• Aucun résultat trouvé

Le régime contemporain de l'attribution et du changement de nom au Québec : le "grand bond en evant" d'une institution de droit civil?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Le régime contemporain de l'attribution et du changement de nom au Québec : le "grand bond en evant" d'une institution de droit civil?"

Copied!
111
0
0

Texte intégral

(1)

INFORMATION TO USERS

This manuscript has been reproduced trom the microfilm mastar.. UMI films the text directly from the original or copy submitted. Thus. some thesis and dissertation copies are in typewriter face. while others may be from any type of computer printer.

The quallty of thl. reproduction is dependent upon the quality of the copy submitted. Broken or indistinct print. colored or poor quality illustrations and photographs, print bleedthrough. substandard margins. and improper alignment can adversely affect reproduction.

ln the unlikely event that the author did not send UMI a complete manuscript and there are missing pages. these will be nolad. Also. if unauthorized copyright material had to be removed. a notewill indicate the deletion.

Oversize matanals (e.g., maps. drawings, charts) are reproduced by sectioning the original, beginning at the upper left-hand corner and continuing from left to right in equal sections with small overlaps.

Photographs included in the original manuscript have been reproduced xerographically in this copy. Higher quality 6- x 9- black and white photographie prints are available for any photographs or illustrations appearing in this copy for an additional charge. Contact UMI direetJy to arder.

ProQuest Informationand Leaming

300 North Zeeb Raad. Ann Arbor, MI 48106-1346 USA 80D-S21..Q600

(2)
(3)

NOTE TO USERS

This reproduction is the best copy available.

(4)
(5)

'II

.'.

Le régime contemporain de l'attribution et du changement de nom au

Québec: le "grand bond en avant" d'une institution de droit civil

?

ParJ~an-Fran't()is M~II~t

Institut de: Droit Compar~

\;kG iIl Li ni\'.:rsit~

~O\ ~mbre2000

:\ thesis submitted 10 the Faculty of Graduate Studies and Research in partial tùltiment of the

requirementorthe degr~~ofLL.~I.

(6)

1+1

NationalLibnIJy ofCanada ~uilitionl and Bibliographieservices 315 WaIingIDnStreet oea-ON K1A(Nt

can-~nationale Acquilitions et . .Niees bibliographiques 315

.,."-...an

~ôi.

K1A0N4 c.n.da

The author

bas

granted

a

non-exclusive ücence aIlowing

the

National Library of

Canada

ta

reproduce,

10an,

distnbute or seO

copies of tbis thesis

in

m.icrof~

paper

or electronic formats.

The author retains ownershïp of the

copyright

in

this

thesis. Neither

the

thesis nor

substantial

extracts

nom

it

may

he

printed or otherwise

reproduced without the author's

permission.

0..612-70352-5

Canadl

L'auteur a accordé une licence non

exclusive

permettant

à

la

Bibliothèque

Datiooale

du Canada

de

reproduire,

prêter,

distribuer ou

vendre

des

copies

de cette thèse

sous

la forme

de

microfiche/film, de

reproduction sur papier ou

SID"

format

électronique.

L'auteur

conserve

la

propriété du

droit d'auteur

qui

protège

cette

thèse.

Ni la thèse

Di

des extraits substantiels

de celle-ci ne doivent

être

imprimés

ou autrement reproduits sans son

autorisation.

(7)

Résumé

Abstract

~)\. ~ 1-Î41NdA,J.~j.ld

'-"

~"~<,,

and change of

es to shed light. by means of a psyc analytical approa • on refonn

flJ'l~~:AL-'A~_~~~œtin the Province since the on of the 80s. Cont porary norms in

Québec . depalt from the c1assical features of ecivilian traditio ~e role played by

1

human will appears indeed to he preponderant he it as to assignment or

chang~~'-o(

characteristic is likely to affect the normal functioning of the naming process by turning it into a battlefield upon which unresolved incestuous and narcissic tendencies are at play. Whilst the naming scene is in process of privatisation. stale actors rernain however principally as sanction takers toward This thesis contains a stud

C~tle thèse propos une étude du droit qui gouverne au Québec la transmission el le changement du

nom de famille. E e prétend rendre intelligible cette matièreàla lumière d'une approche qui emprunte

à la psychanalys Du fait de facteurs historiques endogènes. le régime du nom que connaît la Province

se distingue aujourd'hui à l'intérieur de la tradition civiliste par l'autorité conférée à la volonté

individuelle. Malheureusement. ces évolutions juridiques semblent mettre en péril l'institution dans

son rôle de suppon symbolique el. en tant que tel. de moyen d'accès des personnes à la subjectivité.

Par ailleurs. la privatisation contemporaine de l'opération nominale ne va pas sans une dimension répressi veà l'égard des parents.

parents.

(8)

J'~prouv~ un~ g.ratitw.h: particuli~re t:nn:rs ~\'L ~kholas Kasir~r. dont la Jisponibil ité ~t

l'ouverture ont rendu possible cette ~tude. Ses consdls ont grandement accru le plaisir que j'ai

eu à lar~aliser.

Je tiens ~galement àremercier tvlme rvlarie-Claude Hansenne des services de l'~tatcivil ct ~1.

Louis Duchesne du Bureau de la Statistique pour leur assistance bibliographique.

