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Vers l'égalité de fait entre les hommes et les femmes ? Des avancées certaines qui restent à consolider et à approfondir

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Vers l'égalité de fait entre les hommes et les femmes ? Des

avancées certaines qui restent à consolider et à approfondir

Roland Pfefferkorn

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Pfefferkorn Roland. Vers l'égalité de fait entre les hommes et les femmes ? Des avancées certaines qui restent à consolider et à approfondir. In: Santé, Société et Solidarité, n°1, 2008. De l’égalité de droit à l’égalité de fait : Françaises et Québécoises entre législation et réalité. pp. 5-11.

http://www.persee.fr/doc/oss_1634-8176_2008_num_7_1_1244

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epuis quelques décennies les trans-formations intervenues dans les rapports entre hommes et femmes ont été considérables. Il suffit de comparer la situation des femmes d’aujour-d’hui, quel que soit leur âge, avec celle de leurs homologues de la fin des années 50 pour mesurer le chemin parcouru. Les avancées effectives en termes de maîtrise de la fécon-dité, de droit de disposer de leur corps, de développement de la scolarisation ou d’accès à un emploi ont contribué à changer la place des femmes dans la plupart des sociétés et à accroître leur autonomie. Même si nous sommes toujours loin de l’égalité de fait entre hommes et femmes, même si la marche en avant est d’ampleur très variable selon les régions ou les milieux sociaux, et même si les freins, voire les vents contraires, ne man-quent pas de se manifester, la progression dans cette direction est indéniable, notam-ment au sein des sociétés européennes et nord-américaines (Bihr, Pfefferkorn, 2002 ; Trat et al., 2006). Dans une perspective com-parative, ce numéro est consacré à ce mou-vement vers l’égalité des sexes en France et au Québec.

Une longue marche vers l’égalité

Dès le XIXesiècle, les luttes des femmes ont joué un rôle décisif dans ces transformations. Les inégalités de droit qui subsistaient ont été supprimées progressivement, mais pour la plupart d’entre elles seulement au cours de la seconde moitié du XXe siècle. De nom-breuses lois nouvelles ont été promulguées afin de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes. Dans sa contribution, Louise Langevin fait le point sur la reconnaissance du

droit à l’égalité des femmes et montre la difficulté de faire reconnaître, au sommet des instances judiciaires, la catégorie «femmes» en tant que catégo-rie victime de discrimination. Cependant, bien que nécessaire, la reconnaissance législative de l’égalité entre les sexes n’est pas suffisante. De plus, l’idée trop répandue de l’égalité déjà atteinte peut empêcher la poursuite de la marche en avant vers une égalité de fait entre les deux sexes.

Difficile à définir, le droit à l’égalité des femmes présente aussi des problèmes de mise en œuvre. Réjane Sénac-Slawinski souligne à partir d’une analyse fine de la jurisprudence française et européenne la dimension dyna-mique de la notion d’égalité entre les sexes. Elle montre comment l’égalité fut d’abord envisagée, notamment en France, dans un sens restrictif en tant qu’égalité for-melle de non-discrimination légale, tout en tolérant des inégalités, notamment salariales, lorsqu’elles étaient jugées légitimes au regard des différences de situation, en particulier dans les types de métiers. Par la suite, les textes euro-péens ont admis la nécessité de mesures de compensation positives en faveur des femmes. L’auteure insiste à juste titre dans sa conclusion sur la nécessité d’aller au-delà de l’égalité de droit vers le « droit à l’égalité » en tant que « principe de transformation sociale qui interroge l’ordre sexué (…) dans les iden-tités de genre et dans les relations sociales ». L’impulsion vers le droit à l’égalité entre les hommes et les femmes est souvent venue, il faut le souligner, des institutions interna-tionales. Par exemple, le principe « à travail égal, salaire égal » a été posé dès 1919 par le

Éditorial

Vers l’égalité de fait entre les hommes et les femmes ? Des avancées certaines qui restent à consolider et à approfondir

Roland Pfefferkorn– FRANCE

Professeur de sociologie, Université de Strasbourg ➤

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Même si nous

sommes toujours loin de l’égalité de fait entre hommes et femmes, la progression dans cette direction est indéniable.

Bien que nécessaire, la reconnaissance législative de l’égalité entre les sexes n’est pas suffisante.

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Traité de Versailles, bien avant que l’Organi-sation internationale du travail n’adopte des textes allant dans le même sens.

