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Analyse de la prise en charge orthophonique de l'adulte sourd porteur d'implant cochléaire : enquête auprès des orthophonistes libéraux, des centres implanteurs et des patients porteurs d'implant

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: dumas-01830822

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01830822

Submitted on 5 Jul 2018

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Analyse de la prise en charge orthophonique de l’adulte

sourd porteur d’implant cochléaire : enquête auprès des

orthophonistes libéraux, des centres implanteurs et des

patients porteurs d’implant

Justine Soularue

To cite this version:

Justine Soularue. Analyse de la prise en charge orthophonique de l’adulte sourd porteur d’implant cochléaire : enquête auprès des orthophonistes libéraux, des centres implanteurs et des patients por-teurs d’implant. Médecine humaine et pathologie. 2018. �dumas-01830822�

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MEMOIRE présenté pour l’obtention du

GRADE DE MASTER 2

ET DU CERTIFICAT DE CAPACITE D’ORTHOPHONISTE

ANALYSE DE LA PRISE EN CHARGE

ORTHOPHONIQUE DE L’ADULTE SOURD

PORTEUR D’IMPLANT COCHLEAIRE

Enquête auprès des orthophonistes libéraux,

des centres implanteurs et des patients porteurs d’implant Par

Soularue Justine

Née le 29 juin 1992 à Brive-la-Gaillarde

Directeur de Mémoire :

TRON Héloïse,

Orthophoniste, Nice Co-directeur de Mémoire :

GUEVARA Nicolas,

Médecin ORL, Institut de la face et du cou, Nice

Nice

2018

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Université de Nice Sophia Antipolis - Faculté de Médecine – Département d’orthophonie

MEMOIRE présenté pour l’obtention du

GRADE DE MASTER 2

ET DU CERTIFICAT DE CAPACITE D’ORTHOPHONISTE

ANALYSE DE LA PRISE EN CHARGE

ORTHOPHONIQUE DE L’ADULTE SOURD

PORTEUR D’IMPLANT COCHLEAIRE

Enquête auprès des orthophonistes libéraux,

des centres implanteurs et des patients porteurs d’implant Par

SOULARUE Justine

Née le 29 juin 1992 à Brive-la-Gaillarde

Directeur de Mémoire :

TRON Héloïse,

Orthophoniste, Nice Co-directeur de Mémoire :

GUEVARA Nicolas,

Médecin ORL, Institut de la face et du cou, Nice

Membres du jury :

NOM Prénom, ès qualité

NOM Prénom, ès qualité

O

é

Nice

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REMERCIEMENTS

Je remercie sincèrement les personnes qui ont contribué à l’élaboration de ce mémoire. Je souhaite tout d’abord remercier Héloise Tron, orthophoniste, pour avoir accepté la direction de ce mémoire. Je te souhaite de vivre de belles aventures en Californie.

Je remercie le Docteur Guevara, chirurgien ORL, pour avoir proposé ce sujet et pour m’avoir fait confiance pendant ces deux années. Je vous remercie pour votre disponibilité et votre œil expert toujours bienveillant.

Je remercie également toutes les personnes qui ont répondu aux questionnaires. Sans elles, ce mémoire n’aurait pu voir le jour.

Merci aux orthophonistes qui ont partagé leur expérience professionnelle.

Merci aux patients qui ont eu la gentillesse de participer à l’étude à travers les questionnaires auxquels ils ont répondu.

Je remercie mes maîtres de stage et plus particulièrement Amandine pour la confiance qu’elle m’a donnée durant ces deux dernières années.

Je remercie mes camarades de promotion et plus particulièrement celles qui sont devenues des amies Anne-Maelle, Camille, Ilhem, Lise, Marine, Marine, Marion et Sarah. Merci pour ces cinq merveilleuses années d’études passées à vos côtés. Je vous souhaite le meilleur pour l’avenir.

Je remercie évidemment Marie Boisnault auprès de laquelle j’ai grandi tout au long de ce cursus, merci pour tous ces projets battis ensemble et pour ton soutien au quotidien. Je remercie ma famille

Mes parents, sans qui je n’aurais pas pu avoir la chance d’exercer le métier de mon choix, merci de m’avoir soutenue sans conditions dans ce projet.

Mes frères Ugo et Loris à qui je souhaite de réussir dans leur vie respective,

Ma sœur, Jo qui a décidé de prendre la voie de l’orthophonie, je te souhaite de réussir à ton tour dans ce métier,

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SOMMAIRE

REMERCIEMENTS ... 3 SOMMAIRE ... 4 RESUME ... 6 ABSTRACT ... 7 ETAT DE L’ART ... 8 I. DONNEES INTRODUCTIVES ... 9

1. La surdité : une pathologie aux conséquences multiples ... 9

2. L’implant cochléaire : de l’outil technologique à la réorganisation cérébrale 12 3. Intégration de la parole chez le sujet implanté ... 17

II. L’ORTHOPHONISTE, ACTEUR CLE DANS LA PRISE EN CHARGE DE L’ADULTE SOURD PORTEUR D’IMPLANT COCHLEAIRE ... 20

1. Du bilan pré implantatoire à l’activation des électrodes ... 20

2. La prise en charge orthophonique post implantation en libéral ... 23

III. LES PROTOCOLES D’ENTRAINEMENT AUDITIF... 30

1. Caractéristiques d’un protocole d’entraînement auditif de qualité ... 30

2. Les protocoles d’entraînement numériques ... 31

3. Limites des protocoles d’entraînement ... 33

4. Efficacité des protocoles d’entraînement ... 34

5. Des obstacles à la mise en place d’une rééducation ... 35

OBJECTIFS ET HYPOTHESES ... 36

1. Objectifs ... 37

2. Hypothèses ... 37

METHODE ... 38

3. Généralités ... 39

4. Questionnaire à destination des centres spécialisés dans l’implant cochléaire 39 5. Questionnaire à destination des orthophonistes libéraux ... 40

6. Questionnaire à destination des patients implantés ... 41

RESULTATS ... 43

I. QUESTIONNAIRE A DESTINATION DES CENTRES SPECIALISES DANS L’IMPLANT COCHLEAIRE ... 44

1. Caractéristiques des centres ayant répondu au questionnaire ... 44

2. Le rôle des orthophonistes dans les centres ... 44

3. L’évaluation orthophonique dans les centres ... 45

4. La rééducation orthophonique dans les centres ... 47

II. QUESTIONNAIRE A DESTINATION DES ORTHOPHONISTES LIBERAUX ... 49

1. Caractéristiques des orthophonistes ... 49

2. Caractéristiques de la prise en charge orthophonique (n=74) ... 52

III. QUESTIONNAIRE A DESTINATION DES PATIENTS IMPLANTES ... 54

1. Caractéristiques des sujets ayant répondu au questionnaire ... 54

2. Contact avec un orthophoniste ... 54

3. La rééducation orthophonique ... 55

DISCUSSION ... 56

I. ANALYSE DES RESULTATS ... 57

1. Des pratiques hétérogènes au sein des centres référents ... 57

2. La prise en charge orthophonique du patient adulte implanté en ville ... 60

II. LIMITES DE L’ETUDE ... 65

III. PERSPECTIVES... 66

CONCLUSION ... 69

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5 ANNEXES ... 80 ... 81 ... 82 ... 83 ... 84

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RESUME

Contexte Aujourd’hui, l’implant cochléaire (IC) s’affirme en tant que traitement de

référence des surdités sévères à profondes. La privation auditive puis la présence de l’IC, induisent des remaniements neurocognitifs. Ainsi, la réhabilitation auditive par IC doit être appréhendée comme une prise en charge pluridisciplinaire. Plusieurs études soulignent notamment l’importance d’une rééducation orthophonique post-implantatoire. L’orthophoniste a alors pour rôle d’accompagner la plasticité cérébrale afin d’aider le patient à optimiser les bénéfices de l’IC

Objectif Analyser la pratique orthophonique dans le cadre de la prise en charge des adultes

devenus sourds porteur d’IC.

