HAL Id: tel-00541139
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Julien Chopin
To cite this version:
Julien Chopin. Statique et dynamique d’un front de fissure en milieu hétérogène. Analyse de données,
Statistiques et Probabilités [physics.data-an]. Université Pierre et Marie Curie - Paris VI, 2010.
Français. �tel-00541139�
THÈSE
pour obtenir legrade de
Docteur de l'Université Pierre et Marie Curie - Paris 6
Spécialité Physique
Ecole Doctorale :
La physique, de la particule à la matière condensée
présentée par
Julien Chopin
Statique et dynamique d'un front de ssure en
milieu hétérogène
Soutenue le 19 octobre 2010 devant le jury composé de :
M. Mokhtar Adda-Bedia Invité
M. ArezkiBoudaoud Directeur de thèse
M. Pascal Damman Examinateur
M. Eytan Katzav Invité
M. Jean-Baptiste Leblond Président
M. Stéphane Roux Rapporteur
Table des matières . . . v
Avant-propos 1 1 Adhésion et rupture des solides 3 1 Cohésion de la matière . . . 4
1.1 Attractionuniverselle . . . 4
1.2 Energiede surface . . . 5
1.3 De l'élasticitélinéaireà larupture . . . 6
2 Les fondements de la mécanique linéairede larupture . . . 10
2.1 Lathéorie en bref . . . 10
2.2 Flux d'énergie élastique vers la ssure. . . 11
2.2.1 Modes de rupture. . . 11
2.2.2 Taux de restitution de l'énergie G. . . 12
2.2.3 Champélastique auvoisinagede lapointede ssure 15 2.2.4 Equivalenceentre G etK . . . 16
2.3 Critères de propagation. . . 17
2.3.1 Critèrede Grith . . . 17
2.3.2 Critèred'Irwin-Orowan . . . 18
2.3.3 Stabilitéhors du plan . . . 20
2.3.4 Propagationquasi-statique. . . 20
2.3.5 Quelquesremarques sur la théoriede Grith-Irwin-Orowan . . . 24
3 Les fronts de ssure . . . 24
3.1 Elasticitéd'un front de ssure . . . 24
3.1.1 Expressiondu facteur d'intensitéde contrainte . . . 25
3.1.2 Equilibre etstabilité . . . 25
3.2 Piégeagede laligne par un défaut isolé . . . 26
3.2.1 Forme d'équilibre . . . 27
3.2.2 Stabilitéethystérèse . . . 27
3.3 Propagationd'un frontdans un paysage désordonné . . . 28
3.3.1 Concepts d'invarianced'échelle . . . 29
3.3.2 Lesdiérentsmodèlesde front de ssure . . . 30
2 Techniques expérimentales 33
1 Présentation des matériaux. . . 33
1.1 Substrats en verre . . . 33
1.1.1 Compositionchimique . . . 33
1.1.2 Propriétés de surface . . . 34
1.1.3 Nettoyage des surfaces . . . 34
1.1.4 Propriétés mécaniques . . . 35
1.2 L'élastomère . . . 35
1.2.1 Préparation . . . 36
1.2.2 Propriétés physiques . . . 36
1.2.3 Test JKRet énergied'adhésion . . . 37
2 Préparation de l'échantillon . . . 39
2.1 Moulage . . . 39
2.2 Démoulage etnitions . . . 39
3 Modication de laténacité de l'interface . . . 41
3.1 Les diérentes stratégies . . . 41
3.2 Lithographie. . . 42
3.2.1 Nettoyage des substrats . . . 42
3.2.2 Etalement de la résine . . . 44
3.2.3 Insolation etdéveloppement . . . 45
3.3 Impression du motifen chrome . . . 45
3.3.1 Principedu dépôt par évaporation . . . 45
3.3.2 Révélation des motifs de chrome . . . 45
3.4 Collage etnitions . . . 46
3.5 Performances . . . 46
4 Dispositif de pelage . . . 48
5 Acquisitionet traitement d'images. . . 51
5.1 Dénitions etnotations . . . 51
5.2 Détection rapide . . . 52
5.3 Détection ne . . . 53
5.4 Détection àla main . . . 54
3 Front de ssure dans une interface homogène 55 1 Equilibre de la ssure . . . 55
1.1 Quelques grandeurs mécaniques . . . 56
1.1.1 Ligne neutre . . . 56
1.1.2 Moment,chargement eténergie élastique . . . 56
1.1.3 Taux de restitution de l'énergieet force d'extension de lassure . . . 57
1.2 Mesure des énergies de fracture . . . 58
1.2.1 Protocole . . . 58
1.2.2 Forme du frontet mesurede lapositionmoyenne . . 59
1.2.3 Mesure des énergies de fracture . . . 61
1.3 Discussions . . . 62
1.3.2 Eetde l'épaisseur . . . 64
1.3.3 Eetde lapesanteur . . . 64
2 Dynamique . . . 65
2.1 Equation du mouvement . . . 65
2.2 Evolution temporelle de lavitesse . . . 66
2.2.1 Miseen formedes données . . . 66
2.2.2 Relaxationen loide puissance . . . 67
2.2.3 Relaxationlogarithmique . . . 68
2.2.4 Cas de l'interfacePDMS-Chrome . . . 70
2.3 Lien avec larupture sous-critique . . . 72
3 Conclusions . . . 73
4 Réponse d'un front de ssure à une hétérogénéité élémentaire 75 1 Bande transversale . . . 75
1.1 Position du problème . . . 75
1.2 Passage Chrome-Verre - Piégeage . . . 76
1.3 Passage Verre-Chrome- Avalanche . . . 78
1.4 Bandes de largeur nie - Etat métastable . . . 79
2 Bande longitudinale. . . 80
2.1 Position du problème . . . 80
2.2 Forme d'équilibredu front . . . 81
2.3 Résultatsexpérimentaux . . . 84
2.3.1 Expérience 1: saturation des déformations . . . 84
2.3.2 Expérience 2: bande adhésive simple . . . 88
2.3.3 Expérience 3: interaction entre bandesadhésives . . 89
3 Défaut isolé . . . 93
3.1 Dynamique en bout de bande . . . 93
3.2 Filamentation . . . 95
3.3 Relaxationde ladéformation . . . 97
4 Conclusion . . . 99
5 Front de ssure dans une interface désordonnée 101 1 Conditions expérimentales . . . 101
1.1 Présentation des substrats . . . 101
1.2 Propriétés statistiquesdu désordre . . . 102
1.3 Présentation des expériences . . . 104
2 Dynamique diusive biaisée . . . 104
2.1 Extractiondes uctuations. . . 106
2.2 Statistiques temporellesdes uctuations . . . 107
2.2.1 Distributionsde uctuations de positions. . . 107
2.2.2 Queues exponentielles . . . 110
2.2.3 Loid'échelle des distributions . . . 112
2.3 Discussions . . . 113
3 Morphologie d'une ssure dans un milieuhétérogène. . . 116
3.1 Courbes auto-anes . . . 116
3.3 Tests d'auto-anité . . . 119
4 Discussions . . . 121
Conclusion 123
A Article 127
Figure1Lesfrontsdessuredéforméspardesrégionsdeforteénergiedefracture.
Comment un matériau se casse, se décolle, se ssure, se fragmente, se déchire,
se craquelle ou s'écaille? Ces problèmes tombent dans l'escarcelle de la mécanique
de la rupture au sens large. Cette science, relativement jeune, a connu un essor
considérable après la seconde Guerre Mondiale, essentiellement tiré par des enjeux
économiques. Un livre entier ne surait pas à retracer le cheminement des idées
mais deux avancées particulièrement importantes méritentd'être soulignées.
Lapremièreconcerne l'hypothèsede séparationd'échelleintroduitepar Irwinau
débutdes années50qui permetd'isolerune régionde fracturation oùdominentdes
lois de comportement complexes (élasticité non-linéaire, eets visco-plastiques,...)
du reste du matériau, au comportement linéaire élastique. La ssure s'identie à
une singularité du champ élastique qui est régularisée par l'existence de cette zone
de fracturation. Il devient alors possible de considérer la ssurecomme un objet en
soiauquel sont associées des propriétés physiques.
