INFORMATION TO USERS
This manuscript has been reproduced fram the microfilm master. UMI films the text directly from the original or copy submitted. Thus, sorne thesis and dissertation copies are in typewriter face, while others may be from any type of computer printer.
The quality of this reproduction is dependent upon the quality of the copy submitted. Broken or indistinct print, colored or paor quality illustrations and photographs, print bleedthrough, substandard margins, and improper alignment can adversely affect reproduction.
ln the unlikely event that the author did not send UMI a complete manuscript and there are missing pages, these will be noted. Also, if unauthorized copyright material had to be removed, a note will indicate the deletion.
Oversize materials (e.g., maps, drawings, charts) are reproduced by sectioning the original, beginning at the upper left-hand corner and continuing trom left to right in equal sections with small overlaps. Each original is also photographed in one exposure and is included in reduced form at the back of the book.
Photographs included in the original manuscript have been reproduced xerographically in this copy. Higher quality 6" x 9" black and white photographie prints are available for any photographs or illustrations appearing in this copy for an additional charge. Contact UMI directly to order.
Bell & Howell Information and Leaming
300 North Zeeb Road, Ann Arbori MI 48106-1346 USA 800-521·0600
: • .
,
• <;,J.•
.';.::~ ',. . ,r ,.LES ACCORDS DE COOPERATION UNION EUROPEENNE
1
ETATS - UNIS EN MATIERE DE CONCURRENCE:
VERS UNE INTERNATI'ONALISATION DU DROIT DE LA
CONCURRENCE?
Par
Alexandra Berg
Une Thèse soumise à la Faculté des Etudes Supérieures et de la Recherche
afin de satisfaire partiellement aux exigences liées
à
l'obtentionde la Maîtrise en Droit (LL.M.).
1nstitut de Droit Comparé
Université McGiII, Montréal
Mars
1999.
1+1
National Library of Canada Acquisitions and Bibliographie Services 395 Wellington Street OttawaON K1 A ON4 canada Bibliothèque nationale du Canada Acquisitions et services bibliographiques 395. rue Wellington Ottawa ON K1A ON4 CanadaYour file Votre niffirence
Ourfile Notre référence
The author has granted a
non-exclusive licence allowing the
National Library of Canada to
reproduce, loan, distribute or sell
copies of this thesis in microform,
paper or electronic formats.
The author retains ownership of the
copyright
in
this thesis. Neither the
thesis nor substantial extracts
frOIDit
may be printed or otheIWise
reproduced without the author's
permission.
L'auteur a accordé une licence non
exclusive permettant à la
Bibliothèque nationale du Canada de
reproduire, prêter, distnbuer ou
vendre des copies de cette thèse sous
la forme de microfiche/film, de
reproduction sur papier ou sur format
électronique.
L'auteur conserve la propriété du
droit d'auteur qui protège cette thèse.
Ni la thèse
ni
des extraits substantiels
de celle-ci ne doivent être imprimés
ou autrement reproduits sans son
autorisation.
0-612-55101-6
•
•
AB5TRACT
The different "rounds" of Multilateral Trade Negociations have achieved, years after years, to reduce and remove traditional trade barriers such as tariffs and quotas, as weil as non-tariff barriers. As tariffs came down and quotas increased or totally disappeared, traders who wanted to use the new trade opportunities ran into the trade impeding effects of domestic rules and procedures that, even if do not formally discriminate between imported and domestically produced goods, may still create trade barriers.
Recently, trade negociators have therefore come to see differences between the national laws of trading partners as possible sources of non-tariff barriers, and
started to focus on competition laws in particular. An harmonization of
competition rules would avoid barriers resulting
trom
divergences between thesemies and would avoid their extra territorial applications.
At the same time this idea emerged in the International community's mind, two of the main trade and economic partners decided to use the bilateral way to start a real cooperation on the competition field. The European Community and the United States of America entered into an Agreement in 1991, completed by a
• second one in 1998. These two agreements have been applied for a few years now and have been effective in many ways, but have also shawn their Iimits.
Therefore, the focus is now standing on multilateral solutions and partners have
started ta consider the idea of "internationalizingU
competition laws and policies but, to achieve that goal, many problems will have ta be resolved first, such as deciding which international organisation is going ta be in charge of competition
matters and what set of rules is going to be applied by this organisation.
This Thesis analyses this process and tries ta bring a few answers to those difficult and delicate questions involving not only legal, but economical, political and diplomatie issues.
•
•
•
RÉSUMÉ
Les différents "rounds" en matière de négociation commerciale multilatérale ont permis de réduire et supprimer les obstacles commerciaux traditionnels tels que les obstacles tarifaires et les quotas, ainsi que les obstacles non tarifaires.
Avec la disparitions de tels obstacles les actuers commerciaux se heurtèrent
alors
à
d'autres barrières crées par les effets des réglementations et procéduresnationales. Ils réalisèrent ainsi que ces différences entre les lois nationales des
partenaires commerciaux pouvaient elles aussi créer des obstacles aux
échanges et, en particulier, les règles de concurrence.
L'harmonisation de ces dernières permettrait donc d'écarter les obstacles restant et éviterait l'application extraterritoriale des règles nationales de concurrence.
Alors que cette idée faisait son apparition, deux des principaux partenaires commerciaux utilisèrent la voie bilatérale afin de mettre en place une réelle coopération en matière de concurrence. La Communauté européenne et res Etats-Unis conclurent ainsi un accord en 1991, complété par un deuxième accord en 1998. Ces deux accords sont appliqués depuis maintenant plusieurs années et ont ainsi pu montrer leur efficacité mais aussi leurs /imites .
•
•
C'est dans ce contexte que l'attention se porte désormais sur l'élaboration d'une solution multilatérale avec l'idée d'une "internationalisation" des droits et politiques de la concurrence.
Pour atteindre ce but, il sera néanmoins nécessaire de régler quelques problèmes tels que la détermination de l'organisation internationale en charge des questions de concurrence ainsi que la détermination des règles qu'elle sera en mesure d'appliquer.
Cette Thèse s'efforcera d'analyser ce processus et de donner quelques
réponses à ces questions difficiles et délicates, tant elles sont empreintes d'une
dimension non seulement juridique, mais également économique, politique et diplomatique.
•
•
REMERCIEMENTS
Je souhaite d'abord remercier le Professeur Richard Janda, mon superviseur, pour m'avoir soutenue dans l'écriture de cette Thèse en m'apportant des conseils toujours pertinents et des encouragements d'une grande valeur.
Mes remerciements également à tout le personnel de la bibliothèque de droit qui a su faciliter mes recherches et mon travail à chaque fois que j'en ai eu besoin.
Merci à Melissa Knock et Ginette Van Leynseele pour m'avoir aidée dans toutes
les démarches administratives nécessitées par ce travail.
Enfin, je remercie ma famille et mes amis pour leur support, leur confiance en moi et pour leurs encouragements tout au long du processus d'écriture de cette thèse.
•
•
TABLE DES MATIERES
ABSTRACT page i
RESUME page iii
REMERCiEMENTS page v
INTRODUCTION page 1
1- LES ACCORDS BILATERAUX ENTRE LES ETATS UNIS ET L'UNION
EUROPEENNE page 9
A - LA NECESSITE DE TELS ACCORDS page 9
1 - La pratique des autorités américaines
de la concurrence page 10
2 - La pratique des autorités européennes
de la concurrence page 13
B -
LES ACCORDS DU23
SEPTEMBRE1991
ET DU 4 JUIN
1998
page 151 - Genèse des accords de 1991 et 1998 page 15
2 - Contenu des accords de 1991 et 1998 page 19
a - L'accord du 23 septembre 1991 page 19
•
•
ii - Mise en œuvre du processus de courtoisie page 22
b -
L'accord du4
juin1998...
