Relation entre le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et la consommation de substances psychoactives chez les adolescents :
le rôle médiateur du trouble des conduites
Mémoire
Joanie Albert
Maîtrise en service social Maître en service social (M.Serv.Soc.)
Québec, Canada
iii
Résumé
Cette étude vise à documenter la relation entre le TDAH et la consommation de substances psychoactives chez les adolescents, selon qu’ils présentent ou non un trouble des conduites et que ce trouble soit précoce ou limité à l’adolescence. Elle a été réalisée à l’aide d’une analyse secondaire des données de l’étude de Pauzé et al. (2004) et portait sur un sous-échantillon de jeunes âgés de 12 à 17 ans présentant un TDAH (68 jeunes) référés à la prise en charge des centres jeunesse. Résultats : Les jeunes présentant un TDAH de l’échantillon ne se distinguaient pas des jeunes ne présentant pas de TDAH quant à leur consommation de substances psychoactives. Toutefois, l’ensemble des résultats indique que la présence de problèmes de consommation de substances psychoactives chez les jeunes ayant un TDAH semble positivement associée à la présence de trouble des conduites, principalement le trouble des conduites ayant débuté à l’adolescence.
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Table des matières
Résumé ... iii
Table des matières ... v
Liste des tableaux ... ix
Remerciements ... xv
Chapitre 1 ... 1
1.1 Introduction ... 1
1.2 Problématique ... 2
Chapitre 2 Recension des écrits ... 7
2.1- Définition des concepts ... 7
2.1.1 - Définition du TDAH ... 7
2.1.2 - Les différentes substances psychoactives ... 9
2.1.3 - Différents niveaux de consommation de substances psychoactives .... 9
2.2- Démarche de recension des écrits ... 11
2.3- Résultats de la recension des écrits ... 12
2.3.1- Relation entre le TDAH et consommation de substances psychoactives ... 12
2.3.2 - La relation entre la prise de médication de psychostimulants chez les jeunes TDAH et la consommation de substances psychoactives ... 17
2.3.3 - La relation entre l’âge d’initiation aux substances psychoactives et la consommation de ces substances chez les adolescents TDAH ... 19
2.3.4 - La relation entre la présence de comportements perturbateurs et la consommation de substances psychoactives chez les adolescents TDAH ... 20
2.3.5- La relation entre la présence d’autres troubles psychologiques et la consommation de substances psychoactives chez les adolescents TDAH .... 23
2.3.6- L’identification d’autres facteurs de protection autres que la prise de médication de psychostimulants pour prévenir la consommation de substances psychoactives. ... 24
vi
2.3.7- Conclusion ... 24
Chapitre 3 La relation entre le TDAH, le trouble des conduites et la consommation de substances psychoactives ... 27
3.1 Définition du trouble des conduites ... 27
3.2 Démarche de la recension des écrits ... 29
3.3 Résultats de la recension ... 29
3.3.1 Relation entre le TDAH et la consommation de substances psychoactives en considérant le trouble des conduites comme variable médiatrice ... 30
3.3.2 Relation entre le trouble des conduites et la consommation de substances psychoactives. ... 31
3.4 Conclusion ... 33
3.5 Limites des études ... 33
Chapitre 4 Objectif et pertinence de la recherche ... 35
4.1 Objectif de l’étude ... 35
4.2 Pertinence sociale et scientifique ... 36
Chapitre 5 Cadre conceptuel ... 37
5.1- La psychopathologie du développement ... 37
5.2-Modèle théorique ... 39
5.2.1 Choix du modèle ... 39
5.2.2 Le modèle de Moffit (1993) ... 39
5.2.3 Utilité du modèle dans la présente étude ... 40
Chapitre 6 Méthodologie de l’étude principale ... 43
6.1-Présentation de l’étude principale ... 43
6.1.1 - Critères de sélection des sujets ... 44
6.1.2- Procédures de sélection des sujets ... 45
vii
6.1.4 - Méthode de collecte des données ... 47
Chapitre 7 Méthodologie de la présente étude ... 49
7.1-Choix de l’échantillon ... 49
7.2- Instruments de mesure utilisés ... 49
7.2.1- Diagnostic Interview Schedule for Children (DISC) ... 50
7.2.2- L’indice de gravité de toxicomanie pour adolescents (IGT-ADO) .... 51
7.3- Analyses statistiques ... 53
7.4- Considérations éthiques ... 54
Chapitre 8 Résultats ... 55
8.1 Description et comparaison de la consommation des jeunes présentant ou non un TDAH ... 55
8.2.1 Conclusion ... 56
8.3 Description et comparaison de la consommation des jeunes TDAH selon qu’ils soient une fille ou un garçon ... 57
8.3.1 Conclusion ... 58
8.4 Description et comparaison de la consommation chez les jeunes TDAH selon qu’ils présentent ou non un TC ... 58
8.4.1 Conclusion ... 58
8.5 Description et comparaison de la consommation des jeunes TDAH selon qu’ils présentent un TC précoce ou limité à l’adolescence ... 59
8.6 L’identification des variables les plus fortement associées à la consommation de substances psychoactives ... 59
8.7 Description de la consommation chez les jeunes TC selon qu’ils présentent ou non un TDAH ... 61
8.8 Conclusion générale ... 62
Chapitre 9 Discussion ... 63
9.1. Consommation de substances psychoactives chez les jeunes présentant un TDAH ... 64
viii
9.2 Consommation de substances psychoactives chez les adolescents présentant un TDAH selon le sexe, la présence ou non d’un trouble des conduites et le fait
que celui-ci soit apparu au cours de l’enfance ou de l’adolescence. ... 65
9.2.1 Différences selon le sexe des jeunes ... 65
9.2.2 Présence ou non du trouble des conduites ... 66
9.2.3 La précocité du trouble des conduites ... 66
9.3 Les variables les plus fortement associées à la consommation de substances psychoactives chez les jeunes présentant un TDAH. ... 67
9.4 Faits saillants ... 68
9.5 L’apport de notre étude sur l’avancement des connaissances ... 68
9.6 Limites et recommandations pour la recherche ... 69
9.7 Retombés et recommandations pour la pratique ... 69
Chapitre 10 Conclusion ... 73
Références bibliographiques ... 75
Annexe A Tableaux de recensions des écrits (chapitre 2 et 3) ... 85
Tableau A- Relation entre le TDAH et la consommation de substances psychoactives ... 86
Tableau B – La relation entre le TDAH, le trouble des conduites et la consommation de substances psychoactives ... 135
ix
Liste des tableaux
Tableau A –Recension des écrits : Relation entre le TDAH et la consommation de
substances psychoactives... 86 Tableau B – Recension des écrits : Relation entre le TDAH, le trouble des conduites et la consommation de substances psychoactives... 135 Tableau 1 – Description de la consommation des jeunes avec un TDAH et des jeunes sans TDAH... 151 Tableau 2 – Description de la consommation jeunes TDAH garçons et
filles... 155 Tableau 3 – Description de la consommation chez les jeunes TDAH selon qu’ils
présentent ou non un TC... 159 Tableau 4 – Description de la consommation chez les jeunes TDAH selon qu’ils
présentent un TC précoce ou tardif... 163 Tableau 5 – Variables associées à la de la consommation de substances psychoactives.. 61 Tableau 6 – Description de la consommation des jeunes TC selon qu’ils présentent ou non un TDAH... 167
xi L’important n’est pas de convaincre,
mais de donner à réfléchir. Bernard Werber
xiii À mon mari
xv
Remerciements
J’aimerais tout d’abord remercier mon directeur, M. Robert Pauzé, pour sa douceur, son encadrement et son transfert de connaissances. Sincèrement, j’ai appris avec cet homme plus que dans l’ensemble de tous mes cours de recherche. M. Pauzé fait définitivement partie des gens dont la bonté et le talent vont marquer ma route à jamais.
