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ARTheque - STEF - ENS Cachan | « Écrasons l'infâme », Pensée scientifique et Intolérance

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Texte intégral

(1)

"ECRASONS L'INFAME"

PENSEE SCIENTIFIQUE ET INTOLERANCE

(*)

Bernard VUILLEUMIER

Irena STARKE-MAUlE

Laboratoire de didactique et

d'épistémologie des sciences

Université de Genève

Mots clés

Projets éducatifs, Conséquences indésirables.

Résumé :

Nous montrons comment, historiquement, l'essor de la pensée

scienti-fique a pu donner lieu

à

des attitudes intolérantes. Nous examinons

ensuite quelques conséquences néfastes possibles des tentatives

actuelles de diffusion

à

large échelle de la pensée scientifique.

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INTRODUCTION

St nous Ilvons choisi pour titre ce mot de Voltllire IlUX Illlures extrêmes, c'est pour IIttlrer l'Ilttentlon sur les dllngers qui peuvent IIccompegner III réll-llslltlon des projets éduclltlfs les plus loullbles. Diffuser Illrgement III pensée scientifique, tenter de fllvortser le recours

D

celle-cl dllns des situlltlons quotidiennes, l'Insérer dl!ns le domlline des IIctes soctl!UX, voi16 des tnten-tlons I!ujourd'hui fort prisées ml!ts rllrement discutées, Qut peuvent conduire

tl l'une des formes les plus Insidieuses de l'lntolérllnce : celle qui exclut du domlline de III connl!iSSllnCe tout ce qui n'entre pliS dl!ns les clldres concep-tuels de III pensée scientifique. Pour mieux situer ce problème et notre propos, nous Illlons d'Ilbord montrer (\ l'l!lde de quelques jlllons historiques, comment III pensée scientifique Il pu donner lieu (\ des llttttudes intolérllntes, IIttttudes dont nous sommes, I!ujourd'hui encore, les hérttlers. Nous eXlIml-nerons ensuite les risques liés llUX tentl!tlves llctuelles de diffusion

D

Illrge échelle de II! pensée scientifique, puis nous conclurons en formulllnt Quelques propositions qui devrllient permettre d'Iltténuer les diverses réllctlons d'into-lérl!nce constl!tées dllns l'enseignement, Ilussl bien chez les I!deptes Que chez les Ildverseires de III pensée scientifique.

CONSEQUENCES HISTORIQUES DE L"ESSOR DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE Au XVIIe siècle, IIvec l'usege des mllthémetlques, une nouvelle mllnière d'Ilppréhender les phénomènes nllturels se flltt jour: III pensée scientifique substitue dès lors (\ l'univers des perceptions un monde d'êtres obstroils or-ticulés mllthémlltiQuement. Dllns un pessllge justement célèbre de l'ESS6!1ellr,

GAULEE déclllre li) :"c'esi lin 16!1g6ge m61hém61iqlle qlle pt!rleM n6tllre" lin 16ngt!ge danl les leiIres elles $J/1I6bes sanl des IrJ6ngles., des cercles el des droiles. El c'eslpolit"cel6 qlle c'esl

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f6111 n'nterroger".

Le succès de III grllndlose synthèse deNEWTONqui relie les 1015 des mouve-ments terrestres et celles des mouvemouve-ments célestes consecrero l'usllge des

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mathêmetlques dons la description des phénomènes noturels. Au XVIIIe siècle, odversolres et défenseurs de 10 théorie de Newton s'occordent sur l'Importonce, dons tous les domolnes, du rôle des mothé-motiques. FONTENELLE, vulgorlsoteur de tolent et portison de l'hypothèse des tourbillons chère oux cortéslens, écritli) :1'esprit géamiitrique n'est pt1S'; ce paint limité ,; /t1 gét1métrie qu'an ne l'en ptli$$tl dissacier et l't1ppliqiler dt1ns dblllres dt1JrMines. lin trt1vt1il de n'/art1Ie., ail de politiqlle., decritif/lle et même delaql/ence sp,rt1 plils réllSSi., tDlltes chases iigt1les pltr t1i//ellrs" sïl t1 iité écrit de/{1plI/me d'tin géomtitre. "

VOLT AIRE, fervent odepte de 10 philosophie noturelle de Newton qu'II s'efforce ovec posslon et sons rel6che de foire connllitre sur le continent, déclore dllns son Trt1ité de métt1physiqllff(2): "tal/s les philosaphes ant ft1it de bet1fl,," ramt1ns,.. il P.!"itt1/~~éde se les épt1rgner:. en cansidértmt "vec banne fai les bames de/{1nt1ll1re hllmt1ine. fltlt1nd nal/S ne pallVans nMS t1ider dfl campt1s des motMmDliql/p.$,. ni dil (lt!mbe(Jfl de lexpérience el de 1t1 phJjsiqfle" il est cerl"in qfle nOlis nt! pl1l1VBnS ("ire lin selll PltS".Si le jugement de Voltolre est por trop p6rtïson, nous devons tout de même odmettre Que le contenu des

Principi"de Newlon est010 bose de nombreux développements scientifiques el technologiques: les mouvements des pllmètes et des comètes, des sotel-lites et des sondes spotioles por exemple, sont toujours col culés

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portir des lois de Newton.