.
page24
C - BILAN DE QUATRE ANNEES DE COOPERATION page 26
1 -
La question de la définition du marché.... page27
2 - Le désengagement d'une autorité au
profit de l'autre page
31
3 -
Les grandes opérations de concentrations : un exempleavec l'affaire Boeing/Mc Donnell Douglas page
33
4 -
La confidentialité des informations : une limiteà
la mise en œuvre de la coopération page
39
11- VERS UNE INTERNATIONALISATION DU DROIT DE LA
CONCURRENCE? page 49
A- L'EXISTENCE D'UN CERTAIN PLURILATERALISME
D'INCITATION page 50
B - LA RECHERCHE D'UN CADRE INSTITUTIONNEL
ADEQUAT page 55
1 - L'OMC est elle adaptée pour devenir l'institution en
charge des questions de concurrence? page 55
a - Un contexte différent de celui qui existait
à
la fin de la seconde guerre mondiale page 57
b - Les différences entre politique commerciale
•
•
c - Le mécanisme de règlement des différends
et les sanctions page 61
d - Le risque de conflits d'intérêts au sein de
l'OMe page 64
2 - La création d'une organisation internationale de
la concurrence page 67
C - LA DEFINITION DE REGLES APPLICABLES AU
NIVEAU INTERNATIONAL page 69
1 - La définition d'un objectif commun page 70
2 - Les règles applicables... page
74
a - Compétence et saisine de l'autorité
internationale de la concurrence page 75
b - Quelles règles substantielles pourront-elles
être applicables et appliquées? page 76
i - Prohibitionsper
se
page 76ii - Abus de position dominante _ page 77
iii - Restrictions verticales page 78
iv - Question des monopoles publics page 80
v - Opérations de concentrations page 81
c - Le règlement des différends et les sanctions
applicables ~ page 82
•
•
ANNEXES page 90
Accord entre le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique
et la Commission des CE concernant l'application de leur
droit de la concurrence (version anglaise) page 91
Accord entre le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique
et la Commission des CE concernant l'application de leur
droit de la concurrence (accord dit "de courtoisie active")
(version anglaise) page 100
INTRODUCTION
•
Globalisation, internationalisation, mondialisation ; ces termes sont de plus en plus présents dans l'actualité et reviennent régulièrement dans les discours des acteurs d'aujourd'hui.
Les marchés s'ouvrent, les sociétés s'agrandissent, la communication est de plus en plus rapide et facile, les économies s'imbriquent les unes dans les autres .... .il est désormais pratiquement impossible, dans un monde qui évolue quotidiennement, d'ignorer ces tendances et de se placer dans une optique purement nationale.
Que ce soit au niveau culturel, médiatique, politique, économique, financier ou
commercial, les participants actuels semblent avoir intégré, à plus où moins grande
échelle età des niveaux différents, cette orientation indéniable.
La mondialisation de l'économie s'accompagne progressivement et nécessairement d'une certaine mondialisation du droit économique.
L'un des défis auquel est confronté la politique de concurrence est la mondialisation
Cl<globalisation n en anglais) due en grande partie à la libéralisation accélérée des
échanges mondiaux.
En effet, en quelques décennies, les négociations commerciales internationales sont
• passées à la vitesse supérieure: après le traitement des barrières aux échanges les
le cadre de la nouvelle Organisation Mondiale du Commerce (OMe), à
• l'harmonisation de certaines des politiques et réglementations internes qui affectent
plus sensiblement les échanges de biens et, surtout, de services tels que les règles applicables en matière de propriété intellectuelle, et d'investissement, ou encore les
conditions dans lesquelles de nouvelles entreprises sont ou seront autorisées à
opérer dans des marchés traditionnellement monopolistes et donc nationaux (les télécommunications par exemple).
Dans la pratique, l'internationalisation croissante des activités des entreprises fait que la politique de la concurrence doit traiter un nombre toujours plus grand de cas dans lesquels des entreprises qui ont un comportement anticoncurrentiel sont
situées en dehors du territoire affecté, dans lesquels le comportement des
entreprises sur leur propre marché est étroitement lié
à
des activités exercées surd'autres marchés: cartels internationaux, cartels à l'exportation, ententes dans des domaines par nature internationaux ( exemples: transports aériens, maritimes etc. ), concentrations de dimension mondiale ( exemple: BT-MCI, Boeing ), voire même abus de position dominante sur plusieurs grands marchés ( exemple: Microsoft ). S'il est vrai que les autorités de concurrence nationales ne sont pas complètement désarmées devant ce phénomène de mondialisation, il semble cependant que
l'application des règles de concurrence nationales à des pratiques internationales
trouve rapidement se limites.
•
Si l'on veut éviter que la confiance dans les avantages d'un système d'échanges ouvert ne soit sapée, il est nécessaire de détecter et corriger le plus rapidement
l'application de politiques nationales de la concurrence laxistes vis-à-vis des
• entreprises nationales ou discriminatoires à l'égard des firmes étrangères.
En effet, res multiples cycles de négociation multilatérale (rounds) ont permis la réduction des barrières tarifaires aux importations et l'allégement d'un certain
nombre de barrières non tarifaires U publiques ".
Dans ces conditions, les pratiques restrictives des firmes locales sont fréquemment considérées comme le dernier grand obstacle aux échanges.
La dynamique multilatérale du GATT est fondée sur le principe de la réciprocité dans
les U concessions ". Pour chaque pays, l'ouverture des marchés étrangers à ses
exportations est proportionnée
à
l'ouverture de son propre marché intérieur auximportations.
Les pratiques restrictives privées ne peuvent donc être logiquement isolées des pratiques protectionnistes des états.
La crédibilité de la voie coopérative et multilatérale en matière de libéralisation des échanges implique donc que les effets attendus des accords commerciaux ne soient
pas remis en cause par des politiques de la concurrence inexistantes ou
discriminatoires.
Les politiques nationales qui faussent les échanges et la concurrence, ainsi que les
politiques
à
l'égard d'activités privées qui créent des obstacles aux échanges oufaussent le jeu de la concurrence, devront donc de plus en plus faire l'objet de règles
internationales1
•
•
1D. Brault. Droit de la concurrence comparée: vers un ordre concurrentiel mondial ?, Economica,Ce thème de la multilatéralisation du droit de la concurrence n'est pas nouveau: la
• première tentative de créer un système international de règles en matière de
concurrence date d'après la deuxième guerre mondiale, période pendant laquelle s'est mis en place un processus de coopération économique entre différents États.
Ainsi en 1945, les États-Unis avaient soumis aux Alliés des cc propositions pour
l'expansion du commerce mondial n, qui prirent la forme d'un projet de charte pour
une organisation internationale du commerce (OIC) 2
L'OIC devait constituer le troisième pilier de l'ordre économique mondial issu de la conférence de Bretton Woods, les deux premiers piliers étant le Fonds monétaire international et la Banque mondiale.
La Charte édictait un ensemble de règles nouvelles et originales, notamment en
matière de pratiques commerciales restrictives (chapitre V). Mais seules les
dispositions du chapitre IV relatives à la politique commerciale furent reprises par le
GATT (accord général sur les tarifs douaniers et le commerce). En effet, les statuts de l'OIC (la Charte) ne furent pas ratifiées par de grandes puissances commerciales, notamment les États-Unis.
La Charte organisait un contrôle des pratiques commerciales des entreprises privées ou publiques entravant la concurrence : ententes sur les prix, partages de marchés
ou de clientèle, discriminations, limitations de production, entraves à l'innovation,
etc...
