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L’industrie dans les pays du tiers monde

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Page 1

L’industrie dans les

pays du tiers monde

Cours de master 1

Edwige Dubos-Paillard

Maître de conférences

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Page 2 Sommaire

Partie 1 : De l’unité à la diversité du tiers monde... 7

Bibliographie de la partie 1 (principaux ouvrages) ... 8

Introduction ... 8

1.1 La colonisation responsable du sous-développement ? ... 10

1.1.1 Des pays handicapés par la nature, la culture et les institutions ? ... 10

1.1.2 Des pays marqués par un retard historique ? ... 11

1.1.3 La colonisation responsable du sous-développement ? ... 12

1.2 Typologies des stratégies d'industrialisation adoptées depuis la seconde guerre mondiale ... 21

2.1 Une stratégie de substitution d'importations et de remontée des filières ... 21

2.2 L'industrialisation par industries industrialisantes ... 23

2. 3 L'industrialisation extravertie, par les exportations et l’alliance avec les entreprises multinationales ... 24

1.3 La rupture du début des années 80 et l’incapacité de certains pays à rembourser leur dette ... 25

1.4 Typologies des pays en développement ... 28

Conclusion ... 35

Partie 2 : Mondialisation et nouvelle division internationale du travail .. 36

Bibliographie de la partie 2 (principaux ouvrages et articles) ... 37

2.1. La mondialisation ... 38

2.1.1 . Une brève approche historique de la mondialisation ... 38

2.1.2. La notion d’économie-monde : une approche originale pour expliquer le processus de la mondialisation ... 40

2.1.3. Similarités et différences entre la première et la seconde mondialisation ... 41

2.2. La nouvelle division internationale du travail ... 43

2.2.1. Retour sur les modèles productifs qui ont permis la division internationale du travail ... 44

2.2.1.1 Le développement du fordisme ... 44

2.2.1.2. La rupture des années soixante-dix ... 46

2.2.1.3 Post fordisme et économie flexible... 48

2.2.2. La nouvelle division internationale du travail ... 49

2.2.2.1. Les entreprises transnationales principaux acteurs de la nouvelle division internationale du travail… ... 51

(3)

Page 3

2.2.2.2 …en fractionnant les processus productif à l’échelle mondiale ... 55

Conclusion ... 59

Partie 3 : Facteurs d’attractivité des pays des suds ... 61

Bibliographie de la partie 3 ... 62

Introduction ... 63

3.1 Les Facteurs intervenant à l’échelle macro dans les choix de localisation des industries ... 65

3.1.1 Le marché. ... 66

3.1.2 La réduction des coûts de production ... 71

3.1.2.1 La réduction des coûts de la main d’œuvre : facteur important mais insuffisant pour attirer les investissements. ... 71

3.1.2.2 Le rôle des avantages financiers et fiscaux ... 72

3.1.2.3 Les délocalisations : pas toujours synonyme de réduction des coûts de production .... 73

3.1.3 Le contexte politique, économique, social et culturel. ... 73

3.1.4 La situation géographique du pays : ... 77

3.2 Les facteurs intervenant à l’échelle méso et micro dans les choix de localisation des industries ... 77

3.2.1 Des facteurs de localisation plus nombreux ... 77

3.2.2 Un outil majeur pour attirer les entreprises étrangères : les zones franches d’exportation .. 82

3.2.2.1 Présentation des zones franches d’exportation ... 83

3.2.2.2 Pour ou contre les zones franches d’exportation? ... 87

3.2.2.3 Evolution récente des Zones franches d’exportation ... 88

3.2.2.4 Quels liens avec l’économie nationale ? ... 91

3.2.2.5 Etude des conditions de travail dans les ZFE : quelques exemples ... 92

Conclusion ... 96

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Page 4 Note préliminaire :

Ces dernières décennies ont été marquées par la multiplication des termes et des typologies pour décrire un ensemble de pays que A.Sauvy dénomma presque par hasard « tiers monde » dans une chronique faite pour l’Observateur en 1952. Cet article intitulé « trois mondes, une planète » finissait par cette phrase aujourd’hui célèbre : « car enfin ce tiers monde ignoré, exploité, méprisé, comme le tiers état veut lui aussi être quelque chose ». Sa vocation n’était pas de définir un nouvel ensemble géopolitique. Cependant très vite, l’expression s’est propagée dans le monde entier et est devenu tant un concept politique qu’un terme pour décrire un ensemble de pays dont l’unité résidait avant tout dans la pauvreté économique, la vulnérabilité, un moindre « avancement » sur le plan technique. Nous n’aborderons pas ici le tiers monde en tant qu’acteur politique. On peut cependant noter que les Etat qui commencent à se développer se désolidarisent rapidement de ce tiers monde auquel il s’identifiait jusque là (Brunel 1987) ;

Pris sous un angle strictement socio-économique, le tiers monde du début des années 1960 correspond à l’ensemble du monde à l’exception de l’Europe, l’ex URSS, l’Amérique anglo- saxonne, le Japon, l’Australie et la Nouvelle Zélande (carte 1).

Cartes 1 : Le tiers monde : cadre spatial

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Page 5 La deuxième moitié du XXème siècle est marquée par une augmentation de la distorsion des situations économiques observées au sein du tiers monde tel qu’il vient d’être délimité.

Tandis que certains pays, africains notamment, sont restés sur le quai, d’autres ont pris le train de la modernisation de leur économie et sont désormais plus proches du groupe des nations industrialisées que des pays les plus pauvres.

La diversité des modes de développement et leur réussite inégale conduisent de nombreux auteurs à proposer de nouveaux termes qui témoignent de la diversité des situations économiques (tiers mondes, pays des suds) ou qui tentent de proposer une délimitation moins centrée sur les critères économiques (pays du sud). Les termes utilisés pour décrire la situation économique se veulent également plus « neutres » que ceux qui ont pu être proposés par le passé et qui plaçaient ces pays en situation d’infériorité. On ne parle quasiment plus de « pays sous développés » mais de « pays en développement » ou de « Pays les moins avancés ».

Face à ces changements, on peut s’interroger sur la façon de délimiter le « tiers monde » au regard des changements observés. Deux possibilités s’offrent à nous :

- soit on considère que le tiers monde est un espace (un territoire ?) à périmètre constant comme cela apparaît sur les cartes de Cazes et Domingo (1994) ou Chapuis et Brossard (1997). Le périmètre retenu est celui de la fin des années 1950 et du début des 1960. Les analyses insistent dans ce cas sur la diversité des trajectoires démographiques, socio-économiques, politiques, etc. observées durant la seconde moitié du XXème siècle et le début du XXème.

- soit on considère que le tiers monde correspond aux États marqués par un faible développement et dans ce cas nous sommes face à une entité territoriale aux limites mouvantes. Vu sous cet angle, le tiers monde a toujours existé, dans l’histoire de l’humanité dans la mesure où il y a toujours eu des pays plus pauvres, plus vulnérables, moins avancés sur le plan technique, tandis que des civilisations brillantes ou plus évoluées techniquement avaient acquis les moyens d’améliorer les conditions de vie de leur population ou d’une partie d’entre elle (Brunel 1987).