Je suis entin redevable de l'aide qui me fut apportée par ~Ime Irène Théry. ~lIle Delphine

(9)

Tables des matières

Introduction 2

I-L'orientation libérale de la tradition québécoise

9

A·Les racines de l'orthodoxie nominale 10

[-Les termesori~inelsde la production normative sur la matière du nom 10 2·I'encadrement conceptuel du couple nom-personne: un refus d'interpréter l'écart 12

3-De la transmissionill'auribution : préludeilune mise en sacrifice 22

B·La rerondation 29

I·le destm du rapport inaugural de l'Oftice de Révision: un échec du droit'! 29

2·La "risc enchar~e idéolo~lguedu nom 33

II-Instrumentalisatio" du nom en d,Dît contemporain: aspectsjuridiques et cliniques

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 37

A·Le choix comme modalité principale du rapport au nom 38

[-La consécration textuelle du principe de choix 38

2-La nouvelle donne subjective 44

B·L'intérêt comme seule limite des opérations de chirurgie nominale 57

l-L'intérêt de l'enfant 58

2-I'extension du paradiime de l'intérêtilla procédure administrative 67

III-La privatisation telldancielle de

la

scène nominale contemporaine

74

A·La privatisation de l'opération d'attribution 74

[-La redéfinition du rôle de l'état civil 74

2-Le Directeur de l'état civil: oracle et commettant parental? 77

B-Le changement de nom 80

[-De nouveaux acteurs pour d'autres enjeux 80

2-Le sens de l'intervention étatique en intérêt: un système de sanctions iraduelles priviléaiant le

poneur 82

(10)

"His attelnpts to

save the

fa11,ily naIne \-vere tragically pathetic

"

1•

Introduction

"Toutepersonneexerce ses droits civils sous le nom qui lui est attriblléet qui esténoncé

dans son acte de naissance":!.

A la lecture de l'anicle 5 du Code civil du Québec3, compilé en tête du titre relatif aux

droits de la personne, aucun indice ne pourrait laisser croire que ce corpus juridique adopte une position fondamentalement originale sur la matière du nom. Le texte susvisé ne manifeste-t-il pas clairement l'allégeance du droit québécois aux concepts et principes issus de la tradition ci viliste '?

L'individu

y

est d'abord assltjeltien tant quepersonne juridique. Elle devient telle parce qu'elle est inscrite administrativement dans un acte etSOIiS un nom. Le procédé en cause

peut être rendu comme une allriblilion, opération qui suppose l'existence d'une instance en position d'attribuer. Afin de mieux saisir ce qui se passe à ce niveau, tournons-nous vers la version anglaise de l'anicle 50

C.c.Q:'.

L'anglais dit: 10assign a name5•Assigner, c'est-à-dire attribuer, mais aussi apposer sa signature. Autrement dit garantir. Comme on

1P. Auster.Tireillventiorl ofsolitude.New York, Penguin books. 1982.

2Les mots placés en italique l'ont été par nos soins. JCode Civil du Québec. L.Q. 1991.c.64[ci-après C.e.Q.I.

~ A proposde la charge normative associéeàchaque langue et aux conséquences du bilinguisme en droit civil québécois. consulterN. Kasirer. "Dire ou définir le droit '?" (1994) 28 RJ.T. 141.

5Article 51 C.c.Q.• "Every person has a sumame and at least one given name assigned to himin the actof

(11)

a pu le montrer6, et on s'attellera à réitérer le propos7, la manœuvre opérée ici est avant

tout une question d'authentification, d'entrée des personnes dans un ordre de discours qui

garantit leur existence en tant que sujet, les fait se tenir debo"r8 sous l'égide d'un état

civil.

Dans cet article fondamental, qu' pose un principe de structure, le droit québécois ne

propose donc pas d'innovatio 1 serait néanmoins erroné de considérer le régime du nom

qui a cours dans 1 e comme une réplique de son homologue français. Certes. le

code Napoléon fut pris comme modèle par les premiers coditïcateurs. Ces derniers n'en

font pas mystère dans leur rappon9• D'un point de vue plus spécifique. la réglementation

de l'état civil, qui fut longtemps la principale source textuelle du droit du nom dans les

deux pays, apparaît comme un empruntà l'Ancien Oroitlo.

Bien entendu. la vérité du rapport qu'entretiennent ces deux corpus juridiques a été modifiée depuis lors. sous l'effet du processus d'autonomisation normative qu'a connu la

Province. Correspondant à l'amenuisement tendanciel de l'influence du droit français

comme source et modèle du droit interne!!, ce phénomène n'a épargné ni la matière qui

nous intéresse, ni celles qui lui sont connexesl:!.

6 P. Legendre. Leçons VI : Les enfants du Texte, étude sur la fonction parelZlale des Etats. Paris. Fayard.

1987 [ci-après Les enfantsdll Textel.

7Voir ci-dessous, aux pages 75 et suivantes.

~ Formule forgée par M. Legendre sur la base d'une interprétation des emplois historiques du concept d'état. <tL 'étymologie aidant. à partir du verbe lalÎn SUlre, se tenir debout. on a e:<ploité le sens du terme.

[ .•. jSralilSest un mode de ticelage de la légitimité, de cette légitimité constitutive à laquelle une société se réfère pour fonder son système normatif». P. Legendre, "Ce que nous appelons le droit" dans P. Legendre. dir.. Sur la QlIestion Dogmlllil[ue en Occident. Paris. Fayard. 1999. 123 à la p. 128.

9"Le code Napoléon est avec raison, considéré comme un chef d'oeuvre dans son genre[ ....j. (1était donc naturel. à raison de la similitude de nos lois avec celles de la France à l'époque où ellesyfurent coditiées. qu'on nous donna son code ur modèle, et u'on l'indi ua comme base de celui qu'on voulait faire". Québec. Code civil du Ba Canada: Rapport des codificateurs: premier. delLtieme el IrOlSleme rapport, Québec. G. Desbarats. 1865,à la p. 140 [ci-après "Rapport des codificateurs"].

10"Les dispositions de ce titre sont en grande panie tirées de nos lois provinciales. calquées elles-mêmes sur

l'ordonnance de 1667 et sur la déclaration explicative de 1736". ibid à la p. 156.

