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Impact des nouvelles modalités d'encadrement de la psychothérapie sur les travailleurs sociaux

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Academic year: 2021

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Impact des nouvelles modalités d’encadrement de la

psychothérapie sur les travailleurs sociaux

Mémoire

Marie-Andrée Côté

Maîtrise en service social

Maître en service social (M. Serv. soc.)

Québec, Canada

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Impact des nouvelles modalités d’encadrement de la

psychothérapie sur les travailleurs sociaux

Mémoire

Marie-Andrée Côté

Sous la direction de :

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Résumé

Les nouvelles modalités d’encadrement de la psychothérapie (NMEP), incluses dans le Projet de loi 21, sont entrées en vigueur en juin 2012. Ces dernières définissent ce qu’est la psychothérapie et réglementent son exercice. Bien qu’il soit possible pour certains travailleurs sociaux d’obtenir un permis de psychothérapeute, seulement une minorité en a obtenu un. Or, selon la recension des écrits scientifiques, il existerait un chevauchement entre le travail social et la psychothérapie. Dans ce contexte, trois questions de recherche ont été formulées afin de documenter les impacts des NMEP. Comment les travailleurs sociaux perçoivent-ils leurs liens avec la psychothérapie? Comment les NMEP affectent-elles les différentes dimensions de la qualité de leur travail? Est-ce que les NMEP ont un impact sur leur satisfaction au travail? Afin d’y répondre, un questionnaire maison a été administrée en ligne à 74 travailleurs sociaux provenant de 14 régions administratives du Québec. La majorité des participants de cette étude considère l’existence d’un lien entre la psychothérapie et le travail social appuyant la recension des écrits. Ils considèrent généralement que les NMEP ont eu un impact négatif sur la qualité de leur travail et leur satisfaction au travail. Toutefois, cet impact est différencié en fonction que les participants aient obtenu ou non un permis de psychothérapie et qu’ils aient ou non fait des démarches pour en obtenir un. De plus, lorsqu’invité à décrire les impacts des NMEP, le manque de reconnaissance professionnelle a été amené naturellement par près de 50 % des participants. Les résultats de la présente étude convergent avec ceux d’une étude qualitative récente réalisée auprès de quelques travailleurs sociaux en santé mentale jeunesse.

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Table des matières

RÉSUMÉ... III TABLE DES MATIERES ... IV LISTE DES GRAPHIQUES ET FIGURES ... VI LISTE DES TABLEAUX ... VII LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS ... VIII REMERCIEMENTS ... IX

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE ... 3

1.1 LA PRATIQUE DU TRAVAIL SOCIAL ... 3

1.1.1 Le travail social, le counseling et la psychothérapie ... 4

1.1.2 Définition de la psychothérapie ... 7

1.2 LE SYSTÈME PROFESSIONNEL QUÉBÉCOIS ... 8

1.2.1 Modernisation du système professionnel québécois ... 9

1.2.2 Projet de loi 21 ... 10

1.3 D’AUTRES MODÈLES D’ENCADREMENT DE LA PSYCHOTHÉRAPIE ... 12

1.4 ENJEUX ET IMPACTS DES NMEP POUR LES TRAVAILLEURS SOCIAUX ... 14

1.5 LIMITES DES ÉTUDES ACTUELLES ... 20

1.6 SYNTHÈSE, PERTINENCE ET QUESTION DE RECHERCHE ... 21

CHAPITRE 2 : CADRE CONCEPTUEL ... 23

2.1 QUALITÉ DU TRAVAIL ... 23 2.2 SATISFACTION AU TRAVAIL ... 28 CHAPITRE 3 : MÉTHODOLOGIE ... 30 3.1 TYPE DE RECHERCHE ... 30 3.2 APPROCHE PRIVILÉGIÉE ... 30 3.3 POPULATION À L’ÉTUDE ... 31 3.4 CRITÈRES D’INCLUSION ... 31 3.5 INSTRUMENT DE MESURE ... 31

3.6 MÉTHODES D’ÉCHANTILLONNAGE ET DE RECRUTEMENT ... 33

3.7 PARTICIPANTS ... 36

3.8 ANALYSES DES DONNÉES... 41

3.9 LES ASPECTS ÉTHIQUES ... 41

CHAPITRE 4 : RÉSULTATS ... 43

4.1 NETTOYAGE ET INSPECTION DES DONNÉES ... 43

4.2 LE TRAVAIL SOCIAL ET LA PSYCHOTHÉRAPIE ... 44

4.2.1 Présentation des résultats quantitatifs ... 44

4.2.2 Présentation des résultats qualitatifs... 51

4.3 LES NMEP ET LA QUALITÉ DU TRAVAIL ... 54

4.3.1 Contenu des tâches ... 54

4.3.1.1 Présentation des résultats quantitatifs... 54

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4.3.2 Autres dimensions de la qualité du travail ... 57

4.3.2.1 Présentation des résultats quantitatifs... 57

4.3.2.2 Présentation des résultats qualitatifs... 63

4.4 LES NMEP ET LA SATISFACTION AU TRAVAIL ... 67

4.4.1 Présentation des résultats quantitatifs ... 68

4.4.2 Présentation des résultats qualitatifs... 70

4.5 AUTRES FACTEURS INFLUENÇANT LES CONCEPTS ÉTUDIÉS ... 70

CHAPITRE 5 : DISCUSSION... 72

5.1 LE TRAVAIL SOCIAL ET LA PSYCHOTHÉRAPIE ... 72

5.2 LES NMEP ET LA QUALITÉ DU TRAVAIL ... 77

5.3 LES NMEP ET LA SATISFACTION AU TRAVAIL ... 83

5.4 PROTECTION DU PUBLIC ET PROTECTION DES INTÉRÊTS PROFESSIONNELS ... 84

5.5 LIMITES ... 84

5.6 RECOMMANDATIONS POUR LA RECHERCHE ... 86

5.7 RECOMMANDATIONS POUR LA PRATIQUE ... 86

CONCLUSION ... 88

BIBLIOGRAPHIE ... 91

ANNEXE 1. QUESTIONNAIRE ... 95

ANNEXE 2. INFORMATIONS ET CONSENTEMENT ... 106 ...

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Liste des graphiques et figures

Graphique 1 : Perception des répondants de leur connaissance du PL 21 ... 40

Graphique 2 : Perception du lien entre le travail social et la psychothérapie ... 44

Graphique 3 : Perception du lien entre la pratique personnelle des participants et la psychothérapie ... 46

Graphique 4 : Familiarité et utilisation de quatre modèles associés à la psychothérapie dans le PL 21 ... 50

Figure 1 : Première conception du lien entre le travail social et la psychothérapie ... 51

Figure 2 : Deuxième conception du lien entre le travail social et la psychothérapie ... 51

Graphique 5 : Perception des modifications de leurs tâches ... 55

Graphique 6 : Impact des NMEP sur les dimensions de la qualité du travail ... 57

Graphique 7 : Analyses détaillées de l’impact des NMEP sur l’autonomie professionnelle et la reconnaissance professionnelle ... 60

Graphique 8 : Analyse de l’impact des NMEP sur les relations professionnelles ... 61

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Liste des tableaux

Tableau 1 : Dimensions de la qualité du travail évaluées dans ce mémoire ... 25 Tableau 2 : Description du questionnaire ... 34 Tableau 4 : Participants en fonction de leur région d’appartenance et de leur sexe ... 36 Tableau 5 : Raisons pour ne pas avoir effectué de démarches permettant d’obtenir un permis de

psychothérapeute ... 38 Tableau 6 : Raisons pour effectuer des démarches afin d’obtenir un permis de psychothérapeute ... 39 Tableau 7 : Démarches effectuées par les travailleurs sociaux ayant obtenu ou tenté d’obtenir leur permis de psychothérapeute ... 40 Tableau 8 : Modifications réelles et envisagées dans le contenu des tâches en raison des NMEP ... 54 Tableau 9 : Types de modifications aux tâches rapportées par les participants ... 56 Tableau 10 : Corrélation entre l’impact global des NMEP sur la qualité du travail et la connaissance du PL 21 ... 63 Tableau 11 : Nombre de participants rapportant des modifications pour chacune des dimensions ... 64 Tableau 12 : Corrélation entre l’impact global des NMEP sur la satisfaction au travail et la connaissance du PL 21 ... 69

