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Dynamique entre la culture du coton, le rôle de la femme, la sécurité alimentaire et la nutrition infantile au Burkina Faso

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Academic year: 2021

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(1)

Dynamique entre la culture du coton, le rôle de la

femme, la sécurité alimentaire et la nutrition infantile au

Burkina Faso

Mémoire

Catherine Maisonneuve

Maîtrise en nutrition

Maître ès sciences (M. Sc.)

Québec, Canada

© Catherine Maisonneuve, 2015

(2)
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iii RÉSUMÉ

Les travaux présentés dans ce mémoire ont pour but de mieux comprendre la relation existant entre la culture du coton, le rôle de la femme et la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans une région cotonnière du Burkina Faso. Les résultats démontrent une forte prévalence d’insécurité alimentaire et de dénutrition infantile et une relation dynamique entre la culture du coton, les activités quotidiennes des femmes, la sécurité alimentaire des ménages et la nutrition infantile. La charge de travail de la femme ou le temps passé à travailler au champ de coton ont été positivement associés au score d’insécurité alimentaire, tandis que leur pouvoir décisionnel sur la gestion du revenu familial l’était négativement. La qualité des soins prodigués aux enfants semblait quant à elle avoir une influence sur l’état nutritionnel des enfants. Privilégier les interventions communautaires visant à accroître le niveau d’autonomisation des femmes semblerait alors être nécessaire pour réduire la faim et la malnutrition infantile dans cette région du monde.

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(5)

v ABSTRACT

The work presented in this thesis is designed to better understand the relationship between cotton cropping, women’s role and food and nutrition security in a cotton growing region of Burkina Faso. Results show a high prevalence of food insecurity and child malnutrition and a dynamic relationship between cotton cropping, women’s daily activities, household food security and child nutrition. Women's workload or the time spent they are working in the cotton field were positively associated with the score of food insecurity, while their decision-making power on the management of family income was negatively. The quality of childcare appears to influence children’s nutritional status. Giving priority to community interventions to increase women's level of empowerment seems to be necessary to reduce hunger and child malnutrition in this region of the world.

(6)
(7)

vii TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... iii

ABSTRACT ... v

TABLE DES MATIÈRES ...vii

LISTE DES TABLEAUX ... xi

LISTE DES FIGURES ... xiii

LISTE DES ABRÉVIATIONS ET DES SIGLES ... xv

REMERCIEMENTS ... xix

AVANT-PROPOS ... xxi

INTRODUCTION GÉNÉRALE ... 1

CHAPITRE 1 : RECENSION DES ÉCRITS ... 3

1.1. Portrait actuel de la nutrition dans le monde ... 3

1.1.1. Situation de l’insécurité alimentaire ... 3

1.1.2. Situation de la sous-alimentation ou de la faim ... 4

1.1.3. Situation de la dénutrition infantile ... 6

1.2. Commercialisation de l’agriculture et sécurité alimentaire et nutritionnelle 9 1.2.1. L’agriculture et la sécurité alimentaire et nutritionnelle ... 9

1.2.2. Historique de la commercialisation de l’agriculture ... 9

1.2.3. Conceptualisation des relations entre cultures de rente et nutrition ... 10

1.2.4. Impacts des cultures de rente sur la sécurité alimentaire ... 11

1.2.5. Impacts des cultures de rente sur l’état nutritionnel des enfants ... 14

1.2.6. Situation actuelle au Burkina Faso ... 18

1.2.6.1. Portrait socioéconomique ... 18

1.2.6.2. Contexte sanitaire et nutritionnel... 19

1.2.6.3. Aperçu sur l’agriculture ... 20

1.2.6.4. La culture du coton ... 20

1.3. Les femmes et la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique ... 22

1.3.1. Rôle de la femme ... 22

1.3.2. Inégalités entre hommes et femmes ... 23

1.3.2.1. Place limitée dans le système de l’éducation ... 23

1.3.2.2. Faible reconnaissance sur le marché du travail ... 24

1.3.2.3. Faible accès à la terre ... 24

1.3.2.4. Pouvoir d’expression limité ... 25

1.3.3. Les femmes africaines et la sécurité alimentaire et nutritionnelle ... 25

1.3.3.1. Femmes et disponibilité alimentaire ... 25

1.3.3.2. Femmes et accessibilité alimentaire ... 26

1.3.3.3. Femmes et utilisation des aliments ... 26

1.3.4. L’insécurité alimentaire au sein des ménages : exemple du Burkina Faso . 27 1.3.4.1. Situation d’insécurité alimentaire des enfants. ... 27

1.3.4.2. Situation d’insécurité alimentaire des femmes ... 28

1.3.5. Le cycle intergénérationnel de la dénutrition : exemple du Burkina Faso .. 29

(8)

viii

1.3.5.2. Dénutrition infantile ... 30

1.3.5.3. Dénutrition des femmes en âge de procréer ... 32

1.3.6. Activités quotidiennes des femmes et culture du coton ... 32

CHAPITRE 2 : HYPOTHÈSES ET OBJECTIFS ... 35

CHAPITRE 3 : MÉTHODOLOGIE GÉNÉRALE ... 37

3.1. Type d’étude et participants ... 37

3.2. Site de l’étude ... 39

3.3. Collecte des données ... 39

3.4. Variables à l’étude ... 40

3.4.1. Variables dépendantes ... 40

3.4.1.1. Évaluation de l’insécurité alimentaire ... 40

3.4.1.2. Évaluation de l’état nutritionnel des enfants ... 43

3.4.2. Variables indépendantes ... 44

3.4.3. Autres variables ... 45

3.5. Analyses statistiques ... 45

3.6. Considérations éthiques ... 46

CHAPITRE 4 : WOMEN’S EMPOWERMENT: A KEY MEDIATING FACTOR BETWEEN COTTON CROPPING AND FOOD INSECURITY IN WESTERN BURKINA FASO ... 49

4.1. Résumé ... 50

4.2. Abstract ... 51

4.3. Introduction ... 52

4.4. Methods ... 53

4.4.1. Study design and participants ... 53

4.4.2. Data collection ... 54

4.4.3. Household Food Insecurity ... 54

4.4.4. Dietary Diversity ... 55

4.4.5. Women’s Daily Activities ... 55

4.4.6. Cotton cropping ... 55

4.4.7. Statistical analysis ... 55

4.5. Results... 56

4.5.1. Baseline characteristics ... 56

4.5.2. Food and nutrition insecurity status ... 57

4.5.3. Associations between cotton cropping, women’s daily activities, and household food insecurity ... 58

4.6. Discussion ... 58

4.7. Conclusion ... 61

4.8. Acknowledgements ... 62

4.9. Statement of Competing Interests ... 62

4.10. List of Abbreviations ... 62

(9)

ix CHAPITRE 5 : RELATIONS ENTRE LA CULTURE DU COTON, LES ACTIVITÉS

QUOTIDIENNES DES FEMMES ET L’ÉTAT NUTRITIONNEL DES ENFANTS DANS QUATRE VILLAGES DE L’OUEST DU BURKINA

FASO ... 73 5.1. Abstract ... 74 5.2. Résumé ... 75 5.3. Introduction ... 76 5.4. Méthode ... 77 5.4.1. Site de l’étude ... 78 5.4.2. Population d’étude ... 78 5.4.3. Collecte de données ... 78 5.4.3.1. Mesures anthropométriques ... 79

5.4.3.2. Les activités quotidiennes des femmes... 80

5.4.3.3. Culture du coton ... 80

5.4.4. Analyses des données ... 81

5.5. Résultats ... 82

5.5.1. Caractéristiques et état nutritionnel des enfants des producteurs de coton . 82 5.5.2. Corrélations entre la culture du coton, les activités quotidiennes des femmes et l’état nutritionnel des enfants ... 83

5.5.3. Associations entre la culture du coton, les activités quotidiennes des femmes et l’état nutritionnel des enfants ... 83