La liste des pratiques restrictives pouvait être étendue par une majorité des deux tiers des états membres de l'OIC. Des procédures de consultations et d'arbitrage
•
2o.
Jouanneau, Le GATT et "Organisation Mondiale du Commerce, Collection Que Sais-je?, PUF 1996.étaient instituées et les états membres pouvaient agir en leur nom propre ou pour le
• compte d'entreprises (réclamations).
L'Ole pouvait demander des renseignements et diligenter des enquêtes, adresser des rapports et recommandations. Le secret des affaires était protégé_
Les états membres prenaient l'engagement d'adapter leur législation aux règles minimales définies par la Charte (dont des dispositions en matière de services comme les transports, les télécommunications, la banque et les assurances).
Ce projet d'organisation internationale du commerce avait seulement donné
naissance au GATT qui n'a pas repris ces dispositions en matière de concurrence.
L'organisation mondiale du commerce s'est désormais substituée à ce dernier.
Mais cette préoccupation en matière de concurrence demeurait bien évidemment dans les esprits et, à titre d'exemple, en 1992, Sir Leon Brittan constatait au forum
de Davos qu' Cl il Y a un besoin réel de développer des règles internationales en
matière de concurrence et des mécanismes pour qu'elles soient respectées n 3.
-En effet, quelle est l'utilité de signer des accords multilatéraux de libéralisation des
échanges si les pratiq ues restrictives des entreprises se substituent à celles des
états
?
En dehors de cet enjeu de taille, qui est d'éviter de compromettre la libéralisation multilatérale des échanges commerciaux négociée depuis de nombreuses années, un rapprochement progressif des droits nationaux de la concurrence, et une convergence croissante des politiques de concurrence sont également nécessaires
•
3Sir Leon Brittan, Forum de Davos 1992U There is a real need to develop international competitionrules and enforcement mechanismsn.Traduction de l'auteur.
afin d'éviter que les différences de conceptions ou d'analyses ne deviennent une source perpétuelle de tensions entre états.
Sur la scène internationale, certains conflits commerciaux sont en effet alimentés par l'idée inavouable que le droit national exporté est peut-être meilleur ou plus efficace que le droit territorial.
Ainsi deux grands principes de droit peuvent entrer en conflit très rapidement : la
souveraineté des états dans les limites de leur territoire, et l'application
extraterritoriale des divers droits nationaux.
Le droit de la concurrence offre à l'application extraterritoriale des règles un terrain naturel de développement: s'adressant avant tout aux entreprises, au sens large du terme, ce droit est tenu de s'adapter au caractère transnational de leur activité. Or par leurs comportements ou opérations restrictifs de concurrence, les entreprises
peuvent violer simultanément ou successivement des règles de concurrence
appliquées dans différents états. Il arrive aussi que de telles pratiques soient sanctionnables dans certains états et non dans d'autres, ou moins sévèrement.
Ainsi la pratique du droit de la concurrence reflète une lutte permanente entre la
souveraineté des états et l'application extraterritoriale du droit, ce qui peut conduire à
des conflits importants, par exemple entre deux autorités de la concurrence qui se considéreraient compétentes pour la même affaire et au-delà, entre les états eux-mêmes : l'application de l'extraterritorialité en matière de concurrence apparaît davantage comme une solution par défaut que comme une réponse adéquate aux problèmes posés par la mondialisation des marchés.
• Face à ces enjeux majeurs, on se rend bien compte que cette question de
l'internationalisation du droit de la concurrence est actuellement un des problèmes
les plus complexes tant elle soulève de questions économiques, institutionnelles et
• juridiques.
D'ailleurs, des instances importantes comme l'OCDE se penchent sur ce problème de l'harmonisation des droits nationaux et sur la coopération entre les autorités nationales. La multilatéralïsation des politiques de la concurrence est aussi inscrite dans le programme de travail de l'OMC.
Un groupe d'experts européens indépendants s'est également penché sur la question et a publié, sous l'autorité de la Commission, un rapport proposant le renforcement de la coopération entre autorités de concurrence et le développement
de règles de concurrence au niveau international 4 •
En général, deux voies sont envisagées:
- d'une part, le développement ou le renforcement des accords de coopération bilatérale entre autorités de concurrence disposant de règles et méthodes administratives suffisamment convergentes pour envisager à long terme une assistance mutuelle ( comme cela existe par exemple en matière de poursuites fiscales ou douanières entre les principaux grands États de la communauté internationale) ;
- d'autre part, la création à plus ou moins long terme d1une
instance internationale à vocation arbitrale incluant cc la plupart des éléments qui
figurent déjà dans les accords bilatéraux et y ajouter un ensemble de règles de
concurrence minimales, un mécanisme contraignant de Ilcourtoisie positive 11 et un
•
mécanisme efficace de règlement des différends "5. Cette instance comporterait
4Commission européenne, La politique de concurrence dans le nouvel ordre commercial:
renforcement de la coopération et des règles au niveau international, Luxembourg, 1995, 67 p. (document COM (95) 359. Final
r.
5 Op.cil, p. 25.
initialement un noyau assez réduit de normes de concurrence et de pays ( l'Union
• Européenne, les membres de ('OCDE, les pays d'Europe centrale et orientale ayant
déjà des accords d'association avec l'Union et quelques pays d'Asie et notamment la Corée, Hong Kong, Singapour et Taiwan) .
Dans la première optique, de nombreux accords bilatéraux spécifiques ont été conclus, la majorité d'entre eux concernant des états ou des entités qui ont diverses
affinités et en tout cas des relations commerciales importantes 6.
Il en est ainsi de l'accord de coopération conclu entre les Communautés
européennes et les États-Unis en 1991 7, complété par celui de 19988. D'une grande
portée symbolique et pratique, c'est le premier accord international de concurrence conclu entre les Communautés européennes et un état non européen.
C'est cette coopération que nous allons étudier dans un prem!er temps afin
d'envisager ensuite si ce type de solution est valable à long terme ou si il sera
nécessaire de régler les problèmes qui se posent de manière plus globale et à plus
grande échelle, en organisant une véritable multilatéralisation ou internationalisation du droit de la concurrence.
•
6 Accord entre les Etats-Unis et le Canada en 1984, modifié en 1995; accords entre la France etl'Allemagne en 1984, entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande en 1990.
7 Publié au JOCE n° L. 95/45 du 27 avril 1995. 8 Publié au JOCE n° L. 173 du 18 juin 1998.
1- LES ACCORDS BILATÉRAUX ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LA
•
COMMISSION EUROPÉENNE
Pourquoi et comment de tels accords ont-ils été conclus, quels en sont leurs contenu et portée, et quelles conclusions tirer, dans l'optique de l'internationalisation du droit
de la concurrence, de cet exemple de coopération bilatérale à la lumière des
quelques années de mise en application?
A -
LA NÉCESSITE DE TELS ACCORDS
•
Étant deux des acteurs commerciaux les plus puissants au monde, il parait évident de dire que les États-Unis et la Communauté Européenne (devenue depuis l'Union Européenne) ant un volume de transactions économiques et commerciales entre elles qui est très important.
A titre d'exemple, l'Union européenne est à l'origine de plus de 50
%
desinvestissements étrangers directs réalisés aux États-Unis, et les investissements américains dans les pays de l'Union représentent 40 % des investissements
étrangers directs des États-Unis ; près de trois miHions d'emplois, de part et d'autre
• de l'Atlantique, dépendent de ces investissements ; en 1994, le marché américain
comptait pour plus de 17 % des importations et des exportations de l'Union
européenne, et le marché européen représentait la même année 22 %1 des
exportations et 16,40;'0 des importations américaines.
Inutile de préciser par ailleurs que le poids de ces échanges sera encore accru par les prochains élargissements de ('Union.