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Liste des sigles et abréviations

ANOVA : Analyse de variance

CCIP : Comité consultatif interdisciplinaire sur l’exercice de la psychothérapie

CÉRUL : Comité d’éthique de la recherche avec des êtres humains de l’Université Laval CISSS: Centre intégré de santé et de services sociaux

CIUSSS : Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux

CNESST : Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail CSSS : Centre de santé et de services sociaux

FITS : Fédération internationale des travailleurs sociaux HCPC : Health and Care Professions Council

IMO : Intégration par les mouvements oculaires ISQ : Institut de la statistique du Québec

IVAC : Indemnisation des victimes d’actes criminels

NMEP : Nouvelles modalités d’encadrement de la psychothérapie OPQ : Office des professions du Québec

OPsyQ : Ordre des psychologues du Québec

OTSTCFQ : Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec PAE : Programme d’aide aux employés

PL 21 : Projet de loi 21

PNL : Programmation neurolinguistique

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Remerciements

Je tiens à remercier différentes personnes et organisations qui ont, chacune à leur manière, contribué à la réalisation de ce mémoire. D’abord, je tiens à remercier mon directeur de recherche, Normand Brodeur, qui m’a aidé à réaliser ce projet. Il a su être présent et me soutenir tout au long de la réalisation de mon mémoire tout en me laissant la liberté nécessaire pour réaliser le projet que je désirais.

Je tiens également à remercier les trois travailleurs sociaux faisant partie du groupe d’experts dont les conseils ont été précieux afin d’améliorer le questionnaire que j’ai utilisé dans mon mémoire. Je dois également remercier l’OTSTCFQ, le CIUSSS de la Capitale-Nationale et le CISSS Chaudières-Appalaches pour le soutien apporté lors du recrutement des participants. Plus spécifiquement, je remercie les différents gestionnaires provenant du RSSS ou des organismes communautaires pour m’avoir accueillie dans vos établissements afin de présenter mon projet de recherche directement aux travailleurs sociaux. Je remercie également la coordination régionale des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec des régions 03-12 pour m’avoir accueillie pour présenter mon projet lors des conférences. Je tiens également à remercier l’ensemble des travailleurs sociaux qui ont pris le temps de répondre au questionnaire et ceux qui ont démontré de l’intérêt pour mon mémoire.

Je tiens à remercier l’ensemble de mes collègues et amis qui m’ont soutenue et appuyée pendant la réalisation de mon mémoire. Entre autres, je tiens à remercier mon collègue, François-Xavier Schmitz-Lacroix, sans qui je n’aurais pas eu le déclic m’amenant à m’intéresser à ce sujet. Je remercie aussi mon amie, Annie-Claude Tremblay, qui a lu la version finale de mon mémoire afin de corriger les fautes de français. Finalement, je tiens à remercier mes parents qui m’ont soutenue et encouragée tout au long de mon parcours scolaire et, plus spécifiquement, ma mère, Rita Lavoie, qui a corrigé et relu les différentes sections de mon mémoire tout au long de sa réalisation.

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Introduction

La province de Québec a choisi, en 1973, d’assurer la protection du public en créant le système professionnel québécois. En 1999, une modernisation importante de ce système a été mise en branle afin de l’adapter à l’évolution de la société. Le projet de loi 21 (PL 21), qui inclut des modalités d’encadrement de la psychothérapie, s’inscrit dans cet exercice. Ce choix découle des risques associés à la psychothérapie et à sa pratique par des intervenants œuvrant en dehors du système professionnel qui ont amené divers comités d’experts à formuler des recommandations strictes pour favoriser la protection du public (Comité d'experts, 2005; Groupe de travail ministériel sur les professions de la santé et des relations humaines, 2002). Certains professionnels craignent que ces modalités aient un impact négatif sur la protection du public et mettent en doute leur bien-fondé. À l’été 2014, 220 signataires universitaires, intervenants ou organismes ont demandé à l’Office des professions du Québec (OPQ) de revoir la réglementation sur l’encadrement de la psychothérapie. Il s’agit du premier effort documenté pour remettre en question les nouvelles modalités d’encadrement de la psychothérapie (NMEP). Brodeur, Roy, Tremblay, Damant, et Lindsay (2014, p. 1) expliquent que « malgré les bonnes intentions derrière la loi, il y a des raisons de croire qu’elle va créer des problèmes plus grands que ceux qu’elle voulait régler ». Le groupe de signataires a également remis cette demande aux administrateurs de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ). L’OTSTCFQ privilégie que des précisions soient apportées aux NMEP pour en faciliter l’application et l’interprétation sur le terrain plutôt que de les remettre en question (Leblond, 2014; OTSTCFQ, 2015a). Également, un rapport a été produit par la ministre responsable des lois professionnelles sur la mise en application des NMEP en février 2016. Celui-ci fait mention des difficultés d’opérationnaliser la définition de la psychothérapie et des impacts vécus par les professionnels en raison des NMEP. Il est également rapporté que ces impacts n’ont pas été étudiés de manière systématique (Vallée, 2016).

Dans ce contexte, ce mémoire vise à examiner les impacts possibles des NMEP sur les travailleurs sociaux. Comment les travailleurs sociaux perçoivent-ils leurs liens avec la psychothérapie? Selon les travailleurs sociaux, comment les NMEP affectent-elles les différentes dimensions de la qualité de leur travail? Est-ce que les NMEP ont un impact sur leur satisfaction au travail? Telles sont les questions auxquelles nous souhaitons répondre.

Le premier chapitre met en évidence l’existence d’une zone de chevauchement entre la pratique du travail social, la psychothérapie et le counseling. Or, l’entrée en vigueur des NMEP telles que définies par le PL 21 et les réglementations qui l’entourent mettent en cause ce chevauchement en restreignant la pratique de la psychothérapie à certains professionnels. La psychothérapie, telle que définie, empiète sur le champ d’exercice du travailleur social, limitant ainsi sa pratique. Une perte de rôles est donc envisagée pour les travailleurs sociaux

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en raison des NMEP. Cette perte de rôles pourrait entre autres amener des impacts sur la satisfaction professionnelle et les différentes dimensions de la qualité du travail des travailleurs sociaux.

Le deuxième chapitre a pour objectifs de présenter et d’opérationnaliser les concepts de l’étude. Le premier concept, la qualité du travail, est inspiré d’un cadre conceptuel plus large de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). La qualité du travail est un concept multidimensionnel qui fait référence au poste et à l’individu ainsi qu’aux conditions intrinsèques d’un emploi. Il est formé de plusieurs dimensions dont neuf ont été retenues dans le présent mémoire : 1) le contenu des tâches; 2) l’intérêt pour son travail; 3) l’utilité de son travail; 4) la perception de rendre un service de qualité; 5) l’autonomie professionnelle; 6) le développement des compétences; 7) la reconnaissance professionnelle; 8) le désir de changer d’emploi; et 9) les relations professionnelles. Le deuxième concept est la satisfaction au travail défini par l’évaluation positive de son travail. Le troisième chapitre expose les choix méthodologiques retenus pour répondre aux trois questions de recherche et vérifier les hypothèses à l’étude. Ces hypothèses ont été testées à l’aide d’un questionnaire en ligne rempli par 74 travailleurs sociaux québécois. L’instrument de mesure maison a permis de recueillir des données quantitatives et des données qualitatives. Ce chapitre explique également les différentes étapes ayant permis de recruter les participants et discute des difficultés rencontrées pendant cette étape importante de la présente étude.

Le quatrième chapitre présente les résultats de cette étude pour chacune des questions de recherche. Les résultats des différentes analyses quantitatives sont présentés. De plus, les analyses de contenu effectuées sur chacune des questions ouvertes sont documentées dans ce chapitre.

Le cinquième chapitre permet de discuter des différents résultats obtenus en fonction de la littérature et des concepts à l’étude. En plus, les concepts de protection du public et de protection des intérêts professionnels sont discutés dans ce chapitre. Finalement, les limites de la présente étude et des pistes de réflexion sur la pratique et la recherche sont abordées.