5.6. Discussion ... 83

5.7. Références ... 89

6.1. Retour sur les résultats ... 98

6.1.1. Premier objectif spécifique ... 98

6.1.2. Deuxième objectif spécifique ... 99

6.2. Forces et limites de la recherche ... 100

6.3. Conclusion générale et perspectives de recherche ... 102

BIBLIOGRAPHIE ... 105

(10)
(11)

xi LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1. Principaux indicateurs de la sécurité alimentaire des ménages ... 12 Tableau 2. Nutriments de type I et de type II ... 31 Tableau 3. Caractéristiques de l’étude « Déterminants de la sécurité alimentaire et de la

malnutrition infantile en zone cotonnière au Burkina Faso » ... 37 Tableau 4. Caractéristiques des régions cotonnières de l'étude en 2010-2011 ... 39 Tableau 5. Questions du HFIAS et du HHS ... 42 Tableau 6. État nutritionnel des enfants de cinq ans et moins selon les indices

nutritionnels et les scores z obtenus à partir des courbes de croissance de l'OMS de 2006 ... 44 Tableau 7. Distribution of participants during the pre-harvest period ... 66 Tableau 8. Characteristics of participating households ... 67 Tableau 9. Household food insecurity prevalence and related conditions during the

pre-harvest period of 2012 ... 69 Tableau 10.Multivariate linear regression model examining the effects of cotton

cropping and women’s daily activities on household food insecurity status in rural Burkina Faso ... 70 Tableau 11. Multivariate linear and logistic regression models of the effects of cotton

cropping on women’s daily activities, that are related to household food

insecurity status, in rural Burkina Faso... 71 Tableau 12. Caractéristiques des enfants de producteurs de coton de l'Ouest du

Burkina Faso ... 92 Tableau 13. Corrélations entre l’état nutritionnel des enfants et le score de l'échelle de

l’accès déterminant l’insécurité alimentaire des ménages (HFIAS) ... 92 Tableau 14.Corrélations entre la culture du coton et les activités quotidiennes des

femmes ... 93 Tableau 15.Corrélations entre la culture du coton, les activités quotidiennes des

femmes et l’état nutritionnel des enfants ... 94 Tableau 16.Modèles de régressions linéaires multivariées examinant l'impact de la

culture du coton et des activités quotidiennes des femmes sur l'état

(12)
(13)

xiii LISTE DES FIGURES

Figure 1. Cadre conceptuel de la relation existant entre la pauvreté, l'insécurité

alimentaire et la malnutrition maternelle et infantile ... 5 Figure 2. La faim dans le monde en 2014... 8 Figure 3. Liens potentiels entre la commercialisation de l'agriculture et la sécurité

alimentaire et nutritionnelle des ménages ... 11 Figure 4. Situation géographique du Burkina Faso ... 18 Figure 5. Type de dénutrition infantile selon la déficience en nutriments de type I ou

type II ... 31 Figure 6. Site de l'étude ... 41 Figure 7. Site de l'étude ... 79

(14)
(15)

xv LISTE DES ABRÉVIATIONS ET DES SIGLES

AGR Activités génératrices de revenus

AICB Association Interprofessionnelle du Coton du Burkina

FAO Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (Food and Agriculture Organization of the United Nations)

FASO COTON Association professionnelle des Sociétés de Coton du Burkina HAZ Score z de l’indice longueur/taille pour âge (lenght/height-for-age

z- score)

HDDS Score de diversité alimentaire des ménages (Household Dietary Diversity Score)

HFIAS Échelle de l’accès déterminant l’insécurité alimentaire des ménages (Household Food Insecurity Access Scale)

HHS Indice domestique de la faim (Household Hunger Score)

IFPRI Institut International de Recherche sur les Politiques Alimentaires (International Food Policy Research Institute)

IMC Indice de masse corporelle

INERA Institut National de l’Environnement et de Recherches Agricoles OMD Objectifs du millénaire pour le développement

OMS Organisation mondiale de la santé

PAM Programme Alimentaire Mondial

PIB Produit intérieur brut

PNSR Programme National du Secteur Rural SOCOMA Société cotonnière du Gourma

SOFITEX Société burkinabè des fibres textiles

SUN Renforcement de la Nutrition (Scaling Up Nutrition) UNICEF Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (United Nations

(16)

xvi

WAZ Score z de l’indice poids pour âge (weight-for-age z-score) WHZ Score z de l’indice poids pour taille (weight-for-height z-score)

(17)

xvii Un seul doigt ne peut prendre un caillou. -Proverbe africain

(18)
(19)

xix REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier les participants de ce projet sans qui l’étude n’aurait pu être réalisée. Ces familles d’agriculteurs ont pris le temps de répondre à chacune des questions malgré leur horaire très chargé.

Ensuite, je voudrais dire mille mercis à ma directrice, Dre Thérèse Desrosiers, et mon co-directeur de maîtrise, Dr Dia Sanou. Ils ont toujours été disponibles pour me donner de judicieux conseils, me soutenir et m’encourager malgré tout. Je suis très heureuse d’avoir pu faire partie de leur équipe de recherche et j’espère avoir l’opportunité, un jour, de collaborer de nouveau avec eux.

J’ai une pensée pour les gens que j’ai rencontrés au Burkina Faso à l’été 2012. Pour leur accueil et leur générosité, je voudrais remercier : l’équipe de l’INERA de Saria et Dr Korodjouma Ouattara; les enquêteurs de l’étude, soit Roukyatou Dera, Hamidou Kaboré, Idrissa Sidibé et Zohinebou Dera; les stagiaires au baccalauréat en nutrition de l’Université d’Ottawa qui m’ont accompagnée, soit Annabelle Drolet et Léa Décarie-Spain; ainsi que les guides, les autorités locales et les enfants des différents villages visités. Je garde de très beaux souvenirs des moments passés avec ces personnes.

Je tenais à remercier Mme Hélène Crépeau et Dre Denise Ouellet qui m’ont guidée pour les multiples analyses statistiques de mon projet ainsi que Mme Rosanne Blanchet qui m’a donné des conseils tout au long de ma formation.

Merci aux donateurs du Fonds Jean-Paul Houle de la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval pour les bourses de maîtrise, aux donateurs du Fonds de l’Université Laval pour les bourses de leadership social et scientifique, au Bureau international pour la bourse de mobilité offerte et à l’AELIÉS pour leur subvention pédagogique lors de ma participation au Nutrition Congress Africa 2012. Je dis merci au Programme de développement de la recherche et de l’intégrité de la Faculté des sciences de la santé de l’Université d’Ottawa et au Center for International Governance Innovation of Canada (CIGI) qui ont financé le projet de recherche au Burkina Faso. Je tiens également à souligner le soutien financier de mon co-directeur de recherche, Dr Dia Sanou, lors de la

(20)

xx

collecte de données au Burkina Faso et de ma directrice de recherche, Dre Thérèse Desrosiers, pour le congrès en Afrique du Sud.

Finalement, merci à mes anciennes «mentors» de l’INSPQ et mes collègues de travail qui m’en font découvrir un peu plus chaque jour sur le monde de la recherche. Je remercie mes amis de la Gaspésie, du BAC en nutrition et du voyage au Mali pour leur amitié et pour tous les bons moments passés ensemble. Je veux remercier Audrey d’avoir lu ce mémoire sans aucune hésitation. Merci à ma famille, surtout à mes parents qui m’ont toujours encouragée dans mes études et mes projets de vie. Enfin, merci à l’homme de ma vie, Mohamed, qui a toujours été là pour moi.

(21)

xxi AVANT-PROPOS

Ce mémoire comprend l’article « Women’s Empowerment : A Key Mediating Factor between Cotton Cropping and Food Insecurity in Western Burkina Faso » et l’article « Relations entre la culture du coton, les activités quotidiennes des femmes et l’état nutritionnel des enfants dans quatre villages de l’Ouest du Burkina Faso ». À titre de première auteure, j’ai participé à l’ensemble des étapes du projet de recherche. J’ai rédigé la proposition de recherche, fait une demande au comité d’éthique, coordonné la collecte de données, effectué la saisie de données, fait les analyses statistiques et rédigé ces deux articles scientifiques. Le premier article qui se retrouve en intégralité au chapitre 4 de ce document a été publié dans la revue en libre accès Journal of Food Security, Vol. 2, No. 2, 51-58 le 30 juin 2014 (http://pubs.sciepub.com/jfs/2/2/2/index.html). Le deuxième article se retrouve au chapitre 5 et sera soumis sous peu à la Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique.

