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Faisabilité d'une intervention préventive de l'insomnie chez des femmes traitées en chimiothérapie pour un cancer du sein

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Faisabilité d’une intervention préventive de

l’insomnie chez des femmes traitées en

chimiothérapie pour un cancer du sein

Mémoire doctoral

Louis-Philippe Marion

Doctorat en psychologie

Docteur en psychologie (D. Psy.)

Québec, Canada

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Faisabilité d’une intervention préventive de

l’insomnie chez des femmes traitées en

chimiothérapie pour un cancer du sein

Mémoire doctoral

Louis-Philippe Marion

Sous la direction de :

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Résumé

Le présent mémoire doctoral avait pour objectif d’évaluer la faisabilité d’une intervention préventive de l’insomnie chez des femmes atteintes d’un cancer du sein débutant leur chimiothérapie, une population particulièrement à risque de développer des difficultés de sommeil. Cette intervention a été élaborée à partir du protocole de thérapie cognitive-comportementale de l’insomnie (TCC-I) développé par Morin (1993) et de la thérapie cognitive-comportementale de l’insomnie comorbide au cancer autoadministrée développée par Savard, Villa, Simard, Ivers et Morin (2011). L’intervention développée prenait la forme d’un bref dépliant préventif (15 pages) qui se voulait simple, accessible et attrayant afin de susciter l’intérêt des patientes ne présentant pas initialement de difficultés de sommeil cliniquement significatives. Vingt participantes ont reçu le dépliant lors de leur premier traitement de chimiothérapie. Un mois plus tard, une entrevue téléphonique a été effectuée pour évaluer la satisfaction envers le dépliant préventif ainsi que l’adhérence aux stratégies proposées. Un objectif secondaire était de vérifier si la satisfaction et l’adhérence à l’égard de l’intervention préventive variaient selon certaines variables sociodémographiques (ex., l’âge, le revenu et le niveau de scolarité) ainsi que le niveau de littératie de la santé. Les résultats obtenus sont encourageants et confirment la faisabilité d’une intervention préventive de l’insomnie chez des femmes atteintes d’un cancer du sein au début de leur trajectoire de soins. En effet, un taux de satisfaction élevé et un taux d’adhérence modéré ont été observés et les commentaires recueillis sur l’intervention préventive étaient majoritairement positifs. Enfin, les résultats de cette étude de faisabilité, quoique préliminaires, soutiennent la pertinence d’adopter une approche préventive de l’insomnie afin d’éviter que cette problématique gagne en sévérité et nécessite le recours à des interventions moins accessibles et plus coûteuses.

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Table des matières

Résumé ... III Table des matières ... IV Liste des tableaux ... VI Liste des figures ... VII Remerciements ... VIII Avant-propos ... X Introduction ... 1 Mise en contexte ... 1 L’insomnie ... 3 Population en général. ... 3

Personnes atteintes de cancer. ... 4

Cancer du sein. ... 5

Insomnie et traitements de chimiothérapie ... 6

Conséquences négatives de l’insomnie ... 7

Traitement cognitif-comportemental de l’insomnie ... 9

Facteurs prédisposants, précipitants et de maintien. ... 9

Thérapie cognitive-comportementale. ... 11

Efficacité du traitement cognitif-comportemental de l’insomnie. ... 12

Prévention de l’insomnie ... 16

Traitement auto-administré de l’insomnie ... 21

Résumé et rationnel de l’étude ... 23

Objectifs de l’étude ... 24

Hypothèses de l’étude ... 24

Objectif 1. ... 24

Objectif 2 ... 24

Article. Feasibility of a preventive intervention for insomnia in women with breast cancer receiving chemotherapy. ... 26

Abstract ... 28 Introduction ... 30 Method ... 33 Participants ... 33 Recruitment ... 33 Study Design ... 34

Main Outcome Measures ... 34

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Secondary Outcomes Measures (Appendix F) ... 35

Insomnia Severity Index (ISI). ... 35

Sleep Diary. ... 35

Sleep Behaviors Questionnaire (SBQ). ... 35

Dysfunctional Beliefs and Attitudes about Sleep Scale - Brief version (DBAS-16). ... 36

Fatigue Symptom Inventory (FSI). ... 36

Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS). ... 36

Potential Moderating Variables (Appendix F) ... 36

Demographic Questionnaire. ... 36

BRIEF Health Literacy Screening Tool (BRIEF). ... 36

Procedure ... 37

Development of the Preventive Booklet for Insomnia in Cancer Patients (Appendix B). ... 37

Testing the Feasibility of the Preventive Intervention. ... 37

Statistical Analyses ... 38

Results ... 39

Sample Description ... 39

Satisfaction Towards the Prevention Booklet at Post-Treatment ... 40

Adherence to the Preventive Booklet at Post-Treatment ... 42

Association of Patients’ Satisfaction and Adherence with Demographic and Clinical Variables and Health Literacy ... 42

Effects on Sleep and Associated Variables ... 43

Discussion ... 44

References ... 51

Conclusion générale ... 58

Résumé des résultats obtenus ... 59

Développement du dépliant préventif de l’insomnie. ... 59

Satisfaction à l’égard du dépliant préventif au post-traitement. ... 60

Adhérence aux stratégies du dépliant au post-traitement. ... 61

Association entre la satisfaction et l’adhérence avec les variables socio-démographiques et la littératie de la santé. ... 62

Effets préliminaires de l’intervention sur le sommeil et les variables auto-rapportées. 63 Forces et limites de l’étude ... 64

Recherches futures ... 65

Implications cliniques ... 67

Références ... 68

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Liste des tableaux

Table 1. Participants’ Characteristics at baseline (N = 20) ... 55 Table 2. Adjusted mean scores obtained on sleep diary parameters and self-report scales at each time point with time effects and effect sizes ... 56

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Liste des figures

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Remerciements

J’aimerais tout d’abord exprimer ma gratitude à ma directrice de recherche, Josée Savard, pour son soutien constant durant tout mon parcours doctoral. Grâce à son sens critique aiguisé, son dévouement et son écoute lors des moments plus difficiles, j’arrive enfin au terme de ce processus exigeant en étant habité par le sentiment du devoir accompli. Je tiens également à souligner son apport significatif au développement de mes qualités de clinicien, un bagage précieux qui m’accompagnera durant toute ma carrière.

Merci à M. Charles Morin d’avoir accepté de se joindre à mon comité de mémoire ainsi qu’au comité d’experts ayant collaboré au développement du dépliant préventif de l’insomnie. Ce fut un privilège de pouvoir compter sur son expertise et de recevoir ses commentaires enrichissants. Merci également aux autres membres de ce comité d’experts pour leur intérêt et leur implication, soit Marie-Hélène Savard, Simon Beaulieu-Bonneau, Aude Caplette-Gingras, Lucie Casault et Marie-Christine Ouellet.

La réalisation de ce mémoire doctoral aura été grandement facilitée par le soutien de mes camarades du laboratoire avec qui j’ai partagé de nombreux bons moments. Nos séances de ventilation auront été un exutoire nécessaire afin de continuer à avancer malgré les embûches. Un merci spécial à Marie-Hélène ainsi qu’à Marie-Solange pour leur disponibilité et leurs réponses à mes questions. Merci à Julie Tremblay-Roy pour sa participation au recrutement et à la coordination du projet, alors que je complétais mon internat à Montréal. Un clin d’œil aussi à Hans, l’autre homme du labo, dont j’admire la vivacité d’esprit et avec qui j’ai eu de belles discussions au fil des ans.

Je souhaite souligner la contribution essentielle du Centre des maladies du sein Deschênes-Fabia où le recrutement du projet a été effectué. Merci au personnel infirmier de m’avoir accueilli lors des rencontres d’enseignement sur la chimiothérapie. Surtout, un grand merci aux patientes ayant si généreusement accepté de participer à mon projet alors qu’elles traversaient une période où leurs capacités d’adaptation étaient mises à rude épreuve. Vous avez toute ma reconnaissance et mon admiration.

