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L’ influence de Saint Vincent de Paul sur l’éloquence de la chaire

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Texte intégral

(1)
(2)

M~GILL

UNIVERSITY

LIBRARY

(3)
(4)

Reverend Fe-ter J. Paour, C .M. April 29th, 1936.

(5)

ctest toujours un bonheur, et parfois une gloire, pour un

fils, que de louer son père, surtout lorsque ce père a laissé un grand nom, et a produit des oeuvres durables et bienfaisantes.

Humble membre de la société des prêtres, fondée par

Vincent-~

de-Paul, il y a tout justement trois siècles, sous le nom

de "Prêtres de la Mission" , je suis, comme d'ailleurs tout prêtre français, ou désirant parler français en chaire, fils spirituel de oe grand saint, et de ce grand bienfaiteur de l'humanité.

J'ai done pensé ne pouvoir trouver de meilleur sujet pour ma thèse française, que de traiter de l'influence exercée par saint-Vincent-de-Paul, sur la langue française parlée, et en particulier, sur le genre d'éloquence le plus fré-quemment en usage, avant l'immense développement de l'élo-quence parlementaire, dans les sociétés modernes: je veux dire, son influence sur l'éloquence de la chaire, sur la prédication.

Tous les prédicateurs qui ont illustré la ohaire française, depuis saint-Vincent-de-Paul, aux XVIIe et XVIIIe siècles, et par oonséquent, aUjourd'hui, ont dû tenir compte des prin-cipes et méthodes qu'il préconisait et qu'il appliqualt,sans avoir lui-même d'éloquenoe, sinon, celle du ooeur, et du bon

(6)

sens. 'Il est vrai que cette éloquence est la meilleure

!

pour tous les orateurs sans exoeption, car, sl elle est moins 'tud1éé , et si elle flatte peut-être moins,

l'o-reille, du moins, elle est la plus réelle, et la plus efficace, pU1squ'->elle entraine les volontés, ce qu1 est le but de toute éloquence, à la tribune ou au prétoire, aussi bien que dans la chaire chrétienne.

(7)

l - LA PREDICATION TELLE QUE SAINT VINCENT DE PAUL L'A TROUVEE. CE Q,U'EN PENSAIENT LES 1!XJRIVAINS DU TEMPS.

Pour bien comprendre l'importance de la réforme opérée par saint-Vincent de Paul, dans la ohaire chrétienne, 11 importe d'abord de

connaitre les abus dans lesquels était tombée la prédication dans le cours du XVII aièc1e. Le caractère essentiel de la prédication dans la chaire chrétienne,ne semble-t-i1 pas que c'est d'être une éloquence vraiment sacrée, c'est-à-dire, religieuse: sacrée par ses sources; car c'est ~ux saints livres, aux ouvrages des Pères, à

l'histoire de l'Eglise, et à la vie des saints, qU'elle doit emprun-ter ses matériaux; sacrée par son but, car toute sa prétention doit être d'inculquer les vérités de la fo~, d'édifier et de réformer les moeurs. Avait-elle ces caractères, l'éloquence de la chaire,à la fin du seizième siècle, et au commencement du

dix-septième,c'est-.

:',

à-dire, vers le temps où vivait François de Sales et saint-Vincent de Paul? •••

En 1687, La Bruyère pouvait écrire? "Il y a moins d'un siècle, un livre français était un certain nombre de pages latines, où l'on découvrait quelques lignes ou quelques mots en notre langue. Les

passages, les traits et les citations n'en étaient pas demeurés là. Ovide et Catulle achevaient de décider des mariages et des testa-ments, et venaient avec les pandectes, au secours de la veuve et

(8)

des pupilles. Le sacré et le profane ne se quitta.ient point; ils s'étaient glissés ensemble jusque dans la chaire. saint-Cyr1lle, Horace, saint-Cyprien, Lucrèce, parla1ent alternativement; les poètes étaient de l'avis de saint-Augustin et de tous les Pères: on parlait latin, et longtemps, devant les temmes et des marguil-liers, on a même parlé grec dans la chaire françaIse .•• Il tallait

savoir prodigieusement"pour prêcher si mal~(l)

Du Vair signale les premières lueurs d'éloquence française au bar-reau et dans les affaires, depuis la renaissance des lettres:

"Quant

à

cette autre éloquence, dit-il, qui habite les chaires pu-bliques, qui devroit estre la plus parfaite, tant par la dignité

de son subject que pour le grand loisir et liberté de ceux qui la traitent, elle est demeurée sl basse, que

ntar

rien

à

en dire':(2) Et le Père Rapin écrivait: " A la vérité 11 y en a qui se meslent de preseher, qui pourro1ent s'en excuser avec plUS de raison que Moise qui disait

à

Dieu: Domine non sum eloquens"( Exod.c.4 ). (3)

---~---~---~~----~----~-~~~---~~--~-~----~--~-~---(l)

(2)

(3)

La Bruyère, "Caraotères", Chap. XV, p. 370.

"

Du

Vair (Guillaume), De l'éloquence tranQa1se et des raisons . pourquo1 elle est demeurêe si basse~

Chap. 1V, p. 84.

Rapin (le père René),"Rétlexions sur l'usage de ltéloquence de ce temps~ Chap. 111, sec.XX, p. 110.

(9)

Ces jugements sévères sont-ils exacts ? . Plusieurs

examp1es

choisis parmi les prédicateurs les plus connus de cette

pério-de,

nous le terons

vo1r.

---~---~---~---~-~---~---~--~~--~~--2 - LA POLITIQUE ET LA CONTROVERSE DANS LA CHAIRE.

On admet généralement qu'il ne convient pas qu'un prédicateur sorte du domaine religieux, pour faire des

incursions

dans le

domaine poI1~1que. Néammoins,

à

l'époque des guerres de reli-gion, et de la ligue, et- jusqu'à la fin du dix-septième siècle, les questions politiques et religieuses étaient singulièrement mêlées. L'Europe tout entière était en fermentation. Les

héré-tiques faisaient alors aisément figure de tra1tres, à cette

époque où l'unité de toi était considérée par tous oomme un élé-ment essentiel

à

l'un1té politique. Il ne faut pas donc

s'éton-ner que la chaire chrétienne ait 'retenti des échos des passions po11t1co-rellg1euses qui agitaient les pays dans lesquels, comme en France et en Angleterre ,notamment , ltunité de toi ayant été brisée, ltunité nationale se trouvait par~,contre-coup, mise en péril, parce que les dissidents prenaient appui à l'étranger, les catholiques d'Angleterre, sur l'Espagne, les protestants de Franoe sur l'Allemagne. On 1magine difficilement jusqu'à quelles violen-ces de laDga~e~, certains prédicateurs, et notamment, les

"prédi-cateurs de la Ligue", se sont laissés aller, dans les objurga-tions qu'ils adressaient

à

leurs auditeurs. Il est vra1que

(10)

leurs opposants parlaient sur le même ton, et que, dans les deux oamps, les prédicateurs catholiques et ministres des divers par-tis réformés, rivalisaient de plaisanteries vulgaires, de compa-rà1sons grossières, de sarcasmes insolents, de défis injurieux, d'allusions ou d'apostrophes personnelles outrageantes, dtinvec-tives sanglantea, et parfois même, de provocations criminelles.

Du

côté des prédioateurs catholiques, le seul qui nous intéresse pour le moment, Jean Bouoher, Curé de St.Beno1t, et P. Partho1se, théologal de Poitiers, n'étaient-ils pas aller jusqu'à accuser, en ohaire, le prinoe de Béarn, Henri de Bourbon, le futur roi Henri lV, de simuler sa conversion au catholicisme, et jusqu'à

taxer de nulle et de nul effet, l'absolution qu'il avait reQue de son excommunication. Et ces choses n'étaient pas seulement

dites en chaire, une fois en passant; cela ne se produit-il jamais, de notre temp$ même? Mais nous les retrouvons dans les livres

comme ceux des'auteurs nommés plUS haut, datés de 1594, et signés

du nom des prédicateurs. Monseigneur Freppel qualifie ces ouvra-ges "d'oeuvres dtinsolences". (1)

Voioi quelques échantillons de ce genre d'éloquence, tirés des mémo1resde Pierre de L'Estoile: ft Le Père Gontier ou Gonthier,

parlait bien d'une manière tort naturelle et avec liberté. Un

jour qU'il prêchait à st.Gervais, le Roi, la marquise de Verneuil,

---~---~---~----~--~---~--~---~~---~

(11)

,

,

et la plus grande partie des dames de la oour, se trouverent a son sermon; ces dames se plaçaient ordinairement près de

l'oeu-vre, parce que le Roi s'y mettait presque

-toujours.

