24 | La Lettre du Gynécologue • N° 407 - mars-avril 2017
DOSSIER
Gynécologie médicale : questions pratiques
Existe-t-il des spécificités en termes de contraception chez la femme obèse ?
What are the specificities of contraception for obese woman?
M. Lobert*, G. Robin*
* Service de gynécologie endo
crinienne et médecine de la repro
duction, CHRU de Lille.
L a prévalence de l’obésité augmente massive- ment depuis plusieurs dizaines d’années dans les pays industrialisés. La contraception de la femme obèse est une situation complexe et souffre de beaucoup d’idées reçues.
Risque vasculaire,
obésité et contraception
L’obésité est reconnue comme un facteur de risque indépendant de thrombose artérielle et veineuse.
Une méta-analyse récente retrouve un risque relatif de maladie thromboembolique veineuse de 2,33 (IC
95: 1,68-2,34) chez les patients obèses (1).
Cas particulier de la contraception estroprogestative
La contraception estroprogestative (COP) a un effet synergique sur le risque thromboembolique veineux lié à l’obésité (2). En effet, l’incidence des thromboses veineuses profondes (TVP) chez les femmes obèses varie de 10 à 30 pour 100 000 femmes et augmente à 60, voire à 100 pour 100 000 femmes en cas de prise de COP (3). De plus, la COP est un facteur de risque modéré mais significatif d’accident thrombo- embolique artériel (4). Elle peut donc être proposée chez la femme obèse dans des conditions très strictes :
➤ en l’absence de facteurs de risque d’accident vascu- laire artériel : tabac, dyslipidémie, migraine (surtout avec aura), hypertension artérielle, diabète et/ou âge de plus de 35 ans ainsi que les antécédents familiaux d’accident thrombotique artériel chez des apparentés du premier degré de moins de 50 ans ;
➤ et en l’absence de facteurs de risque de thrombose veineuse : antécédent personnel d’accident thrombo- embolique veineux, antécédent familial d’accident thromboembolique veineux chez des apparentés du
premier degré de moins de 50 ans, thrombophilie constitutionnelle, immobilisation prolongée.
Il n’existe pas de seuil d’indice de masse corpo- relle (IMC) au-delà duquel la COP est contre- indiquée. Cependant, on peut penser que plus l’IMC est élevé, plus le risque métabolique, donc cardiovasculaire, est important. Par conséquent, il nous semble raison- nable – dans l’état actuel des connaissances – de ne pas proposer ce type de contraception aux femmes présentant un IMC supérieur à 35 kg/m
2(5).
Autres méthodes de contraception La majorité des autres méthodes de contra ception hormonale (microprogestatifs per os, implant sous-cutané à l’étonogestrel, systèmes intra- utérins au lévonorgestrel) et non hormonale (notam- ment les dispositifs intra-utérins [DIU] au cuivre) peuvent être utilisées sans aucune restriction (5).
Seule la contraception macroprogestative injec- table trimestrielle par acétate de médroxyproges- térone en dépôt nécessite des précautions d’emploi superposables à celles préconisées ci-dessus pour les estropro gestatifs. En effet, cette méthode – d’ailleurs très peu utilisée en France – augmenterait le risque d’accident thromboembolique veineux (augmentation comparable à celle observée avec les COP de deuxième génération mini dosées) [5].
Efficacité de la contraception chez la femme obèse
COP per os
Plusieurs études sont discordantes concernant son efficacité chez les obèses. On peut conclure que s’il y avait une baisse d’efficacité, elle serait en réalité peu significative, voire négligeable (5).
0024_LGY 24 04/04/2017 16:17:57
La Lettre du Gynécologue • N° 407 - mars-avril 2017 | 25
Contraception chez une femme obèse (IMC ≥ 30 kg/m
2) Femme de moins de 35 ans
absence d’autre facteur de risque et cardiovasculaire associé
Femme de plus de 35 ans et/ou
présence d’au moins un autre facteur de risque cardiovasculaire associé
Contraceptions de choix de la femme obèse
• DIU au lévonorgestrel ou au cuivre
• Microprogestatifs per os
• Implant sous-cutané microprogestatif Dès que la femme a 35 ans
et/ou
survenue d’au moins un autre facteur de risque cardiovasculaire associé Contraception estroprogestative envisageable
(discutable si IMC > 35 kg/m
2)
• Pilule, anneau vaginal
• Patch cutané (moindre efficacité si poids < 90 kg ?) Surveillance +++
Les facteurs de risque cardiovasculaire comprennent à la fois les facteurs de risque d’accident vasculaire artériel (tabac, dyslipidémie, migraine [surtout avec aura], hypertension artérielle, diabète et/ou âge > 35 ans) et les facteurs de risque de thrombose veineuse (antécédent personnel d’accident thromboembolique veineux, antécédent familial d’accident thromboembolique veineux chez des apparentés du premier degré de moins de 50 ans, thrombophilie constitutionnelle, immobilisation prolongée).