Hypothèses Nous avons formulé plusieurs hypothèses : (1) les patients adultes implantés

ne sont pas suffisamment suivis en orthophonie, (2) les patients ne sont pas suffisamment informés de l’importance d’une rééducation orthophonique, (3) les orthophonistes libéraux ne sont pas suffisamment formés à cette rééducation, (4) les orthophonistes libéraux manquent d’outils conçus pour la prise en charge de l’adulte devenu sourd porteur d’implant cochléaire.

Matériel et méthode Nous avons élaboré trois questionnaires électroniques destinés aux

orthophonistes libéraux, aux orthophonistes des centres implanteurs et aux sujets adultes implantés.

Résultats Notre étude ne nous permet pas de valider les hypothèses 1, 2 et 3. En revanche,

l’hypothèse 4 est confirmée par l’enquête.

Conclusion Notre étude montre que la rééducation orthophonique des adultes implantés

est très hétérogène. Cela s’explique notamment par le manque d’outils à disposition des orthophonistes. Seule la validation scientifique de protocoles d’évaluation et de rééducation permettra d’élaborer des recommandations et d’harmoniser les pratiques.

Mots clés : orthophonie, surdité post-linguale, adultes, implant cochléaire, pratiques

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ABSTRACT

Context Currently, cochlear implant (CI) is considered as a reference treatment for severe

to proufound deafness. The auditory deprivation followed by the presence of the device lead to neurocognitive reorganizations. Thus, auditory rehabilitation with CI should be comprehended as a multidisciplinary treatment. Several studies have shown the importance of a speech therapy after the activation of the device . The speech therapist must then accompagny this brain plasticity in order to help the patient maximize the benefit of CI.

Aim Analysing the practice of speech therapy in the case of post cochlear treatment.

Hypotheses : We have made several assumptions : (1) cochlear implanted adults don’t get

enough speech therapy, (2) patients are not enough aware of the importance of a speech therapy after implantation enough, (3) speech therapists are not trained enough for this rehabilitation, (4) speech therapists lack tools designed for the treatment of postlingually deafness on adults who have received a CI.

Material and methods We designed three online questionnaires bound for speech

therapists, for speech therapists who work in Cochlear Implant Centers and for adults who received a CI.

Results : Our study has not allowed us to confirm assumptions 1, 2 and 3. However, the

fourth assumption is confirmed by this survey.

Conclusions Our study shows that the speech therapy of cochlear implanted adults is

heterogeneous. This is mainly due to the lack of tools designed for speech therapists. Only a scientific validation of evaluation and rehabilitation protocols will make it possible to develop recommendations and harmonise practices.

Key-words : speech therapy, poslingually hearing loss, adults, cochlear implant, practical

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I.

Données introductives

1. La surdité : une pathologie aux conséquences multiples

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit la surdité incapacitante de l’adulte comme une perte auditive supérieure à 40 dB dans la meilleure oreille. En 2017 elle touchait 328 millions d’adultes dans le monde et un tiers des personnes de plus de 65 ans. Dans son rapport de 2016, la Fédération Nationale des Sourds de France estime que la déficience auditive affecte 7 millions de personnes, soit 11% de la population française. Enfin, selon l’INSERM, en France, la surdité concerne près de 65% des personnes âgées de plus de 65 ans.

Le BIAP (bureau international d’audiophonologie) classe les surdités selon le degré de perte auditive. On parle ainsi de surdité légère lorsque la perte se situe entre 20 et 40 dB, de surdité moyenne quand cette perte se situe entre de 40 et 70 dB, de surdité sévère si la perte auditive se situe entre 70 et 90 dB et enfin de surdité profonde pour les pertes auditives comprises entre 90 et 120 dB. Parmi les surdités, on différencie également les

surdités pré-linguale et péri-linguale qui affectent l’enfant avant ou pendant l’acquisition

du langage ; de la surdité post-linguale qui intervient alors même que le langage a déjà été développé. Ainsi, selon la période d’apparition de la surdité, les conséquences sont variables et les enjeux de la rééducation différents. Pour limiter notre cadre de travail nous avons fait le choix de ne traiter que les déficiences auditives post-linguales.

Ces surdités ont différentes origines : traumatique (exposition à un bruit intense),

infectieuse (otites chroniques répétées, méningites) iatrogène (toxicité médicamenteuse), tumorale ou encore physiologique par vieillissement du système auditif : on parle alors de

presbyacousie.

Bien qu’invisible, la surdité est aujourd’hui reconnue comme un handicap sensoriel. Le processus de production du handicap serait le fruit d’interactions complexes entre des facteurs individuels (type d’atteinte organique, importance de la perte auditive, état psychologique) et des facteurs environnementaux (statut socio-économique, caractéristiques de l’interlocuteur, environnement lors de l’acte de communication : bruits parasites, acoustique des locaux etc.) (Désilets, 2001).

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La relation dynamique entre tous ces paramètres induit des conséquences spécifiques sur la vie sociale de la personne sourde et produit ainsi un handicap en termes de communication, d’autonomie, de relations familiales et interpersonnelles, de travail, de loisirs et de vie communautaire en général.

L’une des conséquences la plus évidente de la surdité est la difficulté voire dans certains cas l’incapacité à communiquer avec les autres. Ainsi, l’altération des capacités communicationnelles est susceptible d’entraîner une multitude de conséquences psycho-socio-affectives.

Chez les sujets de plus de 65 ans, la perte auditive accompagnant souvent le déclin des fonctions cognitives peut conduire à un isolement social, un sentiment de frustration ou encore une dépression. Une étude américaine portant sur 18 318 adultes sourds et normo-entendants (NE) a établi une corrélation significative entre déficience auditive et dépression, en particulier chez les femmes et chez les sujets de plus de 70 ans (Li, Zhang, Hoffman, & Frances, 2014). La prévalence d’une dépression modérée à sévère chez les sujets sourds s’élevait à 11.4% contre 5.9% chez les sujets NE.

En outre, des auteurs se sont intéressés au lien entre presbyacousie et démence (Hamdaoui, Pouchain, & Vergnon, 2008). Dans une étude portant sur 319 sujets de plus de 75 ans, ces chercheurs montrent que le risque relatif de développer des troubles cognitifs est deux fois et demi plus élevé chez les patients atteints de troubles auditifs que chez leurs pairs NE. Ce risque augmenterait en fonction du degré de surdité (Lin, et al., 2011). Par rapport à un sujet NE, un sujet sourd aurait ainsi 1,89 fois plus de risque de développer une démence si sa surdité est légère, 3 fois plus si la surdité est modérée et enfin 4,94 fois plus s’il s’agit d’une surdité sévère.

Parallèlement aux conséquences psycho-socio-affectives et cognitives évoquées ci-dessus, la surdité induit également des remaniements sur le plan cortical.

Des analyses par IRM ont permis à des chercheurs d’étudier le volume du cerveau de sujets NE (âgés de 56 à 86 ans) comparativement à ceux de sujets sourds (Lin, et al., 2014). Ils ont ainsi constaté une atrophie cérébrale significativement plus rapide chez les personnes sourdes par rapport au groupe contrôle.

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Outre l’atrophie observée, le « cerveau sourd » subit une réorganisation corticale et ce, dès le début de la perte auditive. Cette plasticité cérébrale est à la fois induite par la sous-stimulation du cortex auditif et par les tentatives de compensation mises en place par le cerveau pour comprendre la parole malgré la surdité.

Ces remaniements fonctionnels peuvent être mis en évidence notamment grâce à l’observation d’un hypométabolisme dans le lobe temporal gauche. Celui-ci détermine, selon son étendue, si les régions normalement dédiées à la perception de la parole restent disponibles pour cette fonction (Lee, Giraud, Kang, Kim, & D-S, 2007). A l’inverse un hyper métabolisme de repos dû à la diminution progressive de l’activité neuronale dans les aires homologues gauches a été objectivé dans le gyrus temporal supérieur postérieur droit pendant des tâches linguistiques visuelles.