OUtre le bruit qU'elles oa~sa1ent, la marquise surtout, faisait des signes au

Roi, pour le faire rire. Le père Gontier s'arrêta au milieu de sa pr6dicat1on, et se tournant vers le Roi: "Sire, lui dit-1l, ne

Il

vous lasserez-vous jamais, de ven1r avec un sérail, entendre la parole de Dieu, et de donner un s1 grand scandale dans ee lieu saint? " (1)

Le même auteur nous dit encore:ttPendant l'avent, le

père

Gontier, jésuite à Saint-Gervais, et le Pere Basile: capucin à Sa1nt-Jacqu8a-de-la-Boucherie, font journellement des déclamations catilinaires contre ceux de Charenton, et-la plupart de leurs sermons ne sont qU'invectives et philipp1ques sanglantes contre ceux de la reli-gion prétendue réformée, contre leurs édits, contre l'Estat, et la personne du Roy mesme ••••• En présence du Roy, le vendredi,jour

de Noel, le samedi et le dimanche, les' sermons du père Gontier

turent de continuelles déclamations contre les huguenots, lesquels

.

il appela plusieurs fois, vermines et oanailles, jusqu'à dire que

-~-'.

les catholiques ne les devo1ent souffrir par.mi eux. Et l'on re-trouve des expressions semblables , à plusieurs reprises, dans ses mémoires. "(2)

---~---~---~---~---~---~~----~ (1) L'Estoile (~1erre), "Mémoires et Journal", p. 365 - note.

(12)

"En

chaire comme dans ses écrits, Jean-Pierre de Camus montra beaucoup d'aigreur et de passion; il accablait les moines de railleries et même de turluplnades, suivant l'esprit du temps. "JésuS-Christ, d1sait-11, avea cinq pains et trois p01ssons,ne nourrit que trois mille personnes, et qU'une seule tois en s& v1e: saint-François avec~ quelques aunes de drap, nourrit tous

les jours par un miracle perpétuel, quarante mille ta1n'ants."(1) Ailleurs, le père André, des Augustins, surnommé le "Petit Père André", après avoir menacé de la colère divine, les femmes Qu1

suiva1ent la Madeleine dans ses désordres, sans l'imiter dans son repent1r, s'écriait: "J'en vois là-bas, une toute

sembla-ble

à

la pécheresse; paroe qU'elle ne s'amende point, je la veux noter et lui Jeter mon mouchoir", et oomme toutes les femmes bais-saient la tête; Ah! dit-il alors, je croyais qU'il n'yen avait

qutune et en vo1·la plus de cent." (3)

Mais comme le dit Mgr. Freppel, c'est trop de m'arrêter

à

un genre J de discours qui ne manquent à coup sûr ni de chaleur, n1 de

v6hé-mence, et qu1 mettent partois au service d'une bonne cause, un langage que la chaire ne oomporte jamais, mais qui, après tout, disparaissant avec les paSSions du moment, n'a jamais laissé de vestige dans l'éloquence saorée. (2)

(1) Migne, "Collection Intêgrale et Universelle des Orateurs Saorés." Col. 9.

(2) Freppel (Mgr.)

bp.

Oit. p. 79.

(13)

3 - L'ABUS DE LA SCOLASTIQUE EN CHAIRE.

L'envahissement de la chaire par l'école et la méthode soolasti-ques,

tut

la mode pendant longtemps à cette époque et

jusqu'aux

premières années du dix-septième siècle. Dans les sermons, les

définitions é'aient for.mulées en ter.mes abstraits, les divisions

suivies

de subdivisions, et les démonstrations ordonnées en

for-,

me

scolast1que; les réfutations donnaient

lieu

à

des distinctions

et sous-distinctions subtiles, qui au lieu d'apporter la lumière, tat1gaient l'auditeur et le laissaient dans les ténèbres. Sous le

souffle desséchant de la scolastique, et des entités et de ses quiddités, l'éloquence perdait son chanme. Jean

Meno',

Olivier Maillard, Jean Raul1n, et beaucoup d'autres encore, sont tombés

dans ce fâcheux défaut. C'était l'abus de la SCOlastique et non pas la scolastique elle-même.

Le père Coton, un des prédicateurs les plus estimés

à

l'époque

de Henri lV, jouissait d'une immense réputation, et à certains égards, 11 la méritait. Donnons-en quelques exemples de son

genre: Il emprunte à Boèce, la définition de l'éternité: "Inter-mlnatae vitae tota simul et perfecta possessio." (1)

(14)

Et celle de la béatitude: "

statua

bonorum aggregat10ne

pertec-tis." (I)

Les oeuvres, nous dit-il: s~ partagent en oeuvres vives, mortes, mortifères, mort1f1ces, ou vivifiees; leurs causes sont effi-cientes, finales, mêr1tolres, formelles, exemplaires ou instru-mentaires. Les oeuvres vives ou vivifiees sont à la fois

m'r1-toires, sat1sfacm'r1-toires, 1mpétratoires et consolatoires.

'2)

Voulant expliquer ces paroles de l'Evangile: " S1 vous demandez

à mon père quelque chose en mon nom, 11 vous l'accordera.". Il en fait le commentaire suivant: " Il

n'y

a Logicien qui ne sça-ohe que les propositions indéfinies en matière contingente

équi-valent aux particulières, et en matiere nécessaire, équipollent aux universelles. L'homme dispute, c'est-à-dire Socrate. L'hom-me est raisonnable, c'est-A-dire tout homL'hom-me, et qu1 ce soit est

doué de raison; ce présupposé, il faut inférer que la proposition hypothétique et indéfinie, "si vous demandez quelque chose

à

mon

Père en mon nom, Il vous l'accordera," est universelle et sans

ex-cept1ons~pourvu que oe so1t en matière nécessaire qui concerne nostre salut et la gloire de Dieu: et qU'est aceidehta1re et con-tingente, elle n'est pas générale: ains reçoit beauooup

d'excep-tions. Et o'est ce que dénote la particule "qu1d" qui veut dire par emphase quelque ohose". (3)

(1) Migne,

(2) Ibid. (3) Ibid.

Op. Cit., Col. 671. Col. 426.

(15)

Dans sa ft Quatrième Méditation des Anges en général ", on lit ceci:

"La manière d'entendre leur est aussi particulière, car les Supé-rieurs illuminent les InféSupé-rieurs par Irradiations, et quand ils

parlent l'un

à

l'autre, c'est par conversation communicative, ap-plication de volonté et ouverture d'entendement. Lea choses

natu-relles leur sont représentées par espèces, non empruntées de l'ob-ject, mais imprimées en leur subject: Espèces intelligibles que Dieu leur donna et créa avec eux." (1)

C'est ainsi que le père Coton, malgré des qualités réelles, gâte

son éloquence par l'étalage de son érudition et par un fatras de distinctions, de mots techniques empruntés à la scolastique, et semble justifier cette réflexion du père Rapin. " Je suis

persua-dé que la lecture de saint-Thomas, tout solide et tout méthodique

qu'il est, a fait plus de mauvais Prédicateurs que de bons." (2)

----~--~---~---~---~~~----~---~----~---~--~

4 - MET,ANGE DU SACRE ET DU PROFANE EN CHAIRE.

L'engouement exagéré pour l'antiquité payenne, qui se propagea1t

dans tous les milieux oultlvês, à l'époque de la Renaissance, ga-gna les orateurs chrétiens eux-mêmes. Les sermons étaient

soi-disant agrémentés de pensées et de maximes d'auteurs anciens. Qu'on se représente un pêle-mêle de citations et d'exemples où Martial donnait la réplique

à

Job, Aristote à Tertullien, Phocion à

-~-~---~---~---~--~---~--~----(1) Migne,

(2) Rapin,

Op. Cit., Col. 401.

