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Attachement, qualité et stabilité conjugale au sein d'une population clinique victime d'abus sexuel en enfance

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Academic year: 2021

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Attachement, qualité et stabilité conjugale au sein d’une

population clinique victime d’abus sexuel en enfance

Mémoire doctoral

Maryline Germain Bédard

Doctorat en psychologie

Docteur en psychologie (D. Psy.)

Québec, Canada

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ii Résumé

Cette étude se penche sur les difficultés relationnelles vécues par les patientes référées au Centre de traitement le Faubourg Saint-Jean (CTFSJ) à la suite de leur passage à l’urgence dans un contexte de crise. La recherche porte plus précisément sur les associations entre les expériences d’abus sexuels en enfance (ASE) et les représentations d’attachement, la satisfaction conjugale ainsi que l’instabilité conjugale à l’âge adulte. L’échantillon d’intérêt se compose de 81 femmes recrutées au CTFSJ. Des comparaisons sont effectuées avec un échantillon de comparaison de 202 patientes recrutées au Service de consultation de l’École de psychologie de l’Université Laval ainsi qu’avec un échantillon de convenance de 1467 femmes recrutées au sein de la population générale et universitaire. La prévalence de l’ASE mesurée au sein de l’échantillon du CTFSJ s’élève à plus d’une personne sur deux, ce taux étant plus de deux fois supérieur à ce qui est retrouvé dans l’échantillon de convenance. Les résultats confirment la sévérité de la symptomatologie des participantes du CTFSJ, où près de la totalité de l’échantillon fait notamment état d’un attachement insécurisant. Aucune différence n’est retrouvée entre les participantes abusées sexuellement et celles n’ayant pas subi ce type d’abus en ce qui a trait aux deux dimensions de l’attachement, de la satisfaction et de l’instabilité conjugale, ni en fonction de la sévérité de l’ASE. Ces résultats devraient être répliqués au sein d’un échantillon plus large de patientes du CTFSJ et en incluant des mesures permettant d’investiguer la présence de multiples traumas développementaux.

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Table des matières

Résumé ... ii

Table des matières ... iii

Liste des tableaux ... iv

Liste des figures ... v

Liste des abréviations et des sigles ... vi

Remerciements ... vii

Introduction ... 1

La théorie de l’attachement ... 2

Attachement au sein de populations cliniques ... 6

Abus sexuel en enfance ... 7

Définition de l’abus sexuel en enfance ... 7

Associations entre l’abus sexuel en enfance et le style d’attachement ... 8

Sévérité de l’abus sexuel en enfance et attachement ... 10

Qualité et stabilité conjugale ... 12

Objectif(s) et hypothèses... 15 Objectifs ... 15 Hypothèses ... 16 Méthodologie ... 17 Participants ... 18 Instruments ... 19

Abus sexuel en enfance ... 19

Stabilité conjugale ... 20 Attachement ... 20 Satisfaction conjugale ... 21 Détresse psychologique ... 21 Résultats ... 23 Discussion ... 35 Bibliographie ... 42

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iv Liste des tableaux

Tableau 1. Comparaison entre les victimes d'ASE et les participantes non abusées sur l'attachement, la satisfaction et l'instabilité conjugale. ... 24 Tableau 2. Comparaison des moyennes d'attachement anxieux entre les victimes d'ASE et les

participantes non abusées selon la relation à l'agresseur, le type d'actes subis et la fréquence des abus. ... 25 Tableau 3. Comparaison des moyennes d'attachement évitant entre les victimes d'ASE et les

participantes non abusées selon la relation à l'agresseur, le type d'actes subis et la fréquences des abus. ... 26 Tableau 4. Caractéristiques détaillées de l'ASE au sein des trois échantillons. ... 28 Tableau 5. Variables cliniques chez les victimes d'ASE au sein des trois échantillons. ... 30

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v Liste des figures

Figure 1. Quatre styles d'attachement en fonction des dimensions de l'anxiété d'abandon et

d'évitement de l'intimité. ... 4 Figure 2. Conceptualisation des quatre styles d'attachement en fonction des modèles opératoires de

soi et d'autrui... 6 Figure 3. Modèle d'analyses acheminatoires de la sévérité de l'ASE, de l'anxiété d'abandon,

d'évitement de l'intimité et de la satisfaction conjugale (n = 57). ... 32 Figure 4. Modèle d'analyses acheminatoires de la sévérité de l'ASE, de l'anxiété d'abandon,

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vi Liste des abréviations et des sigles

CTFSJ………...Centre de traitement Faubourg Saint-Jean ASE………...Agression sexuelle à l’enfance ou à l’adolescence SCEP……….Service de consultation de l’École de psychologie É.T………..Écart-type rp………..Coefficient de corrélation de Pearson F……….Rapport de la somme des carrés moyens inter et intra-groupes ANOVA……….Analyse de variance

n2………..Éta-carré partiel

()………Oméga

ISP………...Index des symptômes psychiatriques OQ-45………Questionnaire d’évaluation des résultats

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vii Remerciements

Il est difficile de croire que le moment où j’en suis à écrire les remerciements de mon mémoire doctoral soit déjà venu. J’ai l’impression que c’était hier où je mettais pour la première fois les pieds dans un cours du baccalauréat en psychologie, et pourtant me voilà six ans plus tard, entamant ma dernière et septième année d’études universitaires. Ce moment est pour moi riche en émotions et bien que je ressente un brin de nostalgie face au constat que le temps passe si vite, c’est principalement de l’excitation et de la fierté qui m’habitent lorsque je prends conscience du chemin parcouru et que je pense aux nouveaux défis qui m’attendent. Je ressens également énormément de reconnaissance envers toutes ces personnes qui m’ont accompagnée de près ou de loin dans mon parcours universitaire. Vous m’avez tous et toutes soutenue et marquée à votre manière et je tiens ici à prendre le temps de vous remercier de m’avoir aidée à mener ce projet à terme.

Je souhaite d’abord remercier Stéphane Sabourin, mon directeur de recherche et superviseur clinique. J’ai eu la chance d’avoir un directeur de recherche ainsi qu’un superviseur de stage chez qui une impressionnante expertise s’allie à des qualités humaines rares. Vous êtes un directeur, un superviseur ainsi qu’un clinicien extrêmement compétent, dévoué et généreux de votre temps comme de vos connaissances. Votre capacité à lire vos étudiantes et à personnaliser votre enseignement a pour effet de stimuler notre développement professionnel mais également personnel. En ce sens, je tiens à vous remercier de la calme confiance que vous m‘avez témoignée dans mes moments de doute personnels, que ce soit quant à mon potentiel clinique ou avant mes séminaires de recherche ; je ne saurais mettre en mots l’impact que celle-ci a eu sur mon sentiment de compétence. Je m’estime infiniment privilégiée d’avoir pu évoluer sous votre aile et vous remercie de la solidité avec laquelle vous vous êtes acquitté de votre rôle.

Je remercie Claudia Savard, ma co-directrice de recherche, qui m’a fait confiance et m’a donnée ma chance alors que je n’étais qu’une jeune étudiante avec peu d’expérience, et qui n’a cessé de m’ouvrir des portes depuis. Notre rencontre a été un point tournant de mon cheminement académique puisque c’est grâce à toi que j’ai fait la connaissance du laboratoire sur le couple. C’est également grâce à toi que j’ai eu la chance de réaliser mon projet de mémoire doctoral au sein d’un milieu clinique aussi intéressant que le Faubourg Saint-Jean. Tu as joué un rôle immense dans l’orientation de mes intérêts cliniques et je t’en suis extrêmement reconnaissante parce que j’adore

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ce que je fais. Merci pour ton écoute, tes encouragements et la passion que tu ressens et que tu sais transmettre pour la recherche et la clinique ; tu as été pour moi un modèle et une source de motivation incommensurable. J’espère sincèrement avoir la chance et le plaisir de retravailler avec toi dans le futur.