Merci aussi à ma codirectrice, madame Myriam Laventure. Son dynamisme et ses bons conseils m’ont permis de porter adéquatement à terme mon projet de maîtrise. Je la remercie surtout pour son implication dans mon analyse de données. Sa contribution fut importante et très précieuse.
Merci à mes parents pour leur soutien. Merci à ma douce mère, Jacynthe Martel, qui porte un intérêt spécial à ce que je fais et qui croit en mes compétences. Merci à Rino Albert, mon père, puisqu’il croit en moi et me fait confiance aveuglément dans mes choix. Merci papa de me laisser allez sans trop broncher dans mon désir de poursuivre mes études… Merci à ma petite sœur, ma rose éternelle, puisque c’est avec son cœur que le mien s’est accordé et qu’il bat à chaque jour au même rythme. Merci de vivre, Marie-Claude Albert, cela me permet de vivre à mon tour.
Merci à ma meilleure et merveilleuse amie Jessica Tremblay. Nos discussions autour des différentes problématiques associées à la toxicomanie et aux jeunes ont eu pour effet d’alimenter mes réflexions et faire grandir mon intérêt envers la recherche.
Enfin, un merci tout spécial pour mon mari, mon ami, mon partenaire. Nicolas est mon fin renard, ma machine à réflexion scientifique, mon passionné et passionnant admirateur. Sans lui je n’aurais probablement pas terminé ma maîtrise avec autant d’enthousiasme. Il est sans aucun doute une des raisons principales de ma poursuite académique. Je lui dois une grosse part de mon équilibre. Il est ma raison lorsque l’émotion est trop forte. Il me permet d’avancer à grande vitesse. Nicolas Corneau-Tremblay, merci d’avoir fait émerger en moi cette nouvelle passion, merci de croire autant en moi et d’être là… Toujours là.
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Chapitre 1
1.1 Introduction
Le travail social est exercé dans plusieurs milieux tels que les hôpitaux généraux et psychiatriques, les commissions scolaires, les établissements correctionnels et les organismes d’aide aux familles et à l’enfance (Association canadienne des Travailleurs Sociaux, n.d). Que ce soit dans un de ces milieux ou dans des organismes spécialisés en dépendance (Centre de réadaptation en dépendance du Québec, Centre CASA, résidence le portail, etc.), les travailleurs sociaux sont susceptibles d’intervenir auprès de personnes qui ont une problématique de dépendance à une substance psychoactive. En amont ou en aval de la problématique, les travailleurs sociaux ont donc un rôle important à jouer. Plus précisément, dans le but d’intervenir de manière préventive, ils doivent être en mesure de reconnaître les facteurs de risque chez leurs clients afin de cibler les personnes les plus à risque de présenter un problème de dépendance (amont). De plus, ils doivent être en mesure de soulever les problèmes sous-jacents lorsque leur client souffre d’une telle problématique pour intervenir de manière adéquate afin de favoriser le rétablissement, la réhabilitation et la réinsertion sociale des individus (aval). Les problèmes de dépendance affectent le fonctionnement social de l’individu et ont un impact sur toutes les sphères de vie de la personne qui en souffre. Les personnes dépendantes à une substance peuvent même se voir dépourvues de repères et s’éloigner de ce qui constitue leurs liens d’attachement avec leur milieu social (Comité permanent de lutte à la toxicomanie, 2002).
Dans le but de cibler les adolescents et adolescentes1 les plus à risque de présenter
un problème de consommation de substances psychoactives et d’être à l’affut des problèmes concomitants comme le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et le trouble des conduites, les travailleurs sociaux ont une place importante à prendre dans la recherche sur ce sujet. Nous constatons cependant que ceux-ci
1 Pour la suite du mémoire, nous utiliserons le masculin. Ceci est fait sans aucune discrimination et dans le
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sont presque absents dans la littérature sur les problèmes de dépendance à une substance psychoactive chez les adolescents. En effet, les travaux de recherche sont souvent effectués par des psychologues ou des médecins. Puisque les travailleurs sociaux occupent une place importante dans les organismes œuvrant auprès de personnes dépendantes, nous croyons qu’il est primordial que ceux-ci soient davantage impliqués dans le développement des connaissances sur ce sujet.
Pour notre part, le contexte entourant cette problématique nous apparaît primordial. C’est pourquoi nous avons choisi de nous intéresser à ce sujet dans notre projet de mémoire. Nous tentons par notre étude d’identifier des sous-groupes cliniques à risque de développer une problématique de dépendance chez la population des jeunes avec un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Plus précisément, la présente étude vise à documenter la relation entre la présence d’un TDAH et la consommation de substances psychoactives chez les adolescents.
Les résultats permettront non seulement aux travailleurs sociaux de reconnaître certains facteurs de risque chez les jeunes qui ont un TDAH, mais aussi de prendre en considération que les troubles concomitants sont présents chez les personnes qui souffrent de dépendance. Le fait de ne pas déceler les troubles concomitants peut nuire à la prise en charge, à l’accompagnement et au soutien des personnes dépendantes (Naassila, 2014). 1.2 Problématique
Depuis quelques années, des études ont permis d’établir une relation entre la présence d’un TDAH chez les enfants et les adolescents et la consommation de substances psychoactives. Manuza et Klein (2000) rapportent que les enfants présentant un TDAH sont quatre fois plus à risque de développer un problème de consommation de substances psychoactives à l’âge adulte que ceux sans TDAH (16% versus 4%). Selon Sullivan et Rudnick-Levin (2001), chez les enfants dont le TDAH persiste jusqu’à l’âge adulte, c’est plus de 50% d’entre eux qui répondent aux critères d’une consommation problématique de substances psychoactives.
3 Certaines études indiquent que cette relation entre la présence de TDAH et la consommation problématique de substances psychoactives serait davantage présente chez les enfants bénéficiant d’une médication de psychostimulants2. Par exemple, Kaminer (2013) observe que 23% des jeunes avec un TDAH abusent de substances psychoactives après avoir été médicamentés. Toutefois, l’auteur ne rapporte pas de résultats concernant les jeunes non médicamentés dans sa recherche, ce qui ne permet pas d’évaluer l’effet spécifique de la médication. Par ailleurs, Wilens, Gignac, Swezey, Monuteaux et Biederman (2006) remarquent que 22% des adolescents et des jeunes adultes prenant une médication pour le TDAH abusent de leur médication comparativement à 5% de ceux médicamentés pour une autre problématique. D’autres ont aussi observé qu’à l’âge adulte, ce sont les personnes qui utilisent à mauvais escient leur médication qui sont les plus à risque de rapporter une consommation de drogues illicites (Barrett, Jardin & Pihl, 2007). Autrement dit, selon les données de ces études, il est possible que la prise de médication contribue à augmenter le risque d’une consommation de substances psychoactives.
Ce point de vue n’est cependant pas partagé par tous les chercheurs. Par exemple, Grant et Dawson (1997) affirment que ce n’est pas tant la prise de médication qui pose problème mais plutôt l’exposition précoce des jeunes TDAH aux substances psychoactives (toutes les substances confondues, l’alcool en particulier) qui augmente les risques d’une consommation problématique à l’adolescence et à l’âge adulte. D’autres chercheurs partagent également l’idée que la prise d’une médication de psychostimulants ne serait pas un facteur de risque à la consommation. À cet égard, les résultats d’une méta-analyse réalisée par Molina et al. (2013) nous apprend que le traitement du TDAH par une médication de psychostimulants ne serait pas corrélé à la consommation de substances
2 Selon Rollini et Baud (2008), la prise de Méthylphénidate serait le traitement de choix pour le TDAH. Aussi
bien chez l’adulte que chez l’enfant, il est le psychostimulant le plus prescrit. Toutefois, s’il n’est pas toléré par le patient ou si celui-ci présente en cooccurrence un trouble anxieux ou dépressif, le médecin traitant peut prescrire des antidépresseurs tels que la Venlafaxine ou le Bupropion qui agissent à la fois comme antidépresseurs et psychostimulants (Rollini & Baud, 2008). Des données récentes indiquent une augmentation de 187% entre 1994 et 1997 du total de prescriptions de psychostimulants aux États-Unis (Lin, Crawford & Lurvey, 2004). La tendance à la hausse de cette médication est aussi observée au Canada chez les enfants diagnostiqués TDAH. En effet, Brault et Lacourse (2011) rapportent que 59% des enfants d’âge scolaire avec un TDAH étaient médicamentés en 2007 comparativement à 43% dans les années 2000.