Il Voir sur ce point M. Morin. "La perception de l'Ancien Droit et du nouveau droit français" dans H. P.

Glenn. dir.. Droit qllébecois et droit français, commlmallté, aUlonomie, concordance. Montréal. Yvon Blais, 1993. à la p. 1. Sur l'évolution de l'autorité conférée à la doctrine française. source au combien importante en matière de nom, on pourra également se référer àP.-G. Jobin. "L'influence de la doctrine française sur le droit civil québecois : le rapprochement et l'éloignement de deux continents" dans H. P. Glenn. dir., ibid. à la p. 91 .

11Et notamment le droit de la famille. Voir D. Goubau. "Ledroit de la famille au Québec: un exemple de

(12)

L'étude que nous entreprenons dévoilera cenes que le reglme nominal est aujourd'hui sorti de la "famille française"13, mais son ambition comparatiste n'est qu'incidente. Elle

propose sunout une analyse de l'état de la matière dans la Province, opérée par référence à

une hennéneutique "eschatologique"1-'du système de

ius civilis.

Celle-ci est animée par

celte conviction : ce qui l'ail le tronc commun des droits "romano-gennaniques"15 doit

s'interpréter comme un certain mode de réglage des enjeux liés à l'avènement de la subjecti vité.

Empruntant aux enseignements de la psychanalyse, nous soutenons que les modalités du marquage par le nom sont un des aspects de cette manœuvre, littéralement une mise en

droit des lois gouvernant la reproduction humaine. C'est soutenir que si la question de

('identité ne peut trouver une réponse définitive par 'Tinsenion nominale et généalogique des sujets"16,elle se pose néanmoins de façon inaugurale en ces termes pour chacun, et ce

bien avant de pouvoir être traduite en tenne d'intégration sociale17•

L'orientation méthodologique en cause investit le droit de la nomination d'une fonction qui transcende les taxinomies juridiques, ainsi que les effons d'élucidation socio-historique qu'on a pu entreprendre sur leur base. Selon la doctrine, le nom est essentiellement un effet de la filiation et de l'alliance. En conséquence, il officierait

13 P.-B. Mignault, "Le Code civil au Canada" dansLeCode civil. 1804-/904, Livre du centenaire,t. 2. cité dansL. Langevin etD. Prane "Du Code civil du Bas-Canada au nouveau Code civil du Québec. l'influence de la codification française" dans H.P. Glenn. dir.•ibid à la p. 63.

loi C'est-à-dire non pas "démystificatrice" mais bien "remythifiante". Sur la distinction entre les modes

d'interprétation archéologique et eschatologique. on pourrait se référer à P. Ricoeur. Le cOIrftit des interprétations: Essais d'herméneutique l, Paris. Seuil. 1969.

IS Expression empruntée à R. David. J. Brierley. Major Legal systems ill tire world IOday, 3rd. edition, London. Stevens and sons. 1985. à la p. 37.

16"Who am (?But mis can't necessarily be answered by giving name and genealogy". C. Taylor.Sources

a/the Self: The making a/modem idemity. Harvard University Press, 1989. à la p. 27.

17 En tout cas dans le sens que C. Taylor donne du concept. "A Self exists only within what [ cali

interlocution" dansibid. Selon nous. c'est d'une structure symbolique notamment relayée par sa famille que l'in/ans émerge comme sujet. "La famille apparaît donc comme une structure symbolique. irréductible à toute structure naturelle; elle se définit. comme le langage. par deux axes de coordonnées: les rapports diachroniques de génération et les rapports synchroniques constituant le système familial d'une société donnée. C'est cette structure symbolique qui permet à chacun de savoir qui il est. [....] La structure symbolique de la famille. qui procède nécessairement une référence au tiers médiateur. à la troisième personne. à l'absent, permet à chacun de se connaître. en recevant un nom. gage de reconnaissance ". B. This. Naître... et sOluire, Paris. Flammarion. 1983, à la p. 235.

(13)

comme signe d'appartenance familialel8. En tant qu'élément de l'état, il jouerait de plus

un rôle d'individualisation corrélé à sa fonction de police sociale19• De cette double appartenance découle une difficulté à faire entrer l'institution dans un champ d'étude juridique cloisonné, problème bien relevé par M. Carbonnier2o•

Le prisme psychanalytique2l permet de situer cet objet dans une cohérence particulière. Il nous conduit en effet à envisager le nom avant tout comme un vecteur de subjectivation. et donc à en circonscrire l'étude autour du questionnement suivant: en quels termes le droit définit-il les rapports de la personne au signe nominal ? La réponse met plus particulièrement en jeu deux domaines du droit,àsavoir ceux qui régulent l'attribution et le changement du nom de famille22• Afin d'appréhender leur dimension clinique23 de

façon adéquate, il semble nécessaire d'adopter différents niveaux d'analyse.

A une première échelle. l'économie du nom, les règles qui en gouvernent la circulation. doivent être rendues au niveau intrafamilial. On s'attachera ainsi à explorer. au moyen d'un outillage emprunté à la psychanalyse. les situations subjectives concrètes dont le droit permet ou favorise le développement. Un second niveau d'approche consiste à

IS"Traditionnellement. et la certitude est encore communément partagée. le nom est assurance de tiliation et indice de mariage". M. Gobert. "Le nom ou la redécouverte d'un masque" (1980) 1 Sem.lur.2966.

19Cette dernière auraitétédéterminante dans le développement et l'évolution du droit du nom en France. La

la prégnance contemporaine du principe d'immutabilié dans ce pays devrait beaucoup aux exigences du contrôle étatique, accentuées d'ailleurs tout au long du 19ème siècle Voir le chapitre III de l'ouvrage suivant. A. Lefebvre-Teillard. Le1I0m : droit etlristoire. Paris. P.U.F.. 1990.