Mon parcours doctoral a pris une tournure inattendue lorsque j’ai pris la décision de partir à Montréal afin de réaliser mon internat à l’Institut Universitaire en santé mentale Douglas. Cette expérience fut grandement bénéfique, tant au plan personnel que

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professionnel. J’aimerais remercier chaleureusement mes deux superviseures de la clinique des troubles anxieux, Jessica Le et Christiane Chalfoun, avec qui j’ai développé une relation de confiance m’ayant permis de relever de nombreux défis. Merci pour votre contribution marquante au psychologue que je suis aujourd’hui.

D’aussi loin que je me souvienne, mes parents ont toujours été présents afin de m’encourager dans mes études. Je m’estime choyé d’avoir pu compter sur leur soutien, leur écoute et leurs précieux conseils. Merci de m’avoir transmis votre intérêt pour la relation d’aide. Merci aussi à ma petite sœur avec qui j’ai partagé de belles années de colocation dans Montcalm et de magnifiques voyages. Merci à mes complices du doctorat, Sophie et Olivia, ainsi qu’à mes amis, autant ceux de Québec que de Montréal, qui ont joué un rôle primordial en me permettant de maintenir un équilibre entre plaisir et obligations. Merci pour ces chalets, « roadtrips », discussions éclairantes, concerts, fêtes et autres qui ont teinté de joie ma vie ces dernières années.

Rima, mon amoureuse, merci d’avoir été mon alliée dans ces derniers milles du doctorat. Tu as su m’épauler lorsque la motivation était vacillante. Merci pour tes encouragements, pour ta compréhension et pour le bonheur que tu m’apportes.

Pour conclure, j’aimerais dédier cet ouvrage à ma mère et à ma tante Jocelyne. La force et la résilience dont vous avez fait preuve face au cancer sont pour moi une grande source d’inspiration. Merci pour tout l’amour que vous m’avez donné.

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Avant-propos

L’auteur principal du mémoire doctoral, Louis-Philippe Marion, a participé à la conception du projet de recherche, a effectué le recrutement des participantes de même que les analyses qualitatives et statistiques, l’interprétation des résultats et la rédaction de l’article scientifique du présent travail. L’ensemble de ces tâches a été réalisé sous la supervision de Josée Savard, Ph.D., directrice de recherche, professeure à l’École de psychologie de l’Université Laval et chercheuse au Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval ainsi qu’avec la collaboration de Marie-Hélène Savard, Ph.D., coordonnatrice de recherche au Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval. Josée Savard et Hans Ivers, Ph.D., statisticien au Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval ont tous deux participé à la rédaction de l’article scientifique. L'introduction générale du mémoire doctoral ainsi que la conclusion ont été rédigées par Louis-Philippe Marion, sous la supervision de Josée Savard. Des démarches pour soumettre l’article à une revue scientifique en vue d’une publication sont déjà entamées.

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Introduction

Mise en contexte

Selon les plus récentes estimations de la Société canadienne du cancer (2017), environ un Canadien sur deux développera un cancer au cours de sa vie. Le nombre annuel moyen de nouveaux cas de cancer est appelé à augmenter de 79 % au cours des 15 prochaines années, ce qui s’explique principalement par le vieillissement de la population et, dans une moindre mesure, par la croissance démographique (Société canadienne du cancer, 2015). Les changements quant à l’exposition à des facteurs de risque et les pratiques diagnostiques joueront quant à eux un rôle relativement mineur dans cette hausse (Société canadienne du cancer, 2016). Le cancer est la principale cause de mortalité au pays chez les hommes depuis 1994 et chez les femmes depuis 1998, devant les maladies cardiovasculaires (Statistique Canada, 2011). Chez les femmes, le cancer du sein est le plus fréquemment diagnostiqué et représente la deuxième cause de décès par cancer, bien que le dépistage accru par mammographie et l’augmentation de l’efficacité des traitements oncologiques offerts aient contribué à diminuer son taux de mortalité depuis les années 80 (Société canadienne du cancer, 2017). De plus, chez les personnes ayant reçu un diagnostic de cancer entre 2006 et 2008, le taux de survie nette à cinq ans normalisé selon l’âge s’élevait à 60%, une augmentation de 7 points de pourcentage comparativement à la période entre 1992 et 1994 (Société canadienne du cancer, 2016). Puisqu’un nombre grandissant de personnes recevront un diagnostic de cancer et y survivront, il s’avère plus que jamais pertinent de s’attarder aux nombreuses conséquences psychosociales à court et à long terme de cette maladie ainsi qu’aux moyens de favoriser le maintien de la qualité de vie des patients.

L’insomnie figure parmi les difficultés les plus souvent rencontrées chez les personnes atteintes de cancer. Cette condition est souvent considérée comme une répercussion normale suivant l’annonce du diagnostic ou le début des traitements et est ainsi négligée (Savard & Morin, 2001). L’insomnie est également une réalité clinique qui touche une plus forte proportion de gens dans le contexte du cancer que dans la population en général. En effet, des taux de prévalence d’insomnie plus élevés ont été observés chez les patients atteints de cancer, ces taux variant selon le moment où elle est évaluée dans la trajectoire de soins et les critères et mesures utilisés (Palesh et al., 2010; Savard, Ivers, Villa,

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Caplette-Gingras et Morin, 2011; Savard & Morin, 2001; Savard, Simard, Blanchet, Ivers et Morin, 2001). La proportion de personnes atteintes de cancer et souffrant d’insomnie serait au moins le double de celle de la population en général (Savard et al., 2011; Savard, Villa, Ivers, Simard et Morin, 2009). Cette réalité pourrait s’expliquer par le fait que les personnes atteintes de cancer sont exposées à de multiples stresseurs et symptômes susceptibles de perturber leur sommeil, notamment l’annonce du diagnostic, les traitements oncologiques et leurs effets secondaires (ex. : douleur, nausées, bouffées de chaleur) ainsi que l’apparition ou l’exacerbation de symptômes anxieux et/ou dépressifs (Graci, 2005; Guzman-Marin & Avidan 2015; Woodward, 2011). Chacun de ces stresseurs représenterait donc un facteur précipitant potentiel pour le développement de l’insomnie (Savard & Morin, 2001).

Les connaissances scientifiques sur les facteurs clé pouvant mener au développement de l’insomnie chez les personnes atteintes de cancer étant croissantes (Palesh et al., 2010; Savard, Ivers, Savard et Morin, 2015; Savard & Morin, 2001), il serait pertinent d’en tirer profit par le développement d’interventions de prévention. L’approche préventive en santé mentale en général a gagné en crédibilité depuis l’émergence d’un champ de recherche lui étant spécifiquement dédié au cours des années 80. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les données empiriques disponibles démontrent que les interventions préventives ont le potentiel de diminuer l’influence des facteurs de risque et d’accroître celle des facteurs de protection de certaines problématiques de santé mentale et, par conséquent, de réduire l’incidence et la prévalence de celles-ci (World Health Organisation, 2004). Cela est le cas particulièrement pour la dépression. En effet, la méta-analyse de van Zoonen et al. (2014), regroupant 32 essais contrôlés et randomisés testant l’efficacité d’une variété d’interventions psychologiques préventives de la dépression chez une population adulte, appuie l’efficacité de l’approche préventive. Les interventions étaient basées sur différents cadres théoriques (thérapie cognitive-comportementale [TCC], thérapie de résolution de problème et thérapie interpersonnelle), étaient d’une durée variable (de 4 à 15 séances) et offertes en différents formats (de groupe ou individuel). Les résultats ont démontré une diminution de 21% de l’incidence de nouveaux cas de dépression chez les participants ayant reçu l’intervention préventive (n = 3312) comparativement aux groupes contrôles (n = 2902). Cette diminution s’avère cliniquement significative et met de l’avant la faisabilité ainsi que le potentiel d’efficacité de la prévention de la dépression. Chez les enfants et adolescents, une

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méta-analyse récente (Stockings et al., 2016) démontre également les bienfaits associés aux interventions préventives (majoritairement basées sur la TCC et offerte en milieu scolaire) afin de réduire le risque d’apparition d’un trouble dépressif ou anxieux et de réduire la sévérité des symptômes jusqu’à 12 mois suite à l’intervention.