Je souhaite remercier Catherine Bégin, membre de mon comité de mémoire doctoral et nouvellement l’une de mes superviseures cliniques. Ton expertise et ta capacité d’analyse ont d’abord grandement participé à l’enrichissement de ma compréhension des enjeux de mon projet de recherche. Merci pour ta chaleur, ton dynamisme, ton humour et ton authenticité, qui ont contribué à faire de mes séminaires des moments stimulants plutôt qu’uniquement stressants. Ces qualités sont d’autant plus appréciables pour moi maintenant que j’ai la chance de te côtoyer sur une base régulière et constituent un modèle dont je souhaite continuer de m’inspirer.

Je tiens également à remercier Danielle Lefebvre, ma superviseure clinique depuis mes tous débuts. Vos réflexions et l’investissement constant dont vous avez fait preuve envers ma personne ont grandement contribué à mon développement professionnel et personnel. Votre rigueur, votre dévouement et votre capacité à vulgariser vos connaissances m’ont permis d’ériger une base solide à mes compétences cliniques qui me permet aujourd’hui de prendre davantage d’autonomie avec confiance. Sur un plan plus personnel, je retiens de vous la bienveillance, l’attachement et l’intérêt sincère que vous m’avez portés. Je vous suis particulièrement reconnaissante pour vos encouragements à me « desserrer la cravate » et à laisser davantage de place à mes couleurs en clinique. Votre présence et vos enseignements m’ont grandement supportée tout au long de mon doctorat et, j’en suis sûre, continueront de le faire tout au long de ma carrière.

Je souhaite évidemment prendre quelques lignes pour remercier mes proches. Merci d’abord à mes parents, qui sont depuis toujours mes plus fidèles supporters. L’amour inconditionnel et l’immense fierté que vous avez toujours su me démontrer constituent les moteurs qui m’ont permis de me rendre jusqu’ici. Je tiens de vous les valeurs et les qualités qui me servent dans la voie professionnelle que j’ai choisie, que ce soit ma sensibilité, ma persévérance ou ma capacité d’analyse, et j’ai grâce à vous la chance d’avancer dans la vie avec un sac à outils bien rempli. Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, je vous suis infiniment reconnaissante. Merci également à mon amoureux et meilleur ami, Louis-Charles, qui est toujours là pour m’aider à retrouver l’équilibre. Ta présence réconfortante, ton écoute et la confiance inébranlable que tu as en moi sont

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un des précieux ancrages qui m’ont soutenue tout au long de mes études universitaires. Toi et moi formons une équipe dont je suis fière.

Enfin et non le moindre, merci aux « filles du labo », sans qui le parcours aurait été tellement moins agréable, voire impossible. Votre présence et la complicité développée avec chacune d’entre vous ont constitué l’un des phares de mon parcours. Je retiens d’innombrables fous rires et discussions intimes et terminerai mon parcours académique avec la conviction que j’en ressors avec des amitiés pour la vie. Un merci particulier à Marie-Pier Vaillancourt-Morel. Merci pour ton expertise impressionnante en recherche, et surtout pour la générosité et la disponibilité dont tu fais preuve lorsqu’il s’agit d’en faire profiter les autres. Tes commentaires et tes réflexions aux niveaux théorique, pratique et statistique ont grandement contribué à approfondir la qualité et la compréhension de mon projet. Ta présence et ton support ont constitué une ressource et un réconfort précieux tout au long de mon parcours.

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1 Introduction

Cette étude se penche sur les difficultés relationnelles vécues par les patientes référées au Centre de traitement le Faubourg Saint-Jean (CTFSJ, Centre spécialisé de traitement des troubles sévères de la personnalité) à la suite de leur passage à l’urgence dans un contexte de crise. La recherche porte plus précisément sur les associations entre les expériences d’abus sexuels en enfance (ASE) et les représentations d’attachement, la satisfaction conjugale ainsi que l’instabilité conjugale à l’âge adulte. Les difficultés relationnelles et conjugales peuvent être particulièrement marquées chez une clientèle souffrant de troubles de la personnalité ou présentant des traits de personnalité problématiques (Bouchard, Sabourin, Lussier, & Villeneuve, 2009; Levy, Johnson, Clouthier, Scala, & Temes, 2015). On rapporte une prévalence de représentations d’attachement insécures allant jusqu’à 76 % au sein de cette population (Bouchard, Sabourin, et al., 2009). Différents auteurs soutiennent que les représentations d’attachement insécures fréquemment rencontrées chez ces personnes pourraient être en lien avec la prévalence particulièrement élevée de traumas infantiles dans cette population. Toutefois, l’association spécifique des différents traumas infantiles et de l’émergence d’un patron d’attachement marqué par l’insécurité à l’âge adulte demeure peu étudié (Minzenberg, Poole, & Vinogradov, 2006). Dans ce contexte, un échantillon composé de femmes présentant une pathologie de la personnalité constitue une niche plus qu’intéressante pour étudier l’association entre l’ASE et les représentations d’attachement insécures dans la sphère conjugale.

Ainsi, le premier objectif du présent mémoire est de tracer un portrait descriptif des patientes qui sont référées au Centre de traitement le Faubourg Saint-Jean (CTFSJ) à la suite de leur passage à l’urgence dans un contexte de crise. L’attachement, la satisfaction conjugale, l’instabilité conjugale et les antécédents d’expériences d’abus sexuels vécues par les patientes de l’échantillon constituent les variables d’intérêt qui sont explorées et décrites. Le deuxième objectif est de vérifier si le fait d’avoir vécu un ASE, et plus spécifiquement si, au sein de cet échantillon, certaines caractéristiques de l’abus sexuel en enfance ont un impact différentiel sur les représentations d’attachement à l’âge adulte. Le troisième objectif est de mettre en évidence les spécificités de la population du CTFSJ quant à la symptomatologie clinique et aux expériences sexuelles vécues à l’enfance à l’aide de

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comparaisons avec les données de participants provenant de deux autres échantillons. Enfin, le quatrième objectif consiste à déterminer l’association entre la sévérité de l’abus, les représentations d’attachement ainsi que la qualité et la stabilité conjugale au sein de cette population de patientes qui consultent en psychiatrie pour un épisode de crise. L’atteinte de ces objectifs doit d’abord reposer sur un examen détaillé de la documentation scientifique traitant de cette thématique de recherche, puis de mettre au point une méthodologie qui tient compte des hypothèses à vérifier.

Contexte théorique

La théorie de l’attachement

La théorie contemporaine de l’attachement adulte repose essentiellement sur les travaux de John Bowlby et de Mary Ainsworth (Mikulincer & Shaver, 2007). Bowlby (1969) fut le premier à introduire la notion d’attachement pour expliquer la nature et la force de la relation entre l’enfant et le parent qui en prend soin (i.e. figure d’attachement). Le système d’attachement de l’enfant a pour fonction de le protéger du danger, ou plus précisément de produire un état de protection et de sécurité et ce, en favorisant le maintien d’une proximité avec la figure d’attachement. Il entre ainsi en action lorsqu’il y a présence de menaces réelles ou perçues par l’enfant, ou dans toute situation où ce dernier a l’impression que la figure d’attachement n’est pas suffisamment disponible pour répondre à ses besoins. Dans ces moments, l’enfant émet une série de signaux qui visent à rétablir la proximité avec la figure d’attachement; que ce soit par des pleurs, des cris ou en se déplaçant vers elle (Ainsworth, Blehar, & Wall, 1978). Le système d’attachement se désactive lorsque le sentiment de proximité et de sécurité est rétabli. Il arrive toutefois que la figure d’attachement ne soit pas en mesure de restaurer de façon constante et adéquate le sentiment de protection et de sécurité chez l’enfant. Face à une telle situation, le système d’attachement peut s’en trouver déréglé. Les manifestations de ce dérèglement sont présentées un peu plus loin.

Le concept de « modèles opératoires internes » (Bowlby, 1982 ; Bretherton & Munholland, 2008) constitue l’une des notions au cœur de la théorie de l’attachement. Ces derniers se forment sur la base des interactions précoces entre l’enfant et sa figure d’attachement; selon la qualité des soins reçus, l’enfant développe progressivement des schémas d’appréhension des situations interpersonnelles qui déterminent la perception qu’il a des ressources et du soutien qu’il peut s’attendre à recevoir d’autrui. Ces schémas consistent en des représentations de soi et des autres,

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qui génèrent des attentes à propos des relations interpersonnelles et guident les interactions (Levy et al., 2015). Ainsworth et al. (1978) ont évalué la validité scientifique de la théorie de Bowlby dans le cadre d’une épreuve expérimentale bien connue, appelée «la situation étrangère». Cette étude, menée auprès d’enfants, a conduit à l’identification de trois types d’attachement, soit l’attachement sécurisant, l’attachement anxieux-ambivalent et l’attachement évitant.