Tant en France qu’au Québec, le mouve-ment des femmes des années 60 et 70 a puis-samment contribué à la pérennisation et à l’inscription dans le droit de l’égalité entre les hommes et les femmes. Au Québec, dès le milieu des années 60, la mobilisation des femmes s’est développée au sein de groupes féministes autonomes, mais aussi dans les syndicats, les partis poli-tiques, à l’université et dans le monde de la recherche. Créée en 1966, la Fédération des femmes du Québec a exercé une pression sur le gouver-nement canadien qui a contribué à la création, dès 1967, de la Commission royale d’enquête sur la situation des femmes au Canada. Dès lors, conjuguée avec de fortes mobilisations des femmes à partir de la remise du rapport de cette commission d’enquête en 1970, la ques-tion de l’égalité politique et économique et celle des violences conjugales ont été approfondies au cours des décen-nies 70 et 80, tant par les institutions que par les féministes à l’extérieur, mais non sans contradictions (Le collectif Clio, 1992). Françoise Picq présente dans son article un bref panorama des mouvements et institutions qui ont œuvré dans ce sens en France où le mouvement a été à la fois plus tardif et plus lent, l’essentiel des nouveautés institution-nelles intervenant cependant après 1981.

Quelles politiques d’égalité ?

Les changements, ni insignifiants, ni super-ficiels, ni provisoires, qui se sont produits au cours de ces dernières décennies sont d’abord le résultat des mobilisations individuelles et collectives des femmes. La revendication centrale du mouvement des femmes de la fin du XIXeet du début du xxe siècle, le droit de vote, n’a été satisfaite que plus tardivement dans les deux pays concernés puisqu’il a fallu attendre 1940 au Québec et 1944 en France. Catherine Achin et Chantal Maillé rappellent dans leur contribution que l’accès des femmes à la citoyenneté politique a été un processus long, complexe et inachevé, la percée des

femmes dans la vie politique étant longtemps restée très faible. Le Québec et la France répondront à cette situation inégalitaire dans l’espace politique avec des moyens différents. La revendication paritaire se développe en France au cours des années 90, elle débouche sur la loi dite « de la parité » du 6 juin 2000. Les débats sont particulièrement vifs, en particulier en raison de l’argumentation diffé-rencialiste reprise par nombre de «paritaristes» (Pfefferkorn, 2003). Au Québec, la stratégie adoptée pour pallier la faible présence des femmes dans les structures politiques s’est traduite par des actions, initiées par les gouver-nements et les mouvements féministes, desti-nées à recruter des femmes. Mais dans les deux sociétés, les politiques effectivement mises en œuvre présentent toujours des limites. Une nouvelle orientation des politiques d’égalité entre les hommes et les femmes est préconisée à partir du milieu des années 80 par différentes institutions ou rencontres internationales : le gender mainstreaming (expression généralement traduite en France par « approche intégrée de l’égalité » et au Québec par « analyse différenciée selon le sexe ». Elle a pour ambition de faire prendre en compte la perspective de l’égalité des sexes dans l’ensemble des politiques et dis-positifs publics. Comme le rappelle Sandrine Dauphin dans sa contribution consacrée à la France, cette nouvelle orientation est trans-versale et interministérielle. Elle est, depuis les années 2000, le socle de toute politique d’égalité des sexes en complément des mesures spécifiques. Mais sa mise en œuvre est large-ment dépendante de l’impulsion politique, d’autant plus qu’elle n’est pas comprise de la même façon par tous les acteurs des poli-tiques publiques. De fait, elle est encore peu appliquée en France en dehors des struc-tures spécifiquement en charge des droits des femmes, et ce, même si sa diffusion paraît importante au regard des documents officiels présentant l’action de l’État en faveur de l’éga-lité des sexes. Ses apports sont à rechercher du côté de la diffusion de connaissances statis-tiques et d’une volonté de sensibilisation, notamment des administrations, aux questions de genre. Sa portée demeure concrètement limitée, voire contreproductive, si l’on tente d’appréhender les effets sur les inégalités entre les hommes et les femmes. Pour le Québec, Ghislaine Lapierre présente, dans

Le mouvement des femmes des années 60 et 70 a puissamment contribué à la pérennisation et à l’inscription dans le droit de l’égalité entre les hommes et les femmes. L’accès des femmes à la citoyenneté politique a été un processus long.