Mon projet de maîtrise s’est inséré dans une étude découlant d’un partenariat entre l’Université d’Ottawa, l’Institut National de l’Environnement et Recherches Agricoles (INERA) et l’Université Laval. Ainsi, plusieurs experts ont pu m’aider à perfectionner les articles. Mon co-directeur Dr Dia Sanou, qui est le chercheur principal de ce grand projet et Dre Thérèse Desrosiers, ma directrice de maîtrise, m’ont grandement aidée à structurer et à déterminer les points essentiels de ces deux articles. Ils ont fait plusieurs lectures des documents et ont suggéré plusieurs modifications. Dr Korodjouma Ouattara, le co-chercheur responsable du projet au Burkina Faso, Dre Constance Nana et Dr Sanni Yaya, tous deux collaborateurs du projet de l’Université d’Ottawa, ont contribué à l’élaboration du protocole de recherche, ont fait une lecture des articles et m’ont fait part de leurs commentaires. Enfin, Mme Rosanne Blanchet, candidate au doctorat en santé des populations à l’Université d’Ottawa, a fait une lecture et m’a, elle aussi, prodigué quelques conseils quant à l’interprétation des données du premier article.

(22)
(23)

1 INTRODUCTION GÉNÉRALE

Le droit à l’alimentation a été reconnu officiellement en 1948 dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme [1]. En 2000, tous les pays du monde et plusieurs grandes institutions mondiales ont approuvé un plan de développement dressant huit objectifs à atteindre pour l’an 2015 [2]. Le premier objectif du millénaire pour le développement (OMD) consistait, entre autres, à réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population qui souffre de la faim. L’objectif n’est toujours pas atteint. Un programme de développement durable universel a donc été dressé pour l’après-2015. Le deuxième objectif de ce programme n’est rien de moins qu’éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir une agriculture durable pour tous d’ici 2030 [3,4].

L’insécurité alimentaire et la malnutrition infantile représentent des problèmes de santé mondiale [5–7]. En effet, un neuvième de la population mondiale souffre de la faim et un enfant décède à toutes les dix secondes de malnutrition [6,8,9].

Avec les crises alimentaires des dernières années et grâce à plusieurs mouvements mondiaux, tels que le mouvement SUN (Renforcement de la Nutrition; Scaling Up Nutrition), l’agriculture a été remise à l’agenda comme facteur clé de la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations des pays en voie de développement [5,10]. Plusieurs interventions agricoles ont été mises en place dans le but de réduire la prévalence de la pauvreté et de la malnutrition de ces populations. La commercialisation de l’agriculture en est un exemple [11]. Au Burkina Faso, cette stratégie, qui débuta à la fin des années 1960 avec la culture du coton, propulsa l’économie des communautés rurales [12]. Toutefois, plusieurs auteurs remirent en question les bienfaits des cultures de rente sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages agriculteurs [13]. Certains ont suggéré que les cultures de rente pouvaient nuire à la dynamique existant entre le rôle de la femme et la sécurité alimentaire des ménages et la nutrition infantile [14]. Il y a donc lieu de croire que la culture du coton pourrait influencer la relation existant entre les activités quotidiennes des femmes, la sécurité alimentaire des ménages et l’état nutritionnel des enfants au Burkina Faso.

(24)

2

Ce mémoire se divise en six chapitres. Le premier fait une recension des écrits sur le portrait actuel de la nutrition dans le monde, l’impact potentiel de l’intensification de la commercialisation de l’agriculture sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle ainsi que la situation et le rôle des femmes en Afrique. Le deuxième chapitre traite des hypothèses et des objectifs et le chapitre 3, des considérations méthodologiques, de ce projet de recherche. Le quatrième chapitre présente une étude qui visait à évaluer les associations existant entre la culture du coton, les activités quotidiennes des femmes et l’insécurité alimentaire des ménages au Burkina Faso. Un article sur cette étude a été publié dans la revue Journal of Food Security le 30 juin 2014, Vol.2, No. 2, 51-58. Le cinquième chapitre expose une seconde étude qui avait pour but d’examiner la relation entre la culture du coton, les activités quotidiennes des femmes et l’état nutritionnel des enfants au Burkina Faso. Finalement, une discussion et une conclusion générales se retrouvent au chapitre 6. Plusieurs pistes de réflexion y sont présentées.

(25)

3 CHAPITRE 1 : RECENSION DES ÉCRITS

1.1. Portrait actuel de la nutrition dans le monde

1.1.1. Situation de l’insécurité alimentaire

La sécurité alimentaire a été définie lors du Sommet mondial de l’alimentation en 1996 comme étant lorsque « toutes les personnes, en tout temps, ont économiquement, socialement et physiquement accès à une alimentation suffisante, sure et nutritive qui satisfait leurs besoins nutritionnels et leurs préférences alimentaires pour leur permettre de mener une vie active et saine » [15].

La situation de sécurité alimentaire est caractérisée par la qualité et la quantité des aliments ingérés en tenant compte à la fois des piliers ou domaines suivants : 1) la disponibilité alimentaire, 2) l’accessibilité alimentaire et 3) l’utilisation des aliments. La stabilité de la situation dans le temps est également évaluée, soit à travers les domaines de la disponibilité et de l’accessibilité alimentaire, soit en en faisant un domaine à part entière [16].

La sécurité alimentaire peut être observée d’un point de vue mondial, national, régional, des ménages ou individuel [17,18]. Notons que le terme « ménage » réfère à un groupe de personnes qui vivent ensemble, partagent les mêmes repas et ont le même chef de ménage [19]. Dans la plupart des cas, et dans la présente étude, la sécurité alimentaire a été évaluée au niveau des ménages. Plus de détails sur cet aspect sont présentés à la section 1.2.3 du présent document.

La pauvreté, les instabilités environnementales, les crises politiques, le faible pouvoir décisionnel des plus pauvres tels que les agriculteurs, ainsi que les stratégies d’urgence et les systèmes de sécurité sociale quasi inexistants sont des facteurs pouvant engendrer l’insécurité alimentaire dans un pays [5,20,21]. Selon la cause et la durée de cet état de précarité, l’insécurité alimentaire est considérée comme étant chronique ou transitoire. Par exemple, l’insécurité alimentaire transitoire, qui est d’une durée déterminée dans le temps (temporaire), peut être causée par une sécheresse ou par une instabilité politique, tandis que l’insécurité alimentaire chronique, qui est d’une durée indéterminée dans le temps (à long terme), peut être causée par la pauvreté ou le décès d’un membre actif de la famille.

(26)

4

L’insécurité alimentaire perturbe le bien-être des communautés et des individus, car en plus d’amener de l’anxiété au sein du ménage, celle-ci peut altérer la cohésion sociale et avoir des conséquences psychologiques négatives pour les membres de la famille [22]. L’insécurité alimentaire nuit également à la sécurité nutritionnelle de ces personnes (figure 1). La sécurité alimentaire et nutritionnelle « existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique, social et économique à une nourriture saine dont la quantité consommée et la qualité sont suffisantes pour satisfaire les besoins énergétiques et les préférences alimentaires des personnes, et dont les bienfaits sont renforcés par un environnement dans lequel l’assainissement, les services de santé et les pratiques de soins sont adéquats, le tout permettant une vie saine et active » [16,23].