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psychoactives chez les adolescents. De même, Wilens, Faraone, Biederman et Gunawardene (2003) rapportent que les personnes ayant reçu une médication de psychostimulants pour le TDAH au cours de leur l’enfance sont moins à risque de développer une problématique liée à la consommation de drogue. Lynskey et Hall (2001) affirment même que la médication dans l’enfance serait associée à une réduction de 85% du risque de développer une problématique liée à l’usage de substances psychoactives chez les personnes avec un TDAH à l’âge adulte.
Cette divergence de point de vue entre les chercheurs sur cette question peut éventuellement s’expliquer par la présence d’autres variables, notamment la présence ou non de conduites antisociales chez les enfants et les adolescents. À cet égard, Barkley, Fischer, Smallish et Fletcher (2004) et Szobot et Dukstein (2008) notent que la relation entre le TDAH et la consommation de substances psychoactives serait principalement influencée par la présence de conduites antisociales ou de trouble des conduites chez les jeunes. Dans le même ordre d’idées, Lynskey et Hall (2001) affirment que la relation entre le TDAH et la consommation de substances psychoactives a probablement été surestimée et qu’elle serait mieux expliquée par la présence de trouble des conduites.
La présente étude vise spécifiquement à tester cette hypothèse du rôle médiateur de la présence du trouble des conduites dans la relation entre le TDAH et la consommation de substances psychoactives chez les adolescents et les adolescentes. Les résultats de cette étude permettront éventuellement de mieux cibler les jeunes TDAH les plus à risque d’une consommation problématique de substances psychoactives et de planifier les services qui devraient être développés pour faire de la prévention et, ultimement, intervenir auprès des jeunes les plus à risque.
Dans les sections qui suivent, nous présentons dans l’ordre une recension des écrits sur la relation entre la présence d’un TDAH et la consommation de substances psychoactives chez les adolescents (chapitre 2) et une recension des écrits sur la relation entre le TDAH, la présence de conduites antisociales ou de trouble des conduites et la consommation de substances psychoactives chez les adolescents (chapitre 3). La définition des principaux concepts traités dans ce projet de mémoire est présentée en guise
5 d’introduction des chapitres 2 et 3. Suivra la présentation du modèle théorique (chapitre 4) du cadre conceptuel (chapitre5), de la méthodologie de l’étude principale (chapitre 5), de la méthodologie de la présente étude (chapitre 6), des résultats (chapitre 8) de la discussion (chapitre 9) et, enfin, de la conclusion (chapitre 10).
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Chapitre 2
Recension des écrits
Ce deuxième chapitre comprend trois sections. Dans l’ordre, nous présentons les définitions des principaux concepts sur lesquels porte la présente étude ; suit la description de la démarche de la recension des écrits sur la relation entre le TDAH et la consommation de substances psychoactives ; finalement, nous présentons les résultats des études recensées.
2.1- Définition des concepts
Dans cette première section nous proposons une définition des concepts suivants : TDAH, substances psychoactives et niveaux de consommation de substances psychoactives.
2.1.1 - Définition du TDAH
Selon le manuel diagnostic des troubles mentaux (DSM-V, 2013), le TDAH se définit comme un mode persistant d’inattention et/ou d’hyperactivité/impulsivité qui interfère dans le développement fonctionnel de l’enfant. Le TDAH comporte deux grandes catégories de critères diagnostiques : l’inattention et l’hyperactivité/l’impulsivité.
L’inattention constitue la première catégorie de symptômes. Elle comporte neuf critères diagnostiques qui sont: ne parvient pas à faire attention aux détails ou fait des fautes d’inattention dans ses travaux; a souvent du mal à soutenir son attention dans les tâches ou les loisirs; ne semble pas écouter quand on lui parle directement; souvent, n’écoute pas les consignes et ne parvient pas à mener à terme une tâche (scolaire, domestique ou professionnel); souvent, a de la difficulté dans l’organisation de ses travaux ou activités; souvent, évite et fait à contrecœur les tâches qui demandent un effort mental soutenu; perds souvent ses objets personnels; est facilement distrait par les stimuli extérieurs; et a des oublis fréquents dans sa vie quotidienne. La deuxième catégorie est l’hyperactivité et l’impulsivité et comporte aussi neuf critères diagnostiques. Ces critères diagnostiques sont: remue souvent les pieds et les mains ou se tortille sur son siège; se lève souvent lorsqu’il doit demeurer assis; court et grimpe dans des situations inappropriées; est
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souvent incapable de participer adéquatement à des activités qui demandent d’être calme; agit souvent comme s’il était entraîné par un moteur; parle souvent trop; laisse échapper une réponse avant la fin de la question; a du mal à attendre son tour; interrompt souvent les autres ou impose sa présence. Pour recevoir le diagnostic, la personne doit avoir un minimum de six critères, ayant persisté pendant plus de 6 mois, dans l’une ou l’autre des catégories (DSM-V, 2013).
Pour apposer ce diagnostic, il importe que la gêne fonctionnelle engendrée par la présence de ces critères apparaisse avant l’âge de 12 ans et qu’elle soit présente dans deux ou plusieurs sphères de la vie du jeune. De plus, il faut que l’altération du fonctionnement social, scolaire ou professionnel soit cliniquement significative chez les sujets souffrant de ce trouble.
En 2007, la prévalence du TDAH était estimée à 5,29% chez les enfants d’âge scolaire dans la plupart des cultures (Planczyk, de Lima, Horta, Biederman & Rohde, 2007). Ce trouble serait plus fréquent chez les garçons que chez les filles (deux pour un). Selon le DSM-V, le TDAH serait relativement stable en début de l’adolescence (12 ans). Cependant, en concomitance avec des comportements antisociaux, ce trouble apparaît plus sévère.
Selon plusieurs auteurs, l’âge est associé de manière significative au déclin des symptômes total du TDAH (Biederman, Mick & Faraone, 2000 ; Faraone, Biederman & Mick, 2006). Pour certains, les symptômes reliés à l’hyperactivité diminueraient davantage avec l’âge que ceux reliés à l’inattention (Biederman et al., 2000). Malgré la diminution constatée par les auteurs, le taux de persistance du TDAH à l’adolescence et à l’âge adulte serait non négligeable (Cheung et al. 2015 ; Faraone et al., 2006). Les taux de persistance de ce trouble varient de manière importante entre les études. La méta-analyse effectuée par Faraone et al., (2006) révèle en effet que les taux peuvent varier entre 15% et 65% à l’âge de 25 ans. Cette grande variation serait attribuable, selon ces auteurs, aux différences entre les critères utilisés pour diagnostiquer ce trouble.
