COMMENT ON VOIT L'ESPACE QUAND ON EST UN ENFANT QUI A LES PIEDS SUR TERRE
Quelques aspects des représentations enfantines sur l'Astronomie et leur relation
avec le vécu quotidien
Gérard DE VECCHI
Mots-clés: Conceptions - Utilisations didactiques.
Résumé:
L'Astronomie vient de faire son entrée à l'école. Les conceptions que les enfants de 8-11 ans ont sur ce sujet sont Intéressantes. Derrière les "mots" on retrouve des "cOnnal!i5i1nCeS déformées" acquises pour une grande partie à travers le vécu quoll<Jlen.
G'Astronomie fait son entrfe dans Les pro-grammes des cLasses du primaire. CeLa est d'autant plus important que les satellites, les observations célestes ... font partie de
la vie quotidienne. Les ~connaissances"des enfants se construi-sent peu ci peu, ci partir des apports des mass media, mais aussi cies Jouets qu'ils manipulent etc ... Tout un discours B 'éLabol'e en n'appuyant sur ces expériences journali~res. Quelles sont les représentations que cela induit et oa en sont les él~ves de 8 a 11 ans quant a la construction des concepts relatifs a l'Astro-nomie ?
LI',' SOU'iL
IL est <:;2..!!-stitué, le plus souvent, par une "grosse bouLe de feu" ou IIne "masse brûlante". IL peut aussi être fait "de chaleur" ou "de rayons solaires". Ses dimensions, pour la pLupart aes él~ves, sont importantes (iL est en moyenne 2 fois plus grand que La Terre~, mais les justifications des réponses sont queLquefois discutables (ex. "parce qu'il brille pLus que La Te rre
':J.
Par fois c' es t no tre p Lanè te qu i es t perç ue comme beaucoup plus grande ... "car iL y a des habitants qui peuvent tenir dessus" ou "parce qu'il y a des milliers de villes". On voit que ces affirmations entrent souvent en contradiction avec ce que dij~u8ent les médias. On a plut5t affaire ci des représen-tations d'origine culturelLe.Quan t au l'Ôle à priori éviden t dl' 80le il, qu i chauffe et qui IcLaire La Terre, il ne faut pas croire qu'iL soit intégré par tous. V'une part Le phfnom~ne est parfois perçu d'une manière finaliste (il est Là "pour donner de la lumière~ ~our faire vi-vre"rMais c'est Lorsqu'on envisage l'éventualité de son absen-ce que L'on prend réelLement conscienabsen-ce que, dans l'esprit des enra'lts, son importance n'est pas comprise comme on pourrait le penser: si le SoLeiL n'existait pas, "Le temps serait toujours gris et il pleuvrait toujours", "on n'aurait pas très chaud", "on ne verrait jamais l'~t#, "nous n'aurions par beaucoup de bon air" ... et "iL faudrait tou.10urs avoir IOle Lampe de poche".
['A Tt:HHE
[,'intérieur du globe terrestre contient du feu (ou de La chaLeur),-aes-volcans, mais aussi très souvent de l'eau, des mers et quelquefois des itres vivants (arbres, llzards pr'his-tOl·iques ... J. Il peut même y avoir des étoiLes, des planètes, aes vaisseaux spatiaux, Les pôLes nord et sud ..• ce qui montre que les #l~ves utiLisent un langage pseudo-scientifique ne cor-respondant, pour eux, qu'a des termes SOI~vent "v1.des de sens" qui se sont pour la pLupart construits sur une-mauvaise inter-prétation des apports des médias. Les modèles didactiques utili-sés couramment peuvent aussi induire des interprétations assea fantaisistes (ex. "quand on la coupe -la Terre- c'est pareil qu'une orange, cl l'intérieur iL y a de la pulpe"J.
A un questionnement du type ~la Terre est ronde;
pourquoi Les habitants qui vivent de L'autre c8t~ de
La
Terrene tombent-iLs pas
?".