De plus, tel qu’appuyé par un nombre grandissant d’études (Institut Canadien d’Information sur la Santé, 2011), certaines interventions de prévention et de promotion de la santé mentale seraient associées à un rendement du capital investi, c’est-à-dire que les sommes dédiées à ces interventions engendreraient subséquemment des bénéfices économiques et seraient largement compensées. C’est notamment le cas des interventions de prévention de la dépression, tel que le démontrent de nombreuses données probantes (Institut Canadien d’Information sur la Santé, 2011). Au même titre que les efforts de prévention en santé mentale ont le potentiel d’engendrer des économies importantes en coûts associés aux psychopathologies (National Research Council and Institute of Medecine, 2009), agir avant le développement de l’insomnie comorbide au cancer du sein pourrait également résulter en une réduction des coûts pour la société de même que du fardeau déjà important auquel les patientes atteintes de cette maladie sont exposées.

L’insomnie

Population en général. L’insomnie est une problématique de santé très répandue dans la population en général. Approximativement 30% des gens rapportent des symptômes d’insomnie occasionnels et 6 à 10% rencontrent les critères d’un syndrome ou d’un trouble d’insomnie (Morin, LeBlanc, Daley, Gregoire et Merette, 2006; Ohayon, 2002). Selon les critères diagnostiques du DSM-5, un trouble d’insomnie se définit comme une plainte subjective vis-à-vis la quantité ou la qualité du sommeil malgré des opportunités adéquates pour dormir. Il est caractérisé par au moins l’une des manifestations suivantes: (1) une difficulté à initier le sommeil (latente d’endormissement); (2) une difficulté à maintenir le sommeil (réveils fréquents et/ou prolongés); et (3) des éveils trop tôt le matin suivis d’une incapacité à se rendormir (American Psychiatric Association [APA], 2013). Les symptômes doivent survenir au moins trois nuits par semaine et une détresse cliniquement significative ou une altération du fonctionnement occupationnel ou social durant le jour doit aussi être rapportée par le patient. À la différence d’une insomnie aigüe ou transitoire, le trouble d’insomnie doit être présent depuis au moins trois mois (APA, 2013).

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L’insomnie comorbide, auparavant désignée sous l’appellation « insomnie secondaire », est une perturbation du sommeil concomitante à une autre condition susceptible de nuire au sommeil (NIH, 2005), que ce soit un trouble psychiatrique comme la dépression ou une condition médicale comme le cancer. Le terme « insomnie secondaire » n’est plus utilisé car il impliquait que le trouble du sommeil soit nécessairement étiologiquement lié au trouble psychiatrique ou à la condition médicale sous-jacente, ce qui est souvent difficile à établir et nie la possibilité que les troubles coexistent sans avoir une cause commune.

Personnes atteintes de cancer. L’insomnie est le trouble du sommeil le plus fréquemment observé chez les individus atteints d’un cancer (Guzman-Marin & Avidan, 2015). En effet, une proportion aussi élevée que 30 à 60% des patients nouvellement diagnostiqués ou traités pour un cancer rapportent éprouver des difficultés de sommeil (Palesh et al., 2010; Savard & Morin, 2001; Savard et al., 2009; 2011). Dans une étude longitudinale réalisée auprès de 962 personnes atteintes de types variés de cancer en attente d’une chirurgie, donc au tout début de la trajectoire de soins oncologiques (Savard et al., 2009; 2011), 31% des participants présentaient des symptômes d’insomnie et 28% d’entre eux souffraient d’un syndrome d’insomnie (total = 59%). Au cours des 18 mois sur lesquels s’échelonnait l’étude, la prévalence de l’insomnie tendait à diminuer de façon significative pour atteindre un taux de symptômes d’insomnie de 15% et un taux de syndrome de 21% (total = 36%). Malgré cette baisse, la prévalence de l’insomnie demeurait tout de même élevée et supérieure aux taux observés dans la population en général, notamment la prévalence du syndrome. Dans cette même étude, en combinant les cas ayant eu un premier épisode d’insomnie au cours des 18 mois de l’étude (14,4%) et les rechutes (19,5%), le taux global d’incidence de l’insomnie s’élevait à 31,8%. Ce résultat suggère que des facteurs propres à la trajectoire de soins contre le cancer joueraient un rôle dans l’apparition de l’insomnie chez les patients atteints de cette maladie. Dans une autre étude réalisée auprès de 982 personnes souffrant de différents types de cancer, un taux de prévalence de symptômes d’insomnie de 31% a été observé (Davidson, MacLean, Brundage et Schulze, 2002). Pour 48% des participants, le début de l’insomnie était survenu au cours de la période entourant l’annonce du diagnostic et des traitements oncologiques, une étape de la maladie qui représenterait donc un terreau fertile au développement des difficultés de sommeil. Il a aussi été observé qu’un plus jeune âge était associé à un plus grand risque de souffrir d’insomnie

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chez les patients atteints de cancer, contrairement à la population en général (Davidson et al., 2002; Palesh et al., 2010; 2012).

Alors qu’il est généralement attendu que l’annonce du diagnostic de cancer puisse entraîner une forme d’insomnie réactionnelle temporaire, l’insomnie tend plutôt à persister chez plusieurs patients. Dans l’étude longitudinale de Savard et al. (2011), le taux de persistance s’élevait à 50,7%, ce qui traduisait la présence de symptômes d’insomnie ou d’un syndrome à deux temps de mesure consécutifs (séparés par des intervalles de 2 à 4 mois). Les taux de persistance étaient beaucoup plus élevés pour les patients qui présentaient un syndrome d’insomnie (69,4% à 80,0%) que pour ceux qui n’avaient que des symptômes (36,3% à 43,1%). De surcroît, 37,6% des participants qui avaient initialement un syndrome d’insomnie conservaient ce statut durant toute la période de suivi de 18 mois. Davidson et al. (2002), quant à eux, ont observé que 75,3% de leurs participants atteints de différents types de cancer souffraient d’insomnie depuis au moins six mois. Des taux de prévalence d’insomnie aussi élevés que 23% à 44% ont même été observés de deux à cinq ans suivant la fin des traitements oncologiques chez les patients atteints de cancer (Savard & Morin, 2001). Globalement, ces données tendent à démontrer que l’insomnie, surtout lorsque les critères d’un syndrome sont rencontrés, est une condition qui perdure dans le temps et qui ne se résout pas spontanément chez une bonne proportion des patients atteints de cancer.

Cancer du sein. La littérature existante montre que les femmes sont davantage touchées par l’insomnie, tant dans la population en général qu’en contexte de cancer. En effet, les femmes sont 1,5 fois plus à risque de souffrir d’insomnie que les hommes (Morin et al., 2011). Les femmes atteintes d’un cancer du sein, pour leur part, seraient presque deux fois plus à risque de développer de l’insomnie cliniquement significative que les individus de la population en général. Une étude menée auprès de 300 participantes ayant reçu des traitements de radiothérapie pour un cancer du sein a montré que 51% d’entre elles rapportaient des symptômes d’insomnie et que 19% rencontraient les critères d’un syndrome d’insomnie (Savard et al., 2001). De plus, parmi les 962 personnes atteintes de divers cancers en attente d’une chirurgie de l’étude de Savard et al. (2011), les taux de prévalence d’insomnie les plus élevés étaient observés chez les femmes atteintes d’un cancer du sein (42% à 69%) et d’un cancer gynécologique (33% à 68%). L’étude de Davidson et al. (2002) a également révélé que les femmes atteintes d’un cancer du sein présentaient des taux

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d’insomnie supérieurs comparativement à d’autres types de cancer tels que les cancers gynécologiques, des organes génitaux et urinaires, gastro-intestinaux, du poumon et de la peau. Parmi les 823 patients atteints de différents types de cancer recevant de la chimiothérapie de l’étude de Palesh et al. (2010), les femmes atteintes d’un cancer du sein présentaient également le taux global de difficultés de sommeil le plus élevé.

