• Aucun résultat trouvé

Incitation à l'adoption de meilleures pratiques agricoles et lutte contre la pollution diffuse en présence d'asymétrie d'information

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Incitation à l'adoption de meilleures pratiques agricoles et lutte contre la pollution diffuse en présence d'asymétrie d'information"

Copied!
383
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: tel-02827045

https://hal.inrae.fr/tel-02827045

Submitted on 7 Jun 2020

HAL is a multi-disciplinary open access

archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Distributed under a Creative Commons Attribution - NonCommercial - NoDerivatives| 4.0 International License

Incitation à l’adoption de meilleures pratiques agricoles

et lutte contre la pollution diffuse en présence

d’asymétrie d’information

Nadine Turpin

To cite this version:

Nadine Turpin. Incitation à l’adoption de meilleures pratiques agricoles et lutte contre la pollution diffuse en présence d’asymétrie d’information. Economies et finances. 2003. Français. �tel-02827045�

(2)

Incitation

à

l'adoption de meilleures pratiques agricoles

et lutte contre la pollution diffuse

en présence d'asymétrie d'information

thèse pour le Doctorat en Sciences Economiques

Présentée et soutenue publiquement par Nadine Turpin

le 16 septembre 2003

devant lejurysuivant: Gilles Rotillon

Alban Thomas MarcWillinger Pierre Strosser

Jean-Philippe Terreaux

Professeur à l'Université de Paris X Directeur de rechercheINRAToulouse Professeur à l'Uuiversité de Montpellier 1 Econonriste à ACTeon

ICGREF au Cemagref de Montpellier

Directeur de thèse Rapporteur Rapporteur Examinateur Examinateur

(3)
(4)
(5)
(6)

ci, de retour d'expédition, lui narrait ses ennuis!. C'est ce travail patient, au long de toutes ces années, de mise de côté de l'accessoire, que Gilles Rotillon a réalisé. Ecar-tant les difficultés, il a extrait du fourmillement d'idées que je lui soumettais celles permettant de construire un raisonnement: je lui en suis vivement reconnaissante.

Philippe Bontems a été à l'initiative du premier papier issu de cette thèse. Grâce

à ses nombreux conseils, aux longues discussions que nous avons eues, à toutes ses explications, le premier modèle s'est progressivement dessiné. Merci pour tout ce temps et les joies que m'a procurées ce travail.

Je remercie de tout coeur Alban Thomas et Marc Willinger qui m'ont fait l'hon-neur d'être rapporteurs de ce travail.

Merci aussi aux courageux Pierre Strosser et Jean-Philippe Terreaux qui ont accepté de faire partie du jury : je suis heureuse (et honorée) de partager cet exercice avec eux.

Je suis redevable à de très nombreuses autres personnes. Rémi Pochat, alors chef du Département Equipements pour l'Eau et l'Environnement auquel j'appartiens au Cemagref, a été à l'initiative de ce travail: je ne peux que le remercier vivement d'avoir autant insisté.

Un grand merci aux paysans que j'ai rencontrés, le plus souvent dans leur ex-ploitation : les éleveurs du Finistère Nord, ceux des autres département bretons ou de Loire Atlantique ont passé beaucoup de temps à m'expliquer comment ils conce-vaient leur métier, pourquoi ils aconce-vaient choisi telle technique, quelles difficultés ils rencontraient au quotidien.

André Le Bozec et Etienne Pierron ont relu des pans entiers des premières ver-sions : merci pour toutes leurs remarques, leurs questions qui m'ont si souvent permis d'avancer. Toute ma gratitude va à François Roche et Nicolas Petit, successive-ment Directeurs du centre de Rennes du Cemagref, qui, malgré un emploi du temps chargé, n'ont jamais refusé de lire, commenter, discuter, tout ce que je leur soumet-tais. Merci aussi à Pascal Mallard pour les longues relectures qu'il a effectuées avec tant de bonne volonté.

Un grand merci à tous ceux et celles qui m'ont apporté leur aide dans le recueil et la mise en forme des données: Pascal Boerlen a effectué un service vert dans notre

IJean Malaurie, Les derniers rois de Thulé, Ed. Terre Hmnaine, Plon, 5è édition, 1989 : "Je

me souviens aussi (... ) de la réflexion d'un géologue français éminent, mon maître et ami, Conrad Kilian, àqui je faisais part, au retour d'un de mes voyages sahariens, de diverses difficultés: chaleur,

soif, chameaux crevés, indigènes récalcitrants: l1Fort bien, fort bien, nous avons tous connu celaj

(7)

équipe et est allé sur le terrain bien souvent pour moi, Patricia Saint Cast a été une aide précieuse lorsqu'elle a mis en forme toutes les données physiques de suivi des prairies dont j'avais besoin, et Thierry Bioteau n'a pas hésité à réaliser presque seul toute la partie hydrologique d'un projet important pour que je me concentre sur cette thèse. Merci à Régine Loubat de s'être chargée de dénicher les très nombreux papiers que je lui ai demandés.

Merci aussi à Françoise Vertès qui, de loin, n'a jamais manqué de m'encourager. L'appui, amical et amusé, de Nadia Carluer et Laurent Piet m'a été précieux: merci de ce soutien. Merci aussi à Charles Cann pour son amitié, son soutien indéfectible et toutes les références qu'il m'a procurées.

Je remercie la Chambre d'agriculture de Loire Atlantique pour l'aide qu'elle m'a apportée, sa participation aux enquêtes, et plus particulièrement Pierre Leparoux Eric Guilbert et Véronique Bégué pour tous nos échanges d'idées.

L'Union européenne, par sa participation au projet AgriBMPWater, a permis de dégager les moyens de recueillir et analyser plus de données, mais aussi de confronter les résultats avec ceux obtenus par des équipes de culture différente. Cette aide a été précieuse et je lui en sais gré.

Il me faut aussi remercier tous mes collègues qui ont accepté de se charger à ma place de quelques dossiers supplémentaires quand je me suis enfermée pour rédiger. Je suis enfin très reconnaissante aux enseignants de l'INA-PG, qui m'ont donné le goût des démarches rigoureuses, et en particuliers aux Professeurs Coléou et Sé-billotte, à qui cette thèse est dédiée.

(8)

Les travaux présentés dans cette thèse appartiennent au champ d'analyse micro-économique des politiques de contrôle de la pollution en présence d'asymétries d'in-formations: la Théorie de l'Agence a été appliquée au cas de la pollution diffuse par l'azote d'origine agricole sur un bassin d'élevage. Dans une première partie, nous analysons les spécificités des pollutions diffuses des eaux douces par les nutriments issus des activités d'élevage, et l'influence de ces spécificité sur les mécanismes de régulation possibles pour les réduire. En particulier, la nature diffuse des pollutions rend les régulations sur les émissions individuelles inappropriées, et deux grands types de régulation prédominent : une régulation sur le niveau ambiant de pollu-tion, et une régulation sur les quantités produites ou les facteurs de production (plus spécifiquement sur les intrants).

La seconde partie de cette thèse s'attache à construire un mécanisme de régula-tion qui minimise le dommage lié à la dégradation de la qualité de l'eau, maintienne une activité de production agricole et minimise les rentes informationnelles à verser aux agriculteurs. Ce mécanisme est construit dans un cas de sélection adverse au sein d'une population d'exploitations laitières sur un bassin versant en Loire Atlan-tique, le Don. Les caractéristiques de l'asymétrie d'information entre un réglemen-teur et cette population d'exploitations sont analysées. Les fonctions de production laitière et d'émission de polluants vers les eaux sont construites, les paramètres de ces fonctions sur données d'enquête sont estimés statistiquement. Un mécanisme de régulation est construit en deux étapes: tout d'abord, un mécanisme "autoritaire"

(9)

considère que les éleveurs participent à la régulation dès que le profit qu'ils réalisent est supérieur à une valeur indépendante de leur type. Dans un deuxième temps, nous supposons qu'une proportion donnée d'éleveurs doit réaliser un profit après régulation supérieur à celui qu'ils obtenaient dans la situation de laissez-faire; le mécanisme résultant est qualifié de "politique". Les résultats analytiques obtenus sont en accord avec la théorie. L'application aux exploitations laitières du Don ap-porte une information supplémentaire sur les conditions pratiques d'existence d'un optimum. Enfin, ce mécanisme est comparé à des régulations linéaires sur le ni-veau de production ou les facteurs de production utilisés. A proportion d'éleveurs et émissions de polluants équivalents, le mécanisme politique apporte au réglementeur un bien être supérieur qu'un mécanisme linéaire. Par contre, la différence de bien être entre mécanismes linéaires et non linéaire est discutée. Les caractéristiques des éleveurs bénéficiant de chaque type de régulation sont enfin analysées.

