. » où il a dénoncé, dans les termes les plus virulents, les crimes commis par l’Occupant britannique. Quelques années après, Al-Ghazali, s'armant de courage, a osé critiquer la monarchie égyptienne en la rendant responsable de la misère du peuple égyptien écrasé par le féodalisme et des troubles qui ont secoué le pays. Dans son livre

"l'Islam et le despotisme politique", il a mis le doigt sur ces crises

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sans oublier de déverser sa colère sur la colonisation qui a mis le monde arabo-musulman en ruine.

A cette époque-là, il a été profondément influencé par le fondateur des Frères musulmans Hassan al-Banna. Son article « Les Frères Musulmans et les partis politiques » publié dans le journal de la Confrérie marque le début d’une amitié indéfectible avec al- Banna qui l’a nommé secrétaire du journal. Durant son mandat de secrétaire et de prédicateur à la mosquée, al-Ghazali a marqué les esprits par son style éloquent et s’est attiré une foule de lecteurs et de fidèles nombreux. Le mariage entre littérature et religion qui distingue ses écrits a ajouté beaucoup à son charme auprès de la classe savante et lettrée.

Après la défaite de 1948 contre Israël, le groupe des Frères Musulmans a été interdit et ses membres dont Al-Ghazali à la tête ont été détenus à la prison d'at-Tour (1949). Libéré un an après, Al- Ghazali a repris ses activités au sein de la Confrérie jusqu'en 1952, année qui a marqué son abandon définitif des Frères Musulmans.

Suite à une mésentente avec al-Hodaibi, successeur d’Al-Banna, Mohamad al-Ghazali a quitté la Confrérie. Dans un article publié dans le magazine ad-Da’wa, al-Ghazali se justifie en disant : « Je m'oppose à « l’Obéissance aveugle » imposée ces jours-ci aux jeunes Frères ; je m'oppose à cet autoritarisme condamné par la religion et la raison saine. En agissant ainsi, je voulais barrer le chemin devant des religieux se servant de la religion pour soumettre à leur bon plaisir des jeunes peu conscients. ».

En 1965 sous le régime nassérien, al-Ghazali a été mis à la prison de Toura pour avoir dénoncé le communisme de Nasser et refusé de condamner les Frères Musulmans. A la même époque, il a lutté contre le libéralisme représenté par l'écrivain et le caricaturiste Salah Djahine qui, via ses caricatures, se moquait du courant religieux réformiste mené par al-Ghazali.

En 1970, succédant à Nasser, Sadat voulait libérer les territoires occupés par les Israéliens et venger la défaite des Arabes en 1967.

Misant sur la religion pour relever le moral des soldats égyptiens pendant la guerre de 1973, Sadat a envoyé al-Ghazali avec d'autres savants de l'Azhar sur le champ de bataille. A cette époque-là, Al- Ghazali était responsable de la formation des prédicateurs et de la direction des mosquées. Il a fait restaurer la mosquée de 'Amr Ibn

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al-'Ass, première mosquée fondée en Egypte et en Afrique et qui était dans un état lamentable de conservation. Des milliers de fidèles ont commencé à fréquenter cette mosquée qui est devenue, avec le temps, le haut-parleur de la renaissance musulmane. Du haut de son minbar, Al-Ghazali a repris la lutte contre l'injustice sociale et critiqué la politique de Sadat d'après la guerre d’Octobre surtout sa décision de changer le code du statut personnel. Son opposition au nouveau code a provoqué des manifestations menées par ses fidèles qui ont assiégé le Parlement égyptien et forcé le gouvernement à rétracter sa décision. En réaction à ce soulèvement, on a congédié Al-Ghazali de son poste de sous-secrétaire des Waqfs et d'imam de la mosquée de 'Amr. Victime de brimades et d’une série d’interdictions, Al-Ghazali se trouve enfin contraint de quitter le pays.

Outre ses mérites de savant azharite, al-Ghazali est reconnu comme réformateur religieux, philosophe, penseur éclairé et écrivain honnête et courageux. Il est également considéré comme ennemi de l’extrémisme religieux et artisan du dialogue islamo- chrétien. Il est auteur de nombreux livres portant en général sur le dogme, l’exégèse, le droit musulman, le hadith, la biographie prophétique, l’éthique, la spiritualité, les méthodes de prédication, la civilisation arabo-musulmane, la relation entre l’Islam et le christianisme, l’économie, le totalitarisme politique, les problèmes sociaux, le communisme, le capitalisme, l’impérialisme, les droits de l’Homme, le nationalisme arabe, l’orientalisme, etc. Il a consacré une bonne partie de ses écrits à la femme et à la défense de ses droits violés au nom de la religion. Ses conclusions à ce sujet sont bien exprimées dans ses ouvrages « La Femme entre les traditions figées et les mœurs étrangères. » et « Réflexion sur la condition de la femme. ». Parmi ses ouvrages les plus connus figurent « Le Fanatisme et la tolérance entre le Christianisme et l’Islam. », « L’Islam et le totalitarisme politique », « L’Islam et les systèmes sociaux. », « l’Islam et l’économie. », « Le Dogme du Musulman », « L’Islam et le despotisme politique. », « La Vérité amère. », « Les Droits de l’Homme entre l’Islam et la Déclaration des Nations-Unies. », « Cent questions sur l’Islam. », « L’avenir de l’Islam hors de sa terre. », « L’Islam et l’invasion rouge »,

« L’Islam et les énergies inexploitées. », « La Famille musulmane et les défis de l’époque », « La corruption politique », « L’Invasion

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culturelle », « Vers une interprétation contextuelle du Saint Coran ». Dans ce dernier livre, Al-Ghazali s’oppose avec vigueur aux littéralistes qui comprennent mal le Coran et compliquent la vie des fidèles. Il juge nécessaire d’interpréter le Coran à partir d’une vision plus large et plus consciente. Enflammés de colère contre lui pour avoir critiqué leur pensée, les wahhabites l’ont accablé des critiques les plus acerbes et mis leurs adeptes en garde contre ses idées qu’ils qualifiaient d’acharites.

Sa défense des droits de la femme contre l’archaïsme tribal, sa critique du califat omeyade, abbasside et ottoman, son interprétation figurée des Attributs divins, son insistance sur la vérification du patrimoine religieux pour en éliminer les préjugés et sa lutte continuelle contre l’autocratie constituent, avec beaucoup d’autres questions, l’axe du conflit entre lui et le courant wahhabite généreusement financé et largement médiatisé. Un duel d’accusations et de contre-accusations s’est engagé entre lui et le courant intégriste. Dans divers endroits de ses ouvrages, Al-Ghazali crache sa rage aux intégristes wahhabites en les accusant de vanité et d'étroitesse d'esprit. Dans l'ouvrage en question par exemple, il les décrit dans ces termes : « Ils prétendent être les défenseurs des traditions des pieux ancêtres alors qu’en vérité ils répandent une pensée qui met en péril la paix et le bien-être de l’humanité. ».

La foi, la liberté, l’égalité, la justice sociale et la démocratie représentent les thèmes majeurs de ses ouvrages. Dans la plupart de ses écrits et ses prêches, il défendait ces valeurs qu’il considère comme fondements inhérents à l’Islam.

Dans beaucoup de ses ouvrages, Al-Ghazali affirme que la bonne compréhension de l’Islam exige une vision plus profonde et un bon ordre de priorité. Il indique que pour mieux comprendre le Livre de Dieu et la tradition prophétique, il est nécessaire de profiter de toutes les écoles musulmanes de pensée, d'encourager les découvertes utiles, d'étudier les théories philosophiques, la psychologie, la sociologie, l’Histoire, les sciences politiques et économiques, etc. Il estime qu’à notre époque, nous sommes comme des myopes ayant besoin d’une lentille pour voir plus loin et plus clair.

