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Urbanités sans profil ? Notes de lecture : "Walter Benjamin, Moscou, Mille et une nuits, collection La ville entière, 1999" et "Jean-Luc Nancy, La Ville au loin, Mille et une nuits, collection La ville entière, 1999".

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Urbanités sans profil ? Notes de lecture : ”Walter

Benjamin, Moscou, Mille et une nuits, collection La ville

entière, 1999” et ”Jean-Luc Nancy, La Ville au loin,

Mille et une nuits, collection La ville entière, 1999”.

Laurent Devisme

To cite this version:

Laurent Devisme. Urbanités sans profil ? Notes de lecture : ”Walter Benjamin, Moscou, Mille et

une nuits, collection La ville entière, 1999” et ”Jean-Luc Nancy, La Ville au loin, Mille et une nuits,

collection La ville entière, 1999”.. 1999, pp.160-163. �hal-03168057�

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notes de lecture

MOSCOU DE WALTER BENJAMIN LA VILLE AU LOIN DE JEAN-LUC NANCY

<r Nous sommes tous des urba­

nistes sans emploi, nous avons tous des urbanités sans profil. »

Jean-Luc Nancy, p.12.

Une nouvelle collection au titre prometteur, « La ville entière », reflète un projet é d ito ria l qui m érite d'être m entionné. Son o b je t n'est ni la v ille des spécialistes, ni celle des experts mais la visée d'une to ta lité qui ne passerait pas nécessairement par le truchem ent de combinatoires. Pour l'année 1999 le directeur de l'architecture au m inistère de la Culture a confié ce pro­ je t à Jean-Christophe Bailly qui a notam m ent choisi d'éditer les deux textes dont i l est question ic i'. L'un se situe dans la contem poranéité la plus exacerbée e t évoque un horizon par rapport auquel une grande partie de la recherche urbaine est aujour­ d'hui mobilisée, l'autre a été é c rit i l y a plus de soixante- dix ans par l'un des écrivains urbains les plus féconds, Walter Benjam in. Et le

va-et-vie n t entre ces deux lectures s 'é ta b lit entre le Moscou de la fin des années 1920 en pleine tension, en pleine urbanité mouvante e t le L.A. (comme il serait rétrograde, n'est-ce-pas, de dire encore Los Angeles ?) d'aujourd'hui, balançant entre omniprésence (rien que du présent) et « capitale du fu tu r » comme le proposait le sociologue Mike Davis.

Benjamin parle de la v ille q u 'il découvre au moment oppor­ tu n , c'est-à-dire l'hiver, dans les conditions clim atiques les plus rudes. Son tableau est celui d'une grande v ille du mouvement, opposée aux rythmes froids de Berlin do n t les avenues trop grandes sont désertes. Benjamin d é crit des situations qui rappelleraient presque ce que narrent au même moment des socio­ logues américains à Chicago. Que l'on en juge : « Chaque pensée, chaque jo u r e t chaque vie est ici comme sur la table d'un laboratoire. Et comme s'il s'agissait d'un m étal auquel

on veut arracher par tous les moyens une matière inconnue. Aucun organisme, aucune ins­ titu tio n ne peut se dérober à ce processus. Les employés dans les entreprises, les fonc­ tionnaires dans les bâtiments, les meubles dans les apparte­ ments, to u t est regroupé, transféré e t b a llo tté » (pp. 24-25). Des différences entre Moscou e t Chicago, i l y en a bien sûr, au niveau des moda­ lités de régulation sociale, des formes ju rid iq ue s de propriété. Benjamin ne commence ici aucune analyse de la c o n s titu ­ tio n de la valeur ( il la fa it ailleurs), i l montre des trans­ form ations de cet ordre au cours de ses déambulations. Ainsi de cette réunion dans le club des paysans, place Trubna, « qui é ta it ja d is un des premiers restaurants de Moscou. Les anciens salons séparés sont aujourd'hui des dortoirs pour les paysans et les paysannes qui o n t reçu une Kommandirovka pour aller en ville . Là, on leur fa it vis ite r les collections e t les casernes, on organise à leur in te n tio n