Partant de cette acception, à l’aube de la révolution industrielle, le tiers monde, c’est le monde entier. Au début du XIXème, le tiers monde c’est le monde moins une petite partie de l’Europe. Selon S.Brunel, en 1950, sur la base de statistiques relatives au revenu par habitant, à la scolarisation, l’espérance de vie, … le tiers monde exclut l’Europe et les extensions de la souche européenne dans le monde, particulièrement les pays d’Amérique latine dont le peuplement est le plus homogène. Chili et Argentine notamment, semblent s’être arrachés au sous- développement. En revanche, le Japon surpeuplé, ruiné par la guerre fait partie intégrante du tiers monde…Une génération après les données ont encore évolué. Le Japon est « développé ». De dictatures en crises économiques, l’Argentine a rejoint les pays du tiers monde.

Et aujourd’hui ? Le dernier quart du XXème siècle est marqué par la différenciation des situations économiques. Dans la grande majorité des États, on observe des progrès dans tous les domaines. Dans les nouveaux pays industrialisés, la croissance économique est souvent allée de pair avec les progrès sanitaires et sociaux. Néanmoins, il subsiste, dans la plupart de ces États des régions ou des populations oubliées par le développement. Face à la variété des situations, la délimitation de ce tiers monde, c'est-à-dire des pays pauvres n’est pas aisée. On peut considérer que le tiers monde c’est les pays les moins avancés (carte 2)

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Page 6 auxquels on ajoute des régions oubliées du développement dans les pays en croissance. Ces pays restent marqués par ce que Sylvie Brunel appelle la trilogie

« maudite » : pauvreté, inégalité, dépendance. Ils cumulent faible niveau de développement socio-économique et faible industrialisation, niveau d’échange très bas, insécurité alimentaire, mortalité élevée, faible espérance de vie, faible taux d’alphabétisation et souvent instabilité politique.

Carte 2 : Les pays les moins avancés en 2004

Dans le cadre de ce cours, nous considérons le « tiers monde » comme un ensemble dont le cadre spatial est fixe, il correspond au tiers monde des années 1960. Par ailleurs, le texte présenté ci-après utilise indifféremment les termes « tiers monde », « pays du sud », « pays des suds »

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Page 7

Partie 1 : De l’unité à la diversité du

tiers monde

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Page 8

Bibliographie de la partie 1 (principaux ouvrages)

E BERR, La dette des pays en développement : bilan et perspectives, 2003

article en ligne,

B BRET, Le Tiers-monde : croissance, développement, inégalités, Ellipses 2006 S. BRUNEL dir., Tiers Mondes, controverses et réalités, Economica, 1987 S BRUNEL, Tiers Monde, Encyclopædia Universalis en ligne

L CARROUE, Géographie de la mondialisation, Armand Colin 2007

G. CAZÈS & J. DOMINGO, Tiers Monde, le temps des fractures, Bréal, 1994 R CHAPUIS, T BROSSARD, Les quatre mondes du Tiers-Monde, Masson, 2003

C MANZAGOL, La mondialisation. Données, mécanismes et enjeux , Armand Colin, 2003 M MONTOUSSE,Bréal, 2007 H. ROUILLÉ D'ORFEUIL, Le Tiers Monde, La Découverte, 1993

P.N.U.D., Rapport mondial sur le développement humain, Economica, annuel Les Tiers Mondes, coll. Cahiers français, Document. Française, 1995.

Introduction

L'industrie est apparue au XVIIIème siècle en Angleterre et un peu partout en Europe. Au XIXème siècle l'activité se répand dans une large part de l'Europe. Cette dernière est alors considérée comme l'usine du monde. Durant cette période quelques pays extra européens, les États-Unis et le Japon en particulier, s'industrialisent également mais au final leur nombre reste limité.

Les pays du tiers monde sont longtemps restés à l’écart de tout processus massif d’industrialisation. Plusieurs types d’explication sont fréquemment évoqués : retard de développement, contexte naturel et/ou culturel, rôle de la colonisation… II faut attendre l'émancipation des colonies et les années 1960 pour voir apparaître des politiques d’industrialisation fortes menées par les gouvernements des pays du Sud. Plusieurs voies en matière de développement industriel sont mises en œuvre. Elles supposent des investissements lourds pour les États qui peuvent jusqu’au milieu des années 1970, recourir facilement à l’emprunt. Néanmoins, la fin des années 1970 est marquée par plusieurs ruptures et un durcissement des modalités d’accès au crédit pour les pays du tiers monde. Qui plus est, l’envolée des taux d’intérêt, place une large part des États dans l’incapacité de rembourser leur dette.

Le bilan dressé alors montre que malgré les efforts engagés durant les années 1960 et 1970, le développement de l’industrie reste relativement modeste et le secteur n’a pas véritablement eu un effet de levier en matière de développement économique. Les années 1980 sont donc marquées par une évolution des modèles de développement industriel insufflée (imposée) en grande partie par les structures telles que le FMI ou la banque mondiale. Les modèles industriels intègrent dès lors une politique attractive vis-à-vis des investissements étrangers et donc un ancrage plus grand dans la mondialisation.

Au début des années 2000, la part des pays du sud dans la production industrielle mondiale est de 25%, les objectifs fixés lors de la conférence générale mondiale de l'Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI), réunie à Lima en 1975 sont

(9)

Page 9 atteints. Néanmoins, derrière ce chiffre global, il faut insister sur les écarts importants qui se sont creusés entre les régions du monde (tableau 1), les états et au sein même des États.

Tableau 1 : L'évolution du niveau de vie par habitant des pays en développement (pays industrialises = 100, en parité de pouvoir d'achat)

1965 1975 1985 1996 1965/1996

Dragons asiatiques 18 28 40 69 + 51

Amérique latine sans pétrole 34 37 32 28 -6

Pays pétroliers 30 42 32 22 -8

Proche-Orient sans pétrole 24 26 24 21 -3

Chine 5 5 7 14 +9

Autres pays d'Asie 9 7 7 7 -2

Afrique hors pays pétroliers 13 12 9 7 -6

Source : Alternatives économiques, In Carroué L., Géographie de la mondialisation, 2ème édition, coll U, A Colin, 2004.

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Page 10

Cartes 3 : Inégalité de niveaux de vie au sein de trois États du tiers monde

1.1 La colonisation responsable du sous-développement ?

De nombreux auteurs se sont penchés sur les raisons qui peuvent expliquer le sous- développement. Les explications du sous-développement sont nombreuses. Nous en évoquons trois ici.

1.1.1 Des pays handicapés par la nature, la culture et les institutions ?

Dans ce type d’explication, le sous-développement est lié à des handicaps naturels et/ou culturels et institutionnels1

Les facteurs naturels classiquement mis en avant concernent les sols tropicaux qui se recouvrent d'une carapace latéritique, les climats humides qui font proliférer les maladies telles que la fièvre jaune, le paludisme et les parasitoses (bilharzioses, onchocercoses…), l'excès de chaleur qui nuit à l'effort prolongé... Mais ces arguments et bien d'autres n'expliquent pas pourquoi le Texas ou l’Australie sont dans le peloton de tête des États développés, ni pourquoi certaines terres tropicales qui peuvent produire deux ou trois récoltes annuelles sont restées à la traine (hautes terres kenyanes, sols volcaniques d'Amérique centrale ...) (Rouillé d’Orfeuil, 1991).

.

1 Vous trouverez une analyse détaillée dans Bret (2006) concernant la relation entre sous-développement et géographie naturelle et dans Montoussé (2009) concernant la relation entre sous-développement et culture et institutions.