Le Québec et la France répondront à cette situation inégalitaire dans l’espace politique avec des moyens différents.

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une contribution parallèle, l’utilité, le coût et les limites de l’approche différenciée selon le sexe au travers d’un exemple concret d’éva-luation des effets sur l’emploi de deux mesures d’aide à l’emploi. Au-delà des différences cultu-relles et sociales entre les contextes français et québécois dans la conception et le promo-tion de l’égalité entre hommes et femmes, un processus de normalisation est indéniablement perceptible, ce qui ne va pas sans susciter inter-rogations, voire inquiétudes. Conjugués à la distanciation progressive des institutions publiques avec les valeurs portées par le mou-vement féministe, la promotion de l’égalité des chances et le développement du gender

mainstreaming ont en effet conduit à une

certaine dilution de l’objectif d’égalité dans d’autres objectifs (Dauphin, 2006 ; Gerhard, Jenson, 2006 ; Dauphin, Sénac-Slawinski, 2008).

Emploi : des avancées qui restent malgré tout limitées

Si les avancées vers l’égalité entre les hommes et les femmes sont incontestables, il n’en reste pas moins que les acquis restent fragiles. Au-delà des limites de la féminisation de l’espace politique et de l’effet de dilution du gender

mainstreaming dont nous venons de rappeler,

le mouvement vers l’égalité doit aussi être rela-tivisé parce qu’il est partiel et contradictoire. Il est notamment entravé par toute une série de freins structurels dont les effets s’expri-ment en particulier dans l’éducation et dans l’emploi. Ainsi, si les filles ont globalement de meilleurs résultats scolaires et poursuivent leurs études davantage que les garçons, et si des progrès dans le sens d’une plus grande mixité ont été réalisés, certaines filières éduca-tives restent fortement sexuées : il suffit de penser aux filières sanitaires et sociales dans lesquelles les jeunes femmes sont surreprésen-tées ou les filières technologiques supérieures qui restent très majoritairement l’apanage des jeunes hommes. Les filières les plus valo-risées socialement continuent à scolariser une majorité de garçons (essentiellement en provenance des catégories sociales les plus favorisées) même si la présence des filles augmente significativement dans d’autres sections (Rogers, 2004 ; Causer et al., 2007). Cependant la répartition sexuée des étudiants suivant les filières n’explique qu’une partie du

«plafond de verre» qui continue à peser sur les femmes dans les entreprises.

Dans leurs contributions, Jacqueline Laufer et Hélène Lee-Gosselin exa-minent les résultats somme toute très limités des politiques d’égalité profes-sionnelle des entreprises mises en œuvre en France et au Québec pour l’accès des femmes aux postes de décision écono-mique. Elles soulignent la difficulté de faire évoluer les attitudes et les compor-tements des responsables d’entreprises et de les sensibiliser à l’existence de stéréotypes, y compris de pratiques consi-dérées comme «neutres», mais qui sont en fait des « discriminations indirectes » comme par exemple certaines politiques de gestion des carrières fondées sur des «modèles masculins». Hélène Lee-Gosselin insiste sur la nécessité d’agir simultanément par l’éducation et la contrainte législative ou réglementaire. Les femmes sont concentrées dans un nombre réduit de profes-sions et sont moins bien rémunérées dans les emplois qu’elles occupent. De manière plus générale, les métiers restent clivés suivant les sexes. Cependant, depuis les années 70, on observe l’entrée de femmes dans des pro-fessions longtemps monopolisées par les hommes. La réciproque est vraie également. Les bastions monosexués ont cédé du terrain, mais ce mouvement entamé de plus grande mixité professionnelle ne va pas sans ten-sions ni contradictions (Guichard-Claudic

et al., 2008).

Les femmes sont aussi les premières exposées aux vents contraires du libéra-lisme économique, même si elles sont de plus en plus nombreuses sur le marché du travail. Elles forment en effet les trois quarts des « travailleurs pauvres » en France et elles sont, avec l’ensemble des jeunes, en première ligne pour la précarité et le chômage. Ajoutons le fait que les écarts de salaires, qui ont vu leur ampleur se réduire jusqu’au milieu des années 90, ne baissent plus malgré le fait que les femmes soient plus diplômées et plus quali-fiées que les hommes. De même au Québec, les écarts qui avaient diminué jusqu’en 2000, ont augmenté depuis, retrouvant leur niveau de 1996. Françoise Milewski pour la France et Esther Déom et Marie-Pierre Beaumont

Conjugués à la

distanciation progressive des institutions publiques avec les valeurs portées par le mouvement féministe, la promotion de l’égalité des chances et le développement du gender mainstreaming ont en effet conduit à une certaine dilution de l’objectif d’égalité dans d’autres objectifs.