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des cours e t des soirées c u ltu ­ relles. I l y a aussi parfois un théâtre pédagogique sous la forme de débats judiciaires. A cette occasion environ trois cent personnes assises e t debout envahissent la salle tapissée de rouge e t La rem plissent jusqu'au dernier recoin. Dans une niche, le buste de Lénine. Les débats se déroulent sur une scène devant laquelle, à droite et à gauche, des figures peintes de prolétaires - un paysan e t un ouvrier de l'industrie - symbo­ lisent la smitchka (l'agrafe), l'agrafage de la v ille e t de la campagne. L'instruction v ie n t de se term iner, un expert prend la parole » (p. 56). La scène évoque bien la p la n ifi­ cation soviétique en acte dans la vie quotidienne. Benjamin remarquait déjà cette curiosité du Lénine fétiche. Certes, au contraire du capitalisme, sys­ tème dans lequel le pouvoir e t l'argent sont deux grandeurs commensurables, le socialisme est censé empêcher la corrup­ tio n avec d'un côté le parti, de l'autre les nepmen m ais...

Benjamin, dans ce texte, laisse vo ir son scepticisme quant à la réalité de cette d is tin c tio n . De fa it, loin d'être séduit par un modèle d'orga­ nisation, c'est le débordement qui le fascine, c'est la densité couplée à la diversité du phé­ nomène urbain qui retie n t son a tte n tio n .

Cette combinaison, qui vaut comme d é fin itio n principale au sein de plusieurs théories urbaines2 est peut-être aporétique aujourd'hui ; c'est du moins ce que d it le philosophe Jean-Luc Nancy, à propos de Los Angeles. Quelle densité ? Los Angeles aura b ie n tô t oublié le vocable même de ville . D'ailleurs le philosophe ne veut ni définir, ni même conceptualiser une dérive qui d o it garder la chan­ ce e t le risque de l'in s ig n ifia n ­ ce. Dépourvu de l'héritage d'une v ille compacte, Los Angeles est éclatem ent des lieux. S'oppose-t-il à d'autres géotypes ? Non, pas même à une campagne : « Les vaches ne sont po u rta n t pas loin.

mais l'im m ensité des ranchs les disperse, elles aussi » (p. 24). Des villes nouvelles dans la nébuleuse urbaine se sont construites e t se construisent toujours, sans âme aucune. Selon Nancy, i l fa u t sûrement passer par ce stade d'insignifiance pour trouver autre chose, qui sera a tte in t « par tremblements, par fissures, par détournem ent par révolte ou par lassitude » (p. 28). Nancy est prolixe en tournures de style, les phéno­ mènes tectoniques, sociaux e t esthétiques se télescopent dans sa réflexion. Sa posture revient à rejeter une a ttitu d e de défense face à un éta t délié des choses. On peut du reste trouver dans son livre

La Communauté désœuvrée3

un écho à cette proposition p u isqu'il cherchait alors un renouveau de la réflexion sur la communauté, celle-ci gagnant à s'émanciper des idées socialisatrices du tra v a il e t de l'idéal de communion fusionnelle.

La ville au loin est en vérité la

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é c rit en 1987 suite à un voya­ ge en Californie, l'autre é crit cette année. Mais l'auteur ne procède à aucun exercice réglé de comparaison diachronique. Son style fa it écho à ce qu'il d é crit : il est assez chaotique e t de to u te façon peu compo­ sé, hormis un sens de la fo r­ mule e t des propositions langagières pour nommer certains des changements « repérés » ou p lu tô t appré­ hendés, entr'aperçus ( il serait trop fo rt de parler de repères). I l en est ainsi du passage de la v ille tentaculaire à la ville arachnéenne. Cette métaphore signale une v ille devenue to ta lité éparpillée. Im m anquablem ent nous sommes ramenés vers les débats actuels autour d'une nouvelle question urbaine. L'on peut au moins faire résonner cette idée avec celle de « m étapole », développée par François Ascher, qui la d é fin it comme discontinue, e t plus généralement avec les travaux relatifs à la recherche de nouvelles approches socié­ tales de l'urbain. Le texte