À l’adolescence, les impacts négatifs de la présence du diagnostic de TDAH sont considérables. Entre autres, les adolescents atteints de TDAH sont susceptibles de vivre des
9 relations plus difficiles avec leurs pairs (Bagwell, Molina, Pelham & Hoza, 2011), d’avoir plus de difficultés sur le plan scolaire (Barbaresi, Katusic, Colligan, Weaver, Jacobsen, 2007 ; Klein et al, 2012) et seraient plus à risque de souffrir de problèmes de comportement, de trouble d’anxiété et de dépression (Malmberg, Edbom, Wargelius, Larsson, 2011 ; Wilens, Martelon, Fried, et al., 2011). La persistance des difficultés vécues par les adolescents atteints de TDAH se poursuit jusqu’à l’âge adulte. Dans leur étude longitudinale sur 33 ans, Klein et al. (2012) constatent que les personnes avec un TDAH présenteraient à l’âge adulte plus de difficultés sur les plans professionnel, économique et social. En somme, c’est tout le fonctionnement social de l’individu qui peut être affecté.
2.1.2 - Les différentes substances psychoactives
Les substances psychoactives peuvent agir sur le psychisme comme stimulants, comme calmants ou comme perturbateurs (Santé Canada, 2000). Ces substances «modifient le fonctionnement mental et peuvent entraîner des changements dans les perceptions, l’humeur, la conscience, le comportement et diverses fonctions physiques et psychologiques (…)» (Centre québécois de lutte aux dépendances, 2006 p.15). La cigarette, la caféine, l'alcool, les drogues illégales et plusieurs substances médicamenteuses sont des substances psychoactives.
2.1.3 - Différents niveaux de consommation de substances psychoactives
Les deux principaux concepts les plus fréquemment utilisés pour qualifier le niveau de consommation de substances psychoactives sont 1- le trouble lié à l’utilisation d’une substance et 2- la consommation de substances psychoactives. Selon le DSM-IV ou le DSM-IV-TR3 le concept de troubles liés à l’utilisation d’une substance regroupe deux troubles : la dépendance et l’abus de substances. La dépendance représente un mode inadapté de consommation d’une substance venant altérer le fonctionnement ou provocant une souffrance qui se caractérise cliniquement par la présence d’au moins trois des
3 Nous avons choisi de présenter les informations contenues dans le DSM-IV-TR plutôt que dans le DSM-V
plus récent puisque les sujets sur lesquels porte la présente étude ont été évalués sur la base des critères diagnostiques inclus dans le DSM-IV-TR.
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symptômes dans chacune des deux catégories : la tolérance et les symptômes de sevrage (DSM-IV-TR, 2004). L’abus constitue un autre mode inadapté de consommation altérant aussi le fonctionnement de l’individu et provocant une souffrance. Pour que l’abus soit cliniquement significatif, au moins une des manifestations suivantes doit être présente sur une période de 12 mois : « 1- utilisation répétée d’une substance conduisant à l’incapacité de remplir des obligations majeures (…) ; 2- utilisation répétée d’une substance dans des situations où cela peut être physiquement dangereux (…) ; 3- problèmes judiciaires répétés liés à l’utilisation d’une substance (…) ; 4- utilisation de la substance malgré des problèmes personnels et/ou sociaux (…)» (DSM-IV-TR, 2004).
Selon Santé Canada (2000), parmi les comportements indicateurs d'une consommation problématique, on retrouve l'utilisation excessive de substances psychoactives, l'usage de longue durée, l'utilisation mal motivée, la prise de plusieurs substances psychoactives, la consommation de drogues dures (héroïne, cocaïne) ou la poursuite de la consommation malgré les conséquences négatives causées ou exacerbées par celles-ci. Selon plusieurs (Bailey, Martin, Lynch, & Pollock, 2000; Kaminer, & Bukstein, 1998), à l'exception de l'usage de substances psychoactives sur une longue période de temps, ces indicateurs seraient plus sensibles et appropriés à la détection d'une consommation problématique à l'adolescence que les symptômes de dépendance proposés dans le DSM-IV-TR qui, eux, sont jugés plus appropriés à l'âge adulte.
Le concept d’usage de substances psychoactives quant à lui est beaucoup plus général. En effet, l’usage fait simplement référence au fait de consommer des substances psychoactives, et ce, peu importe la fréquence ou la quantité de substances psychoactives consommés (Santé Canada, 2000).
À l'adolescence, l'usage de substances psychoactives est un phénomène fréquent. En effet, l’enquête québécoise sur le tabac, l’alcool, la drogue et le jeu chez les élèves du secondaire en 2013 (Institut de la statistique du Québec, 2014) a fait ressortir que, dans la dernière année, 57% des élèves de secondaire un à cinq de la population générale ont bu de l’alcool et que 23% ont consommé du cannabis. Ce phénomène peut être considéré comme normal à l’adolescence dans la mesure où il s'agit habituellement d'une consommation
11 exploratoire ou occasionnelle (Kaminer & Tarter, 2004). La consommation de substances psychoactives peut toutefois devenir problématique à cette période du développement lorsque, par exemple, elle devient hebdomadaire ou abusive (Kaminer, & Bukstein, 1998; Zapert et al., 2002), qu'elle implique l'usage de substances hallucinogènes ou d'autres drogues dures (Bentler et al., 2002; Zapert et al., 2002), que les raisons de consommer sont liées à des problèmes personnels (Segal, & Stewart, 1996) ou que des conséquences négatives en résultent (Martin et al., 1995). Sur la base de tels indicateurs et de leur cumul, Guyon et Desjardins (2005) estiment que 5% des adolescents de la population générale ont une consommation problématique de substances psychoactives.
Certaines études évaluent l’usage avec des échelles de fréquence sans évaluer les troubles liés à l’utilisation d’une substance (ex. Gudjonsson, Sigurdsson, Sigfusdottir, & Young, 2012 ; Sihvola et al., 2011). Il est important toutefois de reconnaître la différence entre ces deux concepts. Nous serons donc attentifs aux termes utilisés par les chercheurs pour désigner les problèmes de consommation de substances psychoactives des jeunes de leur échantillon afin de s’assurer que les études recensées sont comparables entre elles. 2.2- Démarche de recension des écrits
Notre recension des écrits vise à faire état des résultats de recherches sur la relation entre la présence d’un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et la consommation de substances psychoactives chez les adolescents. Les étapes suivies pour réaliser cette recension des écrits sont les suivantes. Premièrement, nous avons consulté la banque de données PsyInfo et inscrit les mots clés combinés suivants : TDAH, Drug Use et Adolescent. Les textes recensés devaient avoir été publiés entre 2000 et 2014. Au total 560 articles ont été recensés. Cette première étape complétée, nous avons exclu tous les articles dont le titre ne portait pas spécifiquement sur la relation entre la présence d’un TDAH et la consommation de substances psychoactives chez les adolescents. Nous avons aussi exclu toutes les recensions des écrits, les méta-analyses et les études réalisées dans des pays ne se situant pas en Europe ou en Amérique du Nord, ceci afin de contrôler l’influence de la culture sur la relation entre ces deux variables. Ce faisant, 57 articles ont été conservés. Troisièmement, à la lecture du résumé de chacun des 57 articles retenus,
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nous avons conservé uniquement les études originales qui traitaient spécifiquement de la relation entre la présence d’un TDAH et la consommation de substances psychoactives chez les adolescents. Par exemple ont été exclus des articles portant sur les comportements agressifs, suicidaires et dépressifs chez les personnes ayant des symptômes de TDAH et souffrant conjointement de troubles liés à l’utilisation d’une substance, ceux portant sur la relation entre les comportements impulsifs et dérégulés des personnes atteintes d’un trouble lié à l’utilisation d’une substance, ceux portant sur la relation entre la consommation de nicotine et les adolescents TDAH, ceux portant sur la relation entre les différents traitements et les troubles liés à une substance et ceux portant sur les troubles concomitants chez les adolescents souffrant d’un problème de consommation de substances psychoactives. Au total, 19 articles ont finalement été retenus pour réaliser notre recension des écrits. Les informations méthodologiques concernant ces études sont présentées dans le tableau A à l’annexe A.