Insomnie et traitements de chimiothérapie

Les traitements de chimiothérapie contre le cancer représentent un terreau fertile au développement de difficultés de sommeil. L’étude de Palesh et al. (2010) a indiqué que la proportion de patients rapportant des symptômes d’insomnie ou un syndrome d’insomnie durant la chimiothérapie était trois fois plus élevée que chez les individus de la population en général. Chez la majorité des patients (60,0%) qui rapportaient une plainte relative au sommeil au premier cycle de chimiothérapie, les symptômes d’insomnie persistaient au deuxième cycle de traitement. De plus, 10,0% des participants ayant un bon sommeil au premier cycle avaient développé un syndrome d’insomnie au deuxième cycle, alors que 24,6% avaient de nouveaux symptômes d’insomnie. Des études ont également montré que, chez les femmes atteintes d’un cancer du sein recevant des traitements de chimiothérapie, les symptômes de fatigue, d’anxiété et les perturbations du sommeil s’intensifiaient à mesure qu’elles progressaient dans la trajectoire de soins (Williams & Schreier, 2005). L’étude de Savard et al. (2009) réalisée auprès de 95 femmes recevant une chimiothérapie pour un cancer du sein de stade I à III dont le cycle éveil-sommeil a été évalué par actigraphie, abonde en ce sens. En effet, celle-ci a révélé l’existence d’une perturbation transitoire du cycle éveil-sommeil lors de la première administration de chimiothérapie qui s’accentuait et devenait plus persistante à mesure que s’accumulaient les cycles de chimiothérapie.

Les traitements pour le cancer joueraient un rôle dans le développement de l’insomnie par le biais de leurs effets secondaires et de certaines médications utilisées pour les amenuiser, et par l’impact émotionnel qu’ils produisent (Savard & Morin, 2001; Savard & Savard, 2013). Les résultats de Savard et al. (2015) soutiennent cette hypothèse et démontrent l’existence d’un impact négatif de la chimiothérapie sur le sommeil qui serait médié par certains symptômes somatiques. Plus précisément, les femmes atteintes d’un cancer du sein qui recevaient de la chimiothérapie présentaient un score à l’Index de sévérité de l’insomnie (ISI; Bastien, Vallières et Morin, 2001) significativement plus élevé que celles qui n’en

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recevaient pas, et ce, au deuxième temps de mesure qui coïncidait avec le pic d’exposition à la chimiothérapie (environ 2 mois post-chirurgie). De plus, les résultats des analyses de médiation ont montré que différents symptômes somatiques généralement considérés comme des effets secondaires de la chimiothérapie expliqueraient en grande partie son impact nocif sur le sommeil, notamment les maux de tête, les nausées, les symptômes digestifs, les symptômes urinaires ainsi que les bouffées de chaleur nocturnes (Savard et al., 2015).

Conséquences négatives de l’insomnie

L’insomnie est une problématique associée à de nombreuses conséquences négatives. Tout d’abord, les données de la population générale indiquent que l’insomnie est susceptible d’avoir un impact notable sur la qualité de vie des individus (Kyle, Morgan et Espie, 2010; Leblanc et al., 2007; Roth, 2007). Le patron généralement observé dans la littérature est que les personnes présentant un syndrome d’insomnie obtiennent des scores significativement plus bas aux mesures de qualité de vie reliée à la santé que les individus n’ayant que des symptômes d’insomnie et les bons dormeurs (Kyle et al., 2010). Réalisée auprès de 953 individus de la population en général, l’étude de Leblanc et al. (2007) va dans le même sens puisque le groupe qui répondait aux critères d’un syndrome d’insomnie rapportait une moins bonne qualité de vie ainsi que des scores plus élevés aux mesures de dépression, d’anxiété et de stress que les deux autres groupes (symptômes d’insomnie et bons dormeurs). La littérature portant sur la population en général montre d’ailleurs que le risque de développer un trouble psychiatrique au cours de sa vie, notamment la dépression majeure et les troubles anxieux, est particulièrement saillant parmi les patients ayant déjà souffert d’insomnie (Breslau, Roth, Rosenthal et Andreski, 1996; Buysse et al., 2008; Neckelmann, Mykletun et Dahl, 2007; Pigeon et al., 2008). Par exemple, dans l’étude épidémiologique longitudinale de Breslau et al. (1996), les individus ayant déjà souffert d’insomnie au cours de leur vie présentaient une prévalence accrue de dépression majeure, d’anxiété et d’abus de substances au niveau de base comparativement aux gens n’ayant pas d’antécédent de perturbations du sommeil. De surcroît, au cours de la période de suivi de 3 ans et demi de l’étude, le risque de développer une dépression majeure s’avérait quatre fois plus élevé chez les individus présentant un historique d’insomnie.

De plus, la fatigue est l’une des répercussions les plus fréquemment rapportées par les individus souffrant d’insomnie, tant dans la population en général que chez les personnes

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atteintes d’un cancer. Dans une étude réalisée auprès de 206 patients recrutés dans un centre de traitement des troubles du sommeil, la fatigue perçue s’avérait commune à plusieurs troubles du sommeil, mais était significativement plus élevée chez les insomniaques (Lichstein, Means, Noe et Aguillard, 1997). L’insomnie est également associée à des déficits légers à modérés de certaines fonctions cognitives, tels que démontrés par une méta-analyse regroupant 639 participants insomniaques et 558 bons dormeurs qui visait à évaluer les possibles différences entre ces deux groupes sur divers tests neuropsychologiques (Fortier-Brochu, Beaulieu-Bonneau, Ivers et Morin, 2012). Dans le contexte spécifique du cancer du sein, Caplette-Gingras, Savard, Savard et Ivers (2013) ont observé que les femmes qui rapportaient des symptômes d’insomnie obtenaient de moins bons résultats que celles qui avaient un bon sommeil, et ce, sur l’ensemble des 25 échelles cognitives mesurées par une batterie de tests neuropsychologiques. Des différences statistiquement significatives entre les deux groupes étaient obtenues au plan du fonctionnement exécutif et de la mémoire épisodique verbale.

Daley et al. (2009) ont, quant à eux, observé que l’insomnie se répercute sur le fonctionnement des individus et entraîne des coûts sociaux considérables. Dans leur étude, les participants qui avaient un syndrome d’insomnie étaient presque deux fois plus à risque de rapporter des absences au travail, et presque cinq fois plus susceptibles de noter une diminution de leur productivité. Dans une autre étude, Daley, Morin, Leblanc, Grégoire et Savard (2009) ont d’ailleurs observé que la majeure partie des coûts associés à l’insomnie découlait de ces absences au travail et de la baisse de productivité. Plus précisément, cette étude suggère que le fardeau économique global de l’insomnie s’élèverait approximativement à 6,6 milliards de dollars annuellement au Québec. Les coûts annuels moyens par personne (coûts directs et indirects combinés) s’élèveraient à 5010$ pour les individus souffrant d’un syndrome d’insomnie, 1431$ pour ceux n’ayant que des symptômes et seulement 421$ pour les bons dormeurs.

En plus de ses nombreuses répercussions au quotidien, une étude récente (Palesh et al., 2014) suggère que l’insomnie pourrait même avoir un impact sur la survie en contexte de cancer du sein avancé. Cette étude a été menée chez 97 femmes atteintes d’un cancer du sein avancé localement et/ou ayant des métastases. Il a été observé que les perturbations du sommeil mesurées par actigraphie et autoenregistrement au temps 1 constituaient un facteur

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prédicteur indépendant de la survie sur une période de 6 ans, et ce, même en contrôlant pour la présence d’autres facteurs de risques médicaux et démographiques connus. Plus précisément, une meilleure efficacité du sommeil, un temps total d’éveil durant la nuit moins grand ainsi qu’un plus petit nombre et une plus courte durée des éveils nocturnes étaient associés à une réduction du taux de mortalité globale. Les femmes dont l’efficacité du sommeil était de 85% ou plus (n = 60) avaient survécu en moyenne 68,9 ± 4,0 mois alors que les femmes dont l’efficacité du sommeil était de moins de 85% (n = 37) avaient survécu en moyenne 33,2 ± 4,3 mois, une différence qui était statistiquement significative. Le seuil de 85% est généralement reconnu comme distinguant l’insomnie cliniquement significative du sommeil normal. À partir des données d’une large étude longitudinale s’intéressant aux femmes ménopausées, Phibbs et al. (2016) ont, quant à eux, observé qu’une plus courte durée du sommeil combinée à des ronflements fréquents préalablement au diagnostic de cancer étaient associés à moins bonne survie chez les femmes atteintes d’un cancer du sein. Les résultats de ces deux études devront toutefois être reproduits avant de conclure à un impact de l’insomnie sur l’évolution et le pronostic du cancer.

