L'INSULINE EST NECESSAIRE POUR DIMINUER LE SANG EPAIS
La digestion t~llE: que se la représentent des élèves de 15
à
16 ansMariana MENDEZ de GAGLIARDI, Ana Maria CANAY de MENDEZ Raul GAGLIARDI Laboratoire de Didactique et d'Epistémologie des Sciences Université de Genève
Mots-clefs: Analyse de représentations, Digestion, Mécanismes d'apprentissage, Utilisation des concepts, Concepts structurants de la biologie, Autopoiesis.
Résumé:
A partir de l'analyse de représentations qu'ils avaient élaboré sur le processus de la digestion, nous avons constaté que des élèves de lycée (Argentine) n'utilisent pas dans leurs explications certains concepts qu'ils sont pourtant capables d'exprimer. Ces résultats sont analysés en fonction du modèle cognitif fondé sur les concepts structurants.
1 INTRODUCTION
La construction des connaissances est un processus compleKe qu'on est loin de connaitre. On a elaboré différents modéles, émis différentes hypothéses, mais on reste encore dans le terrain des suppositions plus ou moins vague,.
Depuis quelques années, différents auteurs signalent l'impnrtance des
représentations préalables, qui déterminent en partie les
significations données aUK informations que reçoit le sujet <1> Certains travauK montrent qu'il y a des représentations qui persistent après les études. <2> Dans ce cadre général nous voulons soulever un
aspect particulier, celui des éléves qui donnent des réponses
correctes. mais qui ne sont pas capables de résoudre des problèmes apparement simples, dans lesquels les mimes connaissances devraient être utilisées. De telles réactions de la part des élèves pose des
problèmes à l'enseignement des sciences au niveau des méthodes
d'évaluation des connaissances d'une part, au niveau de la théorie générale de la connaissance d'autre part.
Le probléme méthodologique peut ètre surmontè pour autant Que l'on prenne soin de rèaliser des Questionnaires et des interviews dans lesquels non seulement il faut répondre à des questions générales mais dans lesquels il faut aussi trouver solution à des problémes concrets, c'est-à-dire ·utiliser" les connaissances testées dans une situation particuliére. Nous donnerons des eKemples de ce type de méthodologie. Le problème théorique est beaucoup plus compleKe, parce qu'il implique la définition de ce qu'est une connaissance. Sans entrer dans un débat philosophique ou psychologique, connaitre c'est, à notre avis, ètre capable d'utiliser un concept. Et "utiliser un concept" doit être compris dans un sens large: c'est l'appliquer non seulement dans le cadre d'une activité dirigée vers l'eKtérieur, mais aussi dans la transformation de son propre système cognitif.
On 'possède" une connaissance -quelle qu'elle soit- quand on peut l'utiliser pour transformer la réalité et/ou pour construire une nouvelle connaissance.
Cette définition s'avére nécessaire si l'on veut éviter de se limiter à une simple classification des connaissances en "utilisables" et "non utilisables". Elle est cohèrente avec une vision constructiviste, Qui
essaie de se centrer sur les mècanismes de construction des
connaissances.
On peut eKprimer cela d'une autre façon. en utilisant les notions d'information factuelle (qui correspond à une simple description d'un faitl et d'information structurante (qui permet le développement de une connaissance ultérieure)
c'est-à-dire que nous pensons qu'il y a une différence importante
<1> GIORDAN, A. ,"Une pédagogie pour les sciences eKpérimentales", Centurion, Paris, '978,
VIENNOT, L. ,"le raisonnement spontané en dynamique
élémentaire", Hermann. 1974.
<2> jm's:GAGLIARDI, R, ,"Acquisition du concept d'information génétique par les étudiants de biologie", ~~tes des cinquièmes journées internationales sur l'éducation scientifique. Paris. 1984, 473.
entre l'eKpression d'un concept et la capacité de restructurer ses connaissances en fonction de ce concept nouveau,
Cette brève introduction nous amène au nous poser la question suivante au niveau de l'enseignement: Duels sont les possibilités d'application de cette idée à l'enseignement des sciences?
