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Pour un changement d'orientation de la politique des drogues en France - Les quinze recommandations de l'Audition publique

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Le Courrier des addictions (18) – n° 2 – avril-mai-juin 2016 10

RECOMMANDATIONS

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1. Le développement de la RdRD passe par la dépénalisation de l’usage et, donc, par la révi- sion de la loi de 1970 qui est en conflit avec la loi de Santé publique de 2016. La dépénalisation de l’usage doit s’accompagner d’une réflexion sur la régulation des marchés des produits licites et illicites et sur les mesures à mettre en œuvre.

2. Un débat sociétal, en lien avec les collectivités territoriales, sur les enjeux des addictions et de la stratégie de RdRD, doit être préparé et organisé.

3. Il importe de valoriser les expériences exis- tantes des usagers des groupes d’autosupport et des associations d’entraide. Il convient aussi de renforcer les capacités des associations d’usa- gers dans le champ des drogues licites ou illicites afin de pouvoir agir dans un cadre légal et d’avoir des moyens pour s’organiser et être des interlocu- teurs des pouvoirs publics. Ces changements de pratiques doivent être fondés avant tout sur le rôle central des usagers, d’où l’importance de valoriser leurs compétences et savoir-faire au travers d’un statut ouvrant à droits et rémunérations.

Les quinze recommandations de l’Audition publique

Pour un changement d’orientation de la politique des drogues en France

4. La perspective gradualiste suppose la mise en réseau d’acteurs aussi différents que la police, la justice, l’éducation, l’insertion sociale et la santé. Il faut :

➣développer des compétences partagées sur les problématiques liées aux usages, sur la philoso- phie et les outils de la RdRD, notamment former à la communication et au counseling (formation initiale et continue dans le cursus de chacun des acteurs, formation commune interdisciplinaire) ;

➣mieux coordonner et compléter les stratégies locales de RdRD, en s’appuyant sur un audit des besoins et ressources existants et sur la mobili- sation des dispositifs et partenariats existants ;

➣rendre lisible l’offre disponible et décloi- sonner les structures pour des usagers aux expériences diverses ;

➣former les professionnels de l’hébergement social à la RdRD, développer des lieux d’héber- gement et de relogement acceptant le maintien de l’usage ;

➣reconnaître et valoriser le statut des travail- leurs sociaux : les considérer comme des acteurs de première ligne, leur dispenser une formation initiale, notamment dans le “aller-vers”.

Cette nouvelle approche de la RdRD ne peut être réellement efficace que si les interactions entre

les acteurs du premier recours, les profession- nels de l’addiction, les institutions réglemen- taires concernées (police, justice), les usagers et la société dans son ensemble, sont modifiées en profondeur dans un esprit d’écoute réciproque qui privilégie avant tout la santé publique.

5. Les professionnels du soin et de la santé (médecins généralistes et hospitaliers, pharma- ciens, psychologues, infirmiers, sages-femmes, travailleurs sociaux, etc.) doivent intégrer la philosophie de la RdRD dans l’ensemble de leurs pratiques, y compris au-delà du champ des addic- tions. Il est nécessaire de renforcer les capacités des médecins généralistes et des pharmaciens à agir dans une logique de RdRD, en favorisant l’articulation avec le secteur spécialisé, en mettant en place une consultation dédiée à la RdRD accompagnée d’une rémunération spécifique, pour tous les patients qui en font la demande, et un honoraire de dispensation en officine spéci- fique à la prise en charge des addictions.

6. Le rapprochement des Centres de soins, d’accom pagnement et de prévention en addicto- logie (CSAPA) en ambulatoire et des Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues (CAARUD) est souhaité, dans leurs cultures et leurs pratiques.

À cette fin, il est recommandé de développer la confiance réciproque, de créer des postes trans- versaux, de mieux intégrer les usagers dans le fonctionnement (“pairs-aidants”), de mieux inté- grer les usagers dans la gouvernance des struc- tures (conseils d’administration et comités de pilotage), d’améliorer les capacités de réponses aux divers publics (grand public et précaire, jeunes, femmes, enceintes ou non, migrants, lesbiennes, gays, bi- et transsexuels [LGBT], etc.).

7. Il est recommandé d’ouvrir des espaces de consommation à moindre risque au sein des lieux existants (CAARUD et CSAPA) et de mettre en place un dispositif d’analyse des produits consommés après étude des besoins et dans le respect du cahier des charges national, ainsi que de mettre à la disposition des usagers et de leur entourage de la naloxone (injectable ou en spray) pour prévenir les overdoses d’opiacés et réduire la mortalité, de permettre l’accès à des programmes d’héroïne médicalisée sous certaines conditions (à définir par un groupe d’experts incluant des usagers), de mettre en œuvre la primo-prescription de méthadone en ville et, enfin, de promouvoir les programmes d’échanges de seringues par voie postale pour les usagers isolés.