2.3- Résultats de la recension des écrits
Les études recensées ont été regroupées en fonction des principales variables investiguées. Dans l’ordre seront présentées 1-les études portant sur la relation entre la présence du TDAH et la consommation de substances psychoactives chez les adolescents, 2- les études portant sur la relation entre la prise de médication de psychostimulants et la présence de problèmes de consommation de substances psychoactives chez les jeunes présentant un TDAH, 3- les études portant sur la relation entre l’âge d’initiation de la consommation de substances psychoactives et la consommation de substances psychoactives chez les adolescents présentant un TDAH, 4- les études portant sur la présence de troubles perturbateurs comme variable médiatrice entre le TDAH et la consommation de substances psychoactives chez les adolescents et 5- les études portant sur la relation entre la présence d’autres troubles associés et la consommation de substances psychoactives chez les adolescents présentant un TDAH
2.3.1- Relation entre le TDAH et consommation de substances psychoactives
La relation entre le TDAH et la consommation de substances psychoactives chez les adolescents a été abordée selon quatre perspectives différentes : 1- la relation entre le
13 TDAH et la consommation de substances psychoactives, 2- la relation entre différents symptômes de TDAH et la consommation de substances psychoactives, 3- la consommation de substances psychoactives des adolescents TDAH selon le sexe des jeunes et 4- la relation entre les déficits des fonctions exécutives chez les jeunes TDAH et la consommation de substances psychoactives.
2.3.1.1- La relation entre le TDAH et la consommation de substances psychoactives Les résultats de plusieurs recherches ont permis d’établir une relation positive entre la présence de symptômes de TDAH et la consommation de substances psychoactives chez les adolescents (sédatifs sans prescriptions; hashish; marijuana; amphétamines; LSD, ecstasy, cocaïne, champignons magiques; substances inhalées) (Gudjonsson, Sigurdsson, Sigfusdottir, et Young, 2012 ; Upadhyaya, et al., 2005). De façon plus spécifique, Molina et al. (2013) observent que plus de 35% des adolescents présentant un TDAH consommeraient une ou plusieurs substances, par rapport à 20% de ceux qui ne présentent pas de TDAH. De même, il ressort que les adolescents ayant des symptômes persistants de TDAH seraient presque trois fois plus susceptibles de présenter un diagnostic de troubles liés à l’utilisation d’une substance (TUS, dépendance et abus) et auraient 1,47 fois plus de risque de développer un trouble lié à l’utilisation d’une substance à l’âge adulte (Wilens, Martelon, Joshi et al., 2011). Groenman, et al. (2013), quant à eux, observent, dans le cadre d’une étude comparative entre des adolescents ayant un TDAH, leurs frères et sœurs non affectés par ce trouble et un groupe de jeunes sans TDAH, un risque plus élevé de développer un trouble lié à l’utilisation d’une substance chez les adolescents ayant un TDAH que chez les groupes comparatifs (risque de 1,8). Ils notent également que les frères et sœurs ne présentant pas de TDAH ne diffèrent pas des jeunes sans TDAH sur les risques de développer une dépendance à la nicotine ou à la drogue.
Dans le même ordre d’idées, les résultats de certaines études longitudinales nous apprennent que la probabilité de présenter un trouble de consommation de marijuana serait de 2,7 fois plus élevée chez des adolescents qui présentaient un TDAH à l’âge de 7 à 11 ans comparativement à un groupe contrôle (Realmuto et al., 2009). En outre, Wilens, Martelon, Joshi et al. (2011) et Winters et al. (2011), notent que la présence d’un TDAH dans l’enfance serait associée à un risque plus élevé de développer un trouble lié à l’utilisation
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d’une substance à l’âge adulte. Plus précisément, Molina et al. (2013) observent qu’environ un tiers des jeunes présentant un TDAH ont un risque élevé d'abus de substances à l’âge adulte. Enfin, l’étude de Wilens, Martelon, Joshi et al. (2011) a permis d’établir que le TDAH n’aurait pas d’effet significatif sur la durée et sur la sévérité du trouble lié à l’utilisation d’une substance.
2.3.1.2- La relation entre différents symptômes de TDAH et la consommation de substances psychoactives
Des études plus précises ont été réalisées dans le but de mieux documenter la relation entre la présence de certains symptômes du TDAH (inattention vs impulsivité/hyperactivité) et la consommation de substances psychoactives. D’entrée de jeu, il apparaît que le nombre de symptômes d’inattention et de symptômes d’hyperactivité ne serait pas prédicteur d’un trouble lié à l’utilisation d’une substance (Wilens, Martelon et Joshi et al., 2011). Cependant, l’étude de Elkins, McGue et Iacono (2007) a permis d’établir une relation positive entre la présence de symptômes d’hyperactivité et d’impulsivité chez les enfants et une consommation de toutes les substances (alcool, tabac et drogues illicites), une dépendance à la nicotine et une dépendance à la marijuana chez les garçons et les filles à l’âge adulte. De leur côté, Harty, Galanopoulos, Newcorn et Halperin (2013) notent que la présence de symptômes d’inattention ne permettrait pas de prédire les problèmes reliés à un usage inadapté d’alcool et de drogues chez l’adolescent. Selon ces mêmes auteurs, les enfants avec des problèmes d’inattention vont consommer moins sévèrement de la marijuana plus tard à l’adolescence. Ces deux études semblent donc indiquer que la présence de symptômes d’hyperactivité et d’impulsivité serait davantage associée à une consommation problématique de substances psychoactives que les symptômes d’inattention. Cette conclusion est cependant contredite par Szobot et al. (2007) qui observent que les dimensions inattention et hyperactivité/impulsivité seraient toutes les deux associées à une probabilité élevée de développer une problématique de consommation chez des adolescents de sexe masculin. Les différences dans les résultats entre ces études peuvent éventuellement s’expliquer par le sexe des participants puisque la différence selon les sexes n’a pas été prise en compte par tous les auteurs. Ces différences invitent donc à
15 prendre en compte le sexe des jeunes dans les études portant sur la relation entre TDAH et consommation de substances psychoactives.
2.3.1.3- La consommation de substances psychoactives des adolescents TDAH selon le sexe des jeunes
Les résultats des études sur la relation entre le sexe des sujets présentant un TDAH et la consommation de substances psychoactives semblent indiquer des conduites différentes selon le sexe des adolescents. Selon Dalsgaard, Mortensen, Frydenberg et Thomsen (2014), le risque d’une consommation problématique de drogue serait près de 38 fois plus élevé chez les filles présentant un TDAH par rapport à 6 fois plus chez les garçons présentant un TDAH lorsqu’ils sont comparés à la population générale. Que ce soit pour l’alcool et la drogue, les auteurs constatent que le risque serait plus élevé chez les filles présentant un TDAH. En outre, il appert que comparativement à la population générale, les filles présentant un TDAH seraient près de 4 fois plus à risque d’avoir un problème relié à l’alcool et 6 fois plus à risque d’avoir un problème relié à la drogue que les garçons présentant un TDAH (Dalsgaard et al., 2014). Quant à eux, Wilens, Martelon, Joshi et al. (2011) mentionnent que les filles présentant un TDAH ont 3,49 fois plus de risque de développer un trouble lié à une consommation de drogue ou d’alcool comparativement à des filles d’un groupe contrôle et les garçons présentant un TDAH ont 3,10 fois plus de risque de présenter une telle consommation comparativement à des garçons d’un groupe contrôle. De même, Sihvola et al. (2011) notent que la présence d’un TDAH permettrait de prédire la consommation de substances chez les filles, mais pas chez les garçons.