Lesecondrésultat,dûàGaoetal.,concernejustementlamiseenévidenced'une
élasticiténon-locale du front de ssure. Si, pour quelque raisonque se soit, le front
dessuresetrouveaccroché parundéfaut,ladéformationinduiteconcerne,nonpas
linéaireen laperturbation,ce comportementest exactement celuiduménisqued'un
liquide mouillantpartiellement lesubstrat sur lequel il setrouve.
Cerésultataouvertlavoieàl'étudedesdéformationsdu frontdessurepar des
hétérogénéités.Ilestconnudepuislongtempsquelaprésence decavités,d'inclusions
ou d'inhomogénéités chimiques contrôle la resistance du matériau. D'un point de
vue expérimental, ce n'est que très récemment que les problèmes de fracture sont
étudiés du point de vue de l'inuence des hétérogénéités sur la morphologie et la
dynamique du front. L'objet de cette thèse est de proposer une caractérisation des
lois de comportementde la ssure dans un matériau présentant des hétérogénéités
simples ouplus complexes.
Aprèsavoirintroduit,danslechapitre 1,lesélémentsthéoriquesliésàla
méca-niquedelaruptureetlapropagationd'unfrontdessuredansunmilieuhétérogène,
nous décrivons en détail, dans le chapitre 2, le dispositif expérimental que nous
avons monté au laboratoire ainsi que le protocole de fabrication des échantillons.
Ces échantillons sont réalisés par la mise en contact d'une lame de verre et d'un
élastomère de silicone,lepoly(diméthyl)siloxane ouPDMS. A l'aide des techniques
de lithographieoptique, lalame de verre peut être texturée chimiquement en la
re-couvrantd'une couche nanométriquede chrome présentant des motifsde verre.Les
hétérogénéités sont donc introduites dans l'échantillonpar une modulationspatiale
de l'énergiede fracture de l'interface. Les matériauxont, en outre, été choisis pour
leur tansparence an de visualiser lassure, astreinteà se déplacer dans l'interface
(Fig. 1).
Lechapitre 3présente une caractérisationdes propriétésphysico-chimiques du
verreetdu chromevis-à-visdeschaînesdel'élastomère.Lesénergiesde fractureont
pu être mesurées et une équation du mouvement de la ssure dans une interface
homogène est proposée. La technique mise aupointpermetune maîtriseinéditede
la taille, de ladistribution spatiale etde l'énergiede fracture des hétérogénéités.
Le chapitre 4 propose une étude de lamodication de la formeet de la
dyna-mique du front induite par un défaut unique imprimésur lesubstrat. Les résultats
sont comparés avec un modèle faisant intervenir l'élasticité de front de Gao et al.
et les eets de déformationnon linéaire sont discutés. En particulier, l'étude de la
lamentation du front au contact d'un défaut est présentée. Dans le chapitre 5,
nous présentons une description statistique du front lorsqu'il se propage dans une
interfaceoùungrandnombredemotifsdeverre ontétérépartisaléatoirement.Nous
nous sommes intéressés, d'unepart, aux uctuations locales de la position du front
en fonctiondu temps et, d'autre part,à la rugositédu front.
Dansl'annexe A est reproduit une étude que nous avons réaliséesur la
propa-gation quasi-statique d'une ssure àl'interface d'un lmplastique etd'un substrat
de verre [24]. L'adhésion est assurée par une couche liquide présente entre les deux
matériaux.Lagéométrieaxisymétriqueimposéepar lemode de chargement conduit
Adhésion et rupture des solides
(a) A.A. Grith (b) G.R.Irwin
Nousanalysons, dans un premiertemps,le problèmede l'adhésion etlarupture
des solides par des arguments d'échelle, ce qui permettra de capter l'essentiel de
laphysiquede manièrerelativementsimple. Nousproposerons, ensuite,une version
plus rigoureuse. De manière générale, un problème de rupture peut se décomposer
en un problème d'élasticité linéaire et un problème de critère de propagation. La
deuxième partie s'intéresse donc au problème d'élasticité et introduit des concepts
importants comme le taux de restitution de l'énergie et le facteur d'intensité des
contraintes. Latroisièmepartietraiteleproblèmedes critèresdepropagationetdes
mécanismes de dissipation en pointe de ssure. La dernière partie s'intéresse à la
formedu frontlorsqu'ilsepropage dansun matériauhétérogène.Nousprésenterons
dans un premier temps ladéformationdu front en présence d'une unique
hétérogé-néité, et, dans un second temps, nous exposerons le concept d'invariance d'échelle
Figure 1.1 Potentiel d'interaction entre deux particules, atomes, molécules,
col-loïdes.Deux échelles apparaissent:lalongueurdelaliaison
a
0
etl'énergiedeliaisonU
0
.1 Cohésion de la matière
L'un des enjeux fondamentaux de la mécanique de la rupture est d'établir un
lienentre lescaractéristiquesmicroscopiquesdu matériauetsoncomportement
ma-croscopique en terme de résistance à larupture.
1.1 Attraction universelle
L'immensemajoritédes composés chimiques setrouventdans un état condensé,
liquide ou solide, dès lors qu'une température susamment basse est atteinte. A
l'échelle microscopique,celatraduitlatendancedes particules 1
àexercerentre elles
uneinteractionattractive.L'existenced'unétatcondenséreposesuruneforme
"uni-verselle" de l'énergied'interaction entre particules : une répulsion intense àcourtée
portée, une attraction à moyenne distance, et enn une interaction nulle à l'inni
(Fig. 1.1). L'échelle de longueur
a
0
et d'énergieU
0
caractérise ce potentiel. Il est possible d'exprimer simplement des grandeurs macroscopiques comme le moduled'Young, noté
E
, à partir des deux échelles précédentes. Le développement limité de l'énergieU
auvoisinagedu minimum s'écrit :U(a)
≈ U
0
+
1
2
d
2
U
da
2
a
0
∆a
2
(1.1)En réarrangeant les termes, on obtient une expression de la densité d'énergie du
matériaulorsque les atomes sesont écartésde leur position d'équilibre:
U(a)
− U
0
a
3
0
≈
1
2a
0
d
2
U
da
2
a
0
∆a
a
0
2
(1.2)Matériaux
E
(GPa)Γ
(J.m−2
) K
Ic
(MPa√
m) Acier 200 - -Aluminium7075-T6 72 7800 25 Verre borosilicate 70 9 0.8 Epoxy 2-3 200 0.4 PMMA 2 - -Elastomèrede silicone 0.002 --Table 1.1 Module d'Young
E
et énergiede fractureΓ
de quelques matériaux.Auniveaumacroscopique,l'expression 1.2s'identie àladensitéd'énergie élastique
1
2
E
2
où
= ∆a/a
0
étantl'allongementrelatifdumatériau. Onen déduitlarelation entre la courbure du puitsd
2
U
da
2
a
0
et lemodule d'YoungE
:E
≈
1
a
0
d
2
U
da
2
a
0
(1.3)Enordre de grandeur,lemoduled'Young s'écritcomme une densitéd'énergie
volu-mique :
E
∼
U
0
a
3
0
L'énergiedeliaisondessolidespeutêtreestiméeàpartirdel'énergiedevaporisation
U
vap
(en J.m−3
). Pour un solide covalent,
U
vap
est de l'ordre de 100kJ.mol−1
soit 10−10
J.m−3
, la longueur de liaison est de l'ordre de
a
0
∼ 10
−10
m, on obtient alors
E
∼ 10
GPaenbonaccordaveclesvaleurstabulées.LeGPaserévèleêtreunebonne unité de mesurede larigiditédes solidescovalents ouioniques, par contre, pour lesélastomères,commelecaoutchouc,l'élasticitéest d'origineentropiqueetleMPaest
une unité plus appropriée (Fig.1.1).
1.2 Energie de surface
La cohésion de la matière se manifeste aussi par l'existence d'une énergie de
surface, notée
γ
. Elle est dénie pour un liquide ou un solide, en contact avec une phase gazeuse, par rapport au travailγdA
nécessaire pour créer réversiblement, à température constante, une surface élémentairedA
. Elles'exprime en J.m−2
. Cette
dénitiongarantitquel'énergiedesurfaceest unepropriétéintrinsèquedumatériau
etque nous pouvons l'estimerà partirde grandeurs microscopiques.
