• Aucun résultat trouvé

Des ulcères tropicaux

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Des ulcères tropicaux"

Copied!
3
0
0

Texte intégral

(1)

Images en Dermatologie

Vol. IX - n° 6

novembre-décembre 2016 194

Le coup d’œil

Cas clinique

Ulcère tropical • Leishmaniose cutanée • Leishmania major • Leishmania guyanensis Tropical ulcer • Cutaneous Leishmaniasis • Leishmania major • Leishmania guya- nensis

Observation

Un stagiaire sous-offi cier, originaire du Burkina Faso, a consulté à l’hôpital militaire de Marseille pour des ulcérations des 2 jambes (fi gure 1) évoluant, sans fi èvre ni altération de l’état général, depuis plusieurs semaines, apparues avant son arrivée en France. Elles étaient indolores, à la fois fi brinopurulentes et bourgeonnantes, avec une bordure assez nette, surélevée (fi gure 2). Il n’y avait aucune anomalie clinique vasculaire ; on palpait quelques adénopathies centimétriques inguinales. Les examens biologiques sanguins étaient dans les normes, il n’y avait pas d’anémie. Une biopsie sur les berges d’un ulcère a été réalisée, avec demande de colorations spéciales.

L’histologie a objectivé de petits éléments ronds colorés en bleu au giemsa, intra- et extra- macrophagiques (fi gure 3). La culture puis l’identifi cation par PCR ont permis de confi rmer l’infection à Leishmania major. Un traitement par fl uconazole 200 mg/j durant 1 mois a permis la guérison rapide des ulcérations ; des séquelles cicatricielles pigmentaires ont persisté (fi gure 4).

Discussion

Devant un ulcère de la jambe chez un patient migrant originaire des tropiques, et notamment du continent africain, outre les classiques causes vasculaires, on doit évoquer des étiologies plus spécifi ques : la drépanocytose, devant des ulcérations clas- siquement de petite taille, douloureuses et récurrentes chez un anémique ; l’infection à Mycobacterium ulcerans, devant un ulcère étendu chronique à bords décollés, au retour d’une zone d’endémie, et la leishmaniose, qui résulte de la piqûre d’un phlé- botome. Elle apparaît le plus souvent sur les zones découvertes après une incubation de 2 à 4 semaines en moyenne. Initialement, elle se traduit par une papule indolore ; l’évolution dépend à la fois de l’agent pathogène, de l’immunité de l’hôte et des condi- tions bioclimatiques , surtout de l’hygrométrie.

Les différentes formes de leishmanioses

Les leishmanioses tégumentaires de l’Ancien Monde (Europe du sud, Afrique, Asie) , dans la grande majorité des cas, sont “sèches”, d’évolution centrifuge, recouvertes de squames ou de croûtes en périphérie, parfois psoriasiformes ou verruqueuses (fi gure 5), pouvant avoir le même aspect que nombre de dermatoses. Elles sont stricte- ment cutanées et localisées (si l’on excepte les formes disséminées liées à Leishmania aethiopica), et régressent le plus souvent spontanément en quelques mois, contraire- ment à celles du Nouveau Monde , qui ont un caractère chronique volontiers ulcérant et “humide”, potentiellement mutilant (atteinte cutanéomuqueuse pour Leishmania braziliensis) en l’absence de traitement (1).

Les formes ulcéreuses d’emblée et non croûteuses touchent préférentiellement les membres inférieurs. Elles sont remarquables par leur indolence, qui contraste avec un bourrelet périphérique congestif, rouge violacé, la bordure taillée à pic, le fond sanieux, nécrotique ou fi brineux, parfois très creusant, l’absence d’adénopathie satellite infl am- matoire. La présence de papules à proximité, signant la dissémination intradermique,

Légendes

Figure 1. Ulcérations des 2 jambes chez un militaire originaire du Burkina Faso (coll. J.J.

Morand).

Figure 2. Ulcération à bordure surélevée (coll. J.J. Morand).

Figure 3. Séquelles cicatricielles pigmen- taires après traitement par fl uconazole (coll.

J.J. Morand).

Figure 4. Formes amastigotes de leish- manies intra- et extra-macrophagiques (May-Grünwald-Giemsa, × 100) [coll. HIA Sainte-Anne].

Figure 5. Leishmaniose tégumentaire de l’Ancien Monde d’aspect verruqueux (coll.

J.J. Morand).

Figure 6. Dissémination lymphangitique de leishmaniose du Nouveau Monde à Leish- mania guyanensis (coll. J.J. Morand).