Les écrits d'Al-Ghazali ne manquent pas d'indulgence et de docilité religieuse. D’après lui, le bon croyant est celui qui trouve

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des excuses aux pécheurs et évite de les accabler de reproches. Son rôle consiste à tendre la main à ceux qui trébuchent et à être juste envers tous les hommes, musulmans et non-musulmans. Dans l'ouvrage en question par exemple, Al-Ghazali reproche aux intégristes leur intolérance scandaleuse et leur tendance à tout interdire. Il les décrit comme des prisonniers du passé qui incarnent un islam purement historique.

Al-Ghazali est d’avis que ceux qui prêchent l’Islam à l’époque actuelle n’ont pas la capacité de bien distinguer le fondamental du secondaire, le prioritaire de l’accessoire. D’après lui, ces religieux ne font que se combattre pour des questions futiles et attaquer des ennemis imaginaires. Il met en garde contre les nombreux religieux qui se servent de l’Islam pour réaliser des profits personnels ou satisfaire un désir coupable.

Al-Ghazali considère les mauvaises pratiques qui se sont greffées sur cette religion ont fini par déformer son image partout.

Il a mis en évidence ces pratiques dans quelques-uns de ses ouvrages dont par exemple : « Pratiques non-islamiques », « Les Fondements de la foi entre le cœur et la raison. », « La Prédication musulmane au 15e siècle de l’hégire »…

Persuadé que l’Islam raisonné est la Référence de toute réforme, Al-Ghazali a marché sur les traces de ses prédécesseurs réformistes comme Hassan al-‘Attar (1766-1835), Djamal ed-Dine al-Afghani (1838-1897), Mohamad ‘Abdo (1849-1905), ‘Abdel Rahman al- Kawakibi (1855-1902), Mohamad Rachid Ridha (1865-1935) et autres. Il est considéré par un bon nombre de penseurs et de religieux musulmans comme la grande figure du modernisme islamique au XX e siècle.

Le traducteur

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Préface de l’édition de 1986 (Constantin)

Dans les courts intervalles qui séparent mes discours, mes conférences et mes séances de fatwa, j'ai eu l’occasion d’écrire ce petit livre dans un langage plus franc et plus précis que celui que j’ai tenu dans mes anciens écrits sur ce sujet.

Au fil des jours, je mets plus de confiance dans la méthode que j’ai adoptée pour servir l’Islam, transmettre son Message et repousser toute atteinte portée à ses vérités évidentes. Au début de ma carrière en Algérie et après l’inauguration de son université islamique, j’ai constaté que les difficultés rencontrées dans le domaine religieux se répétaient aussi bien dans le Maghreb arabe que dans l’Orient musulman. Les prédicateurs éclairés, à n’en pas douter, sont peu nombreux et les Gens du Rappel doués de réflexion sont de plus en plus rares. En même temps, la colonisation culturelle, sociale et politique s’évertue sans relâche à exécuter son projet destructeur dans une terre presque sans défenseurs. Il arrive souvent que les quelques fidèles qui se consacrent à la défense de cette terre se fassent du mal à eux-mêmes, à leurs siens et à leur patrie en comprenant les choses de travers et en se laissant emporter par des réactions émotionnelles comme l'ours qui a tué son maître pour le préserver d’une piqûre d’insecte.

Très inquiet pour l’avenir de ma communauté, je me suis livré, avec empressement, à la rédaction de ce livre dont la première édition a vu le jour au Caire. On m’a suggéré de le rééditer ici en Algérie, suggestion acceptée sans hésitation aucune de ma part.

Franchement dit, la publication de ce livre en Algérie est plus significative ; car, en l’écrivant, j’étais profondément ému par les sacrifices de cette nation à qui l'Islam a donné la force pour vaincre les colonisateurs les plus odieux du monde. Vaincus sur le champ de bataille, ces colonisateurs n’ont pas tardé à emprunter des voies tortueuses pour freiner son progrès et compromettre son avenir.

Mais l’Algérie musulmane était attentive ; elle tâtonnait son chemin vers le progrès et puisait dans sa foi invincible la force nécessaire pour contrecarrer le courant athée et libertin qui s’y infiltrait malicieusement pour détruire son avenir.

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En vérité, les populations musulmanes - et non pas seulement celle algérienne - ont vraiment besoin des prédicateurs bien instruits dans la religion et tout-à-fait capables de purifier l’Islam des idées dictées par les passions des anarchistes et des despotes de toutes les époques islamiques.

Dans ce livre, j’ai adopté un style concis ; le lecteur intéressé est prié de se référer à mes écrits qui abordent ce sujet en détail.

C’est pour obtenir l’agrément d’Allah que j’ai écrit ce livre.

Mohamad Al-Ghazali Constantin – Algérie 1986

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Préface de l’édition de 1985 (le Caire) Au nom du Miséricordieux, le Tout Miséricordieux.

Nos religieux consacrent leurs efforts à critiquer les sociétés séculaires et à mettre en garde contre leurs errances morales. Mais à quoi sert cette critique si les religieux eux-mêmes ne sont pas conscients de leurs propres défauts et n’œuvrent pas non plus pour le progrès de leur communauté ?! Le pauvre peut critiquer le riche et démasquer ses défauts ; mais quel intérêt peut-il avoir en le critiquant ? Cela peut-il calmer les douleurs de sa faim et lui procurer de quoi cacher sa nudité ?!

Depuis longtemps, je suis convaincu que le mal vient de nous- mêmes et que notre héritage culturel n’est pas inspiré de l'Islam ; mais plutôt des traditions étrangères à cette religion. Je m’aperçois que les commandements principaux de l’Islam dans les domaines politique, économique et social sont ouvertement violés pour plaire à un despote ou conserver les traditions d'un peuple. Les actes d’adoration sont devenus machinaux, la morale a perdu son empire et les rapports humains sont dominés par les passions et les tendances. On peut dire que le conflit se déroule, ces derniers temps, entre un islam « mal interprété, mal-appliqué » et des

« visions de réforme éclairées et très courageuses »…

Les anciens Gens du Livre ont altéré en quelque sorte la Parole de Dieu. Mais pour nous les Musulmans, nous l’avons interprétée au gré de nos passions morbides et terni son éclat éternel. Il est temps de dévoiler notre vérité au monde entier : nos pays musulmans, que vous définissez en tant que pays anarchiques, ont perdu de vue les commandements divins et les nobles recommandations du Prophète. Ce que vous voyez dans nos pays, c'est l’égarement d'une communauté qui a rejeté son patrimoine religieux et qui s’est laissé aveuglément conduire par sa passion.

Sous le poids lourd de son égarement, cette communauté résiste à quiconque veut la ramener au chemin de Dieu. Elle s’attache à son passé de défaites et tourne le dos à la vérité et à la sagesse, sources de la supériorité inégalée de leurs ancêtres.

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Dans mon for intérieur, je sais l’effet que pourrait produire ma parole sur l’esprit de certains. Quelques-uns peuvent se dire : c'est un pratiquant qui cherche à nous conduire à la mosquée et à nous parler du monde spirituel et de la vie future. Et j’aimerais leur dire que je suis pratiquant comme ils le pensent ; je ne cache ni mon attachement à la mosquée ni ma préoccupation de l'Au-delà. Cacher les vérités révèle une hypocrisie flagrante et un mensonge éhonté.