Traitement cognitif-comportemental de l’insomnie

Facteurs prédisposants, précipitants et de maintien. Considérant la prévalence très élevée de l’insomnie chez les femmes atteintes d’un cancer du sein recevant des traitements de chimiothérapie et les nombreuses conséquences négatives auxquelles l’insomnie les exposent, il est important de leur offrir des traitements afin d’améliorer leur sommeil. Selon le modèle de l’insomnie de Spielman (1987; Spielman, Caruzo et Glovinsky, 1987), aussi appelé « modèle des 3P », trois types de facteurs expliqueraient le développement et la persistance de l’insomnie. Tout d’abord, les facteurs prédisposants sont les caractéristiques physiologiques (ex. : hyperactivité physiologique, taux élevés de cortisol), psychologiques (ex. : tendance à s’inquiéter) ou sociales (ex. : horaire de travail incompatible avec l’horaire de sommeil) qui augmentent le risque et la susceptibilité d’un individu à l’insomnie (Guzman-Marin & Avidan, 2015). Les facteurs précipitants, quant à eux, provoquent l’apparition de l’insomnie aigüe.

Les facteurs précipitants peuvent notamment être des évènements de vie stressants comme l’annonce d’un diagnostic de cancer (Guzman-Marin & Avidan, 2015; Woodward, 2011). Lorsque interrogées quant à l’influence subjective du cancer sur leurs difficultés de

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sommeil, les femmes atteintes d’un cancer du sein de l’étude de Savard et al. (2001) ont rapporté une forte relation de causalité entre ces deux conditions. Plus précisément, 33% des femmes indiquaient que leurs symptômes d’insomnie étaient apparus dans la période entourant le diagnostic et 58% d’entre-elles considéraient que le cancer avait causé ou aggravé leurs difficultés de sommeil, surtout en raison du stress et des inquiétudes suscitées par la maladie. De plus, 56% de ces patientes rapportaient que leurs traitements oncologiques avaient été un facteur causal ou précipitant de leurs difficultés de sommeil dont 49% qui identifiaient la chimiothérapie.

Par ailleurs, l’apparition des bouffées de chaleur ou l’augmentation de leur sévérité pourraient aussi expliquer que les patientes atteintes d’un cancer du sein soient particulièrement à risque de souffrir d’insomnie. En effet, jusqu’à 65% des femmes atteintes d’un cancer du sein rapportent des bouffées de chaleur, la majorité à un niveau sévère (Carpenter, 2005). Chez ces femmes, les bouffées de chaleur sont déclenchées ou exacerbées par la chute importante des taux d’œstrogène due aux traitements de chimiothérapie et/ou d’hormonothérapie, ou à l’arrêt brusque de l’hormonothérapie de remplacement afin de diminuer les risques de récidive du cancer (Carpenter, 2005; Holmberg & Anderson, 2004). Carpenter, Johnson, Wagner et Andrykowski (2002) ont observé que les bouffées de chaleur de 69 femmes atteintes d’un cancer du sein ayant complété leurs traitements étaient significativement plus fréquentes, dérangeantes et de plus longue durée que celles vécues par 63 femmes en santé du même âge. De plus, 40% des participantes ayant été traitées pour un cancer et aux prises avec des bouffées de chaleurs sévères rapportaient une perturbation modérée à sévère de leur sommeil (Carpenter et al., 2002). Dans une autre étude menée auprès de 24 femmes atteintes d’un cancer du sein non-métastatique ayant complété leurs traitements, Savard et al. (2004) ont observé que les bouffées de chaleur mesurées par électroconductance de la peau étaient associées à plusieurs perturbations du sommeil mesurées par polysomnographie dont une moins grande efficacité du sommeil. L’intervalle de dix minutes entourant les bouffées de chaleur était caractérisé par une plus forte proportion d’éveils et de passages à des stades de sommeil moins profonds. Une étude plus récente menée avec les mêmes mesures objectives a, quant à elle, montré qu’une vitesse d’apparition plus lente et une durée plus longue des bouffées de chaleur étaient associées à un temps total d’éveil plus long, une plus faible efficacité du sommeil, des éveils nocturnes plus fréquents

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ainsi qu’un sommeil paradoxal raccourci au cours du premier tiers de la nuit (Savard, Savard, Caplette-Gingras, Ivers, et Bastien, 2013). La fréquence des bouffées de chaleur s’avérait quant à elle peu reliée aux difficultés de sommeil.

L’influence de ces facteurs précipitants de l’insomnie tend à diminuer avec le temps. Toutefois, malgré la résorption partielle ou complète des conditions ayant déclenché l’insomnie, celle-ci est susceptible de se chroniciser, dépendant en grande partie des comportements et cognitions mis en place par la personne, lesquels constituent les facteurs de maintien de l’insomnie (Morin, 1993). Parmi ceux-ci, les habitudes de sommeil néfastes et les cognitions dysfonctionnelles entretenues à l’égard du manque de sommeil et de son impact sur le fonctionnement sont particulièrement importants (Guzman-Marin & Avidan, 2015; Woodward, 2011). En souhaitant atténuer l’impact de l’insomnie ou compenser pour le manque de sommeil engendré, la personne peut avoir tendance à s’engager dans des comportements néfastes (ex. : passer davantage de temps au lit, faire des siestes durant le jour). Une combinaison de ces comportements et de pensées erronées (ex. : inquiétudes face au manque de sommeil, ruminations quant aux conséquences diurnes) peuvent perpétuer l’insomnie en augmentant l’état d’activation physiologique, cognitive et émotionnelle ainsi que l’anxiété de performance face au sommeil qui sont nuisibles au sommeil (Morin, 1993; Savard & Morin, 2001). La désynchronisation du cycle éveil-sommeil et l’affaiblissement de l’association entre la chambre à coucher et le sommeil sont aussi des mécanismes par lesquels l’insomnie peut être maintenue dû à certaines mauvaises habitudes de sommeil (ex. : passer du temps au lit éveillé).

Thérapie cognitive-comportementale. La TCC de l’insomnie (TCC-I) comprend généralement une combinaison de stratégies qui ciblent ces facteurs de maintien. Tout d’abord, le contrôle par le stimulus et la restriction du sommeil sont deux stratégies comportementales centrales visant à corriger les habitudes de sommeil néfastes, à réguler le cycle éveil-sommeil et à consolider le sommeil sur une plus courte période (Morin, 1993). Développée par Bootzin (1972), la thérapie du contrôle par le stimulus vise à renforcer l’association entre l’heure du coucher (stimulus temporel) ainsi que le lit et la chambre à coucher (stimuli environnemental), et un endormissement plus rapide. Les principales stratégies consistent à attendre la somnolence avant d’aller au lit, à quitter le lit et la chambre lorsque le sommeil ne survient pas à l’intérieur de 20 à 30 minutes, à garder la même heure

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de lever et de coucher, et ce, à tous les jours incluant les fins de semaine, à ne pas faire de sieste durant le jour et à réserver la chambre et le lit au sommeil (Savard, Savard et Morin, 2010). La restriction du sommeil, développée par Spielman, Saskin et Thorpy (1987), vise à limiter le temps passé au lit au nombre d’heures réel de sommeil. Pour ce faire, le temps passé au lit est restreint au temps moyen passé à dormir, tel que mesuré préalablement par un autoenregistrement du sommeil. La légère privation qui s’ensuit tend à faciliter et à consolider le sommeil. Le temps passé au lit prescrit est augmenté à mesure que croît l’efficacité du sommeil en cours de traitement jusqu’à l’obtention d’une fenêtre de sommeil optimale (Savard, Savard et Morin, 2010).