Pour un liquide à température
T
, l'énergie d'interaction par molécule est de l'ordredek
B
T
oùk
B
est laconstantedeBoltzmann.Lesmoléculesensurfacesonten interaction avec moitiémoinsde voisinessi bienqu'elles ontun surcoûténergétiqued'environ
1
2
k
B
T
. L'énergie de surfaceγ
peut donc être estimée comme le rapport entre le surcoûténergétique et lasurfacea
2
0
occupée par une molécule :γ
≈
1
2
k
B
T
a
2
0
(1.4)En prenant
a = 0.2
nm etk
B
T = 3.10
−21
J à
T = 300
K, on trouveγ
≈ 0.1
J.m−2
ce
qui correspond à une légère surestimation par rapport aux valeurs expérimentales
qui sont plutôt de l'ordre de
0.01
J.m−2
. L'énergie de surface des solides peut être
estimée àpartir de l'énergie de vaporisation
U
vap
:γ
≈ U
vap
a
0
(1.5)En prenant une longueur de liaison
a
0
= 10
−10
m, on trouve alors des énergies de
surface de quelques J.m
−2
. Cette ordre de grandeur est en bon accord avec les
données expérimentales. L'une des premières déterminations d'énergie de surface
de solide remonte à l'expérience de clivage du mica réalisée par Obreimo [103]. Il
mesure une énergiede surface de
1.5
J.m−2
.
A partir des énergies surfaces, on dénitl'énergie de fracture
Γ
A
d'un matériau A comme :Γ
A
= 2γ
A
(1.6)où
γ
A
est l'énergiede surface du matériauA. S'ils'agit d'un bimatériauc'est-à-dire d'un solide composé de deux matériaux en contact l'un avec l'autre, l'énergie defracture
Γ
A,B
d'une interface entre un matériauA etun matériauB s'écrit :Γ
A,B
= γ
A
+ γ
B
(1.7)où
γ
A
(resp.γ
B
) est l'énergiede surface du matériauA (resp. B). Il est intéressant de noterles loisd'échelles suivantes liant énergiede fractureΓ
,module d'YoungE
, énergie de liaisonU
0
etlongueur de liaisona
0
:Γ
∼ a
0
E
∼
U
0
a
2
0
Ces lois d'échelle sont raisonnables lorsque l'on traite de la rupture de matériau
commeleverremaiselles sontclairementinadaptées pourlarupture desmétaux où
Ea
0
Γ
(voirtab. 1.1).1.3 De l'élasticité linéaire à la rupture
L'expérience couramment employée pour déterminer les propriétés mécaniques
d'un matériau est le test en traction. Un échantillon est maintenu par deux mors
mobiles dont onmesurele déplacementrelatifen fonctionde la traction.La courbe
typiquedecharged'unmétalestprésentée danslaFig.1.2oùlechargementlointain
σ
∞
(en N.m−2
) est tracé en fonction de l'allongementrelatif
∆L/L
. A faible défor-mation,lematériauaune réponselinéaireélastiquequiest quantiée parlemoduled'Young. A plus forte déformation, la loi de comportement devient plus complexe
à mesure que les atomes explorent les parties non-quadratiques du potentiel
d'in-teraction (voir Fig. 1.1). Mais le régime qui nous intéresse désormais est celui qui
Figure 1.2 Test en traction d'une éprouvette de longueur
L
soumise à un char-gementσ
∞
.Rupture fragile Certains matériauxrompentlorsqu'ils sontdans lerégime
élas-tique linéaire, entre O et A sur la Fig. 1.2 . Cette rupture est qualiée de fragile
ets'observe généralementpour lesverres etlescéramiques, plutôtàbasse
tempéra-ture, pour des ssures se propageantrapidement. Le travailde fracture correspond
essentiellement autravail nécessaire pour créer deux interfaces, il est de ce fait
di-rectementrelié àl'énergiedesurfacedu matériau.Onobtientdes énergiesde l'ordre
de quelques J.m
−2
.
Rupture ductile Lorsque lematériauromptaprèss'être déforméplastiquement,
la rupture est qualiée de ductile et s'observe par exemple pour les métaux, les
polymères, plutôt à haute température, pour des ssures lentes. La contribution
des déformations plastiques au travail de fracture domine les énergies de surface.
On peut obtenir des énergies de fracturation de l'ordre de 10 à plus de 1000J.m
−2
.
D'un point de vue pratique, les matériaux dissipant beaucoup d'énergie, comme
les métaux ou les élastomères, sont très prisés dans l'industrie et leurs propriétés
mécaniques sont sans cesse optimisées à cet eet.
Rupture par fatigue Le termede fatigue regroupeun certain nombre de modes
de rupture qui ont en commun des vitesses de propagation de ssure très lentes, de
quelques
µ
m.s−1
à quelques
0.1
nm.s−1
. Un mode très connu est celui qui consiste
à rompre un matériau par application d'un chargement périodique, c'est de cette
manièrequ'onpeutcasserun lde ferbeaucoup plus facilementqu'en exerçantune
simple traction. Les surfaces ainsi fracturées présentent des stries caractéristiques
(Fig. 1.3(c)). Un autre mécanisme est la corrosion sous contrainte qui intervient
lorsqu'unmatériausous chargementconstantest soumis àdes processuschimiques.
L'humiditédel'airestpar exempleconnue pourdiminuerleseuilde rupture de
ma-tériaucommeleverre.Enn,ilpeutarriverqu'unmatériausoumisàun chargement
réarrange-(a)
(b)
(c)
Figure 1.3 a) Surface en acier après rupture par impact à une température de
−190
°C. La présence de surfaces facétées est la signature d'une rupture fragile. b) Surface en acier après rupture par impact à températureambiante. La présence demultiplescavitésest lasignature d'une rupture ductile par initiationetcoalescence
de microcavités.c)Surface d'un alliage d'aluminiumaprès rupture par fatigue.Les
lignes visibles à plus grand grossissement sur l'image de droite sont appelées des
striationsdefatigue.Ellessontcausées danscecas par unchargementoscillant,une
mentsplastiques, peut être responsable,soit, d'un arrêt de la propagation, soit, au
contraire,d'une propagation lente[135].
Quelque soitle type de rupture, onpeut toujoursdénir une contraintede
rup-ture commeétantlacontraintemaximaleque l'échantillonpeut supporter avantde
casser :
σ
r
= max(σ())
(1.8)A l'aide d'un bilan d'énergie, nous allons établir un premier critère de rupture.
Comme précédemment, notre raisonnement sera basé sur l'existence d'une échelle
delongueur
a
0
etd'uneéchelled'énergieU
0
.Onconsidère,poursimplier,un cristal parfait avec des plans atomiquesséparésd'une distancea
0
. Tout aulong du test de tractionetjusqu'à sarupture, l'échantillonsuit un comportementélastique linéairerégit par laloi de Hooke, sadensité d'énergie élastique est donc donnée par :
u
E
=
1
2
σ
2
E
(1.9)où
u
E
est la densité d'énergie élastique en J.m−3
et
σ
la contrainte. Le matériau se fracture lorsque l'énergie élastique emmagasinée en volume est susante pourfracturer les
L/a
0
plans cristallins du solide. En ordre de grandeur, cela se traduit par :σ
2
r
E
LS
∼ Γ
L
a
0
S
(1.10)où
σ
r
est la contrainte théorique de rupture,Γ
l'énergie de fracture,S
la surface des plans cristallins. On trouve alors une expression de la contrainte théorique derupture [39,105] :
σ
r
th
=
r
ΓE
a
0
(1.11)où
Γ
est l'énergiede fracture,E
le module d'Young,a
0
la distance entre plans ato-miques. A l'aide d'arguments un peu plus sophistiqués, Orowan [105] propose lamêmeestimation de
σ
th
r
. Pour gagner en généralité, nous n'avons pas utilisél'argu-mentd'échelle précédent :
Γ
∼ a
0
E
qui n'est valable que pour la rupture fragile. On est alors tentéde proposer le critère de propagation de ssure suivant:σ
∞
> σ
r
th
(1.12)En prenant l'exemple du verre, on peut directement écrire en ordre de grandeur :
σ
th
r
(verre)
≈ E ≈ 10
10
J.m−3
. Ce critère marche relativement bien pour des
ma-tériaux très particuliers comme des bres de verre très nes ou des monocristaux.