L’enfant qui manifeste un attachement sécurisant a assimilé que ses tentatives pour rétablir la proximité avec la figure d’attachement sont généralement fructueuses. Son système d’attachement s’active lorsque nécessaire, par exemple lorsqu’il y a séparation réelle de la figure d’attachement, puis se désactive rapidement lorsque le sentiment de proximité et de sécurité est rétabli. L’enfant qui manifeste un attachement anxieux-ambivalent a, quant à lui, développé une hyperactivation chronique de son système d’attachement ; il devient plus sensible aux signes de distance et en vient à intensifier ses tentatives pour rétablir la proximité avec la figure d’attachement (Mikulincer & Shaver, 2007). À l’inverse, l’enfant qui manifeste un attachement évitant a développé une sous-activation de son système d’attachement; il a assimilé que sa figure d’attachement n’est pas en mesure de répondre à ses besoins et recherche donc compulsivement l’autosuffisance. Des recherches subséquentes ont permis d’ajouter un quatrième type d’attachement, l’attachement désorganisé ou craintif. Ce dernier est caractérisé par une oscillation rapide entre des stratégies d’hyperactivation et de désactivation du système d’attachement (Main & Solomon, 1990).

Bowlby (1973) suggérait que ces modèles opératoires internes, formés d’un ensemble de représentations de soi et des autres, deviennent éventuellement des composantes de la personnalité des individus et qu’ils tendent à demeurer stables au fil du temps. En effet, à l’adolescence et à l’âge adulte, ces modèles opératoires se stabilisent et guident les réactions affectives, cognitives et comportementales observées au sein des relations intimes (Bretherton & Munholland, 2008). Un attachement désorganisé dans la petite enfance peut donc perdurer et devenir inadapté, nuisant à l’individu adulte dans sa capacité à se rapprocher émotionnellement de ceux qui pourraient lui fournir du support (Levy et al., 2015). Ainsi, alors que la théorie de l’attachement était initialement

presqu’exclusivement appliquée au développement de l’enfant, un courant de recherche permettant d’étendre et d’adapter le concept aux périodes de l’adolescence et de l’âge adulte a vu le jour dans les années 80.Cette extrapolation de la théorie de l’attachement a permis de mieux comprendre les relations conjugales tout au long du développement de l’individu, puisqu’il semble que l’attachement

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développé dans la relation parent-enfant soit particulièrement activé lors des relations intimes subséquentes. En effet, on sait aujourd’hui que c’est principalement au sein des relations de couple que les individus satisfont leur besoin d’attachement à l’âge adulte (Mikulincer & Shaver, 2013).

Cette adaptation de la théorie à l’étude des relations amoureuses a mené à la mise au point de nouvelles façons de mesurer l’attachement (Mikulincer & Shaver, 2007). Hazan et Shaver (1987) ont mis au point une première mesure auto-rapportée de l’attachement amoureux. Par la suite, de nombreux chercheurs ont à leur tour tenté de développer différentes mesures auto-rapportées, permettant d’en venir au constat que ces instruments s’appuient empiriquement sur un modèle en deux dimensions. Bartholomew et Horowitz (1991) réfèrent à l’anxiété face à l’abandon et à l’évitement de l’intimité. Tout d’abord, l’anxiété d’abandon représente le degré auquel l’individu craint le rejet et l’abandon. Il se caractérise par une hypervigilance à tout signe de retrait et d’éloignement. L’évitement de l’intimité réfère quant à lui à l’inconfort ressenti face à l’intimité émotionnelle et à la

dépendance. Il se manifeste par une grande recherche d’autonomie (Mikulincer & Shaver, 2007). Figure 1. Quatre styles d'attachement en fonction des dimensions de l'anxiété d'abandon et d'évitement de l'intimité.

Dans une perspective catégorielle, l’agencement entre les différents niveaux d’anxiété d’abandon et d’évitement de l’intimité génère quatre styles d’attachement (Figure 1). La sécurité d’attachement (i.e. style sécure) résulte en de faibles taux d’anxiété d’abandon et d’évitement de l’intimité.

Évitement de l’intimité Anxiété d’abandon (+) (+) (-) (-) Craintif Détaché Sécure Préoccupé

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L’attachement préoccupé (ou anxieux-ambivalent) se caractérise par une forte anxiété d’abandon et un faible évitement de l’intimité. À l’inverse, l’attachement détaché correspond à une anxiété d’abandon faible jumelée à une forte tendance à éviter la proximité. Enfin, l’attachement craintif (ou désorganisé) résulte d’une élévation sur les deux dimensions, soit une forte anxiété d’abandon et un fort évitement de l’intimité.

Ces quatre styles d’attachement se manifestent différemment en termes d’affects et de comportements. Tout d’abord, les personnes sécures ont une vision positive de soi et d’autrui; elles sont à l’aise dans l’intimité et l’interdépendance et par conséquent, elles se sentent en sécurité dans le couple. Les individus préoccupés vivent quant à eux une grande peur de l’abandon. Dans une tentative d’apaiser cette crainte du rejet, ils recherchent donc un haut niveau de proximité qui peut les mener à être dépendants de leur partenaire et à poser des gestes d’intrusion vis-à-vis ce dernier. Les individus ayant un style d’attachement détaché se perçoivent comme n’ayant pas besoin des autres et recherchent un haut niveau d’indépendance ; ils ont tendance à éviter l’intimité et à réprimer leurs besoins d’attachement. Enfin, les individus craintifs ont un désir d’intimité mais tendent à maintenir les autres à distance pour se protéger d’un rejet potentiel (Bartholomew & Horowitz, 1991; Brennan, et al., 1998).

Une interprétation des dimensions de l’anxiété d’abandon et de l’évitement de l’intimité fut proposée par Bartholomew (1990), qui suggérait un lien entre ces dimensions et les modèles opératoires internes de soi et des autres de Bowlby (1969/1982). Plus précisément, Bartholomew proposa que la dimension de l’anxiété d’abandon peut être conceptualisée comme le « modèle opératoire de soi » et que la dimension de l’évitement pouvait être conceptualisée comme le «modèle opératoire d’autrui». Ainsi, des modèles de soi plus négatifs seraient associés à une élévation de l’anxiété d’abandon, alors que des modèles d’autrui négatifs seraient plutôt liés à une élévation de l’évitement de l’intimité. De façon plus concrète, des interactions répétées avec une figure d’attachement disponible et sensible à ses besoins amèneraient l’enfant à développer des modèles opératoires internes où les autres sont perçus comme fiables et soutenants, d’une part, et des modèles opératoires internes de soi basés sur la perception qu’il est digne d’intérêt. Au cours de ces interactions sécurisantes, l’enfant intègre qu'il est aimable et aimé, et apprend à se voir comme étant compétent dans sa capacité à mobiliser efficacement le soutien d’un figure d’attachement. Ceci serait associé à de faibles taux d’anxiété d’abandon et d’évitement de l’intimité, et par conséquent à un attachement sécure.

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Toutefois, un patron répété d’interactions frustrantes, décevantes, voire même effrayantes, avec des parents peu disponibles, peu sensibles ou encore inconsistants, risque d’amener l’enfant à construire des modèles opératoires internes où les autres sont perçus comme indifférents et inaccessibles, ou encore des modèles opératoires internes de soi marqués par le doute quant à sa valeur personnelle ainsi qu’à l’estime et l’amour que ses figures d’attachement lui portent. Tel qu’expliqué précédemment, de tels modèles opératoires négatifs de soi et d’autrui sont respectivement associés à une élévation de l’anxiété d’abandon et d’évitement de l’intimité. Plus précisément, des modèles opératoires de soi négatifs seraient associés à un attachement préoccupé, des modèles opératoires d’autrui négatifs seraient associés à un attachement détaché, et enfin la présence de modèles opératoires de soi et d’autrui négatifs serait associée à un attachement

craintif (Figure 2).