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Page 11 Les explications culturelles du sous-développement sont les héritières des justifications civilisatrices des entreprises de colonisation. M. Montoussé (2007) indique que ce type d'approche développe 1'idée que le sous-développement provient de l'organisation du système des croyances et de valeurs. Il résulte de 1'inefficience des institutions, de l'incompatibilité entre la culture traditionnelle et celle que nécessite et véhicule, le développement. Par exemple, 1'absence d'un droit réel de propriété privée de la terre en Afrique noire n'incite pas aux progrès agricoles, le fatalisme dissuade d'innover, les dysfonctionnements de l'Etat déstabilisent 1'économie nationale et ne favorisent pas 1'essor des infrastructures, etc.

L'intérêt de cette approche est de montrer que le développement n'est pas seulement économique : il nécessite des institutions et des structures politiques stables, une réelle volonté de développement de la part des décideurs et des caractéristiques socioculturelles qui le favorisent (développement du secteur privé, esprit d’entreprise…).

Cependant, il convient de faire preuve de circonspection face à ce type d'analyse. Le freinage du développement ne résulte pas obligatoirement des caractères socioculturels spécifiques aux Pays en développement. Ainsi, comme le rappelle M. Montoussé (2007) l'Américain, Théodore Schultz a développé une thèse fondée sur le calcul rationnel tel qu'il est pratiqué au sein des pays développés. L'investissement, les innovations, sont générateurs de gains futurs incertains. Cette incertitude est d'autant plus angoissante que les moyens financiers disponibles sont modestes : le risque de perdre un dollar pour un pauvre n'a pas la même signification que pour un riche. Le paysan pauvre rationnel du Tiers monde a donc toutes les bonnes raisons de ne pas moderniser son exploitation, de ne pas investir davantage, de ne pas adopter de nouvelles techniques culturales ... Ainsi, le maintien d'une pauvreté endémique dans les pays en développement risque d'être attribué à la culture des peuples alors qu'il s'agit du résultat d'un calcul rationnel comme le ferait n'importe quel Occidental.

Rouillé d’Orfeuil (1991) va dans le même sens concernant ces théories qui constatent certaines corrélations entre les réalités naturelles et culturelles et les réalités économiques. Il précise que n'importe quelle société n'est sans doute pas faite pour n'importe quel mode de développement. L'avancée du mode de production capitaliste va de pair avec l'avancée des rapports sociaux correspondants et la dissolution des modes traditionnels. La force de la

«tradition» freine souvent le développement capitaliste.

Le développement a donc une dimension culturelle qu'il n'est pas négligeable de souligner.

1.1.2 Des pays marqués par un retard historique ?

Dans la tradition libérale, de nombreux auteurs se sont exprimés sur le sous- développement. W.W. Rostow est souvent cité en référence. Selon lui, chaque nation suit une trajectoire économique similaire, et tout pays peut arriver au stade ultime du

«développement», s'il crée et maintient des conditions favorables à la croissance. Le sous- développement ne serait donc qu'un retard.

Selon cet auteur, le développement est un processus linéaire en cinq étapes. La première est celle de la société traditionnelle : les actuels pays les moins avancés (PMA) en seraient encore à ce stade. Au cours de la deuxième étape les conditions préalables au décollage sont réunies (émergence d'une classe d'entrepreneurs, d'un Etat dont les interventions favorisent le développement, modernisation de 1'activité agricole ...). Puis intervient la phase du take-off (ou décollage), au cours de laquelle le taux d'investissement s'accroit et la croissance s'accentue. Des lors, «la société finit par renverser les obstacles et les barrages qui s'opposaient à sa croissance régulière». Plusieurs pays nouvellement industrialisés connaissent

(12)

Page 12 ce processus qui les conduira à la quatrième étape, le stade de la maturité, à laquelle sont parvenus les nouveaux pays industrialisés (NPI) d'Asie. L'ultime étape, celle que les pays développés ont atteint, correspond à la société de consommation de masse.

De nombreuses critiques ont été formulées à l'encontre du schéma de Rostow. B.Conte2

a) Pour certains, ce schéma présente un caractère universel en ce sens qu'il s'applique indifféremment à toutes les sociétés sans tenir compte de leurs spécificités.

(2003) en fait la synthèse suivante :

b) Sur le plan historique, cette théorie apparaît déterministe car elle ignore que les pays actuellement sous-développés doivent faire face à des problèmes différents de ceux qu'ont eu à affronter les nations aujourd'hui industrialisées au cours de leur processus de développement.

c) Pour d'autres, la théorie linéaire est teintée d'ethnocentrisme car l'évaluation des performances des nations en développement se fait sur la base de l'expérience du monde occidental.

d) Il apparaît également que les limites entre les diverses étapes sont assez floues, certaines caractéristiques se retrouvant à l'intérieur de phases différentes. Concernant l’étape du décollage, S. Kuznets écrit : « les limites de l’étape du décollage sont floues ; ses caractères propres ne sont pas définis avec précision ; nous ne pouvons que nous fonder sur le niveau du taux d’investissement et du taux de croissance du produit qu’on peut en déduire. Nous ne disposons donc d’aucun élément assez solide pour discuter les relations analytiques que le professeur Rostow établit entre l’étape de décollage et les étapes qui la précèdent et la suivent immédiatement». A. K. Cairncross souligne également l’imprécision des définitions des différentes étapes et le défaut de spécificité des caractéristiques. « Si les différentes étapes empiètent l’une sur l’autre, à quoi donc correspond une étape ? ».

e) Enfin, la dernière étape, objectif du processus de développement est entièrement calquée sur la situation des USA au cours de la décennie soixante ; est-ce le seul horizon possible du développement ?

1.1.3 La colonisation responsable du sous-développement ?

Le débat sur cette question est loin d’être réglé. Les avis varient énormément. Les pays en développement ont quasiment tous connu, sur une durée plus ou moins longue, la colonisation au cours de leur histoire. Au moment de la première guerre mondiale les dominations s’étendent sur l’Afrique et l’Asie du sud et du sud-est (carte 4).

L’explication du sous-développement par la colonisation européenne est longtemps restée l’argument mis en avant par les pays du tiers monde et les organismes internationaux tels que l’Unesco, l’Unicef, la Cnuced, la FAO ou l’OMS. Cette affirmation est relativisée par de nombreux auteurs qui insistent également sur le rôle des blocages internes, sur le rôle des différentes formes de colonisation dont les effets ont variés, sur la non rentabilité de la colonisation…

2Conte B., Les étapes de la croissance économique, 2003

(13)

Page 13

Carte 4: Les empires coloniaux en 1914

Par ailleurs, comme l'indiquent B Bret 2006 et S Brunel 1987, les pays colonisés tout comme ceux qui ne l’ont pas été connaissent des fortunes diverses aujourd’hui. Ainsi, des pays tels que la Chine (même si elle a perdu la Mandchourie un temps), la Thaïlande (l'ancien Siam), l’Ethiopie (en faisant abstraction de la courte période d'occupation italienne) ou la Turquie ont été épargnés par la colonisation européenne et se trouvent dans une situation similaire au lendemain de la seconde guerre mondiale. D’anciennes colonies telles que les États-Unis, le Canada, l’Australie ou la Nouvelle Zélande sont devenues des pays développés.

L’Amérique latine dont les indépendances remontent à près de deux siècles n’a pas connu un développement comparable à celui des pays industriels. Le développement des nouveaux pays industrialisés, notamment en Asie du sud-est montrent que la colonisation et l’échange inégal ne constituent pas des obstacles inéluctables au décollage économique…

Ces remarques liminaires ne doivent pas éluder la question de savoir si le sous- développement est le produit des relations que les pays développés ont entretenu avec le tiers monde.

Pour S Brunel (1987), il faut en premier lieu distinguer la colonisation pré-industrielle dont l’impact a été limité et la colonisation menée à partir du XIXème siècle.