Ces derniers chercheurs ont également été à même d’observer une certaine relation entre la consommation de substances psychoactives, la présence des différentes catégories de symptômes de TDAH et le sexe des jeunes. Selon les résultats de leur étude, 15,4% des filles comparées à 3,5% des garçons présentant des symptômes d’inattention auraient des troubles liés à l’utilisation d’une substance psychoactive. La tendance semble être la même chez les jeunes présentant des symptômes d’hyperactivité et d’impulsivité. En effet, on note que 14% des filles et 4,5% des garçons présentant des symptômes d’hyperactivité et 14,7% des filles et 3,6% des garçons présentant des symptômes d’impulsivité auraient des troubles liés à l’usage de l'alcool. De plus, ces auteurs rapportent qu’à l'âge de 17,5 ans, 15,4% des
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filles présentant plusieurs symptômes d’inattention auraient rapporté avoir une utilisation quotidienne ou hebdomadaire d'alcool comparativement à 8,8% pour les garçons. Enfin, toujours selon ces mêmes chercheurs, à l’âge de 17,5 ans, l'impulsivité (rapportée par les enseignants) serait un prédicteur important de la consommation d'alcool et de drogues illicites chez les garçons et, à l’inverse, l'inattention (rapportée par les parents et les enseignants) serait un fort prédicteur de l'utilisation de drogues illicites à l’adolescence chez les filles. Ce dernier résultat va dans le sens de l’étude de Malmberg, Edbom, Wargelius et Larsson (2011) qui révèle que la fréquence de consommation de substances psychoactives chez les garçons serait liée aux troubles perturbateurs, tandis qu’elle serait liée au TDAH chez les filles.
Ces différents résultats de recherche concernant l’influence du sexe des jeunes TDAH sur leur consommation de substances psychoactives invitent à inclure cette variable dans les études portant sur cette thématique.
2..3.1.4- La relation entre les déficits des fonctions exécutives chez les jeunes TDAH et la consommation de substances psychoactives
La relation entre les déficits des fonctions exécutives chez les jeunes avec un TDAH et la consommation de substances psychoactives a aussi fait l’objet d’investigations par quelques chercheurs. Dans leur étude, Wilens, Martelon, Fried et al. (2011) évaluent plusieurs fonctions exécutives. Ils notent que, parmi ceux qui ont un TDAH, le fait d’avoir un déficit au niveau des fonctions exécutives n’augmenterait pas le risque d’avoir un trouble lié à l’utilisation de substances (toutes substances confondues), mais serait plutôt associé à une diminution de celle-ci. En effet, les auteurs remarquent une prévalence de 38% de diagnostic de troubles liés à l’utilisation d’une substance (dépendance et abus) chez les jeunes ayant un TDAH sans déficit au niveau des fonctions exécutives comparativement à 21% pour ceux qui ont un TDAH avec des déficits au niveau des fonctions exécutives. Cette diminution serait aussi constatée plus spécifiquement pour les troubles liés à une seule drogue (27% pour les jeunes présentant un TDAH comparativement à 10% chez les jeunes présentant un TDAH avec des déficits au niveau des fonctions exécutives) (Wilens, Martelon, Fried et al. 2011).
17 2.3.2 - La relation entre la prise de médication de psychostimulants chez les jeunes TDAH et la consommation de substances psychoactives
Relativement à la consommation de substances psychoactives chez les jeunes ayant un TDAH, la prise de médication serait un facteur de protection concernant la consommation de substances psychoactives selon certains auteurs. En effet, plus la médication de psychostimulants est administrée tôt dans la vie de l’enfant, moins il y aurait de risque de développer une consommation de drogues problématique à l’âge adulte (Dalsgaard et al., 2014; Groenman et al., 2013). En outre, il appert que chaque année de report de la médication serait associée à un facteur d’augmentation de 1,46 de consommation de drogues à l’âge adulte (Dalsgaard et al., 2014). Groenman et al. (2013) mentionnent, quant à eux, que le traitement à base de psychostimulants chez les enfants présentant un TDAH diminuerait de deux fois le risque de développer un trouble lié à l’utilisation d’une substance en comparaison avec des enfants non traités, et ce, même après avoir contrôlé pour un trouble de conduite et un trouble d’opposition. Dans le même ordre d’idées, Madsen et Dalsgaard (2014) remarquent que lorsque l’on compare des adolescents atteints du TDAH ayant un traitement par médication de psychostimulants (les participants avaient démontré une bonne réponse aux traitements) avec un groupe d’adolescents sans TDAH, plus de participants du groupe sans TDAH (92%) que ceux du groupe atteint de TDAH (83%) auraient essayé au moins une substance (alcool, cigarette, drogues illicites). Bien que le traitement semble être bénéfique pour diminuer le risque de développer un trouble lié à une substance pour ces auteurs, il importe de noter que la durée du traitement ne prédirait pas une problématique de consommation de substances psychoactives à l’âge adulte (Dalsgaard. et al., 2014). De plus, les auteurs remarquent que l’effet protecteur du traitement semblerait disparaître après 18 ans. À cet égard, Groenman et al. (2013) proposent l’hypothèse que le renversement de la relation entre le traitement et la consommation après 18 ans serait en partie explicable par un manque de soutien des parents à partir de 18 ans. Ils mentionnent aussi la possibilité que le traitement retarde simplement l’arrivée d’une consommation problématique. Toutefois, ils n’ont pas les données nécessaires pour évaluer l’impact du traitement à plus long terme chez l’adulte. À ce propos, Winters et al. (2011) émettent l’hypothèse que l’effet de protection optimal du
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traitement se manifesterait seulement chez les enfants qui prennent de la médication durant l’enfance et qui ne continue pas à l’adolescence.
Certains auteurs ont évalué les impacts d’une prise de médication selon la spécificité des substances psychoactives consommées. En ce qui concerne l’alcool, Madsen et Dalsgaard (2014) remarquent que beaucoup plus de sujets dans le groupe de jeunes sans TDAH (70%), par rapport aux sujets ayant un TDAH recevant un traitement à base de psychostimulants (52%), auraient déclaré consommer de l'alcool au moins une fois par mois. De plus, 25% des participants dans le groupe de témoins sans TDAH, comparativement à 12% des participants présentant un TDAH recevant un traitement à base de psychostimulants, auraient consommé de l'alcool au moins deux fois par semaine. Selon ces mêmes auteurs, les jeunes présentant un TDAH recevant un traitant à base de psychostimulants seraient cependant beaucoup plus susceptibles de devenir des fumeurs quotidiens. Groenman et al. (2013) appuient cette affirmation en mentionnant que le traitement à base de psychostimulants ne diminuerait pas le risque de développer une consommation de cigarette. Madsen et Dalsgaard (2014) soulignent toutefois que cette différence significative serait surtout causée par un biais de sexe des jeunes. En effet, parmi les fumeurs de sexe masculin avec un TDAH, leur étude établit que 79% auraient fumé des cigarettes tous les jours comparativement à seulement 41% des garçons sans TDAH. Aucune différence ne serait observée chez les filles présentant ou non un TDAH. Contrairement à la cigarette et à l’alcool, aucune différence significative sur l’usage de l'une des drogues illicites au cours du dernier mois précédant la collecte des données entre le groupe contrôle et le groupe de sujets TDAH recevant un traitement à base de médicaments psychostimulants n’aurait été observée par Madsen et Dalsgaard (2014).