Encore aujourd’hui, il est difficile d’estimer l’ampleur de l’insécurité alimentaire à l’échelle mondiale. Puisque le concept de la sécurité alimentaire est très complexe, la plupart des outils n’en apprécient qu’un ou deux domaines à la fois [16]. Toutefois, l’indice global de sécurité alimentaire, qui a été créé en 2012 par the Economist Intelligence Unit (Royaume-Uni), permet d’évaluer la disponibilité, l’accessibilité et la qualité nutritionnelle des aliments dans 107 pays et de comparer ces derniers selon le dit indice [24]. L’indice moyen de l’Afrique subsaharienne était de 32.9/100 en 2013, tandis que l’indice global moyen était de 53.5.

1.1.2. Situation de la sous-alimentation ou de la faim

Causée par l’insécurité alimentaire, des soins inadéquats ou la maladie (figure 1), la sous-alimentation est présente lorsque les apports en énergie d’un individu sont inférieurs à ses besoins minimaux pour lui permettre de mener une vie active et maintenir un poids acceptable [25]. En 2012-2014, environ une personne sur neuf, soit 805 millions de personnes, souffraient de la faim [6]. Bien qu’il y ait eu une amélioration notable depuis 1990 (un milliard d’affamés à cette époque), cette proportion demeure inquiétante [2].

(27)

5

Figure 1. Cadre conceptuel de la relation existant entre la pauvreté, l'insécurité alimentaire et la malnutrition maternelle et infantile

Sources : tiré de Black et al. (2008) [9], inspiré de UNICEF (1990) [21] .

En consultant la carte de la faim dans le monde (figure 2, p.8), on peut constater que la plupart des personnes sous-alimentées vivent dans les pays en développement et que plus du quart d’entre eux se retrouvent en Afrique subsaharienne [2,26]. Selon plusieurs instances internationales, la sévérité de la faim en Afrique subsaharienne est grave, voire

(28)

6

même, alarmante [27,28]. Les communautés rurales, les femmes et les enfants demeurent les groupes les plus vulnérables face à la sous-alimentation [2,29].

1.1.3. Situation de la dénutrition infantile

La malnutrition est causée directement par des apports alimentaires nettement insuffisants ou excessifs, des soins inadéquats, ou encore, la maladie (figure 1) [8,9]. Un cercle vicieux a toutefois tendance à se créer. En effet, un enfant malnutri sera également moins résistant aux infections, tombera malade plus fréquemment, ses besoins en nutriments seront alors augmentés et son appétit diminué, ce qui empirera la malnutrition [30]. La malnutrition peut se présenter sous forme de dénutrition ou de suralimentation. Toutefois, dans les pays en voie de développement, la dénutrition est actuellement la forme prédominante de malnutrition; on observe avant tout un accès insuffisant aux aliments au niveau des ménages (insécurité alimentaire). Cette situation d’insécurité alimentaire est engendrée par un manque ou une mauvaise gestion des ressources humaines, économiques et organisationnelles qui sont les causes fondamentales de la malnutrition infantile. Par exemple, les enfants des ménages les plus pauvres seraient deux fois plus à risque d’être dénutris que ceux des ménages les plus riches [2].

Tel qu’illustré à la figure 1, les conséquences liées à la dénutrition sont multiples. À court terme, il y a augmentation du risque de mortalité, de morbidité et d’invalidité. À long terme, il y a réduction de la taille et des capacités intellectuelles à l’âge adulte, diminution des performances de reproduction et de la productivité économique, sans compter l’augmentation du risque de maladies chroniques cardio-métaboliques [9,21,31]. La pauvreté est un facteur qui prédispose à la dénutrition et cette dénutrition nuit à son tour à la croissance économique des communautés en les affaiblissant et en diminuant leur productivité au travail.

En 2011, 6,9 millions d’enfants de moins de cinq ans sont décédés dans le monde. La dénutrition infantile était alors responsable d’environ la moitié de ces décès, soit environ un décès chaque dix secondes [8,9]. Dans la même année, 30 millions (21 %, prévalence élevée selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS)) des enfants vivant en Afrique

(29)

7 subsaharienne souffraient d’insuffisance pondéralei, 13 millions (9 %, prévalence moyenne

selon l’OMS) étaient émaciésii et 57 millions (40 %, prévalence très élevée selon l’OMS)

présentaient un retard de croissanceiii [2,32,33].

Notons que dans le contexte de mondialisation actuelle, en plus de l’adoption d’un mode de vie de plus en plus sédentaire, une transition nutritionnelle est observée dans la plupart des pays en voie de développement [34,35]. L’alimentation peu diversifiée, riche en fibres et faible en énergie a été remplacée en quelques décennies par une alimentation plus diversifiée, mais certes plus pauvre en fibres et plus riche en graisses saturées, en sucres concentrés et en sodium [34,35]. Ainsi, en plus de la proportion importante de dénutrition infantile, la proportion d’enfants en surpoids est passée de 3% à 7% entre 1990 et 2011 [2]. Ce double fardeau de la malnutrition contribue, entre autres, à l’augmentation de la prévalence mondiale de maladies chroniques telles que l’hypertension, le diabète, les maladies cardiovasculaires ainsi que certains cancers [35].

En somme, l’insécurité alimentaire et la malnutrition infantile demeurent encore aujourd’hui un problème de santé mondiale. La lutte contre ces fléaux est au cœur de l’agenda du développement international. Pour y parvenir, il est essentiel de mieux comprendre l’ensemble des facteurs qui y contribuent.

Chez les enfants de cinq ans et moins [33]:

i L’insuffisance pondérale correspond à un faible poids pour leur âge ; ii L’émaciation représente un faible poids pour leur taille ;

iii Le retard de croissance est défini comme une petite taille pour leur âge. Pour plus de détails, consulter la section 1.3.

(30)

8

Figure 2. La faim dans le monde en 2014

(31)

9 1.2. Commercialisation de l’agriculture et sécurité alimentaire et

nutritionnelle

1.2.1. L’agriculture et la sécurité alimentaire et nutritionnelle

Plusieurs initiatives ont été mises en place au cours des dernières années pour lutter contre la malnutrition et l’insécurité alimentaire des populations vivant dans les pays en voie de développement à travers plusieurs secteurs, dont celui de l’agriculture [36]. Pour y parvenir, il est maintenant reconnu que des politiques, programmes et interventions spécifiques ou sensibles à la nutrition doivent être développés [10,37]. Qu’en est-il de la commercialisation de l’agriculture ?

1.2.2. Historique de la commercialisation de l’agriculture

Les cultures de rente, autrement dit les cultures destinées à la vente et/ou à l’exportation, comme le café, le tabac, le coton, l’arachide, la canne à sucre et le thé, ont été développées en Afrique subsaharienne durant la période coloniale (1880-1960) [38]. En effet, le travail forcé et l’esclavage ont permis aux pays colonisateurs de mettre la main sur de nombreuses matières premières qu’offraient les terres africaines, et ce, à très faible coût [39]. À titre d’exemple, la culture du coton a été rendue obligatoire au Burkina Faso entre 1924 et 1930. En plus des champs réservés aux cultures vivrières, soit les cultures de céréales, de légumes et des autres aliments, les agriculteurs de chaque village devaient cultiver un champ collectif de coton de quatre hectares pour mille habitants [40]. Le coton était par la suite exporté dans la métropole.

Lorsque les pays africains ont acquis leur indépendance, les leaders politiques renforcèrent peu à peu les infrastructures et les institutions déjà présentes pour faire valoir les cultures de rente auprès des agriculteurs [39,40]. Afin de favoriser la croissance économique de leur pays et de réduire le taux de pauvreté des communautés rurales, l’intensification de la commercialisation de l’agriculture fut promue à la fin des années 1960 [13].

À peine quelques années plus tard, plusieurs études remettaient déjà en question cette orientation commerciale du secteur agricole. Celles-ci soutenaient que l’intensification des cultures de rente pouvait entrer en conflit avec la santé et la nutrition des populations vivant dans les pays en voie de développement [13,41,42]. La présente section tentera donc de

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10

mettre en lumière la dynamique existant entre les cultures de rente et la nutrition en se référant aux travaux antérieurs.