La restructuration cognitive est une autre composante clé de l’approche cognitive-comportementale de l’insomnie. Son objectif est de modifier les croyances et les attitudes erronées envers le sommeil, dont les attentes irréalistes envers le nombre d’heures de sommeil requis et les erreurs d’attribution des difficultés rencontrées durant la journée (Savard et al., 2010). Par exemple, les personnes souffrant d’insomnie peuvent avoir la croyance que huit heures de sommeil sont absolument nécessaires afin de se sentir reposé et de bien fonctionner durant le jour. Certaines croyances plus spécifiques au contexte du cancer sont également observées, dont celle à l’effet que l’insomnie pourrait précipiter le développement d’une récidive de cancer. La restructuration cognitive consiste à identifier les cognitions dysfonctionnelles à propos du sommeil, à remettre en doute leur validité et à les remplacer par des cognitions plus adaptées et réalistes (Morin, 1993).

Enfin, la psychoéducation au sujet des saines habitudes de sommeil à adopter, appelée hygiène du sommeil, aborde les pratiques et facteurs environnementaux nuisibles au sommeil (Savard et al., 2010). Des stratégies concrètes sont proposées, par exemple éviter de prendre de l’alcool avant le coucher et conserver une température fraîche dans la chambre, en plus de minimiser le bruit et la lumière.

Efficacité du traitement cognitif-comportemental de l’insomnie. La TCC est considérée comme le traitement de choix de l’insomnie et est recommandée par l’American

Association of Sleep Medecine (Garland et al., 2014; Morgenthaler et al., 2006). Son

efficacité a été démontrée pour l’insomnie primaire et l’insomnie comorbide, notamment pour le traitement des difficultés de sommeil associées au cancer (Epstein & Dirksen, 2007;

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Espie et al., 2008; Garland et al., 2014; Howell et al., 2014; Johnson et al., 2016; Quesnel, Savard, Simard, Ivers et Morin, 2003; Savard, Simard, Ivers et Morin, 2005).

Une première étude utilisant un devis expérimental à cas unique (N = 10) a appuyé l’efficacité de la TCC pour l’insomnie comorbide au cancer du sein (Quesnel et al., 2003). La TCC-I était composée de huit rencontres hebdomadaires, administrées en groupes et d’une durée de 90 minutes. Les auteurs ont observé une augmentation significative de l’efficacité du sommeil ainsi qu’une diminution du temps total d’éveil. Au post-traitement, 50% des patientes avaient obtenu une amélioration de leur sommeil leur permettant d’atteindre une efficacité du sommeil de 85% ou plus, cette proportion atteignant 71% au suivi 6 mois. Ces résultats étaient corroborés par des mesures polysomnographiques. La TCC-I avait aussi eu comme effet de réduire les symptômes dépressifs et la fatigue des participantes, en plus d’accroître leur qualité de vie globale et leur fonctionnement cognitif subjectif.

Dans la première étude randomisée et contrôlée menée sur ce sujet, Savard et al. (2005) ont évalué l’efficacité de la TCC-I chez 57 femmes ayant été traitées pour un cancer du sein. Le traitement, constitué de huit séances de thérapie hebdomadaire administrées en petits groupes (contrôle par le stimulus, restriction du sommeil, restructuration cognitive, hygiène du sommeil, gestion de la fatigue) a entrainé une amélioration du sommeil significativement supérieure à celle du groupe contrôle (condition liste d’attente) tel que mesuré par un autoenregistrement du sommeil et l’ISI. Par exemple, au post-traitement, l’efficacité du sommeil des patientes du groupe TCC-I était passée en moyenne de 69% à 84% alors qu’elle n’avait augmenté que de 71% à 74% chez les participantes du groupe contrôle. De plus, la prise de médication pour le sommeil et la détresse psychologique avaient diminué et un impact positif était noté sur la qualité de vie globale dans le groupe TCC-I. La plupart de ces résultats étaient maintenus lors du suivi 12 mois.

Dans l’étude d’Epstein et Dirksen (2007), menée auprès de 72 femmes ayant été traitées pour un cancer du sein, une intervention multimodale combinant des stratégies de contrôle par le stimulus, de restriction du sommeil, de psychoéducation et d’hygiène du sommeil a été évaluée. Le traitement était administré dans le cadre de quatre rencontres hebdomadaires en petits groupes auxquelles s’ajoutaient deux entretiens téléphoniques par semaine. Les participantes du groupe expérimental et du groupe contrôle (psychoéducation

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et hygiène du sommeil seulement) se sont améliorées significativement sur la majorité des variables de l’autoenregistrement du sommeil (latence d’endormissement, éveils durant la nuit, durée totale du sommeil, temps passé au lit). Cependant, l’amélioration rapportée au post-traitement quant à la qualité globale du sommeil était significativement supérieure pour les patientes du groupe ayant reçu l’intervention multimodale.

Espie et al. (2008), pour leur part, ont évalué l’efficacité de la TCC-I auprès de patients atteints de différents types de cancer (cancer du sein, de la prostate, colorectal et gynécologique) dont les traitements oncologiques étaient complétés. La TCC-I, composée de cinq séances de thérapie hebdomadaire de 50 minutes et administrée en petits groupes, s’est avérée supérieure à une condition contrôle (soins usuels). Au post-traitement, les 100 participants de la condition expérimentale présentaient une réduction significative de 16 minutes de la latence d’endormissement ainsi qu’une réduction significative de 38 minutes de la durée des éveils nocturnes, tandis qu’aucune diminution n’était observée chez les 50 participants de la condition contrôle. Toujours au post-traitement, 51% des participants du groupe expérimental contre 34% des participants du groupe contrôle avaient atteint une efficacité du sommeil de 85% ou plus. En plus de l’impact bénéfique sur le sommeil, l’intervention cognitive-comportementale était associée à une amélioration de la qualité de vie des participants et à une réduction de leurs symptômes de fatigue, d’anxiété et de dépression.

Plus récemment, les résultats de Matthews et al. (2014) ont également appuyé les bienfaits possibles de la TCC pour l’insomnie comorbide au cancer du sein. Réalisée chez 56 femmes atteintes de cette maladie et ayant complété leurs traitements oncologiques, leur étude comparait un traitement cognitif-comportemental offert en 6 séances hebdomadaires et individuelles (restriction du sommeil, contrôle par le stimulus, hygiène du sommeil et restructuration cognitive) à une intervention comportementale placebo. Cette intervention contrôle, basée sur le concept de désensibilisation, visait à réduire le conditionnement entre l’activation due à la frustration de ne pas dormir et les difficultés à initier ou à maintenir le sommeil. Les femmes ayant reçu le traitement cognitif-comportemental n’ont pas obtenu une amélioration de leur efficacité du sommeil immédiatement après la fin du traitement. C’est plutôt aux suivis 3 et 6 mois que l’efficacité du sommeil du groupe expérimental s’est avérée significativement meilleure que celle du groupe contrôle (hausse de 11,5% contre 6,3%). De

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plus, une diminution d’environ 20 minutes de latence d’endormissement a été observée chez les participantes du groupe TCC-I entre la première et la dernière séance de traitement (comparé à 8 minutes chez les femmes du groupe contrôle), un gain maintenu durant la période de suivi. Aucune différence significative entre les deux groupes n’a cependant été observée quant au nombre et à la durée des éveils durant la nuit, tous deux s’améliorant sur ces variables pendant leur participation à l’étude.

Alors que les études précédentes ont surtout comparé la TCC-I à une condition contrôle, l’étude de Garland et al. (2014) a utilisé un devis de non-infériorité afin de vérifier si une intervention de réduction du stress par la pleine conscience (Mindfulness-Based Stress

Reduction; MBSR) entrainerait des effets similaires à la TCC-I pour la réduction des

difficultés de sommeil. Cette étude, menée auprès de patients atteints de différents types de cancers non-métastatiques et répondant aux critères diagnostiques de l’insomnie, comportait des mesures subjectives (auto-enregistrement) et objectives (actigraphie) du sommeil ainsi que trois temps de mesure (prétraitement, post-traitement et suivi 3 mois). Offerte à 47 participants, l’intervention cognitive-comportementale de l’insomnie (contrôle par le stimulus, restriction du sommeil, restructuration cognitive, relaxation) était administrée en groupes de 6 à 10 personnes à raison de 8 séances hebdomadaires de 90 minutes (total de 12 heures de contact). L’intervention de pleine conscience, quant à elle, était administrée en groupes de 15 à 20 personnes à raison de 8 séances hebdomadaires de 90 minutes, en plus d’une retraite de silence d’une durée de 6 heures (total de 18 heures de contact). Cette intervention offrait de la psychoéducation sur le lien existant entre le stress et la santé et s’attardait à la mise en pratique de techniques de méditation et de yoga doux. Bien que l’intervention de pleine conscience se soit avérée non-inférieure à la TCC-I au suivi 3 mois, elle était significativement inférieure à la TCC-I immédiatement après le programme (post-traitement). De plus, la TCC-I a engendré une plus grande amélioration de la latence d’endormissement, de l’efficacité et de la qualité du sommeil ainsi que des croyances dysfonctionnelles envers le sommeil. Ces résultats ont amené les auteurs à conclure que la TCC-I, en raison de ses effets rapides et durables, demeurait l’option de traitement la plus efficace pour les patients souffrant d’insomnie comorbide au cancer.