Au milieu du XVIIIe siècle s'omorce, 6vec l'essor de 16 science, une opposition entre disciplines littéraires d'une port et disciplines scient ifiques de l'outre. En 1749, l'Acodémie de Di jon met ou concours le sujet sul vont ::'>i lerélt1bIJ~~.<;emenldes sciences et des t1rls t1 cBnlribl/é

(j Cl1rrBmpre t'tlfi épllrer les maellrS? "Elle couronne en 1750 lelJiscatlr'$ slIr les sciences p.1 les "rts de ROUSSEAU qui pense que 10 science corrompt les moeurs. Ce point de vue ne rollie pos tous les suffrllges. DIDEROT et D'ALEMBERT por exemple sont d'ovis que Rousseou confond 10 culture de

l'es-(1) FONTENELLE,~lI'f'r's. éd.G.-B. DepplllQ,Genève1968, 1.1, p.34. (2) VOLTAIRE,~1h'1'r$, éd.P. Dupont, Parts1823-1626, t.XXXI, pp. 33-34.

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prit ovec l'obus Qu'on peut en foire et offirment dons le discours préliminolre de l'Encyclopédie .. fllll1nd nOlis ferions ici'!lidiisl1~I1nttt..qedes connl1issI1nces hllml1ines 11/1 I1~elldont nmls sommes "ien iiloignés., nOlIS le sommes encore pllls de croire qll'on gl1gn6t ,; les tffitrtlire .. les~icesnOlis resterl1ien(. et nOlIS

I11lrions l'ignorl1nce en pltIS· (1)

Si Diderot et d'Alembert font III port belle ~ 10 Roison, Ils n'omettent cependont pos de rendre le lecteur ottentif

0

plusieurs llbus, et notomment

0

celui du cllicul : "On 11 J'olllil rédilire en Ctl/cill jilsqtl;; l'ort de gllerir:,' et le

corps hilml1i", celle ml1chine si compliqllée., 11 été tr"itii IMr nos l'Iédecins "Igébristes comme le sen,it 16 m"chine '" plils simple 0111" plils f"cile,; dkomposer." (2).Leur messlige dénonce oinsl de nombreux excès et invite0

respecter les différentes fllCUltés de l'esprit: "On ""lIse des meilleilres choses (..) Notre slêcle., porté'; 111 rombin(fison et ,;l~nl1lyse.,semble~Oilloir

introdilire les diS'CiI$$ions froide$ et did(fctiqlles dtfn$ le$ cho$e$ de sen-timent (..) et noS' S'oeiétés ont perdilletlrs prineifl"ilJl' ttgr/iments., 16ehtfletJr et Itt gtfiete. "(3) Mois ces overtissements ne suffiront pos 6dissuoder les générotions suivontes de 10 tentotton Qui se foit jour de hiénrchiser le sltyoir et d'lldopter des oWtudes Intolérontes pourtont dénoncées p!lr les encycl opédistes: "1.tf Philosophie., (ou science) qlli forme le goÛt domin"nt de notre siee/e.. semble p"r les progrès qi/elle f(fll ptfrmi nOlis" vOllloir rliptfrer le temps ql/'elle "perd/~, et se ~engerde l'espèce de mépris qlle lili l1n,ient morqllé nos Pitres. Ce mépris eS't retombli ttil}Oitrd'hlli slIr !'[mdition.. et n'en est P(fS plilS jilste pOlIr "J'oir eh"ngi! d'objet. •(~)

Lo philosophie des Lumières incitoH

0

voir dons les progrès de 10 conn!liss!lnce l'lndlspensoble moyen de rendre l'Homme heureux. Le dévelop-pement et le succès des sciences, étroitement ossoclés 6 III mise en oeuvre de moyens mllthémotiQues, séduiront de nombreux esprits Qui conféreront !Ilors 10 suprémlttie à

le

pensée scient Hi que.

(1) DIDEROTetD'ALEMBERT, Discours préliminairedei'[fIC~/(Jpt(II"tJut>ictitJftMirer4;.sMM riesSc""~s,ries Artut lis t1Ni,rs, Paris 1751,t.l, p. XXXI".

