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« Anti-mondialisation » : de quoi parle-t-on ?

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LA CHRONIQUE DE LA CHAIRE MCD - 11 FÉVRIER 2002

Chaire de Recherche du Canada en Mondialisation, Citoyenneté et Démocratie http://www.chaire-mcd.ca/

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NTI-MONDIALISATION» : DE QUOI PARLE-T-ON ?

Guillaume JACQUES

Candidat à la maîtrise en sociologie, UQAM Chercheur, Chaire MCD

epuis la Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce à Seattle en 1999, les manifestations populaires entourant ces événements tendent à devenir systématiques. Chaque rencontre internationale ayant un caractère économique s’accompagne désormais de contestations sociales. L’aspect sensationnaliste de ces événements leur valent la une des journaux. L’adjectif «anti-mondialisation» utilisé afin de qualifier les groupes contestataires vient renforcer cet effet accrocheur. L’utilisation de ce terme n’est cependant pas neutre. Le recours à ce qualificatif crée une ambiguïté tout en ayant un sens restrictif, caricatural, si bien qu’il tend davantage à déformer notre vision de ces mouvements de contestations qu’à rendre compte de la réalité du phénomène.

Ce qualificatif relève en fait du paradoxe : la plupart des groupes contestataires ne sont pas contre la mondialisation. Si la plupart de ces groupes rejettent effectivement la mondialisation strictement économique, celle dont on discute au sein du Forum économique mondial de New York, ils font aussi la promotion d’une mondialisation sensible aux incidences sociales attribués à la libéralisation des échanges. Le Forum social mondial de Porto Alegre témoigne de cette volonté de construire une autre mondialisation, une «mondialisation à visage humain». Pour ce faire, ces groupes recourent aux moyens technologiques de communication mondialisés afin d’élaborer leurs stratégies d’action au sein de réseaux planétaires, donnant ainsi plus de poids à leurs revendications coordonnées. Ils ne sont donc pas contre la mondialisation, ils utilisent au contraire les possibilités qu’elle offre afin d’en proposer une version alternative… Les journaux nous parlent pourtant de groupes «anti-mondialisation».

Les groupes contestataires critiquent la manière dont se déploie la mondialisation économique. Ils s’opposent majoritairement au modèle de la régulation néolibérale en faisant valoir les coûts sociaux inhérents à l’abaissement des obstacles au libre commerce. Ces mouvements militent principalement en faveur d’une nouvelle régulation plus sensible au respect des droits de l’Homme, du code du travail, de l’environnement, etc. Bref, ils sont davantage en faveur d’une réforme du processus de mondialisation en cours qu’opposés à la mondialisation en soi, nuance qui à tout son sens. Il ne s’agit pas de nier qu’il y a des groupes radicaux optant pour l’isolationnisme ou rejetant toute forme d’autorité. Toutefois, cette tendance est minoritaire et l’utilisation du qualificatif «anti-mondialisation» réunit les radicaux et les réformistes sous une même terminologie.

Qualifier les contestataires de groupes «anti-mondialisation» occulte, de plus, le fait que très souvent une similitude est perceptible entre les discours des organismes multilatéraux

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et ceux de la «société civile globale». Tous deux sont en faveur de la mondialisation et partagent souvent les mêmes valeurs : paix, démocratie, respect des droits de l’Homme, aide aux pays en développement, etc. La mondialisation se décline sous une multitude d’aspects, elle se déploie dans les sphères économique, politique et socio-culturelle. Certains effets sont jugés bénéfiques, d’autres néfastes. Cependant, le recours à la dichotomie pro versus anti nie la polysémie du concept de mondialisation et tend à simplifier les positions de chacun. Les organismes internationaux à vocation économique, les pros, se présentent comme les institutions du Bonheur et de la Prospérité, comme porteurs du Progrès qui prend évidemment la forme de la libéralisation du commerce. Selon eux, les antis s’opposent à la croissance de l’économie, de la qualité de vie et du bien-être, etc.

L’appréhension du phénomène n’est cependant pas aussi simpliste. La majorité des groupes ne rejettent pas toutes les dimensions de la mondialisation, leurs discours sont beaucoup plus nuancés, plus riches. Ils ne s’enferment pas dans un simple refus mais réfléchissent à des alternatives à la mondialisation telle qu’elle se fait et non à la mondialisation en soi. Ainsi user de l’appellation «anti-mondialisation» contribue à la diabolisation des groupes contestataires et nuit à leur légitimité en produisant une image unifiée de cette mouvance, mais dans son aspect radical et non pas réformiste.

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NOTE IMPORTANTE

Si vous désirez citer ce document, nous vous prions de bien vouloir utiliser la

référence complète dans le format suivant :

Jacques, Guillaume. 11 février 2002. « Antimondialisation: de quoi parle

-t'on?». Chronique de la Chaire MCD. En ligne. <

http://www.chaire-mcd.ca/pdf/chronique/02-02-11_jacques.pdf

>.

Les idées exprimées dans ce document n’engagent que l’auteur. Elles ne

traduisent en aucune manière une position officielle de la Chaire de recherche

du Canada en Mondialisation, Citoyenneté et Démocratie.

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