~oSelon celui-ci. le nom est en effet "une institution du droit des personnes, mais fortement imbriquée dans le droit de la famille. sous la surveillance de l'autorité publique".J.Carbonnier. Droit civil-Introduction. t.

1.15 ème édition. Paris. P.U.F.. 1996àla p. 46 [ci-après Droit civil-Illlrodllction].

21 Notre ambition est de proposer un angle de réflexion critique. Il ne s'agit nullement de confronter la

science juridique à une quelconque science psychanalytique. tant son existence paraît contestable d'un point de vue épistémologique. A l'objection d'irréfutabilité popérienne (voir K.R. Popper. La logique de la décou'o'ene scielllifique. Paris. Payot. 1984) s'ajoute un échec à satisfaire les critères de vérifiabilité et de communicabilité. Voir C. Castoriadis. Lecarrefour des labyrinthes. épilégomènes à une théorie de l'âme. Paris. Seuil. 1979 à la p. 29.

22Les problèmes posés par le prénom participent de logiques similaires. notamment parce qu'ils mettent en

jeu la spécularité. Nous avons néanmoins choisi de les exclure du champ de l'étude. ce qui s'explique par des tins autant pratiques que théoriques. Le prénom n'a pas vocation à faire l'objet d'une transmission. à jouer comme bouclier institutionnel dans les termes où nous aborderons ce vocable. Par ailleurs. il introduit le sujet à la sexuaüon. et donc soulève des problèmes particuliers.

23 Il s'agit d'un terme emprunté à Michel Tort. Voir M. Tort. Le nom du père incenain. la question de la

transmission du /lom et la psychanalyse.Paris, 1987.à ia p. 26 [Non publié et founi par le ministère de la justice de la République française. ci-après le nom du père incenailz].

(14)

envisager le droit du nom comme "symboligène"24en soi. D'où la possibilité de le définir métaphoriquement comme scène, c'est-à-dire comme structure de représentation symbolique2S•

Cette infra et cette superstructure joueront le rôle d'une grille d'exploration par application de laquelle nous voudrions illustrer l'hypothèse suivante. Le droit autoriserait certaines manipulations des personnes sur le nom, lesquelles vont au détriment de sa fonction institutionnelle26•

La première partie témoigne de la profonde originalité de l'aventure nominale québécoise. L'héritage reçu par la Province fut grevé dès l'origine par un certain passif textuel et conceptuel. Voilà pourquoi la nomination n'a jamais pu être définie comme une institution juridique de l'écart27 à l'endroit des sujets. L'aboutissement de cette situation fut le mouvement de réformes qui a eu lieu dans les années 1980. Le nom devint alors un vecteur de promotion des idéaux d'émancipation individuelle, ce qui n'a pas pennis une prise en compte idoine des enjeux subjectifs inhérentsàla matière.

La seconde partie aborde plus spécifiquement l'étude des règles qui gouvernent aujourd'hui la relation du sujet à sa dénomination. Le législateur a consacré un statut formel et cohérent sur cette question, lui faisant même les honneurs d'un chapitre entier

24 L'expression est extraite. et même détournée. d'un virulent article de Michel Tort. Voir M. Tort. "Des

psychanalystes gardiens de la cité" (1994) 59 Communications 137 [ci-après "Des psychanalystes gardiens de la cité"J. ContreM.Legendre, cet auteur s'oppose en effet fortement à l'idée que le droit puisse constituer une forme d'expression symbolique immanente.

!5Sur le concept de Référence proposé parM.Legendre, on poura consulterA. Schutz. "Sons of writ. sons

ofwrath: Pierre Legendre's critique ofrationallaw-giving"(1995) 16CardozoL.Rev.979àla p.991.Sur la problématique plus généraledusymbolisme. se tourner versG. Durand.L'imagination symbolique.4ème éd.. Paris. P.U.F. 1988. A noter pourtant que nous ne reprenons pas l'interprétation réductive du symbole qu'il attribue aux psychanalyses de Freud et Jung. Le symbole n'est pas ici envisagé comme symptôme. mais bien production culturelle en rapport avec la gestion de l'inceste, el c'est dans ce cadre qu'il peutse

comprendre comme" épiphanie" .

16 Autrement dit. le nom est-il toujours ce marqueur familial qui assure le passage des hommes à la

subjectivité en les arrimant aux "lois de la reproduction T' Voir A. Papageorgiou-Legendre. Leçons IV

.-suite Il, filiation. fondement généalogique de la psyclranalyse.Paris. Fayard, 1990 aux pages 58 el suivantes [ci-aprèsFiliation, fondement généalogique de la psvchanalyse].

17Concept emprunté à la psychanalyse de J. Lacan -el qui s'entend, via le détour par certaines mécanismes

relevant de la spécularité. comme asujettissement au principe du manque. c'est-à-dire à la castration. L'élude de ces mécansimes sera approfondie au long des développements suivants. En guise d'introduction, on

(15)

du Code civil du Québec28• Sur cette base, la nature du rapport au nom semble avoir été interprétée par adoption d'une logique chin.rgica/e29 fort différente de l'alternative française de nature essentiellement dévo/lItiveJo. Du point de vue de la mécanique

juridique, le port doit en effet se comprendre comme choix en intérêt.

Les juristes pourraient ici avoir ouvert la boite de Pandore. Sous certaines configurations, le nom apparaît comme une arme disponibleàdes fins sacrificielles ou transgressionelles.

La troisième partie met en lumière la dimension théâtrale de l'opération nominale. Nous verrons en quoi le montage civiliste peut se comprendre comme une pièce impliquant di fférents acteurs. chacun venant en représentation dans un rôle.