Mais dans la grande majorité des cas, les contraintes de rupture mesurées
expéri-mentalementsontconstamment plusfaiblesquelesestimationsthéoriques :
10
−2
σ
th
r
oumoins pour les verres,
10
−1
σ
th
r
pour les métaux.Grith [50] trouva l'originiedudésaccord:lesmicrossuresprésentesdanslematériauinuentdramatiquementsur
sa résistance en focalisant le champ de contraintes. Nous allons modier les
argu-ments précédents en ajoutant une échelle de longueur supplémentaire : la taille
l
d'une microssure.Figure 1.4 A gauche, plaque élastique percée par un trou elliptique. A droite,
la même plaque sous un chargement lointain
σ
∞
. Les points rouges désignent les endroits oùle champ de contrainteest maximal.2 Les fondements de la mécanique linéaire de la
rupture
2.1 La théorie en bref
Ce qu'il y a d'erronné dans le critère proposé précédemment, ce n'est pas
l'éva-luation de la contrainte de rupture théorique mais l'hypothèse que l'intensité des
contraintes est homogène dans le matériau. Nous allons voir que les microssures
focalisent les contraintes et donc l'énergie élastique si bien que les seuils de
rup-ture sont atteints bienplus tôt. Plusieurs travaux ontportés sur la modicationdu
champ de contrainte dans un matériau par la présence d'une cavité. En
particu-lier, Inglis [59] considère une plaque mince traversée par une cavité elliptique (de
demi-axes
l > b
) supposée petite devant lataillede laplaque (Fig. 1.4). Lorsque la plaque estsoumiseàun chargementuniaxialàl'inni,ilmontre alors queladensitéd'énergieélastiquen'estpasuniformémentrépartiemaisqu'ellesetrouveconcentrée
auxextrêmitésdu grandaxede l'ellipse(pointsrougesde lagure 1.4).Ilcalculela
contraintenormale dans l'axede la ssure :
σ
yy
= σ
∞
1
q
x
l
2
− 1
(1.13)On aimeraitpouvoir dire que la ssure sepropage lorsque la contrainte dépasse un
seuil.Seulementlacontraintedivergeen
x = l
,celaconduiraitàdirequetoutessure est instablece qui esten contradiction avec l'expérience. Enréalité,auvoisinagedelapointedelassure,l'élasticitélinéairen'estplusvalide:des loisdecomportement
pluscomplexes(élasticiténonlinéaire,déformationsvisco-plastiques,...)régularisent
la singularité.Dans le cas d'unerupture fragileidéale,on pose généralement quela
[76].Nouspouvons ainsi estimerlacontraintemaximaleentête de ssureen faisant
un développement de l'expression 1.13 autourde
x = l + a
0
:σ
max
= σ
∞
r
l
2a
0
(1.14)
En écrivant que la ssure se propage dès que
σ
max
> σ
th
r
, nous avons un nouveaucritèrede rupture :
σ
∞
>
r
2ΓE
l
(1.15)Par rapport au premier critère énoncé dans la partie précédente, nous avons
for-mellementremplacé ladistance interatomique
a
0
par la longueur de lassurel
. Le seuilde ruptureest donc clairementabaissé.De plus,ce critèrerend comptedu faitquelesgrandes ssures sontplus dangereusespour l'intégritéd'un matériauqueles
petites. En posant
K = σ
∞
√
l
,K
c
= 2
√
EΓ
etG =
1
2E
σ
∞
2
l =
1
2
K
2
E
, nous pouvons reformuler l'inégalité1.15 pour obtenir lecritère de propagation de Grith :G > Γ
(1.16)où
G
, appelé le taux de restitution de l'énergie, sera déni rigoureusement par la suite. Unautre critère de propagation est dû àIrwin :K > K
c
(1.17)où
K
est appeléfacteur d'intensitédescontraintes (FIC)etK
c
laténacité du maté-riau. Le tableau 1.1donne quelques valeurs caractéristiques de FIC et d'énergie derupture.
Lesdeux partiessuivantesétablissentlecadrethéoriqueconduisantauxrésultats
quenous avons obtenus par des arguments d'échelle.
2.2 Flux d'énergie élastique vers la ssure
2.2.1 Modes de rupture.
On distingue usuellement trois modes de rupture dénis à partir des symétries
du champ élastique en pointede ssure (Fig. 1.5). Le mode I oumode d'ouverture
correspond à la séparation des lèvres de la ssure sous l'action d'une contrainte
de traction. Le mode II ou mode de glissement (ou de cisaillement) correspond à
un cisaillement des lèvres perpendiculairement à la ssure. Le mode III ou mode
de déchirement (ou mode de cisaillement hors du plan de la ssure) correspond
à un cisaillement des lèvres parallèlement à la ssure. Ces modes de rupture ne
sont dénis que localement au niveau de la pointe de la ssure. A l'exception de
congurations très simples pour des matériaux homogènes isotropes, les symétries
du champ de déplacement ne se déduisent pas aisément du mode de chargement
lointain. Nous verrons que le chargement en ouverture d'une ssure à l'interface
Mode I
Mode II
Mode III
Figure1.5 Modes de rupture
ssuresepropageantdansunmatériauhétérogèneprésentedefortesuctuations,les
modes II et III peuvent apparaitre.Parla suite,si aucune précision n'estapportée,
le mode de rupture sera le mode I pur.
2.2.2 Taux de restitution de l'énergie G
Grith aborde le problème de rupture par une méthode énergétique mais sa
théorie de Grith peut être dérivée rigoureusement à partir des principes de la
thermodynamique [76,89,116]. On considère un matériau élastique présentant une
ssuredelongueur
l
etd'aireA
etsoumisàunchargementlointain.Laseuleinconnue duproblèmeestlapositiond'équilibredelassure,elleestdéniecommelapositionqui minimise l'énergietotale du système. Ecrivons l'énergietotale
U
en ne gardant que lestermes qui dépendent de la positionde lassure.U = U
E
+ U
P
+ U
S
= U
M
+ U
S
(1.18)où
U
M
est l'énergie mécanique,U
E
est l'énergie potentielle élastique,U
P
l'énergie potentielle de la charge appliquée etU
S
l'énergiepotentielle de surface.Supposonsquelassuresedéplaceetbalaieunesurface
dA
,lavariationd'énergie totale associée s'écrit :dU =
∂U
M
∂A
+
∂U
S
∂A
dA
(1.19)Irwin introduit le concept de tauxde restitution de l'énergie [61,62], noté G, égale
à lavariationd'énergie mécanique par unité de surface nouvellement créée :
G =
−
∂U
M
∂A
P
=
−
∂U
E
∂A
+
∂U
P
∂A
P
=
−
∂U
E
∂A
δ
(1.20)Les indices spécient les conditions aux limites à l'inni : chargement imposé (
P
) ou déplacement imposé (δ
). Endénissant l'énergiede fractureΓ
:Γ =
∂U
S
onpeut alors réécrirela variationde l'énergietotale de manièreplus condensée:
dU =
−(G − Γ)dA
(1.22)Il sera utile par la suite d'introduire le concept de force d'extension de la ssure
G
[116]égaleàlavariationd'énergietotalepar unitédesurface nouvellementcréée:dU =
−GdA
(1.23)Nousallons maintenant donnerdeux exemplesde calculsde G.
(a) Test àchargementlointain
σ
∞
imposé. A gauche,énergie totale dusystème∆U
enfonctiondelalongueurdelassureL
.Lacourbe présente un maximum correspondant à une position d'équilibre in-stable pourlassure.(b) Testàdéplacement
d
imposé.Agauche,énergietotaledusystème∆U
en foncion de la longueur de la ssureL
. La courbe présente unminimumcorrespondantàune positiond'équilibrestablepourla ssure.Figure1.6 Diérentstests de rupture. a) Test en tractionconsidéré par Grith
[50]. b)Test de clivage considéré par Obreimo[103].