(16)

Saint-Paul et Regulus au Christ: mélange burlesque et alliage bi-zarre du sacré et du profane: philosophes et poètes payens enva-hissent la chaire; Les allusions ~holog1ques même se multiplient

sur les lèvres de l'orateur,

à

tel point qu'on pouvait se croire transporté en plein paganisme~

Un des auteurs les mieux doués de l'époque, nous fournit un

exem-1

ple remarquable de ce mélange. Nous sommes en 1616, dans

l'assem-blée des Etats-Généraux de France,

à

l'église des Augustins, où l,s trois Etats se réunissent chaque dimanch~ pour y entendre la parole sainte, que leur annonce un de leurs membres ( de l'ordre du clergé, bien entendU) désigné pour cette grande fonetion. C'est Pierre Camus, le fin lettré, le savant, évêque de Belley, l'ami de coeur de saint-François de Sales. L'orateur s'y élève avec force contre la simonie, qu~il divisa en "simonie ecclésiastique, mili-taire, et judicelle. Voici l'image qu'il emploie pour la dépeindre: "Vraye chimère bizarre de trois composition de chèvre qui broutte ès hauts roohers, symbole de 1a'~rem1ère, qui ruine l'Eglise fon-dée sur la pierre viue et angulaire; de Lyon, figure de la seconde; et de Dragon, gardien vigilant des pommes d'or, et amateur des tré-sors, animal fier et rogue, marque de la iudicelle, et finanoière, sa collatérale et germaine. Et n'aurions-nous jamais de Belléro-phon, c'est-à-dire, de Prince qui porte sur le Pégase d'un sainot

zèle de la maison de Dieu secondé de son pouuoir •••• les Bulles tulminent contre ceste contagion par nos Sa1ncts Pères •••••...•••

(17)

N'aurons-nous jamais de courageux Horace qui terrasse pour la Romaine liberté ces trois outrecu1dez Curiaces, d'Hercule, qui

estrangle ce Cerbère

à

trois gosiers, qui estoutfe ce triple

Gerion? " (1)

Et encore dans le même sermon, ces quelques passages:

.. Pareil

à

Ajax qui en sa furie prenol t des pourceaux pour les gens dta~es d'Vlysse."

(2)

" 0 chère Mère, ie vous supplie de modérer mes tra1cts de LTcambe, Tela Lycambo sanguine tincta gero.

et de tremper, destremper et tempérer ltallum de ma langue amertu-mée, et l'aigreur de mon palais en t1elle dans la sa1note liqueur

de vos amères douceurs et de vos douces amertumes." (3)

" Sera-il donc vray que l'Iris sera tille de Toumanth1as, et celle-cy de l'Ignorance." (4)

" Me voiey donc tombé dans le sort de Penthée, qui effrayé de l'armée des Eumenides, pensoit voir deux Soleils et deux Thè-bes." (5)

---~~----~-~-~-~---~---~----~-~----~~-~-~---~ (1) Migne, Op. Ci t., t.l., Col. 17.

(2) Ibid. , Col. 22.

(3) Ibid. , Col. 37.

(4) Ibid. , Col. 37.

(18)

"Soyez nostre Hercule Alex1caque •••• Achevez, devenu grand et

Majeur, a nettoyer ceste estable d'Augie." (1)

Dans ces passages, ce n'est pas que prêchant devant un auditoire d'élite l'évêque de Belley se croit obligé, par exception, de

tai-re preuve d'une érudition variée: au contra1re, 11 cherche, du moins, il le dit lui-même, " la simplicité conuenable à ce lieu, où les

paroles tardées, et frisées sont 1nterdictes, non que messéantes, comme d1gnes du ciel, de peur d'attitter indignement vne Hercule en Hélène, et de joindre la musique Lydienne aux sUJects d'impor-tance et de pOids." (2)

L'évêque de Belley ne se borne pas à ces réminiscences mythologi-ques, dans le cours d'une seule~homelie 11 cite cinquante-trois vers latins empruntés à Virgile, à HOrace, et à Lucrèce, auxquels

11 mêle des citations en grec. Ce grave défaut ne lui est pas par-ticulier, on le trouve à peu d'exoeptions près et dans une mesure plus ou moins marquée, ehez tous les prédicateurs de ce temps.(3) Le père Coton, Pierre de Besse, Philippe Bosquier, André Valladier,

sont aujourd'hui bien oubliés, mais ils jouissaient, de leur temps, d'une vogue immense: ils prêchaient à la cour de Henri lV et de

LQu1s Xl11; leurs sermons ont été imprimés: Le Carame de Pierre de Besse a eu dix éditions en dix ans.

---~---~---~~~~---~---~-~~~--~---~-~--~---(1)

(2) (3)

Migne, Op. Cit., 001. 31.

Ibid., col. 13. Ibid., col. 11.

(19)

Ces sermons ont été traduits en Italien, en Espagnol, en Alle-mand, preuve de leur succès, preuve aussi de la dégradation de

ltesprit chrétien, et du simple bon goût,

à

cette époque. (1)

---~---~-~-~--~-~~--~---~--~---~---5 - LES JEUX DE MOTS ET LA BOUFFONNERIE EN CHAIRE.

L'éloquence sacrée, justement parce qU'elle est sacrée, requiert une grande dignité de la part de l'orateur: elle n'est jamais vul-gaire; elle évite toute parole que, dans la conversation courante, les gens bien élevés ne voudraient pas prononcer. Elle s'abstient aussi des jeux de mots qui sont un amusement de l'esprit, et ce n'est pas dans la chaire chrétienne qu'il convient de s'amuser. Néammo1ns, il y

eût

comme une dernière et fugitive apparition du

sermon

à

la Maillard, à la Menot, dans le même temps où le sermon d'académie faisait fortune.

Boileau rappelant dans "l'Art Po~t1que", cette manie des pointes et des jeux de mots, qui, au temps de son enfance avait infecté

le Parnasse, n'oublie pas de montrer les orateurs d'église, atteints

eux aussi, de cette maladie:

"Jadis de nos auteurs les pointes ignorées

Furent de l'Italie en nos vers attirées. • •

• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •

Chaque mot eut toujours deux visages divers:

La

prose le reçut aussi bien que les vers; L'avooat

au

palais

en

hérissa son style,

Et le docteur en chaire en sema l'Evangile."(2)

Au bas de ces vers, on lit en note, écrit de la main de Boileau: "Le Petit père André, Augustin."

---~---~~~--~~-~---~-~~--~~--~--~~-~~~-~~~~----~---~----(1) Jacquinet, (Paul), "Les Prédioateurs du XVlle s.avant Bossuet." p.45

(20)

C'est ce ttPetit père André" tlui, dans un sermon, comparait les quatre docteurs de l'Eglise latine, aux qua.tre rois du jeu de cartes: saint-Augustin, roi~' de coeur, pour sa. grande chari té;

saint-Ambroise, roi de trèfle, pour les fleurs de son éloquence; saint-Jérôme, roi de pique, à cause de son style mordant; saint-Grégoire, roi de carreau,

à

cause de son peu d'élévation.

C'est encore lui, qui, comparant la charité à l'échelle de Jacob, disait que ce n'était pas échelle de chêne ou de hêtre, mais que le premier échelon était hareng, le second,morue,etc.;et il énu-mérait ainsi toutes les "viandes de carême" qu'il faut,

ajoutait-11, envoyer au couvent des Augustins.(I)

Devant un auditoir de docteurs, il disait: ftLe christianisme

est comme une grande salade: les nattons en sont les herbes; les docteurs, le sel (vos estis saI terrae); le vinaigre, les

macé-rations; et l'huile, les bons pères Jésuites ••••• mais l'ui1e,pour peu qU'il en tombe sur un habit, s'étend et fait insensiblement une grande tache; mettez un bon père jésuite dans une province, elle en sera bientôt toute pleine." (2)

Apercevant

un

jour plusieurs auditeurs montés sur l'autel, il s'interrompit pour dire: "Voilà la prophétie accomplie: les veaux sont sur l'autel "Super Altaria vitulos".

Pierre Camus, lui aussi, tombe souve~t dans le défaut de jeu de mots en chaire. Prêchant en 1514 dans l'assemblée des trois Etats du royaume:"Vous venez, dit-il, d'adorer et d'Odorer, de· mirer

---(1) Tallement Des Réaux, (2) Cité par Coste,

"Historiettes", t.VI, p.49.