Au regard de cette importance des relations économiques entre la Communauté et
les États-Unis, et dans l'optique d'échapper à d'éventuels conflits de compétence il
devenait nécessaire de coordonner l'application de leurs législations en matière de concurrence.
En effet, les pratiques respectives des autorités de concurrence américaine et européenne différaient sur de nombreux points, ce qui était susceptible d'engendrer
des conflits à l'avenir.
1 - La pratiques des autorités américaines de concurrence
Les autorités américaines ont toujours eu en matière d'extraterritorialité du droit de la
concurrence une certaine avance, et une conception extensive 9.
•
Dérogeant au principe traditionnel de droit international selon lequel les états n'ont aucune compétence opérationnelle en dehors de leur territoire, la Cour Suprême des
9P. Selvin, L'application extraterritoriale des lois antitrust américaines, Dalloz Affaires, NoAO, 1997, pp.1314-1315.
États-Unis va jusqu'à reconnaître une possibilité d'application "physique" du droit
• américain en territoire étranger10 •
En matière de concurrence, il est fréquent que les agents américains de l'antitrust se
rendent dans les états étrangers pour entendre des dirIgeants d'entreprIses ou adressent des questIonnaires à des entreprises hors des États-Unis.
Dans la vision américaine, il suffit que des exportations aient lieu aux États-U nis
pour que la théorie de l'effet (un comportement restrictif de concurrence peut
produire des effets économiques, commerciaux ou juridiques très importants à
rextérieur du territoire où ils prennent naissance) trouve à s'appliquer11 •
En outre, les autorités américaines de concurrence poursuivent les entreprises étrangères sur la base du droit américain même lorsque les restrictions de
concurrence n'ont pas un impact direct sur les consommateurs de ce pays 12.
Récemment, les autorités américaines sont allées encore plus loin : par une décision très controversée et critiquée, la Cour d'appel fédérale de la première circonscription a décidé qu'une société japonaise pourrait faire l'objet de poursuites pénales pour violation des lois antitrust, alors même que les agissements déterminants ne sont
pas survenus aux États-Unis 13.
•
10Dans sa décision" Alvarez Machainn du 15 juin 1992, la Cour Suprême a validé l'enlèvement d'un ressortissant américain au Mexique ainsi que son transfert par avion au Texas pour y être jugé. Il existait pourtant une convention d'extradition entre les deux pays (United States v Alvarez Machain (1992), 504 U.S. 655, 119 L.Ed.2d 441, 112 S.Cl 2188).
11La théorie de ('effet a été consacrée par la Cour Suprême dès 1943 dans l'affaire" Alcoa n (United States of America V. Aluminium Co of America (1943),320 U.S. 70S, 88 L.Ed. 415, 64 S.Ct 73).
12 Cf. BE Hawk et JO Veltrop, .. Les développements du droit antitrust aux Etats-Unis: analyse
raffinée, application agressive et internationalen.in Revue Internationale de droit économique, n° spécial 1994, page 326.
L'idée qu'un pays puisse poursuivre au pénal une sociéte étrangère pour des
• activités économiques survenues à l'extérieur de son territoire, et qui pourraient se
révéler parfaitement légales dans le pays où les agissements en question se sont
déroulés, semble être à l'extrême opposé des concepts actuels de courtoisie et de
mondialisation des échanges commerciaux internationaux.
La dichotomie apparente entre la décision Nippon Paper et la position des États-Unis en faveur du libre-échange résulte de l'intérêt marqué que porte le gouvernement
Clinton à l'application des lois antitrust, notamment en matière d'échanges
commerciaux internationaux.
Comme énoncé dans l'affaire Nippon Paper: " Le gouvernement actuel a promulgué un nouveau décret d'application des lois antitrust pour les opérations internationales, axées principalement sur les situations où le Sherman Act donne compétence et où
les États-Unis exerceront cette compétence à l'échelle internationale"14.
Ces directives reflètent une position plus répressive que les versions antérieures et devraient servir d'avertissement aux États et aux entreprises étrangers que les organismes chargés de l'application des lois antitrust ont l'intention de poursuivre énergiquement les restrictions de concurrence survenant à l'étranger dès lors
qu'elles affectent les marchés américains ou les possibilités d'exportation
américaines.
La pratique des autorités de concurrence européennes est, comme nous allons le voir maintenant, bien différente de celle de ses confrères américaines.
•
14 Brockbank, IlThe 1995 International Antitrust Guidelines : The Reach of U.S. Antitrust Law Continues To Expandn (Directives internationales antitrust de 1995 : l'application des lois antitrust américaines s'amplifie) 2J.International Legal Stud, 1, 22 (1996).•
•
2 - La pratique des autorités européennes de concurrence
En Europe, la pratique doit tenir compte de la primauté du droit communautaire sur les droits nationaux. Non seulement, en matière de concurrence, les deux ordres
juridiques coexistent, s'enchevêtrent et tendent à se rapprocher quant à leur
contenu, mais encore les autorités et juridictions nationales appliquent de plus en plus eUes-mêmes le droit communautaire.
De surcroît, la Communauté ne dispose pas pleinement d'un territoire au sens traditionnel du droit international: un territoire fonctionnel se trouve mis en partage par les états membres pour des actions spécifiques.
Néanmoins la Commission conduit une politique de concurrence indépendante de celle des états membres et, de ce fait, les états tiers bénéficient de la facilité de n'avoir affaire qu'à une seule autorité de concurrence plutôt qu'à plusieurs pour un même cas.
La Cour de Justice a progressivement dessiné les contours d'une théorie
communautaire de l'effet.
Dans son arrêt Béguelin du 25 novembre 1971 15, la Cour a dit pour droit que" le fait
pour l'une des entreprises participant à un accord, d'être située dans un pays tiers,
ne fait pas obstacle à l'application de l'article 85 dès lors que l'accord produit ses effets sur le territoire du marché commun" .
Mais l'affaire la plus importante pour la théorie de l'effet vient de l'arrêt c. Ahlstrom
• contre Commission" 16, plus connu sous les noms de "pâte de bois" ou
" woodpulp n.
Dans cette affaire, la Cour a pu constater qu'une entente entre producteurs
américains, canadiens et scandinaves produisait des effets sur le territoire
communautaire. En l'espèce le cartel des producteurs de pâte de bois avait été exempté des règles antitrust américaines, en application de la loi Webb Pomerene, car tourné vers l'exportation, il ne produisait pas d'effets aux États-Unis.
Porteuse d'atteintes au principe de souveraineté, l'application extraterritoriale des règles peut donc être source de conflits entre les autorités de concurrence.
Le droit de la concurrence ne connaissant pas (ou pas encore) de procédure contraignante de règlement des différends entre états ou entre autorités de concurrence, il fallait trouver un outil à même de prévenir et de résoudre de tels conflits.
Ainsi les autorités de la concurrence américaine et européenne ont-elles conclu un accord de coopération en 1991, complété récemment par un autre survenu en 1998.
•
t6 Affaires jointes 89, 104, 114, 116, 117 et 125à 129/85.Arrêtintérimaire du-27 septembre 1988,Rec.5281.
•
B - LES ACCORDS DU 23 SEPTEMBRE 1991 ET
DU 4 JUIN 1998
L'accord de concurrence signé en 1991, puis celui de 1998, s'inscrit dans la perspective d'un" espace économique transatlantique ", puisque son préambule vise la déclaration sur les relations entre les Communautés et les États-Unis, adoptée le 23 novembre 1990.
Dès lors, on voit bien que la volonté d'une coopération est une idée qui a cheminé avant de se concrétiser. C'est pourquoi, avant d'en étudier le contenu et les modalités, il me semble nécessaire d'en examiner la genèse.