Test de traction La conguration étudiée est présentée dans la Fig. 1.6(a)
et nous allons simplement utiliser des lois d'échelle qui captent l'essentiel de la
physique. Nous allons calculer la variation d'énergie libre d'une plaque d'épaisseur
w
, de surfaceL
2
(
L
w
) lorsqu'une ssure de longueurl
apparaît. La présence de lassure permet de relaxer l'énergie mécanique dans un volume variant commewl
2
:∆U
M
∼ −
σ
2
∞
E
wl
2
(1.24)L'énergie de surface a augmenté:
∆U
S
∼ Γlw
(1.25)Lavariationd'énergietotale,représentée danslaFig.1.6(b)àdroite,prendlaforme
suivante :
∆U
∼ −
σ
2
∞
E
l
2
w + Γlw
(1.26)Le tauxde restitution de l'énergie
G
vaut alors :G =
−
d∆U
dA
∼
σ
2
∞
E
l
(1.27)etl'on retrouve l'expression de
G
quiaconduitaucritère deGrith1.16. Lecalcul exact donne:G =
2πσ
2
∞
E
l
(1.28)Test de clivage On se place dans la conguration de la Fig. 1.6(b). Un coin
impose une déection
d
créant une ssure de longueurl
. L'énergie élastique est essentiellement sous forme d'énergie de courbure donc proportionnelle au carré dela coubure de la plaque
C
2
∼
d
l
2
2
:∆U
E
∼ B
d
2
l
4
lw
(1.29)Pour un chargement à déplacement imposé
∆U
P
= 0
. L'énergie de surface a aug-menté:∆U
S
∼ Γlw
(1.30)La variationd'énergietotale, représentée danslaFig. 1.6(b)àdroite, prendalorsla
forme :
∆U
∼ B
d
2
l
3
w + Γlw
(1.31)Le tauxde restitution de l'énergievaut :
G
∼ B
d
2
l
4
(1.32)Le résultatsera dérivérigoureusement dansle chapitre3.Au début de cettepartie,
nous avons insisté sur le fait que lecomportement de la ssure était dominé par la
forme du champ élastique auvoisinage de la pointe. L'objet du paragraphesuivant
Figure1.7 Système de coordonnées locales à lapointe de la ssure.
2.2.3 Champ élastique au voisinage de la pointe de ssure
On considère un milieu inni présentant une ssure plane. Le champ élastique
auvoisinagede lapointede ssureest donné parledéveloppementsuivant[60,134,
139,141]:
σ
ij
=
1
√
2πr
K
I
.f
I
ij
(θ) + K
II
.f
ij
II
(θ) + K
III
.f
ij
III
(θ)
(1.33) etu
i
=
1
2E
r
r
2π
K
I
.g
I
i
(θ) + K
II
.g
i
II
(θ) + K
III
.g
i
III
(θ)
(1.34)où
σ
i,j
etu
i
sontrespectivementleschampsdecontrainteetdedéplacement,K
I
,K
II
etK
III
sont les facteurs d'intensité des contraintes (FIC) associés aux trois modes de rupture et s'expriment en Pa√
m. Ils sont déterminés à partir des conditions
aux limites à l'inni. Par contre la singularité en
r
−
1
2
et les fonctions
f
ij
etg
i
sont indépendantes des conditions aux limites. Ainsi la donnée des 3 FIC déterminententièrementlechampélastiqueauvoisinagedelapointe.Atitred'exemple,calculons
le facteur d'intensité des contraintes en mode I pour
θ = 0
à partir de l'équation 1.13. Un développementautour dex = l + r
, oùr
l
, donne:σ =
√
K
I
2πr
(1.35)
où
K
I
= σ
∞
√
πl
. On retrouve ainsi l'expression du FIC qui a conduit à l'établisse-mentdu critèred'Irwin 1.17.Fissure interfaciale On appelle ssure interfaciale, une ssure qui se propage
à l'interface de deux matériaux. Cette situation est rencontrée dans les problèmes
d'adhésion où l'on étudie le décollement d'un matériau adhérant à un substrat.
On dénit alors un champ de contrainte complexe
σ = σ + iτ
oùσ
etτ
sont respectivementlacontrainted'ouvertureetdecisaillement.Auvoisinagedelapointede ssure, leterme singulier de lacontraintecomplexe s'écrit [58,78]:
σ
∼ Kr
−
2
1
+i
avec
i
2
=
−1
,
K = K
1
+ iK
2
est leFIC complexe, est une constante caractérisant le désaccord mécanique entre les deux matériaux. Si lesmatériaux sont identiques,= 0
,K
1
= K
I
etK
2
= K
II
, lesexpressions 1.33 et1.34 sont retrouvées. La forme du champ proposée présentedeux particularités:•
l'exposanti
conduit à une oscillation du champ élastique qui devient inni-ment rapide à l'approche de la pointe de la ssure. On admet généralementque ces phénomènesapparaîssentdans la zone de dissipation oùleséquations
de l'élasticitélinéairene sont de toute façon plus valides
•
il n'est plus possible de décomposer une rupture en trois modes indépendants associésà3FIC.Unchargementlointainenmoded'ouverturepeutprovoquerdu cisaillement auniveau de la pointe de ssure. Cette situation est illustrée
par la gure 1.8. Prenons pour simplier le cas d'une ssure en mode
d'ou-verture (Fig. 1.8, à droite), l'importance du mode de cisaillement peut être
quantiéeen calculantletauxdemodemixte
Ψ = tan
−1
K
2
K
1
.
Ψ
estd'autant plus grand et le cisaillement important que les matériaux ont des propriétésmécaniques ou des caractéristiques géométriques diérentes.
Nousavons misen évidence deux grandeurs, le taux de restitution et le facteur
d'intensité des contraintes, caractérisant le champ élastique d'un matériau ssuré.
Voyons maintenant quel lienlesunis.
2.2.4 Equivalence entre G et K
En1957, Irwin calculele travail exercé par les termes singuliersdu champ
élas-tique pour refermer une ssure et montre qu'il est égal au taux de restitution de
l'énergie
G
. Cette identité setraduit par [76,78]:G =
1
E
K
2
I
+ K
II
2
+
1 + ν
E
K
2
III
(1.37)où
E
etν
sont respectivement lemodule d'Young et lecoecient de Poisson. L'ex-pression 1.37 est très importante. Sauf dans des géométries très simples, il est engénéraldiciledetrouverl'expressiondutauxde restitutionde l'énergie,parcontre
il existe des méthodes puissantes permettant de calculer directement les facteurs
d'intensité des contraintes. La relation entre
G
etK
a d'abord été établie dans le cadred'unerupturefragilemais peutêtreétendueaucasd'uneruptureductiledansl'hypothèse de séparation d'échelle c'est-à-dire lorsque les processus de dissipation
sont connés dans une zone beaucoup plus petiteque les dimensionsdu matériau.
Dansle cas d'unessure interfaciale,on aaussi une relationentre Getles FIC,
K
1
etK
2
.Prenons toujours lecas d'un mode d'ouverture (Fig.1.8, àdroite) [58] :G =
1
E
?
K
2
1
+ K
2
2
=
1
E
?
K
2
1
1 + tan
2
Ψ
(1.38) oùE
?
estunequantitéhomogèneaumoduled'Youngprenantencompteledésaccord
mécaniqueentrelesdeuxmatériaux.
K
1
etK
2
sontlacomposanteréelleetimaginaire du facteur d'intensitédes contraintes complexeintroduit dans larelation 1.36 etΨ
le tauxde mode mixte.Figure 1.8 A gauche, chargement en ouverture d'un matériau homogène
iso-tropeconduisantà une rupture en mode I pur. Au milieu,chargement asymétrique
conduisantlocalementàunerupture enmodemixte:
K
II
6= 0
.K
II
tendvers0
pour les faiblesouvertures. A droite, chargement en ouverture d'un échantillon composéde deux matériauxaux propriétésmécaniques et/ougéométriquesdiérentes. Cette
asymétrie conduit à une rupture en mode mixte.
K
II
tend vers 0 lorsque les deux matériauxsontidentiques :mêmemoduled'YoungetcoecientdePoissonetmêmeépaisseur.
Dans la partie suivante, nous allons utiliser les concepts de taux de restitution
de l'énergie et de facteur d'intensité des contraintes pour établir des critères de
propagationde ssure.