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Chapitre 1 : Problématique

1.1 La pratique du travail social

Afin de comprendre le thème et les questions auxquelles souhaite répondre ce mémoire, il importe, d’abord, de saisir ce qu’est le travail social. Or, plusieurs auteurs s’étant intéressés à définir le travail social font remarquer la difficulté de trouver un consensus sur cette question. Cette difficulté s’expliquerait par la complexité de la pratique du travail social et par son évolution en fonction de l’époque, des cultures et de l’environnement (Asquith, Clark, & Waterhouse, 2005; Blewett, Lewis, & Tunstill, 2007; Deslauriers & Hurtubise, 2007). Une définition consensuelle du travail social a tout de même été établie par la Fédération internationale des travailleurs sociaux (FITS) et l’association internationale des écoles de travail social.

Le travail social est une pratique professionnelle et une discipline. Il promeut le changement et le développement social, la cohésion sociale, le développement du pouvoir d’agir et la libération des personnes. Les principes de justice sociale, de droit de la personne, de responsabilité sociale collective et de respect des diversités sont au cœur du travail social. Étayé par les théories du travail social, les sciences sociales, les sciences humaines et des connaissances autochtones, le travail social encourage les personnes et les structures à relever les défis de la vie et agit pour améliorer le bien-être de tous (Fédération internationale des travailleurs sociaux, 2014, p. 1).

L’importance accordée au concept de changement social dans cette définition laisse supposer qu’il s’agit de l’aspect prédominant en travail social. Pourtant, la définition établie précédemment par la FITS mentionnait que « le travail social intervient au point de rencontre entre les personnes et leur environnement » (Deslauriers et coll., 2015, p. 12). Dans cette perspective, l’intervention peut tendre du côté individuel ou du côté social. Deux tendances de pratique en travail social sont présentes sur le terrain provenant de deux pionnières du service social, Mary Richmond et Jane Adams. Un premier courant, provenant de Mary Richmond, prônait l’intervention individuelle visant à outiller une personne afin de l’aider à résoudre ses problèmes. Le travail auprès des personnes peut inclure un travail sur les dimensions psychologiques. Un deuxième courant, l’animation sociale, provenant de Jane Adams, considérait que les problèmes personnels provenaient de facteurs sociaux et économiques et prônait des interventions de participation citoyenne (Deslauriers et coll., 2015). Encore aujourd’hui, il est possible de percevoir la tension qui existe entre les interventions qui visent plus spécifiquement les personnes, les dimensions psychologiques ou les changements individuels et les interventions qui visent les réseaux, les sociétés ou les changements sociaux (Blewett et coll., 2007; Staniforth, Fouché, & O'Brien, 2011). Différentes études et documents laissent croire que, dans la réalité de la pratique, les aspects individuels prédominent. Une première étude effectuée en Nouvelle-Zélande indique qu’un plus grand nombre de travailleurs sociaux incluent le thème du changement individuel (53 %) comparativement au thème du changement social (27 %) lorsqu’ils ont à fournir une définition du travail social (Staniforth et coll., 2011). Le

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terme psychosocial est souvent utilisé pour décrire la pratique du travailleur social. Il est en effet utilisé fréquemment dans des volumes traitant du travail social au Québec (Deslauriers & Hurtubise, 2007; Thibault, 2011). Une étude israélienne s’est intéressée à la compréhension de ce terme par les travailleurs sociaux ainsi qu’aux stratégies utilisées par ces derniers pour gérer l’inclusion du pôle psychologique et du pôle social dans leurs interventions. Trente-cinq entrevues permettent de faire ressortir trois conceptions des travailleurs sociaux. La première est la mise en avant-plan de l’aspect psychologique et une vague prise en compte de l’aspect social. La deuxième conception est une prise en compte de l‘aspect psychologique et de l’aspect social avec une priorisation de l’aspect psychologique. La troisième conception est la mise en avant-plan de l’aspect social avec une prise en compte de l’aspect psychologique (Buchbinder, Eisikovits, & Karnieli‐Miller, 2004). Les résultats de cette étude montrent que les aspects psychologiques sont dominants dans la conception des travailleurs sociaux tout en incluant une prise en compte plus ou moins grande des aspects sociaux.

Le travail social peut également être examiné sous l’angle de ses trois méthodes d’intervention : l’intervention sociale auprès des personnes et des familles, l’intervention sociale auprès des groupes et l’intervention auprès des communautés (Deslauriers et coll., 2015). L’intervention sociale auprès des personnes « vise le soutien et l’accompagnement des personnes dans la résolution de problèmes et l’amélioration de leur bien-être » (Thibault, 2011, p. 13). Le travailleur social qui utilise cette méthode s’intéresse aux sentiments, aux actions et aux pensées de la personne et les situe dans son contexte familial, communautaire et sociétal. Ainsi, en intervenant sur le rapport entre la personne et son environnement (Deslauriers & Hurtubise, 2007), le travailleur social prend, entre autres, en considération les dimensions psychologiques de la personne. L’intervention auprès des personnes est la méthode utilisée par près de 90 % des travailleurs sociaux (Thibault, 2011). L’intervention sociale auprès des groupes s’intéresse tant aux membres pris individuellement qu’au groupe comme une entité (Turcotte & Lindsay, 2008) et l’intervention sociale auprès des familles prend également en considération les interactions entre les différents membres de la famille (Deslauriers & Hurtubise, 2007). Ainsi, la prise en compte des aspects psychologiques apparaît également importante dans ces méthodes d’intervention. Considérant l’intérêt des travailleurs sociaux pour les interventions individuelles qui prennent en compte les dimensions psychologiques, on peut se demander si ces pratiques pourraient chevaucher d’autres interventions comme le counseling et la psychothérapie.

1.1.1 Le travail social, le counseling et la psychothérapie

Au regard de la littérature, il semble exister un chevauchement entre la psychothérapie, le counseling et le travail social. On peut signaler trois indicateurs.

1) La tendance, chez certains praticiens, à mettre les trois disciplines en relation pour les définir est un premier indicateur de ce chevauchement. Staniforth (2010b) s’est intéressée à la pratique du travail

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social et du counseling en Nouvelle-Zélande. Des entrevues ont été effectuées auprès d’individus ayant été impliqués dans l’évolution du counseling et du travail social. Il était demandé aux répondants de définir le counseling, le travail social et la psychothérapie. Or, plutôt que de définir ces disciplines séparément, certains répondants les ont mis en relation en indiquant par exemple que la psychothérapie va plus en profondeur que le counseling pour définir la psychothérapie.

2) L’utilisation ainsi que l’enseignement théorique et pratique des mêmes types de psychothérapie en psychiatrie, en psychologie, en counseling et en travail social est un deuxième indicateur de ce chevauchement. À cet effet, une étude s’est intéressée aux nombres de « thérapies fondées sur des données probantes » enseignées dans les différents programmes de maîtrise en psychiatrie, en psychologie clinique et en service social aux États-Unis. Les auteurs ont vérifié l’inclusion dans chacun des programmes d’une formation théorique ou pratique, obligatoire ou optionnelle, de 23 types de psychothérapie fondés ou non sur des données probantes. Le counseling en travail social, l’approche cognitive comportementale et l’approche psychodynamique sont trois types de psychothérapie que les auteurs ont inclus dans leur étude et qui se retrouvent dans les formations en service social (Weissman et coll., 2006). De plus, les approches psychodynamique, humaniste-existentielle, cognitive-comportementale, systémique et interpersonnelle se retrouvent autant dans les livres portant sur le

counseling, que dans ceux portant sur la psychothérapie et sur le travail social (Austad, 2009; Fonagy

& Arabella, 2005; Greene, 2008; Hick, 2010; Sperry, 2010; Walsh, 2010). D’ailleurs, dans un livre portant sur le travail social au Canada, Hick (2010) explique que le travailleur social et le psychologue utilisent des méthodes de counseling et de psychothérapie similaires tout en se concentrant sur des éléments distinctifs.

3) La proximité des identités et des rôles professionnels est un troisième indicateur du chevauchement. Une étude canadienne s’est intéressée aux rôles et à l’identité professionnelle des 2330 membres du

Canadian counseling Association dont 511 ont répondu au questionnaire. Les répondants ont indiqué

que leur travail est très similaire à celui des psychologues et modérément similaire à celui des travailleurs sociaux (Gazzola & Smith, 2007).