En bref, l’attachement insécure, quel qu’il soit, est associé à des difficultés intra et interpersonnelles. D’ailleurs, des difficultés d’attachement, et notamment l’attachement désorganisé, sont fréquemment observées chez les individus présentant un trouble de la personnalité (Levy, 2005).

Attachement au sein de populations cliniques

Dès 1977, Bowlby postulait que l’attachement insécurisé pouvait mener au développement de diverses psychopathologies, dont les troubles de la personnalité. La prévalence des représentations

Modèles opératoires internes d’autrui Modèles opératoires internes de soi

(+) (+) (-) (-) Craintif Détaché Sécure Préoccupé

Figure 2. Conceptualisation des quatre styles d'attachement en fonction des modèles opératoires de soi et d'autrui.

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d’attachement marquées d’insécurité serait d’ailleurs considérablement élevée au sein de populations souffrant d’une pathologie de la personnalité (Bouchard, Sabourin, et al., 2009; Westen, Nakash, Thomas, & Bradley, 2006). De plus, le risque de développer un trouble de la personnalité est d’autant plus important lorsque l’attachement insécure est combiné à la présence de certains facteurs, tels qu’un historique de trauma ou d’abus (Meyer, Cohn, Robinson, Muse, & Hughes, 2017). En ce sens, plusieurs auteurs soutiennent que l’attachement insécure fréquemment rencontré chez des personnes présentant des traits de personnalité pathologiques, telles que des personnes en crise vues en milieu hospitalier, pourrait être lié à la prévalence élevée de traumas infantiles dans cette population (Bouchard, Godbout, & Sabourin, 2009; Kaehler & Freyd, 2009; Zanarini et al., 2002). Cependant, cette association n’a été examinée que dans un très petit nombre d’études empiriques et encore plus rarement chez des individus présentant une détresse personnelle et relationnelle grave (Minzenberg, Poole, & Vinogradov, 2006) .

Il existe une multitude de traumas infantiles (i.e. violence physique, négligence, abus sexuel, etc.) et il s’avère donc nécessaire de circonscrire l’objet d’étude du présent mémoire doctoral, qui se penchera plus spécifiquement sur l’abus sexuel en enfance (ASE). De plus, bien que le présent projet se déroule au sein d’un échantillon d’individus présentant possiblement une pathologie de la personnalité, cette variable ne constituera pas spécifiquement l’objet de notre étude. La pathologie de la personnalité y est vue comme un élément caractérisant un échantillon propice pour examiner comment l’abus sexuel en enfance est associé à des représentations d’attachement empreintes d’insécurité et à diverses difficultés conjugales.

Dans la section qui suit, l’ASE sera d’abord brièvement défini, puis une recension de la littérature portant sur les associations entre l’ASE et le style d’attachement à l’âge adulte sera présentée.

Abus sexuel en enfance

Définition de l’abus sexuel en enfance

De façon générale, l’ASE peut être défini comme l’utilisation d’un enfant pour la gratification des besoins sexuels d’un adulte (Crosson-Tower, 2005). Toutefois, la définition opérationnelle de l’ASE varie parfois d’une étude à l’autre. La majorité des auteurs utilisent une définition normative de l’ASE, basée soit sur la loi en vigueur dans le pays où l’étude est menée, soit sur les caractéristiques

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de l’agression. Ces définitions incluent généralement un âge minimum de consentement pour l’enfant, un critère sur la différence d’âge entre l’enfant et son agresseur ou encore la présence d’un certain pouvoir sur l’enfant. En vertu de l’article 150.1 du Code criminel du Canada, tout acte sexuel entre un jeune de moins de 16 ans et un individu de plus de cinq ans son aîné (ou étant en situation d’autorité) constitue une ASE. Dans la documentation scientifique, certains auteurs prennent également en considération d’autres caractéristiques de l’ASE pour guider leurs définitions opérationnelles. Ces caractéristiques incluent notamment la fréquence de l’ASE (Hulme, 2004), la présence de coercition ainsi que le type d’activité sexuelle impliquée (;Dolezal & Carballo-Dieguez, 2002). D’autre part, certains auteurs utilisent plutôt une définition subjective de l’ASE, basée sur la perception qu’a l’individu de l’expérience sexuelle vécue : i.e., est-ce que celui-ci se considère comme ayant été victime d’un ASE? Ce genre de définition peut être basé sur la réaction de l’enfant à la suite de l’événement (Dolezal & Carballo-Dieguez, 2002) ou encore, sur la perception qu’a la victime de l’expérience sexuelle vécue (Holmes & Slap, 1998). Toutefois, la littérature rapporte que l’utilisation d’une définition subjective conduirait à une sous-estimation importante des taux de prévalence de l’ASE. En effet, bien qu’ils rencontrent les critères légaux d’une définition de l’abus sexuel d’enfants, une proportion non négligeable d’individus ayant un historique d’ASE ne se décrivent pas comme des victimes d’abus (Valentine & Pantalone, 2013). En contexte de recherche, ceci peut avoir un impact scientifique considérable puisque ces individus risquent d’être inclus dans des groupes de comparaison composés de personnes n’ayant pas vécu l’ASE. Pour cette raison, dans le cadre du présent projet, une définition normative de l’ASE basée sur des critères légaux sera privilégiée. L’abus sexuel en enfance sera défini comme tout acte sexuel entre un jeune de moins de 16 ans et un individu de plus de cinq ans son aîné (ou étant en situation d’autorité).

Associations entre l’abus sexuel en enfance et le style d’attachement

À la lumière de la notion de modèles opératoires internes présentée précédemment, il est possible de penser qu’un enfant ayant été abusé sexuellement par une figure d’attachement soit susceptible de développer des modèles opératoires de soi et des autres négatifs (Whiffen, Judd, & Aube, 1999). En ce sens, Alexander (1992) suggère que les modèles opératoires internes négatifs formés durant l’enfance chez les victimes d’ASE conduiront, à l’âge adulte, à des relations d’attachement marquées par l’insécurité. De façon générale, les adultes ayant été victimes d’ASE vivraient davantage de difficultés dans leurs relations d’attachement à l’âge adulte (Mallinckrodt,

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McCreary, & Robertson, 1995), manifesteraient une plus forte anxiété face à leur partenaire (Meyer et al., 2017; Whiffen et al., 1999) ainsi qu’un attachement moins sécure que les individus n’ayant pas vécu l’abus (Twaite & Rodriguez-Srednicki, 2004).

Un nombre considérable d’études plus spécifiques a été mené sur des échantillons issus de la population générale et étudiante. D’abord, Alexander (1993) suggère une prévalence particulièrement élevée de l’attachement craintif chez les victimes d’ASE, résultat qui peut être corroboré par l’association observée entre l’abus, l’anxiété d’abandon, et l’évitement de l’intimité (Frias, Brassard, & Shaver, 2014; Godbout, Sabourin, & Lussier, 2009; Oshri, Sutton, Clay-Warner, & Miller, 2015). Toutefois, toujours au sein de la population générale ou universitaire, d’autres études rapportent une association avec la dimension de l’anxiété d’abandon seulement (Godbout, Sabourin, & Lussier, 2007; Perry, 2008) alors que des chercheurs rapportent aussi une association significative avec les trois types d’attachement insécures (Aspelmeier, Elliott, & Smith, 2007).

Un nombre plus restreint d’études porte sur les associations entre l’abus sexuel en enfance et l’attachement à l’âge adulte au sein d’échantillons cliniques. Les résultats d’une étude menée au sein d’un échantillon de femmes et d’hommes souffrant d’un trouble de la personnalité limite suggèrent que l’ASE est associé à l’anxiété d’abandon ainsi qu’à l’évitement de l’intimité (Minzenberg et al., 2006). Toutefois, l’étude menée par Brassard, Darveau, Péloquin, Lussier, & Shaver (2014) auprès de 302 hommes violents en thérapie va dans un autre sens et suggère que les hommes victimes d’ASE vivent davantage d’anxiété d’abandon que ceux n’ayant pas vécu l’abus, mais qu’il n’y a pas de différence significative au niveau de l’évitement de l’intimité.