(21)

et d'admirer"; et, plus loin, il les met en garde contre un

mal

~perçant, présent, pressant et oppressant." (1)

Il va jus-qu'à dire dans une de ses hom'l1es: t'Qu'eussent dit nos pères de voir passer

les

otf-1ees judicateurs

à

des femmes

et

à.

des enfants au berceau? Que reste-t-il plus, sinon comme cet em-pereur ancien, d'admettre des chevaux au sênat? Et

pourquoi

non, puisque tant d'ânes y sont entrés?" (2)

Et dans le même goût 11 disait qU'après leur mort, les papes

de--venaient des pàpillons, les sires des cirons, et les rois des rOitelets.(3)

Bouhours affirme avoir entendu dans sa jeunesse, un prédicateur, qu1,cherchant pourquoi Jésus-Christ ressuscité avait apparu d'a-bord aux Maries, dit froidement que c'était paree que Dieu

vou-lait rendre public le mystère de la résurrection, et que les fem-mes sachant les premières une chose si importante, la nouvelle

en seroit bientôt répandue partout. (4)

---~--~--~~~---~~-~--~~~---~~--~----~-~---~~-~-~~ (1) Migne, O. P., col. 36. (2) Ibid. , (3) Ibid. , col. 11. col. 11.

(4) BOuhours, (le père Dominique), "La manière de bien penser dans les ouvrages de l'esprit,dialogues." Premier Dialogue, p. 59.

(22)

Dans son livre, "Réflexion sur l'usage de l'éloquence de ce temps," le Père Rapin tait allusion

à

oe genre d'éloquence quand 11 écrit: "Nous avons vu depuis peu ~es prédicateurs de cette manière: On se parait

pour

aller au Sermon, comme pour aller au bal: tout le beau monde s'y trouvait: on y débitait une Morale galante d'un air tort coquet: et l'on ne remportait de ces Sermons agréables, ~que la dissipation d'esprit, qu'est-ce qu'il y a de plus opposé à la dévotion." (1)

----~--~----~---~-~----~---~----~-~----~-~-~---~-(1) Rapin, (le père René), Op. Cit., sec.xx, p. 110.

(23)

-:- CON C LUS l 0

N-:-Tels étaient les défauts principaux qui déshonoraient la chaire chrétienne pendant le seizième siècle et dans la première moitié du dix-septième. J'ai cité

à

dessein les prédicateurs du temps les plus en vogue: Pierre de Besse qui avait le titre de prédicateur ordinaire du prince dè Condé: Pierre Coton, confesseur de Henri IV;

Gaspard Ségu1ran, oonfesseur de Louis Xlll; et André Valadier, se faisaient entendre

à

la cour. Jean-Pierre Camus, évêque de Belley, monta dans les chaires les plus importantes du royaume, et partout 11 obtint un grand succès. André de Boulanger, dit le père André,

provincial des Augustins, attirait à ses sermons toute la haute société de Paris. (1)

Pour conclure ce chapitre, j'emprunte à Charles Lahitte son appré-ciation du fameux. livre de Jean Boucher, "De Justa Henric1 terti1 abdicatione:" Au sujet de l'éloquence sacrée c'est, selon ltusage du temps, un mélange de bouffonneries grossières, de quolibets ri-dicules, de subtil1t's scolastiques, de violences d'école, d'apos-trophes de oarrefour, d'arguties de légiste, indigeste érudition biblique, de pédantisme profane, de haines passlonées, de débris de théocratie papale et de je ne sais quel pressentiment grossier des doctrines révolutionnaires; et au milieu de tout oela, entre une fable ridicule et un syllogisme, entre une calomnie impudente et un texte de juriste, quelques idées sérieuses, une passion

~--~---~---~~---

(24)

quelquetois éloquente, une logique serrée, un inoontestable ta-lent de polémiste. La marche est vive, les raisonnements serrés, les chapitres courts, l'ensemble adroit et frappant. Tout le sei-zième siècle semble s'être déversé là pêle-mile, et le livre de Boucher est une date." (l)

Il fallait donc une réforme

à

la prédication. La décadence tenait

à deux causes: la perversion du sens littéraire e~ celle du sens moral." C.' est donc, écrit Jaoquinet, à la condition d'un double travail, en quelque sorte, d'un double progrès intellectuel et moral, littéraire et religieux, que la réforme de l'éloquence

sacrée pouvait enfin s'accomplir à la fin du XVlle siècle. Cette réforme exigeait sans doute un degré de plus de politesse et d'art, un sentiment nouveau de bienséances, une culture plUS oomplète de l'esprit; mais surtout elle devait naître du réveil salutaire des consoiences, de l'ébranlement religieux des coeurs; elle n'était possible que par la renaissance des antiques vertus sacerdotales et des oeuvres apostoliques, au sein de l'Eglise; elle ne pouvait grandir que par les progrès mêmes de l'esprit de sacrifice et

d'amour, source unique de vie et de puissance pour la chaire."(2)

---~---~---

..

_--

..

_--_

..

---

.... --,..---~--_

..

_---

---(1) Labitte (Charles), "Les Prédicateurs de la L1gue." p.97.

(25)

LA PREDICATION TELLE Q,UE SAINT-VINC'ENT-PAUL LA VOULAIT.

Vincent-de-Paul soufrrait de voir la prédication de son temps engagée dans une voie qui la rendait stérile.

Il constatait lui-même avec douleur qu'à Paris,"avec leur façon recherchée, leur grand apparat, leur vaine pompe d'éloquence, les prédicateurs des avents et des carêmes, ne convertissaient

per-p ) "

sonne.

(1

Leurs paroles, disait-il, passent par-dessus les mai-sons, ne font qu'effleurer, ne touchant que le supperficiel. Un

, Il If

peu de bruit, et voula t~ut. (2) Se pavaner ainsi dans ses beaux discours, c'est commettre un sacrilège, oui, un sacrilège.

Saint-Vincent dénonce le mal aussi souvent qU'il en trouve 1'00-oasion, dans ses conversations, dans ses lettres, dans ses

oonfé-,t

rences. (3)

Avant tout, la charité, la charité. Le grand patron de la charité recommandait à ses prêtres de ne jamais adressèr de reproches di-rects du haut de la chaire. A ceux qui professent une religion différente, il vaut mieux ne rien dire qui soit de nature à

frois-ser leur amour-propre. Si l'on veut les convertir, ce n'est pas le moyen d'arriver à ses fins. A ses prêtres, il écrit: "S1

l'occa-sion d'instruire quelqu'un se présente, qutils le fassent décem-ment et humbledécem-ment, montrant que ce qU'on leur dit vient des

---{I} V1ncent-de-Paul,{saint), f1Correspondances,Entret1ens,Doeuments~

t.XI, p.270. (2) Ibid.,

{3} Ibid.,

t.XI, p.280-281. t.XI, p. 85.

(26)

entrailles de oompassion et de charité et non d'indignation.

Surtou~Jqu'il ne donne jamais aucun défi aux ministres, ni à qui

,\

que oe soit, pour quelque ocoasion que ce soit, (1) ~t enoore. "Qu'on ne défie point les ministres en chaire, qu'on ne dise point qu'ils ne sauraient montrer aucun passage de leurs articles de

foi, dans la Sainte-Ecriture, si oe ntest rarement, et dans l'es-prit d'humilité et de compassion." (2)

Et ce n'est pas seulement en chaire mais en dehors de la chaire qu'il veut voir ses prêtres animés par la ehar1té. A l'un des siens qui voulait se mêler d'un procès entre

un

catholique et un huguenot, il écrit: " Je réponds que cette oppression ne

se-ra pas sans quelque sujet, et qu'elle se tese-ra, ou pour quelque chose que le oatholique devra au huguenot, ou pour quelque

in-jure ou quelque dommage qu'il lui aurait tait. Or, l'un de ces cas pesé, n'est-il pas juste que le huguenot en demande raison en justioe? Le catholique est-il moins justifiable pour être oatholique?" (3)

En somme dit tort bien saint-Vincent-de-Paul, "Jamais l'aigreur n'a servi qu~à aigrir." (4)

---~---~---~-~---~---~--~~~-~~~~~-~~~-~~~--(1) Vincent-de-Paul,(saint), (2.1' Ibid. (3) Ibid. (4) Abelly, "Lettres", p. 64-65. "Correspondances ,Entretiens, Documents", t.l, p.295. "Lettres"

,

p.146.

"La Vie du Serviteur de Dieu

Vlncent-de-Faul",t.lll,~ha~.Xll,

(27)

Et la raison derntout cela, c'est 1 t orgueil: "La superbe de la

vie: vouloir réussir partout, choisir des mots nouveaux,vouloir éclater dans les cha1res. dans les entretiens des ord1nat1ons,dans les cathéehismes; et pourquoi cela? Et que cherche-t-on en cela?