Durant la période de surdité, le défaut de rétrocontrôle auditif vient peu à peu altérer les compétences phonologiques gérées par l’hémisphère gauche (HG). Lors d’une tâche visuelle de traitement phonologique (juger si deux mots écrits riment) impliquant préférentiellement l’HG dans la population NE, les sujets sourds recrutent de manière anormale le cortex temporal droit, le gyrus temporal supérieur et le sulcus temporal droits notamment (Lazard & Giraud, 2017). L’absence d’activation de ces régions dans le groupe contrôle confirme qu’elles ne sont originellement pas dédiées au traitement phonologique. En effet, le gyrus temporal supérieur droit est destiné à analyser les indices paralinguistiques de la parole (prosodie, bruits environnementaux etc.) et le sillon temporal supérieur droit traite quant à lui les indices visuels accompagnant la parole (expressions émotionnelles, mouvements du visage et des yeux etc.). L’implication de ces deux zones dans une tâche phonologique visuelle plaide donc en faveur d’une réorganisation fonctionnelle en réponse à la déficience auditive.

Aujourd’hui, dans le cadre des surdités sévères à profondes, l’une des techniques de référence de réhabilitation auditive est l’implantation de la cochlée. Le prochain chapitre s’attachera donc à expliquer le fonctionnement de cet outil technologique mais surtout à comprendre les modifications neurophysiologiques qu’il entraîne.

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2. L’implant cochléaire : de l’outil technologique à la réorganisation cérébrale

L’histoire de l’implant cochléaire (IC) commence en France en 1957 avec A. Djourno et C. Eyriès qui sont les premiers à stimuler électriquement les fibres nerveuses acoustiques de leur patient, lui permettant ainsi de récupérer un certain degré de perception auditive. En 1961, l’Américain W. House implante plusieurs patients grâce à un appareil mono-électrode. Ce n’est qu’en 1964, avec Simmons que les implants multi-électrodes voient le jour. Simmons démontre que la pluri-stimulation du nerf auditif permet une discrimination fréquentielle mais il ne parvient pas à améliorer la compréhension de la parole des patients implantés. Pour obtenir une amélioration de la compréhension orale sans lecture labiale, il faudra attendre les travaux de Chouard et MacLeod en 1976. A la suite de ces résultats, la fabrication industrielle des IC est lancée en France. Très vite des équipes Américaines, Australiennes mais également Autrichiennes développent à leur tour des IC multicanaux.

L’IC est une prothèse neurale implantée dans la cochlée. Son fonctionnement est basé sur un système de conversion de l’onde acoustique en information électrique. Tout d’abord le microphone contenu dans le processeur (1) capte l’information sonore. Puis cette information est transmise au récepteur de l’implant sous cutané (3) via l’antenne située sur le cuir chevelu (2). Le récepteur convertit ensuite l’information en signaux électriques qui sont redirigés vers les électrodes (4) insérées dans la cochlée (5). L’activation des électrodes génère alors une stimulation directe du nerf auditif (6) qui transmet à son tour le message électrique au cerveau. Enfin, le cerveau interprète les signaux électriques en sons et permet ainsi l’audition.

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Afin d’encadrer la réhabilitation auditive par IC, la HAS (Haute Autorité de Santé, 2007) a établi des critères d’éligibilité à l’implantation. Ainsi, les indications d’IC concernent les personnes présentant une surdité neurosensorielle (de perception) sévère à profonde bilatérale (perte > 70 dB) et dont le nerf auditif est préservé et fonctionnel. Les scores en audiométrie vocale, pratiquée à 60 dB en champ libre doivent être inférieurs à 50% malgré un appareillage conventionnel optimal.

Le patient peut bénéficier d’un IC quel que soit son âge, sauf si des troubles cognitifs sont avérés. Pour le patient âgé, une évaluation gériatrique et/ou psycho cognitive est requise afin d’évaluer les capacités d’adaptation, l’espérance de vie ou encore l’opérabilité du patient.

Aujourd’hui, l’IC est considéré comme l’une des plus grandes révolutions médicales de ces cinquante dernières années et ne cesse de faire sa place dans le traitement des surdités. En effet en 1995, on comptait 12.000 porteurs d’IC dans le monde, 120 000 en 2008 et 324 200 en 2013 (NIDCD). Les bénéfices de l’IC sont largement décrits dans la littérature scientifique.

Une revue systématique anglaise (Bond, et al., 2009) conclut que l’IC conduit à une amélioration de la compréhension de la parole et que les bénéfices sont supérieurs à ceux obtenus par une aide auditive conventionnelle. Ainsi, restaurer la discrimination de la parole devient l’enjeu principal d’une implantation cochléaire et cet objectif est le plus souvent atteint puisque l’on constate que plus de 80% des patients comprennent plus de 80% des phrases dans le silence (Wilson, 2008).

Par ailleurs, des chercheurs néerlandais (Damen, Beynon, Krabbe, Mulder, & Mylanus, 2007) ont conclu dans une étude que les bénéfices initiaux de l’IC dans le cadre d’une surdité post-linguale étaient stables à long terme. La perception de la parole continuerait en effet de progresser et ce, même à distance de la chirurgie.

Sur le versant expressif les bénéfices de l’IC ont également été rapportés (Ubrig, et al., 2011). La restauration du feedback auditif permettrait à nouveau au patient de calibrer ses paramètres vocaux, notamment les modulations d’intensité.

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L’amélioration des capacités auditives permise par l’IC n’exclut pas les sujets âgés chez qui on retrouve également une « nette amélioration de la compréhension des mots et des phrases […] par rapport aux performances obtenues avec une aide auditive conventionnelle » (Mosnier, et al., 2004) (Sonnet, Montaut-Verient, Niemier, & Hoen, 2017) (Dillon, et al., 2013). De plus, l’IC permettrait une régression des troubles cognitifs objectivés en phase pré-implantatoire chez des patients de plus de 65 ans (Mosnier, et al., 2015).

Parallèlement aux améliorations objectives mises en évidence par des évaluations quantitatives, le ressenti des patients à l’égard de l’IC est globalement positif. En 2012, une enquête nationale proposée par le Centre d’Informations de la Surdité et de l’Implant Cochléaire (CISIC) a permis d’interroger 702 patients porteurs d’IC (dont 65% présentaient une surdité post linguale). Dans cette enquête on constate que 67% des sujets sont satisfaits de leur audition avec l’IC alors que 2% seulement se disent « non satisfaits » (CISIC, 2012). De plus, 45% des participants déclarent avoir eu une écoute naturelle avec leur dispositif trois mois seulement après l’activation des électrodes et 83% ont commencé à comprendre les mots dès le premier mois. Enfin, environ 80% des sujets interrogés disent très bien entendre et comprendre la parole dans un milieu calme.

Parce qu’il permet un retour à une audition plus fonctionnelle, l’IC contribue largement in fine à améliorer la qualité de vie des patients (Vermeire, et al., 2005). Une étude portant sur 27 sujets (Mo, Lindbæk, & Harris, 2005) a mis en évidence une amélioration significative de la qualité de vie (QdV) après l’implantation ainsi qu’une réduction significative de l’anxiété et de la dépression. Ces mêmes auteurs relèvent également une amélioration de la QdV de l’entourage des patients.

On retrouve ces résultats dans une étude utilisant deux instruments de mesure de QdV : le Nijmegen Cochlear Implant Questionnaire (NCIQ) et le Glasgow Benefit Inventory (GBI) (Rumeau, 2012). Dans le même sens, des travaux menés à la fois sur une population néozélandaise et sur une population australienne (Hawthorne, et al., 2004) soulignent l’influence positive de l’IC sur la vie sociale des sujets grâce à un regain d’autonomie. En France, 60% des personnes interrogées par le CISIC se trouvent moins dépendantes de leur entourage depuis l’implantation, 58% déclarent moins souffrir d’isolement et 57% des sujets se trouvent plus ouverts aux autres.

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Cependant, malgré les avancées considérables offertes par l’IC, certaines limitations persistent (Ingvalson, Lee, Fiebig, & Wonga, 2013). La perception de la musique et des paramètres prosodiques est longtemps rendue difficile. Le traitement de l’onde sonore n’étant plus acoustique mais électrique, il ne permet pas de fournir les informations spectrales fines qui participent à déterminer la hauteur et la couleur du timbre (Drennan & Rubinstein, 2008). De même, les conversations en milieu bruyant tout comme les conversations téléphoniques restent des activités complexes pour la plupart des utilisateurs et ce, même à distance de la chirurgie (Nelson & Jin, 2004) (Anderson, et al., 2006).