l

1

1

,

(10)

Introduction générale 1 1 Contexte actuel des pollutions diffuses d'origine agricole 8 Introduction. . . .. 8 1 Position du problème de la pollution diffuse des eaux par les nutriments 10 1.1 Etat de la ressource. . . 10

1.2 Mécanismes physiques de transfert 17

1.3 Pratiques agricoles actuelles et leurs conséquences 31 1.4 Synthèse . . . 46 2 Cadre réglementaire en évolution . . . 48 2.1 Efforts pour réduire les pollutions industrielles 49

2.2 Pollutions diffuses d'origine agricole . 50

2.3 Des réformes récentes. . . 64

3 Des incitations à mieux produire. 73

3.1 Taxes et subventions 78

3.2 N o r m e s . . . 85

3.3 Permis négociables . . . . 89

3.4 Subventions pour des technologies plus propres. 89 Conclusion. . . 98

Annexes 100

1.1 Estimation rapide du coût de mesure du stock de nutriments susceptibles d'être transférés vers l'eau dans un bassin versant 100 1.2 L e x i q u e . . . 101 2 Hétérogénéité des producteurs, variabilité du milieu et asymétries

d'information 107

Introduction. . . 107

1 Modèles intégrés . 110

1.1 Modèles physiques simples 111

1.2 Un modèle physique et des types d'exploitation 113 1.3 Représentation par fonctions d'émission continues 118 1.4 Principaux apports de ces approches . . . 121 2 Modèles mettant l'accent sur l'hétérogénéité des producteurs . 124

(11)

2.1 Régulations portant sur un niveau ambiant de pollution . . . . 125 2.2 Mécanismes régulant les intrants ou une partie du processus

de production . . . 129 3 Modèles introduisant des contraintes incitatives . . . 136 3.1 Mécanismes portant sur les émissions . . . 136 3.2 Mécanismes spécifiques aux pollutions diffuses 144 Conclusion. . . 153 3 Construction d'une régulation incitative dans un cas de sélection

adverse 155 Introduction. . . 155 1 Caractéristiques de l'éleveur 156 1.1 Habileté de l'éleveur 156 1.2 Coût de production . 163 1.3 Surface fourragère . 167 1.4 Emissions... 170 2 Information parfaite 173 2.1 Situation de laissez-faire 173

2.2 Allocation de premier rang. . 177

2.3 Situation d'information parfaite 179

3 Situation d'information incomplète . . 185

3.1 Construction d'un mécanisme autoritaire 186

3.2 Solution analytique . . . 188

4 Application aux exploitations laitières du Don 194

4.1 Condition de second ordre . 194

4.2 Production laitière autorisée 195

4.3 Profit des éleveurs régulés 196

4.4 Emissions d'azote 197

4.5 Synthèse... 198

5 Variation des paramètres 199

5.1 Densité de 0 199

5.2 Variation des paramètres de coût . 203

5.3 Variation des paramètres d'émission. . 207

5.4 Fonction de dommage . 210

Conclusion. . . 211

Annexes . 214

3.1 Sigles utilisés et hypothèses du modèle . 214

3.2 Algorithme permettant de déterminer 0 . . 216

3.3 Modèle utilisé pour estimer les émissions des éleveurs . 219 3.4 Influence du quota laitier sur la production. . . 221 3.5 Dérivée de

0(0) . . . .

.

223 3.6 Intégration par partie du terme

J:J;

[co(y(u), u)s(u)du]

j(e;

8)d0224

(12)

· 229 · 230 2 4 3 1.3 Programme du réglementeur . . . . Régulation optimale pour une classe de surface donnée, S . . .

2.1 Analyse préliminaire : comparaison des fonctions de profit KO

et Ka . . . • . . • • . . . • 230

2.2 Cas où

arS)

est "petit" . 233

2.3 Cas où

arS)

est "grand" . . . 237 2.4 Situation pour

0

proche du point de croisement

(O(S))

.

242 Répartition optimale des proportions d'éleveurs bénéficiant de la ré-gulation . . . 249 Application aux exploitations laitières du Don . 251

4.1 a est "petit" . 253

4.2 a est "moyen" . . . 260

4.3 a est "grand" . . . 263

4.4 Evolution de

W

quand a varie . 267

Conclusion. . . 270

Annexes . 273

4.1 Intégration par parties deWB . . . . . 273 4.2 Preuve que

y'(O)

:s::

y'P(O)

:s::

ya(o)

:s::

yO(O)

pour

0

<

OrS)

.

275 4.3 Objectif du réglementeur WB en fonction de 01(S) et de 02(S).276

4.4 Analyse du cas où

arS)

est moyen . 281

4.5 Preuve que

y(a(S))

croissant en fonction de

arS) .

.

283 4.6 Preuve que

Oa(a(S))

décroît en fonction de

arS)

.

285 4.7 Détermination de la répartition optimale des

arS)

.

286

5 Comparaison avec des mécanismes linéaires 289

1 Taxe sur les engrais minéraux achetés . . . 291

1.1 Cas général . . . 291

1.2 Application aux éleveurs laitiers du Don . 293

1.3 Taxe sur les engrais minéraux et transfert linéaires . 294 1.4 Taxe nécessaire pour obtenir le nîveau d'émissions

Ea(a

= 0,50)296 2 Diminution linéaire du quota laitier . . . 299 2.1 Diminution du quota laitier et transfert linéaires . . . 299 2.2 Diminution du quota laitier nécessaire pour obtenir le niveau

d'émissions

Ea(a

= 0,50) . 301

3 Diminution linéaire du niveau de production . . . 303

3.1 Cas général 303

3.2 Diminution du niveau de production nécessaire pour obtenîr

(13)

4 Standard d'utilisation d'engrais minéraux 308 4.1 Cas général . . . 308 4.2 Standard d'utilisation d'engrais nécessaire pour obtenir le

ni-veau d'émissions Ea(a = 0,50) . . . 312 5 Comparaison des différents mécanismes linéaires . 312 Conclusion. . . 319

Conclusion générale 321

Références 324

Annexes 344

A Le bassin versant du Don 345

1 Choix d'un bassin versant d'élevage . 345

2 Le bassin du Don . . . 348

3 Données disponibles. . . 352

3.1 Qu'est-ce qu'une pratique agricole? . 353

3.2 Recensement des systèmes de production sur le Don . . 354 3.3 Enquête sur échantillon représentatif d'exploitations. . 356 3.4 Base de données sur le Cétrais . . . 360 B PrograInme sous GaInS

1 Programme...

363 .363

(14)

2003 a été proclamée année internationale de l'eau douce par l'ONU et l'UNESCO le 12 décembre 2002. Ce choix traduit une préoccupation croissante pour une bonne gestion de cette ressource: aujourd'hui encore, plus d'un milliard d'êtres humains n'ont toujours pas accèsà de l'eau potable sur une base régulière. La demande mon-diale en eau a augmenté au siècle dernier deux fois plus vite que le taux de croissance démographique, et elle croît actuellement plus vite que ce que le réapprovisionne-ment naturel est en mesure de satisfaire, les prélèveréapprovisionne-ments en quantité supérieure au renouvellement, année après année, provoquent un assèchement des nappes et rivières dans de nombreuses régions.

S'il existe un consensus sur le fait qu'il est impératif de mieux gérer la consom-mation des ressources en eau douce du monde, il persiste des différences de point de vue quant aux politiques à adopter pour y parvenir. En effet, les activités hu-maines et le fonctionnement de l'écosystème environnant sont interdépendants. Plus précisément, la manière dont l'écosystème régule la quantité et la qualité de l'eau disponible est étroitement liée aux quantités d'eau prélevées, aux polluants rejetés, à l'aménagement de l'espace qui permet le développement des activités humaines. Dans ces conditions, face à un dysfonctionnement avéré, les remèdes possibles sont en nombreux, même si l'on fait abstraction des conflits d'intérêt qui peuvent appa-raître.

L'eau est un élément indispensable à la vie, qui peut, au cours de son cycle biogéochimique, poser de nombreux problèmes aux êtres humains:

(15)

Introduction générale 2

- l'eau douce ne représente que 2,5 %des ressources en eau mondiales, consti-tuées essentiellement d'eaux salées, et les quantités accessibles aux humains moins de 1

%

de ces ressources car la plus grande partie des eaux douces se présente sous forme de glace aux pôles. La répartition de cette eau douce est irrégulière à la surface des zones émergées. Sécheresses et inondations se suc-cèdent et l'ONU estime qu'en 2025 les deux tiers de la population mondiale connaîtront des pénuries d'alimentation moyennes ou graves.