Considérant l’existence d’un chevauchement démontré par le recoupement des définitions, des approches ainsi que des rôles professionnels, il apparaît difficile de distinguer nettement le type d’intervention pratiqué par chaque professionnel de ce domaine dans certains secteurs de pratique.

Bien que le présent mémoire s’intéresse principalement au travail social et à la psychothérapie, le counseling apparaît être un élément important qui permet le chevauchement entre eux. Il semble donc pertinent de s’intéresser plus en détail au lien existant entre le travail social et le counseling. Staniforth (2010b) s’intéresse

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aux perspectives passée, présente et future du rôle de counseling en travail social en Nouvelle-Zélande. La perspective présente porte sur la perception et l’utilisation du counseling en travail social par les travailleurs sociaux. Les 291 participants devaient utiliser la définition suivante du counseling pour répondre aux questions : « Un processus thérapeutique impliquant une interaction entre un counsellor et un client dans le but d’améliorer la qualité de vie du client en l’assistant pour surmonter des difficultés relationnelles, pour faire face aux conséquences d’un trauma, pour mieux gérer les difficultés rencontrées dans les relations professionnelles ou pour modifier des modèles de comportements qui sont ou qui pourraient devenir problématiques pour le client ou les autres » (Staniforth, 2010b, p. 168, traduction libre). La majorité des participants perçoit le counseling comme un rôle du travailleur social dans divers champs de pratique et considère que les travailleurs sociaux sont en mesure d’utiliser des compétences de counseling. Toutefois, 18 % d’entre eux considèrent que les travailleurs sociaux qui font uniquement du counseling effectuent encore du travail social alors que 19 % considèrent qu’ils ne font plus du travail social; les 63 % restant se situent dans une position intermédiaire. Malgré la reconnaissance du counseling comme étant un rôle du travailleur social, la majorité des participants considère que la formation reçue en counseling dans la formation en travail social est insuffisante. En ce qui concerne l’utilisation du counseling, 63 % des travailleurs sociaux ont répondu qu’ils effectuaient à différents degrés du counseling dans leur pratique, alors que 31 % ont répondu utiliser des compétences du counseling et 7 % ont répondu ne pas utiliser le counseling. Finalement, 31 % des travailleurs sociaux ont répondu que le rôle de counseling apparaît dans la description de leur emploi (Staniforth, 2010b). Ces résultats indiquent que le rôle de counseling en travail social est reconnu et utilisé par les travailleurs sociaux en Nouvelle-Zélande et qu’il est également reconnu par certains de leurs employeurs.

Qu’en est-il du lien immédiat entre le travail social et la psychothérapie? Pour répondre à cette question, la prochaine section porte sur certaines études qui indiquent l’existence d’un chevauchement entre le travail social et la psychothérapie. D’abord, il est fréquent que les études ou les documents portant sur les travailleurs sociaux utilisent les termes thérapie et thérapeute ou qu’ils abordent leur rôle thérapeutique. Pour initier la discussion sur l’évolution des rôles et des tâches du travailleur social, Blewett et coll. (2007) ont analysé des politiques gouvernementales et des documents professionnels produits en Angleterre. Ils définissent sept composantes principales du travail social, dont le rôle thérapeutique du travail social. Un deuxième exemple provient d’une étude qui s’est intéressée aux intérêts, aux activités préférées et à l’auto-identification de 230 étudiants à la maîtrise en service social à l’université de Toronto (Bogo, Raphael, & Roberts, 1993). L’étude a permis d’identifier quatre groupes distincts et d’identifier deux principaux paradigmes qui seraient en compétition chez les étudiants à la maîtrise en service social. Le premier paradigme correspond aux étudiants qui se définissent comme des travailleurs sociaux. Ils s’intéressent au travail auprès des individus défavorisés dans une variété de rôles allant de la réponse aux besoins individuels au soutien dans les changements sociaux. Le deuxième paradigme correspond aux étudiants qui se définissent comme des thérapeutes et qui préfèrent l’utilisation de

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techniques thérapeutiques dans un contexte individuel auprès de clientèles favorisées. Ce deuxième paradigme apparaît similaire à l’identité du travailleur social clinicien (clinical social work) qui est un titre réservé à certains travailleurs sociaux aux États-Unis. Le travailleur social clinicien utilise les principes du travail social dans le traitement des problèmes de santé mentale. Ce dernier doit également être en mesure d’effectuer des diagnostics et d’effectuer de la psychothérapie (Groshong, 2009). Ces différentes études se rapportent à l’identité de thérapeute ou au rôle thérapeutique du travail social sans aborder directement la psychothérapie. D’autres études indiquent sans ambiguïté un chevauchement entre le travail social et la psychothérapie. Un premier exemple provient d’une étude s’étant intéressée aux idéologies professionnelles et aux préférences professionnelles de finissants en service social dans 10 pays, dont le Canada (Weiss, Gal, & Dixon, 2003). Les auteurs ont analysé les résultats pour chaque pays, mais également avec une perspective comparative. Ainsi, ils ont découvert que les idéologies et les préférences professionnelles convergeaient énormément entre les différents pays, malgré qu’il y ait une différence plus grande sur le plan des préférences professionnelles. Dans la majorité des pays, dont le Canada, les finissants en travail social privilégient la pratique directe auprès des individus et l’utilisation de stratégies psychothérapeutiques. Finalement, une étude effectuée auprès des travailleurs sociaux ontariens qui s’identifient comme travaillant dans le domaine de la santé mentale a permis de faire ressortir leurs cinq principales responsabilités. Le cinquième rôle identifié par 53 % d’entre eux est la psychothérapie (Calderwood, O'Brien, & Mackenzie Davies, 2007). Les différentes études présentées indiquent que certains travailleurs sociaux ou futurs travailleurs sociaux ont une préférence pour des rôles thérapeutiques ou psychothérapeutiques, allant jusqu’à une préférence pour cette identité professionnelle.

Les questions qui portent sur l’identité du travailleur social, ses rôles et ses tâches sont présentes dans différents pays tels que l’Angleterre, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis, Israël et le Canada. Bien qu’il apparaisse clairement que certaines catégories de travailleurs sociaux, comme les travailleurs sociaux cliniciens retrouvés aux États-Unis, effectuent de la psychothérapie, les données présentées ne permettent pas de conclure que les travailleurs sociaux non spécialisés font de la psychothérapie. La recension des écrits permet néanmoins de mettre en lumière l’existence d’un chevauchement entre le travail social, le counseling et la psychothérapie. Finalement, bien que plusieurs documents abordent la psychothérapie ou y font référence par des termes qui s’en rapprochent tels que thérapie, peu d’entre eux définissent ce qu’ils entendent par « psychothérapie ». La prochaine section permet donc de définir ce qu’est la psychothérapie.

1.1.2 Définition de la psychothérapie

En fait, il apparaît difficile de trouver un consensus sur la définition de la psychothérapie. Brent et Kolko (1998) donnent quatre définitions de la psychothérapie provenant de différents auteurs. L’une de ces définitions démontre que la psychothérapie peut être définie simplement et être très large : « l’utilisation systématique d’une

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relation humaine dans un but thérapeutique » (Butler et Strupp's, 1986 dans Brent & Kolko, 1998, p. 17, traduction libre). Cette définition pourrait aisément convenir à un grand nombre de professions de la relation d’aide. Dans ce contexte, la psychothérapie pourrait être considérée comme une technique ou une activité utilisée par différents professionnels de la relation d’aide. La prochaine définition présentée apparaît plus complexe en définissant la psychothérapie comme « une modalité de traitement dans laquelle le thérapeute et le patient travaillent ensemble pour améliorer les conditions psychopathologiques et les déficiences fonctionnelles par l’accent sur (1) la relation thérapeutique; (2) les attitudes, les pensées, les émotions et les comportements du patient; et (3) le contexte et le développement social » (Brent & Kolko, 1998, p. 17, traduction libre). Bien que plus complexe par l’inclusion de différents éléments devant être présents afin qu’une intervention soit considérée comme de la psychothérapie, elle demeure inclusive et peu précise tout comme la première définition présentée.