Ainsi, la littérature suggère un lien clair entre un historique d’abus sexuel en enfance et la présence d’un attachement insécure à l’âge adulte. Toutefois, l’association plus spécifique entre l’abus sexuel en enfance et les dimensions de l’anxiété d’abandon et d’évitement de l’intimité, ainsi qu’avec les styles d’attachement insécure (i.e. détaché, craintif et préoccupé) doit être clarifiée puisque les résultats divergent. Ceci semble d’une importance d’autant plus notable au sein d’échantillons cliniques, puisqu’à notre connaissance seulement deux groupes de chercheurs (Minzeberg et al., 2006 ; Brassard et al., 2014) se sont penchés sur la question.

Différentes explications sont avancées par les auteurs pour expliquer la divergence entre les résultats actuellement disponibles. D’abord, il est possible que l’abus sexuel ait un impact différentiel

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sur les représentations d’attachement selon le sexe, certains suggérant que l’abus induirait davantage d’évitement de l’intimité chez les femmes que chez les hommes (Brassard et al., 2014). Étant donné le nombre limité d’hommes que nous pensons possible de recruter pour le présent projet, cette hypothèse en lien avec le genre ne sera toutefois pas davantage approfondie ici puisqu’elle ne pourra être vérifiée. Une seconde hypothèse pouvant expliquer la divergence des résultats rapportés dans la littérature est qu’il est possible que les caractéristiques de l’abus, et donc la sévérité de l’abus, diffèrent entre les différents échantillons (Godbout et al., 2007; Roche, Runtz, & Hunter, 1999; Whiffen et al., 1999). Par exemple, il est possible que certaines études soient principalement composées de victimes d’abus intrafamiliaux et que d’autres soient composées de victimes d’abus extrafamiliaux (Godbout et al., 2007). La sévérité de l’abus constitue donc une variable dont il sera important de tenir compte dans le présent travail.

Sévérité de l’abus sexuel en enfance et attachement

Un nombre croissant d’études permet de mettre en évidence l’impact des caractéristiques de l'abus, tel le type d'actes subis, la fréquence et la durée de l’abus, ainsi que la relation entre la victime et l’agresseur, sur les séquelles à long terme (Lemieux & Byers, 2008; Ullman, 2007; Vaillancourt-Morel, Godbout, Sabourin, Péloquin, & Wright, 2014). Toutefois, parmi les études s’étant intéressées à l’impact différentiel des caractéristiques de l’ASE, quelques-unes seulement traitent des répercussions sur l’attachement à l’âge adulte.

Whiffen et al. (1999) furent les premiers à avancer une hypothèse concernant la proximité relationnelle à l’agresseur pour mieux comprendre les problèmes d’attachement des survivants d’agression sexuelle à l’enfance. En comparant leurs résultats à ceux obtenus par Alexander (1993), ils suggèrent que la relation entre la victime et l’agresseur pourrait être un facteur déterminant de la trajectoire des patrons d’attachement des adultes ayant vécu l’abus. Plus précisément, Whiffen et al. (1999) émettent l’hypothèse que l'attachement craintif pourrait être plus typique chez les victimes d'inceste, alors que l’attachement préoccupé pourrait être plutôt caractéristique des victimes d’ASE extrafamilial. Ces deux styles d’attachement impliquent des modèles opératoires internes de soi négatifs (i.e. élévation sur la dimension anxiété d’abandon). Cependant, parce que l’agresseur représente également une figure majeure d'attachement chez les victimes d'inceste, ces dernières pourraient éprouver davantage de perturbations dans leur capacité à faire confiance aux autres que

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les survivants d'abus extrafamilial, et par conséquent tendre vers un attachement plus craintif (i.e. élévation sur les dimensions anxiété d’abandon et évitement de l’intimité ; Whiffen et al. 1999).

Quelques études ont testé empiriquement cette hypothèse en lien avec la proximité relationnelle. D’abord, dans leur étude menée au sein d’un échantillon de 307 étudiantes universitaires, Roche et al. (1999) ont trouvé que les victimes d’ASE intrafamilial auraient un attachement plus craintif que les victimes d’ASE extrafamilial (i.e. élévation sur les dimensions anxiété d’abandon et évitement de l’intimité). Toutefois, les victimes d’ASE extrafamilial auraient un attachement plus détaché (i.e. élévation sur la dimension de l’évitement de l’intimité). Ainsi, tout comme Whiffen et al. (1999), Roche et al. (1999) avancent que l’abus intrafamilial pourrait être plus susceptible d'endommager à la fois les modèles opératoires internes de soi et d’autrui (élévation sur les dimensions anxiété d’abandon et évitement de l’intimité). Néanmoins, ils adoptent une position différente concernant l’abus extrafamilial et avancent que ce type d’ASE pourrait n’affecter que les modèles opératoires d’autrui (élévation sur la dimension évitement de l’intimité).

Deux études pointent cependant dans un sens différent. D’abord, les résultats recueillis par Swanson and Mallinckrodt (2001) auprès d’adultes victimes d’ASE suggèrent que les femmes victimes d’ASE intrafamilial manifestent plus d’évitement de l’intimité que les victimes d’abus extrafamilial. Ils ne relèvent pas de différence significative à propos de l’anxiété d’abandon. Seuls les modèles opératoires internes d’autrui semblent donc affectés chez les victimes d’ASE intrafamilial de cet échantillon. Il est toutefois à noter qu’il est possible que la différence trouvée entre les deux groupes s’explique, du moins en partie, par la fréquence plus élevée ainsi que la durée prolongée de l’ASE chez les victimes d’inceste, variables n’ayant pas été contrôlées dans l’étude (Swanson & Mallinckrodt, 2001). En effet, les abus sexuel intrafamiliaux pourraient être typiquement plus sévères, notamment en termes d’actes subis et de fréquence des abus (Ullman, 2007). Une étude menée par Vaillancourt-Morel et al. (2014) au sein d’un échantillon d’adultes en consultation appuie les résultats obtenus par Swanson and Mallinckrodt (2001). Les résultats révèlent que les victimes ayant subi un abus sexuel commis par une figure parentale présentent davantage d’évitement de l’intimité que les victimes ayant subi un abus sexuel par un inconnu ou une connaissance. Les auteurs ajoutent que cet effet serait d’autant plus marqué lorsque les abus perpétrés par un membre de la famille s’accompagnent de pénétration anale ou vaginale (Vaillancourt-Morel et al., 2014).

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En somme, le nombre d’études portant sur l’impact différentiel de l’ASE sur les représentations d’attachement à l’âge adulte (Roche et al., 1999; Swanson & Mallinckrodt, 2001; Whiffen et al., 1999) demeure étonnamment restreint. À notre connaissance, seules deux études se sont penchées sur l’association entre la proximité relationnelle avec l’agresseur et l’attachement adulte, dont une seule menée au sein d’un échantillon clinique (Vaillancourt-Morel et al., 2014). Cette étude semble également être la seule à avoir investigué l’impact différentiel de d’autres caractéristiques de l’ASE sur l’attachement, soit le type d’actes subis et la fréquence des abus (Vaillancourt-Morel et al., 2014). Cette lacune doit être soulevée puisque l’impact des caractéristiques de l'abus a pourtant été démontré sur une kyrielle d’autres séquelles à long terme (Paolucci, Genuis, & Violato, 2001). Il est donc primordial de comprendre le rôle des caractéristiques de l’abus sur le développement de représentations d’attachement, d’autant plus que ces dernières semblent avoir un impact différentiel sur les répercussions conjugales vécues au sein de cette population (Godbout et al., 2007). Cette association est discutée dans la section qui suit.

Qualité et stabilité conjugale

La documentation scientifique actuelle met en lumière diverses répercussions délétères de l’abus sexuel en enfance sur le fonctionnement conjugal à l’âge adulte (DiLillo, 2001; Rumstein-McKean & Hunsley, 2001). En effet, de par leur plus grande susceptibilité à développer des représentations d’attachement insécures, les adultes victimes d’abus sexuel en enfance seraient plus à risque de vivre certaines difficultés relationnelles résultant en une plus faible satisfaction conjugale (Berthelot, Godbout, Hebert, Goulet, & Bergeron, 2014; Miller, Schaefer, Renshaw, & Blais, 2013). Ces difficultés relationnelles pourraient également se manifester, chez les survivants, à travers une plus faible capacité à former et à maintenir une relation de couple durable (Cherlin, Burton, Hurt, & Purvin, 2004; Larson, Newell, Holman, & Feinauer, 2007) Colman & Spatz, 2004.