- la qualité des eaux douces disponibles est dégradée en de nombreux endroits du globe: l'UNESCO estime que parmi les grands fleuves du monde, seuls l'Ama-zone et le Congo sont relativement en bonne santé; en Europe, seulement 5 des 55 principaux fleuves peuvent être considérés comme non pollués. Cette dégra-dation de la qualité des eaux douces est liée à la présence de micro-organismes pathogènes, d'éléments indésirables (métaux lourds, composés organo-chlorés) ou par la présence en trop grande quantité de nutriments. Elle se traduit par des maladies humaines (l'ONU considère que la moitié des lits d'hôpitaux du monde sont occupés par des personnes souffrant de maladies liées à la mau-vaise qualité de l'eau) et le dysfonctionnement des écosystèmes (diminution de la moitié des zones humides mondiales depuis les années 50, eutrophisation des lacs et étangs, réduction de la biodiversité).

Techniquement, de nombreux remèdes existent ou sont envisageables. Le fonc-tionnement des dispositifs d'irrigation peut être amélioré : actuellement, 70 %de l'eau douce disponible à l'échelle de la planète est utilisée à des fins agricoles mais 60

%

de ces prélèvements s'évapore ou se perd dans les eaux souterraines. Les in-vestissements dans des services d'assainissement adéquats peuvent être augmentés, de façon à respecter l'objectif fixé au Sommet International du Développement Du-rable de Johannesburg en 2002 de diminuer de moitié d'ici 2015 la proportion de personnes n'ayant pas accès à des services d'assainissement de base. Les activités agricoles et industrielles peuvent être rendues moins polluantes, de façon à ce que

(16)

leur impact sur la ressource soit moins important.

Ce sont les problèmes liés à l'impact des activités anthropiques sur la qualité de l'eau qui nous intéressent ici: si des solutions teclmiques existent, et puisque la gestion des ressources en eau est une préoccupation croissante, on peut se demander pourquoi ces solutions ne sont pas employées. Par exemple, même si les estimations relatives aux investissement mondiaux nécessaires dans les infrastructures liées à

l'eau varient beaucoup d'une source à l'autre, il est généralement estimé que dans les pays en développement moins de la moitié de l'investissement annuel qui serait nécessaire est réalisé. Ce sous emploi de techniques préventives ou correctives est un des thèmes souvent abordés en économie de l'environnement: en présence d'effets externes (comme des pollutions) les ressources sont allouées de façon non optimale. Pour atteindre un optimum au sens de Pareto, il est nécessaire de corriger l'effet indésirable des externalités par des instruments économiques. Les instruments les plus étudiés dans la littérature sont les taxes, les normes, les marchés de permis négociables et plus récemment l'adhésion volontaire à un programme de bonnes pratiques. Ces instruments ont pour objectif de permettre l'échange d'un bien ou d'un "mal" (une pollution) à un prix qui reflète la valeur que la société leur attribue. De nombreux travaux ont ainsi cherché à comparer l'effet de différents instruments économiques sur l'échange de "mals" (Kolstad, 2000, Baumol et Oates, 1988).

Dans cette approche, qui est un prolongement de l'économie standard (pour laquelle la coordination entre les agents est sans frais et où les coûts de mise en place d'une réglementation sont négligeables), les inefficacités qu'une pollution engendre peuvent être éliminées de façon équivalente par les différents instruments que sont les taxes, les normes, les marchés de permis négociables. Mais dans la réalité, un réglementeur (un responsable de la politique de l'eau, un "décideur public", une agence environnementale) ne dispose pas de l'information qui lui est nécessaire pour mettre en place ces instruments: ilne connait pas les dommages générés par chaque

(17)

Introduction générale 4

agent, ni les coûts individuels de dépollution de ces agents. Il ne peut donc pas définir un objectif de dommage qui soit "socialement acceptable", ni répartir de façon efficace l'effort de réduction des rejets entre les différents types de pollueurs. Pire, il n'existe pas de mécanisme qui permette, avec un instrument unique (la même taxe sur une quantité de polluants quel que soit l'agent auquel elle s'applique), d'éliminer complètement les distorsions induites par une pollution : il y aura dans ce cas toujours des pollueurs qui seront incités à faire plus d'efforts qu'ils ne le devraient, et d'autres que l'on laisse polluer plus qu'il ne serait efficace (Kolstad, 2000).

Par contre, il est possible de s'appuyer sur les développements de l'économie moderne, pour laquelle les interactions entre les agents et les asymétries d'informa-tion sont essentielles. Ainsi, l'applicad'informa-tion de la théorie de l'Agence aux problèmes de pollution (Laffont, 1994) montre que s'il est possible d'inciter les agents à révéler correctement leur vrai coût de dépollution, le réglementeur peut en faire dépendre sa politique de contrôle, et répartir de façon efficace l'effort de réduction des rejets entre les agents. Bien entendu, les agents ont intérêt à manipuler l'information qu'il transmettent au réglementeur. Pour assurer une révélation correcte des coûts de dépollution, le réglementeur doit alors introduire plusieurs instruments: il propose aux agents un ensemble de contrats, qui comporte, pour chaque valeur du paramètre que le réglementeur cherche à connaitre, un objectif d'effort de réduction des rejets associé à un transfert monétaire. Et pour inciter chaque agent à choisir le contrat qui correspond à son véritable coût de dépollution, le réglementeur lui assure par le transfert monétaire au moins la rente qu'il gagnerait en mentant sur ses coûts (Salanié, 1994).

Le problème devient donc de construire un mécanisme qui minimise le dommage, le coût de dépollution, mais aussi les "rentes informationnelles" à verser (Salanié et Thomas, 1997) car le versement de ces rentes est coûteux pour le réglementeur. Les

(18)

développements théoriques sont nombreux dans le domaine de la pollution diffuse (Wu et Babcock, 1996). Cependant, la validation de ces développements par leur application à des cas concrets demeure rare.

Nous nous proposons dans cette thèse d'appliquer cette théorie au cas de la pollu-tion diffuse par l'azote d'origine agricole sur un bassin versant d'élevage. L'objectif est de construire un mécanisme, reposant sur la théorie de l'Agence, permettant de limiter la pollution tout en maintenant l'activité agricole, et à un coût moindre que les politiques actuellement mises en place. Pour cela, nous nous appuierons sur l'expérience acquise à l'occasion de travaux menés sur un bassin versant en Loire Atlantique.

L'analyse des politiques en place, essentiellement en France, et des mécanismes de régulation applicables pour réduire les pollutions diffuses d'origine agricoles fait l'objet de la première partie de cette thèse. Une importante littérature théorique et empirique est consacrée à ces mécanismes, dont Shortle et Horan (2001) offrent un aperçu récent. La nature diffuse des pollutions rend les régulations sur les émissions individuelles inappropriées, et deux grands types de régulation prédominent : une régulation sur le niveau ambiant de pollution, et une régulation sur les quantités produites ou les facteurs de production (en particulier sur les intrants pour les pol-lutions diffuses agricoles). Le chapitre 1 décrit les spécificités des polpol-lutions diffuses par les nutriments d'origine agricole. Il examine les mécanismes physiques de trans-fert de ces nutriments depuis les sols agricoles vers les eaux douces et comment les pratiques agricoles actuelles aboutissent à une dégradation de la qualité de ces eaux douces. Il décrit les politiques mises en place depuis quelques années par les pouvoirs publics pour tenter de diminuer les émissions de nutriments agricoles vers les eaux. Enfin, face à l'effet assez limité de ces politiques, des mécanismes économiques de régulation sont proposés dans la littérature : un rapide aperçu de ces mécanismes est donné. Dans le deuxième chapitre, nous revenons sur la prise en compte de

(19)

Introduction générale 6

l'hétérogénéité des producteurs dans la construction de mécanismes de régulation. Deux approches sont privilégiées dans la littérature. D'une part, suite aux travaux de Segerson (1988), certains mécanismes envisagent une régulation portant sur le niveau ambiant de pollution. Le réglementeur ne mesure que les concentrations am-biantes et les taxes payées par les entreprises lorsque la concentration du polluant considéré dépasse un objectif fixé. La mise en place de ce type de régulation per-met d'atteindre un équilibre de Nash sous l'hypothèse que les profits, les fonctions d'émission, d'épuration naturelle et de transport font partie d'un savoir co=un. Cette approche s'adresse directement aux problèmes d'aléa moral. D'autre part, les économistes ont depuis longtemps considéré les régulations sur les intrants co=e une alternative aux taxes sur les externalités négatives (Holtermann, 1976). Une incitation fondée sur un intrant lié à une émission de polluants va modifier l'allo-cation des ressources et indirectement les émissions de polluants. Dans certains cas particuliers, il est possible de construire un mécanisme permettant d'atteindre l'al-location de premier rang (Shortle et Dunn, 1986). Mais en pratique, obtenir cette allocation est quasiment impossible car le procédé nécessiterait l'acquisition d'une très grande quantité d'information (Shortle et Horan, 2001) : chaque décision des entreprises affectant la qualité de l'eau devrait être soumise à une incitation, les niveaux de subvention ou de taxes doivent être individualisés selon les entreprises pour tenir compte des différences d'impact de chaque intrant sur les émissions (et des différences d'impact des émissions sur la pollution ambiante selon la localisation de chaque site). C'est pourquoi une littérature de plus en plus importante analyse la construction de mécanismes de second rang.