1.2.3. Conceptualisation des relations entre cultures de rente et nutrition

Kennedy et al. (1992) ont proposé un modèle conceptuel permettant d’avoir une vision globale qu’ont pu avoir l’intensification des cultures de rente sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages pratiquant ce type d’agriculture dans les pays en voie de développement (figure 3) [14].

Les auteurs ont alors émis l’hypothèse selon laquelle la commercialisation de l’agriculture peut engendrer une redistribution de la production agricole, de l’emploi et du temps de travail au sein des ménages.

D’abord, la commercialisation de l’agriculture peut réduire la production vivrière des ménages, et par le fait même, diminuer leurs réserves alimentaires. D’un autre côté, les produits commercialisés peuvent rapporter un revenu supplémentaire au ménage, leur permettant ainsi d’acheter plus de nourriture au marché, ou encore, la même quantité si le prix des denrées est augmenté par une offre diminuée et une demande augmentée. Cet argent peut également servir à défrayer les coûts de soins de santé, d’approvisionnement en eau potable, d’installations sanitaires, d’éducation des enfants, d’équipements agricoles, de vêtements, d’un mariage ou autres célébrations, de moyens de transport et de communication.

Ensuite, comme la quantité de main d’œuvre nécessaire pour la production de coton est supérieure à celle des cultures vivrières, elle peut entraîner l’embauche d’autres agriculteurs et ainsi nuire à la proportion du revenu contrôlé par les femmes. Toutefois, la création d’emplois peut augmenter l’investissement communautaire dans les soins de santé et les services sociaux et les rendre alors plus facilement disponibles et accessibles aux membres de la communauté.

Enfin, le temps de travail alloué à la production des cultures de rente, souvent plus prenante que celle des cultures vivrières, peut augmenter la charge de travail des femmes, réduisant ainsi le temps qu’elles ont pour prendre soin de leurs enfants. La commercialisation de

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11 l’agriculture influencerait alors de manière indirecte les apports alimentaires des ménages, et donc, les taux de dénutrition, de morbidité et de mortalité infantile dans ces pays.

Figure 3. Liens potentiels entre la commercialisation de l'agriculture et la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages

Source : tiré de Kennedy et al. (1992) [14].

1.2.4. Impacts des cultures de rente sur la sécurité alimentaire

Tel que mentionné à la section 1.1.1, la sécurité alimentaire est présente, lorsqu’en tout temps, toutes les personnes ont un accès économique, social, physique et durable à une nourriture suffisante, sure et nutritive pour mener une vie active et saine [15]. Ce concept

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12

complexe peut donc être apprécié par l’évaluation des différents piliers ou domaines de la disponibilité alimentaire, de l’accessibilité alimentaire, de l’utilisation des aliments et de la stabilité dans le temps [16]. Le tableau suivant présente les principaux indicateurs de la sécurité alimentaire au niveau des ménages.

Tableau 1. Principaux indicateurs de la sécurité alimentaire des ménages

Piliers Indicateurs

Disponibilité Transport et distribution alimentaire

Entreposage (conditions et stocks) et transformation des aliments Accès à la terre

Productions agricoles et bétail Superficie des terres cultivées Rendement agricole

Commerce alimentaire Accessibilité Sources de revenus et actifs

Pouvoir d’achat et dépenses Accès au crédit

Distribution des ressources au sein du ménage

Prix des produits alimentaires et non alimentaires sur le marché Diversité alimentaire

Utilisation Connaissances en nutrition Apports alimentaires

Préparation des aliments, pratiques d’allaitement et alimentation complémentaire

Traditions culturelles

Accès à des sources d’eau et des installations d’assainissement améliorées

Accès aux infrastructures sanitaires

Prévalence de malnutrition : retard de croissance, insuffisance pondérale, émaciation (enfants), poids insuffisant (adultes) et obésité (enfants et adultes)

Prévalence de carences en micronutriments Stabilité Stabilité environnementale

Stabilité politique Fluctuation des prix Stocks alimentaires Stabilité d’emploi

Diversification des activités génératrices de revenus Stratégies d’urgence

Systèmes de sécurité sociale

Accès aux soins de santé, à l’eau potable et aux installations sanitaires Variations saisonnières

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13 Plusieurs recherches ont été faites entre la fin des années 1970 et 1990 quant aux impacts de l’intensification de la commercialisation de l’agriculture sur la sécurité alimentaire des ménages vivant dans les pays en voie de développement. Des études ont été menées par l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) au Guatemala, aux Philippines, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, en Inde, au Kenya, au Rwanda, en Zambie, au Malawi, en Sierra Leone et en Gambie [13]. La plupart de ces études ont analysé l’influence de l’intensification des cultures de rente sur la sécurité alimentaire en évaluant la consommation alimentaire (utilisation) ou les dépenses alimentaires (accessibilité) des ménages. Bien que les cultures de rente soient la plupart du temps associées à une augmentation des revenus des ménages, la consommation et les dépenses alimentaires diffèrent selon les cas [14]. La proportion d’achats effectués pour des biens alimentaires et non-alimentaires expliquerait ces variations. Par exemple, au Rwanda, une augmentation des revenus de 10 % suite à la production intensive de pommes de terre a été associée à une augmentation de seulement 5 % de la consommation alimentaire [13]. Certaines recherches ont également mesuré la disponibilité alimentaire des ménages en évaluant la superficie réservée aux cultures vivrières, la production agricole ainsi que la stabilité des stocks alimentaires suite à l’intensification d’une culture de rente. Govereh et Jayne (2003) ont tenté d’établir les mécanismes par lesquels la culture de coton influençait le système de cultures vivrières au Zimbabwe en 1996 [49]. Les agriculteurs produisant de manière plus intensive le coton avaient tendance à avoir des rendements plus élevés pour la production de maïs que ceux ne produisant pas le coton. Les mêmes observations ont été faites au Guatemala avec la culture de légumes d’exportation [50]. La superficie réservée aux cultures vivrières était moins grande chez ces producteurs, mais par le meilleur accès aux intrants et au crédit, le rendement était augmenté et la production totale demeurait donc stable suite à l’introduction de la culture de légumes d’exportation. La compétitivité pour les terres et les périodes de récolte pourraient, dans certains cas, diminuer la diversité des cultures vivrières produites par les ménages [41].

Idéalement, la mesure de la sécurité alimentaire, concept complexe et multidimensionnel, serait faite à l’aide d’outils qui tiennent compte des différents domaines afin de donner une vision plus globale de la situation vécue par les ménages [16]. Par exemple, l’Échelle de

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14

l’accès déterminant l’insécurité alimentaire des ménages (HFIAS) a été développée dans le but de mesurer la sévérité de l'insécurité alimentaire dans sa globalité (plus spécifiquement pour les domaines de la disponibilité et de l’accessibilité des aliments) à partir de l’expérience formulée directement par les ménages des pays en voie de développement [16,51]. Cet outil, validé à maintes reprises, est maintenant reconnu pour son efficacité à distinguer les ménages qui vivent en situation d’insécurité alimentaire de ceux qui n’en vivent pas [52]. À notre connaissance, aucune étude n’a utilisé cette échelle pour évaluer l’impact des cultures de rente sur la sécurité alimentaire des ménages.