Par ailleurs, les bénéfices apportés par l’IC sont très hétérogènes. Les données de la littérature s’accordent en effet à dire qu’il existe une importante variabilité des résultats entre les patients. Selon des chercheurs français, le score médian de reconnaissance de mots dissyllabiques à un an de la chirurgie s’élèverait à 70% (Lazard, Giraud, Gnansia, Meyer, & Sterkers, 2012). Toutefois, en clinique, les scores de reconnaissance vocale suivent une distribution gaussienne et sont répartis entre 0% et 100%. Une étude rétrospective anglaise portant sur 445 sujets implantés a en effet montré que 13% des patients auraient de faibles performances de reconnaissance des mots, c’est-à-dire que leur score de reconnaissance post-implantatoire s’est aggravé, ne s’est pas amélioré ou s’est amélioré de moins de 10% par rapport à leur score en pré-implantatoire (Bodmer, Shipp, & Ostroff, 2007).

Ainsi, l’importante variabilité des résultats obtenus grâce à l’IC entre les patients a conduit les chercheurs à identifier des facteurs prédictifs. On postule que ces facteurs individuels ont une influence sur les résultats de l’IC et qu’ils expliquent en partie la variabilité des performances post-implantatoires. Dans le cas des surdités post linguales, l’âge d’implantation ne semble pas être un facteur prédictif significatif puisque dans la plupart des cas et malgré l’âge, l’IC permet une amélioration de la QdV. Toutefois il semblerait que plus l’implantation est précoce plus les scores de perception de la parole sont bons (Stropahl, Chen, & Deberner, 2016).

Par ailleurs, le nombre de cellules cible situées dans le ganglion spiral n’est pas corrélé au pourcentage de reconnaissance vocale post implantatoire (Khan, Handzel, & Burgess, 2005). Enfin, le type d’IC ou la stratégie de codage choisie ne semblent pas non plus pertinents pour expliquer les différences de performances entre les sujets.

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En revanche, l’emplacement du porte électrodes ainsi que son pourcentage d’introduction dans la cochlée semblent être des variables à prendre en compte pour expliquer une partie de l’hétérogénéité des résultats (Finley & Skinner, 2008).

Aussi, quatre facteurs prédictifs principaux ont été retenus par Blamey et al en 1996. Toujours d’actualité, ces facteurs ont toutefois été relativisés dans une étude plus récente (Blamey, et al., 2012). Selon cette étude, la durée de la surdité avant l’implantation conditionnerait les capacités de reconnaissance vocale post-implantatoires et expliquerait ainsi 9% de la variabilité de performances (Green, Bhatt, Mawman, O'Driscoll, & Saeed, 2007). Trois autres paramètres : l’âge du sujet au moment de l’apparition de la surdité, l’étiologie et enfin de la durée de l’expérience avec l’IC seraient des variables pertinentes pour expliquer ces différences de performances. Alors que ce modèle prédictif permettait d’expliquer 21% de la variance interindividuelle en 1996, il n’en expliquerait plus que 10% aujourd’hui.

Ces facteurs prédictifs cliniques paraissent donc insuffisants pour expliquer pourquoi des personnes tirent mieux parti de leur IC que d’autres.

En réalité, des variables biologiques semblent davantage pertinentes pour expliquer la moitié de la variabilité des performances (Guevara, Hoen, Truy, & Gallego, 2016). Dans leur étude, les auteurs ont mis en évidence une corrélation significative entre les scores de perception vocale et l’interaction entre les canaux de stimulation, enregistrée à partir de potentiels évoqués auditifs électriques. Ce test pronostique permettrait d’évaluer la capacité des patients à utiliser plusieurs canaux d’informations et ainsi d’anticiper les adaptations nécessaires à l’optimisation de l’IC.

D’autres paramètres centraux et plus particulièrement les remaniements cérébraux induits par la surdité pourraient expliquer ces différences de performances et même prédire les résultats post-implantatoires. Comme évoqué précédemment le défaut de stimulations auditives peut être à l’origine de modifications au niveau du lobe temporal. On observe alors une implication anormale de l’HD ainsi qu’un désengagement de l’HG dans des tâches de traitement phonologique. Or, il a été démontré que cette activation anormale du lobe temporal droit était corrélée avec de faibles scores de perception auditive post-implantation (Lazard, et al., 2010). Inversement, il semblerait que le maintien d’une dominance hémisphérique gauche pour le traitement de la parole soit positivement corrélé à de bons scores post implantatoires.

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Malheureusement, l’organisation corticale fonctionnelle ne peut être analysée de manière systématique chez les sujets candidats à l’implantation. Notons toutefois que selon certains auteurs, le recours à l’Imagerie Spectroscopique Proche Infrarouge fonctionnelle (ISPIf) se présente comme un outil pronostique puissant pour prédire les résultats de l’IC (Anderson, Lazard, & Hartley, 2016). Conjointement aux facteurs prédictifs cliniques, cette technique permettrait notamment de distinguer la plasticité cérébrale propice au bon fonctionnement du dispositif de celle qui, au contraire, pourrait entraver la perception auditive une fois l’IC en place (Lazard, et al., 2010) (Wallace, 2017).

3. Intégration de la parole chez le sujet implanté

Chez les personnes sourdes, il a été démontré que la région cérébrale normalement dédiée au traitement des sons, le cortex temporal supérieur, devenait sensible aux informations visuelles de la parole. En effet, en raison d’un signal acoustique parcellaire, le cortex auditif se réorganise et répond alors à des stimuli visuels pour compenser la perte d’informations (Finney, Fine, & Dobkins, 2001) (Sharma & Glick, 2006). Lorsqu’une structure normalement dédiée au traitement d’une modalité sensorielle (l’ouïe) accepte des informations provenant d’une autre modalité sensorielle (la vue), on parle de plasticité cross-modale. Deux modèles de plasticité s’opposent : la plasticité compétitive inadaptée et la plasticité coopérative adaptée (Wallace, 2017).

Selon Sandmann, l’activation du cortex auditif en réponse à des informations visuelles témoigne d’une réorganisation corticale inadaptée (Sandmann, et al., 2012). Ces travaux partent de l’hypothèse selon laquelle, une fois l’audition rétablie par l’IC, il y aurait une compétition entre les modalités auditive et visuelle lorsque ces deux sens sont engagés simultanément, comme c’est le cas dans le traitement de la parole. Ainsi, le cortex auditif répondrait préférentiellement aux informations visuelles de la parole (les mouvements labio-linguaux) au détriment des informations auditives pour lesquelles il est normalement spécialisé. De ce fait, la présentation pluri-sensorielle d’un mot (image sonore et image visuelle) entraverait la reconnaissance auditive alors qu’elle n’aurait pas d’influence chez les sujets NE et les sujets implantés dits performants (Champoux, Lepore, Gagné, & Théoret, 2009).

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En accord avec cette hypothèse, des travaux ont permis d’évaluer l’effet McGurk chez des sujets implantés comparativement à un groupe NE (Rouger, Fraysse, Deguine, & Barone, 2008).

Cette expérience vise à montrer que lors de la présentation simultanée d’une stimulus auditif (par exemple, [ata]) et d’un stimulus visuel non-congruent (mouvements articulatoires de /ama/) les personnes NE font la synthèse des propriétés de chacune des modalités. Dans 82% des cas, ces personnes pensent avoir entendu [apta]. Cet effet témoigne de la force de l’intégration multisensorielle de la parole puisque 10% se sont fiés à l’audition uniquement ([ata]) et 7% se sont exclusivement appuyés sur les caractéristiques visuelles (mouvement bilabial du /m/).

En ce qui concerne les sujets implantés cochléaires il semblerait que la modalité visuelle prenne le dessus puisque 98% des sujets pensent avoir entendu [apa], [ama] ou [aba]. C’est donc le critère bilabial du /m/ qui supplante les caractéristiques acoustiques du [t]. Ainsi, en cas d’incongruité entre la source visuelle et la source sonore, les personnes implantées mettent en jeu leur système sensoriel le plus fiable pour traiter la perception de la parole, la vision.