Ma tendance religieuse, au présent comme au passé, est profondément enraciné dans mon esprit.

Dans mes anciens écrits, j’ai abordé maintes fois la décadence arabo-musulmane. Mais ici, j’ai adopté une méthode plus hardie après avoir vu un nombre de soi-disant prédicateurs entraîner les peuples islamiques, accablés d’épreuves, vers le même chemin de souffrances et de défaites successives. J’ai entendu s’élever la voix des ignorants, soutenus par des forces méchantes, et baisser, en revanche, la voix des réformateurs ; car ces derniers sont traqués partout par les ennemis de la vérité qui redoutent les conséquences d’une renaissance islamique. Il arrive parfois qu’on trouve, parmi les ennemis de l'Islam, des personnes qui se disent bonnes musulmanes et qui persistent à parler au nom de l’Islam. De quoi parlent-elles ?! Elles parlent des problèmes illusoires et laissent passer sous silence des problèmes effectifs. Parfois, elles dévoilent les défauts de la communauté musulmane sans, pour autant, les rectifier à la lumière des principes de l’Islam et de sa politique sage.

Mon allégeance est à l’Islam transmis par le Prophète et suivi par les califes bien-guidés et non pas à l’Islam mal-interprété par les ignorants et les dirigeants qui gouvernent en son nom, quelles que soient leurs prétentions.

Mohamad Al-Ghazali Le Caire, 1985

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En quoi consiste le mal ?

J'étais étonné d'entendre quelqu’un dire que le communisme avait réuni sous son étendard le milliard de Chinois malgré l’immensité des territoires alors que l’Islam s’était avéré incapable de réaliser l’unité du milliard de Musulmans. En guise de réponse, je lui ai dit :

-« Oh ! Mon pauvre ami ! Comprends-tu vraiment ce que tu dis ?! ».

-« N’ai-je pas dit la vérité, monsieur ?! ».

- « Si le communisme avait eu la capacité d’unir, il aurait pu mettre fin à la rupture sino-soviétique et la scission qui a eu lieu entre le bloc de l’Est communiste et l’URSS ! »

« Les causes de cette scission sont assurément occasionnelles. ».

« Tu aurais dû chercher les causes effectives de la désunion musulmane au lieu de prétendre que l’Islam est incapable de reconstituer l’unité islamique. ».

Préoccupé de chercher les causes profondes du déchirement musulman, j’ai laissé mon esprit aller au gré des associations d’idées …

La communauté musulmane subit des fissures gigantesques.

Elle est subdivisée en soixante-dix nations ou nationalités politiques comme les définissent les Nations-Unis et les

« passeports ». L’Islam, dogme et loi, est vu comme une pièce de monnaie désuète et ses adeptes sont opprimés sans pouvoir se défendre. Les loups féroces de l’Orient et de l’Occident attaquent violemment les Musulmans et en dévorent les troupes égarées sans résistance aucune alors que la simple offense faite à un Juif en Russie par exemple suffit pour provoquer une vague de bavardage sur les Droits de l’Homme et l’antisémitisme. Le meurtre de centaines et de milliers de Musulmans en Afrique, en Asie ou en Europe n’est pas catastrophique. Quelques slogans de colère peuvent être scandés par quelques zélés musulmans ; et petit-à-petit

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la colère s’apaise et le crime s’enterre, comme d’habitude, dans la tombe de l’oubli. A quoi tient cette faiblesse honteuse ?! A quoi tient cette indifférence coupable ?! A vrai dire, les causes en sont nombreuses : causes politiques, sociales et culturelles remontant à tant de siècles.

Le virus peut être éliminé par un système immunitaire fort. Il peut réussir à pénétrer dans les cellules en absence d’immunité vigilante ; et dans ce cas, le patient doit se guérir par un remède puissant pour s’en débarrasser définitivement. C’est vrai que les palliatifs peuvent adoucir les maux et en alléger les symptômes ; mais avec le temps, le patient succomberait sous les attaques impitoyables du virus…

Il y a deux siècles, les Musulmans étaient redoutables et dignes malgré les nombreuses défaites qui pesaient lourdement sur eux.

Les navires marchands naviguant sur les côtes de l’Afrique du Nord devaient payer des taxes de passage en échange de la protection musulmane. En Algérie, lors d'une séance tenue par des historiens et politiciens, j'ai entendu que George Washington, le héros victorieux de la Guerre d’Indépendance des Etats-Unis, avait adressé une lettre amicale au Dey d’Alger le sollicitant d’assurer la protection aux navires américains. A cette époque-là aussi, les Algériens ont refusé, malgré la médiation ottomane, de conclure un armistice avec quelques pays européens et n’ont pas tardé à leur faire subir des défaites humiliantes. Rappelons que ces évènements remontent à deux siècles seulement. Mais aujourd'hui, tout a changé.

Le califat n’était pas la victime d’un coup perfide ou d’un assassinat imprévu. Le califat titubait comme un ivrogne perdant l’équilibre. Les maux dévastateurs ont envahi la communauté toute entière et rongé petit-à-petit sa structure solide. Il est arrivé que lorsque le dernier calife 'Abdlülmecid II est tombé dans le piège des Anglais, ces derniers ne lui ont pas fait du tort ; il était, aux yeux des maîtres anglais, trop méprisé pour être à craindre. Ils ont remis son destin aux mains de son peuple ou plutôt de leurs agents ennemis du califat et défenseurs du régime irréligieux. On peut dire que le grand Etat islamique, noyé longtemps dans un tourbillon d’égarements, s’est écroulé de lui-même avant d’être ouvertement

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attaqué par les troupes ennemies. Et c’est à nous maintenant qu’incombe la responsabilité de méditer et de chercher les causes profondes de cet écroulement…

L’Islam est le dernier message envoyé par Dieu aux hommes.

Les récits des anciennes communautés sont narrés dans une bonne partie du Coran. Cette narration coranique a pour but d’attirer l’attention de la communauté musulmane sur le pourquoi du progrès et de la chute des nations. Mais au lieu d’en tirer leçon, les Musulmans lisent, peut-être, ces récits pour s'amuser ; leur indifférence coupable et persistante à ce propos fait croire qu’il s’agit d’un discours dans le vide ! Ce qui est étrange, c'est que les Musulmans sont injustes envers eux-mêmes et qu’ils attendent, néanmoins, une vie prospère et heureuse ! Ils se sont enfoncés, et s'enfoncent encore, dans une perversion morale et politique et se considèrent pourtant comme des serviteurs fidèles au Seigneur !

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Les lois divines régissant le sort des nations du point de vue du Coran

Avant d’analyser les maux de la communauté musulmane, il convient de jeter la lumière sur les lois divines régissant le sort des nations. Ces lois sont aussi justes et exactes que les lois scientifiques qui régissent, par exemple, la navigation des bateaux et le mouvement des machines. Ces lois sont bien détaillées dans le Coran :

(1) Dans la sourate al-Kassas : les conséquences néfastes de l’autocratie, du despotisme politique et économique et de l’opulence orgueilleuse sont conclues dans ce verset :

« Cette dernière demeure, Nous la réservons à ceux qui ne veulent être, sur Terre, ni altiers ni corrupteurs. Et ce sont ceux qui craignent leur Seigneur qui auront la fin la plus heureuse1. ».

Les Musulmans ont-ils pris l’initiative de lutter contre le Pharonisme despotique2 et le Qaronisme thésauriseur3 ou bien ont- ils laissé ces maux sévir comme en témoigne notre histoire proche et lointaine ?