Un eKemple concret nous permettra de donner un début de réponse à cette question,
2 Exemple de la digeltion
L'exemple que nous voulons utiliser provient de l'Argentine, Il a été choisi dans un ensemble de réponses fournies par des étUdiants de quatrième année du Lycée 115 - 16 ans), Ces questions leurs ont été posées le premier jour d'un cours de biologie et correspondaient aux thémes étudiés l'année précédent,
A partir du temps écoulé entre le moment d'apprentissage et les
questions (plusieurs moisi. on peut dire qu'il s'agit d'un post-test,
Ces questions avaient pour but d'estimer l'état général des
connaissances sur l'anatomie et la physiologie humaines, en
particulier concernant les processus de respiration, circulation et digestion.
Dans tous ces thèmes il y a eu des réponses bonnes, mauvaises et très mauvaises,
La questions:
Quel est l'object de la digestion? obtenait des réponses du type: "La fonction de la digestion est la dégradation des substances", Les mots utilisées étaient: "transformation en substances plus simples·, "rupture des molécules", "dédoublement des substances", "transformation en substances plus petites", "action chimique sur les aliments", "décomposition des aliments", ou "modification de la nourriture",
Certains élèves parlaient de "transformation des protéines en acides aminés" ,
Quelques élèves signalaient que "l'objet du système digestif est décomposer les aliments qui seront pris par le sang", "alimenter le sang", "intégrer les aliments au systéme circulatoire"",
Il Y avait aussi beaucoup de réponses du type:
"La fonction de la digestion est l'assimilation des aliments",
[1 faut signaler aussi la confusion entre "élimination des substances non assimilées aprés la digestion" et "substances excrétées", Certains étudiants mentionnaient que "la digestion consiste en la réduction des substances qui se font plus petites.", ou mélangaient la trituration et les processus chimiques,
J Utili.ation de. connail.anca • • ur la dige.tion
Une deuxiéme question posait un probléme lié à la digestion: "L'insuline est une protéine produite par le pancréas, Chez les diabétiques cette hormone ne se produit pas, ou elle est en petite quantité ou de mauvaise qualité, Par conséquence, les cellules du malade ne peuvent pas utiliser le glucose comme combustible primaire ni faire le stockage du glucogène dans les
muscles et le foie, Ces malades sont traités par injection
d'insuline de façon ce qu'elle entre directement dans le
Pourquoi est-il n~cessairede leur injecter d'insuline? Pourquoi ne peut-on pas la leur do'",er par la bouche? Toutes le. réponses ~tai@nt faussesl
Certains ~tudiants avaient donn~ des r~nonses trés imaginatives, ce
qui démontre qu'il ne s'agisait p'o o'un faible intérêt pour la
question, ni d'un manque d'effort pour riponore. Nous pouvons donc nous posser la question suivante:
Pourquoi ces ~tuoiants n'utilisaient pa. le concept qu'ils avaient exprimé quelques minutes auparavant?
Noug OP. pouvons pas donner une réponse e~~r.te à cette question. mais nous pouvons proposer des solutions au probléme.
4 Un enseignement fondé sur les concepts structursnts
Une autre façon d'aborder le probléme est l'enseignement fond~ sur les concepts structurants, c'est-i-dire, les concepts qui transforment l@
syst~m@ cognitif et facilit@nt la mise en rélation des concepts isolés
@t l'acquisition de nouveaux concepts.
Oans notre exemple, les ~l~ves ont mémorisé une définition sur la digestion, mais il n'ont pas construit tout l@ réseau conceptuel li~ â cette définition. Ils ne sont pas capables de mettre en rapport le concept général de transformation de substanc@s dans la digestion @t la transformation de l'insuline.
