REPERES
Rédactriceenchef:CatherineTAUVERONSecrétaire derédaction:Gilbert DUCANCEL
Directeurdepublication:AndréHUSSENET,directeurdel'INRP
COMITÉ
DE
RÉDACTION
JacquesCOLOMB,DépartementDidactiquesdesdisciplines, INRP
Michel DABENE, Université Stendhal, Grenoble
Gilbert DUCANCEL, IUFMdePicardie,Centred'Amiens
Marie-MadeleinedeGAULMYN,Université Louis Lumière, Lyon11
FrancisGROSSMANN,Université Stendhal, Grenoble RosineLARTIGUE,IUFMdeCréteil, CentredeMelun CatherineLECUNFF,IUFMdeCréteil
DanièleMANESSE,UniversitéParisV FrancisMARCOIN, Universitéd'Artois
Maryvonne MASSELOT,UniversitédeFranche-Comté
AlainNICAISE, Inspection départementaledel'E.N.d'Amiens1
SylviePLANE,IUFMdeCaen,CentredeSaint Lô HélèneROMIAN(rédactriceenchef de1971 à 1993)
CatherineTAUVERON,IUFMdeClermont-Ferrand Gilbert TURCO, IUFMde Rennes
COMITÉ
DE
LECTURE
SuzanneALLAIRE, UniversitédeRennes
AlainBOUCHEZ, Inspectiongénérale de laFormationdesMaîtres Jean-PaulBRONCKART, UniversitédeGenève
Michel BROSSARD,UniversitédeBordeauxII
Jean-Louis CHISS, ENS deFontenay-Saint-Cloud,CREDIF
JacquesDAVID,IUFMdeVersailles,CentredeCergy-Pontoise
RégineDELAMOTTE-LEGRAND,UniversitédeHauteNormandie FrancetteDELAGE,Inspectiondépartementaledel'E.N.deRezé
SimoneDELESALLE,UniversitéParisVIH ClaudineFABRE,IUFMetUniversitédePoitiers
Michel FRANCARD,Faculté dePhilosophieetLettres,Louvain-la-Neuve FrédéricFRANCOIS,UniversitéParisV
ClaudineGARCIA-DEBANC,IUFMdeToulouse, CentredeRodez GuislaineHAAS, UniversitédeDijon
Jean-Pierre JAFFRÉ,CNRS
DominiqueLAFONTAINE,UniversitédeLiège Maurice MAS, IUFMdeGrenoble,CentredePrivas BernadetteMOUVET,UniversitédeLiège
ElizabethNONNON,UniversitédeLille Micheline PROUILHAC,IUFMdeLimoges Yves REUTER,UniversitédeLille
III
BernardSCHNEUWLY,UniversitédeGenève
Françoise SUBLET,MAFPENetUniversitédeToulouseLeMirail
JacquesTREIGNIER,Inspection départementaledel'E.N.deDreux2
JacquesWEISS,IRDP deNeuchâtel
REPERES
Rédactriceenchef:CatherineTAUVERONSecrétaire derédaction:Gilbert DUCANCEL
Directeurdepublication:AndréHUSSENET,directeurdel'INRP
COMITÉ
DE
RÉDACTION
JacquesCOLOMB,DépartementDidactiquesdesdisciplines, INRP
Michel DABENE, Université Stendhal, Grenoble
Gilbert DUCANCEL, IUFMdePicardie,Centred'Amiens
Marie-MadeleinedeGAULMYN,Université Louis Lumière, Lyon11
FrancisGROSSMANN,Université Stendhal, Grenoble RosineLARTIGUE,IUFMdeCréteil, CentredeMelun CatherineLECUNFF,IUFMdeCréteil
DanièleMANESSE,UniversitéParisV FrancisMARCOIN, Universitéd'Artois
Maryvonne MASSELOT,UniversitédeFranche-Comté
AlainNICAISE, Inspection départementaledel'E.N.d'Amiens1
SylviePLANE,IUFMdeCaen,CentredeSaint Lô HélèneROMIAN(rédactriceenchef de1971 à 1993)
CatherineTAUVERON,IUFMdeClermont-Ferrand Gilbert TURCO, IUFMde Rennes
COMITÉ
DE
LECTURE
SuzanneALLAIRE, UniversitédeRennes
AlainBOUCHEZ, Inspectiongénérale de laFormationdesMaîtres Jean-PaulBRONCKART, UniversitédeGenève
Michel BROSSARD,UniversitédeBordeauxII
Jean-Louis CHISS, ENS deFontenay-Saint-Cloud,CREDIF
JacquesDAVID,IUFMdeVersailles,CentredeCergy-Pontoise
RégineDELAMOTTE-LEGRAND,UniversitédeHauteNormandie FrancetteDELAGE,Inspectiondépartementaledel'E.N.deRezé
SimoneDELESALLE,UniversitéParisVIH ClaudineFABRE,IUFMetUniversitédePoitiers
Michel FRANCARD,Faculté dePhilosophieetLettres,Louvain-la-Neuve FrédéricFRANCOIS,UniversitéParisV
ClaudineGARCIA-DEBANC,IUFMdeToulouse, CentredeRodez GuislaineHAAS, UniversitédeDijon
Jean-Pierre JAFFRÉ,CNRS
DominiqueLAFONTAINE,UniversitédeLiège Maurice MAS, IUFMdeGrenoble,CentredePrivas BernadetteMOUVET,UniversitédeLiège
ElizabethNONNON,UniversitédeLille Micheline PROUILHAC,IUFMdeLimoges Yves REUTER,UniversitédeLille
III
BernardSCHNEUWLY,UniversitédeGenève
Françoise SUBLET,MAFPENetUniversitédeToulouseLeMirail
JacquesTREIGNIER,Inspection départementaledel'E.N.deDreux2
%
\&
REPÈRESn° 14
-1996
X^flnL^
LA GRAMMAIRE
À
L'ÉCOLE
POURQUOI
EN
FAIRE
?
POUR
QUOI FAIRE
?
Sommaire
Pour uneclarificationdu statutdesactivités grammaticalesàl'école Francis GROSSMANN, UniversitéStendhal, GrenobleIII,LIDILEM
etClaudeVARGAS, IUFMd'Aix-Marseilleet Universitéde Provence 3
Savoirs deréférenceet enjeux institutionnels
Lessavoirsgrammaticauxderéférence:dixansde grammairespourl'Université
ChristianTOURATIER,UniversitédeProvence 15
Inspectiondelagrammaire,grammairedel'inspection.
Lediscours des inspecteurs surlesanalyseslinguistiquesàl'école élémentaire. JacquesTREIGNIER, IEN, INRPEFR1 Prog,équipedeDreux, URACNRS 1164
SUDLA, Rouen 37
Lamiseentextedelathéorie grammaticale danslesmanuels de grammaire duprimaireetdusecondaire
Francis GROSSMANN, UniversitéStendhal, GrenobleIII,LIDILEM 57
Normes,sécurité linguistique,oral
Grammaireetdidactique, plurinormalistedufrançais
ClaudeVARGAS, IUFMd'Aix-Marseilleet Universitéde Provence 83 L'oraldanslaclasse defrançais:quelquesaspectsdelasubordination
àtravers des formes attestéesdans lelangage desenfants
Bruno MARTINIE, CRL,UniversitédeParisX-Nanterre 105
» Acquisition
et
constructionde savoirssurlalangue«S'ilteplait, écris-moil'histoiredupetitchaperon rouge...»
Construction delanormeorthographiqueetgrammaticale duCP au CE2 M.-M.de GAULMYN,S.GONNAND,M.-H. LUIS,GRIC, UMRCNRS5612,
UniversitéLumière, Lyon 2 121
Identification des catégories etaccorddesmots:
uneexpérimentationen3èmeannéeprimaire
MarieNADEAU,Département deLinguistique,Universitédu QuébecàMontréal.. 141
Stratégies d'apprentissage, pratiques reflexives, rôledu métalangage
Delagrammaireàlalinguistiqueparunepratique reflexive del'orthographe
GhislaineHAAS, DanieUeLORROT,Université, IUFMde Bourgogne 161
^
Maîtrisedes formes verbales: problèmesd'apprentissage,stratégiesd'enseignementduCE1 auCM2
André ANGOUJARD,IUFMde Bretagne-SaintBrieucetINRP META 183
^ Quellegrammairepourletexte?
PaulCAPPEAU,Universitéet IUFM dePoitierset MarieSAVELLI,
UniversitéStendhal, GrenobleIII 201
» Actualité delarechercheendidactique dufrançais langue maternelle
Jean-PierreJAFFRÉetD.LAFONTAINE 213
Notes delecture
Francis GROSSMANN,JacquesRILLIARD, Marie-MadeleineDEGAULMYN,
Hélène ROMIAN,GilbertDUCANCEL,Alain NICAISE 217
Summaries
NickCROWTHER andGilbertDUCANCEL 253
%
\&
REPÈRESn° 14
-1996
X^flnL^
LA GRAMMAIRE
À
L'ÉCOLE
POURQUOI
EN
FAIRE
?