(2) Dans la sourate Joseph : l’exil, la tentation, l’injustice et la prison sont des épreuves dont Joseph était victime. En contemplant l’histoire de ce Prophète, on ne peut passer sans remarquer deux lois divines tracées dans ces deux versets :

« Quiconque craint Dieu et se montre patient en reçoit la récompense, car Dieu ne frustre jamais les hommes de bien de leur récompense4.».

« Et ne désespérez point de la miséricorde de Dieu, car seuls les négateurs désespèrent de la bonté divine5 ! ».

1 Le Coran, al-Qasas, 83.

2 « Pharaon » dans le Coran représente le symbole du despotisme et de l’injustice (Note du traducteur)

3 Coré « ou Quaroun » est le symbole de la cupidité et de l’avarice.

4 Le Coran, Youssef, 90.

5 Le Coran, Youssef, 87.

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La première loi, qui est, à coup sûr, une loi morale, montre la récompense due à la probité alors que la deuxième met en relief la nécessité de se confier en Allah malgré les difficultés rencontrées dans la création d’un avenir meilleur.

Avons-nous enseigné à notre jeunesse ces lois ou bien avons- nous sombré dans l’absurdité et l’insignifiance ?

(3) La sourate Mohamad commence par ce verset : « Dieu vouera à l’échec les agissements de ceux qui non seulement ne croient pas eux-mêmes mais s’emploient aussi à détourner leurs semblables de Sa Voie6. »

Dans ce verset qui sert d’exorde, ne s’aperçoit-on pas que l’athéisme, si armé soit-il de connaissances savantes, aura une fin malheureuse et que les incroyants et les corrupteurs, si intelligents qu’ils soient, se verront privés de la bénédiction divine et voués à l'échec et à la perdition ? Ne s’aperçoit-on pas que la foi et la réforme sont les seules à être prises en compte ?

(4) L’espérance et la crainte sont deux sentiments naturels mais dont l’excès dégénère en convoitise enragée et lâcheté humiliante.

Ces maux de l’âme peuvent-ils dominer une personne ou un peuple qui croit à cette Parole divine : « La miséricorde que Dieu accorde aux hommes, nul n’est en mesure de la retenir. Et ce qu’Il retient, nul autre que Lui ne peut lui donner libre cours, car Il est le Tout- Puissant, le Sage7. » ?

Les troubles psychologiques, les hôpitaux psychiatriques et le taux de suicide augmentent en Occident. Le manque de spiritualité et le matérialisme poussé à son paroxysme en sont des causes majeures. Quelles mesures avons-nous prises pour protéger la communauté musulmane contre ce danger fatal ? Réfléchissons ensemble sur les grands événements de l’histoire et les expériences des peuples, anciens et contemporains, puis posons-nous cette question : Quelle leçon avons-nous tirée du discours coranique à cet effet ou plutôt de ces lois universelles qui méritent une réflexion avertie :

6 Le Coran, Mohamad, 1.

7 Le Coran, Fatir, 2.

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(5) « Allah ne fait jamais prospérer l’œuvre des pervers ! Il par Ses arrêts, confirme toujours la Vérité, n’en déplaise aux criminels8. »

(6) « Allah use de cette image pour bien établir la différence qu’il y a entre le Vrai et le faux, car l’écume inconsistante s’en va au rebut, tandis que ce qui est utile aux hommes se dépose sur le terrain. Ainsi, Allah propose des paraboles utiles9. »

(7) « Le mauvais et le bon ne pourraient avoir la même valeur, même si le mauvais te séduit par son exubérance10. »

(8) « Si Dieu vient à votre secours, nul ne pourra vous vaincre

; et s’Il vous abandonne, qui donc, en dehors de Lui, pourra vous secourir11 ? »

(9) « Nous avons élevé certains d’entre eux au rang de chefs spirituels, pour les diriger suivant Nos ordres, aussi longtemps qu’ils se sont montrés persévérants et fermement convaincus de Nos signes12. »

(10) « C’est que, en effet, Dieu ne modifie en rien les bienfaits dont Il gratifie un peuple qu’autant que ce peuple modifie lui-même son comportement, car Dieu est Audient et Omniscient13. »

Ces dix lois divines, une fois mises en application, peuvent assurer aux nations et aux civilisations la protection contre l’écroulement. Elles sont de nature à approfondir la foi et à faire régner les bonnes mœurs ; c’est pourquoi, il faut en généraliser l’étude et en montrer les bienfaits. Quelle que soit l'importance des questions secondaires de la jurisprudence musulmane, l’étude et la réflexion sur ces lois divines sont plus prioritaires et plus efficaces

8 Le Coran, Youness, 81. 82.

9 Le Coran, ar-Ra’ad, 17.

10 Le Coran, al-Ma’ida, 100.

11 Le Coran, al-‘Imran, 160.

12 Le Coran, as-Sajda, 24.

13 Le Coran, al-Anfal, 53.

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; car il s’agit d’évidences constantes dont les preuves sont irréfutables.

Quant à la divergence portant sur les nombreuses questions de fiqh, il s’agit de simples points de vue dont les auteurs – ayant raison ou non – auront la même récompense comme l’indiquent les savants qui jugent valide tout effort d’interprétation ou bien une récompense inégale selon les savants qui en favorisent ceux ayant- raison. Quelques jurisconsultes disent par exemple qu’il est obligatoire de réciter la sourate al-Fatiha à la fin de sa récitation par l’imam, alors que d’autres précisent qu’il n’est pas autorisé de la réciter. Peu importe lequel des deux avis est plus juste, le fidèle a le droit d’en adopter comme bon lui semble. La religion ne sera ni redressée ni détruite en appliquant l'un de ces deux avis. La corruption de la religion et de la vie en général est due, en vérité, à la perversion, à l’égoïsme, à l’attachement aux passions et au mépris des lois divines qui donnent la supériorité aux pieux et frustrent les ignorants de leur labeur.

A ce propos, j’aimerais vous transmettre le témoignage du cheikh érudit Mohamad Rachid Ridha qui vient à l’appui de notre thèse :

« Les auteurs, prédécesseurs et contemporains, n’ont rien négligé dans les sciences du Coran et de la Sunna. Mais ils ont négligé de mettre en lumière les lois divines qui régissent le sort des nations et qui figurent dans le Coran et la sunna. Ils n’ont pas pris soin d’interpréter les textes relevant de ce domaine pour exhorter les fidèles à en tirer leçon. S’ils avaient accordé à ces lois le même intérêt qu’ils accordent aux questions secondaires de la religion et aux règles de la dialectique, ils auraient préservé la vie religieuse et profane de la communauté musulmane. L’étude de très petits détails des questions de fiqh comme dans celles de l’impureté, de la purification rituelle, de la vente à terme, du louage ne doit pas nous faire oublier les lois divines qui régissent l’univers. Ce domaine, il faut le croire, fait partie de la théologie musulmane ou, au moins, occupe une place juste après. ».

Les ulémas prévoyants étaient conscients de l’importance de ce champ. Définissant le niveau des connaissances religieuses

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nécessaires, Abu Hamid Al-Ghazali dit dans kitab al-‘Ilm (chapitre de la science) de son ouvrage Ihya’ ‘Oloum ed-Dine (La revivification des sciences religieuses) : « Il est vivement recommandé au fidèle d’être versé dans la connaissance du Très- Haut, de Ses Attributs, de Ses œuvres, de Ses lois régissant l’univers, de Sa Sagesse dans la création du monde terrestre et du monde céleste. Raison pour laquelle, cette connaissance doit occuper une place très distinguée. ».