En effet, jusqu'à la veille de la révolution industrielle, les différences de niveau de vie entre l'Europe et les colonies ne sont pas significatives. La colonisation européenne pré-industrielle tient tant à l’ouverture sur l’extérieur des européens (grandes découvertes), qu’au surpeuplement relatif de l’Europe, qu’à l’existence d’une curiosité scientifique et d’une maîtrise technique, qu’au dynamisme d’un capitalisme propre à l’Europe, qu’au soutien des élites autochtones. Cette première colonisation pu avoir des effets très négatifs :

- le génocide des civilisations précolombiennes, - la traite des Noirs,

- l'exploitation du Nouveau Monde par les Espagnols et les Portugais, - l'établissement de comptoirs côtiers dans une grande partie du monde.

(14)

Page 14 Cependant les ambitions qui la motivent et la faiblesse des moyens mis en œuvre aboutissent à relativiser son impact réel. En ce sens, cette colonisation ne se distingue pas vraiment de celles qui l’ont précédée dans l’histoire (colonisations égyptienne XVI-XIe siècle avant JC, romaine I avant JC-IVe, précolombienne, chinoise…). Les objectifs sont de répandre la culture, la religion, la civilisation sur les territoires colonisés et de se procurer les richesses minières agricoles et de nouveaux produits. Néanmoins, les moyens mis en œuvre sont très faibles dans la plupart des cas, ce qui ne génère pas des différences de niveau de vie.

La seconde colonisation (colonisation industrielle moderne) suscite plus d’interrogations elle voit un creusement des écarts. C'est sur elle que se cristallisent les débats concernant le poids des facteurs externes dans le sous-développement. En effet, l’élargissement du fossé entre les pays occidentaux et les autres coïncide avec l’existence d’un phénomène de domination de l’Europe sur le reste du monde. La question qui fait toujours débat est celle de l’existence d’un lien de cause à effet entre le sous-développement des uns et le développement des autres. Les pays industrialisés sont-ils riches grâce à la colonisation ? Les pays pauvres sont-ils sous-industrialisés à cause de la domination européenne ?

Selon S Brunel, les écarts qui se creusent durant le XIXe s'expliquent surtout par le décollage économique provoqué par une Révolution industrielle spécifiquement européenne et sa non diffusion/transmission dans les colonies. En effet, la colonisation de blocage, empêchant la naissance d’une industrie se met avant tout en place durant la deuxième moitié voire le dernier quart du XIXe, quand la révolution industrielle est bien avancée au sein des empires.

En effet, au début du XIXème siècle l’Espagne, le Portugal et la France ont perdu une partie de leur empire. Les empire coloniaux se reconstruisent ou se développent durant le XIXème. Les motivations sont diverses, pas nécessairement économiques : lutte contre la piraterie, nécessité de ravitailler la flotte et de lui assurer des points d’ancrage, désir d’étendre la foi chrétienne. Durant cette période, les empires ne contrecarrent pas les tentatives d’industrialisation spontanée. Malgré cela, elles tournent court. C’est le cas en Colombie au milieu du XIXe, en Egypte au début du XIXe. Selon S Brunel, ces États ne réunissent pas les conditions nécessaires au décollage économique, à savoir un état fort et un marché suffisant.

A cette époque seule l’Europe dispose d’un marché important, en forte croissance, d’une demande de produits textiles et de machines agricoles et de moyens de transport pour satisfaire cette demande.

La colonisation de blocage, empêchant la naissance d’une industrie concerne surtout le dernier quart du XIXe et le début XXe, quand le processus de révolution industrielle est bien avancé au sein des empires. Les profits dégagés par la révolution industrielle permettent une colonisation de grande ampleur qui se traduit économiquement par le blocage des industrialisations naissantes (lorsque celles-ci existaient).

En France, la première volonté de cohérence, d’expansion se manifeste seulement après la défaite de 1870. Toute l’Europe suit comme le montre la conférence de Berlin à la suite de laquelle les pays européens se partagent le continent africain. Les dispositifs mis en place interdisent de développer des activités susceptibles de concurrencer celles de la métropole et de commercer avec d’autre pays. Comme l'indique Bret (2006), la sous-industrialisation du tiers monde s'explique donc, au moins dans certains pays, parce qu'il fut longtemps illégal d'y créer des manufactures : les amorces de la croissance industrielle y furent avortées par les métropoles. Les colonies n’ont de choix que de se spécialiser dans des productions dont la métropole a besoin (produits primaires, miniers) et d’ouvrir leur marché de consommation aux produits manufacturés métropolitains, réduit il est vrai, par la faiblesse des revenus des

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Page 15 colonisés. Cette spécialisation des tâches constitue la première forme de division internationale du travail.

Cela, pourtant, ne pourrait suffire à tout expliquer. Pourquoi, en effet, le Portugal qui usait de son pouvoir politique pour interdire à ses colonies de le concurrencer dans la production industrielle a-t-il lui-même complètement raté son industrialisation ?

Il faut cependant insister sur la diversité des situations comme en témoignent les deux encarts ci-dessus.

Au-delà de la non industrialisation, cette colonisation a créé une sorte de modèle occidental de développement uniforme, devenu une référence mondiale. Elle a généré un phénomène d’acculturation, suscité dans de nombreux pays un ressentiment et un désir de revanche lié aux différences de richesse qui se renforcent, aux différences de statuts entre le métropolitain et l’autochtone (double système juridique, différentiel de salaires, travail forcé…)

Néanmoins, pour relativiser les effets négatifs de cette colonisation de grande ampleur, S.

Brunel (1987) apporte les arguments suivant :

« Si les métropoles prélèvent, elles investissent aussi, et le second aspect ne doit pas être négligé car il permet aux pays concernés de gagner plusieurs dizaines d'années La non-industrialisation de l'Afrique

La colonisation ne commence véritablement qu'à la fin du XIXe siècle. La découverte de la quinine en 1854 a permis les grandes expéditions grâce auxquelles les Européens peuvent enfin découvrir l'intérieur du continent. Le partage se fait à partir des années 1890 en traçant, à partir des zones d'occupation littorales, des lignes de pénétration perpendiculaires au rivage dans des espaces encore mal connus. La mise en place d'un réseau de quadrillage administratif et militaire va commencer, mais la colonisation ne sera vraiment effective qu'entre les deux guerres mondiales, avec la levée d'un impôt par tête, le système du travail forcé, la construction des lignes de chemin de fer, parfois effectuée au prix de nombreuses vies humaines (chemin de fer Congo-Océan), l'introduction des cultures commerciales, l'exploitation minière ... La présence européenne modifie donc réellement l'aspect et le mode de vie du continent africain, mais on ne peut pas dire qu'elle bloque d'éventuelles éclosions industrielles car ce continent, isolé et morcelé, était resté à l'écart d'un début de mutation des techniques autant industrielles qu'agricoles.

Source : Brunel S., Tiers monde, controverses et réalités, Economica, 1987 La colonisation responsable du blocage de l’industrie naissante en Inde.

« En exploitant l'Inde, la Grande-Bretagne, habile à préparer les profits, savait aussi limiter les pertes. Du jour où elle eut dans l'Inde un vaste débouché pour ses manufactures, elle s'efforça de ruiner les industries indigènes. L'Inde avait été, jusque vers le milieu du XIXe siècle, un pays exportateur d'articles fabriqués. Dans les villes et gros villages, on pratiquait jadis des métiers dont les produits étaient connus dans le monde.