POUR
QUOI FAIRE
?
Sommaire
Pour uneclarificationdu statutdesactivités grammaticalesàl'école Francis GROSSMANN, UniversitéStendhal, GrenobleIII,LIDILEM
etClaudeVARGAS, IUFMd'Aix-Marseilleet Universitéde Provence 3
Savoirs deréférenceet enjeux institutionnels
Lessavoirsgrammaticauxderéférence:dixansde grammairespourl'Université
ChristianTOURATIER,UniversitédeProvence 15
Inspectiondelagrammaire,grammairedel'inspection.
Lediscours des inspecteurs surlesanalyseslinguistiquesàl'école élémentaire. JacquesTREIGNIER, IEN, INRPEFR1 Prog,équipedeDreux, URACNRS 1164
SUDLA, Rouen 37
Lamiseentextedelathéorie grammaticale danslesmanuels de grammaire duprimaireetdusecondaire
Francis GROSSMANN, UniversitéStendhal, GrenobleIII,LIDILEM 57
Normes,sécurité linguistique,oral
Grammaireetdidactique, plurinormalistedufrançais
ClaudeVARGAS, IUFMd'Aix-Marseilleet Universitéde Provence 83 L'oraldanslaclasse defrançais:quelquesaspectsdelasubordination
àtravers des formes attestéesdans lelangage desenfants
Bruno MARTINIE, CRL,UniversitédeParisX-Nanterre 105
» Acquisition
et
constructionde savoirssurlalangue«S'ilteplait, écris-moil'histoiredupetitchaperon rouge...»
Construction delanormeorthographiqueetgrammaticale duCP au CE2 M.-M.de GAULMYN,S.GONNAND,M.-H. LUIS,GRIC, UMRCNRS5612,
UniversitéLumière, Lyon 2 121
Identification des catégories etaccorddesmots:
uneexpérimentationen3èmeannéeprimaire
MarieNADEAU,Département deLinguistique,Universitédu QuébecàMontréal.. 141
Stratégies d'apprentissage, pratiques reflexives, rôledu métalangage
Delagrammaireàlalinguistiqueparunepratique reflexive del'orthographe
GhislaineHAAS, DanieUeLORROT,Université, IUFMde Bourgogne 161
^
Maîtrisedes formes verbales: problèmesd'apprentissage,stratégiesd'enseignementduCE1 auCM2
André ANGOUJARD,IUFMde Bretagne-SaintBrieucetINRP META 183
^ Quellegrammairepourletexte?
PaulCAPPEAU,Universitéet IUFM dePoitierset MarieSAVELLI,
UniversitéStendhal, GrenobleIII 201
» Actualité delarechercheendidactique dufrançais langue maternelle
Jean-PierreJAFFRÉetD.LAFONTAINE 213
Notes delecture
Francis GROSSMANN,JacquesRILLIARD, Marie-MadeleineDEGAULMYN,
Hélène ROMIAN,GilbertDUCANCEL,Alain NICAISE 217
Summaries
DES
ACTIVITÉS
GRAMMATICALES
À
L'ÉCOLE
FrancisGROSSMANN,
Université Grenoble lil, LIDILEM et Claude VARGAS,
IUFMd'Aix-Marseille et Université de Provence
Alors queces dernièresannées, la réflexion en didactique dela lecture et de l'écriture a connu des avancées notables, la situation de l'enseignement grammatical peut sembler à maints égards préoccupante. Cela s'explique d'abord historiquement : àlafin des années 1960, dans lecadre dela rénova¬
tion de l'enseignement du français à l'école élémentaire, à laquelletravaillent des équipesdece qui s'appelaitalors l'Institut Pédagogique National, est posé le problème de l'enseignement grammatical, avec, comme lignes de force, les
rapports entre grammaire et communication, la nécessité d'une grammaire acquise defaçon implicite, ou de façonactive par des manipulations(1).Le Plan de Rénovation, élaboré parlegroupedefrançais del'INRDP, et publiéenjanvier
1971,constituealorslepremier documentproposant concrètement, entre autres choses tout aussi novatrices, un nouveau type de grammaire pour l'école élé¬
mentaire (inspiréepour l'essentiel destravaux de ChomskyetdeHarris), et une nouvelle démarche didactique (2) : il s'agissait alors d'une véritable révolution,
aussi bien au plan descontenusquedel'enseignement decette discipline. Onpeutdire,avec lerecul, quelagrammaireàl'école élémentaireaconnu, dans lequartdesiècle qui a suivi, des avatarsqui ontconduitlesformateurs et lesmaitresdel'engouementleplus naïfauxdéceptionslesplusamères:l'appli¬ cationnisme linguistique, outreles « arbres »,a introduit des manipulations for¬
mellesquisesontrévélées, àl'usage,inadaptéesàde jeunes enfants, etpeuen prises avec lespratiquesetlesbesoins. L'approchecommunicative acherchéà mettre l'enseignement grammatical au service des activités d'expression. Les années80, toutenmontrantl'intérêt, pourlaclasse,d'une priseencompte des aspectsliés à l'organisation textuelleou àrenonciation, neréussissentpasréel¬
lementà réunifierde manière cohérente lechamp de l'enseignementgrammati¬ cal. Dans les faits, on continue, à l'école élémentaire, à étiqueter classes et fonctions. Dans ce domaine même, la priseen compte d'une approche plus rigoureusedesphénomènes linguistiques reste rare, en raison dupoids destra¬ ditionset de la placeencoretrop réduitedes sciences du langage dans lafor¬
mation des enseignants. D'autre part, le« français ordinaire » (pour reprendre l'expression deF.Gadet, 1989) restetristement absentdu champd'observation
proposé auxélèves.
Unmotenfinsurl'approche sémantique des phénomènes syntaxiques,qui s'est renouvelée récemment enlinguistique, (voir Charaudeau, 1992, mais aussi, de manière plus prudente, Riegel, Pellat, Rioul 1994). Son retourenforce dans lesmanuels scolairesserepère dèslemilieudesannées 80:83 pourle
secon-DES
ACTIVITÉS
GRAMMATICALES
À
L'ÉCOLE
FrancisGROSSMANN,
Université Grenoble lil, LIDILEM et Claude VARGAS,
IUFMd'Aix-Marseille et Université de Provence
Alors queces dernièresannées, la réflexion en didactique dela lecture et de l'écriture a connu des avancées notables, la situation de l'enseignement grammatical peut sembler à maints égards préoccupante. Cela s'explique d'abord historiquement : àlafin des années 1960, dans lecadre dela rénova¬
tion de l'enseignement du français à l'école élémentaire, à laquelletravaillent des équipesdece qui s'appelaitalors l'Institut Pédagogique National, est posé le problème de l'enseignement grammatical, avec, comme lignes de force, les
rapports entre grammaire et communication, la nécessité d'une grammaire acquise defaçon implicite, ou de façonactive par des manipulations(1).Le Plan de Rénovation, élaboré parlegroupedefrançais del'INRDP, et publiéenjanvier
1971,constituealorslepremier documentproposant concrètement, entre autres choses tout aussi novatrices, un nouveau type de grammaire pour l'école élé¬
mentaire (inspiréepour l'essentiel destravaux de ChomskyetdeHarris), et une nouvelle démarche didactique (2) : il s'agissait alors d'une véritable révolution,
aussi bien au plan descontenusquedel'enseignement decette discipline. Onpeutdire,avec lerecul, quelagrammaireàl'école élémentaireaconnu, dans lequartdesiècle qui a suivi, des avatarsqui ontconduitlesformateurs et lesmaitresdel'engouementleplus naïfauxdéceptionslesplusamères:l'appli¬ cationnisme linguistique, outreles « arbres »,a introduit des manipulations for¬
mellesquisesontrévélées, àl'usage,inadaptéesàde jeunes enfants, etpeuen prises avec lespratiquesetlesbesoins. L'approchecommunicative acherchéà mettre l'enseignement grammatical au service des activités d'expression. Les années80, toutenmontrantl'intérêt, pourlaclasse,d'une priseencompte des aspectsliés à l'organisation textuelleou àrenonciation, neréussissentpasréel¬
lementà réunifierde manière cohérente lechamp de l'enseignementgrammati¬ cal. Dans les faits, on continue, à l'école élémentaire, à étiqueter classes et fonctions. Dans ce domaine même, la priseen compte d'une approche plus rigoureusedesphénomènes linguistiques reste rare, en raison dupoids destra¬ ditionset de la placeencoretrop réduitedes sciences du langage dans lafor¬
mation des enseignants. D'autre part, le« français ordinaire » (pour reprendre l'expression deF.Gadet, 1989) restetristement absentdu champd'observation
proposé auxélèves.