En regard de ce qui précède, d’autres auteurs concluent plutôt que ni la prescription d’une médication en bas âge ni la proportion de jours de médications ne seraient significativement associées à la consommation de substances psychoactives (Molina et al., 2013 ; Wilens, Martelon, Joshi et al., 2011 ; Winters et al., 2011). En effet, ces auteurs n’observent aucun avantage ni inconvénient au traitement dans leurs travaux. De plus, relativement à la prise de médication chez les adolescents avec un TDAH, des auteurs ont remarqué que certains jeunes présentant un TDAH utilisaient leur médication à mauvais
19 escient. Selon Upadhyaya et al. (2005), 25% des jeunes ayant reçu une médication pour leur TDAH auraient déjà consommé leurs médicaments pour «se défoncer» («get high»). C’est seulement 29% d’entre eux qui auraient déclaré ne jamais avoir donné ou vendu leurs médicaments à quelqu'un d'autre.
2.3.3 - La relation entre l’âge d’initiation aux substances psychoactives et la consommation de ces substances chez les adolescents TDAH
Outre le sexe des jeunes, certains chercheurs se sont intéressés à étudier de plus près la relation entre l’âge de la première consommation d’une substance et la présence d’un TDAH chez les jeunes. Les résultats de l’étude de Wilens, Martelon, Fried et al. (2011) indiquent que les jeunes présentant un TDAH commenceraient à consommer significativement plus tôt des drogues et du tabac que ceux sans TDAH. De même, Wilens, Martelon, Joshi et al. (2011) observent que le trouble lié à l’utilisation d’une substance arriverait plus tôt chez les sujets atteints de TDAH que chez un groupe de témoins sans TDAH.
En contrepartie, Madsen et Dalsgaard (2014) n’observent pas de relation entre l'âge de l’initiation aux substances psychoactives et la présence ou non de TDAH chez les jeunes. De même, Upadhyaya et al. (2005) ne constatent pas non plus de différence statistiquement significative concernant l'âge de l'initiation à diverses substances psychoactives et l'état du TDAH chez les adolescents de plus de 15 ans sauf pour l’usage de la cigarette. Selon ces auteurs, bien que la majorité des fumeurs (environ 60%) débute leur consommation de tabac avant 17 ans, la quasi-totalité (91%) des participants sous médication ayant un contrôle insuffisant des symptômes du TDAH aurait commencé à fumer plus tôt.
La différence entre les résultats des études est possiblement attribuable au fait que dans les études de Madsen et Dalsgaard, (2014) et d’Upadhyaya et al. (2005), les chercheurs évaluent uniquement la consommation de substances psychoactives sans considérer la présence de troubles liés à l’utilisation d’une substance, ce qui était fait par les chercheurs des premières études. Les résultats des deux dernières études sont donc
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susceptibles de ne pas être représentatifs de la population de jeunes présentant un TDAH souffrant d’un trouble lié à l’utilisation d’une substance (Upadhyaya et al., 2005).
2.3.4 - La relation entre la présence de comportements perturbateurs et la consommation de substances psychoactives chez les adolescents TDAH
Bien que plusieurs chercheurs se soient intéressés à la relation directe entre le TDAH et la consommation de substances psychoactives, certains se sont questionnés sur le rôle médiateur des troubles perturbateurs dans la relation entre le TDAH et la consommation de substances psychoactives.
2.3.4.1- Présence de problèmes extériorisés
Des auteurs tels qu’August et al. (2006) ont en effet observé que, comparativement aux jeunes présentant un TDAH seul, les jeunes présentant un TDAH en concomitance avec des troubles extériorisés (trouble oppositionnel avec provocation et trouble des conduites) auraient une consommation moyenne plus élevée d’alcool, de marijuana et de cigarettes que ceux ne présentant pas ce type de trouble. En outre, les jeunes présentant un trouble perturbateur auraient en moyenne des scores plus élevés au calcul des troubles liés à l’utilisation d’une substance (dépendance et abus) comparativement aux jeunes présentant un TDAH seul et aux jeunes ne présentant aucun trouble (August et al., 2006; Winters et al., 2011; Realmuto et al., 2009). De même, Winters et al. (2011) observent une proportion plus élevée de trouble lié à la marijuana chez les jeunes présentant un TDAH avec troubles extériorisés (60,1%) que chez les jeunes TDAH sans troubles extériorisés (30,5%). Realmuto et al. (2009) montrent entre autres que le trouble de consommation d'alcool, celui de la consommation de marijuana et l'usage régulier du tabac seraient respectivement de 3,2, de 4,1, et de 2,6 fois plus élevés dans le groupe de jeunes avec un TDAH en concomitance avec des troubles extériorisés par rapport aux jeunes qui ont seulement un TDAH.
Dans le cadre de leur étude, Realmuto et al. (2009) font une distinction entre les jeunes qui ont maintenu ou non dans le temps leurs comportements perturbateurs. Selon les résultats de cette étude, dans le groupe de jeunes avec un TDAH en concomitance avec des troubles extériorisés, les enfants qui ont maintenu leurs comportements perturbateurs au fil
21 du temps (TDAH Persister) par rapport à ceux dont les symptômes de comportements perturbateurs ont diminué à un niveau non clinique avec le temps (TDAH desister) auraient des taux similaires d'usage de substances psychoactives. Selon ces auteurs, ceci suggèrerait que les problèmes extériorisés affectant la trajectoire développementale des enfants TDAH peuvent avoir des effets durables, peu importe que ces troubles soient persistants ou non. Toujours selon ces mêmes auteurs, les jeunes ayant un TDAH qui ne présentent pas de problèmes extériorisés (TDAH Resister) n’auraient pas de risque aussi élevé de développer un trouble lié à une substance psychoactive que ceux qui présentent de tels problèmes. En outre, il appert que, les jeunes ayant un TDAH qui ne présentent pas de problèmes de comportements extériorisés auraient généralement les mêmes résultats aux variables de consommation de drogues que les jeunes sans TDAH. En conclusion, il ressort que, les enfants ayant un TDAH qui n’ont pas de problèmes de comportements extériorisés auraient des probabilités plus faibles de développer des troubles liés à l’utilisation d’une substance que les jeunes souffrants d’un TDAH qui ont maintenu leurs comportements perturbateurs au fil du temps et que ceux dont les symptômes de comportements perturbateurs ont diminué à un niveau non clinique avec le temps (Realmuto et al., 2009).
2.3.4.2- Présence de trouble oppositionnel et de trouble des conduites
D’autres chercheurs ont porté leur attention sur le rôle médiateur du trouble oppositionnel et du trouble des conduites dans la relation entre le TDAH et la consommation de substances psychoactives. À cet égard, Wilens, Martelon, Joshi et al. (2011) soutiennent que parmi les sujets présentant un TDAH, la présence d’un trouble oppositionnel avec provocation ou d’un trouble des conduites serait un prédicteur significatif du trouble lié à l’utilisation d’une substance (drogue / alcool / cigarette). Elkins et al. (2007) observent notamment qu’un seul symptôme du TDAH, lorsqu’il est associé à un trouble des conduites, augmenterait le risque de développer une consommation problématique. Ces auteurs soulignent même que les jeunes présentant un TDAH sans trouble des conduites ne se distingueraient pas des jeunes du groupe de comparaison sur le plan de la consommation de substances psychoactives.
Bien que plusieurs auteurs constatent que la présence d’un trouble des conduites agirait comme variable médiatrice dans la relation entre le TDAH et la consommation de
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substances psychoactives, Groenman et al. (2013) ont observé des résultats contraires. Effectivement, bien que ceux-ci remarquent que comparativement à un groupe contrôle sans TDAH, la présence d’un TDAH en cooccurrence avec un trouble des conduites augmenterait les risques de développer un trouble lié à une substance, ceux-ci ne constatent aucune différence entre le groupe ayant un TDAH en cooccurrence avec un trouble des conduites et le groupe ayant un TDAH seulement. Selon eux, le fait d’avoir un TDAH avec un trouble des conduites n’augmenterait pas de manière significative le risque de développer une problématique de consommation de substances psychoactives. De même, Groenman et al. (2013) n’observent pas de différence concernant la consommation de substances psychoactives entre les jeunes présentant un TDAH en cooccurrence avec un trouble d’opposition avec provocation comparativement aux jeunes sans TDAH.