2.3 Critères de propagation
2.3.1 Critère de Grith
Connaissant le mode de chargement, la géométrie et les propriétés mécaniques
du matériau, nous pouvons calculer le taux de restitution de l'énergie. Dans le cas
particulier où le matériau se trouve à l'équilibre, on peut relier l'énergie élastique
stockée en volume dans lematériau avec l'énergiede fracture associée à lacréation
d'uneinterface.Ilsutd'écrirequel'équilibrecorrespondàunextremumdel'énergie
libre,
dU = 0
, ce qui donne grâceà la relation1.22 :G = 0
ouG = Γ
(1.39)l'équation1.39estappeléelecritèred'équilibrede Grith.Lorsque
G 6= 0
,lassure sedéplacespontanément vers une nouvelle positiond'équilibre.Le sens dedéplace-ment doit satisfaire la condition
dU < 0
. SiG > 0
alors, d'après l'équation 1.22,dA > 0
: la ssureavance. SiG < 0
,la ssurerecule.Pourconnaîtrelastabilitédel'équilibredénieparl'équation1.39,ilfautcalculer
lesdérivées secondes de l'énergielibre. Lecritère de stablité s'écrit alors :
−
∂
2
U
∂A
2
=
∂G
Autrementdit,lassureeststablesiletauxde restitutiondel'énergiediminueavec
lapropagationde lassure.Appliquonsmaintenantcesrésultatssurdeuxexemples.
Test de traction En utilisant le critère d'équilibre de Grith, on en déduit la
relationsuivanteentrelapositiond'équilibredelassure
l
eq
etl'énergiede fracture:l
eq
∼
EΓ
σ
∞
(1.41)
En ce qui concerne la stabilité, on a
∂G
∂A
∼
2πσ
2
∞
E
> 0
, l'équilibre de la ssure est instableetellesepropage àtraverstoutlematériausitôtquelacontrainteadépasséun certain seuil.Il est alorsplus judicieux de dénirune contrainteseuilde rupture
pour une ssure préexistentede longueur
l
donnée :σ
∞
c
∼
r
EΓ
l
(1.42)Test de clivage Danslecasdu test declivage,lapositiond'équilibredelassure
pour un chargement donnés'écrit :
l
eq
∼
B
Γ
1
4
√
d
(1.43)Analysons la stabilitéde l'équilibre :
∂G
∂A
∼ −B
d
2
l
5
< 0
, ce qui signie que pour une déectiond
donnée,ilexistetoujoursunepositiond'équilibrestable.Cettegéométrie a l'avantage de permettre d'étudier lapropagationquasistatique d'unessure etdeminimiser,lorsque les vitesses sont susamment faibles, leseets visco-élastiques.
2.3.2 Critère d'Irwin-Orowan
Dans ces conditions, en s'appuyant sur le critère d'équilibrede Grith et de la
relation entre taux de restitution de l'énergieet facteur d'intensité des contraintes,
on établitle critèred'équilibre dû à Irwin:
K
I
= K
Ic
(1.44)Le concept de facteur d'intensité des contraintes est essentiellement un concept
d'élasticité linéaire. Il s'en suit que la ténacité est liée à une rupture élastique et
il n'est pas évident qu'elle soitune grandeur intrinsèque d'un matériau. Enréalité,
on peut montrer que sous l'hypothèse de séparation d'échelle, les concepts de taux
de restitution d'énergie etde facteur d'intensité des contraintes sont équivalents et
ce n'estque par commoditéque l'on en préfère l'un àl'autre.Le critèrede stabilité
s'écrit :
∂K
∂A
< 0
(1.45)A l'exception des verres, la théorie de Grith prédit des énergies de fracture de
plusieurs ordres de grandeur supérieures au travail thermodynamique d'adhésion.
Figure 1.9 Séparation d'échelle autour de la pointede lassure
matériauavaitsubitdesdéformationsplastiques.Irwinet,demanièreindépendante,
Orowan,ontproposé quel'énergiede fractureétaiten faitlasommede deuxtermes,
l'unest dû àlacréationd'uneinterface,l'autreauxeets visco-plastiques en pointe
de ssure :
Γ = 2γ + 2γ
p
(1.46)A la diérence de
γ
,γ
p
n'est pas une grandeur caractéristique du matériau, elle dépend en général de la géométrie du chargement et de l'histoiredes sollicitations.Très souvent,
γ
p
γ
. L'extension du critère de Grith-Irwin au cas de la rupture ductilenécessite quelques précautions.En eet, ilfaut pouvoirutiliser lathéoriedel'élasticitélinéairepour calculer,Gou K,lorsd'unprocessus oùleseets de
plasti-cité ne peuvent pas être ignorés. Irwin, constatant que les déformations plastiques
étaient très souvent localiséesen pointede ssure, montra quelaThéorieElastique
Linéaire de la Ruptureétait valide en présence de plasticité si onpouvait faireune
hypothèsedeséparationd'échelle.Ondénitunezonedissipativeautourdelapointe
de la ssure qui s'étend sur échelle de taille
r
diss
, si la taille de l'échantillonL
est grandedevantr
diss
alors l'énergiedissipée ne correspond qu'àune petite fractionde l'énergieélastiquedu systèmeetilest légitimedeconsidérer quelematériaurépondessentiellement de manière linéaire élastique. On dénit ensuite une zone autour
de lassure de taille
r
sing
où la partie singulièredu champ élastique constitue une bonne approximation. L'hypothèse de séparation d'échelle s'écrit alors :r
d
r
sing
< L
(1.47)Lorsquecettehypothèseestvériée,lechampélastiquevuparlazonede dissipation
correspond aux termes singuliers calculés dans le cas d'un milieu inni. Bien que
les processus de dissipation soient particuliers au matériau et à la nature de la
sollicitation,leproblèmeestconsidérablementsimpliécarlesconditionsauxlimites
sontcellesdu champ élastiquesingulierdontlaformeest cettefoisindépendantede
2.3.3 Stabilité hors du plan
LecritèredeGrithoud'Irwinne donneaucune informationsur ladirectionde
propagation du front.Enfait,onpeut interpréter letauxde restitution de l'énergie
G
commeune forcedontladirectionesttangenteàlassureetquitire laligne vers l'avant si elle est plus importante queΓ
[1]. Pour connaître la direction, il faut un autre critère.Il existe en réalitéunnombre assezconséquentde critèresprédisantlecheminempruntéparlassuredontonpeuttrouverunerevuedanslaréférence[96].
Citons, par exemple,le principede symétrie locale pour lequel la ssurese propage
dans la directionoù
K
II
, le facteur d'intensité des contraintes en mode II, s'annule [47],lecritèredumaximumdutauxderestitutiondel'énergiepourlequellassuresepropage dans ladirectionoù
G
est maximale[57] ou encore lecritère du maximum de la contrainte circonférentielle en extension (en anglais, maximum tensile hoopstress) [34]. Les prédictions de ces diérents critères sont sensiblement les mêmes
mais les travaux de Amestoy et al. ont montré que des diérences interviennent
pour des déplacements de ssure de taille nie [4]. En milieu homogène isotrope,
une ssure a donc tendance à sepropager en mode I et à minimiserle cisaillement
en pointe. La propagation peut quand même se produire en mode mixte lorsqu'il
existe un plan de faiblesse comme dans lecas d'une ssure interfaciale[58].