Unmotenfinsurl'approche sémantique des phénomènes syntaxiques,qui s'est renouvelée récemment enlinguistique, (voir Charaudeau, 1992, mais aussi, de manière plus prudente, Riegel, Pellat, Rioul 1994). Son retourenforce dans lesmanuels scolairesserepère dèslemilieudesannées 80:83 pourle
secon-REPÈRESN°14/1996 F.GROSSMANN
daire, 86 pourle primaire(3). Cette tendance, richesans doute de promesses, peutaussifairecourirlerisque, sous couvertderenouveau,defaireressurgirles
conceptions les plus éculées de la grammairetraditionnelle. Là encore, la réflexion didactiquedoit prendreencompte l'histoire de l'institution scolaire et deses pratiques, afinque les avancéesdelathéorie linguistique nese tradui¬ sent pas, dans les faits, par de simples retours de balancier. Permettre aux apprenants de distinguer progressivement les différents plans de structuration desénoncés (le plansémantique, le plan morpho-syntaxique, leplan énonciatif et textuel),certes imbriqués et souvent difficilesàdémêler,constitueànotreavis unélément essentiel,quipeut donneruneligne dedirectionpourlelongterme.
Lesannées écoulées ont, parailleurs, été nourries par des apportstrès diversà laréflexiondidactiqueengrammaire:qu'onsonge,par exemple,autra¬
vail pionnierd'E. Genouvrierà Tours (voir la revueBref), auxtravaux de B. Combettes et de Pratiques, aux propositions des auteurs de Maîtrisedu français
(4) àceux de D. Leeman, aux recherches menées dans le cadre du LIDILEM à Grenobleet àbien d'autres... La revueRepères, desoncôté,s'est depuis long¬ temps posé laquestion des finalités de l'enseignement grammatical à l'école élémentaire; entémoignent, entreautres, les démarches proposées dès 1978,
avec, enparticulier, lestravaux deChristian Nique(voir len°47: <Analysedela
langue : analyse
d'éveil scientifique
») et le n°55,consacré
à l'« éveil linguistique ») qui anticipaient, nous semble-t-il, certains courants didactiques récents, comme celui qui se développe aujourd'hui à partir de la notion de« Language awareness (5) ». Cependant, la notion « d'éveil », née en France dans un contexte idéologique spécifique, mettant en cause l'enseignement de certaines disciplines, apparait aujourd'hui peu utilisable, et on peut lui préférer l'expression de « conscience langagière ». La question, par exemple, d'une introduction précoce des langues étrangères à l'école élémentaire(6) , objectif certes encore largementutopique, conduitainsi à sedemandercomment lefait deréfléchirsursalangue développeaussi lacapacité plusgénéraleàs'intéres¬ serà d'autres langues. Inversement, le fait d'entrer en contact avec d'autres languespermet sansdouteunedistanciation, une mise en perspective nouvelle etfructueuse :c'est certainementlà l'intérêtde ce queR. Balibarappellele co-linguisme.
Unautreaspect, nonmoins important, avaitétéabordé danslecadre dela recherche INRP Meta(7) (« Constructions de savoirs métalinguistiqueà l'école ayanttraitauxopérationsde miseentextenarrative,explicative»).Cette ques¬ tion dela construction et de l'appropriation de savoirs métalinguistiques reste un élément essentiel (et actuel) pour la réflexion didactique : dans le présent
numéro, elle pourraitsereformulerdelamanièresuivante:quels savoirs décla¬
ratifsetconceptuels-liés àquelsobjetslinguistiquesspécifiques - se révèlent-ils nécessairesaudéveloppement d'une compétence textuelle générale? Enfin,
si les problématiquesde la variationet de la norme avaient donné lieu entre 1983et 1988 à plusieursnuméros de Repères (n°65, 67, 71 et 76 del'ancienne série), cette question n'avait pas été reprisefrontalement depuis lors. Aucun numéro, parailleurs, depuis vingtans, n'avaitété consacréspécifiquement aux activités grammaticales.
REPÈRESN°14/1996 F.GROSSMANN
daire, 86 pourle primaire(3). Cette tendance, richesans doute de promesses, peutaussifairecourirlerisque, sous couvertderenouveau,defaireressurgirles
conceptions les plus éculées de la grammairetraditionnelle. Là encore, la réflexion didactiquedoit prendreencompte l'histoire de l'institution scolaire et deses pratiques, afinque les avancéesdelathéorie linguistique nese tradui¬ sent pas, dans les faits, par de simples retours de balancier. Permettre aux apprenants de distinguer progressivement les différents plans de structuration desénoncés (le plansémantique, le plan morpho-syntaxique, leplan énonciatif et textuel),certes imbriqués et souvent difficilesàdémêler,constitueànotreavis unélément essentiel,quipeut donneruneligne dedirectionpourlelongterme.
Lesannées écoulées ont, parailleurs, été nourries par des apportstrès diversà laréflexiondidactiqueengrammaire:qu'onsonge,par exemple,autra¬
vail pionnierd'E. Genouvrierà Tours (voir la revueBref), auxtravaux de B. Combettes et de Pratiques, aux propositions des auteurs de Maîtrisedu français
(4) àceux de D. Leeman, aux recherches menées dans le cadre du LIDILEM à Grenobleet àbien d'autres... La revueRepères, desoncôté,s'est depuis long¬ temps posé laquestion des finalités de l'enseignement grammatical à l'école élémentaire; entémoignent, entreautres, les démarches proposées dès 1978,
avec, enparticulier, lestravaux deChristian Nique(voir len°47: <Analysedela
langue : analyse
d'éveil scientifique
») et le n°55,consacré
à l'« éveil linguistique ») qui anticipaient, nous semble-t-il, certains courants didactiques récents, comme celui qui se développe aujourd'hui à partir de la notion de« Language awareness (5) ». Cependant, la notion « d'éveil », née en France dans un contexte idéologique spécifique, mettant en cause l'enseignement de certaines disciplines, apparait aujourd'hui peu utilisable, et on peut lui préférer l'expression de « conscience langagière ». La question, par exemple, d'une introduction précoce des langues étrangères à l'école élémentaire(6) , objectif certes encore largementutopique, conduitainsi à sedemandercomment lefait deréfléchirsursalangue développeaussi lacapacité plusgénéraleàs'intéres¬ serà d'autres langues. Inversement, le fait d'entrer en contact avec d'autres languespermet sansdouteunedistanciation, une mise en perspective nouvelle etfructueuse :c'est certainementlà l'intérêtde ce queR. Balibarappellele co-linguisme.
Unautreaspect, nonmoins important, avaitétéabordé danslecadre dela recherche INRP Meta(7) (« Constructions de savoirs métalinguistiqueà l'école ayanttraitauxopérationsde miseentextenarrative,explicative»).Cette ques¬ tion dela construction et de l'appropriation de savoirs métalinguistiques reste un élément essentiel (et actuel) pour la réflexion didactique : dans le présent
numéro, elle pourraitsereformulerdelamanièresuivante:quels savoirs décla¬
ratifsetconceptuels-liés àquelsobjetslinguistiquesspécifiques - se révèlent-ils nécessairesaudéveloppement d'une compétence textuelle générale? Enfin,
si les problématiquesde la variationet de la norme avaient donné lieu entre 1983et 1988 à plusieursnuméros de Repères (n°65, 67, 71 et 76 del'ancienne série), cette question n'avait pas été reprisefrontalement depuis lors. Aucun numéro, parailleurs, depuis vingtans, n'avaitété consacréspécifiquement aux activités grammaticales.
1. UNE CLARIFICATION NÉCESSAIRE
La problématique de ce numéro, au vu de cet état des lieux, consiste à poserenpréalablelanécessitédeclarifier pourlesacteurs(c'est-à-dire pour les enseignants mais aussi pour les élèves) lesfinalités qui peuvent être données aujourd'hui à l'enseignement grammatical, assuré, trop souvent, sans véritable nécessité. Cette clarification doit selon nous, reposersur trois aspects complémentaires:
- une clarification des objectifs qui peuvent être assignés àl'enseigne¬ mentgrammaticalàl'écoleprimaire;
- une clarification des referents,c'est-à-dire desthéories grammaticales utilisablesparlesenseignants;
- une clarification des modèles didactiques qui peuvent être proposés pour l'enseignement delagrammaire.
II n'est, bien évidemment, pasquestionderevenir à une conception
appli-cationniste, importatrice de modèles linguistiques applicablesàl'enseignement.
II n'empêche que la réflexion linguistique peut permettre, sous réserved'un nécessairetravail de didactisation, de poser autrement certains problèmes léguéspar latradition scolaire. Ladifficultéconsiste autant dans l'évaluation du degré de pertinence didactique que peut receler l'approche d'un phénomène linguistique, que dans la capacitéàtrieret à intégrercertains acquis dans des modèlesspécifiquement didactiques. Rendre les acteurs responsablesde leurs choixetconscientsdesfinalités supposedoncqu'ils soient informésdes évolu¬ tions théoriques en linguistique, mais aussi des évolutions des conceptions en didactique. Cela justifiequ'uneplacesoitfaite dans cenuméro àcesévolutions, ainsid'ailleursqu'àlamodélisation didactique.