La seconde partie de cette thèse s'attache à construire un mécanisme de régula-tion qui minimise le dommage lié à la dégradarégula-tion de la qualité de l'eau, maintienne une activité de production agricole et minimise les rentes informationnelles à verser aux agriculteurs. Ce mécanisme est construit dans un cas de sélection adverse au sein d'une population d'exploitations laitières sur un bassin versant en Loire Atlantique,

(20)

le Don.

Le chapitre 3 analyse les caractéristiques de l'asymétrie d'information entre un réglementeur et cette population d'exploitations. Il construit les fonctions de produc-tion, d'émission de polluants vers les eaux et estime statistiquement les paramètres de ces fonctions sur données d'enquête. Un mécanisme de régulation est construit: ce mécanisme est qualifié d'" autoritaire" car nous considérons ici que, pour le ré-glementeur, les éleveurs participent à la régulation dès que le profit qu'ils réalisent est supérieur à une valeur que le réglementeur peut fixer. Ce mécanisme est

appli-qué ex ante aux exploitations laitières du Don. Enfin, l'impact de la variation des

paramètres précédemment estimés sur la production laitière du bassin, le dommage et la fonction de bien être du réglementeur est analysé.

Le chapitre 4 introduit dans ce mécanisme une contrainte de participation plus complexe: nous supposons ici qu'une proportion donnée d'éleveurs doit réaliser un profit après régulation supérieur à celui qu'ils obtenaient dans la situation de laissez-faire. Le mécanisme résultant est qualifié de "politique". La résolution analytique du programme du réglementeur est tout d'abord effectuée. Le mécanisme est ensuite appliqué ex ante aux exploitations du Don et l'évolution de la fonction de bien être du réglementeur en fonction de la proportion d'éleveurs bénéficiant de la régulation discutée. Enfin, ce mécanisme est comparé à des régulations linéaires sur le niveau de production ou les facteurs de production utilisés dans le chapitre 5. A proportion d'éleveurs et émissions de polluants équivalents, le mécanisme politique apporte au réglementeur un bien être supérieur qu'un mécanisme linéaire. Par contre, la différence de bien être entre mécanismes linéaires et non linéaire est discutée. Les caractéristiques des éleveurs bénéficiant de chaque type de régulation sont enfin analysées.

(21)

Chapitre 1

Contexte actuel des pollutions

diffuses d'origine agricole

Introduction

La dégradation de l'environnement par les activités anthropiques est un thème de plus en plus souvent abordé au niveau politique mondial avec la Conférence de Stockholm sur l'environnement en 1972, le sommet de Rio en 1992, celui de Kyoto en 1997 puis celui de Johannesburg en 2002. Ce thème, volontiers repris par les médias, fait l'objet d'une prise de conscience des opinions publiques dans les pays développés. Parallèlement, des organisations écologistes ont pris de l'importance et agissent désormais directement au plan politique; un droit de l'environnement, en plein essor, tente de le protéger au niveau local, national ou international; les orga-nisations internationales (ONU, UE, Banque mondiale) intègrent des considérations environnementales dans leurs décisionsl .De nombreuses disciplines scientifiques sont

mobilisées pour créer des outils sur lesquels les décideurs peuvent (ou pourront) s'ap-puyer.

Cette dégradation de l'environnement a plusieurs facettes. L'air, l'eau, les éco-systèmes sont touchés, des émissions toxiques peuvent affecter la santé des humains, des catastrophes "naturelles" liées ou attribuées à l'augmentation de l'effet de serre,

1Même s'il semble que cet effort soit enCore insuffisant :11Aujourd'hui, lamondialisation ça ne marche pas. (... ) Ca ne marche pas pour j'environnement" (Stiglitz,2002).

(22)

comme des sécheresses, d'importantes inondations (celle de l'Elbe et du Danube, du-rant l'été 2002 est la plus récente en Europe, celles liées au phénomèneEl Nina sont spectaculaires dans le Pacifique) affectent des milliers de personnes et provoquent des dizaines de morts, des accidents industriels (Seveso en 1986, Tchernobyl en 1986, Torrey Canyon en 1968, Amoco Cadiz en 1978, Erika en 2000) perturbent les écosystèmes de régions entières pour des décennies et modifient profondément leur économie (sans parler du confort de vie de leurs habitants).

Ces catastrophes et ces accidents, spectaculaires, largement relayés par les mé-dias, aux conséquences visibles, immédiates et affectant toute la population de grandes régions, font parfois oublier qu'il existe d'autres dégradations, qui sont responsables de désagréments quotidiens pour des populations aussi importantes. Parmi ces dégradations se placent le "trou" dans la couche d'ozone et l'augmenta-tion de cancers de la peau (Strong, 2001), les pluies acides, la pollul'augmenta-tion des nappes, des rivières et des mers.

C'est ce dernier phénomène qui nous intéresse. Les pollutions diffuses des eaux par les nutriments, apparaissant comme relativement peu spectaculaires, ne bénéfi-cient que de moyens de lutte réduits. De plus, bien que ces pollutions soient connues depuis longtemps (Catroux et al. 1974, CTGREF 1974), elles sont en constante augmentation (European Environment Agency, 2002). Enfin, elles sont associées au "développement" de l'agriculture: si les pays d'Europe de l'Est qui vont ètre ac-cueillis au sein de l'Union européenne suivent le même schéma de développement agricole que leurs voisins de l'ouest, ils vont se retrouver confrontés aux mêmes pro-blèmes de pollution; ne pourraient-ils pas bénéficier de l'expérience acquise dans ces pays pour les éviter? Pour toutes ces raisons, nous nous sommes attachés à ce problème particulier de pollution diffuse.

L'objectif de ce chapitre est de décrire les spécificités des phénomènes de pollu-tion diffuse des eaux par les nutriments d'origine agricole. Nous allons tout d'abord

(23)

chapitre 1 - contexte 10

situer les problèmes que ces pollutions génèrent, en analysant l'état de la ressource en France et en Europe, en exposant l'état des connaissances sur les mécanismes physiques à l'origine de ces pollutions et les conséquences des activités agricoles sur ces mécanismes. Nous nous intéresserons ensuite à l'évolution récente de la régle-mentation mise en place pour tenter de réduire ces pollutions, en France et sous l'influence des Directives européennes. Enfin, face à l'effet assez limité de ces régle-mentations, de nouveaux mécanismes tendent à apparaître, mécanismes fondés plus sur l'incitation que sur l'interdiction: nous tenterons des les analyser.

1

Position du problème de la pollution diffuse des

eaux par les nutriments

1.1

Etat de la ressource

Il existe de nombreuses évaluations détaillées de l'état de l'environnement dans le monde. Ces évaluations décrivent quatre catégories de problèmes environnementaux (Kolstad, 2000) : pollution de l'air, pollution des eaux, émissions toxiques, santé des écosystèmes. La pollution des eaux la plus souvent notée résulte du dépôt de matières organiques dans les rivières et les lacs (World Resource Institute, 1998), et les organismes pathogènes contenus dans ces matières organiques posent un réel problème de santé publique: il est estimé qu'environ un milliard d'êtres humains n'ont pas accès à une eau potable (United Nation Development Program, 2000).

L'excès de nutriments dans les rivières, les lacs et les nappes phréatiques ap-paraît comme un problème d'importance moindre devant la pollution des eaux par les matières organiques à l'échelle mondiale. Dans les pays développés cependant, l'augmentation continue, depuis plusieurs décennies, d'apports de nutriments vers les eaux douces s'est traduite par une dégradation sensible de la qualité de ces eaux. D'une part, l'apport aux populations d'une eau conforme aux normes de potabilité

(24)

(en Europe moins de 50 milligrammes de nitrates2 par litre) pose des problèmes de plus en plus aigus. D'autre part, l'augmentation de la quantité de phosphore se tra-duit par une eutrophisation plus ou moins importante des eaux, avec prolifération de phytoplancton et de végétaux, épuisement de l'oxygène, accumulation de déchets organiques, développement de fermentations, interruption de chaînes alimentaires (Fischesser et Dupuis-Tate, 1996). Des proliférations algales liées aux flux d'azote ont été constatées en eaux marines (Le Pape, 1996, Merceron, 1999). Le déséqui-libre des quantités relatives d'azote et de phosphore dans les eaux, enfin, perturbe fréquemment les écosystèmes, avec dans certains cas apparition de cyanophycées produisant des neuro-toxiques (Auby, et al., 1994).