Le voulez-vous savoir, mes frères? Soi-même. On veut faire parler

de soi, on oherche à être loué, on désirerait qu'on dise que nous

.'

réussissons bien, que nous faisons merveille, que l'on exalte.

Voilà le point, voilà oe monstre, voilà ce magot. 0 misère hùmaln8,

ô .. maudite superbe, que tu causes de maux! ft (1)

_._._._._._._._._.~._._._.­

.

.

. . . .

.

.

.

,

.

.

.

Saint-Vincent nous donne dans ses lettres, une idée de la prédica-tion qu'il préconise.

La simplicité est une des qualités principale du prédicateur. Sim-plicité de fond d'abord. Il faut s'ajuster à la capacité et à la portée de l'auditoire:" Far suite, laisser de côté les sujets trop relevés et recourir aux comparaisons familières, pour expliquer les v'rités évangéliques. (2)

S1mpliolté de forme. Pa,s de "Prédioations Peignées", pas de "Style

enflê",' pas de "Brodures". (3) eelu1 qui vise à bien tirer ses paroles, bien agencer les périodes, exprl~er d'une façon peu com-mune la faallité de ses oonoeptions, quel fruit recueille-t-il? L'amour de la piété? Le regret-du péché? Pas du tout. (4)

~---~-~---~-~-~--~---~-~--~----~-~-~---~--~~-~--~--~-(1) Vlncent-de-Paul,(saint), "Correspondances,Entret1ens,Documents~ t.XIl, p.22. ( 2) Ibid. Ibid. t.Xl, p.258. (3) Ibid. Ibid. t.Xll, p.2'11. ( 4) Ibid. Ibid. t.Xlll,p.175.

(28)

Mais on dit: "vraiment cet homme débite bien, il est éloquent,il a de belles pensées, il stexprime agréablement."Vollà tout ce

qu'il cherchait, et tout ce qu'il obtient, et encore ltobtient-il toujours? La simplicité de torme ne se confond pas avec le laisser-aller; elle stallie fort bien avec une certaine dignité. Celui qui tient un langage corrompu et trop bas; n'est pas simple,

Il

il est trivial. (1)

Enfin simplicité de ton: "Eviter le ton élevé, le ton de déclama-tion qui passe bien haut par-dessus ltauditoire." (2)

-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:~

Le prédicateur ne doit pas oublier qu'il parle pour persuader; se faire comprendre ne -suffit -donc pas. Vincent-de-Paul a étudiê

l'art de persuader et 11 en a posé les règles avec un sens

psyeho-l

logique digne des psychOlogues les plus avisés.

Veut-on persuader à quelqu'un de prendre une décision, que fait-on? On lui énumère les avantages de ce qu'on lui propose, on lui expli-que en quoi cela cons1s~e, on lui met sous les yeux les moyens d'a~

bout1r. Et le saint nous donne un exemple pour montrer comment on s'y prend pour persuader.

----~-~~~---~~---~-~---~--~--~~---~

(1) Vincent-de-Paul,(saint), "Correspondances,Entret1ens, Documents", p.274.

(29)

Voilà un perS'Onnage que 1'" on juge digne de remplir les fonetions de premier président. Il s'agit de le déterminer

à

désirer cette place et

à

faire les démarches nécessaires pour l'obtenir. Comment s'y prendre? On lui représentera tout d'abord, l'honneur attaché

à cette dignité. Le profit qU'il en peut tirer.

"Un

président,Mon-sieur, c'est le premier de la ville; tout le monde lui cède le de-vant et le haut"Q.u pavé; il n'y a personne qui ne l'honore; sëin

autorité lui donne un grand crédit dans le monde; dans la justice, il peut tout. 0 Monsieur! Un président! Il ne le cède pas

à

un

évêque; lès souverains mêmes leur dèrèrent et les ont à grand hon-neur.Unprésident! I l peut obliger, fai~e plaisir à qui bon lui

semble, s'acquérir un bon nombre d'amis, se faire considérer par-tout. Oh! Oh! Monsieur, un président! o'est quelque chose de

\\

grand 1 (I)

On expose en détail, tout ce qui, dans ce poste élevé, peut flat-ter l'ambition, favoriser l'intérêt, donner du bonheur.

Maintenant, une question se pose dans l'esprit de celui qui écoute; quelles sont le~ occupations du président? En quoi consiste son

office? Monsieur, vous êtes officier de la justice, de ce grand et honorable corps; vous en êtes le chef, vous distribuez les af-faires; c'est vous qui colligez les voix des autres et qui pronon-cez le jugement,"

---~---~-~----~---~-~---~--~-~

---(I) Vincent-de-Paul,(saint), "Correspondances,Entretlens,Documents~

(30)

Et "voilà notre homme tout disposé

à

devenir président. On a fait miroiter à ses yeux une situation magnifique; on a éveillé ohez

lui le désir de l'obtenir. Mais du désir

à

la réalité 11 y a loin. "Il aurait raison de se tâcher et de se plaindre de ce conseiller impertinent qui serait venu lui donner l'envie de cette charge sans lui dire les moyens de l'obtenir." Proposer les moyens et les

pro--,

poser avec toutes les précisions utiles, telle est, en effet, la troisième étape dans toute tentative de persuasion: "Monsieur, vous avez tant de revenu de côté-là, tant d'argent de l'autre; de

vous prendrez cette somme et d'ici cette autre; au reste, je con-nais

M.Un

tel qui

a

cette charge

à

vendre; encore M. Un tel autre qui est mon intime e't aussi mon ami. Je terai qu f 11 tra1 tera avec

lu1. Nous en aurons bon compte; nous ferons ceoi et cela; nous ob-tiendrons ceci et cela."

Et maintenant, le rôle du conseiller est tini. Celui auquel 11

s'est adressé a tàit sien le projet proposé et tient en mains tous les moyens de le réaliser; à lui d'agir et il agira.

Mot1~s, nature, moyens, le tout exposé simplement, en cela

consis-te ce que saint-Vincent-de-Paul appelle "la petite mé~hode", mé-thode que lui et ses missionnaires avaient si heureusement expéri-mentée dans leurs missions.

Un de ses prêtres, M. Portail, qui fut présent à la plupart des assemblées où il prêchait, y avait pris des notes et les avait

c~mplèter et mises en ordre, il composa ainsi, en un gros volume in-folio, une méthode pour bien prêcher. Ce manuscrit parut trop

(31)

d1ttus et trop long.

M.

Almeras, second supérieur de la Compa-gnie et successeur de saint-Vincent, en tira un petit traité de moins de dix pages, dont voici la substance. (1)

Le sermon comprend trois parties: l'Exorde, le Corps du discours, et ltEpilogue ou Péroraison.

L'Exorde

contient quatre pQintà:

le Texte,

la Proposition

du sujet,

la Division et l'Invooation.

1) Le Texte

doit

être, 1° tiré de

l'Ecriture Sainte,

court,

30 clair et sans équivoque ou obsourité, 40 rappelé plusieurs

tois dans le cours du sermon.

2)

La

Proposition du sujet se fait ordinairement en exposant les

raisons que nous avons de parler de tel sujet, "ce qui doit se faire fort courtement. tt

3) La division contient quasi toujours trois points, selon notre méthode, et quelquefois deux seulemen~.

Les trois points seront d'ordinaire: 10 Les motifs, 20 la défini-tion, 30 les moyens d'acquérir la chose dont on va parler, avec la

réponse aux objections. Sur ces divers pointa, il taut remarquer qu'on doit diversifier les mots ou la façon de les proposer.

----~~--~---~---~---~~-~-~--~-~---~--~--~ (1) "Sermons de saint-Vincent -de-Paul, de ses

coopérateurs et suocesseurs immédiats pour les missions des campagnes."

p.e

et suive

(32)

Dana la seconde partie, on reprend en les développant chacun

j

des points annoncés dans la division,

à

savoir: Les motifs, la détinition, les M01ena avec la réponse aux objections, et l'In-vocation qui termine ltexorde, mais ensuite on doit entrer dans les motifs sans autre préambule, ce qui ne servirait qu'à pro-longer inutilement le discours.

LES MOTIFS. - Ils se-~c't1rent ou du bien honnête, utile ou délec-table; ou de leurs contraires,

à

savoir: du d6shonnête, de

l'in-time, du dommageable ou du tâcheux;

à

ces chets se rapportent le nécessaire ou le facile, avec leurs contraires.