2.3.4 Propagation quasi-statique
Onparledepropagationquasi-statiquelorsquel'onpeutnégligerleseets
d'iner-tie. Reprenonsl'exempledutest declivageetsupposonsqueladéexion
d
n'estplus xée mais varie susamment lentement, à lavitessed
˙
, pour que le critère de Grif-th soitvérié àchaque instant.En identiantG
àΓ
dans l'expression 1.32, onen déduit que lavitesse d'avancée de lassurev = ˙
l
eq
est proportionnelleàd
˙
:v
∼
√
d
˙
d
B
Γ
1
4
(1.48)Cette proportionnalité est rarement observée en pratique : la dynamique est plus
souvent gouvernée par les eets de retard liés à la visco-élasticité du matériau et
aux réactionschimiquesen tête de ssure.Ilest possiblede reformulerla théoriede
Grithdans lecadre delathermodynamiquedes processusirréversibles tantquela
ssure se trouve faiblement hors d'équilibre.Si onnote
˙h
la vitesse locale du front, le tauxde productiond'entropieΛ
s'écrit [76,114,116]:Λ =
1
T
Z
(G
− 2γ) ˙hds ≥ 0
(1.49)où
s
est la coordonnée curviligne le long du front, l'intégration porte sur toute la longueur du front de ssure,T
est la température,G
le taux de restitution de l'énergie,γ
l'énergiede surface danslevide.Pour unessure rectiligne,h(s)
≡ h
,le critère de propagation de Grith généralisé s'écrit alors :L'inégalité 1.50 indique que la vitesse et la force d'extention de la ssure
G =
G
− 2γ
sont toujours de même signe : siG > 2γ
, la vitesse est positive etla ssure avance. SiG < 2γ
, la ssure recule et à l'équilibreG = 2γ
. En généralisant ainsi le critèrede Grith, nous obtenons une équation du mouvement de la ssure liantv
àG = G − 2γ
. En utilisant des méthodes classiques de calcul, l'expression deG
peut être connue sans avoir recours à un modèle particulier. A l'inverse, il est toujours nécessaire d'introduire des lois de comportement rhéologiques pour tenircompte de la viscoélasticité et des déformations plastique pour évaluer le terme de
créationd'entropie
Λ
. Laphénoménologie des processusdissipatifs àlapointede la ssureesttrèsricheetincluelesdéformationsplastiques,desprocessusdedissipationplus complexes comme la brillation,les craquelures, la cavitation. Cette diversité
rend évidemment ladérivation d'uneéquation du mouvement àpartir des premiers
principes excessivement ardue. Des modèles de propagation viscoélastique ont été
proposés [7,48,55,123,124]. Ils dièrent entre eux suivant la modélisation de la
dissipationen tête dessure,l'utilisationd'uncomportement mécaniquelinéaireou
non, lesrégimes de vitesse envisagés.
Dansledomainedel'adhésiond'élastomèressursubstratsrigides,desprédictions
ont pu être faites à l'aide d'arguments portant sur le comportementdes chaînes de
polymères en interaction avec le substrat. A l'aide d'un modèle d'extraction de
chaînes, De Gennes et al. ont proposé une dependance linéaire entre la vitesse et
G
. Cette prédiction n'a été que très rarement vérifée [18,31]. Chaudhury et al. ont proposéunmodèlederupturedechaînesfacilitéeparactivationthermique(équationd'Eyring) dans le contexte d'une adhésion chimique forte entre l'élastomère et son
substrat. Unedépendance logarithmiquede G avec lavitesse est obtenue etvériée
sur les expériences d'adhésion qu'ils ont réalisées. Pour des adhésions plus faibles
une équation du mouvement empiriquea été proposée [5,44,90,132] :
G
− 2γ = 2γ
v
v
?
T
n
(1.51)L'énergie dissipée par unité de surface, terme à droite de l'égalité 1.51, est
suppo-sée proportionnelleautravailthermodynamique d'adhésion.Intuitivement,on
com-prend qu'il ne peut pas y avoir une forte dissipation visco-plastique si l'énergie de
surface est trop faiblepour soutenirde fortes déformations dans le matériau[5,92].
Ladépendance en loide puissance avec lavitesse, proposée par Maugis etal., aété
vériéesurdiérentstypesdematériauxdansdes géométriesde pelageouJKR[90].
Bienqu'aucuneexpression n'aitété encoreproposée pour l'échelledevitesse
v
?
T
,ellerepose sur les propriétés viscoélastiques en volume du matériau considéré. Cette
vitesse possède une dépendance avec latempératureque l'on peut déterminer [38].
D'autres mécanismes peuvent être mis en jeu pour rendre compte de la
dyna-mique àbasse vitesse.Des expériences anciennes de Grenet [49]et Milligan[93] ont
misen évidenceun retard àla rupture pour lesverres : lorsque le matériauest mis
soustensionconstante,ilnecèdepas instantanémentmaisromptbrutalementaprès
un certain temps d'attente. Ce phénomène est appélé rupture sous-critique car la
rupture en traction apparaît pour un seuil
K
c
inférieur de 20 à 30% au seuilK
˜
c
de rupture rapide. L'évolution de la vitesse en fonction de la tenacité estFigure 1.10 Vitesse de propagation
v
d'une ssure interfaciale en fonction du facteur d'intensité des contraintesK
. Le matériau est viscoélastique et est soumis à un chargement constant. La tenacité du matériau estK
c
, leseuil de propagation rapide estK
˜
c
.seuil
K
c
, une diminution rapidede la vitesse et un arrêt completde lassure pourK = K
c
, un régime intermédiaire,K
c
< K < ˜
K
c
, oùv
varie comme une puissance deK
etennunrégimedepropagationrapidede lassurepourK > ˜
K
c
.Plustard, Wiederhorn [140]misen évidencelerôleimportantjouéparl'humidité.De manièregénérale, lorsque l'atmosphèreest un facteur inuençant laresistance du matériau,
on parle de corrosion. On observe alors souvent une diminution de
K
c
(Tab. 1.2). Plusieurs mécanismes interviennent en pointe de ssure incluant des réactionschi-miques, la diusion, la dissolution et l'échange d'ions, la microplasticité. Une loi
phénoménologique, indépendante des mécanismes sous-jacents, a été proposée par
Charles [20] :
v = A(T )K
m
(1.52)où
v
est la vitesse moyenne du front,K
le facteur d'intensité des contraintes,T
la température,A(T )
etm
sont des paramètres empiriques caractérisant le matériau pourun mode de rupturedonné. Laloide Charlesest compatibleavec lemodèledeMaugis et al., qui se réécrit en terme de vitesse en fonction du facteur d'intensité
des contraintes :
v = v
T
?
(K
2
/K
0
2
− 1)
1/n
(1.53)Dans la limite
K
K
0
, on retrouve la loi de Charles avecm = 2/n
. L'équation 1.53 a un domaine d'application plus important que la loi de Charles puisqu'elleHumide Sec
Matériaux
K
c
Γ
K
c
Γ
Silice 0.37 0.9 0.8 4.4
Verre borosilicaté 0.25 0.45 0.76 3.9
Table 1.2 Variations de la ténacité et de l'énegie de fracture du verre en
atmo-sphère sèche ouhumide(d'après [88]).
plus, l'inuence de l'environnementpeut aussi être pris en compte dans lecadre de
lathermodynamique irréversible, en généralisant
Γ
.L'énergie de fracture peut être généralisée en tenant compte explicitement de son environnement et des réactionschimiques oud'adsorption pouvant avoirlieusur lasurface nouvellementcréée [88,
116] :
Γ = Γ
vide
− 2∆γ
(1.54)où
Γ
vide
est l'énergiede fracturationdans le vide,∆γ
est lacorrection apportéepar la formule de Gibbs pour tenir compte de l'adsorption et des réactions chimiques.∆γ
dépend de la température, de la pression, de la concentration de l'espèce chi-miqueconsidérée.Maugis[88]avancequelesvariationsded'énergiede fracturesontsusantes pour rendre compte des diminutions de quelques dizaines de pourcent
dans la rupture des verres (Tab. 1.2). Dans cette perspective, la rupture n'est pas
sous-critique : le critère de propagation de Grith est toujours valide moyennant
une généralisationde l'énergiede fracturation.
La loi de Charles peut être mise en relationavec la loide Paris qui gouverne la
propagationd'une ssure sous chargement cyclique [107,108] :
dl
dN
= C∆K
m
(1.55)
où
l
est la position de la ssure,N
le nombre de cycles et∆K
est l'amplitude de variationdu facteur d'intensitédes contraintes dénie par :∆K = K
max
− K
min
(1.56)C
etm
sont des constantes empiriques. Elles dépendent de manière générale de la microstructure du matériau, de l'environnement et de la température. L'exposantm
varieentre 2 et4pour lesalliagesmétalliquesductileetpeut prendredes valeurs beaucoup plus élevées pour lessolidesamorphes commelesverres oulespolymères.Lorsque lesmécanismes de dissipation à lapointede lassure sontles mêmespour
unchargementcycliqueetstatique,ilest possibledelierl'exposantde laloide Paris
avec celui de laloi de Charles [135].