1.1 La
clarification des objectifs
Onneprétendpasfairetablerasedesjustifications successives donnéesà l'enseignement grammatical, niévidemmentdes indicationsfournies parles I.O.
IIs'agit plutôt:
a)delesmettreenperspectiveetde leurdonnerunsens nouveau, en inté¬ grantde nouvellespréoccupations, ou enexplicitant davantage celles qui exis¬ tent ;
b) demieux planifier l'apprentissage(quitteà restreindre parfoisses ambi¬ tions),auxdifférentes étapesduparcours scolaire; laplanificationdoit détermi¬
ner enamont lesobjectifsprioritaires,définisàchacune des étapes parrapport à l'ensemble des objectifs de l'enseignement du français (le découpage en cyclesfournissant uncadreutile). Laréflexionsurlecurriculum reste peu déve¬ loppée en France dans le domaine de l'enseignement/ apprentissage de la langue. Deux exigences difficiles à atteindre sont à concilier en ce domaine : d'une partla nécessité, pour éviter d'embrassertrop de problèmes, d'une pro¬ gression plus nette et mieux définie ; d'autre part, la nécessité d'une certaine souplesse, qui permette d'ajuster ce qui est étudié aux besoins langagiers constatés danslaclasse.
Nousproposonsdedistinguer,malgré lesinévitablesrecoupements:
1. UNE CLARIFICATION NÉCESSAIRE
La problématique de ce numéro, au vu de cet état des lieux, consiste à poserenpréalablelanécessitédeclarifier pourlesacteurs(c'est-à-dire pour les enseignants mais aussi pour les élèves) lesfinalités qui peuvent être données aujourd'hui à l'enseignement grammatical, assuré, trop souvent, sans véritable nécessité. Cette clarification doit selon nous, reposersur trois aspects complémentaires:
- une clarification des objectifs qui peuvent être assignés àl'enseigne¬ mentgrammaticalàl'écoleprimaire;
- une clarification des referents,c'est-à-dire desthéories grammaticales utilisablesparlesenseignants;
- une clarification des modèles didactiques qui peuvent être proposés pour l'enseignement delagrammaire.
II n'est, bien évidemment, pasquestionderevenir à une conception
appli-cationniste, importatrice de modèles linguistiques applicablesàl'enseignement.
II n'empêche que la réflexion linguistique peut permettre, sous réserved'un nécessairetravail de didactisation, de poser autrement certains problèmes léguéspar latradition scolaire. Ladifficultéconsiste autant dans l'évaluation du degré de pertinence didactique que peut receler l'approche d'un phénomène linguistique, que dans la capacitéàtrieret à intégrercertains acquis dans des modèlesspécifiquement didactiques. Rendre les acteurs responsablesde leurs choixetconscientsdesfinalités supposedoncqu'ils soient informésdes évolu¬ tions théoriques en linguistique, mais aussi des évolutions des conceptions en didactique. Cela justifiequ'uneplacesoitfaite dans cenuméro àcesévolutions, ainsid'ailleursqu'àlamodélisation didactique.
1.1 La
clarification des objectifs
Onneprétendpasfairetablerasedesjustifications successives donnéesà l'enseignement grammatical, niévidemmentdes indicationsfournies parles I.O.
IIs'agit plutôt:
a)delesmettreenperspectiveetde leurdonnerunsens nouveau, en inté¬ grantde nouvellespréoccupations, ou enexplicitant davantage celles qui exis¬ tent ;
b) demieux planifier l'apprentissage(quitteà restreindre parfoisses ambi¬ tions),auxdifférentes étapesduparcours scolaire; laplanificationdoit détermi¬
ner enamont lesobjectifsprioritaires,définisàchacune des étapes parrapport à l'ensemble des objectifs de l'enseignement du français (le découpage en cyclesfournissant uncadreutile). Laréflexionsurlecurriculum reste peu déve¬ loppée en France dans le domaine de l'enseignement/ apprentissage de la langue. Deux exigences difficiles à atteindre sont à concilier en ce domaine : d'une partla nécessité, pour éviter d'embrassertrop de problèmes, d'une pro¬ gression plus nette et mieux définie ; d'autre part, la nécessité d'une certaine souplesse, qui permette d'ajuster ce qui est étudié aux besoins langagiers constatés danslaclasse.
REPÈRESN°14/1996 F.GROSSMANN
a) les objectifs visant àdévelopper des compétences spécifiques, liées soit à la maitrise du code
écrit
(syntaxe de la phrase normée écrite, ortho¬ graphe, cohésion textuelle)soità lamaitrised'unecompétencedecommuni¬ cation plus large (prenanten compteladiversitédesformes discursives, mais aussi lagestion, délicate,du passagedel'ordreoral àl'ordre sciptural(8)) ;b) lesobjectifs visantà développerla prisedeconscience du fonction¬ nementlinguistique généralde saproprelangue
et
éventuellementd'autres langues;c) lesobjectifs visantlasécurisation linguistique,
et
au-delà, lapriseen comptedenormes issues des milieuxsocio-culturels d'origine.Inutile d'insister sur l'importance des premiers objectifs cités, importance reconnuepar l'école, maisquiposeavecforcelaquestiondes démarches etde l'efficacité:ladifficulté, surceplan, estdefaire quelesélèvespuissent vivreles
activités grammaticales comme des activités répondant aux besoins qu'ils éprouvent, notamment lorsqu'ils ontà manier lalangueécrite. Autredifficulté : l'inscription dansladuréeetlapossibilitéqu'ondonneou non àl'élèved'utiliser de manière autonome les outils qui lui permettent de progresser. La réflexion didactiquenepeut fairel'impassesur cesaspects,qui conditionnenten grande partielaréussite del'apprentissage.
IInoussemblecependant quelesobjectifs fondamentaux mentionnésena)
ne peuvent être atteints que si on prend en compte les objectifs b) et c) : les
apprenants sontaussi àconsidérer commedessujets àpart entière, qui réflé¬
chissent sur leur proprelangue, et commedesacteurs sociaux, quis'inscrivent dansuncertainrapportà lalangue.
1.1.1
La
prise
de
conscience
du
fonctionnement linguistique
L'approche contrastive des français tels qu'on les parle, ettels qu'on les écrit, conduit à interroger le fonctionnement de la langue, ou des langues. La réflexion sur la langue, débordant la grammaire entendueau sens étroit du terme,permetuneouvertureà lalangueet àlaculture desautres.Ainsi,suivant lasuggestion deD. LorrotetG. Haas(dansce numéro), unesensibilisation à la diversité des systèmesd'écriturededifférentes langues, peut-elleêtreeffectuée précocement. L'effort deconceptualisation favorise dans ce cas l'émergence d'une représentation plus précise de ce que peut être le code écrit d'une
langue. Maisilnes'agitlàqued'une piste parmi d'autres visantàdévelopperla curiosité surla langue et la conscience linguistique. Même si l'on s'en tientau français, l'approched'une notion grammaticale peutfairel'objet d'une enquête. Ainsi,unenotionaussiabstraite quecelledegenregrammatical donne matièreà investigation. Lesélèves, mêmejeunes, peuvent remarquer que « chaise » et « table » ne sont pas forcément perçus comme des entités « féminines » et
découvrir quetendancieUement, en français, le genreestune marquesanslien avec unequelconque identité sexuelle. Cependant, dès lors qu'il s'agit d'êtres animés laperspective changeet la «sexualisation » du genre devient possible (9).C'estellequifait souvent croireauxenfants quetoutperroquetestun animal de sexe masculin alors quetouteperrucheestunefemelle. Cesglissementsdu marquage morphologiqueau marquage de l'identité sexuelle posent des
pro-REPÈRESN°14/1996 F.GROSSMANN
a) les objectifs visant àdévelopper des compétences spécifiques, liées soit à la maitrise du code
écrit
(syntaxe de la phrase normée écrite, ortho¬ graphe, cohésion textuelle)soità lamaitrised'unecompétencedecommuni¬ cation plus large (prenanten compteladiversitédesformes discursives, mais aussi lagestion, délicate,du passagedel'ordreoral àl'ordre sciptural(8)) ;b) lesobjectifs visantà développerla prisedeconscience du fonction¬ nementlinguistique généralde saproprelangue
et
éventuellementd'autres langues;c) lesobjectifs visantlasécurisation linguistique,
et
au-delà, lapriseen comptedenormes issues des milieuxsocio-culturels d'origine.Inutile d'insister sur l'importance des premiers objectifs cités, importance reconnuepar l'école, maisquiposeavecforcelaquestiondes démarches etde l'efficacité:ladifficulté, surceplan, estdefaire quelesélèvespuissent vivreles
activités grammaticales comme des activités répondant aux besoins qu'ils éprouvent, notamment lorsqu'ils ontà manier lalangueécrite. Autredifficulté : l'inscription dansladuréeetlapossibilitéqu'ondonneou non àl'élèved'utiliser de manière autonome les outils qui lui permettent de progresser. La réflexion didactiquenepeut fairel'impassesur cesaspects,qui conditionnenten grande partielaréussite del'apprentissage.