Ces motifs se prouvent par l'autorité, ou par la raison, et sont expliqués par des exemples.

1) PAR L'AUTORITE, de l'Ecriture Sainte, des conciles, de la tradition, des Pères, surtout des plus anciens, quelquefois aussi, mais rarement, des auteurs profanes.

2) PAR LA RAISON, qU'on tirera de la nature de la chose, ou de ses propriétés, ou de ses effets, ou de ses circonstances. 3) PAR LES EXH:MPLES, qui seront beaux, authentiques, bien

choi-sis et propres

à

ceux

à

qui l'on parle.

LA DEFINITION. 10 Il est bon quelquefois de d1re ce que n'est

pas, avant de dire ce qu'est la chose dont on parle.

2° Il ntest pas nécessaire que la définition soit taite avec la rigueur de l'école, 11 suffit dtune belle des-cript1on.

Ce point n'est pas si sec qU'on pourrait le

(33)

toute nue; mais on doit outre oela,d'abord proposer les principales divisions de la chose dont on parle, surtout si elles

sont

néces-saires pour la taire bien entendre; ensuite expliquer les mots et les principales parties; et enfin, y mêler des mot1fs qui soient ~lus intrinsèques

à

la chose.

LES MOYENS. - 1° Montrer que les moyens proposés sont véritable-ment des moyens qui nous peuvent conduire à la chose dont il est

question.

2° Donner les plus généraux les premiers, d1stin-guer les moyens en moyens de considération, et moyens de pratique.

Il est bon d'entremêler son exposé de quelques histoires qui tassent voir le bonheur ou le malheur provenant de la chose dont nous parlons; mais il est à propos qu'elles vien-nent bien au sujet qu'on traite, qu'elles soient bien morales, tirées de bons auteurs, et pas trop longues.

LES OBJECTIONS.~lo Elles ne doivent pas être présentées avec plus

de toree que ladoctrlne elle-même.

20 On peut donner plusieurs réponses

à

la même

difficulté.

La troisième partie, ou la Péroraison, consiste dans une récapitu-lation de ce qui a été dit et dans une oourte conclusion.

(34)

-:- DE LA PRONONCIATION

-:-10 Tout le discours doit être prononcé dtun ton naturel et fa-milier, avec les intlexions de voix convenables, évitant la monotonie, aussi bien que ce qui ressent le chant et la

dé-clamation; les meilleures choses du monde ne faisant point

pour lors d'impression quand elles sont prononcées de cette sorte.

2P

On ne doit pas non plus parler plus haut que l'auditoire et le vaisseau ne le requièrent; crier trop haut ne nuit pas seulement

à

la poitrine du prédicateur, mais encore blesse l'oreille des auditeurs.

3° Il

faut

parler distinctement et posément, s'arrêter et res-pirer à loisir à la tin des périodes, et encore plus à la tin de chaque subdivision.

On doit éviter soigneusement la longueur qui ne fait qU'ennuyer et charger la tête du pauvre peuple, lequel, étant fatiguê sur la tin du discours, profite moins de tout ce qui a été dit aupara-vant; on ne doit parler que trois quarts d'heure environ, les

jours ouvriers, quoiqu'on puisse, les fêtes et dimanches, aller

jusqu'à

l'heure, on ne doit jamais

pourtant

dépasser l'heure.

-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-Nous possédons encore une partie des entretiens de saint-Vinoent-de-Paul aux prêtres de la Mission et aux Filles de la Charité.

(35)

Tous ses

sermons,

toutes ses oonférences sont des applications de la petite méthode qU'il préconisait. Il est toujours simple,

souvent émouvant, parfois même éloquent.

T~e saint homme,dit Jacquinet, n'avait ni le profond savoir, ni les hautes oonceptions, ni la politesse noble et aisée de son

ami ( le Cardinal Pierre de Bérulle). Son naft langage était un peu agreste, comme sa personne. Toute sa science., disait-il

lui-même, et tout son art se bornait à répéter bonnement

à

ses semblables, les maximes de Jésus-Christ. Mais avec quelle dou-ceur il savait en faire l'application aux besoin et aux souffran-ces de leurs âmes! Prudent autant que zélé, d'une charité infi-nie, éclairée par un ter.me discernement dû

à

une protonde con-naissance des hommes; austère et misérioordi eux , simple et ha-bile, vrai apôtre, quelle parole était plus propre que la sienne

à

décrier ~e8 froides élégances ou les misérables jovialités des prédicateurs à la mode, et à ranimer dans l'Eglise, et dans le monde, le goût perdu du vrai langage chrétien? Exemple d'autant

plus frappant de simplicité évangélique, et d'autant plus conta-gieux, que souvent, par un involontaire élan de douleur et de tendresse, à la vue de certaines misères, l'humble orateur

sté-levait tout

à

ooup au sublime du pathétique, et communiquait ir-résistiblement à tous les coeurs, Itémot1on dont le sien était

rempli! On sait quelles larmes coulèrent autour de lui, et quelle oeuvre sainte s'acaomplit d'enthousiasme, le jour où prêchant

(36)

pour ces petits enfants sans mère,

qu'une

charité trop lente

hési-tait

à

sauver par un dernier blèntait, il stécrie au terme de son

discours:

"Or sus, Mesdames, la compassion et la oharité vous ont

fait adopter ces petites créatures pour vos enfants; vous avez été leur

mères

selon la grâce, depuis que leurs mères selon la nature

les ont abandonnés. Cessez d'être leurs mère~,pour devenir à

pré-sent leurs juges; leur vie et leur mort sont entre vos mains; je m'en vais prendre les voix et les suffrages; il est temps de

pro-nonoer leur arrêt j- et de savoir si vous ne voulez plus avoir de miséricorde pour eux. Ils vivront si vous continuez d'en prendre un charitable soin; et au contraire, ils mourront et périront

in-failliblement, si vous les abandonnez; l'expérience ne vous per-met pas d'en douter." (1)

En laissant parler son coeur, saint-Vincent avait trouvé sans s'en douter, les-accents de la véritable éloquence. Ce ne tut pas la seule fois. Ecout'ons ce qu'il di sai t à ses apôtres au sujet de

M. Bourdoise, missionnaire à Madagascar:-"M. Bourdoise, mes frères, qui est si loin et si seul, et qui, comme vous avez su, a engendré

à Jésus-Christ, avec tant de peine et de soin, grand nombre de ces gens du pavs où il est, prions aussi pour lui. M. Bourdoise, êtes-vous encore en vie, ou non? Si êtes-vous ltêtes, plaise à Dieu vous

vouloir conserver la vie! Si vous êtes au ciel, priez pour nous~(2 )

~---~---~~---~-~---~-~~~~~~---~~-~~--~-~---~~---(1) Jacquinet, Op.Cit., p.128.

(2) Vincent-de-P.,(saint),"Correspondanees, Entretiens,Documents.~

(37)

"Un tel passage, écr1t l'abbé Brémond, ne devrait-il pas nous être familier à tous, et dès nos années de collèse? N'est-il pas digne d'être comparé aux trois merveilles du genre: David,

pleurant Jonathas: "Montes Galboe"; Virgile: "heu si ~ua fata"; et saint-Bernard, dans l'oraison tunèbre de son frère?" (1)

Ecoutons ce qu'en dit Mg~. Freppel, dans son discours sur l'quence sacrée:" Ainsi, Messieurs, nous sommes en face d'une élo-quence toute simple, sans art ni calcul, et qui nten a pas moins de force, parce qu'elle emprunte au sentiment le plus vit, le

plus intime,à"" l'amour de Dieu et à l'humanité, à oe double amour transfiguré par la grâce et s'élevant par elle jusqu'au sublime du dévouement qui enlève. En un mot, o'est un apôtre qui est de-vant

nous ••••

Or, Vincent-de-Paul me parait avoir été un type ache-vé de cette éloquence populaire qui sait se faire toute

à

tous, et

qui selon "l'expressi~n de La Bruyère, sait expliquer la doctrine uniment et familièrement.~~!1ever l'intelligence du peuple à la

hauteur du dogme, enflammer "son coeur de l'amour du bien, o'est beaucoup; mais grouper autour de la chaire toutès les infirmités humaines, faire défiler sous les yeux des riches, les heureux de la terre, ce long cortège de màux qui accompagnent l'humanité dans sa marche a

,

travers les siècles, faire parler tour

à

----~~----~~---~---~--~~-~-~~--~-~~---~---~----~----Cl)

Brémond, "Histoire littéraire du sentiment reli-gieux en France."