certaines rpponses,sans être exactes. fontentrer en jeu des éLéments réaListes fortement liés au quotidien:
hparce qqe la Terre est trop grande". parce que le soL est droit h ,
~ cause de L'atmosph.re". "car
La
Terre va trjs vite alors on nepeut pas tomber. c'est comme une bicyclette" ou
"La
Terre tourneteLLement vite qu'on a pas Le temps de tomber. le temps qu'on
tombe on est de L'autre côté". D'autres expLtquent Le même
phéno-m.ne par Le fait que "La Terre ne tourne pas" ou qu'elle
"tour-ne suffisamment doucement"(/). Mais nous avons aussi rencontr'
un Il.ve qui nous a dit: "Les habitants qui vivent de L'autre
côté sont comme nous. iLs ne tombent pas car la force
d'attrac-tion de
La
Terre Les attire versLe
soL. c'est comme s'iL y avaitun aimant au centre de
La
Terre"(ce qui est bien différent dehiLs ont un aimant sous Les pieds"!). MaLgré ceLa, certains
éL.-ves raisonnent encore comme si Les habitants qui vivent "de
L'au-tre cBté" avaient "toujours
La
t'te en bas~.LES ETOILES ET LES PLANETES
Quant aux connaissances reLatives d ce sujet. rares
sont Les enfants qui décLarent ne rien savoir. mais plus rares
encore sont Les réponses exactes. Les affirmations obtenues
cor-respondent fréquemment à ùn savoir ponctueL "déformé" ou
cons-truit à partir de stéréotypes. Une des erreurs tes pLus
fréquen-tes consiste à confOndre ptan.tes et étoiles.
Les étoiLes sont. tr.s souvent, de petites pLan.tes
(trjs tr.s tr.s petites queLquefois). ELLes peuvent être tr.s
"pointues" ou m'me avoir "La forme d'une étoiLe de schérif".IL
Leur arrive de "faire des dessins dans le cieL comme un ourson".
"gLLes ne sont
Là
queLa
nuit"et ce sont eLLes qui "écLairentLa
nu'(.t ". Pour une éLève, "c'est des mor ceaux du grand bang" ; pour
un autre eLLes correspondent à des ~bouts de soLeiL qui se sont
détachés". Certaines "fiZent très vite (les étoiLes fiLantes
bien entendu!J. Enfin "on ne sait pas si Leurs habitants sont
faits comme nous~.
Le savoir concernant Les pLanètes est du même type.
Pour Mars, par exempLe. on récotte ce genre d'affirmations:
"c'est une planète rouge". "c'est
La
pLanèteLa
plus froide h,·eLLe peut avoir une bande autour" ou "'tre faite comme
La
Lune","iL y a des canaux,
Le
mont OLympe". "iL y a pas l'hygiène" (d'oxygène!). "Les hommes peuvent pas y vivre" ou, au contraire.
"eLLe est habitée de martiens. c'est des petits bonshommes verts
qui ont existé autrefois· •.. Et puis 'Les planètes et
La
Terretombent pas car
iL
y a des miLLiers de microbes qui Lessuppor-tent h ou "Les étoiLes peuvent pas tomber, elLes sont trop loin~.
ou encore hc'est les étoiLes qui tiennent la Terre".
LES MOUVEMENTS DES ASTRES
Outre Les idées tr~s répandues (même chez les aduLtes)
que "le SoLeiL est juste au-dessus de notre tête quand
iL
estmidi" ou .;,,,,! "l'Est c'est Là où Le SIJleil se lève et L'Ouest là
o~
iL
se couche~. c'est dans cette rubrique que les remarquesenfantines sembLent ~es pLus riches et peut-'tre les pLus
exploi-tables.
A la question "peux-tu expLiquer ce qui fait que
k
d'él'-ves font entrep en jeu Le mouvement de potation de La Terre (et quand () 'est ~e cas Les expLications sont rarement convaincantes).
Un certain nombre d'enfants aflipment pourtant que La
Terre tourne (SUI' eLLe-même et autoup âu SoLeiL), mais ceLa pes-te du domaine de La "formuLe toûte fa1:tP." sans que ce~Le-ci puis-~être l'éinves tie afin d'exp Liquep un phénome'le que z.conque. SUI'
4 cLasses, 'l~avons pellco'ltpé qu'lm seuL enfant capab Le de j'ounlir une vépitabLe expLication à ce fait: "la Terre tourne SUl' eL~e-m'me , donc au bout d'un moment elLe tourne Le âos au SoLeiL". Les réponses Les pLus courantes sont du type: "parce que Le soir ~es nuages cachent Le SoLeiL et Le matin Le SoLeiL réapparatt", "parce que Le SoleiL tourne autour de La Terpe, alors
ra
fait le matin et Le soir". L'idée de mouvement (que l'on associe 80uvent d La vie) am.ne de nombreuses pemarques anthropomorphiques et animistes: "c'est parce qu'iL -le 8o~eiLa aesoin de sommei~ comme nous", "iL se L.ve, c'est pour qu'on se L.ve Le matin et iL se couche poup qu'on dorme Le soir" ; iL se L.ve aussi "pour qu'on le voit" ou "pour venip voir La Tepre". "lL se couche pour que La Lune puisse venir".