L’existence de stéréotypes, y compris de pratiques considérées comme « neutres », sont en fait des « discriminations indirectes »…

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pour le Québec interrogent ce paradoxe dans leur contribution. Pour ces dernières, c’est essentiellement la présence persistante, dans la société, de stéréotypes, de préjugés sexistes prenant de nouvelles formes plus subtiles, et de discrimination en emploi qui peut expli-quer qu’au Québec, malgré des lois dites « d’avant-garde », cet écart salarial important subsiste. Sophie Ponthieux et Dominique Meurs pour le cas français et Anne-Marie Fadel et Sandra Gagnon pour le Québec soulignent dans leurs contributions respectives l’ampleur des écarts de salaires suivant les sexes en fonction du type de mesure retenu. Certes les résultats précis varient en fonction des approches et des indica-teurs retenus visant à apprécier les écarts de salaires entre les hommes et les femmes, mais il n’en reste pas moins que le mouvement vers la convergence des salaires entre hommes et femmes est interrompu depuis près d’une quinzaine d’années.

Vie professionnelle/vie familiale : une tension persistante

D’autres forces, qui s’affirment plutôt sur le plan idéologique, s’opposent aussi au mouvement vers l’égalité entre les hommes et les femmes et tentent parfois de le freiner, voire de l’inverser. Qu’on pense à l’influence des conservatismes religieux qui cherchent à brider les droits des femmes et, parfois avec succès ici ou là, à peser sur le cadre juridique ou à influencer les politiques publiques. Si ces dernières encouragent l’inser-tion professionnelle des femmes et développent une rhétorique favorable à l’éga-lité entre hommes et femmes, dans le cas de la France tout au moins, elles renouvellent en même temps les dispositifs qui tendent à ren-voyer les femmes, notamment les plus dému-nies, à une fonction exclusive de mère et de maîtresse de maison (Pfefferkorn, 2002). Dans ce numéro, Anne Revillard présente un rapide bilan des aspects de la politique d’em-ploi et de la politique familiale les plus discu-tables du point de vue de l’égalité des sexes. Sa contribution montre, au-delà des nombreux points communs entre les deux contextes nationaux, une différence importante dans

l’orientation récente de la politique familiale, la politique québécoise encourageant désormais nettement le maintien en emploi des mères de jeunes enfants, alors que la politique française reste marquée par des ambivalences dans ses finalités. Ces ambiguïtés sont d’autant plus problématiques que de nouvelles formes d’iné-galités sont apparues, nées de la collision entre les inégalités traditionnelles maintenues ou déplacées et les transformations, a priori poten-tiellement positives, survenues au sein des rapports sociaux de sexe (Bihr, Pfefferkorn, 2002). On retrouve ces ambigüités et ces contradictions dans les politiques publiques mises en œuvre ailleurs, avec certes des varia-tions parfois significatives dans le temps et dans l’espace (Allemagne, Suisse, Grande-Bretagne, Espagne, Europe centrale et orien-tale, Brésil, Chine ou Viet-Nam) (Heinen et al., 2009).

Qu’on pense d’abord au prix payé par un grand nombre de femmes pour la conquête de leur autonomie, par exemple à la fameuse « double journée de travail ». Cette formule synthétise les tensions subies par les femmes en raison du cumul des charges de travail qui pèsent sur elles dans l’exercice de leur activité professionnelle et dans leur prise en charge de l’espace domestique. Le travail domestique pèse toujours principalement sur les femmes en raison de l’implication très limitée des hommes. Cette contradiction a conduit au développement de la probléma-tique de la « conciliation famille-travail » par la recherche et les politiques publiques. Cette approche a le mérite de mettre en lumière la fatigue et la pression temporelle vécues par les femmes et de rechercher des solutions pour atténuer cette tension qui ne va pas sans conséquences, notamment démogra-phiques. Mais souvent les réflexions menées en termes de conciliation ne semblent concer-ner que les femmes. La contribution de Marie-Agnès Barrère-Maurisson et Diane-Gabrielle Tremblay, coordonnatrices du projet franco-québécois Conciliation famille-travail : état

des lieux et pratiques des « acteurs intermé-diaires », se penche sur cette contradiction

au cœur de l’articulation vie professionnelle, vie familiale et vie privée, ses causes et ses conséquences, à la fois individuelles (princi-palement pour les femmes), familiales et, plus largement, sociétales. Les deux auteures