La section précédente illustre le fait que l’abus sexuel en enfance est généralement associé à des représentations d’attachement insécurisées. Il n’est donc pas étonnant que les répercussions de l’abus sexuel en enfance sur la sphère conjugale pourraient être expliquées par le fait que l’attachement constituerait une variable intermédiaire médiatrice du lien entre l’abus sexuel et la satisfaction conjugale (Godbout et al., 2007; Perry, 2008; Vaillancourt-Morel et al., 2014). L’association négative entre l’anxiété d’abandon et l’évitement de l’intimité, d’une part, et la satisfaction conjugale, d’autre part, est d’ailleurs un phénomène ayant largement été documenté

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(Mondor, McDuff, Lussier, & Wright, 2011). Pourtant, bien que plusieurs études aient suggéré ce rôle médiateur de l’attachement quant à la sévérité des séquelles retrouvées chez les survivants de l’ASE, peu d’études ont directement testé cette hypothèse (Aspelmeier et al., 2007; McCarthy & Taylor, 1999). Une étude menée par Godbout et al. (2007) auprès d’un échantillon composé de 316 hommes de la communauté en couple suggère que l’abus sexuel se répercute indirectement sur l’ajustement dyadique en passant par l’anxiété face à l’abandon puis par la détresse psychologique. De son côté, une étude menée par Perry (2008) auprès de 70 couples de jeunes mariés suggère un effet de médiation de l’anxiété d’abandon sur le lien entre l’ASE et la satisfaction conjugale, mesurée par l’Index de qualité du mariage (QMI ; Norton, 1983). Il est à noter que cet effet est présent uniquement lorsque la sphère conjugale est mesurée par le QMI et non pas avec l’Échelle d’ajustement dyadique (DAS). De plus, lorsqu’analysé séparément en fonction du genre, le modèle de médiation se maintient chez les hommes mais pas chez les femmes de l’échantillon. Ces deux études ont recours à un échantillon composé d’adultes de la communauté, chez qui la sévérité des abus serait possiblement moins marquée, et utilisent des instruments de mesure qui ne tiennent peut-être pas suffisamment compte de la nature et de la fréquence des abus (Vaillancourt-Morel et al., 2014). Enfin, l’absence d’effet retrouvé chez les femmes de l’échantillon de Perry (2008) n’est pas congruent avec la documentation plus générale portant sur diverses formes de traumas, où l’attachement constitue une variable médiatrice du lien entre l’abus et les difficultés à l’âge adulte (Lowell, Renk, & Adgate, 2014; Roche et al., 1999).

Dans ce contexte, un échantillon composé de femmes souffrant surtout de pathologies de la personnalité et ayant consulté en psychiatrie semble être une niche plus propice pour étudier l’association entre l’abus sexuel en enfance et les représentations d’attachement insécures dans la sphère conjugale. En effet, rappelons que les prévalences de l’abus sexuel en enfance et de l’attachement insécure sont considérablement plus élevées au sein de populations souffrant de pathologies de la personnalité, avec des taux respectifs allant jusqu’à 77% pour l’ASE (versus 20% dans la population générale) et autour de 76% pour l’attachement insécure (versus 45-50% dans la population générale; Bouchard, Sabourin, et al., 2009; Westen et al., 2006; Zanarini et al., 2002). De plus, une étude menée par Bouchard, Sabourin, et al. (2009) auprès de couples dont la femme souffre d’un trouble de la personnalité limite met en lumière un patron relationnel distinctif à cette population, caractérisé par une instabilité conjugale marquée et récurrente. Les résultats indiquent que 70% des couples de l’échantillon ont rapporté de fréquentes ruptures et réconciliations, et que

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30% d’entre eux auraient mis fin à leur relation dans les 18 mois précédents l’étude. Malgré la détresse sévère engendrée par un tel cycle de ruptures-réconcilitations, à notre connaissance, très peu, voire aucune étude ne s’est penchée davantage sur le phénomène mis en lumière par Bouchard, Sabourin, et al. (2009). Les connaissances quant aux facteurs pouvant expliquer l’émergence d’un tel patron relationnel demeurent donc plus que limitées.

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Objectif(s) et hypothèses Objectifs

La présente étude comporte quatre objectifs principaux. Le premier objectif est de tracer un portrait descriptif des patientes qui sont référées au CTFSJ à la suite de leur passage à l’urgence dans un contexte de crise. Ce portrait s’appuie sur un ensemble de données sociodémographiques, relationnelles (i.e. attachement, satisfaction et instabilité conjugale) ainsi que portant sur les expériences d’abus sexuels vécues à l’enfance par les patientes de l’échantillon.

Le deuxième objectif est de vérifier si le fait d’avoir vécu un ASE est associé à une élévation des représentations d’attachement insécurisées à l’âge adulte, qui sont conceptualisées de façon dimensionnelle. Ainsi, les participantes abusées sont d’abord comparées aux participantes non-abusées du même échantillon au niveau de l’attachement. Les participantes non-abusées sont ensuite comparées entre elles, toujours au niveau de l’attachement, en fonction de la sévérité de l’abus, qui est examinée selon trois indicateurs, soit la proximité relationnelle avec l’agresseur, le type d’actes subis ainsi que la fréquence des abus.

Le troisième objectif du présent mémoire est de mettre en évidence les spécificités des victimes d’ASE de la population du CTFSJ quant à la présentation clinique (i.e. attachement, satisfaction et instabilité conjugale) et aux expériences sexuelles vécues à l’enfance. Pour ce faire, des comparaisons avec les données relationnelles et développementales des victimes de deux autres échantillons sont effectuées. Le premier échantillon de comparaison est un échantillon clinique ayant été recruté au Service de consultation de l’École de psychologie (SCEP) de l’Université Laval et le deuxième est un échantillon de convenance recruté au sein de la population universitaire et générale. Ces derniers seront présentés plus en détails dans la méthodologie.

Enfin, le quatrième objectif consiste à répliquer et à adapter l’étude de Perry (2008) au sein de notre échantillon clinique de patientes qui consultent en psychiatrie pour un épisode de crise et qui présentent une pathologie de la personnalité, en testant un modèle où les dimensions de l’attachement constitueraient des variables médiatrices de la relation entre l’abus sexuel en enfance et la sphère conjugale à l’âge adulte. Afin de pallier à certaines lacunes des études précédentes, l’abus sexuel sera étudié de manière dimensionnelle en considérant sa sévérité plutôt que comme une variable dichotomique (ASE vs pas d’ASE). De plus, la sphère conjugale sera examinée via la

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satisfaction conjugale mais également via l’instabilité conjugale afin de rendre compte de cette réalité particulière rencontrée par les participantes de l’échantillon clinique.

Hypothèses

Plusieurs hypothèses découlent de ces objectifs. Premièrement, nous émettons l’hypothèse que les taux de prévalence de l’abus sexuel en enfance et de l’attachement insécurisant au sein de l’échantillon du CTFSJ seront significativement plus élevés que ce qui est généralement rapporté dans la population générale.

Deuxièmement, il est attendu que les patientes abusées de l’échantillon du CTFSJ auront des difficultés relationnelles plus sévères que les participantes non-abusées du même échantillon, se manifestant notamment par une élévation sur les dimensions de l’attachement. De plus, à la lumière des résultats obtenus par Vaillancourt-Morel et al. (2014), nous émettons l’hypothèse que les abus perpétrés par un membre de la famille seront associés à une élévation sur la dimension d’évitement de l’intimité. Cette association sera plus marquée lorsque les abus sont fréquents, voire chroniques, et qu’ils s’accompagnent de pénétration.