Abu Hamid al-Ghazali préférait les ulémas versés en la matière aux apologistes et aux jurisconsultes. Al-’Iz Ibn ‘Abdel Salam, interrogé à ce sujet, a partagé son point de vue.

Al-Ghazali indique que les grands Compagnons - qu'Allah les agrée tous ! – étaient les maîtres de cette science. A l’appui de sa thèse, il rapporte le témoignage de ‘Abdullah Ibn Mass’oud au sujet de ‘Omar Ibn Al-Khattab : « A la mort de ‘Omar, la plupart des connaissances ont disparu. ».

‘Omar Ibn al-Khattab - qu'Allah l'agrée ! – était expert dans la connaissance du caractère des peuples. Il connaissait les principales causes de la prospérité et de la chute des empires ainsi que les moyens par lesquels les pays peuvent se protéger, dominer et jouer leur rôle dans le monde. La politique de ce calife bien-guidé en matière d’économie et de commandement est révélatrice d’une conscience profonde de l’Islam et de ses finalités suprêmes.

En assumant leur mission universelle, les premiers Musulmans incarnaient l’idéal de la religion musulmane. Les gouvernants et les gouvernés étaient conformes aux enseignements de l’Islam et attentifs aux lois divines appliquées aux nations antérieures. Abu Bakr était le premier à accéder au califat à la suite d’une délibération (chura) entre les grands compagnons du Prophète et d’un serment collectif d'allégeance. Devenu calife, Abu Bakr a mené une vie plus austère que celle qu’il menait lorsqu’il était marchand. Avant sa mort, il a fait don de tout l’argent, qu’il a reçu en salaire, à Bayt el-mal (Trésors Public). Agissant ainsi, il cherchait la satisfaction divine en considérant ses services rendus à la communauté comme un devoir de dévotion.

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‘Omar a succédé à Abu Bakr après un sondage d'opinion publique qui devait inévitablement avoir lieu ; car l’armée musulmane était en guerre, aussi bien à l'Est qu'à l'Ouest, avec les Perses et les Byzantins. Dans cette situation critique, l’idée de tenir des élections était inconcevable. Devenu calife, ‘Omar a suivi l’exemple de son prédécesseur Abu Bakr en matière de justice et de moralité jusqu’au jour où il a été assassiné par un envieux brutal lorsqu’il présidait la prière à la mosquée. Il a mené une vie ascète durant son mandat de calife ; il n’a pas agi comme les avides du pouvoir qui s'engraissent de leurs postes de commandement.

En exerçant son pouvoir de calife, ‘Omar tenait à ce que les peuples conquis, opprimés par les despotes déchus, découvrent une autre conception du pouvoir. A peine informé que le fils de ‘Amr Ibn al-’Ass, wali d'Egypte, avait rudoyé et flagellé un Copte, ‘Omar a fait venir ce dernier et lui a donné l’ordre de flageller l'agresseur, fils du wali koraïchite. L'histoire des Perses et des Romains ou même l’histoire récente des Anglais et des Français renferme-t-elle une leçon semblable ?!

Uthman a succédé à ‘Omar à la suite d’une délibération entre les grands Compagnons du Prophète. Il était riche avant et après l’Islam. Un jour, il a tiré son domestique par l’oreille et pensé lui avoir fait du mal. Tourmenté par les remords, il a demandé à son domestique de se venger en lui rendant la pareille ; mais, le domestique, par révérence pour son maître, a refusé de le faire.

Mais, ‘Othman a insisté de peur qu’Allah ne lui en demande compte le Jour du Jugement Dernier. Ce calife, compté parmi les dévots les plus attachés à Dieu – a été assassiné lors d’une sédition excitée par les Juifs et les Mages et enflammée par l’esprit crédule des Arabes. Sans doute, les Arabes étaient de braves guerriers ; mais inexpérimentés dans l’art du complot où les Païens et les Gens du Livre des peuples conquis étaient maîtres.

A la mort de ‘Uthman, ‘Ali est devenu le quatrième calife des Musulmans. C’était un homme sage, un brave chevalier et un dévot zélé qui a renoncé aux délices de la vie. Les vertus de l'Islam se sont incarnées en sa personne et manifestées dans ses services rendus à la religion. Déçu par ses partisans et trahi par ses

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adversaires de guerre, ‘Ali a rendu l’âme au Seigneur ; et à sa disparition, le califat bien-guidé a pris fin.

Dans le califat biens-guidé, on remarque quelques particularités qui méritent d’être signalées. Le calife était le plus compétent pour commander la communauté musulmane. La chura (délibération des affaires importantes) était appliquée et respectée de tous ; le despotisme et l’égocentrisme étaient presque inconnus. Le calife était ferme dans la gestion des biens publics : il s’interdisait de s’en emparer et de les faire exploiter à son compte. De plus, l'application de l'Islam et le travail en sa faveur, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur, étaient son principal souci. On peut dire que les pratiques du califat, au premier temps de l'Islam, reflétaient l’Islam idéal et étaient à l’origine de la bonne réputation de la communauté musulmane à ce temps-là. Puis, une sorte de recul - qu'il faut bien analyser – a commencé à apparaître à cause des Arabes eux-mêmes.

Outre leurs tendances individualistes et excessives, les Arabes sont, profondément, dominés par le fanatisme tribal et la fierté ancestrale. C’est vrai que l’Islam a réprimé en eux ces élans réactionnaires ; mais, cette race, par sa nature rebelle à la correction, n’a pas tardé à briser les restrictions religieuses et à s'imposer au pouvoir politique puis successivement aux domaines social, économique et moral. Cette infiltration arabe, rebelle aux recommandations de l’Islam, a commencé avec hypocrisie malicieuse au temps où la foule musulmane, arabe et non-arabe, était fidèle à sa religion et tenait à vivre paisiblement sous son égide. Comment les Arabes, dominés par le fanatisme tribal, ont-ils pu tromper les foules croyantes ? Ils ont commencé par faire croire aux gens qu’ils élevaient haut l’étendard de la religion !

Je suis vraiment étonné : pourquoi un Arabe né dans les plaines arides de la Mecque voit-il en ses descendants, et en eux seuls, la capacité de gouverner les rives du Pacifique, de l’Indien et de l’Atlantique ?! Son père était-il le roi de la péninsule arabe, de la Grande Syrie, ou de l’Iraq ?! Qu’est-ce que la communauté musulmane a gagné sous ce pouvoir héréditaire ou plutôt ce

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fardeau accablant ? Que gagne la religion elle-même sous le règne de ces monarques, quelque puissants qu’ils soient14 ?!

Les fils d'Omayya et plus tard les fils d'al-'Abass ont arraché le califat aux mains des compétents en s’imposant comme califes et en nommant leurs proches-parents aux postes de commandement.

Leur monopole du pouvoir a été justifié par le fait qu'ils étaient les plus aptes à servir l'Islam et à le diffuser partout !

Le lecteur pourrait se demander : il s’agit d’une histoire ancienne, à quoi nous sert de la déterrer ?!

Réponse : nous ne visons pas par-là à critiquer des individus ou une race ; nous visons plutôt à défendre une religion prise pour responsable de ces dérives. En réalité, le pouvoir était le premier maillon qui s’est détaché de la chaîne solide de l’Islam. Sous presque tous les règnes, les grands hommes de l’Empire ont terni l’image de l’Islam à cause de leurs agissements condamnés par la religion. Le calife, en effet, n’était ni le plus compétent ni même parmi les hommes compétents ; les habiletés et les conditions requises pour ce poste n’étaient pas prises en compte. Pire encore, l’organisme de chura a été affaibli puis détruit de fond en comble ; la gestion des affaires a été confiée à un despote s'attribuant tous les mérites et toutes les compétences. Les mains corrompues ont été laissées pour s’emparer des biens publics et les grands cadeaux ont été offerts aux partisans et aux flatteurs de la cour. La pratique de l'Islam authentique, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur, s’est mise à diminuer. On peut dire qu’il n’y avait pas d’organisme officiel chargé de prêcher l’Islam dans le monde. Rien d’étonnant donc à ce que les non-Musulmans ignorent l’Islam et qu’ils le réduisent à une idéologie guerrière.