Figure. Stratégie de choix d’une méthode de contraception chez les femmes obèses.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
DOSSIER
Anneau vaginal estroprogestatif
L’étude prospective de M. Dragoman et al. (6) analysant les taux circulants d’étonogestrel et d’éthinylestradiol (EE) montre que l’efficacité de l’anneau vaginal serait identique chez toutes les femmes quel que soit leur IMC et que cette effi- cacité serait même prolongée jusqu’à 6 semaines d’utilisation.
Patch estroprogestatif à la norelgestromine
Il existerait une discrète augmentation du risque d’échec si le poids est supérieur à 90 kg et si le patch est positionné au niveau de l’abdomen des femmes obèses ou en surpoids (5). Il est nécessaire d’en informer les patientes, mais cela ne contre- indique pas en soi son utilisation chez les femmes obèses.
Patch estroprogestatif au gestodène Une éventuelle diminution de l’efficacité n’a pas été rapportée dans les essais de phase III (7).
Microprogestatifs per os
Une étude de cohorte prospective portant sur 59 510 femmes ne retrouve pas de diminution de l’efficacité des formes orales microprogestatives contenant du désogestrel ou du lévonorgestrel (5).
Implant sous-cutané à l’étonogestrel Contrairement à une idée reçue, il n’existerait aucune preuve de baisse d’efficacité de cette méthode chez les femmes obèses, en particulier au cours de la troisième année d’utilisation (3, 5).
Contraception intra-utérine
Il n’y a aucune restriction en rapport avec l’IMC, quel que soit le type de DIU. Il n’y a pas d’étude montrant une augmentation du risque d’expulsion lors d’un amaigrissement, même s’il est rapide (5).
Contraception hormonale d’urgence Une baisse significative d’efficacité liée à un IMC élevé est retrouvée, et elle est significativement plus marquée pour le lévonorgestrel que pour l’acétate d’ulipristal (8).
L’efficacité de la contraception intra-utérine d’urgence (DIU au cuivre) n’est pas diminuée chez la femme obèse.
La stratégie de choix d’une méthode de contracep- tion hormonale chez une femme obèse est proposée
sur la figure (5). ■
1. Ageno W, Becattini C, Brighton T, Selby R, Kamphuisen PW.
Cardiovascular risk factors and venous thromboembolism:
a meta-analysis. Circulation 2008;117(1):93-102.
2. Pomp ER, le Cessie S, Rosendaal FR, Doggen CJ. Risk of venous thrombosis: obesity and its joint effect with oral contraceptive use and prothrombotic mutations. Br J Hae- matol 2007;139(2):289-96.
3. Shaw KA, Edelman AB. Obesity and oral contraceptives:
a clinician’s guide. Best Pract Res Clin Endocrinol Metab 2013;27(1):55-65.
4. Plu-Bureau G, Hugon-Rodin J, Maitrot-Mantelet L, Cano- nico M. Hormonal contraceptives and arterial disease: an epidemiological update. Best Pract Res Clin Endocrinol Metab 2013;27(1):35-45.
5. Lobert M, Pigeyre M, Gronier H, Catteau-Jonard S, Robin G. Contraception et obésité. Gynecol Obstet Fertil 2015;43(11):740-7.
6. Dragoman M, Petrie K, Torgal A, Thomas T, Cremers S, Westhoff CL. Contraceptive vaginal ring effectiveness is main- tained during 6 weeks of use: a prospective study of normal BMI and obese women. Contraception 2013;87(4):432-6.
7. Westhoff CL, Reinecke I, Bangerter K, Merz M. Impact of body mass index on suppression of follicular develop- ment and ovulation using a transdermal patch containing 0.55-mg ethinyl estradiol/2.1-mg gestodene: a multicenter, open-label, uncontrolled study over three treatment cycles.
Contraception 2014;90(3):272-9.
8. Jatlaoui TC, Curtis KM. Safety and effectiveness data for emergency contraceptive pills among women with obesity: a systematic review. Contraception 2016;94(6):
605-11.
Références bibliographiques
0025_LGY 25 04/04/2017 16:17:57