La difficulté à trouver une définition précise et opérationnelle de la psychothérapie est expliquée par son expansion au cours des dernières décennies. En effet, la psychothérapie s’est élargie sur ses différents plans et inclut maintenant plus de 250 formes. Pour inclure l’ensemble des formes de psychothérapie, sa définition doit donc être très large (Crits-Christoph & Connolly Gibbons, 2010). Pourtant, plus sa définition est large afin d’inclure l’ensemble de ces psychothérapies, plus ses frontières risquent de chevaucher d’autres pratiques telles que le counseling et le travail social. La difficulté à trouver une définition précise est apparue dans certains endroits qui ont voulu construire une définition afin d’encadrer la pratique de la psychothérapie. Par exemple, en Angleterre, le Health and Care Professions Council (HCPC) a récemment tenté de faire une distinction entre la psychothérapie et le counseling. Ainsi, il a défini la psychothérapie comme étant associée au traitement des troubles mentaux sévères et le counseling au traitement des troubles mentaux légers à modérés. Une consultation publique sur cet aspect a démontré que 78 % des répondants étaient en désaccord. Plusieurs des répondants ont expliqué que tenter de faire une telle distinction était impossible et arbitraire (HCPC, 2009 dans Waller & Guthrie, 2013). Malgré les difficultés à opérationnaliser la psychothérapie, plusieurs endroits dans le monde ont fait le choix de la réglementer, dont le Québec. La prochaine section permettra d’ailleurs de documenter la réglementation québécoise sur l’encadrement de la psychothérapie ainsi que la définition de la psychothérapie ayant été choisie dans le cadre de cette réglementation.

1.2 Le système professionnel québécois

Cette section a pour objectif de présenter le contexte légal dans lequel s’inscrit la pratique du travail social et de la psychothérapie au Québec. Par conséquent, elle permettra d’expliquer le fonctionnement du système professionnel québécois, d’aborder brièvement son évolution, de décrire le PL 21 et, plus spécifiquement, la réglementation concernant l’encadrement de la psychothérapie.

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Le projet de loi 250, adopté en 1973, a permis le développement du système professionnel québécois ayant comme objectif de protéger le public. Il visait à éliminer les rivalités existantes entre les professions et à empêcher que les ordres professionnels jouent un double rôle : 1) la protection du public et; 2) la défense de leurs propres intérêts socio-économiques. Le système professionnel québécois inclut quatre types d’intervenants : 1) le gouvernement du Québec; 2) l’OPQ; 3) le conseil interprofessionnel du Québec et; 4) les ordres professionnels. Le Code des professions est la loi qui régit l’ensemble de ce système. La fonction de l’OPQ est d’assurer que chaque ordre professionnel soit responsable de la protection du public (OPQ, 1999a). Le Code des professions établit des professions d’exercices exclusifs dont la pratique et le titre professionnel sont réservés. Par exemple, les médecins ont une profession à exercice exclusif. Ainsi, tout individu ne faisant pas partie du Collège des médecins n’a ni le droit de se nommer « médecin » ni celui de pratiquer la médecine. Le Code établit également des professions à titre réservé dont les travailleurs sociaux et les psychologues font partie. La réserve d’un titre professionnel est un mécanisme de protection basé sur le libre choix des individus qui ont l’option de consulter un membre d’un ordre professionnel ou non. Avant l’adoption du PL 21, certains observateurs ont fait remarquer qu’il était parfois difficile pour les ordres professionnels dont uniquement le titre professionnel est réservé de favoriser l’adhésion des membres et d’assurer un contrôle de la pratique. En effet, une fois formés adéquatement, les membres potentiels de l’Ordre avaient le choix ou non d’y adhérer et de porter le titre officiel. Cela avait pour effet de réduire l’impact de ces ordres professionnels sur la protection du public (OPQ, 1996). En date du 12 juin 2017, l’OPQ régit 46 ordres professionnels (OPQ, 2017). Le PL 21 est venu corriger cette limite en réservant et en partageant l’exercice de certaines activités à haut risque de préjudice entre divers ordres à titre réservé.

1.2.1 Modernisation du système professionnel québécois

Bien que des modifications aient été effectuées auparavant, des travaux majeurs ont été entamés pour moderniser le système professionnel québécois à partir de 1999. Un plan d’action visant à adapter ce système aux nouvelles tendances dans le monde professionnel a été présenté par la ministre responsable de l’application des lois professionnelles. Le plan d’action incluait six projets, dont quatre qui s’appliquent à l’ensemble du système professionnel et deux qui s’appliquent à des secteurs particuliers. L’un de ces projets est la modernisation de l’organisation professionnelle dans le domaine de la santé et des relations humaines (OPQ, 1999a). Afin de réaliser ce projet, le Groupe de travail ministériel sur les professions de la santé et des relations humaines présidé par Roch Bernier a été formé en 1999. Le groupe a réalisé deux rapports qui font mention de suggestions et de recommandations sur la modernisation de ce domaine professionnel. Le rapport d’étape paru en 2001 se penche sur 13 ordres professionnels du réseau public de la santé et des services sociaux (Groupe de travail ministériel sur les professions de la santé et des relations humaines, 2001). Il mène à la rédaction et à l’adoption du projet de loi 90 qui inclut les professions du domaine de la santé (OPQ, 2015). Le deuxième

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rapport paru en 2002 se penche sur les ordres professionnels liés au domaine de la santé mentale du réseau public et privé ainsi que sur les ordres professionnels liés au domaine de la santé physique du réseau privé (Groupe de travail ministériel sur les professions de la santé et des relations humaines, 2002). Un deuxième groupe de travail, présidé par le docteur Jean-Bernard Trudeau, a été formé pour revoir les recommandations du premier groupe de travail. Le travail de ce deuxième groupe porte uniquement sur les ordres professionnels du domaine de la santé mentale et des relations humaines contrairement au groupe de travail précédent (Comité d'experts, 2005).

1.2.2 Projet de loi 21

Le rapport du groupe de travail présidé par Jean-Bernard Trudeau propose des modifications afin de moderniser le Code des professions dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines. Il devait se pencher sur la modernisation des champs d’exercice de diverses professions, l’établissement d’activités réservées et partagées entre ces professions, l’inclusion de nouvelles professions ainsi que sur l’encadrement de la psychothérapie (Comité d'experts, 2005). En regard de ces recommandations, le PL 21 a été adopté par le Gouvernement du Québec en juin 2009 et ses différentes composantes sont entrées en vigueur entre juin et septembre 2012. Le PL 21 a amené des modifications pour plusieurs travailleurs du domaine de la santé mentale et des relations humaines, dont les travailleurs sociaux. D’ailleurs, une augmentation importante du nombre de travailleurs sociaux au Québec a été remarquée lors de l’entrée en vigueur du PL 21 en 2012. Entre 2012 et 2013, le nombre d’inscriptions est près de sept fois supérieur à la moyenne des trois années précédentes1 et le nombre de premières inscriptions à l’OTSTCFQ est près de trois fois plus élevé que pour

chacune des trois années précédentes. Les données permettent également de constater un retour vers la moyenne l’année suivante (OTSTCFQ, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014b).

Le PL 21 contient trois éléments principaux. Il redéfinit les champs d’exercices de certaines professions, dont celle de psychologue, de travailleur social, de thérapeute conjugal et familial, de conseiller d’orientation et de psychoéducateur sans toutefois en restreindre la pratique (OPQ, 2013). Le champ d’exercice « énonce les principales activités d’une profession afin d’en saisir la nature, l’essence et la finalité » (Groupe de travail ministériel sur les professions de la santé et des relations humaines, 2001, p. 241). Celui du travailleur social est défini comme suit : « Évaluer le fonctionnement social, déterminer un plan d’intervention et en assurer la mise en œuvre ainsi que soutenir et rétablir le fonctionnement social de la personne en réciprocité avec son

1 Le nombre de travailleurs sociaux inscrits à l’OTSTCFQ était de 11 216 le 31 mars 2013, soit 2634 de plus qu’à pareille

date l’année précédente. L’augmentation du nombre de membres pour les trois années précédentes équivaut à une moyenne de 387 inscriptions supplémentaires annuellement.

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milieu dans le but de favoriser le développement optimal de l’être humain en interaction avec son environnement » (OPQ, 2013, p. 14).