Le mouvement vers la convergence des salaires entre hommes et femmes est interrompu depuis près d’une quinzaine d’années. La politique québécoise encourage désormais nettement le maintien

en emploi des mères de jeunes enfants, alors que la politique française reste marquée par des ambivalences dans ses finalités.

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éclairent les enjeux, en termes de politiques publiques. Elles préconisent notamment « la prise en charge de la parentalité dans l’em-ploi» et appellent de leurs vœux une évolution des «rôles parentaux (notamment des pères)». Qu’on pense aussi, pour relativiser quelque peu la situation des femmes des pays du Nord, notamment des mieux loties, au travail largement invisible effectué par d’autres femmes, migrantes, souvent venues du Sud. Il faut en effet prendre en compte la « chaîne internationale du care », qui se traduit par l’arrivée massive de femmes venant, selon les pays de destination, du Maghreb, d’Afrique subsaharienne, de Turquie, des pays de l’Est, d’Amérique latine ou d’Asie du Sud-Est, notamment des Philippines. Ces femmes prennent en charge une part de plus en plus importante des travaux liés aux soins, à la solli-citude et, plus largement, à l’entretien des per-sonnes et des locaux. Aussi bien en France qu’au Québec, elles travaillent au domicile des ménages des catégories supérieures, voire moyennes, comme femmes de ménages,

baby-sitter ou aides auprès de personnes âgées ou

effectuent des tâches analogues, en tant que salariées, mais presque toujours mal rémunérées, dans les hôpitaux ou les hôtels, sans compter celles qui vendent des services sexuels (Falquet et al., 2006 ; Falquet et al., 2008 ; Fresnoza-Flot, 2008).

Par ailleurs, dans la rubrique « Échos d’ailleurs», Beata Nagy, de l’Université Corvinus de Budapest, montre que les bouleversements sociopolitiques intervenus en Hongrie, à la fin des années 80 n’ont pas été sans consé-quences, qui en aurait douté, sur le sort des femmes. La politique antérieure était certes ambivalente mais, en surface du moins, elle était volontariste et s’affirmait favorable à l’émancipation des femmes et à l’égalité des sexes. Un retournement conservateur, voire réactionnaire, a pu être enregistré, non pas tant au niveau des politiques qu’à celui de l’opinion publique qui semble désormais majoritairement favorable à « la femme au foyer » pour laisser la place aux hommes sur le marché du travail, avec toutes les consé-quences que cela implique pour elles et leur place dans la société. L’auteure rejoint ici un constat analogue fait à propos de la Bulgarie et de la Pologne (Trat et al., 2006).

La violence envers les femmes

Enfin, plusieurs contributions de ce numéro se penchent sur les violences exercées par des hommes à l’encontre des femmes (mais aussi sur les violences exercées par des femmes). Julie Sauvé et Marcel Béchard présentent les résultats d’une enquête canadienne sur la victimisation datant de 2004 menée dans le cadre de l’Enquête sociale générale (ESG). Elle vise à recueillir des renseignements détaillés concernant les expériences de victi-misation des Canadiens, leur perception du crime et du système de justice et les caracté-ristiques de la victime, de l’incident et de l’auteur du crime. Le thème de la violence conjugale fait partie des com-posantes permanentes de l’ESG. Malgré des taux similaires entre les hommes et les femmes victimes de violence conjugale, la nature et les répercussions sont différentes lorsque l’on compare les deux sexes. Les conséquences de la vio-lence conjugale sont généralement plus graves chez les femmes. Maryse Jaspard et Dominique Fougeyrolas-Schwebel reviennent dans leur contribution sur les représentations de la violence envers les femmes dans le couple. Celle-ci est mainte-nant définie comme forme de discriminations et comme obstacle à la pleine égalité de droits entre hommes et femmes et, plus large-ment encore, comme une atteinte à la pleine citoyenneté des femmes. En près de dix ans, la reconnaissance des vio-lences comme fait de société et la média-tisation accrue du phénomène semblent avoir permis à davantage de femmes de dénoncer les violences subies. Les auteures discutent dans le cas français des mesures du phénomène. L’enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF) qui a été menée en 2000 dans l’objectif de cerner ces violences par une analyse quantitative a été la première de ce type en France. Elle avait suscité des réactions négatives particulièrement vives de la part de personnalités ayant une certaine surface sociale sans pour autant qu’elles four-nissent des arguments tangibles. En 2007, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a élargi l’en-quête Cadre de vie et sécurité sur les faits de