IInoussemblecependant quelesobjectifs fondamentaux mentionnésena)
ne peuvent être atteints que si on prend en compte les objectifs b) et c) : les
apprenants sontaussi àconsidérer commedessujets àpart entière, qui réflé¬
chissent sur leur proprelangue, et commedesacteurs sociaux, quis'inscrivent dansuncertainrapportà lalangue.
1.1.1
La
prise
de
conscience
du
fonctionnement linguistique
L'approche contrastive des français tels qu'on les parle, ettels qu'on les écrit, conduit à interroger le fonctionnement de la langue, ou des langues. La réflexion sur la langue, débordant la grammaire entendueau sens étroit du terme,permetuneouvertureà lalangueet àlaculture desautres.Ainsi,suivant lasuggestion deD. LorrotetG. Haas(dansce numéro), unesensibilisation à la diversité des systèmesd'écriturededifférentes langues, peut-elleêtreeffectuée précocement. L'effort deconceptualisation favorise dans ce cas l'émergence d'une représentation plus précise de ce que peut être le code écrit d'une
langue. Maisilnes'agitlàqued'une piste parmi d'autres visantàdévelopperla curiosité surla langue et la conscience linguistique. Même si l'on s'en tientau français, l'approched'une notion grammaticale peutfairel'objet d'une enquête. Ainsi,unenotionaussiabstraite quecelledegenregrammatical donne matièreà investigation. Lesélèves, mêmejeunes, peuvent remarquer que « chaise » et « table » ne sont pas forcément perçus comme des entités « féminines » et
découvrir quetendancieUement, en français, le genreestune marquesanslien avec unequelconque identité sexuelle. Cependant, dès lors qu'il s'agit d'êtres animés laperspective changeet la «sexualisation » du genre devient possible (9).C'estellequifait souvent croireauxenfants quetoutperroquetestun animal de sexe masculin alors quetouteperrucheestunefemelle. Cesglissementsdu marquage morphologiqueau marquage de l'identité sexuelle posent des
pro-blêmes d'un « genre » particulier, souventévacués par latradition. Notre hypo¬
thèseest que,plutôt que de faire tablerasede cesdifficultés (conduisantàfaire de la grammaire un monde à part, sans aucun lien avec l'expérience), il vaut mieuxenfairedesobjetsderéflexion. Laconstruction progressive, raisonnée et problématisée des notions de base dont use la grammaire (parexemple les notions de « phrase », de« fonction », de«temps (outiroir)verbal » est large¬ ment préférableàl'empilement précipité auquel procède lagrammairescolaire, empilement qui conduit à la réitération mal maitrisée etépuisante des mêmes notions, vuestouslesans,jamais véritablement interrogées ni approfondies. La démarche proposéeen grammaire doit refuser délibérément les dogmatismes, même quand ils se réclament d'une approche « scientifique » du langage.
Décréterqueleconditionnel estuntiroirdel'indicatifplutôt qu'un mode n'a pas grand intérêt pour l'élève : ce qui est beaucoup plus important, c'est, par
exemple, qu'il commenceàentrevoirce quepeut signifierlanotion demodeen morphologie verbale, etl'intérêt éventuel decette notionpour comprendre cer¬ tains aspects du fonctionnement de la langue. L'expérience montre qu'après
des annéesde grammaire, laplupart desélèves (et des étudiants) n'ont aucune idéeclairesurunenotioncommecelle-là.
1.1.2 La
sécurisation linguistique
et
la
prise
en
compte de
normes non
scolaires
Si lagrammairescolaires'estdéfiniehistoriquementcommeuneentreprise d'acculturation à l'écrit, cettemission est sans doute aujourd'hui a réinventer
(10),etced'une double manière:
- parrapportauxenjeux d'uneacculturation moins restrictive, moins étroi¬ tement normative, prenant davantageencomptelesformes pluscomplexes de textualité ; l'écrit des grammaires scolaires apparaît souvent comme un écrit
tronqué, affadietnormalisé, limitéparailleurs aucadrephrastique;
-parrapportauxenjeux plus immédiats delacommunication danslecadre scolaire: lapriseencompte des«vernaculaires»estaujourd'huiunenécessité,
sil'on admet quel'appropriationde la languepasseparuneformedelégitima¬ tion :reconnaîtreque lamanière dont parlel'élèven'estpas apriori suspecte,lui
donnerle droitàlaparole, c'estautoriserson accèsàla languecomme institu¬ tion.
Dans cette deuxième perspective, la réflexion grammaticale fournit des outils qui permettent de mieux comprendre lesfaçonsde dire, de ne pas stig¬ matisera priori lesformesjugéesnonstandard. Fairecomprendreles logiques qui sous-tendent les usages dela langue, montrer que le «français ordinaire »,
mais aussil'écritlittéraire,dansladiversitédeleursvariations, présentent des tendances évolutives dépassantles clivages : voilà selon nous des moyens de
définirune politique de la langueà l'école, qui donne la parole aux élèves en
acceptant de prendre
cette
parole au sérieux. Si une grammaire normative continueà avoirsaplaceàl'école(pourd'évidentes raisons) il est urgentdese doter,complémentairement, d'une grammaire plus descriptiveetplus objective, c'est-à-dire plus linguistique.Cette position ne consiste pas à mésestimer l'importance des normes, dans le champ social. Elle fait plutôt l'hypothèse que pour apprendre « ce que
blêmes d'un « genre » particulier, souventévacués par latradition. Notre hypo¬
thèseest que,plutôt que de faire tablerasede cesdifficultés (conduisantàfaire de la grammaire un monde à part, sans aucun lien avec l'expérience), il vaut mieuxenfairedesobjetsderéflexion. Laconstruction progressive, raisonnée et problématisée des notions de base dont use la grammaire (parexemple les notions de « phrase », de« fonction », de«temps (outiroir)verbal » est large¬ ment préférableàl'empilement précipité auquel procède lagrammairescolaire, empilement qui conduit à la réitération mal maitrisée etépuisante des mêmes notions, vuestouslesans,jamais véritablement interrogées ni approfondies. La démarche proposéeen grammaire doit refuser délibérément les dogmatismes, même quand ils se réclament d'une approche « scientifique » du langage.
Décréterqueleconditionnel estuntiroirdel'indicatifplutôt qu'un mode n'a pas grand intérêt pour l'élève : ce qui est beaucoup plus important, c'est, par
exemple, qu'il commenceàentrevoirce quepeut signifierlanotion demodeen morphologie verbale, etl'intérêt éventuel decette notionpour comprendre cer¬ tains aspects du fonctionnement de la langue. L'expérience montre qu'après
des annéesde grammaire, laplupart desélèves (et des étudiants) n'ont aucune idéeclairesurunenotioncommecelle-là.
1.1.2 La
sécurisation linguistique
et
la
prise
en
compte de
normes non
scolaires
Si lagrammairescolaires'estdéfiniehistoriquementcommeuneentreprise d'acculturation à l'écrit, cettemission est sans doute aujourd'hui a réinventer
(10),etced'une double manière:
- parrapportauxenjeux d'uneacculturation moins restrictive, moins étroi¬ tement normative, prenant davantageencomptelesformes pluscomplexes de textualité ; l'écrit des grammaires scolaires apparaît souvent comme un écrit
tronqué, affadietnormalisé, limitéparailleurs aucadrephrastique;
-parrapportauxenjeux plus immédiats delacommunication danslecadre scolaire: lapriseencompte des«vernaculaires»estaujourd'huiunenécessité,
sil'on admet quel'appropriationde la languepasseparuneformedelégitima¬ tion :reconnaîtreque lamanière dont parlel'élèven'estpas apriori suspecte,lui
donnerle droitàlaparole, c'estautoriserson accèsàla languecomme institu¬ tion.
Dans cette deuxième perspective, la réflexion grammaticale fournit des outils qui permettent de mieux comprendre lesfaçonsde dire, de ne pas stig¬ matisera priori lesformesjugéesnonstandard. Fairecomprendreles logiques qui sous-tendent les usages dela langue, montrer que le «français ordinaire »,
mais aussil'écritlittéraire,dansladiversitédeleursvariations, présentent des tendances évolutives dépassantles clivages : voilà selon nous des moyens de
définirune politique de la langueà l'école, qui donne la parole aux élèves en
acceptant de prendre
cette
parole au sérieux. Si une grammaire normative continueà avoirsaplaceàl'école(pourd'évidentes raisons) il est urgentdese doter,complémentairement, d'une grammaire plus descriptiveetplus objective, c'est-à-dire plus linguistique.Cette position ne consiste pas à mésestimer l'importance des normes, dans le champ social. Elle fait plutôt l'hypothèse que pour apprendre « ce que
REPÈRESN"14/1996 F.GROSSMANN
parlerveut dire», ilest nécessaired'abord devoir reconnue sapropre manière de dire, mais aussi d'ouvrir aux variétés bigarrées de l'écrit non scolaire. La grammaire scolairen'a plus seulementunefonction normalisatrice: ens'ouvrant
à la diversitédes usages, elle doit forcément devenir « polylectale », pour reprendrel'expression d'Alain Berrendonner etal. (1983). La sécurisation visée estdonc aussi celle de l'enseignant: cedernierabesoin de savoirplus claire¬ mentà quel moment ilassume la part normativeliée à l'institution,-et quand il
prendenchargel'ouverturedelalangue à ladiversitédespratiques sociales; il
abesoinausside mieuxcomprendre commentlesdeux aspects, certessouvent contradictoires, peuvent aussi parfois s'articuler. Unethéorie de la médiation enseignanteparait surceplan indispensable.