14Peu importe la région ou la race à laquelle appartient le calife. Ce qui importe, c’est la compétence nécessaire pour occuper ce poste et assumer ses charges. L’Islam s’oppose à ce qu’un homme incompétent accède à ce poste sous prétexte d’appartenance à une certaine région ou tribu.

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Peut-être, le lecteur pourrait-il en déduire que cette évolution survenue dans la politique a pétrifié l’Islam du jour au lendemain.

Non, ce n’est pas vrai.

L’Islam n’est pas absolument un parti politique aspirant au pouvoir. Il est une religion qui domine les âmes et façonne les idées.

Il éclaire les esprits par ses dogmes, ses cultes, ses traditions, son éthique et ses enseignements. Le pouvoir exécutif faisait partie intégrante de sa politique jusqu’au jour où il a été usurpé par des indignes. Même sous le règne de ces derniers, il y avait un grand nombre de savants, d’enseignants, de prédicateurs, d'initiateurs, d’ouvriers pieux et de gouverneurs zélés qui servaient fidèlement l’Islam et élargissaient partout son domaine d’influence. Ainsi, peut-on dire que l’usurpation du pouvoir était un mal que l’Islam, cette structure solide, a pu supporter comme un bien-portant endurant un mal de tête ou un jeune robuste supportant un vertige subite. Le vrai mal a sévi au fil des époques avec les défaites successives, la fragilité de l’Etat, la faiblesse de son système immunitaire face aux virus latents qui rongent impitoyablement sa structure...

Donc, l’usurpation du pouvoir était, comme déjà dit, un mal qui pouvait être passager et dont les symptômes pouvaient disparaître avec le temps. Mais, ce qui a empiré ce mal et en a assuré la perpétuité consiste, en premier lieu, dans le fanatisme tribal et les tendances bédouines qui ont généré des maux plus importants dont nous avons tant parlé ailleurs. Citons-en, par exemple, le loyalisme qui a primé la compétence scientifique, religieuse et administrative et l’idéologie défaitiste qui a fait croire que le progrès et le déclin étaient le fruit du hasard ou l’effet d’une fatalité imprévue comme le trépas décrit par le poète arabe Zuhair dans ce vers :

Le trépas frappe aveuglément les gens comme une chamelle qui piétine ce qui se trouve à ses côtés et seul le hasard protège contre son attaque inconsciente !

Cette conviction suffit pour détruire des nations ; que peut-on penser alors de son impact négatif sur l’Islam, ce message universel ?! Le plus pire, c’est que la corruption s'est étendue pour toucher le champ religieux lui-même. J’ai vu, par exemple, des

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hommes de religion sous-estimer la chura en affirmant que le dirigeant, en prenant une décision, n’est pas tenu d’appliquer ce principe facultatif. Ces religieux se sont fondés, en effet, sur une ancienne interprétation mal-fondée ; c’est pourquoi, les reproches doivent être adressés à l’exégète qui, en expliquant le verset « (O Mohamad) consulte-les quand il s’agit de prendre une décision

!15 », a ajouté en guise de commentaire : « Puis, rejette leur consensus ; et fais ce que tu penses être le mieux ! ». D’après cette interprétation invraisemblable, le Prophète Mohamad n’avait pas besoin de consulter les Compagnons ; puisqu’il est infaillible dans ses vues ! A quoi sert donc l’ordre divin de consulter ?! En lisant les propos de ces religieux, il me vient à l’esprit l’histoire de Pharaon qui s’est adressé à son peuple en disant : « Ce que je vous propose est le meilleur parti à prendre et la voie que je vous indique est sûrement la bonne16 » ; « Je crains que Moïse n’altère votre religion ou qu’il ne sème la corruption sur la Terre17. ». Pharaon, le despote, veut se débarrasser du Prophète Moïse qui sème la corruption sur terre ! C’est la bonne voie que Pharaon a indiquée aux crédules !

Dans les régimes autocratiques, on a l’habitude d’être très généreux envers les loyalistes et très sévère à l’égard des opposants.

Dans ces sociétés autoritaires, la probité n’est pas appréciée, le courage de dire la vérité peut coûter la vie ; alors que l’hypocrisie est un accès large au luxe et à la dignité. N’est-ce pas à cause de cela que la vie religieuse et profane de notre communauté a été corrompue ?

Les principes s’écroulent, l’intérêt parle haut, la passion commande... Adieu l’amour et la haine en Dieu ! Vive l’hypocrisie qui ouvre la voie vers le prestige et la richesse !

Il me vient à l’esprit l'histoire de Djarir qui est venu voir

‘Abelmalek Ibn Marwane, calife de grand prestige et deuxième fondateur du califat omeyyade, pour lui réciter son poème célèbre qui commence par :

15 Le Coran, al-‘Imran, 159.

16 Le Coran, Ghafer, 29.

17 Le Coran, Ghafer, 26.

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« Avez-vous l'esprit présent ? ».

« C'est ton esprit qui n'est pas présent. », commente ‘Abdel Malek, exprimant son mécontentement de ce vers initial.

Le poète a continué son poème jusqu’au vers suivant :

N’êtes-vous pas le meilleur chevalier et le généreux par excellence ?!

Emu des louanges poétiques, ‘Abdelmalek a fièrement répondu : « Si, nous le sommes. » ; en guise de récompense, Bayt el-mal (Trésor public) s’est ouvert à deux battants devant le poète pour choisir son cadeau très généreux. C’est un exemple qui démontre que les dons des califes octroyés aux flagorneurs étaient irresponsables et sans limite. Est-ce pour cette raison que le Trésor Public a été fondé ?!

Un ami m’a dit : une délégation égyptienne de cent personnes ou plus s’est rendue à Washington à la suite de la conclusion du Traité de Camp David. On a préparé, en son honneur, un festin à la Maison Blanche. Mécontent d’avoir vu un festin préparé pour ce grand nombre de personnes, un journaliste américain écrit : « Le citoyen américain ne paye pas les impôts pour ce genre de festin

! ». Alors, les responsables de la Maison Blanche se sont empressés de déclarer qu’une société privée, et non pas le gouvernement, qui a tout pris en charge.

Les fonds publics ne sont pas un pâturage gratuit pour qu’il soit permis aux dirigeants de les employer pour leur compte. Le bon emploi de ces fonds est un principe que les gouvernements, intègres et transparents, cherchent à appliquer. L’histoire nous relate que les califes bien-guidés agissaient en transparence et rendaient des comptes sur la gestion des fonds publics. Ce n’est pas sans raison que les savants de l'Islam ont appelé ces califes « les Bien-guidés » et refusé ce titre honorifique aux autres califes (à l’exception de

‘Omar Ibn ‘Abdel ‘Aziz - Qu'Allah l'agrée ! -).

Il faut rappeler toujours qu’aux premiers temps de l’Islam, nos pieux prédécesseurs étaient fidèles à l’Islam et que, dans ce domaine, ils ont servi d’exemple aux quatre grands imams de fiqh, aux imams moins prestigieux, à la majorité des enseignants et des

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prédicateurs. Les siècles suivants ont vu naître des mauvais savants qui se sont tus par lâcheté, par peur d’être brutalisés. Les derniers siècles ont vu naître des soi-disant savants qui se sont servis de la religion pour répondre aux souhaits des despotes.