1 - Genèse des accords de 1991 et 1998
En décembre 1989, fors d'une réunion à Bruxelles entre la Commission des C.E. et
l'administration américaine, le président Delors et le secrétaire d'État Baker avaient affirmé leur conviction commune que la stabilité mondiale se trouverait renforcée par de solides relations Communautés européennes/États-Unis.
Les deux parties avaient déclaré leur intention de renforcer davantage leurs relations
• en vue d'assurer une vitalité permanente aux liens transatlantiques à un moment où
l'intégration européenne s'accélérait.
Depuis cette date, la Commission et l'administration américaine ont intensifié leur
• coopération dans tout un ensemble de domaines d'intérêt commun. La portée et la
diversité de ce dialogue sur des questions économiques, scientifiques, éducatives, environnementales et autres sont surprenantes.
La déclaration sur les relations C.E.lÉtats-Unis (U déclaration transatlantique ") de
novembre 1990, qui fixait des objectifs communs et des principes partagés par la
Communauté et les États-Unis, établissait également une structure pour la
coopération bilatérale qui suivit.
Cela comprenait non seulement des réunions périodiques États-Unis/Commission,
mais également des consultations semestrielles "présidentielles Il entre les
présidents des États-Unis, du Conseil européen et de la Commission européenne, ainsi que d'autres contacts entre les États-Unis et la présidence de la Communauté ainsi que la coopération politique européenne (CPE).
En matière de politique de la concurrence, c'est le 23 septembre 1991 que fut signé l'accord entre les Communautés européennes et le gouvernement des États-Unis
concernant l'application de leurs règles de concurrence 17.
Signé à Washington par Sir Leon Brittan, membre de la Commission chargé de la
politique de concurrence, M. William P. Barr, Attorney General faisant fonction et Mme Janet L. Stelger, présidente de la Federal Trade Commission, on peut citer les
mots de Sir Leon 8rittan à cette occasion pour en cerner la valeur et les enjeux qu'il
représentait:
•
17 Accord entre le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique et la Commission des CE concernantl'application de leur droit de la concurrence, JOCE du 27 avril 1995, n° L95-45 et JOCE du 15 juin 1995, n° L 131-38.
U Cet accord survient à un moment où (es liens qui unissent nos économies se
• resserrent de plus en plus et où, de part et d'autre, nous menons une politique active
de concurrence afin de garantir des comportements loyaux. Il importe donc que nous nous donnions les moyens d'éviter les conflits. C'est le but de cet accord. La
coopération systématique qu'il prévoit aidera chacune des parties à tenir compte, en
temps voulu, des intérêts de l'autre partie dans des affaires de dimension
internationaie. Dans les cas où nous estimerons qu'il y va de l'intérêt commun, il
permettra à (a Communauté européenne et aux États-Unis de coordonner les
mesures d'application des règles de concurrence. Cette coordination pourra
déboucher sur la décision commune de laisser à ('une des parties le soin de
conduire l'enquête dans un cas déterminé n 18.
Mais quelques mois après son entrée en vigueur, la légalité de l'accord fut mise en cause par le gouvernement français qui invoquait l'incompétence de la Commission.
La Cour de justice accueillit cet argument et conclut à la nullité de l'accord 19 en
considérant que l'article 228 du Traité ne donnait pas compétence à la Commission
pour conclure un accord international ayant une force obligatoire pour les
Communautés européennes.
Si la Commission est compétente sur le plan interne pour rendre des décisions individuelles d'application des règles de concurrence, cette compétence interne n'est
pas de nature à modifier la répartition des compétences entre les institutions
communautaires en matière de conclusion d'accords internationaux, fixée par l'article 228 du Traité.
•
18 Intervention de Sir Leon Brittan (ors de la signature de l'accord du 23 septembre 1991 àWashington.
19 Arrêt du 9 septembre 1994, aff. C327-91, Rec. CJCE 1994, p. 10.
La Commission, étant donné l'importance de l'accord, soumit au Conseil des
• ministres une proposition de décision ayant pour objet de reprendre sans
modification substantielle l'accord initial. La décision fut adoptée par le Conseil et
l'accord validé par simple échange de lettres 20.
A la fin de l'année 1996, le Conseil des Communautés européenne demanda à la Commission d'entamer des négociations avec les États-Unis en vue de parvenir à un accord qui renforcerait les dispositions, en matière de courtoisie active (" positive comity "), de l'accord bilatéral de coopération de 1991.
Ces négociations ont été extrêmement efficaces puisque le 4 juin 1998, la signature d'un second accord entre les deux partenaires donnait une nouvelle impulsion pour la coopération transatlantique entre le gouvernement américain et la Commission
européenne21.
Voyons maintenant le contenu de ces accords.
•
20 JOCE, L 95-45.21Accord entre le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique et la Commission des CE concernant
l'application de leur droit de la concurrence (Accord dit de courtoisie active), JOCE du 18 juin 1998, nO
L173.
•
•
2 - Contenu des accords de 1991 et de 1998.
L'accord dit de Il courtoisie active" de 1998 est fondé sur la coopération réussie qui a
eu lieu entre la direction générale de la Commission européenne responsable de la
concurrence et son équivalént américain, le Département de Justice et la
Commission Fédérale de Commerce, dans le cadre de l'accord de 1991 concernant l'application des droits de la concurrence respectifs.
Nous étudierons donc successivement le contenu des deux textes.
a - L'accord du 23 septembre 1991
Comme il s'agit d'un accord administratif, il n'entraîne ni n'exige aucune modification
des lois des parties, mais dans ces limites, expressément admises, il prévoit une coopération dans divers domaines, des consultations, une assistance mutuelle, et
exige que des notifications soient faites à l'autre partie lorsque des actions
entreprises affectent ses intérêts importants.
Ayant pour objet de promouvoir la coopération et la coordination entre les parties et de réduire le risque de différends entre elles dans l'application de leur droit de la
concurrence ou d'en atténuer les effets, cet accord vise donc à éviter, en les
prévenant, d'éventuels conflits liés à l'application extraterritoriale des règles de
concurrence.
Du côté européen, les règles en cause sont les articles 85, 86, 89 et 90 du Traité de
• Rome (ententes et abus de position dominante) ainsi que le règlement 4064/89
relatif au contrôle des opérations de concentrations, et les dispositions
correspondant à cet ensemble dans le traité
CECA.
Les règles américaines visées par l'accord concernent, globalement, (es mêmes domaines.
L'accord aménage des processus de " courtoisie" et en règle la mise en oeuvre.
i - Règles de courtoisie positive et négative
En premier fieu, l'article V institue une /1 positive comity clause n, issue de la
recommandation de l'OCDE de 1986, en vertu de laquelle chacune des parties peut
inviter l'autre à prendre, sur la base de la législation de cette dernière, des mesures
appropriées concernant les activités contraires à la concurrence exercées sur son
territoire et qui affectent les intérêts importants de la partie qui a formulé la requête. A ce titre, des notifications, des contacts et des échanges d'informations ont lieu, mais sans que le pouvoir discrétionnaire de l'autorité dont le concours a été sollicité soit mis en cause.
L'autorité sollicitée prendra ou non les mesures qu'elle estimera appropriées, sans subir de contrainte de la part de l'autre partie. Son unique ëngagement est de prendre en considération les intérêts importants de l'autre partie.
•
Les parties ont également prévu une "traditionnal comity clause" en vertu de
• laquelle chacune des parties s'engage à tenir compte des intérêts importants de
l'autre lorsqu'elle prend des mesures visant à appliquer ses règles de concurrence.