(2) Ibfd.,p.VII.

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RISQUES ACTUElS D"UNE DIFFUSION A LARGE ECHELLE DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE

Au cours du XIXe siècle, l'enseignement tendrll

li

prlvnégler III culture scientifique et Sildiffusion Actuellement, les projets éduCllllfs n'osent plus llffirmer Que III Science conduit1\l'épllnoulssement de l'individu etllu bonheur de l'Humllnité, mols ils Invoquent 10 nécessité, pour qui veut s'lldllpter lIU monde lIctuel, d'llcquérlr les rudiments de III méthode scientifique.

Slins mettre en doute III vlIleur formlltlve de III pensée scientifique, nous llimerions llltirer 1'1Ittenlion sur un certllin nombre de comportements Qui peuvent résulter de celte formlltion et Qui définissent ce Que nous llppelerons III "mllnière scientifique". Celle-cl présente, de fllçon rellllivement constllnte, les cllrllctérlstiques sulvlIntes(1) :

1° Elle gomme les trllces du Mol individuel dllns toute III mesure du possi-ble; elle cherche en générlll ft déplisser l'expérience personnelle pour llppré-hender le monde selon un mode objectif.

2° Elle impose d'être logique et non émotif. Tout ce Qui n'est qu'opinion, préférenc.8, émotion ou enthousillsme est éVllcué ou refondu dons un style dé-ductif. Il s'lIgit de foire en sorte que tout pllrllisse tnévitllble.

3° Elle vise 10 simplicité et non pos III complexité, Elle llspireIl l'écono-mie de ren<;ée et considère III réduction comme une démllrche bellucoup plus slIre et efficace que III recherche d'une synthèse. Les domllines comportllnt de nombreuses composontes di fficilement vértrillbles ou réfutllbles sont donc assez mol vus et les questions éthiques, philosophiques ou historiques ne sont générelement pes obordées.

Nous crllignons que l'éduclltion octuelle, en chercMnt Il former une frllction importllnte des générlltions futures li III pensée scientifique risque de ne répllndre que ln mnnière scientifique ! Comment lllors les géné-rlltions futures réllgiront-elles li l'égllrd de problèmes relevlInt d'opinions, de croYllnces, et résistllnt1\III simpllficlltlon?Dllns quelle mesure seront-elles

(l) d'après: B.T.El DUSONet L.BECKHAN(éd.) Sf:"1If:I1S6C4rnr CM;"" Ne...York, Russel

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copobles d'offronter les tensions et les controintes Qu'entraîne toute portici-potion sérieuse 6 un débot sur des problèmes politiques? A notre sens il y0 donger QU'o l'ovenir un nombre croissant de personnes - Qui ne protiQueront pos les sciences - odhèrent sons nécessité 0 10 "monière scientifique" et adoptent des attitudes intolérontes Qui ne font qu'exacerber III rivalité qui oppose les -deux cultures·.

PROPOSITIONS

Pour ne pos reproduire chez les bénéficioires de l'éducation scienti-fique les stéréotypes néfostes et stériles sévissont octuellement et qui ren-voyent dos 0 dos comme deux soeurs ennemies 10 culture scientifique et 10 culture humani ste, une première mesure pourrai t consister 0 présenter, dons le codre d'un enseignement scientifique élorgi, d'outres ospects que les com-posontes "publiques" fortement structurées et formol isées des sciences. Ces connflissonces, difficilement occessibles et guère utiles qu'oux futurs scien-tifiques, n'opportent 6 10 mojorité des outres élèves Que les tics de 10 monière scientifique. Sons entrer dons le détoil des stratégies Que nous elwisogeons pour introduire des chongements mojeurs dons les progrornmes d'étude, ni présenter toutes les toctiques opplicobles en closse, signolons que, dons le codre d'une recherche en cours, nous éloborons et nous utilisons du matériel éducotif pluridisciplinllire comportont un minimum de théo-rie et de formolisotion mois obordont l'histoire des sciences, l'épistémologie, oinsi que les répercussions socioles de la science et de10technologie(0Les premiers résultots sont encourageants et nous espérons porvenir 0 éveiller, aussi bien chez les portisons de la science "pure et dure" Que chez les détrocteurs de 10 rotionalité, des sensibilités Qui pourront peut-être leur

foire découvrir de nouveoux intérêts et les aider

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mieux comprendre 10

science comme un des foits culturels morQuonts de notre civilisotion.

{1J les personnes qui 30uh8iteraient oMeni rdepl us amples renseignements sur cette recherche et sur le matériel créé peuvent écrireè: B. Vui11eumier et1.Starl:e- Maule, lDES, Universitéde Genève, 24, Rue Géœr81 Dufour,1211GENEVE 4.

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