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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Les faits dans une approche psychologique de la lecture du dessin technique

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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ES FAITS DANS UNE APPROCHE PSYCHOLOGIQUE DE LA LECTURE DU DESSIN TECHNIQUE

Pierre Vérillon

Bien que frappée à l’origine d’illégitimité par Auguste Comte, qui exclut qu’elle puisse un jour figurer parmi les sciences dites « positives », la psychologie n’a pas renoncé à produire par l’expérimentation des faits permettant de rendre compte du fonctionnement psychique. Notamment, renonçant à une approche « directe » des processus cognitifs par l’introspection, proscrite par Comte puis par les béhavioristes, elle tente de les caractériser, par inférence, à partir de données comportementales -donc enregistrables et mesurables - obtenues dans des situations contrôlées. Schématiquement, on considère avec Fraisse (1963) que ces données comportementales (R) sont fonction de l’interaction du sujet (P) avec la situation (S) à laquelle il est confronté, soit R = ƒ (P•S).

Si l’on considère l’histoire des approches expérimentales des phénomènes de lecture en dessin technique, on constate que les modèles que les chercheurs mobilisent relativement à P et à S évoluent. Aussi peut-il être intéressant de voir si - et dans quelle mesure - les faits expérimentaux évoluent également.

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n’est que relativement récemment que des psychologues (du travail et de l’éducation) se sont intéressés à ces problèmes.

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On peut chronologiquement distinguer une première phase qui regroupe les tentatives de remédiation pédagogique et les premières approches psychologiques.

Les enseignants confrontés directement aux difficultés des élèves, ont avant tout cherché à élaborer des stratégies visant à réduire ou à contourner celles-ci. Ces tentatives se distinguent par le caractère très global, tant de la caractérisation des obstacles supputés, que des solutions proposées : méthodes diverses, dispositifs optiques, procédures de résolution graphique, etc. Ce qui fait défaut, à la fois au niveau de la conception et de l’évaluation de ces méthodes, c’est un cadre de compréhension fine du fonctionnement cognitif des sujets dans ces activités.

Les premiers travaux des psychologues se distinguent de ceux des pédagogues surtout en ce qu’ils introduisent une instrumentation méthodologique et systématique qui vise d’abord à mettre en évidence des données (faits, régularités, relations, etc.) fiables et mesurées.

Spencer (1965) compare les performances de lecture selon différents modes de projection : vues orthogonales disposées selon la norme américaine ou européenne, vues en perspective isométrique. Les effets sont mesurés en terme de délai de réalisation du montage d’un objet géométrique simple à partir du dessin. La perspective donne les meilleurs résultats, puis la norme américaine. Leplat et Petit (1965) s’interrogent sur l’effet que peut avoir une activité préalable de dessin sur la réalisation d’une tâche de fabrication en atelier. Les résultats sont peu probants. Fassina et Petit (1969) cherchent à « vérifier dans quelle mesure l’apprentissage de l’écriture du dessin favorise l’apprentissage de la lecture ». La tâche de contrôle consiste à déceler des erreurs introduites dans les vues. De nombreuses erreurs ne sont pas détectées et on observe des fausses détections.

Dans la mesure où les faits produits par ces travaux cherchent davantage à documenter des problèmes (encore formulés de manière très proche des questions posées par la formation) qu’à renseigner un modèle des processus en cause, on peut considérer cette première phase comme a-théorique.

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Fassina et Petit (1969) inaugurent une nouvelle phase lorsqu’ils sont conduits, pour concevoir des aides remédiatives, à s’intéresser aux erreurs de lecture de leurs sujets, non plus en tant qu’indice mesurable de difficulté, mais comme objet d’étude en soi. Un retour sur les protocoles révèle, chez les élèves, un manque de précision et de coordination dans leurs prises d’information. Pour rendre compte de ces difficultés les auteurs empruntent le cadre de la théorie de l’information, qui connaît alors un certain succès en psychologie comme modèle du traitement cognitif des afférences perceptives. Le dessin est alors conçu comme le support perceptif d’informations, chaque trace ou « événement » graphique constituant un signal ou un indice, qui requiert de la part du sujet une activité de recherche, de saisie et de traitement.

La progression mise au point sur la base de ce modèle s’avère effectivement efficace, mais la hiérarchie des difficultés prévue par les auteurs en référence à la théorie de l’information se trouve dans les faits infirmés. L’hypothèse initiale d’une progression linéaire des difficultés en fonction du nombre d’indices perceptifs traités au cours de la résolution du problème doit être rejetée. Cependant, l’analyse des erreurs et l’élaboration de modèles pour en rendre compte s’imposent désormais comme une méthode féconde pour la recherche sur le dessin.

En 1973, Weill-Fassina va réinterpréter ces résultats dans le cadre théorique élaboré par Piaget et Inhelder (1947) pour rendre compte de la construction de l’espace représentatif chez l’enfant. Dans ce cadre, les erreurs observées, par exemple dans une tâche de production de la vue de gauche à partir d’une vue de face et de dessus données, peuvent être attribuées à la mise en œuvre d’une stratégie « figurative » - centration sur les états au lieu des transformations, - conservation dans la vue produite d’éléments considérés comme caractéristiques, - difficulté à anticiper et réaliser mentalement un changement de point de vue, etc. La stratégie adéquate requise par la tâche est, au contraire, opératoire : elle met en œuvre des opérations projectives qui seules permettent de distinguer ce qui varie et ce qui reste invariant sous un changement de point de vue.