A La question "comment peut-on expLiquer que, dans notre l'égiOll, f.l...LE.it Lus chaud L'i?té et pLus froid L'hiver 7"
Le même type al' conceptions aetepmine les reponse. apparence aussi j'a'ltaisiste. Le SoLei~ est pLus ou /l,oins masqué par Les nuages (',~'hiver Les nuages cachent Le SoLe1:L et L'été Les nuages partent") ou pal' La position m'me du SoLeil ("en hiver Le SoLeiL pst ci.! L'ar,cl'. côté de La 1'epre et L 'pt" le SoLeil est du même sens que nous" -c'est cette interpri?tat~onqui est, de Loin,La pLus fréquente-Jo D'autpes expLications non moins surprenantes sont j'ournies ; certaines s'appuient sur Le mouvement des astres "parce que La Terre tourne de plU.9 en plus vite", "iL fait chaud L '(té parce que la Tepre a fait le tour du SoLeil et iL fait froid L 'hivep parce que ~a Teppe n'a pas fait le tour du SoLeiL". On confond queLquefois "causes" et "conséquences" :"iL fait froid
L 'niver cl cause de La neige". En fait, personne n'aborde Le pro-bL~me en utiLisant la plus ou moins grande incLinaison des rayons soLaires. La rfponse que nous avons trouvée La pLus logique par rapport cl la structure et au fonctionnement du syst.me soLaire Rst La suivante: "La Terre fait Le tour du SoLeiL et elLe ne fait pas un cercle bien pond donc en hiver elLe est plus 4loi-gnée, c'est ça qui lait que ça chauffe moins'.
On retrouve ~galement les m'mes repr#sentations dans L'explication de l'existence des différentes phases de la Lune cl travers quelques remapques comme : ~ra &une nous papa~t pas enti~re parce que Les nuages cachent l'autre c6t~" ou "quand
nOUR sommes aerrijpe ~a Tepre, nous n'en voyons que la demi", mais aussi "parce qu'elle est coupée", "car Le soip la Lune est ronae et qu'eLLe diminue de pLus en plus jusqu'd minuit", Peu de r~ponses Bont du type "parce que Le SoLeiL des fois il n'ic~ai re pas tout".
~UGLLGS SONT LES CONCEPTIONS SOUS-JACENTES A CES
HE~AH~UES ENFANTINES?
Pour La plupart des iLèves, la Terpe (et même la région qu'i~s habitent) peste le centpe du monde; cela n'est d'ailLeurs pas surppenant. Cette sorte d"Jgocentrisme' peut être re~ié au fait que Les ph'nomènes astronomiques, comme beaucoup d'autpes,
sont quetquefots Vus par tes enfants d'une manlere tr.s anthro-pomorphique et sont parfois teintés d'Un certain finatisme.
Ces m'mes phénom~nes astronomiques n'ont pas d'ampteur, ~es concepts tils au temps, à t'espace, aux grands nombres ,Hant encore construits d'une manière tropsommaire: . __ .
-Les astres n'ont que peu de rapports tes uns avec les autres. De m'me, on ne distingue'-iiUë-rarernent planètes, étoiles, ~atetlites. Les enfants éprouvent d'ailleurs les plus grandes difficuttés à tenir compte de plusieurs phénomènes se déroutant en même temps (ex. mouvement retatif des astres).
Certains phénomènes physiques, appartenant au vécu quotidien de t'enfant, 80ntU
dtrectement transposés (par anato-gie) aux mécan ismes régissant l'Uni vers (a ima.nt, bicyc let te . .. ) .
Quelques notions un peu connues sont vues d'une mani~re
simptiste et sont, de toute mani~re, tr~s mat int~gr.es m'me quand e
t
tes sont nommées (ex. la Terre tourne).Enfin, par une anatyse personnelte, tes élèves défor-ment souVent tes connaissances ponctuelles qui leur sont fournies généralement par les médias. De même, l'utitisation fréquente d'un tangage dont tes termes sont vides de sens pour eux et de stéréotypes cutturets (étoite de sch~rif) on véhicutés par les oeuvres d'anticipation (vie sur tes autres ptan~tes), reste tr~s prégnante.
On voit bien que tes conceptions enfantines retatives à t'Astronomie se sont construites essentiellement à partir des apports du vécu quotidien. Cela aboutit à une vision partielle et déformée des grands concepts relatifs à ce sujet. Mais ces apports sont-its pour autant à négliger? Ne pourraient-i~s pas jouer le r5le de ·p6ints d'ancrage' à l 'étaboration d'un véritab~e savoir scientifique? Le fait de 8 'appuyer sur eux permettrait à l'Eco~e de ne pas construire des 'connaissancesN