8. Des programmes et des actions de RdRD destinés à des publics peu pris en compte actuel- lement, comme les jeunes, les femmes, les personnes privées de liberté, les migrants ou les seniors sont à développer. Il importe d’inté- grer la RdRD aux programmes de prévention et de promotion de la santé dès le collège : à cette fin, il faut former les intervenants ; les journées d’appel à la défense pourraient être une occasion de diffuser systématiquement auprès d’une classe d’âge.

Alors que la politique des drogues et des addictions est en pleine évolution dans le monde, la France a du mal, malgré de réels frémissements, à se départir d’une politique fondée à la fois sur la prohibition totale des drogues illégales et la frilosité à l’encontre des dégâts occasionnés par les drogues licites, tabac et alcool.

D’où l’importance de la tenue, à Paris, au ministère de la Santé, les 7 et 8 avril derniers, de l’Audition publique sur le thème de “la réduction des risques et des dommages (RdRD) liés aux conduites addictives”, sous la présidence du Pr Didier Sicard, à l’initiative de la Fédération française d’addictologie (FFA), avec le soutien de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) et de la Direction générale de la Santé (DGS), et l’accompagnement de la Haute Autorité de santé (HAS).

1 Source : Fédération française d’addictologie, www.addicto- logie.org (rapport téléchargeable sur ce site).

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L’amélioration de l’accès à l’hébergement des usagers est un outil à part entière de réduction des risques, d’où l’intérêt de développer un dispositif accessible d’hébergement spécifi que pour consommateurs actifs, de faciliter l’accueil de ces personnes dans des structures classiques (accueil sans condition, adaptation des horaires, accès à des outils de RdRD) et de renforcer le dispositif d’aide à l’hébergement en direction des sortants de prison .

Concernant le public des jeunes dont le cerveau, en cours de maturation, est particulièrement vulnérable vis-à-vis de l’usage de substances et des conduites addictives, une attention particulière doit être apportée aux actions de recherche, de prévention et de RdRD concernant les consom- mations de médicaments, de tous produits licites et illicites et les conduites addictives.

9. Dans le domaine du tabagisme, la cigarette électronique est un outil complémentaire de la réduction des risques, qui permet à une partie non négligeable de ses utilisateurs de réduire signi- fi cativement les eff ets délétères de la combus- tion du tabac. Le développement, l’évaluation et la recherche concernant cet outil nécessitent une nouvelle approche : la mise en place d’une évaluation en rapport avec son utilisation réelle, et pas en comparaison de produits qui n’ont pas le même statut ; la sécurisation de l’utilisation, par une réglementation adaptée ; la mise à disposition

de dosages de nicotine adaptés aux besoins des usagers ; la prise en compte de l’expérience des usagers et de leurs associations dans le position- nement de cet outil dans la politique de RdRD.

L’utilisation des substituts nicotiniques dans la réduction du risque tabagique doit être élargie à une utilisation à long terme et ne pas être limitée à un objectif de sevrage à court terme.

10. Il apparaît important d’ encourager la recherche académique à travers le dévelop- pement d’études participatives fondées sur la reconnaissance de savoirs expérientiels des usagers et de s’astreindre à une évaluation perma- nente et rapide des innovations, aussi locales soient-elles, dans un esprit de recherche opéra- tionnelle, dont les résultats sont rapidement mis à disposition de tous.

11. Un organisme indépendant, destiné à la gouvernance et au fi nancement des recherches tant académiques qu’issues du terrain et des usagers, est à mettre en place, sous une forme à élaborer, qui tiendrait compte de l’existant.

12. Les approches et les outils de RdRD doivent être eff ectivement accessibles dans les lieux de privation de liberté (établissements péniten- tiaires et psychiatriques).

13. Il importe d’agir sur la prévention en tenant compte du pouvoir délétère des lobbyings aux niveaux français et européen, en régulant l’acces- sibilité aux boissons alcoolisées, en encadrant

la publicité et en évitant de laisser à l’industrie cigarettière une infl uence excessive sur la régle- mentation des produits de remplacement.

14. La prise en compte des familles dans les problématiques générales des usagers, y compris dans les dispositifs de RdRD, doit être meilleure.

15. Il est recommandé d’analyser et de proposer des réponses à la problématique de l’épuise- ment professionnel dans les structures spécia- lisées.