Le

corpus de droit à

l'étude en proposerait une trame particulière. Il faudra rendre compte de cette caractéristique majeure que constitue sa privatisation progressive. En filigrane, le propos vise àexplorer comment se répartit et se joue dans la Province cet office juridique si particulier qui consiste à fonder les sujets. en exerçant ce que M. Legendre a pu appeler la

fonction parentaleJ'.

L'expérience menée au Québec pourrait être annonciatrice de tendances lourdes quant au devenir institutionnel du nom en droit civil. La versatilité intrinsèque de la matière n'est plus àdémontrer32• Dans ces conditions, nul doute que le "modèle québécois,,33 pourrait

~ourrait consulter J. Lacan, "L'inconscient freudien et le nôtre" dans J. Lacan. Le Séminaire Livre XI • Quarre concepts fOlldamentlllL'{ de la psychallalyse. Paris, Seuil. 1973.à la p. 21.

III Compte tenu de l'état d'éclatement dans laquelle se trouvait la matière de l'état antérieurement à la

réforme, on ne peut qu'c?tre frappe;: par la logique de l'oganisation de l'actuel chapitre premier livre [II,

intitulé"Dunom".Celui~ciest divisé en trois sections relativesà('attribution. l'utilisation et le changement. En somme. les trois temps de la "vie du nom".

29Le terme est choisi tant pour rendre compte du mouvement d'instrumentalisation du nom qu'on va étudier

que de la redéfinition du rappon au corps qu'implique toute action sur le noCl. Voir ci-dessous à la p. 20 et notes infrapaginales correspondantes.

30C'est-à-dire marquée par la transmission d'office des droits sur le nom de famille. A noter que nous nous

concentrerons sur l'élude de la transmission entre les générations. la question du nom de la femme n'étant abordée qu'incidemmment.

31 Les e1Jfams du Te..tte. supranote6.

j2Voir A. Lefebvre-Teillard.Lenom: droit et histoire.Paris. P.U.f.. 1990. Pour une élude plus spécitique

des caractères du nom en droit romain et de leur évolution voir également J. Marquardt.La vie prÎ\'ée des romains.Paris. Thorin. 1893.illa p. 9.

33Terme emprunté à M. Baudouin. Voir J.-L. Baudouin.,"Lemodèle québécois d'attribution du nom et son

application" dans Laboratoire d'études et de recherches appliquées en droit privé. dir.• Lanouvelle loi sur le nom,Paris. L.O.D.J.• 1988. 165 [ci-après."Lemodèle québecois"].

(16)

voir son influence internationale croître à l'avenir, pronostic appuyé par certaines évolutions doctrinales.

Le régime contemporain est le produit d'une école de pensée qui envisage le droit comme "miroir" ou "adjuvant" de la réalité sociale3,J. Ailleurs et aujourd'hui, il n'est pas exclu que les discours prônant la flexibilité35 comme éthique de production normative puissent être repris au soutien d'évolutions convergentes36•Les solutions québécoises ont d'ailleurs déjà

été intégrées à l'effort de réflexion qui se mène en France sur l'attribution37• Voilà qui

rend la nécessité de leur étude encore plus impérieuse.

3~La thématique du droit miroir. plus familière encommoll law,est une constante des débats parlementaires et doctrinaux qui ont eu lieu au sujet de la rétorme du droit civil. "[1 convient en effet de reconnaître que l'ordre juridique ne sera jamais qu'un pâlerefletde l'ordre moral; il est essentiel de comprendre que. dans une société démocratique. le rôle du droit-et des juristes qui sont amenésàen proposer la formulation-est de traduire aussi tidèlement ce qu'un peuple.à un moment donné de son histoire. estime devoir être le bien. le juste". P.-A. Crépeau:' Introduction" dans A. Poupart. dir.• les elljelLt de la révision du Code civil, , Montréal. P.U.M., 1979. Il à la p. 13 [ci-après "Les enjeux de la révision du Code civil"]. Voir aussi les propos tenus par M.-A Bédart. alors Ministre de la Justice. devant l'Assemblée nationale à laquelle il présentait le projet de réforme du droit de la famille "[... lIe Code civil a toujours été et demeurera lerefletle plus exact de toute la structure sociale que nous nous donnons comme peuple". Québec. Assemblée nationale.Journal des débats(4 décembre 1980)à la p. 604 [ci-après Journal des débats. projet de la 89]. Comme le remarque M. Legrand. la prétention des rédacteurs à faire du Code civil un miroir relève certainement d'une logique d'affirmation nationale, Voir P. Legrand. Que sais-je?Ledroit comparé.Paris, P.U.F.. 1999 à la p. 55. Pour une mise en perspective originale de l'image du miroir dans le cadre d'une étude de la poétique du droit. on se lournera vers N. Kasirer. "Le faux témoignage du droit" dans N. Kasirer. dir..Lefauxen droit pril·é.Montréal. Thémis. 2000.àla p. 13.

35Le vocable est empruntéà1.Carbonnier. Fle.:cible droit, pour ulle sociologie du droit sans rigueur,Paris,

L.G.D.J., 1995.

36Mme Théry met ainsi en garde contre "[a grande naïveté caractéristique du mouvement d'émancipation en

matière privé qui se déploit en Occident depuis trente ans" lequel omet de considérer que "le droit n'est pas un simple outil de gestion ou de police" mais participe d'une fonction "instituante".I.Théry.LecontraI d'union sociale en question. Paris. Saint-Simon. 1997, aux pages 20 et 22.

(17)

(.L•orientation libérale de la tradition québécoise

Les développements qui sui vent abordent l'histoire du droit de l'attribution et du changement. Plus qu'une entreprise d'archéologie juridique, ils constituent un essai d'exploration portant sur l'évolution de leur dimension castratrice38.