II reste quel'objectif de sécurisation linguistique concerne essentiellement
les sujets désireux d'acquérir les modèles linguistiques que l'école propose, mais qui échouent dans ce projet, à qui l'école apprend qu'ils n'y arrivent pas (Labov, 1976). Or, pourd'autresenfants, le problèmese pose autrement : dési¬
reuxde rester fidèlesauxnormeslinguistiquesen usagedansleur milieu socio-familial, ils refusent les modèles linguistiques scolaires, et développentce que Labov(1976) Marcellesi(1974), F. François (1980)ont appelé normesopposées
ou contre-normes (11). Voir reconnaître sa propre manière de dire peut per¬ mettreàcertainsde prendre confiancedanslalanguequ'on leur enseigne; pour
d'autres, c'estuneconditionqui peutpermettre de baisserlagardeet d'accep¬ terdes normes allogènes, dansla mesureoù ellesnemettentpasen causeles normes natives.
Le pari qui estfait ici est qu'une distinction plus précise des différents objectifs (trop rapidement évoqués), ainsi que leur étalement dans le temps, peutredonnersens à laréflexionetà lapratique grammaticaleetrenouvelerles modèles didactiques existants: fairepeut-être moins de choses, mais lesfaire
mieux ; asseoir quelques notionsclés, indispensablespour l'analyse desobjets
langagiers;expliciter, pourlesapprenantscomme pourlesenseignantslesfina¬
litésde cequ'ilsfont: voilà, noussemble-t-il, lesenjeuxessentiels d'un renou¬
veaudelagrammaireàl'école.
1.2 La
clarification des referents
Si clarifier les objectifs constitueun préalable àtoute construction d'une démarche didactique rigoureuse, laclarification des referents semble se poser endestermesun peudifférents deceuxutilisés ilyaquelquesannées.Bien sûr,
ilresteimportant d'affinerla descriptionlinguistiquedesnotions utilisables dans l'enseignement. Mais ilconvient aussi etsurtout demieuxdistinguerles diffé¬
rents plans qui sont ceux sur lesquels
peut
seconstruire
cet
enseignement
; on peut chercher àdistinguer,
comme le propose B.Combettes, les phénomènes linguistiques qui trouvent une elucidation privilé¬ giée danslecadre phrastique de ceuxquisontàétudier dansuncadretextuel;
mais on peut aussi, comme le souligneC. Vargas (1996) montrercomment un mêmephénomène(parexemplelapassivation) peutêtreéclairé complémentai¬ rement parlesdeuxapproches. Uneautredistinction est indispensable entrele
plan épistémologique et les démarches didactiques mises en uvre : on peut
REPÈRESN"14/1996 F.GROSSMANN
parlerveut dire», ilest nécessaired'abord devoir reconnue sapropre manière de dire, mais aussi d'ouvrir aux variétés bigarrées de l'écrit non scolaire. La grammaire scolairen'a plus seulementunefonction normalisatrice: ens'ouvrant
à la diversitédes usages, elle doit forcément devenir « polylectale », pour reprendrel'expression d'Alain Berrendonner etal. (1983). La sécurisation visée estdonc aussi celle de l'enseignant: cedernierabesoin de savoirplus claire¬ mentà quel moment ilassume la part normativeliée à l'institution,-et quand il
prendenchargel'ouverturedelalangue à ladiversitédespratiques sociales; il
abesoinausside mieuxcomprendre commentlesdeux aspects, certessouvent contradictoires, peuvent aussi parfois s'articuler. Unethéorie de la médiation enseignanteparait surceplan indispensable.
II reste quel'objectif de sécurisation linguistique concerne essentiellement
les sujets désireux d'acquérir les modèles linguistiques que l'école propose, mais qui échouent dans ce projet, à qui l'école apprend qu'ils n'y arrivent pas (Labov, 1976). Or, pourd'autresenfants, le problèmese pose autrement : dési¬
reuxde rester fidèlesauxnormeslinguistiquesen usagedansleur milieu socio-familial, ils refusent les modèles linguistiques scolaires, et développentce que Labov(1976) Marcellesi(1974), F. François (1980)ont appelé normesopposées
ou contre-normes (11). Voir reconnaître sa propre manière de dire peut per¬ mettreàcertainsde prendre confiancedanslalanguequ'on leur enseigne; pour
d'autres, c'estuneconditionqui peutpermettre de baisserlagardeet d'accep¬ terdes normes allogènes, dansla mesureoù ellesnemettentpasen causeles normes natives.
Le pari qui estfait ici est qu'une distinction plus précise des différents objectifs (trop rapidement évoqués), ainsi que leur étalement dans le temps, peutredonnersens à laréflexionetà lapratique grammaticaleetrenouvelerles modèles didactiques existants: fairepeut-être moins de choses, mais lesfaire
mieux ; asseoir quelques notionsclés, indispensablespour l'analyse desobjets
langagiers;expliciter, pourlesapprenantscomme pourlesenseignantslesfina¬
litésde cequ'ilsfont: voilà, noussemble-t-il, lesenjeuxessentiels d'un renou¬
veaudelagrammaireàl'école.
1.2 La
clarification des referents
Si clarifier les objectifs constitueun préalable àtoute construction d'une démarche didactique rigoureuse, laclarification des referents semble se poser endestermesun peudifférents deceuxutilisés ilyaquelquesannées.Bien sûr,
ilresteimportant d'affinerla descriptionlinguistiquedesnotions utilisables dans l'enseignement. Mais ilconvient aussi etsurtout demieuxdistinguerles diffé¬
rents plans qui sont ceux sur lesquels
peut
seconstruire
cet
enseignement
; on peut chercher àdistinguer,
comme le propose B.Combettes, les phénomènes linguistiques qui trouvent une elucidation privilé¬ giée danslecadre phrastique de ceuxquisontàétudier dansuncadretextuel;
mais on peut aussi, comme le souligneC. Vargas (1996) montrercomment un mêmephénomène(parexemplelapassivation) peutêtreéclairé complémentai¬ rement parlesdeuxapproches. Uneautredistinction est indispensable entrele
parfaitement partir d'un texte, ou d'une situation de communication (c'est
sans doutelaplupart dutemps souhaitable) pour éclairerun phénomène qui relève du niveau phrastique ou même morphologique. Ce n'est pas pour
autant,bien entendu, quel'onaurafaitdela«grammairedu texte», ni étudiéle phénomènedanssadimensionénonciative.
1.3 La
clarification des modèles didactiques
Les modèles didactique ne sedéfinissent pas a priori, mais à partir des données recueillies surleterrain, etdessituations rencontrées. II sedéfinissent
aussi enfonction d'enjeux éthiqueset politiques qu'il est parfoistrop facile de gommeroud'oublier,auprofit de discussions«techniques». L'essaidemiseen cohérenceauquel nous nouslivronsdansla partie suivantemarquelanécessité de construire des modèles didactiques suffisamment ouverts pour prendreen compteàlafois:
-les approches descriptives de lalanguequi, seules peuvent fournirdes informations utiles surlefonctionnement linguistique, sur«ce qu'il y a àsavoir
surlalangue»;
- les préoccupations acquisitionnistesqui permettentdejauger les com¬ pétences réellesdesapprenants,etfournirdesobjectifs réalistespour l'appren¬ tissage;
-lecontexte social et institutionnel dans lequelsedéroulecet apprentis¬
sage.
C'est seulementàpartir delàquepeuventsedéfinir desstratégies qui par¬
fois empruntent des chemins différents : choix par exemple d'une démarche fondée sur des activités « fonctionnelles » ou préférence pour des activités
impliquant résolution de problèmes. Peut-être convient-il moins d'opposer ces choix que de réussirà construire leur articulation, en fonction des différents objectifs identifiés plus haut, etqui neseprêtent pastousau mêmetraitement didactique. Laperspective fonctionnelle est pertinentedèsqu'il s'agitde mettre la grammaire au service de la maitrise de l'écrit. Le développement de la conscience linguistique implique probablement davantage une démarche par résolutionde problèmes.