Le califat bien-guidé était une famille pleine d'amour ; un pouvoir plein de douceur ; une collaboration fraternelle pour diffuser un message et défendre une religion. Dès le déclin de ce califat, les califes, usurpateurs du pouvoir, s’intéressaient à ce qu’ils fassent hériter le pouvoir aux descendants. Hormis cela, tout était secondaire. Il suffit, pour s’en assurer, de faire une comparaison entre les califes bien-guidés et les califes héréditaires dans l’attitude prise envers les commandants de l'armée musulmane : An-No'man Ibn Moqren, par exemple, est tombé en martyr sur le champ de bataille de Nahawand après de grandes victoires contre les Perses et les Byzantins. Un messager est venu en porter la nouvelle au calife ‘Omar qui, cependant, brûlait du désir de tout savoir sur la bataille. Informé, 'Omar a fondu en larmes au point que le messager en était attendri. Pour le consoler, le messager lui a dit : « C’est le seul commandant tombé en martyr. ». 'Omar a répondu : « Je suis aussi affligé pour les pauvres combattants qui sont tombés en martyrs après lui. ».

Ce petit exemple montre l’estime que les califes bien-guidés accordaient aux commandants de l’armée.

En revanche, les grands conquérants d’Orient et d’Occident, sous le règne des califes usurpateurs, ont subi un traitement de défaveur : Mohamad Ibn al-Kasime, conquérant de Sind a été assassiné ; Moussa Ibn Nouçair, conquérant du Maghreb et de l’Andalousie, a été congédié par le califat pour avoir refusé d’exécuter ses politiques malhonnêtes. J’ose prétendre que si le califat bien-guidé ne s’était pas écroulé, les commandants de l’armée musulmane auraient joui de tous les honneurs ; la conquête musulmane aurait continué son avance héroïque pour renverser l’empire des tyrans en Europe ; elle aurait repris son cours vers le Sud de France, les montagnes de Suisse, l’Autriche, les territoires balkaniques et enfin la Constantinople à l’Est de l’Europe. Ainsi, on aurait achevé la conquête qui avait commencé en Egypte et fini par le retour victorieux en Grand-Syrie.

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Les califes despotes n’étaient pas prédisposés à reprendre la politique sage des Bien-guidés. L’arabisme a brusquement dominé leur esprit, le zèle tribal et les anciennes traditions d’al-Bassous, de Dahes et d’al-Ghabra’a ont fait leur retour pour s’emparer de tout leur être. Ils se sont laissés aveugler par cette nostalgie insensée qui a primé les recommandations religieuses et fini par détrôner la religion elle-même, source de leur victoire et de leur dignité.

Il est vraiment étonnant que quelques soi-disant ulémas cherchent, ces jours-ci, à dominer le monde, non par le patrimoine légué par le califat bien-guidé ; mais par les traditions bédouines et les lois des tribus du désert. Pour garantir le succès de leur projet, ils se basent sur des textes sacrés ; mais détournés de leurs sens ou arrachés à leur contexte. Ils n’essayent pas de prendre connaissance de la nature de l’Homme, de comprendre les finalités suprêmes de la religion et de contempler la sagesse divine manifestée en tout et partout.

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Autre infiltration dans le champ social

Le califat bien-guidé s’est écroulé sous le poids des anciennes traditions des Arabes, préparant ainsi la voie à l’altération du principe de la chura pour lui faire perdre son caractère fondamental.

L’infiltration arabe ne s’est pas arrêtée-là ; elle s’est étendue pour corrompre les enseignements de l'Islam sur le plan social ; et il est de mon devoir d’y jeter la lumière.

Dès la création, l'espèce humaine se maintient par la continuité générative. L’homme et la femme ont, chacun, des caractéristiques propres : l’homme est distingué par la force physique alors que la femme se caractérise par sa nature docile et endurante. Pourtant, les deux se complètent l’un l’autre ou issus l’un de l'autre. Ils appartiennent, par la première naissance, à Adam comme l'exprime bien le Coran sacré : « Je ne ferai jamais perdre à aucun d’entre vous, homme ou femme, le bénéfice de ses œuvres. N’êtes-vous pas issus les uns des autres ? ».

Mais les hommes, de génération en génération, se sont accordés à mépriser la femme, à abuser de sa faiblesse et à lui arracher ses droits naturels. Autrefois, les Européens, dans les assemblées qui débattaient au sujet de la femme, se demandaient : « La femme appartient-elle à la race humaine ?! Est-elle dotée d’un esprit comme l’homme ?! ». Les lois européennes, à travers les siècles, étaient en faveur de l’homme et portaient atteinte à la dignité de la femme.

Il convient de noter que la femme était victime des traditions brutales qui sont allées jusqu’à lui arracher son droit à la vie. Dans certaines régions de l’Inde par exemple, si l’homme meurt, sa femme, si saine qu’elle soit, doit être enterrée vivante avec lui ! En pensant à cette loi coutumière, horrible et insensée, il me vient à l’esprit la tradition arabe préislamique qui prévoit que la fille, étant sujet de honte et de mauvais augure, doit être enterrée vivante à sa naissance dans le sable du désert. Le père noble redoutait le déshonneur qu’elle attirerait sur lui s’il la laissait en vie. Oh ! Comment peut-on concevoir qu’une bébé, immaculée et sans péché, fasse honte à son père ?!

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Un misogyne arabe dit :

La femme est inepte à tout. Le secours qu’elle peut apporter n’est que des cris, et les œuvres de générosité qu’elle accomplit sont le fruit du vol.

C’est-à-dire que la femme ne sait combattre pour venir au secours de sa tribu en guerre et qu’elle, étant inapte au travail, est incapable de couvrir les besoins de sa famille pauvre ; mais habile à voler de l’argent à son mari pour leur en donner en guise de charité.

Face à cette critique misogyne, on se demande : Qui a empêché la femme de s’initier dans l’art de la guerre et de s’ouvrir au domaine du travail pour pouvoir gagner sa vie ?! Son père, n’est-ce pas ? Les femmes juives en Palestine occupée cultivent la terre, portent les armes, et combattent farouchement les hommes.

L’Islam, en vérité, a rendu à la femme sa dignité en condamnant toute forme de misogynie et de déconsidération dont elle était victime. Dans cette religion, la femme est l’égale de l’homme et a le droit de s’élever en dignité comme lui.

Dans les sociétés arabes, au temps des pieux prédécesseurs, la femme fréquentait la mosquée, de la prière d’al-Fajr jusqu’à celle d’al-’Ichaa, apprenait, comme l'homme, la religion et se joignait parfois aux combattants sur le champ de bataille. Elle secourait les blessés de guerre, enterrait les morts, commandait, interdisait, conseillait...etc. Mais les défenseurs des traditions arabes préislamiques, enclins à dédaigner la femme et à méconnaître ses droits, étaient mal à l’aise en la voyant jouir des acquis octroyés par l’Islam. Ils n’ont pas tardé à lui arracher ces acquis pour la réduire de nouveau à un objet sexuel. Une fatwa, dont la source est inconnue, a été émise pour interdire à la femme d'accomplir la prière dans la mosquée18. Notons que cette interdiction, mise en

18Il est étrange que l’auteur de cette fatwa préfère l'avis de quelques Compagnons du Prophète à celui du Prophète lui-même. Ce dernier précise clairement et sans détour qu'on n’a pas le droit d'empêcher les femmes de fréquenter la mosquée. Cet auteur n’a pas pris en

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vigueur depuis douze siècles ou presque, résiste, jusqu'à nos jours, aux conseils des réformateurs. Une autre fatwa, semblable à la première, a été émise pour interdire à la femme d’aller à l’école pour, au moins, s’alphabétiser, et à plus forte raison de compléter ses études secondaires et supérieures. Sans les efforts de sensibilisation déployés par une élite de sages de l’époque, la femme aurait perdu, pour toujours, son droit à l’éducation et aurait été condamnée à l’ignorance bestiale.