Le PL 21 établit également une réserve d’exercice pour des activités à risque de préjudice. Une activité est définie comme étant « un ensemble d’opérations, d’interventions, de processus, d’éléments, d’actions ou de gestes coordonnés, effectués dans le cadre de l’exercice d’une profession, qui peuvent s’exercer sur un continuum ou de manière interrompue et se scinder en actes circonscrits » (Groupe de travail ministériel sur les professions de la santé et des relations humaines, 2001, p. 245). Certaines de ces activités sont partagées entre certaines professions ou exclusives à une seule profession. Le travailleur social se voit donc réserver l’exercice de neuf activités partagées avec d’autres professions et une activité dont l’exercice lui est exclusif (OPQ, 2013). Le PL 21 encadre la psychothérapie et établit une définition de cette dernière dans le but de protéger le public. Il réserve la pratique et le titre de psychothérapeute aux médecins et aux psychologues et permet la pratique et l’utilisation du titre de psychothérapeute à certains professionnels de la santé mentale et des relations humaines qui répondent à des critères spécifiques (OPQ, 2013). Selon cette loi, la psychothérapie est définie comme étant :

Un traitement psychologique pour un trouble mental, pour des perturbations comportementales ou pour tout autre problème entraînant une souffrance ou une détresse psychologique qui a pour but de favoriser chez le client des changements significatifs dans son fonctionnement cognitif, émotionnel ou comportemental, dans son système interpersonnel, dans sa personnalité ou dans son état de santé. Ce traitement va au-delà d’une aide visant à faire face aux difficultés courantes ou d’un rapport de conseils ou de soutien (OPQ, 2013, p. 73).

En plus d’inclure partiellement dans la définition ce qui n’est pas de la psychothérapie, la loi prévoit qu’une liste d’interventions ne constituant pas de la psychothérapie ainsi que leurs définitions soient établies par règlement (Gouvernement du Québec, 2009). Ces activités sont la rencontre d’accompagnement, l’intervention de soutien, l’intervention conjugale et familiale, l’éducation psychologique, la réadaptation, le suivi clinique, le coaching et l’intervention de crise (OPQ, 2013).

Les membres des ordres professionnels des conseillers et conseillères d’orientation, des ergothérapeutes, des infirmières et infirmiers, des psychoéducateurs et psychoéducatrices, des sexologues et des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux qui répondent à certains critères, établis par règlement, peuvent avoir accès au titre de psychothérapeute et obtenir le droit de pratiquer la psychothérapie (Gouvernement du Québec, 2009). Ces derniers doivent détenir une maîtrise dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines, avoir effectué une formation théorique en psychothérapie équivalente à 765 heures et avoir complété un stage supervisé incluant 300 heures de contact direct, 100 heures de supervision individuelle et 200 heures d’autres activités reliées à l’exercice de la psychothérapie pour un total de 600 heures. L’Ordre des psychologues du

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Québec (OpsyQ) a la responsabilité d’encadrer la pratique de la psychothérapie. Au moment de l’entrée en vigueur du PL 21, les professionnels ont eu une période de deux ans se terminant le 21 juin 2014 afin d’effectuer une demande de reconnaissance des acquis et obtenir le droit de pratiquer la psychothérapie et d’en utiliser le titre sans répondre à l’ensemble des critères désormais nécessaires. Ils devaient toutefois être en mesure de démontrer leur compétence à pratiquer la psychothérapie (OPQ, 2013). Le PL 21 visait également à mettre l’interdisciplinarité au cœur de l’exercice de la psychothérapie (Vallée, 2016).

L’OpsyQ avait reçu 1200 demandes de permis de psychothérapeute par le biais des droits acquis un mois avant la fin de la période permise. En août 2014, 890 permis de psychothérapeute ont été attribués par le biais des droits acquis, dont 270 à des travailleurs sociaux. Outre les médecins et les psychologues, seulement quatre membres d’un ordre ont obtenu un permis par la voie régulière (Vallée, 2016). Depuis l’adoption de la loi, une modification au PL 21 a été apportée afin de permettre aux thérapeutes conjugaux et familiaux d’obtenir un permis de psychothérapeute (Dutrizac, 2014). Les individus qui utilisent le titre de psychothérapeute ou qui pratiquent la psychothérapie sans détenir un permis de psychothérapeute sont à risque de représailles. En date du 20 mai 2015, l’OpsyQ annonçait d’ailleurs par voie de communiqué qu’elle avait déposé ses deux premières poursuites pour exercice illégal de la psychothérapie. Il soulignait également avoir reçu 847 signalements pour exercice illégal de la psychothérapie et que d’autres poursuites devaient être entamées prochainement (OpsyQ, 2015).

Finalement, le comité d’experts proposait que dans le contexte de mise en application de nouvelles normes, celles-ci devaient être considérées comme étant en période d’expérimentation (Comité d'experts, 2005). À cet égard, la loi prescrit une période de 6 ans suivant le 21 juin 2012, soit jusqu’au 21 juin 2018, afin que des mesures transitoires soient mises en place (Gouvernement du Québec, 2009). La loi québécoise amène un modèle d’encadrement de la psychothérapie. Toutefois, d’autres modèles d’encadrement de la psychothérapie ont été mis en place dans d’autres provinces canadiennes et ailleurs dans le monde. La prochaine section permettra d’en faire un survol.

1.3 D’autres modèles d’encadrement de la psychothérapie

Au Canada, la réglementation professionnelle est une responsabilité provinciale et chaque province a ses propres modalités de régulation des professions. Toutefois, seuls les gouvernements québécois et ontarien ont adopté une réglementation du titre et de la pratique de la psychothérapie. Contrairement au gouvernement québécois, le gouvernement ontarien a établi la psychothérapie comme étant une profession dont le titre est réservé sans en réserver la pratique. Ils ont également ajouté un acte contrôlé, n’étant pas entré en vigueur actuellement, qui se définit comme : « Traiter, par des techniques de psychothérapie délivrée dans une relation thérapeutique, des troubles sérieux liés aux pensées, à la cognition, à l’humeur, à la régulation des émotions, à

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la perception et à la mémoire d’un individu qui peuvent nuire sérieusement au jugement, à l’insight, à la communication et au fonctionnement social de l’individu » (Legislative Assembly of Ontario, 2007, p. xiv, traduction libre).

La loi décrète également que les travailleurs sociaux qui font partie du Ontario College of Social Workers and

Social Service Workers sont autorisés à pratiquer cet acte contrôlé. Ainsi, contrairement au Québec, les

travailleurs sociaux peuvent pratiquer l’acte contrôlé lié à la psychothérapie sans aucune formation supplémentaire (Legislative Assembly of Ontario, 2007).

Bien que la Nouvelle-Écosse n’ait pas adopté de réglementation pour la psychothérapie, trois titres associés au

counseling sont désormais réservés. D’autres provinces canadiennes ont entamé un processus pour

réglementer la psychothérapie ou le counseling, mais aucune d’entre elles n’avait adopté une loi en ce sens en 2013 (Martin, Turcotte, Matte, & Shepard, 2013).

Un examen de la réglementation de la psychothérapie en Europe a permis de déterminer que sept pays sur les 17 étudiés avaient une réglementation distincte pour la psychothérapie (Van Broeck & Lietaer, 2008). Ces pays ont réglementé le titre et la pratique de la psychothérapie en suivant deux modèles distincts. Le premier modèle, choisi par l’Allemagne et l’Italie, désigne la psychothérapie comme une spécialisation des professions de psychiatre et de psychologue. Le deuxième modèle, choisi par l’Autriche, la Finlande, la France et la Suède, désigne la psychothérapie comme une profession multidisciplinaire. Dans ces pays, la psychothérapie est accessible à plusieurs professions en fonction d’un programme de formation supplémentaire. Finalement, les Pays-Bas ont établi une réglementation qui peut s’inscrire dans les deux modèles en raison de l’ambivalence ayant mené à plusieurs modifications dans la réglementation. La réglementation choisie par le Québec, telle que définie précédemment, s’insère dans le deuxième modèle (OPQ, 2013).