Pour ce qui est du troisième objectif, nous émettons l’hypothèse que la prévalence de l’ASE sera significativement plus élevée au sein de l’échantillon du CTFSJ que celle rapportée dans les échantillons de comparaison. De plus, les patientes abusées de l’échantillon du CTFSJ présenteront une symptomatologie plus sévère (i.e. détresse psychologique, attachement, insatisfaction et instabilité conjugale) que les participantes abusées des échantillons de comparaison. Enfin, en comparaison aux participantes des deux autres échantillons, les ASE rapportés par les participantes recrutées au CTFSJ seront plus sévères concernant les trois indicateurs étudiés, soit la proximité relationnelle, le type d’actes subis et la fréquence des abus.

En ce qui a trait au quatrième objectif, nous émettons l’hypothèse selon laquelle, chez les participantes du CTFSJ, les dimensions de l’attachement constitueront des variables médiatrices de la relation entre l’abus sexuel en enfance et la qualité ainsi que la stabilité conjugale à l’âge adulte. Ainsi, tel que postulé dans le premier objectif, l’abus sexuel se répercutera directement sur les dimensions de l’attachement qui, quant à elles, influenceront la qualité et la stabilité conjugale.

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17 Méthodologie Procédure

Échantillon du CTFSJ. Le recrutement a été effectué via une présentation du projet auprès des professionnels des urgences psychiatriques. Une fois référées, les candidates potentielles étaient convoquées à la rencontre d’admission standard de l’hôpital de jour du Centre de traitement le Faubourg Saint-Jean, où toutes celles répondant aux critères d’inclusion de l’étude étaient invitées à participer au projet. Si elles acceptaient de participer, elles devaient alors remplir un questionnaire sociodémographique contenant des informations sur leur sexe, leur âge, leur niveau de scolarité, socio-économique et leur situation conjugale, ainsi que la batterie de questionnaires du projet. Échantillon du Service de consultation de l’École de psychologie (SCEP). Les participantes ont été recrutées à la clinique du SCEP, parmi les patients consultant pour des difficultés conjugales ou relationnelles, en suivi individuel ou en suivi de couple, au Laboratoire de recherche et d’intervention auprès du couple. Les patientes de cette unité répondent systématiquement à une batterie de questionnaires auto-administrés permettant de récolter des informations cliniques qui servent au processus thérapeutique. En conformité aux règles déontologiques de l’institution, ces individus ont signé un formulaire de consentement éclairé indiquant qu’ils sont libres d’accepter ou de refuser que les données récoltées soient utilisées à des fins de recherche.

Échantillon de convenance. Cet échantillon est tiré du projet de recherche issu de la thèse doctorale de Marie-Pier Vaillancourt-Morel. Le recrutement des participantes a été effectué à l’aide de divers modes de communication tels que l’envoi de publicités par le biais de listes électroniques, l’affichage dans les journaux et sur des babillards dans la communauté (université, cafés, centres communautaires, centres de soutien pour les victimes d’agression sexuelle, etc.), ainsi que le partage d’un message publicitaire sur différents réseaux sociaux (Facebook, Twitter, etc.). L’ensemble des questionnaires était disponible en ligne, sur le site Internet sécurisé « LimeSurvey », et sa complétion était d’une durée d’environ 45 minutes. Avant le début de l’étude, les participantes devaient signer électroniquement un formulaire de consentement éclairé, et confirmer qu’elles étaient âgées de 18 ans ou plus.

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18 Participants

L’échantillon clinique d’intérêt se compose de 81 femmes recrutées au programme de l’hôpital de jour du CTFSJ. Il s’agit d’un programme thérapeutique intensif de six semaines destiné aux personnes présentant un trouble de la personnalité ou des traits de personnalité problématiques qui ont consulté à l’urgence psychiatrique lors d’un épisode de crise. Pour participer au programme, les patientes doivent être âgées de 18 ans et plus. Les participantes composant l’échantillon final du CTFSJ sont en moyenne âgées de 28,94 ans (É.T. = 9,88). Plus de la moitié d’entre elles sont célibataires (51,9 %), alors que 33,3 % sont mariées ou en couple avec cohabitation et 14,8 % en couple sans cohabitation. Concernant l’occupation principale des participantes, la majorité d’entre elles sont sans emploi ou en arrêt de travail (58,5 %), alors que 35,4% occupent un emploi à temps plein ou à temps partiel et que 6,1 % sont étudiantes. Enfin, 44 % des participantes ont une scolarité de niveau collégial, 42 % de niveau secondaire et 13,6 % de niveau universitaire. Afin de faire ressortir plus clairement les spécificités de la présentation clinique ainsi que des abus sexuels en enfance vécus par les participantes de l’échantillon du CTFSJ, deux échantillons de comparaison ont été inclus dans les analyses du présent mémoire.

Le premier échantillon de comparaison a été recruté au Service de consultation de l’École de psychologie (SCEP) de l’Université Laval et se compose de 202 femmes présentant des difficultés relationnelles ou conjugales. L’âge moyen des participantes de l’échantillon du SCEP est de 35,03 ans (É.T. = 11,29). Plus de la moitié des participantes sont mariées ou en couple avec cohabitation (56,4 %), alors que 28,8 % sont célibataires et que 15,3 % sont en couple sans cohabitation. En ce qui concerne l’occupation principale, la majorité des participantes de l’échantillon du SCEP sont à l’emploi (64,7 %), 21,4 % sont étudiantes et 13,9 % sont sans emploi ou en arrêt de travail. Enfin, plus de la moitié des participantes a une scolarité maximale de niveau universitaire (53 %), suivi de 40 % avec une scolarité de niveau collégial et 7 % de niveau secondaire.

Le deuxième groupe de comparaison est un échantillon de convenance se composant de 1467 femmes recrutées au sein de la population universitaire et générale. Les participantes composant l’échantillon de convenance ont un âge moyen de 25,18 ans (É.T. = 7,03). En ce qui concerne le statut relationnel, 40,7 % des participantes sont mariées ou en couple avec cohabitation, 26,8 % sont en couple sans cohabitation et 32,5 % sont célibataires. La majorité des femmes composant l’échantillon sont étudiantes (72,1 %), 26,1 % sont à l’emploi à temps plein ou partiel et

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1,7 % sont sans emploi ou en arrêt de travail. Enfin, 49,3 % des participantes ont une scolarité maximale de niveau collégial, 44,9 % de niveau universitaire et 5,8 % ont une scolarité de niveau secondaire. Les échantillons du SCEP et de convenance présentent un intérêt puisqu’ils sont en théorie caractérisés par une gradation décroissante au niveau de la sévérité des difficultés vécues par les participantes, où les participantes du CTFSJ présentent les difficultés les plus sévères, suivies par celles du SCEP et enfin par celles de l’échantillon de convenance. Ceci est notamment soutenu par le taux de détresse psychologique retrouvé dans chacun des échantillons, où 93,6 % de l’échantillon du CTFSJ rapporte une détresse psychologique au-delà des seuils cliniques, ces taux diminuant à 66,7 % et 41,2 % respectivement pour les échantillons du SCEP et de convenance. Instruments

Toutes les participantes ont d’abord eu à compléter un questionnaire sociodémographique (Annexe A), qui permet de recueillir des informations générales concernant l’âge, le sexe, l’état civil, la scolarité, le revenu, l’occupation principale, la durée de la relation, si la personne est en couple, ainsi que les relations amoureuses antérieures. Une durée égale ou inférieure à cinq minutes est à prévoir pour la complétion du questionnaire.