(38)

tour la détresse des uns, les souffrances des autres, le malheur de tous, ramasser tous ces gémissements divers, pour en faire com-me un imcom-mense cr1 de douleur qui va peroer le coeur da ceux qui en

ont encore, et qui arrache des larmes à ceux-là mêmes qui n'en a-vaient plus ou qui croyaient ne plUS en avoir; mettre ainsi le

pauvre en scène avec ses. ango1sses._.dè tous les moments, ses cruel-,

les perspectives de l'avenir, montrer à sa droite la charité qui se dévoue, à sa gauche l'égoisme qui ~erme sur lui son coeur et

sa main, ouvrir à l'une toutes les sources de la miséricorde, fai-re briller au-dessus de l'autfai-re le glaive du châtiment; tifai-rer de son propre coeur tout ce qu'il y a de foree et d'amour pour ré-veiller la pitié, pour exciter la générosité, pour enflammer le dévouement; et après avoir prié, sollicité, conjuré au nom de Dieu et de ses lois, du pauvre et de ses souffrances, jeter aux

pieds du malheureux, comme aux pieds d'un frère, d'un membre de Jésus-Christ, tout un auditoire ému, a~tendrl, subjugué: voilà, Messieurs, le plUS bel usage que l'homme puisse faire de sa pa-role: ce plaidoyer-là, c'est la plus grande scène d'éloquence

qU'il soit donné

à

l'humanité de contempler ici-bas, c'est l'a-pogée, c'est le triomphe de l'éloquence sacrée ••••••••••••••••• Après cela, Messieurs, ai-je besoin de dire que saint-Vincent-de-Jaul lui aussi, a été par excellence l'orateur du pauvre; que nul mieux que lui, n'a su, en plaidant la cause de la misère,

(39)

soit qutil parle en public, dès qutil s'agit des pauvres, son

ton s'anime, son coeur vient de lui-même se placer sur ses lèvres, il a des larmes dans la vo1x. 11 persuade, il entraine, il est

éloquent, paree qu'il aime comme on a ·rarement â1~~~ ••.•••••••••• "La guerre traine en longueur, le peuple est en souffrance: il

suffit. Vinoent-da-Baul se jette aux pieds de Richelieu: "Monsei-gneur, donnez-nous la paix, ayez pitié de nous, donnez la paix à la France," et ltinflexible cardinal est attendri jusqu'aux

larmes. La Fronde éclate, la cour se retire

à

Saint-Germain, elle songe

à

affamer Paris: Vincent-de-Paul éploré court vers la reine, lui arrache ce projet insensé. De là, il vole vers Mazarin, le

supplie de se jeter à la mer pour calmer la tempête; et le cardi-nal, un instant ébranlé, lui répond: "Eh bien, mon Père, je m'en irai, si M. Le Tellier est de votre avis." ••••• Il veut ·tonder la Salpêtrière, un des chets-d'oeuvre de 80n génie; Anne d'Autriche

lui annonce qu'elle n'a plus rien

à

lui donner. "Et vos diamanta, Madame, en a-t-on besoin, quand on est reine?" A ce mot les

dia-mants tombent dans sa main. Tel était l'ascendant de sa parole, qu'on ne lui résistait pas ou bien on tremblait de le faire: Quand le cardinal de Retz"était travaillé du mauvais génie de la

oonspira-tion, du plUS 101n qu'il apercevait Vincent-de-Paul, il se cachait de lui, comme un ange qui venait de traverser toutes ses intrigues. On répète avec transport les trois ou quatre mots sublimes qutun

(40)

homme de génie trouve dans sa vie; mais concevez-vous un orl plus éloquent que celui de Vincent-de-Paul, accourant indigné vers un homme qui mutilait un enfant trouvé, pour lui dire: "Aht malheu-reux, tu m'as trompé; de loin, je t'avais pris pour un homme.'l) On pourrait multiplier les exemples. Les plus belles pages de saint-Vincent sont celles qui oontiennent ses exhortations au zèle et à l'esprit de sacrifice. Chaque fois qu'il lui arrive de traiter ce sujet, il s'anime, 11 s'enflamme, et l'éloquence jail-lit comme d'une source abondante. Un homme de cette trempe de-vait fatalement exercér sur ses contemporains, une protonde in-fluence, et agir, par conséquent, sur l'expression de leurs idées et sur leurs discours.

---~---~---~--~-~---~---~---~~---(1) Freppel, (Mgr. ) , Op.Cit. t.l, p.167 et suive

(41)

-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-LES ORDINANIS ET US SEMINAIRES.

Dans ltacte par lequel Mgr. Jean-François de Gondi, archevêque de Paris, autorisait Vincent-de-Paul

à

stétablir à Saint-Lazare

sous certaines conditions, on a remarqué celle-c1: "Nous voulons, enfin, qu'aux Quatre-temps de l'année, et sans préjudice des mis-sions, maitre Vincent-de-Paul et ses disciples reQoivent les ordi-nands du diocèse de Paris envoyés par nous, et qU'ils les

entre-tiennent gratuitement pendant quinze jours, pour leur donner les exercices spirituels." (1)

Ce n'est cependant pas à Paris que se tirent les premiers exer-cices d'ordinands. Mgr. Po1tier, évêque de Beauvais, demanda à

Vincent-da-Paul de venir dans son diocèse préparer les ordinations de ses sujets. Le succ~s

tut

admirable. Ce qui avait si bien réus-s1 à Beauvais, pourquoi ne l'essayerait-on pas à Paris? Mgr. de Beauvais en parla

à

l'archevêque, Mgr. de Gondi, et celui-ci or-donna par un mandement du 21 février 1631, que tous les aspirants aux saints ordres dans son d10cèse seraient obligés de s'y

prépa-rer par une retraite de dix jours.

De 1631

à

1642, 11 1 eut ainsi chaque année, six retraites d'or-dinations, tantôt au collège des Bons-Enfants, tantôt à Sa1nt-Lazare. En 1643, l'ordination de la mi-carême tut supprimée; le. conseil épiscopal estimait qu'en espaçant davantage les ordina-tions, il serait plus facile de préparer les clercs. Le nombre

---~-~---~----~---~--~~---~~~~-~--~--~-~-~~--~---(1) Cité par Bougaud, "H1stoire de saint-Vincent-de-Paul."

(42)

des ordinands osc1llait chaque fois entre quatre-vingt et cent.

Ils

étaient logés, nourris et entretenus gratuitement onze jours durant.

Les retraites des ordinands attirèrent à Saint-Lazare des hommes célèbres

à

divers titres. On y vit Noel Brulart, ancien ambassa-deur, Jean-Jacques Olier, tutur fondateur de Sa1nt'-Sl11p1ce; l'ab-bé de Rancé, réformateur de la Trappe; Bossuet, dont l'éloquenoe

jeta un s1 vit éclat sur la chaire chrétienne; l'abbé Fleury, l'un des grands historiens de l'Eglise. (1)

On 1 vit aussi Jean-François de Gondi, plus tard cardinal de Retz. Ce dernier nous a raconté lui-même avec un cynisme déconcertant, ce que

tut

sa retraite: "Comme J'étais obligé de prendre les or-dres, écr1t~il, je fis une retraite à Saint-Lazare, où Je donnai à l'extérieur toutes les apparences ordinaires ••••• Je pria après six jours de réflexion, le parti de faire le mal par dessein, ce qui est sans comparaison, le plus criminel devant Dieu, mais ce qui est san_s doute, le plus sage devant les hommes; et parce que, en le faisant ainsi, l'on y met toujours des préalables qui en couvrent une partie; et paree que l'on évite, par ce moyen, le plus dangereux ridicule qui se puisse rencontrer dans notre pro-fession, qui est celui de mêler à contretemps, le péohé dans la déTotion. Voilà la sainte disposition avec laquelle Je sortis de Saint-Lazare. Elle ne fut pourtant pas de tout point, mauvaise;

(43)

car je pris la fer.me résolution de remplir exactement tous les devoirs de ma profession, et d'être

aussi

homme de bien pour le

salut des autres que je pourrais être méchant pour mOi-même."(l) Vinoent-de-Paul apportait un soin tout partioulier au choix des

prédicateurs de ces retraites d'ordination. Il lui en tallait deux pour chaque retraite; un pour les entretiens du matin et un pour les entretiens du soir. Il stadressait à des prêtres de la