2. UN ESSAI DEMISE ENCOHÉRENCE
Ce numéro 14 de Repères tentede mettre en cohérence des recherches qui, partantd'un point de vue spécifique, rencontrent certaines des préoccupa¬ tionsmises aujouràpartir des constatsqui précèdent. Pourautant, cettetenta¬
tive seveut modeste, étant donné l'état du champ tel qu'il nous apparait à
l'heure actuelle. Force est de reconnaître en effet que certaines des directions empruntées restent largement programmatiques: c'estle cas parexemple des
liens qui pourraientsetisserentre enseignement de lalangue maternelle etini¬
tiationauxlanguesétrangères, pourpeu qu'uneréflexion communesoit menée surlalangueetleslanguesdès l'écoleélémentaire.C'estlecasaussi de l'orien¬ tation curriculaire, dont nousavonssoulignélanécessité,maisquirestepresque entièrement à construire. Le problème ici est double : d'abord, on dispose parfaitement partir d'un texte, ou d'une situation de communication (c'est
sans doutelaplupart dutemps souhaitable) pour éclairerun phénomène qui relève du niveau phrastique ou même morphologique. Ce n'est pas pour
autant,bien entendu, quel'onaurafaitdela«grammairedu texte», ni étudiéle phénomènedanssadimensionénonciative.
1.3 La
clarification des modèles didactiques
Les modèles didactique ne sedéfinissent pas a priori, mais à partir des données recueillies surleterrain, etdessituations rencontrées. II sedéfinissent
aussi enfonction d'enjeux éthiqueset politiques qu'il est parfoistrop facile de gommeroud'oublier,auprofit de discussions«techniques». L'essaidemiseen cohérenceauquel nous nouslivronsdansla partie suivantemarquelanécessité de construire des modèles didactiques suffisamment ouverts pour prendreen compteàlafois:
-les approches descriptives de lalanguequi, seules peuvent fournirdes informations utiles surlefonctionnement linguistique, sur«ce qu'il y a àsavoir
surlalangue»;
- les préoccupations acquisitionnistesqui permettentdejauger les com¬ pétences réellesdesapprenants,etfournirdesobjectifs réalistespour l'appren¬ tissage;
-lecontexte social et institutionnel dans lequelsedéroulecet apprentis¬
sage.
C'est seulementàpartir delàquepeuventsedéfinir desstratégies qui par¬
fois empruntent des chemins différents : choix par exemple d'une démarche fondée sur des activités « fonctionnelles » ou préférence pour des activités
impliquant résolution de problèmes. Peut-être convient-il moins d'opposer ces choix que de réussirà construire leur articulation, en fonction des différents objectifs identifiés plus haut, etqui neseprêtent pastousau mêmetraitement didactique. Laperspective fonctionnelle est pertinentedèsqu'il s'agitde mettre la grammaire au service de la maitrise de l'écrit. Le développement de la conscience linguistique implique probablement davantage une démarche par résolutionde problèmes.
2. UN ESSAI DEMISE ENCOHÉRENCE
Ce numéro 14 de Repères tentede mettre en cohérence des recherches qui, partantd'un point de vue spécifique, rencontrent certaines des préoccupa¬ tionsmises aujouràpartir des constatsqui précèdent. Pourautant, cettetenta¬
tive seveut modeste, étant donné l'état du champ tel qu'il nous apparait à
l'heure actuelle. Force est de reconnaître en effet que certaines des directions empruntées restent largement programmatiques: c'estle cas parexemple des
liens qui pourraientsetisserentre enseignement de lalangue maternelle etini¬
tiationauxlanguesétrangères, pourpeu qu'uneréflexion communesoit menée surlalangueetleslanguesdès l'écoleélémentaire.C'estlecasaussi de l'orien¬ tation curriculaire, dont nousavonssoulignélanécessité,maisquirestepresque entièrement à construire. Le problème ici est double : d'abord, on dispose
REPÈRES N°14/1996 F.GROSSMANN
encore de trop peu de recherchesempiriques sur les activités grammaticales menéesàl'école, et surlescompétenceseffectives des enfantsencedomaine; ensuite, étant donné le brouillage desmodèles et des referents, l'urgence est d'aborddeproposer des directionset desorientations.
Encequi concernelesthéories grammaticales deréférence, mobilisées implicitement ou explicitement par lesacteurs, il est apparu qu'une entrée par les discours « institutionnels » serait éclairante ; ces discours exercent leur
influence de manières très diverses : les uns (les grammairesuniversitaires) en
tantquediscours autorisés; d'autres(lesrapports des inspecteurs)entant que discours prescriptifs;d'autres encore(lesmanuels)entantqu'instruments de la
pratique.
Christian Touratierinterrogeles«savoirs grammaticauxde référence » à
travers le prisme des grammaires universitaires de ces dix dernières années.
Mettant en évidence des grandes tendances (prise en compte des acquis du structuralisme, etdesproblématiquesderenonciation),ilmontreladiversité des approches et des choix théoriques; ilpointe aussiquelques limites oulacunes:
lacritiqueobligée de lagrammairetraditionnellen'empêche pas qu'on reprenne nombre de ses analyses ;lemot(et non lemorphème) reste souventl'unitélin¬ guistique de base. (Cettedernièreremarquerencontre par ailleurs les observa¬
tions d'autres auteurs : Ghislaine Haas et DanieUe Lorrot soulignent la faible
priseen compte par lagrammaire scolaire de l'opposition, pourtant éclairante entremorphème(dans l'acception de Martinet)et lexeme ; FrancisGrossmann
constatel'absence de priseencompteduniveaumorphématiquedansl'analyse morphologique du verbeproposée par les manuels.)ChristianTouratierjugeen revanche positive la prise en comptede plus en plus grande du texte comme entité linguistique danslesgrammaires universitaires. Cependant, cette priseen
compte, également repérable dans les grammaires scolaires et les pratiques, peut, soulignent P. Cappeau et M. Savelli, être source de malentendus : elle conduitparfoisàrenforcerl'idée- dangereuse -quetexte etphraseconstituent deux domaines d'analyse etd'intervention séparés, ou qu'une analyse propre¬ mentsyntaxique est impossible au-delàdel'unité phrastique.
L'étude des discours des inspecteurs, proposée parJacques Treignier, metenévidence lesdifficultés quepose à ladidactiquedufrançaisl'articulation entre pratiques sociales et savoirs. L'inspecteur, en tant que prescripteur, est aussicelui qui analyse leterrainsocial pourmesurerles innovations recevables dans lecadre scolaireetcelles qui lesontmoins. Cependant, des critèresplus externes (expérience personnelle de
l'inspecteur
dans le domaine de la recherche, possession d'un diplômedetroisièmecycle) semblent déterminants pourorienter la prescription dans desdirections innovantes. Letraitement du réfèrentthéorique apparaît également significatif : dans lediscours desinspec¬teurs,ladidactisation s'effectue par intégration cumulative, sansquesoienttou¬ jours poséslescadresthéoriques de référence. C'est également cet aspectdu
«
discours
théorique
» qui est souligné, pour les manuels, parFrancis
Grossmann: discoursnonréférencé,coupédesessources historiques, ceder¬nieratendanceàse figer,et àréduirelapartdu débatetdeladiscussion propre
REPÈRES N°14/1996 F.GROSSMANN
encore de trop peu de recherchesempiriques sur les activités grammaticales menéesàl'école, et surlescompétenceseffectives des enfantsencedomaine; ensuite, étant donné le brouillage desmodèles et des referents, l'urgence est d'aborddeproposer des directionset desorientations.
Encequi concernelesthéories grammaticales deréférence, mobilisées implicitement ou explicitement par lesacteurs, il est apparu qu'une entrée par les discours « institutionnels » serait éclairante ; ces discours exercent leur
influence de manières très diverses : les uns (les grammairesuniversitaires) en
tantquediscours autorisés; d'autres(lesrapports des inspecteurs)entant que discours prescriptifs;d'autres encore(lesmanuels)entantqu'instruments de la
pratique.
Christian Touratierinterrogeles«savoirs grammaticauxde référence » à
travers le prisme des grammaires universitaires de ces dix dernières années.
Mettant en évidence des grandes tendances (prise en compte des acquis du structuralisme, etdesproblématiquesderenonciation),ilmontreladiversité des approches et des choix théoriques; ilpointe aussiquelques limites oulacunes:
lacritiqueobligée de lagrammairetraditionnellen'empêche pas qu'on reprenne nombre de ses analyses ;lemot(et non lemorphème) reste souventl'unitélin¬ guistique de base. (Cettedernièreremarquerencontre par ailleurs les observa¬
tions d'autres auteurs : Ghislaine Haas et DanieUe Lorrot soulignent la faible
priseen compte par lagrammaire scolaire de l'opposition, pourtant éclairante entremorphème(dans l'acception de Martinet)et lexeme ; FrancisGrossmann
constatel'absence de priseencompteduniveaumorphématiquedansl'analyse morphologique du verbeproposée par les manuels.)ChristianTouratierjugeen revanche positive la prise en comptede plus en plus grande du texte comme entité linguistique danslesgrammaires universitaires. Cependant, cette priseen
compte, également repérable dans les grammaires scolaires et les pratiques, peut, soulignent P. Cappeau et M. Savelli, être source de malentendus : elle conduitparfoisàrenforcerl'idée- dangereuse -quetexte etphraseconstituent deux domaines d'analyse etd'intervention séparés, ou qu'une analyse propre¬ mentsyntaxique est impossible au-delàdel'unité phrastique.