1.2.5. Impacts des cultures de rente sur l’état nutritionnel des enfants

Plusieurs études ont apprécié les impacts des cultures de rente sur l’état nutritionnel des enfants. Les conclusions divergent grandement d’une étude à l’autre. D’abord, une association négative significative entre la production de café, de cacao et d’huile de palme et l’état nutritionnel des enfants a été constatée en Sierra Leone [13,53]. L’étude menée en 1988 et 1989 dans trente villages du Sud du pays incluait 52 nouveaux et 47 anciens agriculteurs de plantations et 40 autres agriculteurs de cultures vivrières [13]. Malgré que les enfants des producteurs de cultures de rente avaient une consommation calorique et protéique supérieure à celle des enfants des autres agriculteurs, la prévalence de la dénutrition demeurait significativement plus élevée chez ces enfants. En effet, si l’on compare les enfants des agriculteurs de plantations aux enfants des autres agriculteurs, 0,0 à 3,7 % contre 0,0 à 2,7 % étaient émaciés, 29 à 48 % contre 30 à 39 % présentaient un retard de croissance et 26 à 59 % contre 22 à 43 % présentaient de l’insuffisance pondérale [53]. La taille du ménage était significativement associée à la consommation calorique des membres du ménage. Plus la taille du ménage était petite, plus la consommation calorique par membre du ménage était grande. L’augmentation des revenus provenant des plantations sur le revenu total n’était toutefois pas associée à la consommation calorique des membres du ménage. Les conditions d’hygiène et de santé n’ont pas été évaluées dans cette étude. Les auteurs conclurent que ces cultures de rente entraient en compétition avec les cultures vivrières en ce qui concerne la terre et la répartition du temps de travail. Bien que les femmes travaillaient beaucoup à la production de ces cultures, celles-ci étaient exclues en ce qui concerne le marketing et la vente, et étaient faiblement rémunérées pour le travail accompli.

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15 Aucune relation significative n’a été observée entre l’état nutritionnel des enfants et la production de canne à sucre au Kenya et la production de maïs et de tabac au Malawi [42]. En effet, les résultats de l’étude conduite dans 440 ménages vivant à l’Ouest du Kenya entre 1984 et 1986 suggèrent que la production de canne à sucre augmentait d’environ 25 % les revenus des ménages de la région. Toutefois, les apports caloriques par équivalent-adulte ne semblaient pas être augmentés de manière significative avec la pratique de ce type d’agriculture [54]. De plus, les scores z moyens des indices de l’état nutritionnel étaient similaires entre les deux groupes, soit d’environ -0,07 pour l’indice poids pour taille, -1,70 pour l’indice taille pour âge et -1,10 pour l’indice poids pour âge [13]. Les auteurs exprimèrent que l’absence de relation significative entre ces cultures de rente et l’état nutritionnel des enfants était due à la gestion non optimale des revenus au sein des ménages et à des soins de santé et d’hygiène inchangés, malgré une augmentation de revenus [54].

Une association positive significative a été observée entre l’état nutritionnel des enfants et la production de pommes de terre au Rwanda, la production de maïs hybride en Zambie et la production de riz irrigué en Gambie [42]. Par exemple, au Rwanda, la Banque Mondiale a permis, à partir des années 1980, l’exploitation de nouvelles terres pour la culture de pommes de terre. L’exploitation de ces nouvelles terres s’est révélée être associée à une augmentation des revenus et des apports caloriques des ménages. Les enfants des agriculteurs produisant des pommes de terre sur les nouvelles terres présentaient de meilleurs indices nutritionnels comparativement aux enfants des autres agriculteurs, soit 0,31 contre 0,28 score z pour l’indice poids pour taille; -1,22 contre -1,68 score z pour l’indice taille pour âge et -0,46 contre -0,71 score z pour l’indice poids pour âge [13,55]. Ces cultures ne sont pas que des cultures commerciales, elles sont aussi des cultures vivrières. Cela pourrait expliquer la différence observée avec les études présentées précédemment [56]. Contrairement aux productions de café, cacao, huile de palme (Sierra Leone) et canne à sucre (Kenya), les pommes de terre, le maïs et le riz peuvent être consommés par les ménages en cas de besoin. Notons que les mesures anthropométriques des enfants étaient également fortement associées aux indicateurs de santé et d’hygiène [11].

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16

Les différentes méthodologies et indicateurs utilisés par les auteurs peuvent aussi expliquer les divergences observées dans la littérature. Dans les exemples présentés précédemment, on peut voir, entre autres, que Scott (1988) et Kennedy et Cogill (1988) ont comparé les scores z moyens des différents indices de l’état nutritionnel (variables continues), tandis que Bellin (1994) a comparé la proportion d’enfants présentant un retard de croissance, une émaciation ou une insuffisance pondérale [53–55]. Les auteurs peuvent également avoir contrôlé leurs analyses statistiques selon différentes variables telles que le niveau d’éducation de la mère, la taille du ménage et les indicateurs de santé et d’hygiène [53–56]. On observe que l’amélioration du statut économique des ménages semble être un déterminant de l’état nutritionnel chez les enfants, sans toutefois, en être le seul. En effet, la sécurité alimentaire et nutritionnelle des enfants est complexe et dépend aussi, par exemple, des soins de santé, des installations sanitaires et des pratiques nutritionnelles [5,14]. La diarrhée, qui peut être contractée lors d’une infection due le plus souvent à des conditions hygiéniques non adéquates, est un bon exemple d’un facteur non alimentaire pouvant causer la malnutrition chez les enfants [31,57].

De plus, l’augmentation des revenus suite à l’intensification des cultures de rente, s’il y a lieu, peut avoir différents impacts indépendamment du montant total perçu par le ménage. En effet, les versements continus ou périodiques, l’argent comptant ou le crédit et la gestion de l’argent par l’homme et/ou la femme peuvent influencer l’achat de biens alimentaires ou non alimentaires [57]. Par le passé, les versements périodiques ont été associés à un achat accru en biens non alimentaires tels que les bicyclettes, les matériaux de construction et les frais de scolarisation des enfants [57].

La proportion de terres réservées aux cultures de rente par rapport à celles des cultures vivrières peut également avoir une influence sur l’état nutritionnel des enfants. Rabeneck (1982) a observé que le taux d’enfants kényans présentant un retard de croissance chez les producteurs cultivant à la fois le café et des cultures vivrières était plus faible que chez ceux produisant exclusivement le café [57,58].

Notons enfin que les politiques et les infrastructures entourant l’implantation de l’intensification des cultures de rente ainsi que la fluctuation des prix sur le marché

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17 international peuvent aussi avoir un impact sur l’état nutritionnel des enfants [41,42]. Par exemple, les interventions d’intensification des cultures de rente qui investissent dans plusieurs types de capitaux (ex. : développement durable, support financier, support pour obtenir du matériel agricole, participation active des communautés concernées et éducation en nutrition, techniques agricoles et considérations du genre) auraient un meilleur impact sur l’état nutritionnel des enfants [59].

Récemment, des enquêtes réalisées au Mali ont classé la région la plus grande productrice de coton, nommée Sikasso, comme l’endroit où les enfants sont les plus malnutris [60]. Delarue et al. (2009) et Dury & Bocoum (2012) ont tenté de comprendre ce que l’on désigne aujourd’hui comme le paradoxe de Sikasso [61,62]. En 2006, la région de Sikasso affichait la plus haute prévalence de retard de croissance chez les enfants de moins de cinq ans au Mali (45 % contre 38 % dans le reste du pays), et ce, malgré sa forte production agricole de coton et de céréales, le haut niveau de scolarisation de ses ménages ainsi que son capital important en biens durables (ex. : terres, équipements agricoles, animaux de trait) [61,62]. Les ménages de la région de Sikasso semblent également bénéficier de meilleurs services de santé, d’un meilleur accès à l’eau potable et d’une meilleure infrastructure routière comparativement aux autres régions du pays. La consommation calorique moyenne (2071 contre 2245 kcal/j par personne) et le score de diversité alimentaire (5,9/12 contre 6,6/12) demeurent pourtant significativement inférieurs dans les ménages en milieu rural de cette région comparativement à ceux des autres régions rurales du Mali [61,62].

Ce paradoxe pourrait s’expliquer d’abord par un haut taux d’activité chez les femmes de cette région (80 % des femmes travaillaient comparativement à 61 % dans le reste du pays). Celles-ci auraient donc peut-être moins de temps pour s’occuper de leurs enfants. Aussi, le nombre d’enfants de moins de 15 ans semblerait influencer négativement la consommation calorique des membres des ménages. Enfin, il se pourrait que les ménages épargnent et se procurent davantage de biens non-alimentaires (ex. : machinerie agricole, maison) au détriment de biens alimentaires. Les auteurs concluent que la relation agriculture-nutrition-santé est complexe et mérite une recherche plus approfondie.