Pollution des eaux en Europe

La pollution des eaux d'origine agricole est un problème récurent, connu depuis près de vingt ans, et en augmentation dans toute l'Europe (sauf dans les pays scan-dinaves et au nord de l'Ecosse). Pour l'azote, de très nombreux points de mesure dépassent, en moyenne annuelle, la concentration de 25 mg/l de nitrates, valeur guide pour la consommation humaine préconisée par l'Union européenne en 1991 (voir figure 1.1).

De plus, les concentrations en nitrates continuent à augmenter dans de nom-breuses rivières, même si l'évolution de la médiane des moyennes annuelles, utilisée comme indicateur par l'Union européenne (voir figure 1.2) ne montre pas de ten-dance nette à l'augmentation. A contrario, avec la mise en place des traitements des eaux usées et la diminution du phosphore dans les lessives, la contamination des fleuves par les matières organiques, l'ammoniac et le phosphore a en général diminué depuis 10 à 15 ans (Kristensen, 1999), même en Europe de l'est (voir figure 1.3).

(25)

chapitre 1 - contexte

ADoua) average nitrate

coocenli'ation in rivcrs Ï -_ _...::;5f"'" Nltr:lto::1DwgNJl ~or....ud ... ~-­ ...."",\ban7,s D 2.S-7.5 o0.75-2.5 03-0.75 o1c..llmno.3

12

FIG. 1.1 - Teneur en azote des principales rivières européennes (source: EEE-Natlan, 2000)

Pour lire ces figures, ilest utile de rappeler qu'une eau de bonne qualité (c'est-à-dire une eau permettant une vie normale du poisson et la production d'eau potable par des moyens simples) a une teneur en phosphore totale inférieure à 100 mg P /1 et une teneur en azote nitrique inférieure à 5,6 mg N

/1.

(26)

l~OO

+---

-

-j 1990 1ll!l1 1ll!l2 1993~ 1994~ 1ll!l5 1990 1ll!l7 1995 V.sr -+-OE(m) OK (36) ~~'k~~FR(367) '! NL{23) ...-UKi\21) ____total(558)

FIG. 1.2 - Médiane des concentrations (mg

Nil)

moyennes annuelles en nitrates dans les stations de prélèvement en rivière de quelques pays européens entre 1990 et 1998 (nombre de stations entre parenthèses).

FIG. 1.3 - Concentrations en phosphore total et en nitrates des rivières européennes (graphique issu d'Environmental signais 2002 de l'European Environment Agency)

Les concentrations moyennes des rivières européennes en phosphore total, malgré leur diminution, ne correspondent pas encore à celles attendues dans des eaux de

(27)

chapitre 1 - contexte 14

bonne qualité3. Pour l'azote, c'est la disparité des situations qui est problématique, plus que la teneur moyenne (qui intègre les valeurs de rivières norvégiennes ou du nord de l'Ecosse aussi bien que celles de la Bretagne ou des Pays Bas).

Situation en France

Depuis 1971, en France, la qualité des eaux des rivières est évaluée à partir de la mesure de nombreux paramètres, parmi lesquels entrent les différentes formes d'azote et de phosphore. Dans le cadre du Réseau National de Bassin (RNB), plus de 1100 stations de mesure sont ainsi suivies en France.

évolution 1993·1995 Centre pas de changement

90 à 100 % 70à90% 35 à 50 % Oà35% 50à70% dégradation AQUITAINE amélioration

---points de mesure de qualité bonne outrès bonne en 1995

FIG. 1.4 - Qualité des eaux superficielles en France pour l'AZOTE, en 1995 et évolution 1993-1995 (Mise en forme Cemagref sur données IFEN-RNDE)

3Les biologistes qui travaillent SUT les lacs considèrent que leurs eaux deviennent eutrophes

quand elles atteignent la teneur de 35 I"g P /1; des eaux de teneur de 100 I"g P /1 sont qualifiées d'hypereutrophes et ne permettent plus la survie des poissons.

(28)

Pour les nitrates et pollutions assimilées, aucune région n'était en 1993 dans une situation significativement mauvaise (figure 1.4), mais la qualité de l'eau était moyenne dans sept régions: en Bretagne, en Basse Normandie et Haute Normandie, en Champagne Ardenne, dans le Nord Pas de Calais, dans les Pays de la Loire et en Poitou-Charentes (IFEN, 1997). L'évolution va clairement dans le sens d'une dé-gradation de la situation: des teneurs de 0,5 à 1 mg/l, correspondant à la tendance naturelle, ne sont plus observées que dans 2 ou 3 stations de mesure sur les 1173 sui-vies (IFEN, 1999a). Plus inquiétant, sur l'ensemble des stations, la teneur moyenne en nitrates augmente de 1 à 2,5 mg/l par an, avec une légère décélération depuis 1997 (IFEN, 1999a). En 1999, l'examen de 500 stations de mesure de la qualité des cours d'eau sur l'ensemble du territoire métropolitain indique 24 % de points de qualité mauvaise ou très mauvaise pour les nitrates, 22 % pour les matières organiques, 18 % pour le phosphore et 12 % pour le phytoplancton (IFEN, 2002). "Sur la décennie

90, la tendance est à l'amélioration pour les matières phosphorées

et

les effets des

proliférations algales" (IFEN, 2002).

Perception du problème

La perception des problèmes environnementaux par l'opinion publique évolue rapidement en France. Ainsi, si en 1993, les Français considéraient que la réduction de la pollution de l'air et celle de l'eau étaient les priorités d'action pour l'Etat, en 1996, la réduction de la pollution de l'air arrive nettement en tête (54 % des réponses contre 38 % pour la pollution de l'eau).

La dernière grande enquête d'opinion (IFEN, 1999c) en France date de début 1998 :

- c'est toujours l'état de l'environnement au niveau mondial qui est jugé le plus dégradé: 13% des Français jugent" mauvais" l'état de l'environnement dans leur région, 16% ont la même opinion pour la France, 21% pour l'UE et 53% pour ce qui concerne le monde.

(29)

chapitre 1 - contexte

16

- de tous les problèmes liés à l'environnement, celui qui suscite aujourd'hui le plus d'attente d'interventions collectives est, de loin, la réduction de la pollution atmosphérique: alors qu'en 1995, 29% des Français estimaient que l'Etat devait intervenir en priorité dans ce domaine, c'est en 1998 le cas de 44 % de la population. - de tous les aménagements et infrastructures susceptibles d'occasionner une gêne pour les riverains, c'est toujours l'aéroport qui est le plus souvent considéré comme le plus gênant, loin devant les centrales nucléaires ou la décharge d'ordures ménagères. La qualité des eaux fait donc partie des sujets d'inquiétude, mais elle se situe de plus en plus loin derrière celle de l'air, pour l'opinion publique.

A contrario, les départements et les régions consacrent un budget important à

la protection de l'environnement (3,4 % de leurs dépenses totales), dont les deux tiers pour la protection des eaux (IFEN, 1999b). Pour les décideurs régionaux, la protection de la qualité des eaux devient un enjeu d'importance pour les années

à venir, même si cet enjeu est souvent occulté par des pollutions importantes et spectaculaires (Erika par exemple).

Les décideurs publics, au niveau national et régional, sont donc confrontés à un problème non négligeable (le nombre de points de captage de qualité médiocre est grand, il existe de vastes zones sur lesquelles il y a peu de points de captage de bonne qualité). Cependant, puisque ce problème est perçu comme important mais pas prioritaire par les habitants, ces décideurs ne peuvent pas mobiliser de moyens importants pour le réduire.

Il existe deux difficultés supplémentaires :

- les nutriments ne sont pas des substances toxiques, leur présence dans les eaux ne devient un problème que lorsqu'elle dépasse certains seuils et dans cer-taines conditions. Par exemple, le phosphore est indispensable à la croissance des algues et du phytoplancton dans les rivières, et donc à toute la chaîne tro-phique. Si le phosphore est présent en quantités importantes, il va permettre

(30)

une augmentation de la croissance des micro et macrophytes, un accroisse-ment de la biomasse, plus de poissons pour les pêcheurs... Mais dans certains endroits de la rivière, ceux de moindre profondeur (ayant donc une eau plus chaude, moins riche en oxygène), ou ceux de courant plus faible (permettant une meilleure fixation des algues), il peut arriver que la croissance algale soit telle qu'elle consomme tout l'oxygène disponible: dans ce cas, le milieu, de-venu eutrophe (trop riche), ne permet plus aux vertébrés de vivre et on assiste à des mortalités de poissons.