En somme, les résultats de ces différentes études indiquent de façon convaincante que la TCC-I est efficace dans le contexte du cancer du sein. La TCC-I permet d’améliorer le

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sommeil des patients atteints de cancer, ainsi que leur qualité de vie globale et leur santé psychologique.

Prévention de l’insomnie

Les études cliniques ont principalement porté sur le traitement de l’insomnie une fois ses symptômes bien installés. L’adoption d’une approche préventive représenterait une option de rechange fort avantageuse, vu l’impact de l’insomnie autant au plan individuel que sociétal et la capacité limitée du système de santé actuel à détecter et à traiter ce trouble sur une base routinière. Tel que mentionné plus tôt, alors que le fardeau économique de l’insomnie au Québec s’élève à près de 6,6 milliards de dollars annuellement (Daley et al., 2009), il est pertinent d’envisager agir en amont de la problématique, avant que les difficultés de sommeil ne deviennent chroniques et ne requièrent des traitements plus longs et plus coûteux.

En ce sens, dans le domaine de la santé mentale, la prévention est appelée à recevoir davantage d’attention vu son potentiel intéressant de réduction de coûts à long terme (Holden et Black, 1999; Institut Canadien d'Information sur la Santé, 2011; World Health Organisation, 2004). Selon le rapport publié par The Institute of Medicine (Mrazek et Haggerty, 1994), la prévention en santé mentale a pour objectif de réduire l’incidence, la prévalence et la récurrence des troubles mentaux de même que la durée des symptômes et les facteurs de risque associés. Elle vise aussi à prévenir ou retarder les rechutes et diminuer l’impact de la maladie sur la personne, sa famille et la société. Encore cité de nos jours, ce même rapport proposait une nouvelle typologie des différentes formes de prévention appliquée aux troubles mentaux, basée sur la classification de Gordon (1987) pour les conditions médicales et sur la distinction classique entre la prévention primaire, secondaire et tertiaire.

Trois types de prévention y sont distingués : 1) prévention universelle : extrémité la plus large de l’entonnoir, constituée d’efforts d’intervention s’adressant à la population en général sans identification de facteurs de risque individuels. Les interventions peuvent être appliquées sans conseil ou assistance de la part d’un professionnel. Les bénéfices retirés dépassent le coût et les risques pour tous les individus; 2) prévention sélective : cible des individus ou sous-groupes d’une population pour qui le risque de développer un trouble

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mental est significativement plus élevé que la moyenne. Le risque encouru peut être imminent ou présent éventuellement au cours de la vie. Ces groupes à risque sont identifiés sur la base de la présence de facteurs biologiques, psychologiques ou sociaux reconnus comme étant associés au développement de difficultés psychologiques. La prévention sélective est jugée acceptable lorsque l’intervention ne dépasse pas des coûts modérés et si les effets indésirables engendrés sont minimes ou inexistants; et 3) prévention indiquée : s’adresse aux individus à haut risque qui présentent déjà des signes ou symptômes sans toutefois rencontrer les critères diagnostiques du trouble au moment présent. Le présent projet s’inscrit davantage dans une démarche de prévention sélective, étant donné que l’intervention développée vise à réduire la probabilité que des patientes atteintes d’un cancer du sein recevant des traitements de chimiothérapie, un traitement les rendant à risque, ne développent des symptômes ou un syndrome d’insomnie.

Seul un nombre restreint d’études s’est penché sur la prévention des difficultés de sommeil chez les individus de la population en général. La plupart d’entre-elles ont évalué des programmes d’éducation présentant les principes de base de l’hygiène du sommeil et ont été conduites auprès d’étudiants collégiaux ou universitaires. Ceux-ci représentent un groupe à risque de présenter des horaires de sommeil irréguliers ainsi qu’une faible qualité globale du sommeil, ce qui fait donc de ces programmes des interventions de prévention sélective. Certaines études ont obtenu des résultats positifs mais qui demeurent modestes (Brown, Buboltz et Soper, 2006; Trockel, Manber, Thurston et Tailor, 2011; Tsai & Li, 2004), les interventions tendant à améliorer davantage les pratiques d’hygiène du sommeil que le sommeil en soi.

Par exemple, l’étude de Brown et al. (2006) visait à évaluer un programme d’éducation au sommeil dont l’objectif était de prévenir et traiter les difficultés de sommeil chez les étudiants universitaires. Pour ce faire, les étudiants de deux classes d’introduction à la psychologie d’une université américaine étaient sollicités. L’intervention psychoéducative (Sleep Treatment and Education Program for Students; STEPS) s’appuyait, entre autres, sur des principes d’hygiène du sommeil et sur la méthode du contrôle par le stimulus. Le groupe expérimental, composé de 82 participants, a reçu l’intervention STEPS d’une durée de 30 minutes administrée par un étudiant gradué. Le groupe contrôle, composé de 95 participants a reçu, quant à lui, une présentation de 30 minutes au sujet de l’importance de la méthode

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scientifique. Les principaux gains obtenus se situaient au plan des pratiques d’hygiène du sommeil. En effet, six semaines après le traitement, les participants du groupe expérimental faisaient moins de siestes, se couchaient moins fréquemment avec une sensation de faim et consommaient moins de produits contenant de la caféine. De plus, leur qualité du sommeil s’avérait meilleure que celle du groupe contrôle, tel que mesuré par le Pittsburgh Sleep

Quality Index (PSQI; Buysse, Reynolds, Monk, Berman & Kupfer, 1989). Plus

spécifiquement, les participants du groupe expérimental présentaient une latence d’endormissement raccourcie et moins de perturbations du sommeil. Cependant, les tailles d’effet associées à ces améliorations (η2 = 0.10 pour la latence d’endormissement et η2 = 0.09 pour les perturbations du sommeil) se sont avérées moins grandes que celle associée aux changements des pratiques d’hygiène du sommeil (η2 = 0.15).

Plus récemment, le programme de psychoéducation sur le sommeil développé dans l’étude de Kloss et al. (2016) comportait un focus particulier sur des notions de restructuration cognitive, en plus des notions d’hygiène du sommeil et de thérapie comportementale généralement abordées. Ce programme, nommé « Sleep 101 », s’adressait à des étudiants universitaires et prenait la forme de deux ateliers de psychoéducation de 90 minutes. Il visait principalement à améliorer les connaissances quant aux principes d’hygiène du sommeil et à réduire les croyances erronées et attitudes dysfonctionnelles envers le sommeil, telles que mesurées par le Dysfunctional Beliefs about Sleep Questionnaire Short

Form (DBAS-SF; Edinger & Wohlgemuth, 2001). Un objectif secondaire était d’évaluer la

capacité de cette intervention à réduire la latence d’endormissement des participants puisque les inquiétudes, les croyances erronées ainsi que les attitudes dysfonctionnelles envers le sommeil nuiraient à ce paramètre du sommeil (Morin, 1993; Wicklow et Espie, 2000). Les participants présentaient des difficultés de sommeil au niveau de base comme en témoignaient leur score moyen au PSQI de 6,6 et leur score moyen à l’ISI de 9,2. Ils présentaient aussi une latence d’endormissement moyenne de 25,2 minutes. Comparativement aux 57 participants de la condition contrôle (conseil minimal d’hygiène du sommeil concernant la caféine et auto-enregistrement du sommeil seulement), les 63 participants du groupe expérimental (Programme « Sleep 101 ») ont démontré une augmentation de leurs connaissances d’hygiène du sommeil, une diminution de leurs croyances et attitudes erronées envers le sommeil, de même qu’une réduction du temps pris

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à s’endormir de 6 minutes, une différence peu significative au plan clinique toutefois. Les résultats obtenus mettent néanmoins en lumière la portée qu’une aussi brève intervention peut avoir au plan des cognitions erronées et de l’hygiène de sommeil. Cela appuie l’idée qu’il serait intéressant de rendre de telles interventions accessibles le plus tôt possible afin de prévenir l’installation des difficultés de sommeil chez les populations à risque.