Pendant plus d'un siècle et demi, c'est surtout par le trafic des fins tissus et broderies de l'Inde et par leur vente sur les marchés de l'Europe que s'enrichit la Compagnie. Mais le développement de l'industrie cotonnière en Grande-Bretagne fit des cotonnades de Manchester les rivales des cotonnades de l'Inde ; pour leur assurer un débouché, de lourds tarifs, pratiquement prohibitifs; frappèrent les tissus de l'Inde (...) Les métiers indigènes s'arrêtèrent ; de plus en plus, la vie industrielle se meurt en beaucoup de lieux jadis florissants (...) L'Inde devint un pays presque exclusivement agricole produisant des matières premières et recevant de l'étranger des articles manufacturés ».

Source : Demangeon A. , L’Empire britannique Armand Colin, 1925. Cité in Bret B., Le Tiers monde, croissance, développement, inégalités, 3° édition révisée et actualisée, Ellipses, 2006.

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Page 16 sur ce qu'aurait été – peut-être - leur évolution « naturelle ». Politiquement, la

conséquence de la colonisation est l'extension des systèmes politiques, juridiques et constitutionnels européens au quasi totalité de la planète.

• Mais l'impact et les conséquences de la colonisation, tels qu'ils se révèlent aux indépendances, ont des conséquences très différentes selon l'état initial des civilisations colonisées

- Dans les civilisations fortement structurées, anciennement organisées, en contact de longue date avec de multiples influences extérieures comme en Asie, la colonisation ne pénètre pas en profondeur, elle se superpose aux organisations déjà en place.

Après les indépendances, les nations, préexistantes, peuvent prendre le relais des cadres coloniaux sans bouleversements majeurs (sauf dans les pays où s'est produite une guerre de décolonisation ou bien affectés de tensions internes graves). Il s'effectue alors un processus de rattrapage du retard industriel et économique, qui se traduit par les forts taux de croissance économique enregistrés par ces pays après l'indépendance.

- dans les sociétés faiblement structurées en revanche, comme en Afrique où le pouvoir politique ne dépasse pas le cadre du village ou de la région, la colonisation européenne peut instaurer son administration et son pouvoir politique sans résistances majeures. Son influence a été beaucoup plus profonde. A l'indépendance, les nouveaux pays sont issus de toutes pièces du partage et de la domination européenne, leurs sociétés éclatées entre un monde rural resté traditionnel et des villes européanisées et tournées vers l'extérieur. Avant d'entamer un processus de croissance économique, il leur faut préalablement se structurer, créer des nations jusque là inexistantes. La colonisation n'a pas eu pour effet de bloquer un développement préexistant puisque celui ci n'avait pas commencé dans des sociétés

«immobiles » sur le plan des techniques (ce qui ne signifie pas que ces techniques étaient archaïques, mais qu'elles étaient figées). Elle a provoqué un bond technologique, déstructuré le tissu des solidarités, introduit un nouveau mode de gouvernement, d'administration, de consommation, de nouvelles mentalités, dans des sociétés qui n'y étaient pas préparées du fait de leur long isolement.

• Pour l'ensemble de ces civilisations, la colonisation a partout joué le rôle d'un « anesthésiant» temporaire des conflits et tensions internes. Après les indépendances, ceux-ci réapparaissent au grand jour, parfois exacerbés par les politiques menées par les métropoles. Il s'y ajoute les affrontements (pour la prise du pouvoir, le partage de la terre, le tracé des frontières...) légués par la colonisation elle-même.

C'est pourtant la colonisation qui, malgré l'extrême diversité des conditions des pays colonisés, donne à ces derniers le sentiment d'une « communauté de destins ». Sans elle, l'apparente unité exaltée par Bandung n'aurait jamais pu voir le jour et le « Tiers monde » serait resté ce qu'il était en réalité : un conglomérat hétérogène et dispersé de pays non industrialisés.

La question est de savoir pourquoi ces pays sont encore aujourd'hui sous développés, pourquoi, malgré leurs efforts, l'écart s'accroît entre le niveau de vie de beaucoup d'entre eux et les pays industriels. »

B Bret aborde la question de la colonisation et de ses effets sur le développement économique des pays du tiers monde sous un angle différent et complémentaire. Pour lui, les effets de la colonisation sont en fonction des formes mises en œuvre. Il fait la distinction majeure entre la colonisation de peuplement et la colonisation d'exploitation, dite encore colonisation d'encadrement. Les deux formes de colonisation entraînent des capacités inégales à fixer sur place les fruits du travail.

« Le développement exige le réinvestissement d'une partie de la richesse produite comme l'a montré le mécanisme de l'intérêt composé. Il faut donc savoir si ce réinvestissement se réalise sur place, déclenchant un processus d'accumulation, ou, au

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Page 17 contraire, se réalise ailleurs, le processus d'accumulation se trouvant alors délocalisé.

Si l'on appelle surplus économique la part du profit qui n'est pas consommée, mais réinvestie, la destination géographique de ce surplus économique est fondamentale pour expliquer l'enrichissement et l'appauvrissement. Or, il existe un lien logique entre la destination du surplus économique et la structure sociopolitique du lieu où il a été produit. Deux points sont fondamentaux en la matière : les relations sociales internes qui définissent les relations entre le travail et le capital, les relations de la société globale avec l'extérieur.

La colonisation d'exploitation consiste à exploiter le travail des colonisés. Son illustration la plus claire est le système colonial esclavagiste tel qu'il a sévi pendant des siècles en Amérique, mais d'autres formes de mobilisation de la main-d’œuvre, tel le travail forcé, relèvent de la même logique coloniale : faire travailler le colonisé au profit du colon. Pour cette raison, ce type de colonisation est aussi dit d’encadrement car elle revient à faire encadrer le travail des colonisés par un petit nombre de colons.

Dans ce cas, la rémunération du travail est évidemment réduite à presque rien. Dans la plantation esclavagiste, le travail n'est pas du tout rémunéré puisque le travailleur, réduit au statut d'esclave, est nié en tant qu'homme et est assimilé à une bête de somme ou à une machine. Cette situation appelle évidemment un jugement de nature éthique : la déportation des Noirs d'Afrique sur les plantations américaines fut un immense crime contre l'humanité. Elle appelle aussi, et c'est ce qui va être tenté, une approche socio-économique.

L'analyse sur le plan économique conduit à voir quelles furent les conséquences à long terme pour le pays colonisé, et, pour ce faire, il faut poser plusieurs questions : quel est le surplus économique dégagé, qui est maître de l'utilisation de ce surplus, dans quelle branche économique ce surplus va-t-il être réinvesti, où va avoir lieu ce réinvestissement ?

Figure 7. La colonisation d'exploitation a entraîné le sous-développement

Puisque le travail n'est pas rémunéré, le surplus économique disponible est considérable, encore que la main-d’œuvre ne soit pas toujours utilisée dans les conditions d'efficacité maximum, dans le sens que les mauvais traitements et les carences alimentaires peuvent «user» prématurément les esclaves et provoquer dans leur groupe une surmortalité. Ce qui était un crime sur le plan du droit naturel était aussi une mauvaise gestion de la force de travail. Toujours est-il que l'on se trouve dans la situation où des colonisateurs très minoritaires en nombre tirent un bénéfice massif de colonisés beaucoup plus nombreux.