Sous ce modèle, le dessin apparaît comme un moyen de représentation spatiale de données spatiales, le lecteur compétent devant être à même de mobiliser les opérations spatiales requises. Les faits expérimentaux - les

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et les modalités de leur représentation sont assez éloignés des objets référents habituels du dessin technique, ainsi que de ses normes de représentation graphique. Ceci pose le problème de la valeur écologique de ces épreuves : les faits « collent » mais au prix d’une réduction importante.

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Les travaux menés à l’INRP ont conduit à proposer une image moins réductrice du dessin technique en resituant l’activité de lecture dans le contexte fonctionnel qui lui donne sens.

Tout d’abord, ces recherches ont montré que si effectivement le dessin technique est porteur de significations spatiales, les objets décrits ne sont pas pour autant technologiquement neutres. Les propriétés géométriques des objets techniques ont des significations fonctionnelles :

• elles sont contraintes par les conditions de fabrication ;

• elles sont contraintes par les conditions de fonctionnement de l’objet technique.

Bal et al., 1984 montrent que ces régularités technologiques propres aux référents habituels du dessin technique peuvent faciliter le décodage d’un dessin lorsqu’une forme n’a pu être complètement décrite géométriquement. Inversement, des « représentations préexistantes » à contenu technologique particulièrement prégnantes peuvent induire des lectures erronées (Rabardel, 1982). Ainsi, parallèlement au traitement spatial, la lecture met en œuvre des stratégies fondées sur des représentations relatives aux aspects technologiques.

Une autre dimension intervient dans les processus de lecture qui relativise encore le poids des aspects purement spatiaux : c’est la dimension sémiotique. Les analyses de Rabardel (1980) ont mis en évidence le caractère systémique du code graphique du dessin technique, ensemble complexe d’unités sémiques, muni de règles d’écriture et de composition qui permettent de produire des « messages » relatifs aux objets décrits, mais aussi des « messages » relatifs au fonctionnement du code lui-même et nécessaires pour conduire l’activité de décodage. Plus récemment, Rabardel, Rak & Vérillon (1988) montrent que le code reflète à la fois une structure relativement stable des fonctions assurées par le dessin, et une structure des solutions susceptible, au contraire, de varier dans le temps et à travers les champs professionnels. Dans cette perspective, l’apprentissage de la lecture est dorénavant conçu comme la maîtrise progressive et solidaire par l’apprenant de trois champs conceptuels : le code du dessin, sa géométrie et la technologie des objets qu’il décrit.

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Si l’on essaie de caractériser le statut du fait dans la chronologie de ces travaux, on peut distinguer :

1. Une phase a-théorique visant à mettre en évidence des phénomènes : quand on fait varier S, l’interaction (P•S) produit des observables construits - les variations comportementales R (délais de réponse, erreurs) - qui nous renseignent sur S. Le fait c’est la covariation de S et R (est-ce un fait premier au sens de Parain-Vial ?). Dans la dyade interactive P•S, c’est le pôle S (les caractéristiques de l’objet dessin) sur lequel on se focalise.

2. L’intérêt se déplace vers le pôle P dont on cherche à comprendre le fonctionnement. D’observable ou indice, R - en l’occurrence les erreurs - devient un fait dont on peut rendre compte en termes de fonctionnement cognitif du lecteur. Il ne s’agit plus de mettre en évidence des faits mais de s’interroger sur leur nature. On cherche désormais un modèle hypothétique du sujet qui explique la structure des erreurs produites. Le modèle Piagetien semble le plus congruent : il donne les descripteurs les plus satisfaisants pour les faits produits. 3. Mais ce modèle de P induit un modèle de S - le dessin comme

signifiant spatial de contenus spatiaux. Un autre cadre est proposé qui vise à relativiser et compléter ce modèle. De nouveaux faits expérimentaux R sont produits à l’appui du nouveau modèle mais, en retour, ils appellent une modification de l’ancien modèle du lecteur. Les faits ont donc été convoqués pour enrichir alternativement P et S au sein de (P•S). La représentation semble actuellement avoir trouvé un point d’équilibre. Une prochaine étape - mais ceci est une autre histoire consiste à tout reprendre dans une théorie du dessin comme instrument, dans laquelle R = ƒ (P•I•S) avec l’instrument I différencié de S et médiateur entre P et S (Vérillon & Rabardel, 1993).

REFERENCES

BAL J.-J., RABARDEL P., & VERILLON P. (1984). Présenter la géométrie du dessin technique. In L’apprentissage de la géométrie

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FRAISSE P. (1963). Traité de Psychologie expérimentale. Paris : P.U.F. LEPLAT J. & PETIT R. (1965). Relations entre le dessin et les exercices

pratiques dans l’apprentissage d’un métier manuel. Bulletin du CERP, 14, 1-2.

PIAGET J. & INHELDER B. (1947). La représentation de l’espace chez l’enfant. Paris : P.U.F.

RABARDEL P. (1980). Contribution à l’étude de la lecture du dessin technique. Thèse de 3° cycle, Paris : E.H.E.S.S.

RABARDEL P. (1982). Influence des représentations préexistantes sur la lecture du dessin technique. Le Travail Humain, 2.

RABARDEL P., RAK I., VERILLON P. et al (1988). Machines outils à commande numérique : approches didactiques. Collection Rapports de Recherche n°3. Paris : INRP.

SPENCER J. (1965). Experiments on engineering drawing comprehension. Ergonomics, 8, 93-110.

VÉRILLON P. & RABARDEL P. (1993). De l’analyse des compétences à l’élaboration des contenus : contribution de la psychologie et de la sémiologie à la conception en ingénierie didactique. In A. Bessot & P. Vérillon (Éds.), Espaces graphiques et graphismes d’espaces. Grenoble : La Pensée Sauvage.

WEILL-FASSINA A. (1973). Lecture du dessin industriel, perspectives d’étude. Le Travail Humain, 36, 1.

Références

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