"Contérenoe~ des mardis", ou à des évêques sortis de cette société; parfois même, à des membres de sa congrégation. Il invita ainsi:

1

Perroohel, évêque nommé de Boulogne; Sevin, évêque de Sarlat;

Caulet,

évêque

de

Pamiers; Laurent

Bouchet, futur curé de Nogent-le-Roi; Abelly, curé de Saint-Josse,

à

Paris, et plus tard,

évê-que de Rodez; Bossuet, évêque de Meaux; Ropille, grand vicaire dtAgen; HObier, dont Balzac loue la sagesse et le bon sens; André G1ugnard., principal du cOllège de Navarre; Charles Camus de

Ba1-gnolz, docteur de Sorbonne; Claude de Blamplgnon, abbé de

l'âu-mônej François Renar, direoteur des religieuses de Saint-Thomas,etc. Saint-Vincent leur demandait àv~nt tout ,de parler simplement et

sans recherohe des effets oratoires. ft La simp1ioité, disait-il,

édifie les ordinands;ils sten louent. et ne viennent chercher ici que

cela;

les vérités qU'on leur enseigne sont bien reçues SOUS

(44)

cet habit; elles sont plus efficaces avec oet ornement naturel."(I)

Le bon prédicateur doit être clair et pratique; il descend dans le détail de la vie ordinaire et n'a d'autres préoccupations que l'in-térêt des âmes. Il n'en arrive

qU'après &vo1r vaincu la v~nité,

qui le porterait à parler de"choses hautes et relevées".Ceux qui se laissent~entrainer à ae défaut, détruisent au lieu d'édifier. Si lton veut en avoir raison, il faut s'élever à Dieu pour recevoir de

Lui ses inspirations. "Dieu est une source inépuisable de sagesse,

de lumière et d'amour. C'est en Lui que nous devons puiser ce que nous disons aux autres; nous devons anéantir notre propre esprit et nos sentiments particuliers, pour donner lieu aux opérations de la .grâce, qui, seule, illumine et réchauffe les coeurs. Il faut

sortir de soi-même pour rentrer en Dieu; 11 faut le consulter pour apprendre son langage, et Le prier qutll parle Lui-même en nous et par nous; Il fera pour lors, son oeuvre, et nous ne gâte-rons rien." (2)

La retraite du mois de mars de l'année 1656, réussit particulière-ment bien; et l'on se convainquit sans peine que le succès était dû

à la fidélité avec laquelle Nicolas Savin, évêque de Sarlat, s'é-tait conformé au programme fixé,"sans ajouter de pensées curieu-ses, ni de mots nouveaux." (3)

---~--~---~----~--~-~~---~--~---~----~----(1) Abelly, (2) Ibid., "M.V1ncent",'t~II, chap.II,sec.III,p.222. Ibid. J p.228,229. (3) Vincent-de-Paul,(saint)"Corresponda.nces,Entretlens,Documenta", T.V, p.572.

(45)

Ce

rut

encore l'évêque de Sarlat qui prêcha avec un succès éga1, la retraite de juin 1658.

,

Apres un diseours, Saint-Vincent alla le trouver: - Monseigneur, vous m'avez eonverti aujourd'hui. - Comment cela, Monsieur?

- Vous avez parlé si bonnement et si simplement, lui dit Vincent-de-Paul, que j'en ai été touché et que je ne puis m'empêeher d'en louer Dieu.- Et l'évêque de répondre:

- "Mon langage pourrait être, 11 est vrai, plUS relevé, plUS poli, mais j'offenserais Dieu, si je ne m'exprimais simplement." (1)

Saint-Vincent tut parfois déçu ~ans son attente. Il parle dans une de ses lettres de prédicateurs "qui ont tout gâté pour ne

pas s'être réduits à la méthode et simplicité ordinaires, ni main-tenus dans les matières propres. "J'ai été obligé 'pendant une or-dination, ajoute-t-il, de me mettre deux fois aux pieds d'un prê-tre, pour le conjurer de ne s'égarer point dans ce beau chemin." Ce prêtre était un missionnai-re. Il resta sourd aux supplications

de son supérieur. Il n'était pas fait pour la Compagnie et préféra la qui tter. Ce'la nous montre quelle importance le Saint attribuai t

à la simplicité dans la prédlcation.(2)

Les prédicateurs recevaient d'avance un reeueil manuscrit intitulé "Entretiens des Ordinands, ft avec prière de s' y confo.rm.er en ce

qui regardait le sujet, l'ordre et le plan des prédications,

---~---~----~~~-~--~---~--~-~---~--~~-~---(1) Vincent-de-Paul, (saint) ,"Correspondanees, Entretiens ,Documen.ts" ,

T.XII, p.23

(46)

ou des leçons. Pour la composition de ces "Entretiens", V1ncent-de-Paul s'était associé, vers 1631, 011er, Perroche!, Pavillon et quelques a~tres; de tels noms montrent assez la valeur de l'ouvrage.

"On a compo sé ces "Entretiens", di t-i1, •.•• et l'on trOU'\fe. qu t Ils

suffisent. On ne s'est jamais servi d'autres matièresV (1.)

En 1643, 11 écrivait: "chacun reconnaît ici que le bien qui se voit aujourd'hui à Baris vient principalement de là." (2)

Le succès des retral~es de Par1s,porta graduellement u~ bon nombre

,

.

dt évêques de province à les intro .. qu1re dans leur diocèse. Le car-dinal Richelieu y obligea se~ ~jets du diooèse de Luçon; les

évêques de Troyes, de Saint~sJ de'Cahors, du Mans, d'Agen, firent

donner la retraite par les missionnaires fixés dans' leur ville épisoopale. La mëme clause se trouve dans les contrat.s passés entre les fondateurs ou le. bienfaiteurs et la Congrégation de

la Misaion po~ les maisons de Crécy, au diocèse de Meaux (1641), et de la Rose, au diocèse d'Agen (1643). (3)

En 1643, saint-Vincent à la demande des évêques, envoya quelques

uns de ses prêtres pour donner les mêmes exercices

à

Reims, à

Noyon, et

à

AngOUlême. Ce tut partant avec un égal succès, Ltévê-que d'Angoulême, pour être plus sûr de

retrouver

des prédicateurs les années suivantes, résolut de fonder un établissement de mission-naires dans son diooèse.

----~---~-~---~----~---~-~~~---~--~~~~~-~~~~-~-~---~~~~~~~---~

(1) Vincent-de-Pau1,(sa1nt) ,"Correspondances,Entretiens,Doc uments~

t.llI, p.258.

(z) Ibid.,

(3) Cité par Coste,

Ibid. ,

Op.Cit.,

t.l!l, p.361. t.l!, p.349.

(47)

En 1644, tandis que deux missionnaires allaient rendre le même

service aux ordinands de Chartres, d'autres répondaient

à

l'appel de ltévêque de Saintes. "Nos ordinands, écrivait ce dernier, vont avec une merveilleuse bénédiction, et il y a maintenant autant de

presse pour être reçu

à

ces exercices, qutil '1 avait ci-devant de difficulté dans les partiouliers, pour les y faire entrer."(l)

De France, l'usage des retraites. d'ordinands se répandit en Savoie et en Italie. Par mandement du 8 septembre 1641, Juste Guérin,

évêque de Genève, règla que tous ses ordinands iraient passer chez les missionnaires d'Annecy, les dix jours qui précédaient leur ordination.

Le cardinal Durazzo, archevêque

qe

Gênes,

tut

un des premiers prélats de la peninsule dtltalie, à comprendre l'importance de

cette pratique, Il avait l'avantage de possèder dans ~a ville épis_ copale, un établissement de missibnn81res.~

A Rome, les retraites d'ordinands commencèrent en 1642, à la suite d'une fondation dûs à la générosité de la duchesse d'Aiguillon.

Les clercs qui avaient la dévotion de se préparer aux saints ordres se réunissaient dans la maison des missionnaires.

Pour étendre cet usage, dont p.lus que personne, 11 appréciait l'excellence, le Pape Alexandre Vll demanda au oardinal-vioaire d'imposer à tous les c~ercs qu~ recevraient les ordres sacrés

à

Rome, de s'y préparer par une retraite de dix jours, dans la maison

(1) Vincent-de-Paul,(salnt),"Correspondances,Entretiens,Documents,"

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