Que faire du surplus économique ? Logiquement, les colonisateurs veulent appliquer ce surplus dans des branches d'activité lucratives. Or, sur place, et précisément parce que la structure sociale est très inégalitaire, la majeure partie de la population, les esclaves, n'a pas de pouvoir d'achat : il ne se forme donc pas un marché, c'est-à-dire une demande solvable susceptible de justifier économiquement un investissement

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Page 18 productif tourné vers des consommateurs locaux. Faute de cette demande intérieure,

les bénéfices réalisés vont être utilisés soit à l'extérieur (d'ailleurs, la métropole qui a investi dans la colonie entend bien en recevoir des profits), soit sur place dans les branches exportatrices. Cette dernière option va consister par exemple pour un planteur propriétaire d'esclaves à acheter de nouvelles terres et de nouveaux esclaves.

Si ce processus peut être qualifié de croissance dans la mesure où il y a augmentation de la production, il est clair qu'il ne s'agit pas d'un développement puisque cela ne fait qu'aggraver les conditions de vie des nouveaux esclaves et confirmer la région dans la dépendance à l'égard de la métropole.

La conclusion peut s'exprimer ainsi : l'inégalité sociale portée à son paroxysme, en empêchant la formation d'un marché solvable interne, empêche la fixation sur place des fruits du travail dans les activités qui diversifieraient l'économie et amorceraient le processus du réinvestissement porteur de développement à long terme. II y a donc un lien entre l'appropriation par une minorité des fruits du travail de la majorité et le départ du surplus économique. Cette conclusion rejoint logiquement ce qui a été dit déjà du développement, à savoir qu'il n'est pas un simple phénomène de croissance, mais un processus d'amélioration durable des conditions de vie de la population tout entière. Or, on le conçoit, le système esclavagiste est par définition contradictoire avec l'amélioration des conditions de vie de la majorité. Finalement, l'injustice sociale portée à son expression la plus violente est porteuse de sous-développement.

II en va tout autrement dans la colonisation de peuplement. Celle-ci, par définition, ne cherche pas à exploiter le travail du colonisé, mais à peupler un territoire : les colons, nombreux dans ce cas alors qu'ils n'étaient qu'une petite minorité dans le cas précédent, veulent occuper des terres. Sur le plan éthique, l'opération appelle également les critiques les plus fortes car les territoires visés n'étaient pas vides : il y a eu refoulement et élimination physique des populations indigènes. Il est évident qu'exterminer la population indigène est aussi condamnable qu'en faire son esclave.

Mais le processus historique est tout autre : la relation colon-colonisé ne peut s'établir puisque les colonisés potentiels ont été tués ou ne subsistent plus qu'à l'état de reliques, marginalisées économiquement, socialement et géographiquement dans des

«réserves». La dynamique sociale est donc différente de celle vue plus haut et se rapproche de ce que connaissaient les migrants dans leurs pays d'origine. Au demeurant, on conçoit aisément que les migrants du XIXe siècle qui quittaient une Europe en situation de surcharge démographique pour les « pays neufs » qu'étaient alors l'Australie, le Canada ou les États-Unis, n'auraient pas fait cette migration sans la perspective de trouver dans leur pays d'accueil, sinon l'eldorado qu'imaginaient certains, du moins des conditions de vie qui leur donnent leur chance, soit par l'attribution d'une terre, soit par l'insertion dans un marché du travail où celui-ci était reconnu comme une valeur et rétribué en conséquence.

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Page 19 Dans ce cas, la structure sociale qui se met en place n'est pas trop inégalitaire (on

exclut évidemment de cette structure sociale les populations indigènes reliques) et induit une dynamique économique fondée sur la rémunération du travail. On n'est plus dans l'opposition maître/esclaves, mais dans les relations employeur/salariés. Par définition, un salarié reçoit un salaire : les fruits du travail ne sont donc pas confisqués unilatéralement par les détenteurs des capitaux, mais répartis entre les acteurs sociaux dans un contexte où les salariés ont les moyens de faire valoir leurs droits. Bien entendu, il serait naïf d'imaginer que tout cela se passe sans heurt : les dures négociations salariales, la création des syndicats, les grèves, l'évolution même de la législation du travail sont là pour rappeler que, dans les pays neufs comme dans la vieille Europe, la société évolue à travers les conflits d'intérêts qui la traversent. Mais la résultante de tout cela est que se constitue un pouvoir d'achat interne. Cela crée des perspectives de rentabilité pour les investissements réalisés sur place et incite donc les détenteurs de capitaux à diversifier l'économie régionale puisqu'un marché solvable existe. Ainsi, un lien existe entre le fait que les fruits du travail sont distribués d'une façon plus équitable et la capacité de la société à fixer sur place les fruits du travail : une plus grande justice dans la répartition des fruits du travail produit le développement.

La distinction entre les deux types de colonisation est donc fondamentale. Deux contre-exemples mentionnés par Yves Lacoste dans sa Géographie du Sous Développement (1965) constituent en quelque sorte une expérience validant la démonstration. Aux États-Unis, la colonisation de peuplement a produit la plus grande puissance économique mondiale, mais des marques persistantes de sous- développement ont subsisté dans le Vieux Sud jusqu'à une période récente ; or, qu'est-ce que cette région du Vieux Sud, sinon précisément celle qui aux États-Unis a connu la colonisation d'exploitation sous la forme de la plantation cotonnière esclavagiste ? Cette région a donc subi une dynamique sociale totalement différente du reste du pays et la Guerre de Sécession (1860-64) qui verra triompher le Nord sur les confédérés du Sud fut bien l'opposition de deux types de sociétés. Au total, les États-Unis sont le cas d'un pays neuf issu d'une colonisation de peuplement et très développé, comportant une région ayant connu une colonisation d'exploitation et relativement moins développée.

Le Brésil offre l'exemple exactement inverse. Le fait dominant de son histoire socio-économique est la colonisation d'exploitation, l'image caractéristique en étant la

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Page 20 plantation esclavagiste de canne à sucre : le Nordeste est la région qui a été le plus

marquée par ce type de structure sociale et qui constitue effectivement aujourd'hui la région la plus pauvre du pays. La région de Sao Paulo et la région Sud ont été moins touchées par l'esclavage : elles ressemblent davantage à un pays neuf, dans le sens que leur peuplement s'est fait majoritairement par l'immigration libre au XIXe et au début du XXe siècle. Ces régions qui ont pu fixer sur leur sol le surplus économique qu'elles produisaient forment aujourd'hui les régions de loin les plus développées du Brésil.

Ainsi, on a le cas exactement inverse de celui des États-Unis : une région relativement développée dans un pays globalement sous-développé.

De cela, il ressort que le développement ou le non-développement dépend des structures sociales et des relations que les sociétés globales entretiennent avec l'extérieur, ces relations dépendant elles-mêmes des structures sociales internes. Le point essentiel est le suivant : la classe sociale qui s'approprie le surplus économique et qui décide de son utilisation a-t-elle avantage à le réinvestir sur place (on parle alors de bourgeoisie nationale, c'est-à-dire d'une classe sociale d'entrepreneurs qui joue la carte du développement national), ou place-t-elle son intérêt dans les liens de dépendance avec l'extérieur (on parle alors parfois de bourgeoisie compradore pour désigner cette classe sociale qui tire sa fortune de son rôle d'intermédiaire entre son pays et l'extérieur et dont l'objectif n'est donc pas que le pays s'émancipe de ses liens de dépendance).