Cette question peut étre traitée en prenant comme axe le concept structurant d'autopoi~sis<1> , selon lequel la propriét~ fondamentale de tout organisme est l'auto-construction: "tout organisme est un
réseau d@ réactions chimiques dans lequel sont synthétisées les
molécules qui participent â ces mémes r~actions. Au m~me temps dans ce réseau se déterminent les conditions qui permettent l@ fonctionnement de l'organisme.f t
Le concept d'autopolésis pose une s~rie de questions qui organisent l'apprentissage des notions sur la digestion et la circulation: Comment l'organisme obtient-illes mol~cules pour son autoconstruction? Comment se r~alise le transport de ces mnlécules jusqu'aux r~seaux de réactions chimiques?
Doit-il transformer les molécules puisées â l'ext~rieur?
Si les ~lèves ont ~labor~ le concept "l'organisme s@ construit â
lui-même i partir des substances prises â l'ext~rieur, ils peuvent
comprendre que ces substances doivent entrer dans l'organisme et être transportées jusqu'aux cellules. Ils peuvent comprendre aussi que
l'absortion de certaines de ces mol~cules se r~alise après une
transformation, en particulier dans le cas des protéines.
La digestion n'est plus un phénoméne isolé mais un aspect d'un
fonctionnement global de l'organisme, dans lequel certaines mol~cules
doivent être incorpor~es, transformées, transport~eset int~gr~esdans le métabolism@,
En d'autres termes, le concept d'autopoiésis permet d'établir un
r~seau conceptuel dans lequel prennent place la digestion, la
circulation, la respiration, la cellule, le métabolisme, comme autant
d'aspects d'un même phénoméne global: l'autoconstruction de
l'organisme.
L'e"emple du concept structurant de . aut ··polésis nous signale des
<1 ) GAGLIAROI, R. :"Les concepts structurants de la biologie",
~A~cwtue~s~d~e~s~c~iun~a~u~i~èllm~eusL-'L'o~u~r~n~~sinternationales sur l'éducation
modifications possibles dans les obje.:tifs de l'enseignement, mais il n'indique pas les stratégies à suivre pour arriver à ces objectifs.
5 Un. .tr.tégi. pédagORiqu. fondé. tur 1. p.rticip.tion d•• éliy.t Le fait que les élèves n'ont pas été capables d'utiliser un concept qu'ils avaient exprimè indique aussi une dévalorisation de son propre savoir: ils doivent apprendre pour passer l'examen, ou pour faire plaisir au professeur. Ils n'envisagent pas les connaissances comme des outils pour leur vie. Un éléve qui répond: "Je ne savais pas qu'il y aurait un examen, sinon j'aurait étudiel"exprime clairement que les connaissances apprises à l'école ont la vie courte. Une fois passé la période des examens elles ne sont plus nécessaires.
Il faut, donc, développer une stratégie qui donne aux élèves le
plaisir du savoir, la "nécessité" d'approfondir ses connaissances, de mettre en relation les différents concepts. Nous sommes convaincus que
la meilleure stratégie consiste à faire participer les élèves à
l'apprentissage des autres éléves. Enseigner peut être une aspect important d'apprendre.
Une classe dans laquelle les objectifs sont les concepts structurants, organisée de telle façon que les élèves participent à la construction
collective des connaissances est le meilleur moyen de provoquer
l'utilisation des concepts et leur intégration.
L'utilisation des concepts est un des principaux aspects à résoudre pour l'amélioration de l'enseignement des sciences. Cette utilisation
ne peut pas se limiter à la résolution des problémes ou à
l'observation de démonstrations Isouvent appellées experlences
scientifiques"l. Il s'agit d'un "travail cognitif" Que l'élève doit réaliser pour mettre en relation les différents concepts qu'il a
construit préalablement. Cette éffort peut être facilité par la
discussion avec les autres éléves, la participation dans
l'enseignement de certains thémes, etc.
Il faut souligner aussi que la "mesure de la capacité d'utilisation" des connaissances devient un outil indispensable pour l'évaluation des stratégies pédagogiques. En méme temps, cette mesure peut devenir elle-même un êlément de ces stratégies, parce qu'elle peut donner lieu à une discussion en classe sur les mécanismes d'apprentissage.