de Nancy constitue un appel à poursuivre la réflexion dans le sens d'une déconstruction du phénomène urbain : ne plus le vo ir comme organisme c'est sûr (e t malgré l'analogie animale évoquée ic i), ni comme lieu de l'établissem ent, l'une des deux faces de la ville, selon Ildefonso Cerda, rappelons-nous. I l ne reste alors que l'autre face, le mou­ vement, d it Nancy, qui précise même q u 'il s'a git du mouve­ m ent non finalisé de la te ch ­ nique : « frayer en tous sens des passages sans vocation finale, ouvrir des allées et venues, des événements plu­ tô t que des avènements. ( . .. ) le savoir-faire de l'absence de fin . L'excellence de l'urbanis­ me, to u t comme celle de l'ur­ banité, est un a rt d'accueillir cette absence e t cette in fin i­ té , un a rt qui se partage avec l'a rt de la flânerie comme avec celui de to u te espèce de négoce, l'a rt d'une singulière liberté » (pp. 49 e t 51). Nancy défie dans ce livre to u te approche form elle e t ne se risque que par allusion aux

géométries fractales. Pas de p rétention savante à fonder une nouvelle acception des lieux qui s'inspirerait des avancées scientifiques, im por­ tées d'autres champs de la connaissance (espace brow­ nien, ch a o s...). Précisément, a lieu en v ille autre chose que le lieu. Et cette caractérisa­ tio n par défaut se trouve en phase avec les écrits d'Isaac Joseph, notamment ceux de son dernier ouvrage dans lequel on lit : « On pourra alors d é fin ir le c ita d in comme passant e t être de passage, e t les droits du c ita d in comme droits de regard e t " d ro it de v is ite " (Kant). Surtout, les valeurs d'urbanité n 'on t plus de raison d'être monopolisées par le centre (downtown ou agora). L'espace dans lequel elles se d éploient est un espace structuré comme un jo u rn a l, un espace fa it de "plusieurs mondes différents, certes contigus mais malgré to u t bien d is tin c ts ", un espace qui n'a plus rien d'organique. » 4

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peine esquissées ici relancent des champs de recherche : d'une part en réinterrogeant le domaine des théories de la p la n ifica tio n mais aussi en a llia n t expériences, situations concrètes e t recherche p h ilo ­ sophique. Ces voies offrent un dépassement possible de la fragm entation disciplinaire usuelle qui opère par étages : plus on monte vers le symbo­ lique, moins c'est scie n ti­ fiq u e ... Cet e sp rit positiviste est en train de passer. I l reste à transformer ces stim ulants essais en programmes d'en­ quête, en nouveaux descrip­ teurs afin d'éviter le m étalan­ gage.

Les très nombreuses variations textuelles autour de Los Angeles5 questionnent les théories urbaines e t laissent aussi transparaître une d iffé ­ rence non négligeable. D'un côté, une critique sociale m ontrant comment on en est arrivé là, une démarche h isto ­ rique m etta n t en garde contre la généralisation de ce type d'urbanisation e t rappelant

l'existence d'alternatives ; il en est ainsi de la critique humaniste à l'oeuvre par exemple chez Cynthia Ghorra- Gobin qui pointe les effets du mythe pastoral e t p u rita in sur la faible densité (e t le refus de l'a lté rité qu'ils im pliquent) e t reprend les analyses de Richard Sennett sur la montée de l'insignifiance et sur la disparition de l'espace public au p ro fit du gonflem ent de la sphère privée. D'un autre côté une fascination qui, si elle renouvelle les questions lé g i­ times à adresser à l'urbain en défaisant les grosses ficelles des idéologies socialisatrices, verse aussi parfois dans la complaisance.

L'exigence de parler de la v ille entière est assurément en lien avec la d iffic u lté contem porai­ ne de son énonciation.

Laurent Devisme, LAUA,

École d'architecture de Nantes

Walter BENJAMIN

Moscou (79 p.)

& Jean-Luc NANCY

La Ville au loin (71 p.)

M ille e t une nuits, co llection La v ille entière, 1999.

( 1 ) Les deux autres sont Le murmure

de Paris d'Anna Maria Ortese et Berlin est trop grand pou r Berlin de Hans

Zischler.

( 2 ) Citons notam m ent Henri Lefebvre qui rapproche centralité et urbanité, Paul Claval qui d é fin it l'urbain comme la m axim isation des interactions sociales et, plus récemment, Jacques Lévy et Michel Lussault Les optiques théoriques sont chaque fois d iffé ­ rentes.

(3 ) 1983 - 1991, Paris, Bourgeois.

(4) Isaac Joseph, La Ville sans qualités, p. 84.

(5 ) Pour les ouvrages en français, voir par exemple Mike Davis, City o f Quartz,

Los Angeles capitale du fu tu r, Paris, La

Découverte, 1997, e t Cynthia Gbonra- Gobin, Los Angeles, le mythe américain

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