Si distinguer les deux types de colonisation est indispensable pour raisonner juste et ne pas être dupe d'un terme - colonisation - qui désigne des réalités bien différentes, il ne faut pas oublier que dans quelques endroits du monde, la colonisation d'exploitation fut aussi une colonisation de peuplement. L'Algérie qui a été ainsi une colonie d'exploitation où la relation colon/colonisé était évidente, le colonisé n'ayant pas les mêmes droits civiques que le colon, fut aussi une terre d'accueil pour un grand nombre de migrants européens. L'existence d'un million de « pieds-noirs » rendait le problème algérien infiniment plus difficile pour la France que les problèmes rencontrés au Maroc et en Tunisie, et c'est au terme d'une terrible guerre de huit années que l'Algérie allait devenir indépendante en 1962. L'indépendance du Maroc et de la Tunisie, comme plus tard celle de l'Afrique noire n'ont pas engendré des drames aussi aigus parce que le nombre de colons y était sans comparaison moindre. Un problème du même ordre se pose en Nouvelle-Calédonie avec les Caldoches qui dominent les Kanaks. En Afrique du Sud, la situation a pris un tour encore plus dramatique. La minorité blanche y dominait la majorité noire en exploitant son travail et a voulu la refouler dans les réserves appelées bantoustans ; il a fallu que l'apartheid (sa traduction littérale de développement séparé est un non-sens car le développement ne peut pas être fondé sur une logique d'exclusion sociale) montre son inviabilité pour qu'une politique autre soit engagée par les plus clairvoyants, non sans résistance de la part des extrémistes, et sorte le pays d'une situation de violence institutionnalisée qui l'a longtemps mis au ban des nations civilisées.

La colonisation a donc eu des effets contrastés en fonction des périodes, des formes de colonisation et des pays concernés. Ainsi, l’Inde a grandement souffert de la colonisation.

Pour Jean Charles Asselain ce n’est pas le cas des colonies britanniques à peuplement européen, les dominions, qui disposaient d’une pleine souveraineté interne. Certains auteurs tels que J Marseille ou S Brunel soulignent que la colonisation a eu aussi des apports positifs : construction d’infrastructures, amélioration de l’état sanitaire, amorce d’une industrialisation fondée sur les produits primaires… Plusieurs auteurs doutent des bienfaits de la colonisation pour les pays colonisateurs. Pour A Bairoch, les débouchés coloniaux sont très limités et les matières premières des colonies ne sont pas indispensables aux nations industrielles. Pour de nombreux libéraux la possession des colonies freine les innovations puisqu’elle offre à l’économie coloniale des marchés captifs. En outre, la colonisation draine vers les activités

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Page 21 des colonies, dont la rentabilité est artificiellement gonflée, des capitaux qui font défaut à d’autres activités. ( Montoussé, d' Agostino, Figliuzzi, 2008).

1.2 Typologies des stratégies d'industrialisation adoptées depuis la seconde guerre mondiale

Avant les années 1970, les situations économiques des pays du tiers monde sont proches.

Tous affichent des niveaux de développement économiques faibles. Les États nouvellement indépendants prennent à bras le corps la question du développement industriel. Comme l'indique Henri Rouillé D’Orfeuil (1991) « Presque tous les pays du tiers monde ont mis l'accent sur l'industrialisation dans leurs premiers plans de développement. L'Algérie, qui disposait d'une rente pétrolière substantielle, mais aussi l'Inde, le Brésil, les pays socialistes...

ont tous fait des efforts considérables».

La Conférence générale mondiale de l'Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI), réunie à Lima en 1975 met la barre très haut : 25% de la production industrielle mondiale devra être le fait du tiers monde en l'an 2000. Cette déclaration révèle une véritable ambition des leaders des pays du sud en matière de développement industriel et la confiance qui règne alors au sein de ces pays.

Si l’objectif de Lima est finalement atteint en 2000, ce chiffre global cache une grande diversité des situations. De nombreux pays en développement ne contribuent que pour une part insignifiante dans le total, d'autres sont devenus des puissances industrielles (Chine, Brésil, Corée du Sud, Mexique, Inde…).

Les politiques de développement, notamment industriel, la gestion des ressources et de la dette, l'inscription dans les échanges internationaux constituent les principaux ingrédients de l’éclatement du tiers monde. En matière d’industrialisation plusieurs stratégies sont mises en œuvre au lendemain des indépendances. Si souvent, les états privilégient une seule voie, la combinaison de modèles de développement industriel a souvent été favorable. Ainsi, la Corée du sud développe à partir des années 1970 une stratégie combinant la promotion des exportations (mise en œuvre dans les années 1960) et l’essor des industries lourdes et de biens durables (à l’abri des barrières douanières) pour faire évoluer et favoriser la diversification de ses exportations.

Cependant la crise de la dette au début des années 1980 et celles qui ont suivi sont révélatrices de la fragilité de ces États. Les institutions internationales et les grands États industrialisés poussent les pays les plus touchés à s’ancrer davantage dans la mondialisation.

Ainsi, le dernier quart du XXème siècle a été marqué par des développements différents des pays du sud en matière d'industrie à tel point que toute recherche d’unité est actuellement vaine.

2.1 Une stratégie de substitution d'importations et de remontée des filières

L'industrialisation peut reposer sur une stratégie de substitution d'importations, c'est-à-dire le remplacement des importations de produits industriels par des productions locales à l'abri de barrières protectionnistes. Pour cela, il faut que le marché national soit suffisant et que l’Etat joue un rôle important : Outre, la politique de protection douanière, il peut mener une

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Page 22 politique de monnaie faible afin de limiter des importations, encourager les industries nouvelles par des investissements, subventions ou prêts bonifiés.

La substitution s'applique, dans un premier temps, aux biens de consommation. Dans un second temps, les biens d'équipement sont à leur tour concernés dans une logique de remontée de filière. Il s'agit de produire des biens de plus en plus lourds et de plus en plus complexes.

La stratégie d'industrialisation par substitution d'importations, mise en œuvre dès les années 1930 en Amérique latine, est

appliquée après la seconde guerre mondiale dans un grand nombre de pays en développement : Corée du Sud et Taiwan (au cours des années 1950), Egypte, Inde... Dans la plupart de ces pays, l'industrie progresse.

L'Amérique latine connaît durant les années 1940 et 1950 un fort rattrapage industriel. On parle de miracle industriel mexicain, au Brésil la part de l'industrie dans le PIB est passée de 10% en 1929 à 40% en 1975. Dans certains pays asiatiques l'industrialisation par substitution des importations constitue une première étape dans le développement de l’industrie (Corée du sud, Taiwan).

Mais cette stratégie connaît plusieurs défaillances à partir des années 1960 :

- le protectionnisme réduit la concurrence entre entreprises peu productives et favorise l'inflation ;

- la remontée de filières se heurte au manque de capitaux et/ou à un endettement extérieur croissant qui s'alourdit, dès la fin des années 1970, du fait de la hausse du dollar et des taux d'intérêt...

- Les fruits de la croissance bénéficient peu aux salariés : la très forte inégalité sociale est quasi de règle dans les pays du Tiers monde.

- L’exiguïté du marché domestique limite la croissance. Seuls les très grands pays, par effet de masse, échappent donc au facteur limitant qu'est l'étroitesse du marché. Ainsi l'Inde, malgré une faible proportion de population assez aisée pour consommer des biens industriels durables, offre un marché suffisant au développement de ce modèle productif. De même, si 60 % des Brésiliens n'ont pas l'argent nécessaire pour acheter des biens durables, les 40 % restants sont, en chiffre absolu, plus nombreux que les Français.

- L’implantation de filiales de firmes multi nationales (FMN) conduit à des sorties de capitaux (rapatriement vers les maisons mères) et des importations d’intrants qui peuvent déséquilibrer les comptes extérieurs.