MEMBRES DE LA COMMISSION D’AUDITION

Sous la présidence du Pr Didier Sicard (Paris) Philippe Bataille (Paris)

Catherine Bernard (Paris) Pascal Charbonnel (Les Ulis) Katherine Cornier (Bordeaux) Michèle Cotta (Paris) Chantal Deschamps (Paris) François Diot (Paris) Éric Doudet (Tours)

Jean-Pierre Havrin (Toulouse) Elizabeth Johnston (Paris) Marie-Laure Leblanc (Lille) Jean-Philippe Raynaud (Toulouse) Aymeric Reyre (Paris)

Philippe Vaur (Louveciennes)

SALLES

DE CONSOMMATION À MOINDRES

RISQUES : À PARIS ET STRASBOURG

Marisol Touraine , ministre des Aff aires sociales et de la Santé, a donné son feu vert au lance- ment de ces expérimentations en France . Avec le lancement de cette expérimentation visant à réduire les risques pour les toxicomanes, “il ne s’agit en aucun cas de banaliser la consommation de drogues. Mais fermer les yeux face à une telle réalité sociale et sanitaire ne fera pas dispa- raître le problème. La France fait le choix d’inclure plutôt que d’exclure.

D’accompagner, plutôt que de stig- matiser” , a-t-elle déclaré

Le texte de l’arrêté, qu’elle a signé le 25 mars dernier , précise les modalités concrètes que devront respecter les associations porteuses de projets de Salles de consomma- tion à moindres risques (SCMR), en lien avec les collectivités locales (présence du matériel médical, horaires d’ouverture, déroulement de la consultation d’accueil, place des professionnels, etc.). Ainsi, l’arrêté confi rme que les produits consommés “ peuvent être des

produits illicites ainsi que des médi- caments détournés ”. L’injection est assurée par “l’usager” lui-même sous la “supervision d’un professionnel” . En aucun cas celui-ci, qui, bien sûr, donnera des conseils, ne devra participer “aux gestes de l’injection” . L’équipe devra comporter en perma- nence “2 intervenants, dont au moins un infi rmier compétent pour la prise en charge des urgences liées à l’usage de drogue” , les médecins, qui pour- ront par ailleurs bénéfi cier de vaca- tions médicales, restant responsables de la mise en place d’un “chariot d’urgence” (mise à disposition de naloxone, etc.). Les équipes pourront s’adjoindre les services d’un agent de sécurité et d’anciens usagers formés à la réduction des risques.

Avec le lancement de cette expé- rimentation, la France rejoint les nombreux pays où de tels espaces ont été ouverts (Allemagne, Australie, Canada, Espagne, Dane- mark, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas et Suisse 1 ) et se sont montrés concluants. L’expé rience étrangère a en eff et montré que ces espaces permettent aux usagers de recevoir des conseils spécifi ques, induisant ainsi une diminution des comportements à risque, des overdoses mortelles et permettant parfois, même, l’accompa gnement vers des traitements de substitution.

A également été mise en évidence une réduction de l’usage de drogues en public et des nuisances associées.

On attend donc l’ouverture de 2 SCMR en automne prochain : à Strasbourg et à Paris.

Vous lirez dans le prochain numéro le compte-rendu des premières Journées euro- péennes des microstructures de Strasbourg.

1 Il existe une centaine de SCMR dans le monde. La première a ouvert ses portes à Berne, en Suisse, en 1986. En Europe, 3 autres pays s’engagent aussi dans cette direction : le Portugal, l’Irlande et la Slovénie.

ADDICT’AIDE, LE NOUVEAU PORTAIL GRAND PUBLIC

Une maison des familles, une maison pour les usagers et les patients, pour les jeunes, les profes- sionnels de santé, etc. On se promène, de façon ludique, dans ce village virtuel aux 11 maisons thématiques , afi n de trouver les bonnes “infos” pour comprendre, communiquer et agir.

Chacun pourra y “faire son marché” : actualités nationales, agendas des manifestations, offres d’emplois, de formations, liens utiles, conseils de bonnes pratiques, panorama de ressources bibliographiques et vidéos, services d’aide disponibles (aides télé- phoniques, forums, chats, etc.).

Par un outil de géolocalisation , l’internaute pourra situer le plus précisément possible tous les acteurs disponibles autour de lui, au plus près de son domicile : méde- cins libéraux, consultations, hôpi- taux, associations d’entraide, autres structures d’aide ou d’accueil, etc.

Le portail sera enrichi régulière- ment par une équipe d’experts.

Addict’Aide , qui a l’ambition d’être la plateforme française d’expertises multidisciplinaires la plus complète dans le domaine des addictions, entend créer une communauté 2.0 fédérée autour de la réduction des risques . Une soixantaine d’acteurs français de premier plan engagés dans la lutte contre les addictions ont contribué au lancement de ce portail www.

addictaide.fr, coordonné et réalisé par le Fonds Actions Addictions , créé en août 2014 par le Pr Michel Reynaud , psychiatre et addictologue.

Cet outil collaboratif est parrainé par la Mission inter ministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), le Collectif interassociatif sur la santé (CISS) et la Fédération française d’addictologie (FFA).

http://www.addictaide.fr/

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