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18

1.2.6. Situation actuelle au Burkina Faso

1.2.6.1. Portrait socioéconomique

Le Burkina Faso est un pays de l’Afrique de l’Ouest enclavé entre le Mali, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo, le Bénin et le Niger (figure 4). Ce pays est peuplé d’environ 18 millions d’habitants dont les trois quarts (74%) vivent en milieu rural [63,64]. Les femmes ont en moyenne 5,9 enfants au cours de leur vie, ce qui explique une forte croissance démographique et que 52 % de la population soit âgée de moins de 18 ans [64].

Sur le plan économique, malgré une forte augmentation du PIB au cours des dix dernières années, le Burkina Faso demeure l’un des pays les plus pauvres au monde [65]. En 2011, 45 % de la population vivait avec moins de 1,25 dollar É.-U. par jour (ce taux atteignant 90% en milieu rural) [64,66]. L’indice de développement humainiv de 0,343

situe le Burkina Faso au 183e rang

sur 186 pays, ce qui reflète un très faible niveau de développement économique et social au pays [67]. L’économie repose avant tout sur le secteur primaire, c’est-à-dire l’agriculture et l’élevage [66].

Figure 4. Situation géographique du Burkina Faso Source : tiré de INSD (2012) [65].

En 2013, le taux d’alphabétisation était de 29 % et le taux net de scolarisation au primaire de 67 % [64]. Le Français est la langue officielle du pays tandis que le Moré, le Dioula et le

iv L’IDH est calculé à partir des indicateurs suivants : l’espérance de vie, le niveau de scolarisation et le niveau de vie

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19 Fulfulde, constituent les principales langues nationales dans ce pays composé de plus d’une soixantaine de groupes ethniques, mais dont les plus importants sont les Mossi (49 %), les Peulhs (8 %), les Gourmantché (7 %) et les Bobo (7 %) [68]. Sur le plan religieux, 61 % des individus pratiqueraient l’islam, 19 % seraient catholiques, 15 % animistes et 4 % protestants [65].

1.2.6.2. Contexte sanitaire et nutritionnel

Au Burkina Faso, l’espérance de vie à la naissance est de 56 ans [64]. En moyenne, un enfant sur sept perd la vie avant d’atteindre son cinquième anniversaire. Vingt-trois pourcent (23 %) de ces décès sont causés par les pneumonies, 20 % par le paludisme, 19 % par la diarrhée et 8 % par les problèmes néonataux [69]. Toutefois, la dénutrition rend les enfants plus vulnérables aux maladies et serait impliquée plus ou moins directement dans 55 % de tous ces décès [70]. Autrement dit, en 2013, la dénutrition aurait été responsable de plus de 50 000 décès d’enfants de moins de cinq ans [64]. Le taux de mortalité maternelle demeure également très élevé, soit de 400 décès pour 100 000 naissances [64]. Il est important de noter qu’en 2011, encore 21 % des individus n’avaient pas accès à l’eau potable et, qu’en moyenne, seulement 17 % des Burkinabè avaient accès à des installations sanitaires amélioréesv.

Selon une enquête nationale sur l’insécurité alimentaire et la malnutrition, 85 % des ménages au Burkina Faso étaient en insécurité alimentaire en 2009 [71]. L’insécurité alimentaire était alors positivement associée à un faible revenu, à une baisse des stocks alimentaires, au fait de vivre en milieu rural et d’être une femme. En 2012, 24 % des enfants souffraient d’insuffisance pondérale (poids/âge), 11 % étaient émaciés (poids/taille) et 33 % présentaient un retard de croissance (taille/âge) [72]. Les apports limités en certains aliments peuvent aussi entraîner des carences en certains nutriments. Les carences en vitamine A, en iode et en fer demeurent très fréquentes chez les enfants et les femmes. Par exemple, 88 % des enfants de 6 à 59 mois et 49 % des mères souffraient d’anémie en 2010 [65].

v On entend par installations sanitaires améliorées l’accès à des installations qui permettent d’éliminer les excréments

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20

1.2.6.3. Aperçu sur l’agriculture

Le Burkina Faso est un pays très riche en ressources naturelles. L’agriculture demeure encore aujourd’hui l’activité du secteur primaire la plus importante [66]. Les cultures vivrières sont constituées principalement de trois types de céréales : le sorgho, le maïs et le mil. Toutefois, on retrouve aussi le niébé, l’arachide, le riz et le sésame [69,73]. Les productions fruitières et légumières représentent quant à elles environ 17 % de la production agricole. Il faut noter qu’en plus des aliments issus de l’agriculture, diverses plantes sauvages telles que le fruit du karité et de nombreux légumes sont cueillis en brousse et sont consommés par la population.

Les agriculteurs possèdent en moyenne entre 3 et 6 hectares de terres, mais il existe une grande variabilité selon les régions [69]. Le rendement de ces terres varie également selon plusieurs facteurs dont les conditions climatiques et la disponibilité de l’eau [66]. Le climat tropical de ce pays de l’Afrique de l’Ouest offre deux saisons : la saison pluvieuse (juin à septembre) et la saison sèche (octobre à mai) [72]. Les récoltes ont lieu essentiellement entre les mois de septembre et de décembre [74,75]. Lors de la période pré-récolte, les ménages vivent essentiellement à partir des stocks alimentaires de leur dernière récolte, tandis que durant la période post-récolte, la nourriture est généralement plus abondante au sein des ménages.

1.2.6.4. La culture du coton

La culture du coton semble toujours avoir existé au Burkina Faso. Le coton était alors utilisé pour satisfaire les besoins domestiques. Toutefois, lors de la colonisation, une compagnie française obligea les agriculteurs à cultiver le coton [76]. Mal perçue par les communautés rurales, comme un symbole de la colonisation, la production cotonnière est demeurée faible durant cette période. Ce n’est que suite à l’indépendance et à une réforme faite par le gouvernement burkinabè que la commercialisation du coton s’est intensifiée [12,77]. La production annuelle de coton est passée de 2 772 tonnes en 1960 à 690 000 tonnes en 2007 [77,78]. Au cours des dernières années, le coton a contribué à environ 4 % du PIB et à 70 % des recettes d’exportation du Burkina Faso [78].

Le cotonnier est une plante qui se développe sous un climat tropical, requiert une terre riche et beaucoup d’eau et est particulièrement sensible aux variations de température et

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21 d’humidité [79]. En raison de la fragilité de la plante, la culture du coton se concentre dans trois zones du Sud du pays où les précipitations sont plus abondantes et le climat moins aride [78]. Les récoltes ont lieu essentiellement entre les mois de septembre et de décembre [80]. Le rendement moyen de la production de coton était d’environ 986 kg par hectare en 2007 [79,81]. À titre de comparaison, le rendement pour le même type de culture aux États-Unis était de 2 050 kg par hectare en 2008 [79]. Le faible rendement au Burkina Faso s’explique par un système de cultures non optimal. En effet, les travaux agricoles se font encore manuellement chez la plupart des producteurs, la traction animale est encore peu présente et l’utilisation des tracteurs, embryonnaire [82].

Le secteur cotonnier, privatisé depuis 2004, est contrôlé par l’Association Interprofessionnelle du Coton du Burkina (AICB) et est formé de trois sociétés cotonnières qui sont la Société burkinabè des fibres textiles (SOFITEX) dans l’Ouest du pays, la Société cotonnière du Gourma (SOCOMA) à l’Est du pays et l’Association professionnelle des Sociétés de Coton du Burkina (FASO COTON) dans le Centre du pays et de plusieurs groupements de producteurs de coton [78].

Aujourd’hui, le coton est produit par environ 250 000 agriculteurs et fait vivre 2 millions de Burkinabè [12]. Sur le plan économique, la culture du coton permet d’améliorer le profil socioéconomique des producteurs de coton en leur permettant de percevoir un revenu monétaire plus important et d’avoir accès aux crédits agricoles [77,82]. La culture de coton favoriserait également le développement de l’infrastructure des régions (ex. : routes, écoles, centres de santé).