Les contradictions entre ces études peuvent s’expliquer entre autres par la séquence d’apparition du trouble des conduites et de la consommation de substances psychoactives. À cet égard, Szobot et al. (2007) observent que l’apparition du trouble des conduites avant le trouble lié à une substance serait fortement associée au développement de la problématique de consommation de substances psychoactives. L’âge d’apparition et la séquence d’apparition du trouble des conduites et de la consommation de substances psychoactives devraient donc être pris en considération dans les études ultérieures pour mieux comprendre cette relation entre ces deux catégories de trouble.
2.3.4.3- Présence de comportements délinquants
Pour les jeunes avec ou sans TDAH, la présence de comportements délinquants et la fréquentation de pairs déviants peuvent jouer un rôle sur le développement d’un trouble lié à une substance. Ces variables seraient donc aussi à considérer. Dans les faits, Harty et al. (2013) constatent que l’évaluation de la délinquance à l’adolescence faite par les parents et les jeunes est positivement associée à au moins 3 ans d’usage sévère de cigarette, d'alcool et de consommation de marijuana. D’autre part, Owens et Bergman (2010) rapportent que la fréquentation de pairs déviants serait un prédicteur statistiquement significatif de la consommation d’alcool. La fréquentation de pairs déviants serait entre autres un fort prédicteur de la quantité et de la fréquence de la consommation d’alcool. Cependant, Owens et Bergman (2010) notent qu’après avoir contrôlé pour la quantité, la fréquence et
23 l’association à des pairs déviants, le TDAH demeure un prédicteur significatif des symptômes du trouble de consommation d'alcool.
2.3.4.4- Présence de trouble des conduites
À travers leurs analyses, des auteurs ont porté leur attention sur la relation entre le trouble des conduites et la consommation de substances psychoactives. Selon Elkins et al. (2007), la présence d’un diagnostic de trouble des conduites entre 11 et 14 ans serait un prédicteur puissant d’une dépendance aux drogues à 18 ans. En outre, Dalsgaard et al. (2014) notent que la présence d’un trouble de conduite dans l’enfance augmenterait de près de quatre fois le risque de développer une problématique liée à la consommation de substances psychoactives (dépendance ou abus) à l’âge adulte.
2.3.5- La relation entre la présence d’autres troubles psychologiques et la consommation de substances psychoactives chez les adolescents TDAH
Contrairement aux autres études recensées basées sur des échantillons de jeunes ou d’adolescents présentant un TDAH, l’échantillon de Szobot et al. (2007) est composé d’adolescents de sexe masculin (15-20 ans) ayant reçu un diagnostic pour des troubles liés à une substance. Les auteurs de cette étude ont été en mesure d’évaluer le degré d’association entre la consommation de substances psychoactives et la présence de certains troubles. Les résultats de cette étude indiquent que les diagnostics concomitants les plus fréquemment associés à la consommation de substances psychoactives seraient, par ordre d’importance, le trouble des conduites avec 60,7%, suivi du TDAH avec 44,3% et du trouble d'anxiété avec 24,6%. De plus, en comparaison avec des sujets sans trouble lié à une substance, Szobot et al. (2007) remarquent que seulement les hommes avec un trouble lié à une substance auraient une prévalence significative concernant les diagnostics de TDAH et de trouble des conduites. Les auteurs trouvent aussi que la gravité du TDAH serait plus élevée chez le groupe qui avait des troubles liés à une substance que chez le groupe sans TDAH.
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2.3.6- L’identification d’autres facteurs de protection autres que la prise de médication de psychostimulants pour prévenir la consommation de substances psychoactives.
La présence de certains facteurs de protection autres la prise de médication de psychostimulants n’a pas beaucoup été explorée par les auteurs. Certains ont toutefois mentionné qu’une aide supplémentaire apportée aux garçons durant l’enfance aurait un effet protecteur contre le développement de tous les troubles liés à l’utilisation d’une substance. Ceux qui redoublaient leur année scolaire seraient également moins susceptibles de développer un quelconque trouble de consommation de drogues (Wilens, Martelon, Joshi et al., 2011). Ce domaine d’étude reste, en pratique, relativement embryonnaire. 2.3.7- Conclusion
Au terme de cette recension des écrits, force est de constater qu’une relation entre le TDAH et la consommation de substances psychoactives chez les adolescents est observée par la majorité des auteurs. En général, les études rapportent que les jeunes présentant un TDAH seraient plus à risque d’avoir une consommation problématique. Les résultats d’autres études indiquent cependant que cette relation serait influencée par la présence de variables modératrices et médiatrices notamment le sexe des jeunes, la nature des symptômes du TDAH, la prise de psychostimulants et la présence de troubles perturbateurs. En effet, des différences notables entre le sexe des jeunes ont été observées par certains auteurs, les études recensées indiquent en majorité que les filles présentant un TDAH seraient plus à risque que les garçons présentant un TDAH de souffrir de troubles liés à une substance (Dalsgaard et al., 2014 ; Sihvola et al., 2011 ;Wilens et al., 2011). Puisque les probabilités de développer un trouble lié à une substance sont différentes entre les sexes, cela ajoute donc à l’importance de considérer les deux sexes dans de futures études.
Cette recension des écrits fait aussi ressortir que la prise de médication de psychostimulants serait un facteur de protection dans l’apparition de troubles liés à l’utilisation d’une substance. Entre autres, certains auteurs constatent qu’une administration précoce de la médication de psychostimulants dans la vie de l’enfant diminuerait le risque de développer une consommation problématique de substances psychoactives à l’âge adulte (Dalsgaard et al., 2014; Groenman et al., 2013). Bien que plusieurs des auteurs s’entendent sur ce point, il n’en demeure pas moins que cette affirmation n’est pas partagée par tous.
25 D’autres ne constatent ni avantage ni inconvénient à la prise de médication psychostimulante chez les jeunes présentant un TDAH (Groenman et al., 2013).
La présence de troubles perturbateurs tels que le trouble des conduites ressort aussi comme une variable médiatrice importante à considérer dans l’analyse du lien entre le TDAH et la consommation de substances psychoactives. Plus précisément, pour une majorité des études recensées, le trouble des conduites serait un prédicteur important dans le développement d’un trouble lié à l’utilisation d’une substance chez les jeunes présentant un TDAH (Elkins et al., 2007 ; Szobot et al., 2007 ; Wilens, Martelon, Joshi et al., 2011 ; Wilens, Martelon, Fried et al., 2011). Toutefois, d’autres auteurs ne remarquent aucune différence entre les jeunes présentant un TDAH avec un trouble des conduites en comparaison avec les jeunes présentant un TDAH seul (Groenman et al., 2013). Comme mentionné précédemment, la séquence d’apparition du trouble des conduites et de la consommation de substances psychoactives peut expliquer la différence entre ces études. En effet, l’apparition du trouble des conduites avant le trouble lié à une substance serait fortement associée au développement de la problématique de consommation de substances psychoactives (Szobot et al., 2007).
En somme, bien que les auteurs s’entendent sur l’existence du lien entre le TDAH et la consommation de substances psychoactives, ceux-ci ne s’entendent pas sur la nature de ce lien. L’impact de variables telles que le sexe des jeunes et la présence de troubles perturbateurs comme variables médiatrices doivent donc être pris en considération dans les études ultérieures. Dans la présente étude, ces différentes variables seront considérées afin d’étudier la relation entre le TDAH et la consommation de substances psychoactives. De façon plus spécifique, nous porterons notre attention sur la relation entre la présence du trouble des conduites comme variable médiatrice dans la relation entre la présence d’un TDAH et la consommation de psychostimulants.