Abus sexuel en enfance. La présence et les caractéristiques de l’abus ont été évaluées à l’aide du Questionnaire sur les expériences sexuelles précoces, développé par Vaillancourt-Morel et al., 2015;). Celles-ci sont définies comme tout acte sexuel survenu avant l’âge de 16 ans avec une personne d’au moins cinq ans plus âgée ou encore qui se trouvait dans une position d’autorité. Le questionnaire permet tout d’abord d’identifier si la participante a vécu une ASE grâce à la question suivante : « Lorsque vous étiez enfant, c’est-à-dire avant l’âge de 16 ans, avez-vous vécu une situation à caractère sexuel avec l’une des personnes suivantes ? », suivie d’une énumération de personnes âgées de 5 ans ou plus ou étant en position d’autorité par rapport au participant. Celles ayant indiqué avoir vécu une expérience à caractère sexuel peuvent ensuite répondre à six questions portant sur les caractéristiques de cette expérience, soit la nature des activités sexuelles ou de l’acte sexuel en cause, leur fréquence, l’âge au moment de l’acte ou des activités, l’âge et le sexe de la personne avec qui les activités sont survenues, et enfin sur la réaction émotionnelle à la suite de l’événement. Ce questionnaire a été utilisé dans d’autres études qui démontrent des corrélations entre les réponses à l’instrument et diverses séquelles de l’ASE (Bigras, Godbout, & Briere, 2015). De plus, la validité de la variable sévérité de l’abus est appuyée par les résultats d’études

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précédentes (Loeb, Gaines, Wyatt, Zhang, & Liu, 2011; Vaillancourt-Morel et al., 2015) qui démontrent que les trois indicateurs de la sévérité (i.e.la nature des gestes, la fréquence des abus et le lien avec l'agresseur) forment une variable latente adéquate. La variable latente semble bien représentée par les trois indicateurs, ceux-ci ayant une contribution relativement similaire selon les coefficients alpha (0,84 à 0,94).

Stabilité conjugale. La stabilité conjugale a été évaluée grâce à une adaptation française abrégée du Marital Instability Index (Booth, Johnson, & Edwards, 1983). L’Index d’instabilité conjugale est un instrument auto-rapporté en cinq items qui mesure des états affectifs et cognitifs reliés aux actions qui précèdent une rupture conjugale ainsi que la propension du couple à rompre l’union. Il permet d’identifier si la personne a (1) déjà considéré que son union était en difficulté, (2) a déjà envisagé la rupture ou (3) a déjà proposé de rompre, (4) a déjà mis fin à la relation pour renouer par la suite ou (5) a déjà consulté un avocat. À chacune des questions, les participants doivent répondre par « oui » ou « non ». Chaque réponse affirmative reçoit un score de 1 alors que les autres réponses se voient attribuer un score de 0, pour un total sur 5. À la question 4, ils doivent également indiquer le nombre de fois qu’une rupture ou pause a eu lieu au sein de leur relation actuelle. La version française de cet instrument abrégé possède un coefficient alpha de fidélité de 0,77, valeur comparable à celle de la version anglaise (Giguère, Fortin, & Sabourin, 2006). Enfin, les cinq items constituant l’instrument sont ceux qui expliquent le plus de variance dans la version originale (Booth et al., 1983). Dans la présente étude, les coefficients de fidélité sont de 0,64 pour l’échantillon du CTFSJ, 0,63 pour l’échantillon du SCEP et 0,76 pour l’échantillon de convenance.

Attachement. L’attachement a été évalué grâce à la version abrégée en 12 items (Lafontaine, Brassard, Lussier, Valois, Shaver, & Johnson, 2015) de l’adaptation francophone du questionnaire Experiences in Close Relationships scale (ECR; Lafontaine & Lussier, 2003; Brennan et al., 1998), qui est un instrument auto-rapporté évaluant les deux dimensions de l’attachement: l’évitement de l’intimité et l’anxiété face à l’abandon. Il permet également d’identifier le style d’attachement prédominant chez le répondant, parmi quatre styles, soit : sécure, craintif, préoccupé et distant. Les items sont mesurés sur une échelle de type Likert en sept points allant de « fortement en désaccord » à « fortement en accord ». Le temps requis de complétion est de trois minutes. Les coefficients alpha de consistance interne varient de 0,74 à 0,83 pour l’échelle d’évitement et de 0,78 à 0,87 pour l’échelle d’anxiété (Lafontaine et al., 2015). La structure factorielle de l’instrument ainsi

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que l’invariance entre les hommes et les femmes ont été démontrées, et l’instrument possède une bonne stabilité ainsi qu’une validité prédictive satisfaisante (Lafontaine et al., 2015). Dans la présente étude, les coefficients de fidélité varient entre 0,81 et 0,87 pour l’échelle d’anxiété et entre 0,87 et 0,90 pour l’échelle d’évitement.

Satisfaction conjugale. Échantillons du CTFSJ et de convenance. La version brève en quatre items (Sabourin, Valois, & Lussier, 2005) de l’Échelle d’ajustement dyadique (DAS; Spanier, 1976, traduit par Baillargeon, Dubois, & Marineau, 1986) est un instrument auto-rapporté nécessitant à peine une minute à compléter. Les trois premiers items doivent être répondus selon une échelle de type Likert en six points allant de « jamais en accord » à « toujours en désaccord ». Le quatrième item est un indicateur général de la satisfaction quant à la relation. Les participantes doivent indiquer leur niveau de satisfaction à l’aide d‘une échelle en sept points variant de 0 (extrêmement insatisfait) à six (parfaitement satisfait). Le résultat global au DAS-4 varie entre 0 et 21, un résultat élevé indiquant un haut niveau de satisfaction conjugale. De façon générale, un résultat de 13 et plus est associé à une bonne satisfaction conjugale. Les qualités psychométriques du DAS-4 (cohérence interne, validité prédictive) se sont avérées comparables à la version longue de 32 items (Sabourin et al., 2005). Dans la présente étude, les coefficients de fidélité sont de 0,74 au sein de l’échantillon du CTFSJ et de 0,82 au sein de l’échantillon de convenance. Échantillon du SCEP. Pour les participantes de l’échantillon du SCEP, l’ajustement dyadique a été évalué à l’aide de l’Échelle d’ajustement dyadique (Spanier, 1976 ; traduit en français par Baillargeon et al., 1986). Ce questionnaire de 32 items permet d’évaluer le degré de satisfaction conjugale des participantes en fournissant un résultat total d’ajustement dyadique variant entre 0 et 151. Généralement, un résultat égal ou plus grand que 100 est utilisé afin de différencier les individus insatisfaits de ceux satisfaits de leur relation. Plus le résultat total est élevé et plus l’individu est considéré comme étant satisfait de sa relation. La consistance interne de l’instrument (coefficients alpha variant entre 0,91 à 0,96) ainsi que la validité convergente et discriminante de la version française ont été démontrées dans diverses études (Sabourin et al., 2005). La valeur du alpha de Cronbach pour le résultat total d’ajustement dyadique de la présente étude est de 0,94.

Détresse psychologique. Échantillon du CTFSJ. La détresse psychologique des participantes de l’échantillon du CTFSJ a été évaluée à l’aide du questionnaire d’évaluation des résultats (OQ-45; Lambert, 2013). L’OQ-45.2 est une échelle d’autoévaluation de 45 items se

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référant à la dernière semaine. Les items sur une échelle de type Likert en cinq points, où 0 signifie « presque toujours » et 4 signifie « jamais ». Un délai de dix minutes est généralement requis pour remplir le questionnaire. Un résultat total supérieur à 63 indique que la participante endosse un grand nombre de symptômes (anxiété, dépression, problèmes somatiques et stress), des difficultés interpersonnelles, des difficultés au niveau des rôles sociaux ainsi qu’une qualité de vie diminuée. L’instrument possède d’excellents indices de fidélité (coefficient alpha de 0,93) et de validité et a été traduit dans plus de 30 langues. Dans la présente étude, le coefficient alpha de consistance interne totale au sein de l’échantillon du CTFSJ est de 0,90. Échantillons du SCEP et de convenance. La détresse psychologique a été évaluée à l’aide de l’Index de symptômes psychiatriques (Psychiatric Symptom Index; Ilfeld, 1976 ; traduit en français par Préville et al., 1992). Ce questionnaire comprend 14 items évaluant les symptômes de détresse psychologique (dépression, anxiété, irritabilité, problèmes cognitifs) au cours des sept derniers jours. Le résultat total se rapporte sur une échelle de 0 à 100, où un résultat s’approchant de zéro décrit un individu rapportant une bonne santé psychologique et où un résultat supérieur à 30 suggère un niveau élevé de symptomatologie (Boyer et al., 1993). L’indice de cohérence interne de la version française (coefficients alpha variant entre 0,73 à 0,87) est similaire à celui de la version originale (Préville et al., 1992). Dans la présente étude, les coefficients de fidélité varient entre 0,90 et 0,91.

Références

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