- les nutriments ne sont, la plupart du temps, pas rejetés directement dans l'eau par les activités anthropiques. On ne peut donc pas se contenter de limiter les émissions directes, c'est ce que nous allons développer maintenant.

1.2

Mécanismes physiques de transfert

Des rejets directs ... et diffus

Comment les eaux douces arrivent-elles à être polluées? La dégradation de leur qualité peut être provoquée par des pollutions d'origine ponctuelle ou diffuse. Les sources de pollutions ponctuelles sont surtout domestiques, industrielles, ou liées aux bâtiments d'élevage. Elles se traduisent par des rejets, dans les cours d'eau, de nutriments ou de substances chimiques, soit constants tout au long de l'année, soit avec des pointes saisonnières pour les agglomérations ou les industries. Les origines de ces rejets peuvent être inventoriées, localisées géographiquement et des mesures de qualité peuvent être effectuées en des points précis. Ces pollutions sont théori-quement maîtrisables sous réserve d'y mettre les moyens techniques et financiers adaptés. La pratique est différente : ainsi, une proportion importante des indus-tries (90

%

des établissements représentant 50

%

des flux émis) fait l'objet d'une évaluation forfaitaire (IFEN, 1996).

(31)

chapitre 1 - contexte 18

territoire (Lanyon, 1994) et les transferts vers les cours d'eau se produisent de façon intermittente (Renault, 1993), ce qui rend leur quantification difficile. Les pollutions diffuses peuvent avoir plusieurs origines : assainissement individuel (la multitude des sources empêche les mesures), ruissellement en zone imperméabilisée (villes, routes), traitements avec des produits phytosanitaires en zone urbaine ou sur les lignes SNCF, activités agricoles et d'élevage. Les nutriments que l'on retrouve dans les eaux proviennent de différentes activités anthropiques, dont l'agriculture, avec à

la fois des sources ponctuelles et diffuses. De ce fait, les pollutions d'origine agricole par l'azote ou le phosphore sont un cas particulièrement complexe de pollutions diffuses. En effet, d'une part les nutriments ne sont des polluants que lorsqu'ils sont présents en quantité trop importante. D'autre part, des flux internes au processus de production peuvent devenir polluants: par exemple, la libération d'azote minéral par la matière organique du sol est très bénéfique aux cultures en place si elles sont en phase de croissance, mais peut devenir une pollution lorsque les cultures n'absorbent pas assez d'azote. Il faut noter que toutes les formes de nutriments issus des activités agricoles que l'on retrouve dans l'eau, à l'exception des rejets accidentels (qui ne représentent qu'une faible part des apports), se sont trouvées à

un moment donné en contact avec le sol, qui joue un rôle régulateur.

Nous allons tout d'abord examiner comment les nutriments qui sont dans ou à la surface du sol peuvent être transférés dans les eaux de surface. Nous nous limiterons

à deux nutriments, l'azote et le phosphore.

Azote

L'azote se trouve présent dans et à la surface des sols sous des formes minérales, et surtout organiques (figure 1.5). Des phénomènes de transformations biochimiques permettent le passage d'une forme à l'autre: l'azote participe à des cycles biologiques dans le sol, essentiellement dans la couche colonisée par les racines des plantes.

(32)

. - de labioma<ise microbienne 100 - 400kgN'ba . - des résidus de récolres 20 -100kgN'ba . - org;miquelabilede 11nnrus 1000 - 2000kgN'ba . - org;miquestablede - - - - / 11nnrus 2000 - 3000kgN'ba azoteorganique } ( minéralisation iJmr)bilisation ) azoteminérnl C : = = : : J I - .-minéral 30 - 300kgN'ba

FIG. 1.5 - Compartiments d'azote dans le sol (adapté d'après CORPEN, 1993)

L'azote du sol est présent essentiellement sous forme organique. La plus grande part de l'azote présent dans le sol (95 %) est incorporé dans des molécules organiques (Sebillotte, 1995). Cette fraction organique està 90

%

une fraction passive et difficilement décomposable: c'est l'azote de l'humus. Si une partie de cet humus est constituée de composés stables, la fraction dite labile est en équilibre, avec des cycles très longs avec l'azote de la biomasse microbienne. Les 10

%

restants de l'azote organique (composés protéiques de la biomasse et des résidus de récolte) constituent le pool d'azote organique affecté par les phénomènes de minéralisation et d'humification (Kauark Leite, 1990).

L'azote organique provient de la décomposition des résidus organiques (humi-fication), d'une part, et des réactions de synthèse bactérienne à partir des formes d'azote minéral (phénomène d'immobilisation, parfois appelé organisation) d'autre part (Simon et al., 1989, Denys et al., 1990).

Le sol peut perdre de l'azote organique par érosion, qui entraîne l'azote orga-nique complexé aux particules de sol (Edwards, 1993), et surtout par minéralisation

(33)

chapitre 1 - contexte

20

(Boone, 1994, Niklinska, et al., 1999). Un entraînement vertical de l'horizon labouré vers l'horizon immédiatement inférieur est parfois mentionné en sol brun acide

(Si-mon et al., 1992).

fIXation

,.. ..,

~;~~~:~~;"",...l~~~~t:~~ );/";;;~'~~~:~~;""""

..., végétal (plantes) . animal .i

......"'... ...•...,

_

.

...

1. résidus .

...···;~jets difJùs

FIG. 1.6 - Azote organique dans et à la surface du sol: principales transformations et transferts.

De nombreux facteurs régissent l'équilibre entre les phénomènes de minéralisation et d'immobilisation (figure 1.6), qui ont lieu selon des cycles dont la longueur est très différente, de quelques jours à plusieurs centaines d'années selon les composés mis en œuvre : selon les conditions dans le sol, l'azote des résidus (végétaux ou animaux) est décomposé en azote minéral ou assimilé par la biomasse microbienne (Hacala et Pfiimlin, 1994). Il peut alors soit entrer dans un équilibre de minéralisation-organisation avec le pool minéral, soit être intégré dans des processus d'humification. L'orientation de ces différents équilibres dépend de l'activité biologique du sol, et

(34)

varie fortement à la fois dans le temps et dans l'espace.

minéralisation nelle ""stimée par SWAT

"~urle 8011

'-

---

- , ".

~

..

c ~ .,

~ .,

••

E :a ~ D D D c ~ E :a E 2 E E .~ g ~ 1< 0 ~ ~ c ~

FIG. 1.7 - Minéralisation nette mensuelle : comparaison de la référence utilisée par les conseillers agricoles et les simulations du modèle SWAT sur deux sols du bassin du Don.

Un exemple de ces variations est illustré par la figure 1.7. La minéralisation nette (minéralisation moins organisation) moyenne utilisée pour les conseils de fertilisation sur le bassin du Don (Loire Atlantique) a une forme habituelle, avec deux "pics" au printemps età l'automne lorsque les sols sont humectés et relativement chauds. Pour représenter les variations de conditions dans le sol de façon plus fine, les hydrologues utilisent des modèles au pas de temps journalier. SWAT (Arnold et al., 1998), l'un de ces modèles, a été implémenté sur le même bassin du Don. La figure 1.7 illustre la somme mensuelle de la minéralisation nette estimée par SWAT sur deux sols du Don pour l'année 1998 : non seulement le modèle estime que ces sols fournissent par minéralisation des quantités d'azote distinctes, mais il évalue la minéralisation nette printanière de façon différente de ce qu'un agronome aurait attendu.

Sans doute en raison de la difficulté de mesure (on ne peut pas mesurer à chaque instant l'azote minéral dans chaque parcelle d'un bassin versant), on se heurte sou-vent à des estimations différentes d'un même phénomène d'une discipline à l'autre

(35)

chapitre 1 - contexte 22

(comme sur la figure 1.7 où agronomes et hydrologues font des estimations très dissemblables) mais aussi d'un modèle à l'autre.

L'azote minéral: la fraction minérale de l'azote du sol est surtout constituée d'azote ammoniacal

(NHt,

NHa) et d'azote nitrique, ou nitrate (N0

3).

Ces formes sont en équilibre entre elles, par des réactions biochimiques d'ammonification et de nitrification (Carlotti, 1992). L'ampleur de ces réactions biochimiques dépend des conditions dans chaque sol et varie elle aussi fortement dans le temps et l'espace.

La minéralisation de l'azote organique et les apports d'engrais minéraux consti-tuent la principale source d'azote minéral dans le sol (Jarvis et al., 1996), à côté des précipitations (Cann, 1993) et de la fixation d'azote atmosphérique (fixation symbiotique par les légumineuses, ou asymbiotique).

quantité d'azote absorbée par une culture blé 80qtx , /

,

f

,

,

"

,

,

,

"

,-/

----• ----•

"

~

..