Des ulcères tropicaux

Tropical ulcers

J.J. Morand (professeur agrégé du Val-de-Grâce ; hôpital Sainte-Anne, Toulon)

0194_IDE 194 21/11/2016 17:51:42

(2)

Images en Dermatologie

Vol. IX - n° 6

novembre-décembre 2016 195

Le coup d’œil

Cas clinique

1

4

5 6

2

3

0195_IDE 195 21/11/2016 17:02:10

(3)

Images en Dermatologie

Vol. IX - n° 6

novembre-décembre 2016 196

Le coup d’œil

Cas clinique

y est fréquente. Elles s’accompagnent également souvent d’un petit cordon nodulaire situé sur le trajet lymphatique de drainage : ce tableau est qualifi é de lymphangite sporotrichoïde (la sporotrichose est une mycose exotique rare comportant volontiers cette symptomatologie, mais de nombreuses autres causes ont été rapportées) ; il est plus fréquent dans les formes du Nouveau Monde, notamment à Leishmania guya- nensis (fi gure 6, p. 195) [2].

Les formes ulcérovégétantes ou pseudo-tumorales sont fréquentes chez le sujet noir, surtout au niveau des membres. Elles font discuter les mycoses profondes (chromo- mycose), une tuberculose végétante, une tréponématose endémique (pian), un car- cinome épidermoïde de type verruqueux (lorsque l’atteinte survient sur une plaie chronique, une brûlure, etc.).

La mise en évidence des leishmanies se fait par prélèvement du suc dermique après détersion énergique de l’ulcère et apposition sur lame : les formes amastigotes du parasite sont identifi ées sur un frottis après coloration de May-Grünwald-Giemsa.

L’histologie permet d’objectiver le parasite sous forme de corps ovoïdes intra-macro- phagiques (corps de Leishman). L’amplifi cation génique par PCR est d’un grand intérêt, car elle est rapide et permet l’identifi cation de l’espèce de la leishmanie.

Traitement

Le traitement des formes de l’Ancien Monde est toujours préférable pour éviter une extension et une cicatrice inesthétique, a fortiori lorsque le protozoaire n’est pas encore identifi é et l’immunité du malade inconnue. Il est fonction du nombre et de la localisation des lésions et du statut VIH du malade. Les injections intra-lésionnelles d’antimoniate de méglumine (de 2 à 5 ml répartis aux pôles de la lésion) répétées à 1 semaine ou 10 jours d’intervalle sont douloureuses et diffi ciles à réaliser, car le produit est très épais. Elles peuvent être précédées par une cryothérapie. L’effi cacité de la paromo mycine topique et de la photothérapie dynamique semble validée, mais la disponibilité de la première et la complexité de la réalisation de la seconde les placent en deuxième intention. Le fl uconazole, administré par voie orale, semble effi cace et d’emploi aisé, sous réserve d’une posologie suffi sante (de 3 à 10 mg/kg) et d’une

administration prolongée (4 à 6 semaines) [3, 4].

II

J.J. Morand déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références bibliographiques

1. Lightburne E, Morand JJ, Garnotel E et al. Panorama clinique des leishmanioses tégumentaires du

Nouveau Monde. Med Trop 2002;62(6):637-56.

2. Morand JJ, Lightburne E. Panorama étiologique du syndrome de dissémination cutanée et lymphatique

dite “sporotrichoïde”. Ann Dermatol Venereol 2007;134(SUP 1):103.

3. Buffet PA, Rosenthal E, Gangneux JP et al. Traitement des leishmanioses en France : proposition d’un

référentiel consensuel. Presse Med 2011;40(2):173-84.

4. Monge-Maillo B, Lopez-Velez R. Therapeutic options for old world cutaneous leishmaniasis and new

world cutaneous and mucocutaneous leishmaniasis. Drugs 2013;73(17):1889-1920.

0196_IDE 196 21/11/2016 17:02:11

Références

Documents relatifs

Monsieur Briffault, vous m’avez dit plusieurs fois que vous aimiez ma nièce, je vous l’avais même en quelque sorte promise ; c’n’est pas l’embarras, sans votre maladresse de

Montrer que f est d´ ecroissante sur cet

- écoute, conseil et aide concrète aux ressortissants ou leurs aidants pour bien vieillir à domicile (de la mise en place de service à la personne à la recherche

Avec les itinéraires que je vous propose, les informations et les sites sont déjà sélectionnés pour vous, afin de vous permettre de réaliser rapidement et facilement le

Chez les patients dont le teint est plus foncé, la peau peut être plus claire ou plus foncée que la normale, ou de couleur violette..

Premier round: le vendredi 23 avril sur les heures de Spé en H1-H2, les élèves se retrouveront en groupe classe, avec un professeur de Spé, pour écouter les candidats et

Un des premiers arguments invoqués pour la transmission des formes est le maintien des structures dans leur modelé et leur fonction.. En milieu rural, par exemple, des limites

• Montrons que toutes les solutions de l’équation y′= ky so nt des fo nctio ns d e la forme x→ Ae kx avec A un réel.. On considère à présent une fonction g solution