L'article VI, organisant cette courtoisie négative, a une portée plus large que celle de la courtoisie positive. Il est utilisé dans le cadre des fusions et concentrations, mais peut l'être également dans le cas de pratiques qui ont un effet anticoncurrentiel sur le territoire d'une partie sans être nécessairement illégales dans le territoire où elles
sont organisées (ex: cartel d'exportation, comme c'était le cas dans l'arrêt U pâte de
bois" 22 ).
En vertu du principe de la balance des intérêts, inspiré du droit américain, les parties prennent en considération :
- l'importance des actes anticoncurrentiels concernés sur chaque territoire;
- la volonté éventuelle des auteurs de l'acte de fausser la concurrence sur chaque territoire ;
- les effets des mesures envisagées sur les intérêts de l'autre partie;
- l'existence éventuelle d'anticipations confortées ou réduites à néant chez l'autre
partie, du fait de l'exercice par l'autorité de sa compétence;
- le degré de conflit éventuel de la mesure envisagée avec la réglementation de l'autre partie;
- la mesure dans laquelle des mesures prises par l'autre partie pourraient être affectées par la mesure envisagée.
•
22 Supra note n° 16.
(1 faut insister sur le fait que dans les processus de mise en oeuvre de la courtoisie et
• de manière générale au cours de toute intervention liée à l'application de l'accord
aucune des dispositions ne saurait être interprétée d'une manière qui soit
incompatible avec la législation en vigueur dans l'Union européenne et aux États-Unis (art IX).
Notamment, les autorités de concurrence restent liées par leurs règles intérieures concernant la protection de la confidentialité des informations réunies par elles au cours de leurs enquêtes respectives (art VIII).
ii - Mise en oeuvre de ce processus de courtoisie
La mise en oeuvre de la. courtoisie, positive ou négative, passe par la notification et des échanges d'information.
- Notification :
Une procédure de notification est prévue par l'article 2 de l'accord. Le principe est qu'une notification est nécessaire chaque fois que les intérêts importants de l'autre partie sont susceptibles d'être affectés par l'adoption de la mesure envisagée.
L'accord établit une liste non exhaustive des cas visés, qui sont conçus très largement.
Ainsi une notification est nécessaire lorsque les autorités interviennent dans une
procédure judiciaire ou réglementaire en tant qu'amicus curiae, ce qui est destiné à
• permettre une meilleure prise en compte des intérêts de l'autre partie dans le cad re
Par ailleurs, la forme et le contenu des notifications sont précisés afin de permettre à
• la partie qui les reçoit d'opérer une évaluation correcte et en temps utile des intérêts
qui pourraient être affectés par les mesures envisagées.
Afin d'accroître l'efficacité de l'accord, la Commission a mis en place un mécanisme incluant la communication aux États membres des notifications envoyées ou reçues ainsi qu'une transmission d'informations relatives aux autres actions de coopération engagées au titre de l'accord.
•
- Échanges d'informations:
Les dispositions concernant les échanges d'informations sont capitales dans la mesure où ceux-ci constituent l'un des intérêts majeurs de la coopération.
L'article 3 prévoit trois types de communications d'informations:
- un échange d'informations périodique et général destiné à favoriser le
développement cohérent des législations respectives des parties;
- une communication sur demande de renseignement émanant de l'autre partie ;
- et surtout, une communication spontanée lorsque l'autorité concernée a
connaissance d'informations dont elle présume qu'elles intéressent l'autre partie. Cette dernière disposition traduit la volonté des parties de développer les échanges afin de permettre une assistance mutuelle efficace et qui ne semblait pas pouvoir exister en l'absence d'accord.
Il est également institué une procédure d'assistance et de coopération pour le traitement des cas, et même une coordination des enquêtes et des procédures (article 4).
Enfin, ('accord contient des dispositions relatives au respect de la confidentialité des
• informations. La communication de telles informations n'est pas imposée aux parties
lorsque leur divulgation est interdite par la législation de la partie qui est en leur possession ou est incompatible avec des intérêts importants de cette partie (article 8). Mais nous reviendrons sur cette question de la confidentialité des informations plus loin.
b - L'accord du 4 juin 1998
La courtoisie active ou positive, qui a été introduite dans les relations UElÉtats-Unis en 1991, est renforcée par ce nouvel accord.
Rappelons que ce principe de courtoisie active stipule que quand une partie est affectée par le comportement anticoncurrentiel se produisant sur le territoire de
l'autre partie, elle peut demander à celle-ci d'agir. Les circonstances dans lesquelles
une demande de courtoisie active sera normalement faite, et la façon dont de telles demandes devraient être traitées sont établies plus clairement.
L'accord de 1998, comme l'accord de 1991, ne change pas la loi existante et il n'exige pas un changement de celle-ci.
Néanmoins il stipule que dans certaines circonstances une partie reportera ou
suspendra ses propres activités d'application. L'ajournement ou la suspension auront lieu principalement où les activités anticompétitives en question n'ont pas un impact direct, substantiel et raisonnablement prévisible sur les consommateurs de la
anticompétitives se produisent principalement dans le territoire de l'autre partie et
• sont dirigées principalement vers celui-ci.
L'ajournement se produira seulement si la partie sur le territoire de laquelle les
activités restrictives se produisent, a la juridiction sur ces activités et est disposée à
les traiter activement et expéditivement. Lorsqu'une partie traitera une affaire, elle tiendra sa contrepartie au courant de tout développement dans la procédure, dans les limites de ses règles de confidentialité internes.
Jamais une partie à cet accord ne sera tenue d'étudier un cas où il n'est pas dans
ses intérêts de le faire ainsi. Très souvent il sera dans son intérêt de porter fin au comportement anticompétitif se produisant sur son territoire et il peut être fortement
souhaitable qu'un tel comportement soit porté à son attention. Il est clair qu'il peut y
avoir des circonstances où il est opportun que les deux côtés entreprennent des
investigations parallèles, par exemple quand l'intérêt public exige que l'activité
anticompétitive particulièrement sérieuse soit sanctionnée dans les deux juridictions.
•
L'accord de 1991 qui apparut ambitieux à l'époque, date d'il y a déjà un peu plus de
sept ans. Toutefois, il a fallu attendre le 10 Avril 1995, date à laquelle l'accord signé
par la Commission fut valablement approuvé par Je Conseil de J'Union européenne, pour qu'il puisse être effectivement appliqué entre les autorités de la concurrence de l'Union européenne et des États-Unis.
Les premiers résultats de cette coopération bilatérale étaient donc très attendus, et c'est donc l'application qui en a été faite depuis 1995 qui va maintenant retenir toute notre attention.
•
•
C -
BILAN DE QUATRE ANNÉES DE COOPÉRATION
Si l'on en croit le nombre très important des notifications qui ont eu lieu depuis son entrée en vigueur, on peut penser que l'accord conclu en 1991 a été appliqué par les autorités de concurrence de manière significative.
En effet ne serait-ce que dans la période allant du 10 avril 1995 au 30 juin 1996, pas moins de 98 notifications ont été échangées entre les ÉTATS-UNIS et l'Union
européenne 23. Et entre le 1er juillet et le 31 décembre 1996, il Y a eu 27 notifications
de la Commission et 21 notifications des autorités américaines ( émanant de la division antitrust du ministère de la justice (le OOJ) et de la commission fédérale du
commerce (la FTC) ) 24. Enfin, dans la période allant du 1er janvier au 31 décembre
1997, il Y eut 42 notifications de la Commission et 36 notifications des autorités
américaines25.
L'accord de 1998 étant très récent, il est difficile de dire si sa mise en oeuvre aura
amélioré les choses. Néanmoins, on remarquera que déjà, avant sa conclusion, la
pratique des autorités de concurrence tendait à laisser transparaître un
cheminement vers ce renforcement de la courtoisie positive.
21Rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur la mise en oeuvre de l'accord entre les Communautés européennes et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique concernant l'application de leurs règles de concurrence ( du 10 avril 1995 au 30 juin 1996), Bruxelles, le 8 octobre 1996, COM (96), 479 final.
24 Rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur la mise en oeuvre de l'accord
entre les Communautés européennes et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique concernant l'application de leurs règles de concurrence (du 1er juillet 1996 au 31 décembre 1996), Bruxelles, le 04 juillet 1997, COM (97), 346 final.
25 Rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur la mise en oeuvre de l'accord
entre les Communautés européennes èt le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique concernant l'application de leurs règles de concurrence (du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1997), Bruxelles, 11 mai 1998.
La plupart des affaires concernent des opérations de fusions et des concentrations.
• Nous allons en passer quelques unes en revue dans le cadre d'une analyse de la
portée de l'accord sur différents points et différentes questions qui ont été soulevées au cours de ces quatre années.
1 - La question de la définition du marché
Plusieurs affaires qui ont fait l'objet de notifications ont soulevé une question
classique en droit de la concurrence, à savoir celle de la définition du marché. Il
s'agit d'ailleurs aussi bien de la définition du marché de produits que de celle du marché géographique.
A plusieurs reprises, les autorités de concurrence européenne et américaine se sont
consultées, ayant remarqué que leurs conceptions du marché n'étaient pas tout à
fait en phase, ce qui pouvait poser un problème quand
à
l'appréciation de telle outelle pratique en cause 26.
La consultation des autorités de concurrence en ce qui concerne la définition d'un marché géographique donné, a été effective dans de nombreuses affaires portant sur des secteurs d'activités divers.
•
26 J.M. De Bermond de Vaulx, Contributiona
l'étude de la méthodologie comparée du marché duproduit en cause entre le droit américain et le droit européen, Cah. Dr. de l'Entrep., Etudes et commentaires, 14765, pp.537-547.
F. Souty, Entre concurrence praticable et contestabilité : les barrièresà l'accès au marché dans les théories américaines de la politique de la concurrence, Revue de la concurrence et de la consommation, No.BO, juill-aout 1994, pp.43-57.
Ainsi en matière de pétrochimie, une affaire concernant une joint venture entre le
• Royal Dutch Shell Group et Montedison S. p. a. , obligea l'Union européenne et la
FTC à s'engager dans une discussion sur la définition du marché géographique
pertinent en 1994. Le marché en cause était celui de la production d'un produit
appelé polypropylène, utilisé dans la fabrication de tissus industriel, fibres de tapis.
jouets etc .
L'Union européenne et la FTC s'entendirent de façon générale sur la définition du marché géographique pertinent en opérant une distinction: le marché géographique pertinent pour la technologie fiée au polypropylène a été considéré comme mondial, alors que les marchés géographiques pertinents pour la production liée au polypropylène ne concernaient que l'Europe de l'Ouest, le Canada et les États-Unis27
•
Parfois également, il arrive que les deux autorités de concurrence ne s'arrêtent pas sur des définitions similaires.
Ainsi dans le secteur pharmaceutique. plusieurs affaires ont révélé des définitions de marché géographique différentes de la part de la FTC et de la Commission
européenne. On peut tenter de donner une explication à cette différence si l'on se
souvient que dans ce secteur très sensible, la mise sur un marché donné de
médicaments est soumise
à
des systèmes d'homologations ou d'autorisationsmédicales préalables. Or ces systèmes peuvent répondre à des critères différents
d'un endroit à l'autre.
•
27 Roscoe Starek (FTC), .. International Cooperation in Antitrust Enforcement and Other Antitrust Oevelopmentsn, (Adressed to Business Development Associates, Inc., pendant une conférenceintitulée" Antitrust 1997 "), 21 octobre 1996, p. 2.
Au niveau de l'Union européenne, le marché géographique pertinent pour les
• produits pharmaceutiques est national...chaque Etat-membre de l'Union constitue
un marché distinct ce qui signifie que le produit aura à obtenir une autorisation nationale de mise sur le marché dans chaque Etat-membre.
Mais aux États-Unis, c'est l'ensemble du pays, et non ses États pris
individuellement, qui constitue le marché géographique pertinent pour la vente de produits pharmaceutiques. En effet, s'il existe là aussi un mécanisme d'autorisation
préalable, c'est la cr Food and Drug Administration n, agence fédérale, qui est en
charge de ces questions.
Dans le secteur de la défense, une affaire illustre également bien la différence de conception qui peut apparaître entre les deux autorités de concurrence. Ces
dernières, à l'occasion de l'acquisition par Lockheed Martin Corporation de Loral
Company en 1995 28, se sont penchées sur le marché des satellites afin de définir le
marché géographique pertinent qui était concerné.
En conformité avec ses décisions précédentes se rapportant au marché des satellites, la Commission européenne considéra que le marché pertinent était le marché mondial.
Au contraire, la FTC considéra que le marché pertinent se limitait aux États-Unis, car elle prit en compte le fait qu'il existait de nombreuses différences de prix, de techniques et/ou de qualité entre les producteurs de satellites des États-Unis et des autres pays.
•
28 Communiqué de presse de la Communauté européenne, IP/96/277, 28 mars 1996.
Les décisions de l'Union européenne et de la FTC traduisent, ici et là, la divergence
• dans leur définitions respectives du marché pertinent. Cela peut pa rfois conduire à
des recommandations différentes mais il arrive aussi parfois que les deux autorités arrivent au même résultat final malgré cette divergence.
C'est en effet ce qui s'est passé dans l'affaire Kimberly Clark - Scott Paper29. Dans
cette affaire, les deux autorités n'étaient pas d'accord sur la détermination du marché géographique ainsi que sur les marchés de produits sur lesquels des problèmes de concurrence se posaient.
La société Kimberly Clark produisait et commercialisait une gamme importante de
produits en papier destinés aux consommateurs mais aussi à l'intention de
l'industrie. Les activités de la société Scott se limitaient plutôt à un marché de
consommateurs. La fusion des deux sociétés aurait abouti à la création du plus gros
producteur mondial et communautaire de produits en papier et de produits connexes.
Les deux autorités de concurrence autorisèrent l'opération mais sur la base d'engagements différents : la Commission demanda aux deux sociétés de ne plus commercialiser le papier toilette Kleenex KC, ni les mouchoirs en papier de la marque Scott Andrex sur les marchés du Royaume-Uni et de l'Irlande alors que de son côté, la FTC leur demanda de ne plus commercialiser les mouchoirs et langes pour bébés de la marque Scott.
Selon le rapport de la Commission, cette divergence d'exigences proviendrait des différences entre les marchés géographiques identifiés par les deux autorités .
•
Consultations, coopération entre les États-Unis et la Commission européenne, il n'en
• reste pas moins, comme on vient de (e voir, que des différences persistent sur des
points aussi cruciaux que (a définition d'un marché de référence.
2 - Le désengagement d'une autorité au profit de l'autre
•
En 1996, tout les deux saisis par une plainte de la société IRI (Information Resources Inc), la Commission européenne et le DOJ ont effectué une enquête sur les pratiques de la société AC Nielsen Company, fournisseur de panels de distributeur, afin de vérifier si cette dernière se rendait coupable d'un abus de sa
position dominante sur le marché européen, empêchant ainsi IRI de s'y implanter30.
Cette affaire reflète un intérêt particulier dans le sens où un nouveau style de coopération entre les autorités de concurrence semble avoir été appliqué.