Van Broeck et Lietaer (2008) identifient pour l’Autriche et la Suède les professionnels ayant accès au titre et à la pratique de la psychothérapie à l’aide d’une formation supplémentaire. Tout comme le Québec, les travailleurs sociaux y sont inclus. Il est toutefois complexe de comparer davantage les modalités pour l’encadrement de la psychothérapie. D’abord, les modèles d’éducation diffèrent, non seulement entre l’Europe et le Québec, mais également entre les différents pays européens, ce qui permet difficilement de comparer l’accessibilité au droit de pratique. De plus, les autorités qui sont responsables de l’encadrement de la psychothérapie et de l’encadrement professionnel diffèrent également d’un endroit à l’autre. Finalement, les auteurs de l’article ne rapportent pas les définitions sur lesquelles se base chaque pays pour encadrer la psychothérapie. Ainsi, ce qui est considéré ou non comme étant de la psychothérapie peut varier d’un pays à l’autre.

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Les modalités d’encadrement de la psychothérapie aux États-Unis peuvent difficilement être documentées intégralement puisque chacun des 50 États a une réglementation distincte en ce qui concerne les professionnels de la santé mentale. De manière générale, la majorité des États n’a pas de réglementation pour protéger le titre de psychothérapeute (Berens, 2006 dans Austad, 2009). Les principaux spécialistes en santé mentale reconnus par les différents États sont les psychiatres, les psychologues, les travailleurs sociaux cliniciens, les thérapeutes conjugaux et familiaux, les advanced registered nurse practitioners et les counselors en santé mentale. Ces groupes seraient formés et autorisés à pratiquer la psychothérapie. Toutefois, il y aurait de grandes variations entre chaque État en ce qui concerne les modalités d’encadrement. Par exemple, en ce qui concerne les travailleurs sociaux cliniciens, certains États réservent le titre et la pratique, alors que d’autres réservent uniquement l’un ou l’autre. Ainsi, certains États réglementent la pratique de la psychothérapie en la réservant à certains professionnels tels que les travailleurs sociaux cliniciens sans réserver le titre de psychothérapeute (Groshong, 2009; Wolf, Keitner, & Jennings).

Dans le contexte du présent mémoire, la recension sur les modalités d’encadrement de la psychothérapie s’est limitée uniquement à quelques pays. Il n’est pas exclu que d’autres pays aient adopté des réglementations différentes quant à la psychothérapie ou soient en voie de le faire. Toutefois, il apparaît que la majorité des provinces, états ou pays n’a aucune réglementation pour encadrer la psychothérapie. Parmi ceux ayant décidé de légiférer sur l’encadrement de la psychothérapie, des différences importantes existent entre les modalités choisies. Selon Brodeur, Roy, Lindsay, Tremblay, et Damant (2015), les NMEP comptent parmi les modalités les plus restrictives pouvant être adoptés pour contrôler la pratique des professionnels. Les seules modalités d’encadrement qui sont plus restrictives qu’au Québec sont celles qui limitent encore davantage les types de professionnels ayant accès à la psychothérapie. Finalement, Van Broeck et Lietaer (2008) considèrent important que des études soient effectuées pour documenter les impacts des différents modèles de réglementation de la psychothérapie sur la pratique et sur les professionnels. La prochaine section permettra d’ailleurs de faire ressortir les enjeux et les impacts des NMEP et, plus spécifiquement, ceux qui concernent les travailleurs sociaux.

1.4 Enjeux et impacts des NMEP pour les travailleurs sociaux

Certains éléments du PL 21 amènent à croire que le chevauchement entre le travail social, le counseling et la psychothérapie n’est plus possible pour les travailleurs sociaux québécois. En restreignant la pratique de la psychothérapie à certains professionnels, le PL 21 exclut bon nombre de travailleurs sociaux de l’exercice de certains rôles qu’ils croyaient les leurs, ce qui pourrait amener des impacts négatifs sur eux. En effet, considérant que pour faire partie de l’OTSTCFQ, un baccalauréat en travail social est suffisant (OTSTCFQ, 2017b), plusieurs travailleurs sociaux n’ont pas de diplôme de maîtrise et ne sont pas admissibles au permis de pratique de la

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psychothérapie. Pour en obtenir un, ils devraient effectuer une maîtrise en plus d’effectuer la formation théorique et pratique définie dans la règlementation.

Un rapport a été produit, par la ministre responsable des lois professionnelles, sur la mise en application de l’encadrement de la psychothérapie incluant les avis du Comité consultatif interdisciplinaire sur l’exercice de la psychothérapie (CCIP) et de l’OPQ (Vallée, 2016). La prochaine section permettra d’abord de faire ressortir certains des enjeux qui y sont soulevés pour ensuite présenter les impacts réels et envisagés provenant de ces enjeux.

Un premier enjeu soulevé dans le rapport ministériel est la difficulté d’application de la définition de la psychothérapie qui serait difficile à rendre opérationnelle. Selon le rapport, la définition légale serait basée sur un monde idéal où il n’y a pas de chevauchement entre les activités du domaine de la relation d’aide (Vallée, 2016). Selon Hogan (1979, dans Mowbray, 1995), avant d’en venir à restreindre la pratique ou l’utilisation d’un titre professionnel, une profession doit avoir un champ de pratique clair et suffisamment différencié des autres professions afin d’éviter de causer plus de dommages que de bénéfices. Or, la distinction entre les interventions qui sont de la psychothérapie et celles qui n’en sont pas serait floue et changerait en fonction des différents contextes d’application (Vallée, 2016). La recension des écrits présentée précédemment fait également état d’un chevauchement plus ou moins important en fonction des contextes de pratique entre le counseling, le travail social et la psychothérapie.

Un deuxième enjeu est le choix des interventions qui ne sont pas de la psychothérapie et la manière de les définir. Afin d’éviter que la psychothérapie soit confondue avec des activités qui s’y apparentent, mais qui n’en sont pas, l’OPQ édicte, par règlement, des interventions qui ne sont pas de la psychothérapie. Lors de l’adoption du règlement, des interventions absentes du rapport Trudeau ont été incluses : l’intervention de soutien, le

coaching et l’intervention de crise. D’un autre côté, certaines interventions présentes dans le rapport Trudeau

n’ont pas été incluses dans la réglementation : la relation d’aide et le counseling (Comité d'experts, 2005; OPQ, 2013).

Ces différents enjeux ont pour conséquence de restreindre la pratique du travail social. La première restriction est liée aux types d’interventions que les travailleurs sociaux peuvent utiliser. Différents types d’interventions, tels que les groupes d’intervention et le counseling, se sont retrouvés dans des zones grises et ont parfois été considérés à tort comme étant de la psychothérapie. Afin d’éviter que des intervenants se retrouvent en situation d’exercice illégal de la psychothérapie, certains milieux ont même modifié ou aboli de manière préventive des programmes ou des interventions qui se trouvaient dans cette zone grise (Vallée, 2016). Ces modifications limitent donc l’accès du public à certaines interventions.

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En ce qui concerne le counseling, la recension des écrits présentée précédemment indique l’existence d’un chevauchement entre la psychothérapie et le counseling qui pourrait aisément mener à confondre le counseling pour de la psychothérapie. D’ailleurs, le rapport ministériel fait mention de « difficultés à tracer une ligne entre la psychothérapie et […] le counseling » (Vallée, 2016, p. 46) ayant affecté l’embauche et l’accès à d’autres services que la psychothérapie. À nouveau, cela peut avoir un impact négatif pour le public qui aurait accès à une moins grande diversité de services. Si l’OPQ avait souhaité distinguer clairement le counseling de la psychothérapie, il avait le loisir d’inclure la définition proposée par le comité d’experts. Cette dernière permettait de comprendre la distinction entre le counseling et la psychothérapie en expliquant ce qui les distingue l’une de l’autre tel que démontré par la définition retenue :

[le counseling] constitue l’application de principes psychologiques axés sur le développement humain au moyen d’interventions cognitives, affectives, comportementales ou systémiques, et de stratégies menées dans le but de favoriser le mieux-être, la croissance personnelle ou le développement de la personne dans différentes sphères de sa vie. Élaboré à partir de modèles de psychothérapie, le counseling s’en distingue en axant l’intervention sur des éléments actuels et situationnels plutôt que sur le traitement d’une pathologie (Comité d'experts, 2005, p. 92).

En choisissant de ne pas inclure le counseling dans les interventions qui ne sont pas de la psychothérapie malgré la recommandation du comité d’experts, le législateur semble plutôt avoir choisi de considérer le

counseling comme étant de la psychothérapie. L’analyse de la littérature ainsi que les options choisies par l’OPQ

laissent croire que le counseling serait inclus indirectement dans la définition de la psychothérapie. Ainsi, les milieux qui auraient exclu de manière préventive le counseling des rôles des professionnels non autorisés à pratiquer la psychothérapie seraient sur la bonne voie pour respecter la loi et les autres milieux auraient éventuellement à s’y conformer.