Ce n’est pas tout, on a prononcé d’autres fatwas infondées qui précisent que le visage de la femme est ‘awra «nudité» même si elle n’est pas séduisante et que sa voix revêt le même statut. Au lieu de considérer ces fatwas comme un simple point de vue, on les a prises pour un jugement indiscutable. On entend répéter que la femme est absolument interdite de participer à n’importe quelle activité culturelle et sociale et que sa présence dans les activités civiles et militaires est digne de reproches !

En rejetant deux traditions antithétiques, la charia a établi une loi décisive relative aux causes de la femme : les traditions préislamiques des Arabes, qui s'imposent depuis des siècles à nos sociétés sont rejetées et les traditions perverses et antireligieuses importées de l'Europe sont également refusées. Malgré l’évidence de cette loi, quelques-uns, parmi ceux qui prêchent l’Islam, cherchent à imposer à la femme les traditions préislamiques qui la réduisent à un être inférieur en tout. Certains autres, pour contrecarrer le courant religieux extrême, sont allés jusqu’à inviter la femme à s’ouvrir, corps et âme, aux traditions libérales de l’Europe. Ces deux courants opposés prêchent, en vérité, des traditions tout-à-fait contraires à celles de l’Islam authentique.

Un jour, un jeune pratiquant m’a fait voir un livre rédigé par un savant religieux qui rend obligatoire le niqab et taxe de perversité la femme non voilée de la tête aux pieds. Mes yeux sont tombés sur les premières lignes où cet homme dit : « L’Islam interdit la fornication, c’est pourquoi, la femme doit se cacher le visage pour fermer toute voie conduisant à la tentation. ».

considération que ces Compagnons se sont exprimés ainsi pour simplement dénoncer quelques actes considérés comme atteinte à la pudeur publique.

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Commentant cette parole, j’ai dit qu’il s’agissait, certes, d’une déduction infondée. L’Islam ordonne à la femme de laisser le visage découvert pendant le Hajj et la prière, encourage-t-il, par-là, la turpitude ?! Les recueils authentiques de hadith renferment presque dix Hadiths selon lesquels le Messager - Qu’il soit béni et salué ! - aurait vu des femmes le visage découvert sans le dénoncer, approuve-t-il par-là un acte interdit ?! En outre, d’après le Coran, la parure apparente n'est pas ‘awra, où se trouve-t-elle alors ?! En vérité, des textes religieux authentiques ont été abandonnés ou vidés de leurs sens. La priorité a été accordée à de faux hadiths ou de faibles versions où on encourage le modèle de la femme illettrée et recluse. Ce sont, en fait, des versions manquant de crédibilité puisqu'elles contredisent ce qu’on a rapporté d’une manière notoire et crédible d’après nos premiers prédécesseurs. En réalité, les Musulmans se sont mis à priver la femme de son droit à l'éducation et à négliger ses causes, à tel point qu'elle est devenue, aux derniers siècles, comme un objet de rebut, de mépris, de disgrâce.

Un jour pendant que je parcourais un journal, un jeune homme m'a interrompu pour m'interroger sur la photo de la première ministre de Royaume-Uni Thatcher affichée à la Une : - « Avez- vous vu cette photo ?! » - « Oui. ». - « Qu’en dites-vous ? » - « Son peuple la qualifie de femme de fer. Dans la Chambre des Communes, elle a réclamé la promulgation d'une loi rétablissant la peine capitale. C'est vrai que la majorité des députés de la Chambre ont rejeté sa suggestion ; mais elle est, à mes yeux, plus sage que les deux cent députés qui ont voté contre... Se voyant responsable de la sécurité dans son pays, Margaret Thatcher a trouvé nécessaire d'appliquer cette loi dissuasive. ». Le jeune homme voulait m'interrompre ; mais je me suis empressé de reprendre la parole : « J'apprécie également l'attitude qu'elle a affichée pendant la guerre que le Royaume-Uni avait mené contre l'Argentine. Considérant ses compatriotes tombés dans la guerre comme ses frères ou ses enfants, elle s'est donnée pour devoir de porter l'habit de deuil. Dans cette circonstance critique, elle s'abstenait de tout ce qui pourrait être vu comme une attitude insouciante. Elle est, à mes yeux, meilleure que des gouvernants en Orient fiers de leurs barbes et de leurs moustaches. ».

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Alors, le jeune homme m’a dit :

- « Mais ses cheveux sont découverts, ne l'avez-vous pas vue ?!

».

- « D'après notre religion, les cheveux de la femme font partie de sa nudité. Qu’il s’agisse d’une nudité majeure comme l’indiquent les imams ou d’une nudité mineure comme l'estiment les Malékites, les cheveux doivent être voilés par respect pour les commandements religieux. Mais, il faut croire quand-même que le fond l'emporte sur la forme. Je veux dire par-là que les aptitudes personnelles et professionnelles sont plus importantes et ne doivent pas être confondues avec la décence requise par la religion. ».

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Rejet des clichés et des traditions figées

En lisant ce titre, on peut se tromper en pensant que je préfère le mode de vie occidentale et admire la situation de la femme dans cette société. En vérité, je refuse ce mode de vie au même titre que les anciennes traditions arabes qui méprisent la femme et lui arrachent la dignité et les droits qu’Allah lui a accordés.

Les commandements divins occupent une place sacrée : je refuse que cette place soit compromise par des traditions tribales qui n’ont rien à voir avec la Révélation divine.

Aux dernières époques, les Musulmans, et surtout les Musulmanes, ont été frappés d’analphabétisme étouffant. Ils, et surtout elles, sont devenus inaccessibles aux Lumières Divines qui éclairent les cœurs et développent les vertus. On a perdu sa dignité d’homme et commencé à cacher son ignorance derrière des clichés et des apparences trompeuses. La femme s’est trouvée réduite à un corps tout enveloppé de vêtements et condamné à la réclusion dans la maison ; elle est devenue un être sans culture ni pensée ; un être dépourvu de son droit au travail, à l’exercice des cultes et au service de la cause divine.

Les Arabes, encore imbibés des traditions préislamiques, ont permis aux femmes d’aller prêter allégeance au Prophète (Allégeance d’al ‘Aqaba) alors que les Musulmans des derniers siècles ont imposé à la femme des traditions plus rigides qui ne permettent pas une chose pareille.

Dans les guerres d’ar-Redda (guerres d’apostasie), Khalid Ibn al-Walid a captivé Moga’h Ibn Marara, chef de la tribu de Yamama, lui a lié les mains et l’a enfermé dans le pavillon qui était consacré à sa femme Om Tamym. La protection et l’hospitalité généreuse ont été assurées par l’épouse de Khalid au captif qui était impressionné par sa noble humanité. Dans une contre-attaque, les apostats ont vaincu les Musulmans et se sont emparés du pavillon.

Quelques apostats, épée à la main, voulaient tuer Om Tamym, mais le captif libéré s’est empressé de jeter son manteau sur elle en s’écriant : « Je lui assure ma protection. Elle est noble et honnête ;

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