En près de dix ans, la reconnaissance des violences comme fait de société et la médiatisation accrue du phénomène semblent avoir permis à davantage de femmes de dénoncer les violences subies. En Hongrie, un retourne-ment conservateur, voire réactionnaire, a pu être enregistré, non pas tant au niveau des politiques qu’à celui de l’opinion publique…

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Bibliographie

Bihr A., Pfefferkorn R. (2002). Hommes-Femmes, quelle égalité ?, Paris, Éditions de l’Atelier, 352.

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Le collectif Clio (1992). L’histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles, Montréal, Le Jour Éditeur, 646.

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Falquet J., Hirata H., Lautier B. (2006). Travail et mondialisation. Confrontations Nord/Sud,

Cahiers du Genre, no40, Paris, L’Harmattan, 268.

délinquances et de violences (vols, coups) aux violences intrafamiliales et aux violences sexuelles. Les résultats confirment globalement ceux de l’enquête ENVEFF. En complément au texte de Maryse Jaspard et Dominique Fougeyrolas-Schwebel, dans sa contribution consacrée à la violence envers les femmes dans le couple au Québec, Dominique Damant présente des éléments empiriques précis tirés de différentes enquêtes permettant de clarifier les enjeux et de dégager des pistes pour la réflexion et l’action ainsi qu’un historique de la politique publique de lutte contre la violence conjugale au Québec. Elle pose aussi, c’est relativement inédit, la question des violences au sein de couples lesbiens. Catherine Cavalin présente de son côté les principaux résultats de l’enquête Événements de vie et santé (EVS) menée en 2005-2006. Cette enquête explore au niveau statistique les liens existant entre les violences subies et l’état de santé pour les hommes et les femmes âgés de 18 à 75 ans et résidant en France. Elle permet de cerner le contexte des vio-lences entraînant un dommage. Il appa-raît, là encore, que les femmes sont plus touchées que les hommes, notam-ment elles disent avoir dû supporter davantage de violences interpersonnelles (verbales, physiques, sexuelles et psy-chologiques). Elles sont fréquemment victimes d’agresseurs proches agissant dans la sphère domestique, surtout en

matière de violences physiques. Pour l’ensem-ble des violences interpersonnelles, à l’ex-ception des violences psychologiques pour lesquelles le contraste entre les hommes et les femmes est moins marqué, les femmes sont toujours, beaucoup plus que les hommes, victimes de violences exercées par des membres de leur famille.

Conclusion

Il reste donc encore du chemin à parcourir pour aller dans le sens de l’égalité réelle entre les hommes et les femmes. Tant au Québec qu’en France, le bilan actuel est largement positif, même si les contradictions, interroga-tions, voire inquiétudes, ne manquent pas. Si nous appréhendons la structure sociale, tou-jours mouvante, comme un entrecroisement dynamique de l’ensemble des rapports sociaux, chacun d’entre eux imprimant sa marque sur les autres (rapports de classe et rapports de sexe bien sûr, mais aussi rapports de géné-ration ou de «racisation») (Pfefferkorn, 2007), la poursuite du mouvement vers l’égalité de fait entre hommes et femmes dans la période à venir dépendra de l’évolution des rapports de force en leur sein. Les tensions s’exercent à la fois à un niveau macrosociologique de l’ensemble de la société et dans différents niveaux intermédiaires, institutions, profes-sions, lieux, etc., où des avancées peuvent être conquises ou défendues, plus ou moins facilement selon les différentes configurations locales.

Pour l’ensemble des violences interper-sonnelles, à l’exception des violences psychologiques, les femmes sont toujours, beaucoup plus que les hommes, victimes de violences exercées par des membres de leur famille. Tant au Québec qu’en France, le bilan actuel

est largement positif, même si les contra-dictions, interrogations, voire inquiétudes, ne manquent pas.

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Références

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