Face aux limites de ce modèle d'industrialisation, une large part des pays ayant opté pour ce modèle se sont ou ont dû se tourner vers une stratégie d’ouverture et d'exportation. Ces pays souvent incités par des structures telles que la banque mondiale et le FMI s’insèrent davantage dans la division internationale du travail à partir des années 1980.

Selon le dictionnaire de sciences économiques et sociales d'Agostino et al (2008) La remontée de filières est une stratégie consistant, à partir de la production d'un produit donné, à développer progressivement sur le territoire national l'activité d'unités de production intervenant en amont de la production de ce produit, constituant de ce fait une filière de production composée d'activités productives complémentaires.

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Page 23 2.2 L'industrialisation par industries industrialisantes

Pour certains chefs d’Etat, c’est un objectif majeur. L'Inde de Nehru, l'Algérie de Boumediene, la Chine et les pays socialistes ont ouvert la voie (fin des années 1940). La création d'« industries industrialisantes », c'est-à-dire d'une industrie lourde, est la condition première de la souveraineté industrielle recherchée. Il s'agit d'un modèle de développement qui privilégie les industries de base (sidérurgie, chimie de base) qui doivent produire un entrainement sur les industries aval. Le modèle d'industrialisation par les industries dites industrialisantes suit un cheminement exactement inverse du modèle précédent. Les investissements se concentrent dans un premier temps sur les industries amont pour ensuite descendre la filière industrielle : on va alors des industries lourdes aux industries légères, des industries de biens intermédiaires et de biens d'équipement aux industries de biens de consommation.

Ce type d'industrialisation est fortement inspiré de l'exemple soviétique des années 1930 : économie centralement planifiée (pays dont l'activité économique est régie par une planification, le plus souvent impérative, élaborée par l'État, les entreprises sont publiques).

L'Algérie qui a opté pour cette voie d'industrialisation à partir de 1966 a privilégié la sidérurgie, avec le complexe d'Annaba, et la pétroléochimie, à Arzew. La particularité de ce choix de modèle de développement de l’industrie réside dans le fait qu’il s’agit d’industries très coûteuses en investissement initial et dont la rentabilité financière ne peut être attendue qu'à un terme relativement long. En Algérie, la part de l’industrie dans le PIB passe de 38%

en 1965 à 56% en 1981.

Ce modèle de développement de l’industrie comporte des risques importants :

 Les économies d'échelle exigent dès le départ un dimensionnement des installations dépassant les capacités d'absorption du marché intérieur. Toutes ces raisons font que l'État intervient directement. II est le seul à pouvoir immobiliser pendant longtemps les sommes nécessaires et c'est donc lui qui investit.

 Dans des pays comme l’Algérie, l’Irak, le Nigéria, le financement des investissements est fondé sur l’exportation du gaz et/ou du pétrole. La chute des cours durant les années 1980 pose un véritable problème d’endettement.

 Par ailleurs, la priorité accordée à l’industrie lourde bride la croissance des industries légères et de l’agriculture. « De ce point de vue, et à court et moyen terme, les industries lourdes ont des effets que beaucoup jugent négatifs sur les autres branches économiques. Il est évident, que les sommes investies dans les branches lourdes ne sont pas disponibles pour les branches légères. Aussi, les industries de consommation sont-elles en quelque sorte négligées, au motif que dans une phase ultérieure elles connaîtront un essor précisément grâce à la capacité productive qui aura été assurée dans les branches d'amont » (Bret 2006). Comme l’indique M Montoussé (2007), l’agriculture étant sacrifiée, il faut importer des biens alimentaires ce qui induit une dépendance supplémentaire à l’égard de l’extérieur.

Aussi, presque partout on a fait depuis marche arrière sur le volontarisme et l'étatisme en matière industrielle et accordé plus de place au marché pour orienter les choix économiques.

On cherche aujourd'hui à favoriser l'émergence d'une véritable génération d'entrepreneurs. On continue en revanche de considérer la création d'un espace économique protégé comme nécessaire à la naissance d'une industrie nationale.

(24)

Page 24 2. 3 L'industrialisation extravertie, par les exportations et l’alliance avec les entreprises multinationales

Nous pouvons distinguer deux modèles d’industrialisation basés sur les exportations : le premier repose sur l’exportation de produits primaires, le second sur l’exportation de produits manufacturés. Ces deux modèles ont connu des fortunes diverses :

Selon Montoussé (2007), l'exportation de produits primaires a rarement favorisé 1'industrialisation. De nombreux pays en développement ont tenté de d’asseoir leur développement économique sur 1'exportation de produits primaires pour financer les investissements dans l'industrie et les importations de biens d'équipement. L’exportation de produits primaires non agricoles devait ainsi permettre le développement d’une industrie extractive dont les effets d'entrainement pouvaient impulser une industrialisation plus diversifiée. Plusieurs pays exportateurs de pétrole ont adopté cette stratégie dans les années 1970. C’est aussi le cas de nombreux pays latino-américains (Brésil, Argentine…) sans que cela soit leur stratégie prioritaire. Des pays africains tels que la Côte-d’Ivoire et le Sénégal se sont engagés sur cette voie dès les années 1960.

Cependant, la dégradation des termes de 1'échange des pays exportateurs de produits primaires non pétroliers au cours des années 1980 a réduit 1'impact de cette stratégie : la baisse des prix des produits primaires a accru le coût des importations de biens d'équipement et accentué la dette extérieure. Ainsi, selon Konate (2002) le modèle d’une croissance tirée par les exportations de produits primaires/ matières premières a fortement aggravé les déséquilibres structurels des pays du Maghreb. Non seulement le niveau de leurs exportations agricoles et industrielles s’est réduit sous l’influence de conditions climatiques fréquemment mauvaises et du ralentissement économique dans les pays européens, mais en plus, la baisse des prix des principales matières premières exportées a été brutale. Ainsi, pour le Maroc le prix du phosphate a diminué de moitié de 1975 à 1978.

En conséquence, les déficits se sont aggravés, tandis que les réserves de changes touchaient leur plus bas niveau historique. Afin de compenser cette mauvaise passe, les pays ont massivement eu recours à l’endettement. En effet, un meilleur accès au financement international durant les années 1970, « période de l’argent facile », dans le contexte du premier choc pétrolier, a augmenté substantiellement le niveau d’endettement de ces pays.

Toutefois, à partir des années 1980, vu l’ampleur des déficits et la montée des revendications sociales, les défauts de paiement sont apparus (Maroc et Algérie) et les gouvernements ont dû progressivement se tourner vers le FMI.

L'industrialisation reposant sur l’exportation de produits manufacturés vers les pays développés parait plus efficace. Pour ce faire, il faut tirer parti des meilleures cartes : le faible coût de la main-d'œuvre, une législation permissive et une fiscalité dérisoire. Il faut aussi passer alliance avec les maîtres internationaux de l'industrie, de la technologie, du commerce et de la finance.

Ce modèle dans sa version pure connait peu de succès jusqu’aux années 1950. Même chez les futurs dragons asiatiques, l’Etat intervient de façon notable notamment par une planification souple, par des mesures de protection des produits nationaux, des incitations fiscales, des prêts aux entreprises. L’ouverture sur les marchés extérieurs s’est faite durant les années 1960-1970 notamment dans les pays d’Asie de l’est et du sud-est. Ainsi, les exportations thaïlandaises qui étaient composées à 70% de produits primaires agricoles en 1975, sont constituées à 75% de produits manufacturés en 2004. En Corée du sud, le nouveau

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