L'étude des discours des inspecteurs, proposée parJacques Treignier, metenévidence lesdifficultés quepose à ladidactiquedufrançaisl'articulation entre pratiques sociales et savoirs. L'inspecteur, en tant que prescripteur, est aussicelui qui analyse leterrainsocial pourmesurerles innovations recevables dans lecadre scolaireetcelles qui lesontmoins. Cependant, des critèresplus externes (expérience personnelle de
l'inspecteur
dans le domaine de la recherche, possession d'un diplômedetroisièmecycle) semblent déterminants pourorienter la prescription dans desdirections innovantes. Letraitement du réfèrentthéorique apparaît également significatif : dans lediscours desinspec¬teurs,ladidactisation s'effectue par intégration cumulative, sansquesoienttou¬ jours poséslescadresthéoriques de référence. C'est également cet aspectdu
«
discours
théorique
» qui est souligné, pour les manuels, parFrancis
Grossmann: discoursnonréférencé,coupédesessources historiques, ceder¬àtoute réflexion scientifique. Peut-on,alors, imaginerd'autres manières dedéfi¬ niretdeposer desconceptsdans desouvragesdidactiques?
Laquestion de lasécurisation linguistique, la prise en compte dans les activitésgrammaticales de l'expérience langagière des enfants et de lalangue parlée est abordée par plusieursauteurs. Claude Vargas poseainsi les jalons d'une approche« plurinormaliste»delagrammaire. Lacontribution deGhilaine Haasetde DanieUe
Lorrot
insisteégalementsurlanécessitéde prendreappui surlalangueréelle,unelanguequi nesoitpascette langue« introuvable»delagrammaticalitéécrite. Paul Cappeau
et
Marie Savelli, s'ils critiquent de la mêmefaçon cettetendance delagrammairescolaire àdécrire essentiellement« les énoncés qu'elle fabrique», montrent qu'elle rejeté ainsi nonseulement la langue des enfants, mais aussi celle destextes littéraires. C'est quela priseen compte des usagersnedoitpas êtreinterprétéecommeun rétrécissement des ambitions en matière de langue. Elle implique au contraire une approche plus explicitement linguistique. Bruno Martinie rappelle la nécessité d'une étape descriptive, précédant la réflexion didactique : à partir de l'observation de formes marquant la subordination, attestées dans le langage des enfants, il
montre ledécalage entre celles-ci et les objectifs assignés par le Instructions Officielles : ces dernières préconisentun parcoursprétendant mener du simple
aucomplexe, etfonttablerase dufaitque nombre destructures«complexes »
sont utilisées précocement. Fairesimple, c'estcompliqué:à lafaussesimplicité de l'oral (B. Martinie) fait écho la simplicitétrompeuse des approches didac¬ tiques(ainsi cestests«binaires »rejetésparP. Cappeau et M. Savelli ; ainsi ; la faussesimplicité delahiérarchisationdes registresdelangue dansles manuels, soulignéeparF.Grossmann).
Un autrepointcommunànombredecontributions est l'insistance surl'im¬ portancedu raisonnementcomme étapeet
/
oustratégied'apprentissage dans le domaine delalangue. M.-M.deGaulmyn,S.Gonnand, & M.-H. Luis, s'ap¬ puyant surleconcept d'« écriture mémorisée»montrentquecette dernière,loindese réduireàunesimple photographie de mots, meten mémoireun véritable raisonnement, qui conduità l'écrituredesformes. Ellessoulignent aussi que les règles morphologiques apprises sont de peu de secours tant que l'enfant ne met pas enéuvre des raisonnementscomplexes autorisant la reconnaissance des catégories verbales et nominales, et permettant lacombinaison de critères prenant en compte « différence morphologique » et « relation sémantique ». MarieNadeau faitlamême observation : lesenfants nesontpassuffisamment confrontés, lors des activités grammaticales, à de véritables problèmes (par exemple au fait qu'un même mot peut appartenir à plusieurs catégories) ; en s'inspirant des démarches de B.-M. Barth (1987), elle propose d'enseigner la nature des mots, à partirde l'observation d'« exemples-oui » et d'«
exemples-non». André Angoujard,àproposdel'apprentissage parlesenfantsdela mor¬ phologique écrite du verbe, insiste luiaussi surl'insuffisance d'une conception qui fonderait l'apprentissage surune pseudo-automatisation, sans prendre le
temps de fournir auxapprenants les outils nécessaires à l'appropriation de savoirs complexes surlepluri-système graphique. Les «ateliers denégociation graphique », proposés par G. Haas et D. Lorrot partent du même postulat. Cependant, sileconsensus estlargesurcette nécessitéd'introduire desactivi¬ tés plus reflexives surlalangue, desdifférencesapparaissentaussi biendansce àtoute réflexion scientifique. Peut-on,alors, imaginerd'autres manières dedéfi¬ niretdeposer desconceptsdans desouvragesdidactiques?
Laquestion de lasécurisation linguistique, la prise en compte dans les activitésgrammaticales de l'expérience langagière des enfants et de lalangue parlée est abordée par plusieursauteurs. Claude Vargas poseainsi les jalons d'une approche« plurinormaliste»delagrammaire. Lacontribution deGhilaine Haasetde DanieUe
Lorrot
insisteégalementsurlanécessitéde prendreappui surlalangueréelle,unelanguequi nesoitpascette langue« introuvable»delagrammaticalitéécrite. Paul Cappeau
et
Marie Savelli, s'ils critiquent de la mêmefaçon cettetendance delagrammairescolaire àdécrire essentiellement« les énoncés qu'elle fabrique», montrent qu'elle rejeté ainsi nonseulement la langue des enfants, mais aussi celle destextes littéraires. C'est quela priseen compte des usagersnedoitpas êtreinterprétéecommeun rétrécissement des ambitions en matière de langue. Elle implique au contraire une approche plus explicitement linguistique. Bruno Martinie rappelle la nécessité d'une étape descriptive, précédant la réflexion didactique : à partir de l'observation de formes marquant la subordination, attestées dans le langage des enfants, il
montre ledécalage entre celles-ci et les objectifs assignés par le Instructions Officielles : ces dernières préconisentun parcoursprétendant mener du simple
aucomplexe, etfonttablerase dufaitque nombre destructures«complexes »
sont utilisées précocement. Fairesimple, c'estcompliqué:à lafaussesimplicité de l'oral (B. Martinie) fait écho la simplicitétrompeuse des approches didac¬ tiques(ainsi cestests«binaires »rejetésparP. Cappeau et M. Savelli ; ainsi ; la faussesimplicité delahiérarchisationdes registresdelangue dansles manuels, soulignéeparF.Grossmann).
Un autrepointcommunànombredecontributions est l'insistance surl'im¬ portancedu raisonnementcomme étapeet
/
oustratégied'apprentissage dans le domaine delalangue. M.-M.deGaulmyn,S.Gonnand, & M.-H. Luis, s'ap¬ puyant surleconcept d'« écriture mémorisée»montrentquecette dernière,loindese réduireàunesimple photographie de mots, meten mémoireun véritable raisonnement, qui conduità l'écrituredesformes. Ellessoulignent aussi que les règles morphologiques apprises sont de peu de secours tant que l'enfant ne met pas enéuvre des raisonnementscomplexes autorisant la reconnaissance des catégories verbales et nominales, et permettant lacombinaison de critères prenant en compte « différence morphologique » et « relation sémantique ». MarieNadeau faitlamême observation : lesenfants nesontpassuffisamment confrontés, lors des activités grammaticales, à de véritables problèmes (par exemple au fait qu'un même mot peut appartenir à plusieurs catégories) ; en s'inspirant des démarches de B.-M. Barth (1987), elle propose d'enseigner la nature des mots, à partirde l'observation d'« exemples-oui » et d'«
exemples-non». André Angoujard,àproposdel'apprentissage parlesenfantsdela mor¬ phologique écrite du verbe, insiste luiaussi surl'insuffisance d'une conception qui fonderait l'apprentissage surune pseudo-automatisation, sans prendre le
temps de fournir auxapprenants les outils nécessaires à l'appropriation de savoirs complexes surlepluri-système graphique. Les «ateliers denégociation graphique », proposés par G. Haas et D. Lorrot partent du même postulat. Cependant, sileconsensus estlargesurcette nécessitéd'introduire desactivi¬ tés plus reflexives surlalangue, desdifférencesapparaissentaussi biendansce