Cette perte de spécialisation du cortex auditif pour les sons empêcherait l’individu de maximiser l'utilisation de son dispositif. Plusieurs études suggèrent en effet que les utilisateurs les moins performants présentent une réorganisation cérébrale du cortex auditif plus importante. A l’inverse, les utilisateurs les plus performants démontreraient peu de réorganisation cross-modale, l’activation corticale restant « limitée » au traitement d’une modalité sensorielle (Doucet, Bergeron, Lassonde, Ferron, & Lepore, 2006) (Sandmann, et al., 2012).

Au contraire, d’autres chercheurs pensent que le recrutement des aires auditives pour le traitement des indices visuels de la parole doit être considéré comme une synergie au service de la compréhension (Anderson, Wiggins, Kitterick, & Hartleya, 2017). Selon cette vision, les deux modalités sensorielles n’interagiraient pas sur un mode compétitif mais, au contraire, sur un mode coopératif. Or, il a été démontré que la concordance spatio-temporelle entre deux modalités sensorielles fournit des indices redondants utiles à la perception de la parole, notamment en cas de distorsion de l’onde sonore.

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19

Anderson réfute donc l’idée de Sandmann selon laquelle la sensibilité du cortex temporal supérieur aux informations visuelles entraverait la récupération de la fonction auditive. Le couple audition-vision permettrait au sujet de s'appuyer sur les indices visibles de la parole dans le but de compléter sa perception auditive parcellaire, en particulier dans les situations d'écoute difficiles. En extrayant les informations visuelles de la parole, le sujet implanté pourrait créer de nouvelles correspondances entre les représentations articulatoires (visuelles) et les représentations phonologiques (auditives).

Ainsi, la restauration de la boucle perceptivo-motrice de la parole ne se limiterait pas à un traitement auditif seul mais dépendrait plutôt d’un réseau audio-visuo-moteur global. La plasticité cérébrale jouerait alors un rôle clé lors de la phase de récupération de l’audition (Rouger, et al., 2011).

Une équipe Toulousaine s’est également intéressée au mode d’intégration de la parole des sujets implantés (Rouger, et al., 2007). Dans un premier temps ces chercheurs ont démontré qu’avant l’implantation, les sujets sourds avaient des compétences d’intégration audiovisuelle de la parole largement supérieures à celles du groupe NE. Dans un deuxième temps, ils ont montré que durant les deux premiers mois post-implantation, cette synergie audiovisuelle s’améliorait de manière significative, jusqu’à devenir quasi-parfaite. Le gain apporté par le traitement bi-modal de la parole (audition + vision) par rapport au traitement unimodal (audition seule ou vision seule) serait ainsi beaucoup plus important pour les sujets implantés que pour les personnes non sourdes. Ces chercheurs soulignent donc la force de la plasticité cérébrale au cours des deux premiers mois qui suivent la chirurgie et invitent les professionnels à l’exploiter précocement au cours de leur prise en charge.

Nous venons de définir les principes de l’IC ainsi que ses répercussions sur le plan cérébral. A présent, nous allons définir le rôle de l’orthophoniste dans la prise en charge de ces patients tout en soulignant l’intérêt d’une telle rééducation.

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II.

L’orthophoniste, acteur clé dans la prise en charge de

l’adulte sourd porteur d’implant cochléaire

Dans son dossier de mai 2007, la HAS (Haute Autorité de Santé, 2007) dit que : « le centre d’implantation cochléaire doit répondre à des exigences permettant de garantir une qualité de soins homogène sur l’ensemble du territoire, d’optimiser l’utilisation des plateaux techniques et les compétences nécessaires, d’assurer un suivi médicotechnique au long cours chez l’adulte et chez l’enfant. La prise en charge multidisciplinaire nécessite une équipe expérimentée dans le diagnostic, l’évaluation et le traitement des surdités de l’adulte. Cette prise en charge peut selon les disponibilités locales s’appuyer sur des réseaux de soins dédiés à l’implantation cochléaire. » En France, seuls les Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) sont habilités à poser des implants cochléaires et à en assurer les réglages.

1. Du bilan pré implantatoire à l’activation des électrodes

La mission des équipes rattachées aux centres d’implantologie cochléaire débute avant l’acte chirurgical. Une série de bilans sont alors administrés par différents professionnels (Bouccaraa, Mosnier, Bernardeschi, Ferrarya, & Sterkers, 2012). Il s’agit dans la plupart des cas de médecins ORL, d’audioprothésistes, de psychologues et d’orthophonistes. Cette évaluation pluridisciplinaire permet non seulement de définir le profil auditif du patient mais aussi d’apprécier le retentissement psychosocial de la surdité sur sa vie quotidienne. Le bilan médical vise à examiner la morphologie de la cochlée via une image au scanner et l’IRM permet quant à elle de vérifier la présence ainsi que la fonctionnalité du nerf auditif. Toutes ces sessions d’examens sont accompagnées d’informations techniques concernant notamment la chirurgie et ses risques, les suites de l’implantation, les réglages du dispositif, les bénéfices attendus etc. Il est recommandé de laisser des supports papiers avec des explications claires et des schémas simples à la disposition du patient. Dans la mesure du possible, il est conseillé de faire rencontrer des personnes déjà implantées au patient ou le cas échéant, de le diriger vers des associations.

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En ce qui concerne plus spécifiquement le bilan orthophonique pré-implantatoire, celui-ci débute par un entretien anamnestique permettant au thérapeute de recueillir la plainte du patient. Dans cette optique, il est essentiel de prendre en compte les difficultés quotidiennes rapportées, de comprendre les besoins et désirs spécifiques du patient en termes de communication tout en évaluant le réalisme de ses attentes. Selon les cas, la présence de l’entourage peut être précieuse (Dauman, et al., 1998).

Le bilan se poursuit par la passation d’épreuves vocales qui sont proposées afin d’objectiver les compétences du patient dans diverses modalités auditives (Ernst E., 2014). Comme le souligne Véronique Nourdin dans son mémoire d’orthophonie, le bilan doit proposer des épreuves de difficulté progressive qui respectent les quatre niveaux de traitement auditif décrits par Erber en 1984 (Nourdin, 2010). Il s’agit des capacités de détection, de discrimination, d’identification et enfin de compréhension.

Afin d’évaluer les capacités de détection, l’orthophoniste peut déclencher des bruits de manière inopinée au cours de l’entretien et observer le comportement du patient face à ces stimuli.

Puis des tâches de discrimination sont proposées. Il s’agit d’épreuves dans lesquelles le sujet doit déterminer si le son entendu correspond à un bruit ou à une voix, juger si deux mots présentés sont similaires ou différents ou encore différencier une voix féminine d’une voix masculine.

Dans un troisième temps des épreuves de répétition de phonèmes (matrices de confusion), puis de mots permettent et enfin de phrases permettent d’évaluer les compétences d’identification auditive. Il s’agit de listes :

- fermées : le patient doit désigner parmi plusieurs réponses le mot qu’il pense avoir entendu, c’est le niveau le plus simple .

- semi-ouvertes : le patient répète le mot entendu mais le thème général lui est donné. On peut ainsi apprécier sa capacité à induire ce qu’il a entendu en faisant des inférences.

- ouvertes : le patient doit répéter le mot sans qu’aucun indice ne lui soit fourni, il n’a alors pas d’autre choix que de décoder précisément la source sonore.

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Pour cela l’orthophoniste s’appuie sur des listes standardisées telles que les listes de Lafon (1964), de Fournier (1949). Afin d’évaluer les capacités d’identification pures, il peut proposer des tâches de répétition de pseudo mots (Dodèle), éliminant ainsi toute implication de la suppléance mentale. Le sujet ne peut pas faire référence à des représentations phonologiques déjà engrammées puisqu’il s’agit là d’unités asémantiques.

Enfin, la compréhension est évaluée à travers des tâches au cours desquelles le patient doit écouter un petit texte puis répondre à des questions au sujet de celui-ci.