L'enquête des deux autorités a été facilitée par de nombreux contacts entre elles ainsi qu'un échange de documents et d'informations, les deux sociétés en cause les
ayant même autorisé
à
se transmettre des informations confidentielles.La plainte portant essentiellement sur des pratiq ues contractuelles mises en oeuvre sur le territoire européen, le DOJ décida de rester en retrait et, certain de la
détermination
à
agir de la part de la Commission, laissa cette dernière prendre ladirection des événements et conduire les négociations avec Nielsen. Informé de l'évolution du dossier au fur et à mesure que les négociations avançaient, le DOJ
30Cf Rapport de la Commission, supra notenO24.
mis fin
à
sa propre enquête lorsque (a Commission obtint des garanties nécessaires• de la part de Nielsen.
En effet, peu après avoir reçu la communication des griefs de la Commission, Nielsen avait fait savoir qutelle était disposée à parvenir à un règlement du dossier avec la Commission, ce dernier étant finalement intervenu en novembre 1996 avec un engagement de Nielsen de mettre fin aux principaux problèmes se posant sous l'angle de la concurrence.
Tout ce que l'on peut dire de cette affaire, c'est qu'elle aura peut-être été
l'annonciateur d'une nouvelle tendance dans la pratique des autorités de
concurrence, nouvelle manière dont l'instrument de ra courtoisie positive ou active est utilisé et qui fut concrétisé, on le sait maintenant, par un autre accord entre le
gouvernement américain et la Commission européenne en juin 1998.
•
•
3 - Les grandes opérations de concentrations : un exemple avec l'affaire Boeing/McDonneli Douglas.
Rappelons d'abord que les concentrations intercontinentales sont à l'origine du plus
grand nombre de notifications et d'applications de l'accord.
Ces projets de concentration ont offert de grandes possibilités de coopération et d'échange de vues, ce qui n'exclut pas des divergences d'appréciation comme nous
allons le voir maintenant dans le cas Boeing/McDonnell Douglas 31.
La décision de la Commission du 30 juillet 1997 32 déclarant la compatibilité de la
concentration Boeing/McDonnell Douglas avec le marché commun et avec le fonctionnement de l'accord sur l'Espace Économique Européen porte quelques
lumières sur l'application de l'accord entre la Commission et les autorités
américaines 33.
C'est l'objet du point VI de la décision, intitulé: l icoopération avec les autorités
américaines n qui comporte deux paragraphes (11) et (12).
En pratique, compte tenu d'un léger décalage de calendrier entre la procédure américaine qui s'est terminée le 1er juillet 1997 et la procédure européenne qui ne s'est terminée que le 30 juillet suivant, les clauses de courtoisie ont joué l'une après l'autre.
31 L'accord conclu par Boeing avec McDonnell Douglas (MDC), gloire déclinante de la construction
américaine d'avoins, au terme duquel MDC est devenu une filialeà 100% de Boeing, a été signé le 14 décembre 1996. La transaction est estiméeà quelques 13 milliards de dollars.
32Affaire n° IV-M. 877, JOCE du 8 décembre 1997, L 336-16.
33F. Romano, The Boeing/MDD merger and the EC/US agreement on the application of their antitrust
rules, RDAI, No4/5, 1998_
Au titre de la "courtoisie négative JI, la Commission avait notifié le 26 juin ses
• conclusions préliminaires et ses motifs de préoccupation. Elle demandait que les
autorités américaines examinent la fusion en tenant compte des intérêts importants
de l'Union européenne,
à
savoir la préservation de la concurrence sur le marché desavions civils de grande capacité.
Dans sa lettre de réponse adressée le même jour, le président de la FTC, M. Pitofsky, indiquait que [a FTC tiendrait compte, dans sa décision, des intérêts exprimés par les Communautés européennes.
Ceci étant, le 1er juillet 1997, [a FTC décidait, à la majorité, de ne pas s'opposer à
l'opération de concentration.
A leur tour, le 13 juillet 1997, en application des articles VI (courtoisie négative) et VII (consultations entre parties) de l'accord, le ministère américain de la défense et le
ministère américain de la justice ont, au nom du gouvernement américain, fait part
à
la Commission de le~rs préoccupations, qui portaient sur les points suivants :
- une décision interdisant le projet de concentration pourrait porter atteinte
à
•
d'importants intérêts américains en matière de défense ;
- nonobstant les mesures que la Commission pourrait imposer
à
un tiers se portantacquéreur de Douglas Aircraft Company (DAC gère les activités de MDC dans le
secteur des avions commerciaux), il est probable qu'une cession de DAC ne
parviendrait pas à préserver son autonomie en tant que constructeur d'avions; il en
résulterait une cession non rentable des activités de DAC en matière de construction d'avions, quelles qu'elles soient, qui pourraient être sauvées par Boeing, ainsi que
des suppressions d'emplois aux USA (théorie proche de la doctrine européenne de
• la "failing company Il avec évocations des 14000 emplois menacés à Long Beach...);
- toute vente de DAC
à
un tiers qui n'exploiterait pas DAC en tant que constructeurd'avions serait anticoncurrentielle, puisque l'opération aurait pour effet de créer une
entreprise qui serait incitée et apte
à
augmenter ses prix età
réduire ses prestations,en matière de pièces détachées et de service, assurées
à
la flotte en exploitation deDAC, dont une grande partie appartient
à
des compagnies aériennes américaines.On sait que la Commission a pris en compte au moins deux des arguments présentés:
- afin de préserver les intérêts américains en matière de défense, la Commission a
limité la portée de son action
à
l'aspect civil de l'opération;- et s'agissant de la DAC, la Commission s'est effectivement inspirée de la théorie de la " failing company".
La Commission a donc fini par approuver la fusion avec un certain nombre de réserves. Sa tâche a sans doute été facilitée par le fait qu'aucun constructeur européen d'équipement m"ilitaire ou spatial n'avait contesté la fusion.
Toutefois, il convient de se rappeler qu'il s'agissait d'une fusion entre constructeurs
d'appareils militaires et spatiaux. Ainsi la partie qui concernait les avions civils a été
considérée par les autorités américaines comme étant accessoire
à
l'objet principal•
de la fusion qui s'inscrivait dans le cadre d'une politique globale de regroupement entre fournisseurs d'équipement militaire, politique activement encouragée par le Pentagone.
Indiscutablement, en examinant l'impact de la fusion sur le secteur des avions civils,
• la marge de manœuvre de la Commission européenne a été sensiblement réduite
par le fait que les autorités américaines fassent valoir l'exception de l'intérêt de la défense nationale.
Il est intéressant de noter également à quel point en l'espace de 6 ans seulement, la
Commission européenne a modifié son approche à l'égard des projets de
concentration qui lui ont été soumis au cours de cette période. La comparaison de l'affaire Boeing avec le cas de ATR/De Havilland montre admirablement l'ampleur et la signification de cette évolution, à plus forte raison qu'il s'agit dans les deux cas de fusions entre constructeurs d'avions civils.
Le rejet par la Commission européenne du projet d'acquisition de De Havilland par
ATR, en 1991, a surpris de nombreux acteurs de l'industrie 34.
C'était l'un des premiers cas traités par l'unité de contrôle des concentrations européenne, crée seulement un an auparavant, ainsi que la première interdiction de fusion depuis l'entrée en vigueur du règlement nO 4060-89. Bien que les affaires Boeing et De Havilland présentent de nombreux points communs, l'unité de contrôle de concentration européenne a tiré des conclusions très différentes dans les deux cas.
Pourtant, de nombreux motifs de rejet avancés lors du rapprochement ATR/De Havilland sont également applicables à l'affaire Boeing :
- importante part de marché résultant de la fusion ; - élimination d'un concurrent déjà existant;