Les retardsàla rupture etla propagationlente des ssuresont été étudiésdans
des matériaux hétérogènes. Les mécanismes mis en jeu font intervenir de manière
crucialelamicrosctructuredumatériau.Lefrontdessurepeutalorssetrouverpiégé
par une zone de forte ténacité et s'arrêter. Il est aussi possible que la propagation
de dépiéger la ssure. La propagationest alors bien sous-critique dans le sens qu'à
température nulle, il n'y a pas de propagation et à température plus élevée, il y a
propagation. Les eorts expérimentaux et théoriques portent sur la prédiction du
temps d'attente avant la rupture rapide du matériau[122,136].
2.3.5 Quelques remarques sur la théorie de Grith-Irwin-Orowan
La théorie de Grith met de côté le problème de la nucléation et surtout elle
n'est pas capable de prédire le chemin qui va être emprunté par une ssure. De
même, lorsqu'il n'existe pas de défaut susamment important pour contrôler la
résistanceàlarupture, unethéoriestatistiquedelafractureest alorsnécessaire[53].
Weibullfutlepremieràproposerunethéoriequantitativedelafracturedematériaux
hétérogènes en s'appuyant sur la théorie de Grith. L'idée est de décomposer le
matériauenunitésélémentaireschacunepossédantsaproprerésistanceàlarupture.
En supposant une certaine distributionde resistance à la rupture, il a proposé une
distribution des contraintes àla rupture, appelée plus tard distributionde Weibull,
pouvant rendre compte de la variabilité des résultats de test de résistance [138].
De manière plus générale, la résistance des matériaux hétérogènes est très liée à
la théorie des valeurs extrêmes : une petite zone de faiblesse dans un matériau est
susceptible de le fragiliser globalement. Enn, le lien entre de fortes interactions
entre microssures et la résistance à grande échelle d'un matériauest un problème
de physiquestatistique encore largement ouvert [3,119].
3 Les fronts de ssure
Dans cette section, nous étendons l'étude au cas d'un front de ssure. L'ajout
d'unedimensionsupplémentairenous conduitàétudierlesproblèmes liésàlaforme
du front, sa stabilité et sa réponse, en régime quasi-statique ou dynamique,
vis-à-vis des hétérogénéités présentes dans le matériau. L'étude de la propagation d'un
frontde ssure dans un matériauhétérogène s'inscrit dans le cadre plus généralde
la dynamique d'une interface, 1D ou 2D, en présence d'un désordre. Ce problème
générique couvre un spectre assez large de la physique. Citons le déplacement de
ligne de vortex dans les supraconducteurs de type II, la propagation d'un front
de mouillage, l'imbibition dans un poreux ou encore le déplacement de parois de
domaines magnétiques. La dimension du problème, la portée des interactions et la
nature du désordre détermine en grande partie la phénoménologie.On verra quele
frontde ssureet de mouillagetombedans lamême classe de problème.
3.1 Elasticité d'un front de ssure
De manière générale, la morphologie etla dynamique d'une interface résultede
la compétitionentre un terme de rappel élastiqueet un terme de piégeage dû à des
hétérogénéitésprésentedanslemilieu.Lapremièreétapeconsistedoncàcaractériser
Figure1.11 Front de ssure plan chargé en mode d'ouverture.
3.1.1 Expression du facteur d'intensité de contrainte
Comme le comportement de la ssure est essentiellement dominé par le terme
singulier du champ de contrainte, le problème d'élasticité se réduit au calcul du
FIC. Prenons le cas d'une ssure se propageant dans un plan avec un chargement
lointainen mode d'ouverture(Fig.1.11). L'étatde base est un frontde ssure droit
h
0
auquel est associé un facteur d'intensité des contraintesK
0
indépendant dex
. Gao etal. donnentl'expression du facteurd'intensitédes contraintelorsque lefrontest perturbépar rapportà son état de base par une quantité
δh(x)
[42] :K[x, h(x)] = K
0
+
dK
0
dy
δh(x) + K
0
1
2π
V P
Z
+∞
−∞
δh(x
0
)
− δh(x)
(x
0
− x)
2
dx
0
(1.57)avec
h(x) = h
0
+ δh(x)
eth
0
δh(x)
.V P
désignelavaleurprincipaledel'intégrale. Lenoyaudansletermeintégralestlemêmequedanslecas d'unfrontde mouillage,il est à l'origine de la forte analogie qui existe entre les deux phénomènes. Des
travaux ultérieurs ont poussé le développement au premier terme non linéaire en
δh
[67].Ilexiste une méthode itérativedéveloppée initialementpar Boweretal.[14] qui permetde connaître leFIC pour une perturbationnie du front.3.1.2 Equilibre et stabilité
Connaissant le champ élastique d'un front faiblement perturbé, il est
intéres-sant d'étudier sa stabilité lorsqu'il se propage dans un milieu homogène. Le critère
d'équilibrepour un front de ssure s'écrit de la manièresuivante:
K[x, h(x)] = K
c
(x, y = h(x))
(1.58)Danslecas oùlematériauesthomogène, laténacité
K
c
(x, y)
est constante. L'étude de sa stabilité vis-à-vis d'une perturbation sinusoïdaleδh(x) = a cos(2π
x
à l'expression du FIC [78,117] :
K[x, h(x)] = K
0
+
dK
dy
−
K
0
λπ
a cos(2π
x
λ
)
(1.59)Ladiscussionsurlastabilitéreposesurlesignede
dK
dy
−
K
0
λπ
auxpointsdufrontles
plus avancés c'est-à-dire pour
x = ...,
−λ, 0, λ, ...
. SidK
dy
>
K
0
λπ
, une perturbationengendre en ces points une augmentation du FIC et ils sont donc encouragés à se
déplacer davantage. Dans l'autre cas, leFIC est plus faible pour les points les plus
avancés et plus fort pour les points en retrait, si bien que laperturbationn'est pas
ampliée. En résumé,le front droit est stable si :
dK
dy
<
K
0
λπ
(1.60)Dans le cas du test de clivage,
dK
dy
est négatif : le front de ssure est stable vis-à-vis d'une perturbation de n'importe quelle longueur d'onde. A l'inverse, pour letest en traction, il existe une longueur d'onde critique au delà de la laquelle une
perturbation commence à croître. Le problème de l'instabilité de front de ssure
peutêtre étudiédans lecontexte de l'adhésion. Ilne s'agitpas d'un matériauinni,
homogènemaisdelmélastiqueminceenadhésion,sécheouhumide,surunsubstrat
rigide.Deuxcongurationsexpérimentalessontprésentées.Lapremièreaétéétudiée
par Ghatak et al. [2,45,46] : un élastomère assimilé à un matériau élastique est
connéentreunsubstratrigideetunelameexible.Ilsmontrentquepouruncertain
jeu de paramètres, une instabilité apparaîtlorsqu'une lame exible est pelée. Dans
ladeuxième,nous avonsétudié leproblèmede délaminationdelmmincedans une
géométrie axisymétrique[24].Nousmontrons quelorsquelesdéformationsimposées
dépassentun seuil,lefrontde formecirculairesedétastibilise.Deces deuxexemples
ont retiendra que des contraintes supplémentaires imposées au système comme le
connementouunegéométrie axisymétriquepeuvent être desfacteurs destabilisant
pour lefront. Ces études rentrent dans le cadre de génération de formes complexes
à partir d'instabilitéélastique.
3.2 Piégeage de la ligne par un défaut isolé
Lorsqu'unfrontdessurerencontreundéfaut,laformequ'iladopterésulted'une
compétitionentre l'énergieélastiquedelaligneetlaforcedudéfaut.Enpratiqueles
défauts peuvent être des inclusions (grains de sable, bres, ...), des cavités
(maté-riauxporeux,bulle d'air piégée),desdéfauts cristallographiques, des hétérogénéités
chimiques.Leur présence est modélisée par une dépendance de l'énergiede fracture
avec les coordonnées de l'espace. Nous allons considérer d'abord des défauts qui
conservent l'invariance par translation suivant la direction de propagation (Oy) et