0 g 0 I

.,

• E :ê. 0 • :ê. • .!!. ~ E ". ... - - - ... prairie 6 TMS

,

"

,

,

,

\ \ ,

"

'-,

1i

~ ~ ~ E ~ E E ~~ ~g ~~ ~ ~

FIG. 1.8 - Besoins mensuels en azote de trois cultures (références agronomiques).

C'est sous cette forme minérale que l'azote est absorbé par les plantes. En période de croissance des cultures (fortes exigences), la forme nitrique prédomine sur la forme ammoniacale (Huang et Uri, 1994). La cinétique d'absorption des plantes (voir figure 1.8) varie en fonction du stade végétatif et selon les espèces; elle est bien connue pour

(36)

les céréales et le maïs (Carlotti, 1992), en cours d'étude pour certaines graminées, mais mal connue pour les prairies (Salette et Huche, 1991), surtout celles exploitées par pâturage (Delagarde et al., 1997).

Les pertes en azote minéral vers les autres compartiments de l'écosystème sont liées à plusieurs types de phénomènes (figure 1.9) :

physiques : entraînement vers le réseau hydrographique par ruissellement et par lixiviation.

biologiques : absorption de l'azote minéral par les plantes, organisation par la microflore, dénitrification biologique (transformation de l'azote minéral en des formes gazeuses, N2 et NOx )'

chimiques: volatilisation de l'azote ammoniacal du sol ou des résidus animaux et végétaux, dénitrification chimique en sols acides (Kauark Leite, 1990). Les pertes par volatilisation et dénitrification (Groffman et Hanson, 1997) peuvent être très importantes.

précipitations fixation

1

L ingestion

~---

---....

_..--._-.

_.-.,

/" azote organique ' \ - - ",../ azote organIque \

, _ végétal (plantes) __/ "\... animal __. /

----,--'-'

-

..

-:::::~--i ."d _~.__- - -"

---assimilation !resi liS _ - - - rejets diffus

---~;:::----animauxet

lixiviation

FIG. 1.9 - Azote minéral dans le sol (cycle hors pratiques agricoles) principales transformations et transferts

(37)

chapitre 1 - contexte 24

Puisque tous ces phénomènes dépendent des conditions dans le sol, ils varient fortement au cours de l'année et dans l'espace. De ce fait, ils sont très difficiles à

mesurer. Ils sont de plus en plus souvent appréhendés par des modèles fonctionnant au pas de temps journalier (voire horaire), modèles dont la qualité des estimations dépend actuellement plus du paramètrage que de la qualité des équations biogéo-chimiques utilisées.

Les transferts d'azote vers l'eau se font préférentiellement sous forme de nitrates: Thutes les formes d'azote présentes dans le sol ne sont pas trans-férables par les mêmes voies. Les quantités les plus importantes transfèrent sous forme nitrique par lixiviation (l'ion nitrate est très soluble). Les quantités d'azote ainsi entraînées dépendent de nombreux facteurs tels que la quantité d'azote ni-trique présente dans le sol, sa répartition le long du profil de sol, la quantité d'eau drainée, la fréquence et la répartition des pluies dans l'année. L'azote entraîné par lixiviation rejoint les eaux de surface par ruissellement subsuperficiel, et parfois par réalimentation des cours d'eau via les nappes. L'azote minéral présent en surface et l'azote organique adsorbé sur les particules de sol peuvent ruisseler rapidement.

Différents niveaux d'approches permettent d'appréhender les phénomènes qUl sont à l'origine du transfert de l'azote des sols vers l'eau (Jarvis et al., 1996) :

- dans les microsites du sol, c'est l'environnement physico-chimique qui condi-tionne le déplacement des équilibres biochimiques de minéralisation, réorgani-sation, volatilisation et dénitrification de l'azote (Balabane, 1996).

- à l'échelle de la parcelle, les pratiques agricoles ont des conséquences à court terme, mais aussi à moyen et long terme, de façon plus ou moins maîtrisée, sur l'ampleur relative des différentes réactions (Sebillotte et Meynard, 1990). dans le bassin versant, les conditions climatiques déterminent la fréquence des événements susceptibles d'entraîner l'azote de la zone racinaire vers les eaux; l'aménagement de l'espace contribue à accélérer, ou au contraire à ralentir,

(38)

les transferts vers les aquifères les plus importants. De l'azote minéral présent dans un sol peut mettre plusieurs mois à lixivier dans le profil, alors qu'il ne mettra que quelques semaines, voire quelques heures à atteindre la mer une fois qu'il se retrouve dans une rivière (Dorioz et Ferhi, 1994).

Les transferts d'azote des sols vers les eaux vont dépendre à la fois des formes d'azote présentes à un moment donné et du cheminement de l'eau. Il existe donc une difficulté supplémentaire à l'analyse des transferts d'azote: il est très difficile de déterminer les cheminements de l'eau sur un bassin versant, même si l'influence de ces cheminements est de mieux en mieux prise en compte (Conan, et al., 2002).

Phosphore

Le phosphore est un élément peu soluble, présent principalement dans les hori-zons de surface des sols (figure 1.10) et dans la biomasse. Le phosphore se trouve dans le sol sous de multiples formes, organiques et minérales, très liées aux particules de sol, et régies par des équilibres complexes (Frossard et al., 1995).

Le phosphore organique ne représente que de faibles quantités dans le sol Le phosphore organique est un des constituants de la matière organique du sol et subit des cycles de minéralisation et réorganisation, de la même façon que pour l'azote. L'humus contient de 0,25 à 0,50 %de phosphore (Sharpley, et al., 1998), ce qui représente entre 10 et 110 kg de phosphore organique par hectare. Dans les sols biologiquement actifs, et quelle que soit la cause de cette activité, la minéralisation l'emporte sur l'immobilisation du phosphore dans les cellules de micro-organismes produites pendant le processus de décomposition : l'accroissement de phosphore organique dans les sols ne peut donc résulter que de l'apport de résidus organiques (Sharpley, 1995a).

(39)

chapitre 1 - contexte 26

P organique ingestion

~- ~2:=---

~

__

\

/;::~:l.<~/·_·_·_GabsorptiO~,,~(.~;:~;;~)_.~~~~,;,""'"".

~"'

..

~

orgamqoe n:inéralisation

arlsoq,tion )"' ,

1f;. \",., "'.

! ..._...."_.._..1~ \ i 1 \ ' " ' .

, . t~' ~ - .._- - : désorption -l':'"~t' .défixation '.

, orgamsa I O n . / ...".lUt4IOn \ '- \

\ ... -{ Psoluble ';,/../ 1 \ .

>- \..

\.".... -"... ,,1"""" ~..._.._..."...._ ... ,

/i

tulsselll(ment " (' \-7'-'---· '. \ \ \... Pfixé ,'" -._ \.:' ..."... \ _ ;::}y ruÎssellem~nt '\\

,.,...

... "\ ... ( s o l ""'\ '. _.._....~)" \

.

... ... ruissellement, lessivage

FIG. 1.10 - Cycle du phosphore, adapté d'après Sharpley (2000) - interface sol-aquifère.

Le phosphore du sol est essentiellement sous forme minérale (inorganique) Le phosphore inorganique peut être associé avec les particules minérales du sol, emprisonné dans le réseau cristallin, adsorbé à la surface de certains constituants ou, en faible quantité, dissous dans la solution du soL

Le phosphore dissous est la seule forme directement assimilable par les plantes. Les réactions qui régissent l'équilibre entre les formes labiles et dissoutes sont re-lativement rapides, et la concentration en phosphore dans la solution de sol est en équilibre. Les réactions qui régissent]'équilibre entre les formes labiles et non labiles sont par contre très lentes devant les cinétiques d'absorption par les plantes, et de ce fait, une grande partie des réserves en phosphore des sols n'est pas accessible par la végétation: la nutrition des plantes en phosphore n'est pas limitée par leur capacité physiologique d'absorption, mais par la concentration de la solution du soL

(40)

D'un point de vue agronomique, on chercheà connaître dans le sol les quantités de phosphore disponible pour les plantes : différentes techniques de solubilisation cherchent à extraire le phosphore sous forme labile. Cette quantité peut être très différente de la quantité de phosphore total, susceptible d'être transféré vers les eaux (la figure 1.11 donne un exemple). La plupart des mesures de phosphore dans les sols qui existent en France et dans le monde (Sharpley, 1995b) ne sont donc pas utilisables pour établir des cartes de risques de ruissellement de cet élément vers l'eau.