Il est recommandé de tester les performances à ces épreuves dans plusieurs conditions d’écoute : audition et lecture labiale, lecture labiale ou audition seule, sans appareillage etc. La comparaison entre la condition « audition seule » et « audition + lecture labiale » permet d’évaluer la participation visuelle dans la compréhension auditive. En 2007, l’équipe du service d’otologie Lilloise a validé un outil d’évaluation de la perception auditive et verbale et de la lecture labiale pour l’adulte devenu sourd : le PAV2L (Tourmel, 2007). Ce test permet d’évaluer si la lecture labiale est suffisamment fiable. Si ce n’est pas le cas, une prise en charge peut être proposée pour la renforcer, que ce soit en avant ou après la chirurgie. En effet, comme évoqué précédemment, de bonnes compétences en lecture labiale sont associées à de meilleurs résultats post-implantatoires.

Parallèlement, le thérapeute peut être amené à évaluer les paramètres vocaux ainsi que la parole du candidat à l’implant. On sait en effet que l’absence de feedback auditif prolongé peut perturber le calibrage fin des aspects phonétiques et ainsi modifier la voix et la parole (Waldstein, 1990).

Dans un troisième temps, l’orthophoniste doit évaluer la communication fonctionnelle dans l’optique d’apprécier le handicap au quotidien. Il s’appuie alors sur des échelles d’auto-évaluation de qualité de vie comme l’APHAB « abbreviate profile of hearing aid benefit » ou l’ERSA « évaluation du retentissement de la surdité chez l’adulte » (Ambert-Dahan, et al., 2012). Aussi, l’équipe du Professeur Sterkers a mis au point l’ECOMAS, une échelle permettant d’évaluer le profil communicationnel de l’adulte sourd dans différents domaines de communication (Guillot & Colliou, 2014).

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C’est aux termes de cette batterie d’évaluation pluridisciplinaire et d’entretiens d’informations avec le patient et son entourage que l’équipe prend la décision ou non d’implanter. Généralement, le patient est hospitalisé durant de 24 heures mais dans certains cas l’implantation est pratiquée en ambulatoire. Il s’agit d’une opération chirurgicale mini invasive comportant de faibles risques de complications (moins de 5% sur plus de 2000 patients selon la HAS, 2007). L’opération dure en moyenne deux heures.

Une fois les électrodes activées, le patient est à nouveau évalué. Les épreuves du bilan pré implantatoire sont généralement réutilisées dans le but de comparer les résultats. Notons toutefois que l’évaluation des paramètres supra segmentaux peut être ajoutée aux épreuves vocales. Nourdin suggère en effet que des épreuves de reconnaissance d’intonation, d’instruments ou de mélodie fournissent des informations cliniques utiles pour la prise en charge orthophonique (Nourdin, 2010). La compréhension téléphonique peut également faire l’objet d’une évaluation.

A long terme, le suivi des adultes porteurs d’implant est indispensable (Ambert-Dahan, Daoud, Galère, & Toffin, 2005). Il comprend plusieurs axes dont l’accompagnement du patient et de son entourage, les réglages de l’implant cochléaire, réguliers au début puis de plus en plus espacés et enfin la rééducation orthophonique à proprement parlé. Cette dernière est souvent assurée en ville et nous allons en détailler les enjeux ci-après.

2. La prise en charge orthophonique post implantation en libéral

2.1. Le bilan orthophonique en libéral

Quand une prise en charge post-implantation est possible, elle est généralement relayée par des professionnels en ville. L’orthophoniste qui reçoit le patient doit alors de nouveau procéder à un bilan complet pour plusieurs raisons (Ambert-Dahan, Daoud, Galère, & Toffin, 2005) :

- connaître le patient : sa plainte, ses demandes, ses centres d’intérêts, son appétence à la communication et l’utilisation qu’il en fait au quotidien,

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- évaluer le niveau d’intégration auditive différentes modalités : avec et sans lecture labiale, avec et sans l’appareil controlatéral

- évaluer les situations d’écoute quotidiennes complexes : milieu bruyant, télévision, conversation téléphonique etc. ,

- évaluer la voix et la parole pour apprécier le niveau de contrôle vocal (modulations d’intensité, de débit et de rythme) et la précision articulatoire (intelligibilité),

- évaluer les processus mnésiques et attentionnels

En accord avec les observations du bilan et les demandes du patient, l’orthophoniste établit le projet thérapeutique. Les axes de rééducation sont multiples et concernent de nombreux domaines.

2.2. Intérêts et objectifs de la prise en charge orthophonique

L’IC ne peut restaurer l’audition de manière satisfaisante à lui seul (Pisoni, Kronenberg, Harris, & Moberly, 2017) (Fu III & Galvin, 2008). Tous les patients implantés nécessitent une période plus ou moins longue d’adaptation auditive pour espérer de bons résultats post implantatoires. Cette adaptation passe par un apprentissage perceptif qui doit être accompagné par un professionnel.

Plusieurs études scientifiques démontrent que la rééducation orthophonique se présente comme un complément au dispositif. Des chercheurs tunisiens (Charfeddine, Chahed, Besbes, & Dziri, 2016) pensent même qu’elle « est aussi importante que l’IC cochléaire [et qu’elle] constitue le seul garant d’un meilleur résultat thérapeutique ».

Pour Emmanuelle Ambert-Dahan également, le suivi orthophonique est indispensable dans le cadre de la réhabilitation auditive par IC. En effet, si pour certains sujets la compréhension verbale apparaît d’emblée, pour d’autres un apprentissage explicite, par l’intermédiaire d’une rééducation, sera nécessaire.

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Une récente étude (Harris, et al., 2016) s’est d’ailleurs attachée à comparer les stratégies de réadaptation mises en place par les patients après l’activation des électrodes. Les auteurs distinguent deux types d’approches. Les stratégies de réadaptation passives consistent en une exposition générale aux sons et aux voix de la vie quotidienne : regarder la télévision, écouter la radio, appeler au téléphone. A l’inverse les stratégies de

réadaptation dites actives s’appuient sur des entraînements auditifs explicites. Les

résultats montrent que les sujets ayant recours à des programmes d’entraînement spécifiques présentent de meilleurs scores en perception auditive que leurs pairs qui utilisent uniquement des stratégies passives.

Selon Emilie Ernst (Ernst E., 2014), orthophoniste et Docteur en psychologie cognitive, l’objectif de la prise en charge orthophonique est de stimuler la « plasticité de réhabilitation » tout en évitant que les aires auditives perdent leur spécialisation par recrutement d’autres fonctions sensorielles. Elle définit trois axes sur lesquels l’orthophoniste doit intervenir. Tout d’abord, la stimulation des aires auditives vise à renforcer l’appariement entre les représentations phonologiques engrammées avant la surdité et les nouveaux inputs délivrés par l’IC. Parallèlement, l’orthophoniste doit encourager la coopération audiovisuelle via la lecture labiale, afin de d’aider le patient à construire de nouvelles images phonologiques stables. Aussi, une rééducation de la voix et

de la parole peut s’avérer nécessaire afin d’éviter qu’elles se modifient par manque de

feedback auditif et de rétrocontrôle.

En outre, des articles scientifiques soulignent le potentiel bénéfice des programmes de rééducation ciblant les fonctions cognitives (Moberly, Houston, Harris, Adunka, & Castellanos, 2017).

2.3. Les principaux axes de rééducation

2.3.1. La rééducation de la voix et la parole

Dans certains cas, une rééducation des troubles de la voix et/ou de la parole peut être proposée. Elle concerne généralement les patients dont la période de surdité a été longue. Nous ne développerons pas dans ce mémoire les aspects de cette prise en charge. L’’orthophoniste respecte les principes d’une rééducation vocale ou d’une rééducation de la dysarthrie classiques.

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2.3.2. L’éducation auditive

Sur le plan auditif, l’orthophoniste propose des tâches progressives.

Lors d’activités de détection le patient devra prendre conscience de l’absence ou de la présence d’une source sonore : c’est la fonction d’alerte.

Puis, des tâches de discrimination devraient lui permettre de mieux distinguer les sons les uns des autres. On propose deux sources sonores au patient qui doit déterminer si elles sont similaires ou différentes. Progressivement, l’orthophoniste augmente le niveau de difficulté en proposant des stimuli de plus en plus proches (pain/main).