De plus, au regard des termes choisis pour définir les interventions qui ne sont pas de la psychothérapie, les NMEP semblent également restreindre les moyens pouvant être utilisés par les travailleurs sociaux dans leurs interventions. Les définitions de la réglementation actuelle incluent les termes : prodiguer des conseils, faire des recommandations, rencontre d’accompagnement, intervention de soutien, promouvoir, soutenir, maintenir, consolider, rassurer et fournir des informations (OPQ, 2013). En comparaison, le comité d’experts proposait des définitions utilisant des termes moins restrictifs dans les définitions proposées tels que : prises de conscience, relation d’aide, relation thérapeutique, conversations thérapeutiques, améliorer, croissance positive de la personnalité et techniques de restructuration cognitive. Les choix de termes restrictifs peuvent avoir pour objectif de diminuer la confusion et le chevauchement possible entre la psychothérapie et les différentes professions. Toutefois, ces choix ont également comme conséquence d’exclure officiellement de la psychothérapie des types d’interventions qui sont en périphérie du champ d’exercice du travailleur social visant le changement et le rétablissement du fonctionnement social. Ainsi, un travailleur social peut clairement prodiguer des conseils lors

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de ses interventions, mais une intervention qui vise à amener une prise de conscience pourrait être perçue comme de la psychothérapie.

La définition du coaching amène un autre aspect restrictif en précisant que cette intervention est pour des personnes qui ne sont ni en détresse ni en souffrance. Il s’agit à nouveau d’une différence notable entre la réglementation et le rapport Trudeau qui reconnaît l’aspect thérapeutique des autres types d’interventions et la possibilité d’intervenir auprès d’individus en souffrance (Comité d'experts, 2005). L’absence de cette reconnaissance dans le PL 21 et la réglementation amène à se demander si toute intervention ayant pour but d’amener un changement significatif chez une personne en souffrance est de la psychothérapie et se retrouve donc en dehors du champ d’action possible pour les travailleurs sociaux.

La réglementation identifie également les modèles d’intervention qui doivent être inclus dans la formation des psychothérapeutes soit les modèles psychodynamiques, les modèles cognitifs-comportementaux, les modèles systémiques et les théories de la communication ainsi que les modèles humanistes. Considérant qu’aucune référence à ces approches n’est faite pour aucune profession dans le PL 21 ou dans la réglementation (OPQ, 2013), il est possible de se demander si ces approches peuvent être considérées comme étant réservées à la psychothérapie. Or, ces modèles sont fréquemment abordés dans les volumes sur le travail social et sont donc fréquemment utilisés par des travailleurs sociaux. Le rapport ministériel fait d’ailleurs mention d’une confusion quant à la réserve ou non de certains modèles théoriques d’intervention. Cette confusion serait importante par rapport à l’utilisation du modèle cognitivo-comportemental (Vallée, 2016).

En résumé, le champ d’exercice du travailleur social est restreint par : 1) l’utilisation d’une définition englobante de la psychothérapie; 2) des définitions très restrictives de ce qui n’est pas de la psychothérapie; 3) l’absence de reconnaissance que ces types d’interventions peuvent mener à des changements significatifs chez des individus en souffrance et en détresse; et 4) l’absence de reconnaissance que d’autres professionnels peuvent utiliser les modèles psychodynamiques, les modèles cognitifs-comportementaux, les modèles systémiques et les théories de la communication ainsi que les modèles humanistes. Certains travailleurs sociaux devront s’ajuster à ces nouvelles restrictions. Ceux qui sont dans des contextes de pratique où le pôle social prédomine pourraient ressentir peu d’impacts, mais ceux qui sont dans des contextes de pratique où le pôle individuel est priorisé pourraient ressentir des impacts importants. Or, la recension des écrits scientifiques a démontré que le pôle individuel est priorisé par une majorité de travailleurs sociaux (Buchbinder et coll., 2004; Staniforth et coll., 2011).

En effet, le fait de retirer ou simplement de rendre ambigu le droit pour certains professionnels d’effectuer des interventions qui faisaient partie de leur pratique peut amener de nombreux impacts sur ces professionnels, dont des modifications dans leurs rôles et leurs tâches. Or, les rôles et activités qui sont les plus susceptibles de

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chevaucher le counseling et la psychothérapie sont également les rôles souhaités par les travailleurs sociaux et ceux dont la diminution est la plus regrettée. Une recension des écrits sur le rôle du travailleur social au 21e

siècle a permis de faire ressortir le rôle de counselor ou caseworker comme étant un des principaux rôles des travailleurs sociaux (Asquith et coll., 2005). Cette recension incluait des publications gouvernementales, des documents professionnels, de la littérature académique et des méta-analyses provenant de l’Australie, du Canada, du Japon et de plusieurs pays européens. Les auteurs de la recension ont de plus effectué une consultation auprès de travailleurs sociaux des pays mentionnés afin de compléter leur collecte de données. Cette démarche exhaustive indique que le rôle de counselor est souhaité par les travailleurs sociaux qui perçoivent l’aide et le soutien direct auprès des individus comme un des éléments les plus importants de leur pratique (Asquith et coll., 2005). Elle indique également que la perte ou la diminution de ce rôle dans le secteur public est l'un des enjeux majeurs rapportés par les travailleurs sociaux. Une deuxième étude a examiné la proportion de temps que 137 psychologues, 183 travailleurs sociaux et 166 counselors du réseau scolaire des États-Unis allouaient et souhaitaient allouer à 21 rôles dont ceux de counseling individuel et de groupe. Les résultats indiquent le partage du rôle de counseling entre ces groupes ainsi que l’intérêt de chacun d’eux pour ce rôle. Chacun des groupes démontre de l’intérêt pour effectuer plus de counseling individuel et de groupe, bien que ce soit déjà les principaux rôles des travailleurs sociaux et des counselors (Agresta, 2004). Les NMEP pourraient amener une diminution de ces rôles au Québec dans l’ensemble des contextes de pratique, incluant le privé.

Considérant que ces rôles sont appréciés des travailleurs sociaux, une perte de ces derniers pourrait amener divers impacts. Des chercheurs se sont d’ailleurs intéressés à l’impact de la perte d’un rôle professionnel chez des travailleurs sociaux (Schlenker & Gutek, 1987). En 1981, une importante agence publique de travail social de la côte ouest des États-Unis a réaffecté un groupe d’environ 180 travailleurs sociaux à des postes non professionnels. Une équipe de chercheurs a utilisé cet évènement pour effectuer une étude visant à déterminer l’impact de la perte d’un rôle de travail (work role) sans les différents facteurs confondants impliqués lorsqu’un individu perd son emploi. Un rôle de travail est considéré comme un « ensemble d’attentes à propos des comportements, des attitudes et des valeurs associés à une position spécifique » (Schlenker & Gutek, 1987, p. 1). Ces auteurs se sont intéressés à l’impact de la perte d’un rôle de travail en utilisant un questionnaire auprès de 66 travailleurs sociaux réassignés et 66 travailleurs sociaux non réassignés. Les chercheurs considéraient que le nouveau rôle de travail des travailleurs sociaux réassignés ne correspondrait pas à leur rôle professionnel. Un rôle professionnel étant considéré comme un ensemble d’attentes pour une carrière professionnelle spécifique. Les chercheurs ont émis l’hypothèse que les travailleurs sociaux auraient une moins grande implication et identification à leur rôle professionnel; qu’ils auraient une moins grande estime personnelle, satisfaction professionnelle et satisfaction générale; qu’on observerait une augmentation de la dépression liée au travail et de leur intention de quitter leur emploi. Les principaux résultats de cette étude indiquent que les

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Tableau 3 : Récapitulatif des méthodes de recrutement  Par courriel  Nombres de
Tableau 4 : Participants en fonction de leur région d’appartenance et de leur sexe
Graphique 1 : Perception des répondants de leur connaissance du PL 21 (N= 74)
Graphique 2 : Perception du lien entre le travail social et la psychothérapie (N= 74)
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