Pour les personnes juridiques soumises au droit civil, l'appréhension de la limite passe notamment par le jeu d'un cadenas conceptuel qui verrouille l'appartenance du nom au domaine de l'état des personnes. En effet, comme on a pu le remarquer:

"Toute société notifie au sujet la dimension de la séparation sous la forme d'un discours du non disponible. Cela veut dire. le sujet n'est pas tout. il doit intégrer dans la représentation ce manque (ne pas être tout). ilest confrontéàla limite. à la condition même de la vie symbolique,,39.

En décidant de ce que les personnes peuvent et ne peuvent pas faire de leur dénomination, le droit exerce cet office qui consiste à introduire l'homme àla dimension de l'écan. C'est ainsi que le sujet advient, par un réglage spéculaire qui s'apparente à une "venue au nom", ce que Lacan a pu appeler la fonction du "Je".ao.

Le

Québec se distinguerait par une déficience de cette fonction.

Reconduites au cours du temps, les incertitudes pesant sur le régime du changement et de l'attribution se sont muées en un libéralisme de fait investissant les personnes de certaines prérogatives exorbitantes sur leur patronyme. Elles ont également contribué à tracer un sillon doctrinal à l'intérieur duquel le législateur a pu ensuite s'engouffrer.

311Sur le concept de castration et dans un premier temps. on pourra se tourner vers la définition qu'en donne

M. Legendre. "Leterme de castration symbolique désigne. en psychanalyse. l'inlégration. dans l'économie subjeclive. de la limile infligée au faniasme du sujet; c'est une opération qui permet la symbolisation du fantasme, c'est- à-dire sa mise au sevice de réalisalions socialisées. A "opposé. la non-symbolisation de la limite pèse pour le sujet comme menace imaginaire paralysante des potentialités subjectives et génératrice d'angoisses et de symptômes névrotiques", Dans.Les enfants du Texte. supra note 6àla p. 157. En termes strictement lacaniens.ils'agit également du processus. conduit sous l'office du père. qui contraint l'enfant à refouler sa prétention à incarner le phallus comme objet du désir maternel.

39 P. Legendre. "L'autre dimension du droit" dans P. Legendre. dir.• Sur la Question Dogmatique en

(18)

A-Les rBelnes de l'orthodoxie nominale

l-Les tennes originels de la production normative sur la matière du nom

Les premiers codificateurs le signalaient déjà dans leur rappon~l, le transfert de souveraineté qu'a connu la Province lui a laissé un héritage juridique incomplet. D'une étude de la genèse du droit québécois42•on peut extraire les termes initiaux dans lesquels

il adéfini le statut du nom.

En premier lieu. il est en quelque sorte passée au travers de l'œuvre législative révolutionnaire, n'en apas hérité. Or, comme on va le voir, ce sont cenains textes adoptés en France àcette période qui ont fait du nom un élément de l'état. Les juristes québécois se trouvent donc dès l'origine dans une situation délicate, ne disposant d'aucune base textuelle appropriée afin de marquer le nom au fer conceptuel de ce domaine du droit.

1---Leurs efforts d'exégèse se concentreront dès lors sur l'article 54 du Code civil du Bas/ Canada relatif à la tenue des actes de naissance. L'énoncé de ce texte disposait comme suit.

"Les actes de naissances énoncent le jour de la naissance de l'enfant. celui du baptême. s'il a lieu. son sexe et les noms qui lui sont donnés; les noms. prénoms, profession et domicile des père et mère. ainsi que des parrains et marraines. s'il yen a".

0&0 Voir l'article intitulé "Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je" dans J. Lacan. Ecrits 1.

Paris. Seuil. 1966. à la p. 92 [ci-après Ecrits /] .

.&1 Rappon des Codificateurs. supranote 9.

.&2 Au temps de la domination française. le droit provincial présentait un caractère hétéroclite et

principalement coutumier. Si la coutume de Paris s'appliquait depuis 1664, elle coexistait avec cenains usages locaux, quelques ordonnances royales et même cenaines règles de droit canonique suceptibles d'intervenir en droit de la famille. Cet ensemble. aboli à la suite de la cession du territoire à l'Angleterre (proclamation royale de 1763). sera formellement réinstallé douze ans plus tard (Acte de Québec de 1775). Il faudra néanmoins attendre un siècle pour que le Québec entre officiellement dans la civilisation du droit civil. par la voie napoléonienne. avec l'adoption Code civil du Bas-Canada. Voir M. Morin. supra note 11.

(19)

En opérant une reprise~3 des dispositions lacunaires du Code français44, l'article en

question n'imposait aucune règle quant au changement ou à la transmission. Une telle

carence ne pouvait qu'aboutir à accorder par défaut un rôle prépondérant aux sources

locales non-textuelles.

L'analyse de la jurisprudence du tournant du siècle, époque à laquelle commence à

s'élaborer par interprétation le droit civil de la Province4s,révèle la très grande rareté des

décisions concernant notre objet d'étude46• Sûrement peut-on

y

voir un effet de la

persistance des cadres religieux et familiaux traditionnels",7, laquelle a pu contribuer à

sevrer la jurisprudence de contentieux.

En l'absence de textes. à défaut d'arrêts, les sources décisives seraient donc

essentiellement la doctrine et la coutume. Puisque, comme on le verra, ies auteurs intervenant à l'époque se fixent comme mission principale d'entériner les usages en la

matière~8. il en découlera un libéralisme de facto du régime nominal, posture originelle

qui ne va pas s'estomper par la suite. Antérieurement à toute considérJtion matérielle.

c'est donc bien une lacune au ni veau des sources formelles qui explique la prise de pouvoir progressive du porteur au cours de l'histoire, avec toutes les conséquences qui vont s'ensuivre. L'étude des caractères du nom permet d'illustrer celte affirmation .