Ensuite, une étape d’identification vise à faire prendre conscience des caractéristiques acoustiques de chaque son. Des tâches de répétition sont alors proposées. Au début, les phrases sont utilisées car elles permettent une aide par le sens. Puis, afin de complexifier la tâche, des tâches ciblées sur des unités linguistiques non contextualisées (mots isolés, pseudo mots, phonèmes) permettent un niveau d’identification plus précis.

Enfin, le but ultime visé est la compréhension des sons pour amener le sujet à mettre du sens sur ce qu’il entend. Pour cela le matériel sonore doit être varié : des sons environnementaux (les bruits de la rue, de la maison etc.) mais également de sons linguistiques (syllabes, mots puis phrases) sont proposés.

Cependant, l’éducation auditive ne se limite pas au travail analytique et contextuel portant sur les unités linguistiques. Parallèlement, des aspects plus élaborés sont entraînés. Des tâches spécifiques portant sur l’analyse des paramètres suprasegmentaux de la parole doivent donc être proposées. Il s’agit par exemple de la perception des variations prosodiques, de la reconnaissance des voix, des reproductions de rythme…autant d’activités qui requièrent une analyse fine du monde sonore.

En fin de prise en charge, un entraînement spécifique portant sur la compréhension au téléphone peut être envisagé. Il s’agit d’un entraînement écologique qui répond souvent à une plainte persistante des patients implantés.

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Les professionnels disposent de différents outils pour entraîner la perception auditive. Nous avons dressé une liste non exhaustive de quelques supports sur lesquels les professionnels peuvent d’appuyer dans le cadre de leurs séances (Tableau 1).

2.3.3. L’entraînement à la lecture labiale

Selon Arnold (Arnold, 1997), la lecture labiale (LL) est une compétence naturelle qui peut optimiser l’efficacité d’un IC. De récentes preuves scientifiques plaident en faveur d’une réhabilitation auditive axée sur les interactions audiovisuelles (Strelnikov, Rouger, Barone, & Deguine). En effet, la double entrée « audiovisuelle » permettrait de stabiliser les représentations phonologiques en créant des correspondances entre les informations sonores et les représentations articulatoires visuelles (Anderson, Wiggins, Kitterick, & Hartleya, 2017). L’orthophoniste doit alors s’attacher à développer ces compétences à travers des tâches globales, analytiques ou mixtes.

L’entraînement analytique consiste en une analyse visuelle du mouvement

articulatoire de chaque phonème. L’entraînement global privilégie une analyse holistique du mot et de son sens. Enfin, la méthode mixte allie des tâches globales et analytiques.

Deux outils permettant de renforcer la lecture labiale sont recensés dans le tableau 1. Il s’agit du site internet Labiolecture.fr (Hourmant & Trouvé, 2014) et du logiciel de lecture labiale (Carbonière, distribué par Gérip, 2010).

2.3.4. L’entraînement neurocognitif

Les capacités de reconnaissance vocale chez les adultes porteurs d’IC ne sont pas seulement le résultat de facteurs liés au dispositif et à l'état du système auditif périphérique (les facteurs ascendants).

En effet, des facteurs descendants tels que les connaissances linguistiques et les fonctions neurocognitives influencent probablement aussi les résultats de la reconnaissance vocale. A ce titre, des travaux ont mis en évidence une corrélation significative entre les capacités de mémoire de travail verbale (MDT-v) et la compréhension de phrases en milieu bruyant (Lunner, 2003) (Arehart, Souza, Baca, & Kates, 2013).

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Plus particulièrement, la mémoire de travail auditivo-verbale (MDT-av), testée par des épreuves d’empans, conditionnerait en grande partie les résultats de l’IC (Moberly, Houston, Harris, Adunka, & Castellanos, 2017). Ainsi, de faibles compétences en MDT-av rendraient la reconnaissance de mots dans la phrase difficile pour les sujets porteurs d’IC alors qu’on ne retrouve pas cette corrélation chez les sujets NE. Parallèlement, certaines fonctions exécutives telles l’inhibition et l’attention jouent un rôle essentiel dans la perception auditive. Les auteurs mettent donc en évidence le potentiel bénéfice d’un programme de rééducation qui cible spécifiquement les compétences de MDT-av, d’inhibition et d’attention.

Par ailleurs certains auteurs dont Emmanuelle Ambert Dahan proposent de stimuler les compétences logiques pour favoriser l’accès à l’implicite, parfois altéré chez des sujets restés sourds pendant une longue période.

2.4. Quelques outils de rééducation à disposition des orthophonistes

Tableau 1 Liste d'outils à disposition des orthophonistes (non exhaustive)

Nom du matériel Domaines entraînés Caractéristiques

Site de l’IFIC (Institut Francilien d’Implantation Cochléaire) Entraînement auditif - En ligne

- Gratuit – création d’un compte - A destination des orthophonistes et des

patients implantés

- En séance ou à domicile en autonomie - Niveaux de difficultés variés

Logiciel de Lecture Labiale (Bernadette Carbonière, Gérip, 2010) Renforcement de la lecture labiale - Sur logiciel

- A destination des orthophonistes - Représentation vidéo de chaque image

articulatoire

- Avec ou sans son simultané - Listes fermées - Feedback - Entraînement progressif x Reconnaissance de voyelles x Reconnaissance de consonnes x Reconnaissance de mots x Reconnaissance de phrases à

partir de saynètes de la vie quotidienne Manuel d’entraînement à l’éducation auditivo-verbale de l’adulte sourd implanté (Mélanie Cardon, Caroline Collet, 2017) Education auditive

- Sous forme de livre - Des tâches

x Analytiques x Contextuels

- Progression des tâches : niveaux de complexité croissants

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Labiolecture.fr

(Charlotte Hourmant et

Eloïse Trouvé, 2014) Renforcement de la lecture labiale

- En ligne

- Gratuit – création d’un compte - A destination des orthophonistes et des

patients implantés

- En séance ou à domicile en autonomie - Vidéos

- Feedback sur le patient lui-même via Webcam

- Des exercices analytiques et contextuels - Des PDF téléchargeables

Sens & Sons

(Annie Dumont, 2013) - L’attention auditive - Le flux de mots - Les émotions - L’automatisation des processus d’écoute - La conscience phonologique - La voix motrice et l’intelligibilité - Les accès lexicaux - L’imagerie mentale - Les doubles tâches - La mémoire

- A destination des orthophonistes - En séance ou à domicile en autonomie - 100 exercices progressifs

Le TCT-6

Télé-réhabilitation de la Communication

Téléphonique

(Suzy Dupré, Stéphanie Borel et Marion de Bergh en partenariat avec le CISIC et la Fondation pour l’Audition, 2015) Communication au téléphone

- A destination des orthophonistes - Modalités :

x 6 semaines, 3 séances/semaine x 1 module / semaine

x 54 exercices au total x Complexité croissante

- Efficacité évaluée sur 9 sujets implantés - Présentation des résultats des

expériences en décembre 2018 Neurosyllabic Mesures NEUrophysiologiques et Rééducation Orthophonique de la perception des SYLLABes chez l’Implanté Cochléaire (Neurelec, 2018) - Détection - Discrimination - Identification - Compréhension - Attention - Articulation

- A destination des orthophonistes et des patients implantés

- Serious Game, motivation - Ludique

- 10 activités regroupées en 6 modules - Voix variées (18)

- Activités paramétrables selon besoins du patient

- Modalités : x 20 min ? jour, x 5 jours/semaine x pendant 5 semaines

x 1 séance supervisée à l’hôpital par semaine (7 jeux avec mêmes options) 4 séances à la maison « libres » (motivation)

x Mise à disposition des jeux progressive

- Résultats préliminaires :

x Amélioration des performances dans le bruit

après entraînement

x 14 adultes IC avec entraînement et 15 adultes IC sans entraînement

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30

III.