Au contraire, certaines études réalisées dans la population en général n’ont pas été en mesure de démontrer l’effet bénéfique des interventions visant la promotion d’un bon sommeil. C’est notamment le cas de l’étude de Reynolds et al. (2010) qui s’est intéressée au maintien de la qualité du sommeil et à la promotion de la santé chez des personnes âgées de plus de 75 ans. Soixante-quatre participants dont la moyenne d’âge était de 79 ans ont été recrutés et assignés aléatoirement à l’une des deux conditions suivantes : (1) intervention SLEEP, composée d’une restriction du sommeil (coucher retardé de 30 minutes par rapport à l’heure moyenne du coucher, pour une période de 18 mois) et de stratégies psychoéducatives prônant de saines habitudes de sommeil; (2) condition contrôle NUTRITION, composée de stratégies psychoéducatives favorisant des habitudes nutritionnelles bénéfiques pour la santé. Des résultats contraires aux hypothèses initiales ont été observés. En effet, l’intervention n’a pas amélioré la continuité et la profondeur du sommeil chez les personnes âgées (mesurées par polysomnographie); à l’inverse, elle a diminué la qualité de vie liée à la santé et accru les problèmes de santé, notamment en entrainant une augmentation des maladies cardiovasculaires. Ce résultat suggère que la réduction du temps de sommeil, même modeste, aurait un effet délétère chez les aînés en santé qui ne présentent pas de difficultés de sommeil.

Kakinuma et al. (2010) ont, pour leur part, mené une étude visant à améliorer le sommeil de travailleurs du domaine des technologies de l’information grâce à un bref programme d’éducation à l’hygiène du sommeil. D’une durée d’une heure, celui-ci prenait la forme d’un exposé offert par un médecin du travail et avait pour objectif d’identifier les habitudes de sommeil actuelles des participants, de leur présenter de l’information (mécanismes du sommeil, qualités d’un environnement favorisant le sommeil, techniques de relaxation et de contrôle par le stimulus) et d’identifier des cibles de changement concernant leurs habitudes de sommeil. Préalablement à la présentation, les participants devaient identifier environ trois habitudes qu’ils souhaitaient mettre en place dans le futur à partir

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d’une liste basée sur différents guides de pratique. Deux semaines suivant l’intervention, un suivi par courriel avait lieu. Une rencontre subséquente était aussi prévue afin que le médecin du travail puisse vérifier l’application des habitudes ciblées et prodiguer des encouragements. Les 214 participants du groupe expérimental (programme d’éducation) ont démontré une amélioration supérieure de leur score au PSQI (mesuré 2 semaines pré-traitement et 4 semaines post-traitement) comparativement aux 177 participants du groupe contrôle (condition liste d’attente). Alors que le score moyen au PSQI était de 6,4 dans les deux groupes au niveau de base, le groupe expérimental a montré une diminution de 0,67 point suite à l’intervention contre une baisse de 0,41 point dans le groupe contrôle. Cette différence ne s’est toutefois pas avérée statistiquement significative. Une différence significative a cependant été observée entre les deux groupes concernant la somnolence auto-rapportée en après-midi (14h00), une diminution de 0,42 point au Karolinska Sleepiness Scale (KSS; Akerstedf & Gillbert, 1990) ayant été obtenue dans le groupe expérimental contre une hausse de 0,08 point dans le groupe contrôle.

Dans le contexte du cancer, une seule étude a jusqu’à présent évalué les effets d’une intervention ciblant le sommeil chez des patients ne souffrant pas nécessairement d’insomnie au départ. Cette étude, menée par Berger et al. (2009), portait sur l’amélioration du sommeil et de la fatigue à l’aide d’une adaptation de la TCC-I chez 219 femmes atteintes d’un cancer du sein débutant des traitements de chimiothérapie. Les participantes, qui ne devaient pas rencontrer de critères minimaux de sévérité d’insomnie ou de fatigue à l’entrée à l’étude, étaient randomisées à l’une des deux conditions suivantes: (1) condition expérimentale (Individualized Sleep Promotion Plan; ISPP) composée de stratégies de contrôle par le stimulus, de restriction du sommeil, de relaxation et d’hygiène du sommeil intégrées dans un plan individualisé de 12 items développé en collaboration avec l’infirmière de recherche, préalablement au premier traitement de chimiothérapie; et (2) condition contrôle composée d’une intervention nutritionnelle. Les deux conditions offraient la même quantité d’attention thérapeutique. Deux jours avant chacun des traitements de chimiothérapie, l’ISPP était révisé lors d’une visite à domicile d’une durée de 30 minutes. Sept jours après chacune de ces séances, une rencontre de renforcement de 15 minutes était aussi prévue. Les résultats ont montré que les participantes rapportaient une fatigue modérée ainsi qu’une qualité de sommeil assez faible avant la chimiothérapie. De plus, le groupe recevant l’ISPP a rapporté

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une amélioration plus importante du sommeil, mesuré par le PSQI, comparativement au groupe contrôle. À travers le temps, le sommeil du groupe expérimental s’est amélioré significativement, alors que le groupe contrôle présentait une plus grande perturbation du sommeil suite au quatrième traitement de chimiothérapie, de même que trente jours après le dernier traitement. Les données de l’autoenregistrement du sommeil et d’actigraphie ont montré que les femmes de la condition expérimentale présentaient de meilleurs résultats quant au nombre d’éveils, au temps total d’éveil et à l’efficacité du sommeil. Ces résultats sont encourageants, puisqu’ils suggèrent qu’une intervention préventive destinée à des femmes atteintes du cancer du sein peut contribuer à minimiser le développement des difficultés de sommeil, et ce, malgré l’administration de traitements de chimiothérapie. Toutefois, le traitement offert dans cette étude était très intensif et peu susceptible d’être implanté en clinique. De plus, au niveau de base, les participantes présentaient un score moyen au PSQI de 7,2 indiquant la présence de difficultés de sommeil non négligeables (un score > 5 indiquant la présence de difficultés de sommeil significatives). Ainsi, il n’est pas clair si les effets rapportés sont davantage des effets préventifs ou curatifs.

Traitement auto-administré de l’insomnie

Bien que la TCC de l’insomnie comorbide au cancer ait été démontrée efficace, elle demeure peu accessible. En effet, un nombre restreint de professionnels de la santé mentale œuvrant en oncologie a reçu la formation nécessaire afin de traiter l’insomnie à l’aide de cette approche. Le nombre de séances requises avec un thérapeute et les coûts y étant associés sont d’autres facteurs limitant l’implantation de la TCC-I dans les soins de routine. Ainsi, les patients atteints de cancer dont le sommeil est altéré sont à risque de voir leurs symptômes s’aggraver ou perdurer dans le temps s’ils ne reçoivent pas un traitement adéquat.

Les traitements auto-administrés de l’insomnie s’avèrent une alternative intéressante, vu leur faible coût et leur plus grande accessibilité, d’autant plus qu’ils ont été démontrés efficaces pour l’insomnie primaire et l’insomnie comorbide aux troubles psychologiques comme la dépression (Morin, Beaulieu-Bonneau, Leblanc et Savard, 2005; van Straten et Cuijpers, 2009; Lancee, van den Bout, van Straten et Spoormaker, 2013). Le format auto-administré conviendrait d’ailleurs très bien au développement d’interventions préventives se voulant économiques et facilement disséminables.

Figure

Table 1. Participants’ Characteristics at baseline (N = 20)
Table 2. Adjusted mean scores obtained on sleep diary parameters and self-report scales at each time point with time effects and effect sizes
Figure 1. Participants’ flow chart.
Tableau résumé de votre implication
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