..3Voir Rappon des codificateurs. supra nOle 9.

~ L'anicle 57 du Code Napoléon disposait: "l'acte de naissance énoncera le jour. l'heure et le lieu de la naissance. le sexe de l'enfant. et les prénoms qui lui sont donnés. les prénoms. noms. profession et domicile de ses pères et mère. et ceux des témoins" .

.&5Voir P.-G. Jobin. supra note Ilàla p. 91.

46 Voir H. Roch. Actes et registres de l'étatCÎ\,il. Montréal. 1949. à la p. 172. S.-G. Parent en témoigne

également à l'occasion de sa thèse. Parent. S.G.• Le1I0mpatrollymique en droit québécois. thèse pour Je doctorat présellléeàl'université Laval. Québec. Chanier & Dugall. 1951. L'auteur remarque ainsi qu'aucun arrêt n'est suceptible d'appuyer les règles qu'il avance concernant la nomination des enfants naturels.

47On pourra consulter P. Garigue.Lavie familiale des canadiens/rançais. Montréal. P.U.M. 1962.

411C'est le cas en paniculier de M. Parent. dont on verra qu'il peut etre considéré comme le père fondateur de

l'herméneutique nominale du Québec. Il se propose a titre d'exemple d'imposer la transmission du patronyme aux enfants légitimes en venu d'une règle coutumière consacrée dans le silence du code. ce qu'il appelle un "un usage loi". S.-G. Parent. "Le nom après l'anide 56-a du Code Civil" (1951) 54LaRevue du Notariat 60 [ci-après "le nom après l'anice 56-a du Code civil"]àla p. 64.

(20)

Quel fut dans la Province le sort des concepts qui font du nom une institution de l'état. et

que les juristes français ont toujours pu se permettre de considérer comme traditionnels. à

savoir: l'immutabilité. l'imprescriptibilité et l'indisponibilité?

2-I'encadrement conceptuel du couple nom-personne: un refus d'interpréter l'écart

La pertinence du principe d'immutabilité semble couler de source à la doctrine

française~l).Il est vrai qu'il permet d'assurer le fonctionnement d'un des piliers du régime

de l'attribution,à savoir celui de l'hérédité. Si le nom de famille se transmet tel quel et de

plein droit par tiliation, c'est bien parce que les générations successives n'ont pas autorité

pour le modifieràleur guise.

L'immutabilité n'a pourtant rien d'un concept inhérent au régime civiliste. Il s'agit au contraire d'un acquis de la révolution. et son émergence a eu lieu en fonction d'enjeux

propres à cette époque. Dans l'esprit d'abolir la fonction de marqueur social jouée sous

l'Ancien Régime par les modes de dénomination, le législateur révolutionnaire avait dans

un premier temps entrepris de libéraliser le changement de façon quasi absolueso• La

Convention thermidorienne décida ensuite d'adopter une attitude fermement prohibitive.

L'exercice de cette nouvelle Iibel1é individuelle avait donné lieu à bien des d'excèssi.

C'est donc un texte vieux de deux cents ans, le très courtS2décret du 6 fructidor an II, qui

va imposer dans ce pays le principe de l'immutabilité du patronyme. A noter qu'il n'y a

plus aujourd'hui qu'un caractère relatifs3•

..9Même s'ils ne peuvent faire l'impasse sur la multiplication des exceptions au principe. les membres de la

doctrine continuent à partir de cette a:<iome. Voir par exemple Droit civil-Introduction. supra note 20. so Le décret du 24 brumaire an Il inaugure ainsi une "nuit du 4 août nominale" en disposant: "Chaque citoyen a la faculté de se nommer commeil lui plait. en se conformant aux formalités prescrites par la loi", (c'est-à-dire celle du décret du 20 septembre l792 relative à la laicisation de l'état civil). Pour un aperçu des évolutions législatives révolutionaires. voir N. Lapierre. Clrangerde nom. Paris, Stock. 1995. aux pages

li et suivantes [ci-après Changer de nom).

51 Notamment en ce que le choix se portait souvent sur des noms fantaisistes ou empruntés aux grands hommes de ['histoire antique. A noter qu'une telle pratique aboutissaità réinstituer une stratification sociale rar le nom en donnant prise aux stratégies de distinction qui le prenait pour instrument.

2Ilcontenait sept articles.

53En premier lieu, il faut noter que le droit français autorise les changements de nom en cas de changement

d'état. Une autorisation peut aussi être accordée par la puissance publique à toute personne qui justifie d'un intérêt légitime. Par ailleurs, l'immutabilité fait l'objet de critiques de la part de la doctrine française. dont

(21)

Le droit québécois ne connaît pas ce décret, puisqu'il fut adopté bien après la cession à l'Angleterre. Si l'on veut comprendre la nature de sa position originelle quant au changement, il est donc nécessaire de remonter à la situation de l'Ancien droit.

Il est clair qu'aucun texte n'y établissait fermement ni l'immutabilité du nom, ni même un principe prohibitif analogue. On a certes parfois fait état de quelques mesures "fantômes", au premier rang desquelles vient le fameux Edit d'Amboise. Ce texte, qui prétendait faire

défense "[...

toutes les personnes de ne changer leurs noms et armes sans avoir [de]

lettres de dispense et de permission[..]"s4, fut popularisé par Gilles André de la Rocquess.

Il est néanmoins établi aujourd'hui qu'il n'a jamais eu aucune force juridique en France.56

Il ne peut donc a foniori avoir eu autorité au Québec. Ledroit canonique, quant àlui, n'a

jamais contenu aucune disposition d'ampleur sur le sujet57. Il s'ensuit qu'en Ancien Droit

français. la question était réglée par l'usage, sous sanction de la jurisprudence.