Les protocoles d’entraînement auditif

1. Caractéristiques d’un protocole d’entraînement auditif de qualité

Avant de nous intéresser aux programmes à proprement parlé, nous avons jugé utile d’évoquer dans ce chapitre les critères à prendre en compte dans l’élaboration d’un protocole d’entraînement auditif (Sweetow & Henderson Sabes, 2006). Ainsi l’entraînement doit :

x Être pratique et facile d’accès. Si possible, il doit être réalisable au domicile du patient. Il doit être adapté aux personnes âgées qui représentent la majeure partie de la population adulte avec déficience auditive.

x Être interactif pour que le patient adopte une posture active dans sa propre rééducation.

x Proposer des tâches de complexité croissante. Les exercices doivent être suffisamment difficiles pour maintenir l’intérêt et l’attention du sujet mais assez simples pour minimiser le sentiment de frustration ainsi que la fatigue. Il doit donc être adapté à chaque individu en essayant de se rapprocher des seuils de performance de celui-ci.

x Proposer des tâches s’appuyant à la fois sur des procédures analytiques et

synthétiques.

x Fournir des feedbacks (visuels et auditifs) après chaque item mais également après chaque session d’entrainement.

x Permettre un enregistrement des performances que le patient et le professionnel de santé peuvent consulter. Cela permet d’obtenir une vue d’ensemble et de se faire une idée de la progression ou non aux différentes tâches proposées.

En plus de ces critères, Watson et collaborateurs ajoutent d’autres indicateurs d’efficacité (Watson, D, Kewley-Port, Humes, & Wightman, 2008). Ainsi, ils encouragent l’utilisation d’un matériel proposant :

x un grand nombre de stimuli et voix variées : 6 à 8 voix différentes (masculines vs féminines, jeunes vs âgées, graves vs aiguës),

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Une étude (Nogaki, Fu, & Galvin III, 2007) impliquant 18 sujets normo-entendant s’est intéressée à l’influence de la fréquence d’entraînement sur les résultats des participants. Les auteurs concluent que le nombre total de sessions effectuées a plus d’importance que la fréquence de l’entraînement (bihebdomadaire, quotidien etc).

Par ailleurs, pour être efficace un protocole d’entraînement doit permettre une amélioration des compétences non entraînées, c’est-à-dire un transfert d’acquis. Dans cette optique, une ligne de base s’avère nécessaire pour évaluer l’efficacité de l’entraînement d’une part sur des items entraînés et d’autre part sur des items non entraînés.

Enfin, le protocole doit également permettre un maintien des acquis dans le temps et ce, malgré l’arrêt de l’entraînement. Ainsi, Schumann et collaborateurs suggèrent aux chercheurs d’intégrer à leur méthodologie des sessions d’évaluation à distance des entraînements pour mettre en évidence les bénéfices à long terme (Schumann, Serman, & Hoppe, 2015).

2. Les protocoles d’entraînement numériques

A l’ère du tout-numérique, les protocoles d’entraînement disponibles sur ordinateur ou application ne cessent de proliférer. En 2015, une étude américaine (Olson, 2015) a dressé un inventaire de toutes les plateformes d’entraînement disponibles sur une surface numérique. Afin de cibler l’étude, les programmes retenus devaient répondre aux critères d’inclusion définis par les auteurs, comme par exemple la facilité d’accès, la présence de justifications théoriques ainsi qu’aux critères d’efficacité établis par Watson.

Au total, 127 applications disponibles sur Smartphone et 19 programmes sur ordinateur proposent un entraînement auditif.

Parmi les 127 applications disponibles sur Smartphone, seulement quatre d’entre elles répondaient totalement aux critères d’inclusion déterminés par les auteurs : Hear Coach, iAngel Sounds, AB Clix et British English Vowel Training. Toutes ces applications sont en langue anglaise, excepté Hear Coach (développé par Starkey) qui est disponible en Français.

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Parmi les 19 programmes disponibles sur ordinateur, seuls 9 d’entre eux répondaient totalement aux critères d’inclusion : Read my Quips, LACE, Angel Sound, Seeing and Hearing Speech, SPATS-HI, CasperSent, eARena, AB Clix et KTH Speech Training.

Aussi, le fabricant Medel a élaboré un outil de rééducation en ligne à destination des adultes : Sentence Matrix 1 et 2. L’objectif de cette activité est de cocher parmi une liste, les mots qui font partie de la phrase préalablement entendue. Le patient peut paramétrer :

- le genre de la voix : homme, femme, alternance des deux - le débit de parole utilisé : lent, normal, rapide

- le volume du fond sonore : silence, léger, fort - le type de fond sonore : restaurant ou musique - le nombre de phrases.

L’outil ESL LAB propose quant à lui une grande variété d’enregistrements. Le patient sélectionne un thème de la vie quotidienne parmi une multitude de sujets proposés. Après avoir écouté l’enregistrement, des questions lui sont posées pour vérifier sa compréhension auditive. Il s’agit d’un entraînement plus fonctionnel que ceux évoqués précédemment. En effet, le travail est ciblé sur la compréhension à travers des thèmes écologiques.

Tous ces programmes sont disponibles en langue anglaise mais aucun n’existe en version française.

Notons toutefois que l’Institut Francilien d’Implantation Cochléaire (IFIC) a développé une série d’activités gratuites en ligne offrant une variété d’exercices utiles aux professionnels et permettant au patient de s’entraîner de manière autonome. Un sondage à destination des orthophonistes utilisant cet outil s’est intéressé à la fréquence d’utilisation des exercices proposés par l’IFIC. On note que 33% des personnes ayant répondu au sondage y ont recours régulièrement et que 42% y ont recours souvent en complément des exercices en voix directe.

Par ailleurs, dans le cadre du projet FUI Neurosyllabic (Mesures NEUrophysiologiques et Rééducation Orthophonique de la perception des SYLLABes chez l’Implanté Cochléaire), SBT Human(s) Matter a conçu un serious game de rééducation orthophonique pour les implantés cochléaires (du petit enfant à l’adulte).

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3. Limites des protocoles d’entraînement

Bien qu’intéressants en clinique, ces outils présentent certaines limites. Alors que les applications restent peu onéreuses (voire gratuites) les programmes sur ordinateur sont généralement payants et plus chers. Les logiciels offrent toutefois une plus grande diversité de stimuli que les applications mobiles. De plus, il semblerait que la recherche n’ait pas suffisamment de recul vis-à-vis de l’efficacité des applications mobiles (Olson, 2015). Il est donc recommandé de rester prudent quant à leur utilisation. Par ailleurs, la qualité du son et la petite taille de l’écran constituent des limites à l’utilisation de ces applications pourtant peu coûteuses.

Parce que certains de ces outils sont en libre accès, la question des modalités d’administration se pose. En effet, ces entraînements auditifs ne requièrent pas nécessairement la présence d’un clinicien ; l’auto administration est alors privilégiée.

En plus de représenter un intérêt économique, cette approche thérapeutique recentre le patient au cœur de sa prise en charge et le responsabilise.

Mais au contraire, certains auteurs s’opposent à l’auto administration (Plant, Bernstein, & Levitt, 2015) et pensent que le patient ne peut se passer de l’expertise d’un professionnel de la communication lors des sessions d’entraînement. Ils envisagent ainsi l’entraînement autodirigé comme un complément à l’entraînement accompagné par le clinicien et non comme un substitut. Selon ces auteurs, le thérapeute occupe un rôle important dans la dynamique rééducative puisqu’il encourage la poursuite de l’entraînement, même quand celui-ci devient difficile.

Sweetow a en effet démontré que moins de 30% de patients s’entraînant seuls avec le protocole LACE, le suivent de manière assidue, ce qui exprime une faible motivation de la part des patients (Sweetow & Sabes, 2010). L’adhésion à l’entraînement auditif serait conditionnée par différents facteurs (Laplante-Lévesque, Hickson, & Worrall, 2012) : le statut socio-économique, la phase d’acceptation de la surdité, la perception de la surdité par les autres et par soi-même, l’identification de l’efficacité et de la pertinence du programme, la clarté et la précision des informations reçues au sujet du programme. La motivation serait également fortement corrélée au matériel utilisé. En effet, plus ce dernier est porteur de sens, plus les patients trouvent qu’il est écologique et donc plus leur motivation est importante.

Figure

Figure 1 Fonctionnement de l'implant cochléaire
Tableau 1 Liste d'outils à disposition des orthophonistes (non exhaustive)
Figure 2 Nombre d'orthophonistes par centre
Figure 3 Répartition des réponses des orthophonistes concernant  les axes de prise en charge
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