Face à la mondialisation et à la libéralisation des marchés internationaux, les producteurs de coton du Burkina Faso peinent toutefois à faire évoluer cette filière cotonnière. En effet, ces derniers ont peu de pouvoir sur le marché international (faible valeur de leur monnaie) et sont très vulnérables aux fluctuations du prix du coton [12,82,83].

Le rendement des productions du maïs, du sorgho et du mil a été augmenté respectivement de 1,8 %, 2,1 % et 7,0 % suite à la réforme cotonnière, et ce, en raison d’un meilleur accès aux engrais [77]. Toutefois, entre 1996 et 2006, les superficies moyennes réservées aux champs de céréales seraient passées de 4,4 hectares à 3,1 hectares et celles réservées au

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22

coton de 1,1 hectare à 3,9 hectares. Certains groupes d’acteurs vivant dans les régions cotonnières de l’Est du Burkina Faso ont également mentionné que la culture du coton favorisait la déforestation, la contamination des sols et des eaux de leur région, la diminution des terres mises en jachère ainsi que la diminution de la diversité des cultures vivrières [84,85]. Autrement dit, la manière dont le coton est cultivé actuellement ne concorderait pas avec les principes d’un développement durable [78,83].

À notre connaissance, très peu d’études empiriques ont analysé l’influence de la culture du coton sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle au Burkina Faso. Meslé-Somps et al. (2008) ont utilisé les données secondaires de l’enquête sur les conditions de vie des ménages pour comparer l’état nutritionnel des enfants des producteurs de coton à ceux des autres agriculteurs burkinabè entre 1998 et 2003 [86]. Bien que le taux de pauvreté ait diminué chez les ménages producteurs de coton (53 % à 45 %) et soit demeuré inchangé chez les autres agriculteurs, le taux de retard de croissance est resté stable dans les deux groupes [86]. Le taux de retard de croissance était alors de 50-53 % chez les enfants des producteurs de coton et de 46-51 % chez les enfants des autres agriculteurs. Ces auteurs conclurent que l’impact du coton demeure souvent bien modeste sur les conditions de vie des ménages qui le cultivent.

Sommairement, la commercialisation de l’agriculture est, à l’heure actuelle, moteur de l’économie en Afrique subsaharienne. Par exemple, la culture du coton représente plus des deux tiers des recettes d’exportation au Burkina Faso. L’impact qu’ont les cultures de rente sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle des communautés rurales dans ces pays demeure toutefois à éclaircir.

1.3. Les femmes et la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique

1.3.1. Rôle de la femme

La femme africaine joue un rôle prédominant dans la triade agriculture-nutrition-santé [11,87–89]. Il est donc indispensable de tenir compte des aspects genre pour lutter efficacement contre l’insécurité alimentaire. En effet, les femmes africaines accomplissent quotidiennement une multitude de tâches pour veiller au bien-être de leur famille [90,91]. Par exemple, en milieu rural, celles-ci se lèvent avant l’aube pour aller chercher l’eau et le

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23 bois de chauffage ainsi que pour préparer le déjeuner des membres du ménage. Par la suite, elles se rendent à pied ou en vélo aux champs pour effectuer les travaux agricoles. Ce sont d’ailleurs les femmes qui produisent la majeure partie des cultures vivrières [92]. Sur l’heure du midi, ce sont elles qui préparent le repas des travailleurs. Ensuite, certaines d’entre elles exerceront des activités génératrices de revenus (AGR), comme le petit commerce ou la vente de produits agricoles, avant de retourner à la maison. Elles utilisent l’argent ainsi gagné avant tout pour les besoins du ménage : nourriture, vêtements, éducation et santé des enfants. En soirée, avec leurs filles, les femmes transforment certains aliments (ex. : mouture du blé en farine) et préparent le souper. Enfin, les femmes sont celles qui prennent soin des enfants et effectuent la plupart des tâches ménagères au sein du ménage.

1.3.2. Inégalités entre hommes et femmes

Traditionnellement, les femmes africaines étaient impliquées dans toutes les sphères de la vie sociale et participaient activement à la gouvernance et au développement de leur communauté [90]. Toutefois, la redéfinition des rôles sociaux au cours de l’ère coloniale et le progrès des sciences modernes ont creusé peu à peu des inégalités entre les hommes et les femmes [90,93]. Selon De Schutter (2012), les différents types d’inégalités existant entre les hommes et les femmes finissent par former un cycle difficile à rompre et nuisent à l’épanouissement des femmes [94]. Ce cycle de la discrimination à l’égard des femmes affaiblit le niveau d’empowerment ou d’autonomisation de ces dernières, soit leur capacité individuelle à choisir et à gérer leur avenir ainsi que leur capacité collective à prendre part aux prises de décisions économiques, politiques et socioculturelles [94,95].

1.3.2.1. Place limitée dans le système de l’éducation

La première forme d’inégalité touchant les femmes d’Afrique subsaharienne concerne leur faible présence dans le système de l’éducation. En effet, le ratio brut d’inscriptions femmes : hommes est actuellement de 0,83 au primaire, de 0,76 au secondaire et de 0,48 aux études supérieures [2]. Les grossesses à l’adolescence ainsi que le besoin familial d’obtenir de l’aide pour les tâches ménagères et agricoles sont les principales raisons pour lesquelles les femmes abandonnent davantage l’école que les hommes [87]. Ce faible taux de scolarisation explique également pourquoi plus du tiers des femmes vivant en Afrique

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24

subsaharienne étaient analphabètes en 2011 comparativement à moins du quart des hommes [2].

1.3.2.2. Faible reconnaissance sur le marché du travail

Les femmes sont encore aujourd’hui moins nombreuses que les hommes à détenir un emploi qui offre une sécurité financière ou une couverture sociale adaptée à leurs besoins [2]. Bien souvent, celles-ci œuvrent dans le secteur informel et leurs expertises ne sont que très peu reconnues [88]. De plus, les tâches ménagères, dont les femmes sont en grande partie responsables, sont non rémunérées. Ces tâches, qui représentent une charge de travail supplémentaire pour les femmes, peuvent réduire la capacité de ces dernières à participer à des AGR, limitant encore une fois leur présence sur le marché du travail.

1.3.2.3. Faible accès à la terre

Durant les années 1980, des lois ont été instaurées dans le but de protéger les travailleuses du secteur agricole. Par exemple, la loi de 1984 sur la Réorganisation agraire et foncière stipule que « les hommes et les femmes ont les mêmes droits de propriété sur la terre » [95]. Pourtant, en raison des normes sociales et des coutumes stéréotypant le rôle des femmes et des hommes au sein des communautés africaines, rien n’a réellement changé [51,74,76]. Par exemple, au Burkina Faso, l’attribution des terres est encore aujourd’hui gérée par les sages des villages [69]. En général, ceux-ci les distribuent aux hommes, ce qui explique principalement pourquoi 68 % des femmes ne possèdent pas de terre [65]. Les femmes ne peuvent alors acquérir une terre que par l’entremise d’un membre de la famille ou de leur époux. Les parcelles de terres ainsi obtenues seraient, la plupart du temps, plus petites que celles distribuées aux hommes [96]

En raison de la discrimination et de leur faible pouvoir économique, les femmes africaines ont plus de difficulté à obtenir des intrants, du matériel agricole et du crédit que les hommes [97,98]. Ainsi, au Burkina Faso, la productivité des terres gérées par les femmes demeure, encore aujourd’hui, inférieure de 30 % à la productivité de celles gérées par les hommes d’un même foyer [74].

Figure

Figure 2. La faim dans le monde en 2014
Figure 3. Liens potentiels entre la commercialisation de l'agriculture et la sécurité  alimentaire et nutritionnelle des ménages
Tableau 1. Principaux indicateurs de la sécurité alimentaire des ménages   Piliers  Indicateurs
Figure 4. Situation géographique du Burkina Faso
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