Teneur en phosphore total (g Pfkg de terre brute)

+ 5.0 4.5 4.0 3.5 3.0 2.5 2.0 1.5 1.0 + 0.5 0.0 0.0 0.2 0.4 + + 0.6 0.8 1.0 1.2 1.4 1.6 LB

Teneur en phosphore assim ilable (g P 205/kg de terre bruie)

FIG. 1.11- Teneur en phosphore assimilable et teneur en phosphore total de l'horizon superficiel de 250 parcelles d'un petit bassin agricole - adapté d'après (Turpin, et al., 1996).

Les transferts de phosphore sont liés aux phénomènes d'érosion et de ruis-sellement Sous climat océanique, où l'érosion hydrique est prédominante (Henin, 1984), les transferts de phosphore des sols vers les eaux superficielles sont essentielle-ment liés aux phénomènes' d'érosion et de ruisselleessentielle-ment. La lixiviation du phosphore reste un phénomène marginal, sauf dans certaines conditions très particulières (sols très sableux des Pays-Bas, ou du nord de l'Allemagne, par exemple).

(41)

chapitre 1 - contexte 28

par le ruissellement peut affecter les formes solubles (orthophosphate inorganique, complexes solubles organiques) comme les formes particulaires (organiques et mi-nérales). Le phosphore est cependant transporté, à partir des surfaces cultivées, préférentiellement (75 à 90

%)

sous forme particulaire (Dorioz, 1996). Ces pertes en phosphore ne représentent qu'une très faible partie du phosphore retenu dans les sols (Sharpley, et al. 1995).

Le phosphore est le facteur limitant de la production algale dans les eaux douces. Cependant tout le phosphore présent dans les cours d'eau n'est pas assimilable par la biomasse algale : le phosphore subit dans les cours d'eau un cycle de solubilisa-tion - sédimentasolubilisa-tion (Dorioz, 1996), il est transporté par bonds successifs lors des crues (Cann, 1990), sédimente dans les parties de rivières plus cahnes, et peut être provisoirement stocké par les rives et dans les zones humides (Greiner et Hershner, 1998, Lyons, et al., 1998, May, et al., 2001, Serrano,

et

al., 1999, Uusikamppa,

et

al., 2000).

Synthèse

Pour mieux comprendre l'impact que vont avoir les caractéristiques physiques des transferts de nutriments sur l'efficacité des mesures prises pour diminuer les pollutions, leur traduction en un modèle est utile. Nous avons repris celui de Shortle et Horan (2001) : considérons un bassin versant dans lequel des source ponctuelles et diffuses contribuent à la dégradation de la qualité des eaux. Les émissions de la

kième source sont notées ek et sont supposées être non stochastiques et mesurables

avec un coüt faible. Au contraire, les émissions diffuses sont stochastiques (nous avons vu qu'elles dépendent, entre autres, des précipitations) et ne peuvent pas être mesurées directement. Shortle et Horan ajoutent "à un coüt acceptable" : même si l'on disposait des outils permettant de relier parfaitement la teneur en azote nitrique ou en phosphore d'un sol avec une possibilité de transfert, mesurer cette teneur avec une précision suffisante aurait effectivement dans notre cas un coüt très élevé,

(42)

représentant plus du quart du chiffre d'affaire agricole sur le bassin (voir l'annexe 1 pour le détail des calculs). Dans notre cas, le coût de mesure n'est pas acceptable.

Shortle et Horan supposent que les entreprises émettant des polluants de façon diffuse peuvent uniquement contrôler la distribution des émissions probables par leurs choix de production et de méthode de contrôle des pollutions. Cette hypothèse est cohérente avec l'état des connaissances sur l'impact des pratiques agricoles sur la pollution des eaux (voir page 31 et suivantes). Ils supposent enfin l'existence de modèles physiques reliant les choix des entreprises et les émissions de polluants. De tels modèles existent, nous en décrirons quelques uns dans le deuxième chapitre.

Pour le moment, examinons les hypothèses formulées par Shortle et Horan sur les propriétés nécessaires de tels modèles. Les émissions de la ième exploitation sont

données pargi = gi(Xi, ai, Vi,roi) avec Xi un vecteur de choix (par exemple les inputs

de la fonction de production), ai les caractéristiques du site (par exemple le type

de sol, la topographie, la teneur en matières organique ou en phosphore des sols, la distanceàl'aquifère le plus proche),Vi des variables environnementales stochastiques

(par exemple la pluie, la température, l'ensoleillement) et roi les paramètres du processus de pollution du site i. Dans notre cas, une exploitation s'identifie avec un site. Nous avons vu que les transferts de nutriments ne dépendent que des formes de ces nutriments présentes à un moment donné, et du cheminement de l'eau:

les paramètres inclus dans le vecteur roi décrivent ce cheminement de l'eau depuis le site de l'exploitation jusqu'au point de mesure.

les formes de nutriments présentes dans les sols sont liées à l'environnement physico-chimique (paramètres inclus dans le vecteur ai) et aux conditions

cli-matiques (décrites dans le vecteur Vi).

Nous supposerons que les modèles existants sont suffisamment précis pour que toute l'information nécessaire à la détermination des émissions depuis un site donné

(43)

chapitre 1 - contexte 30

ai, Vi et IDi. Sous cette hypothèse, la fonction reliant les paramètres ai, Vi et IDi

d'un site donné et les émissions de nutriments depuis ce site (toujours à pratiques agricoles constantes) ne dépend plus du site. Cette hypothèse permet de beaucoup simplifier la formulation, puisque nous pouvons alors écrire :

La formulation gi = gi(Xi, ai, Vi, IDi) utilisée par Shortle et Horan rendait l'ap-plication du modèle complexe, puisqu'il aurait alors fallu déterminer, par exemple de façon statistique, une fonction d'émission pour chacune des exploitations d'un bassin versant donné.

Avec le modèle de Shortle et Horan, la concentration a d'un polluant est une fonction des émissions ponctuelles et diffuses, des niveaux "de base" (en l'absence d'activité anthropique) du polluant, (, des caractéristiques du bassin,

'I/J,

de para-mètres d'évolution et de transport, cp, et de variables environnementales stochas-tiques 5 :

a = a(gl, ... , gn,el, ... , eS,

ç,

'I/J,

cp,5)

avec Ba/agi

:2:

0 et aa/aek

:2:

0 pour tout i et pour tout k.

(1.1)

Le coût social des pollutions est noté D, fonction croissante et convexe de la concentration ambiante de polluants et de paramètres économiques ç : D = D(a,ç)

avec aD/aa:2: 0 et a2D/aa2 :2: O.

Nous avons vu que les connaissances actuelles sur les mécanismes physiques de transfert de nutriments permettent de déterminer quels sont, sur un bassin donné, les paramètres

ç,

'I/J,

cp. Les variables environnementales stochastiques, 5, sont mesu-rables, et on peut, avec quelques années de chroniques en un lieu donné, déterminer leur fonction de répartition. Les modèles existants permettent de relier ces para-mètres

(il

existe des fonctions a dans la littérature); si ces modèles sont reliés à

Figure

FIG. 1.1 - Teneur en azote des principales rivières européennes (source: EEE-Natlan, 2000)
FIG. 1.3 - Concentrations en phosphore total et en nitrates des rivières européennes (graphique issu d'Environmental signais 2002 de l'European Environment Agency)
FIG. 1.4 - Qualité des eaux superficielles en France pour l'AZOTE, en 1995 et évolution 1993-1995 (Mise en forme Cemagref sur données IFEN-RNDE)
FIG. 1.6 - Azote organique dans et à la surface du sol: principales transformations et transferts.
+7

Références

Documents relatifs

Se trouvent dans une position similaire à celle du destinataire, les tiers dont les droits et obligations pourraient être touchés par la décision 18 Il s'agira par exemple

Ce mercredi 27 février, dans le contexte de l’épisode de pollution, Michel Lalande, préfet de la région Hauts-de-France, préfet du Nord avait pris de mesures de restriction de

Bien que les travaux et les concertations aient commencé bien avant la date butoir du 1er avril 2019, l’élaboration du programme en tant que tel n’est pas encore finalisée

Pour donner son avis sur les études d’exécution, l’architecte analyse l’impact des choix techniques sur la volumétrie, les matériaux et les finitions ainsi que

L’intervention de l’AFD dans le secteur de l’éducation, de la formation professionnelle et de l’emploi vise à favoriser la cohésion sociale, lutter contre les

Pour arriver à cette conclusion, Brillouin se fonde sur sa résolution du paradoxe du « démon de Maxwell », qu’il développe dans son livre. Le paradoxe de Maxwell consiste

This point of view is defined as the negentropy principle of information, and it leads directly to a generalisation of the second principle of thermodynamics,

Sur le plan botanique, c’est le cordon dunaire - aussi bien mobile que fixé - qui abrite les espèces les plus précieuses ; c’est à ce niveau que croissent en effet 3