Or, au plan matériel, c'est une "mutabilité" que ces sources consacraient. Comme l'a montré Mme Lefebvre-Teillard, les tribunaux semblaient se baser sur un principe de

Iibené du changement, seulement limitée dans l'hypothèse de la fraudes8. A bien des

égards. leur position était donc analogue à celle du droit romain59.

certains membres éminents trouvent le principe anachronique. Sur ce point, voir G. Loiseau. Le110111, objet d'wlcomrat. Paris, L.G.DJ.• 1997àla p. 38. [ci-aprèsle nom objet d'un contraI).

S4 Ce texte fut rapporté pour être une source juridique valable par le répertoire Guyot. lequel date son

adoption à 1555. Voir N. Lapierre. supra note 50. Comme le remarque Mme Zonabend. sa visée était d'empêcher les anoblissements sauvages. F. Zonabend. "Le nom de personne" (1980) 20 l'Homme 4.

5SAu prix d'ailleurs d'un quiproquo qui confineàla falsification. Voir A. Lefebvre-Teillard.supra note 19à

la p. 96.

56A.Lefebvre-Teillard remarque que si ce texte a bien été adopté. ce fut non en 1955 mais le 23 avril 1556

et pour la simple province de Normandie. Il a par ailleurs été révoqué le 24 novembre 1556. Voiribid..

57 "Il faut reconnaitre que l'Eglise. qui fut parfois si prompteà étendre sa sphère d'influence. n'a pas profité

de sa compétence en la matière. pas plus que pour celle qui lui était reconnue en matière de filiation légitime ou naturelle. pour annexer le surnom dont la transformation en nom patronymique offrait éventuellement un champ plus large à son action". Ibidà la p. 39. Selon l'auteur, l'influence de l'Eglise se limite à la doctrine théologique du "domaine humain". Le Jurisconsulte Boniface considérait ainsi que "dans les principes du christianisme, les noms sont de droit divin parce qu'ils sont imposés dans l'Eglise et lors du baptême" .Ibidàla p. 38.

(22)

Tel est l'essence de l'héritage transmis : un certain état du droit, caractérisé par l'importance des usages, qui mettait la personne en position d'obtenir le changement d'un nom de famille qu'il portait, en quelque sorte, toujours transitoirement60• Sa réception va

pourtant être sujette à caution. si bien que le principe de liberté restera implicite dans un premier temps.

Il est vrai qu'une certaine confusion s'installe à la fin du XIXème siècle, puisque certains des premiers interprètes du nouveau Code civil du Bas-Canada semblent éprouver un certain attachement envers l'immutabilité61• Cette attitude procédait probablement d'erreurs quant à l'identification des sources62. La jurisprudence du début du siècle

prendra pourtant parti à quelques reprises dans un sens favorable aux changements volontaires63, mais en se montrant réticente à analyser ce type de demandes autrement que

sous l'angle d'un conflit decompétence~.

Cette tendance libérale est secondée par la place reconnue aux usages. Le mode de fonctionnement de l'état civil, décentralisé et sous contrôle religieux6S, fut sans doute

S')Le: Code de Justinien consacrait un principe de liberté du changement en l'absence de fraude. "nomen in

alleris fraudem mutare non lïeet. Licebit igitur mutare citra fraudem alterius : multo magis authoritate legis"(C. IX, XXV), cité dans ibidàla p.~l.

CIOOn laisse ici àpart la question du changement de nom par changement d'état. Au plan matériel, celle-ci

se résolvait. et se résoud toujours, en fonction des règles d'attribution, règles que l'on étudiera plus tard. Au plan processuel. ce type de changement s'est longtemps obtenu en vertu de l'article 75 du Code civil de 1866, c'est-à-dire par voie de rectification judiciaire des actes et registres de l'état civil. Voir J. Beetz, "Attribution et changement de nom patronymique" (l956) 16 Revue du Barreau 57 [ci-après Attribution et changement de nom patronymiquel.

61 Ainsi, Mignault fait-il rétërence àl'Edit d'Amboise àla fois dans son Traité el dans une note annexée à

une décision autorisant un changement de prénom. Pour le premier, P.-B. Mignault.Ledroit civil canadien, Montréal. Whiteford & Théoret, 1895à la p. 202. Pour le second. Hugh Andrew Allan (1878), [1887] 15 R.L. 16 (C.S).

6.:! Voir supra note61.

63 Ainsi. certaines décisions rendues ont permis des changements volontaires par voie de rectification d'état

civil. Voir H. Roch, supra ..6 note à la p. 172. On y trouve cité Ex-pane Paul Slater Monet Mckensie (1923), Montréal 295, Tutelles (C.S), ou encore Ex-parte Trainer (1932), Montréal 877, Tutelles. (C.S.).

64 les décisions rendues dans un sens prohibitif ne statueront en réalité que pour dénier aux paroisses le

droit de procéder aux changements. Voir notamment Hugh Andrew Allan, supra note 61. Voir aussi la cause Jo/zn Major datant de 1887, et qui est citée en note infrapaginale au commentaire de P.-B. Mignault. le premier des deux arrêts prétigure le futur arrêt Schwartz qui sera rendu en 1944. En 1949, M. Roch n'aborde pas lui-même le problème du changement sous un autre angle que celui de la compétence, ne s'interrogeant pas sur l'existence d'une règle probitive de fond. Seule la question du faux attire son attention, ce qui accrédite l'analogie avec le droit romain. Voir H. Roch. supra note 46àla p.172.

6SVoir J.-L. Baudouin, "L'intluence religieuse sur le droit civil du Québec" (1984) 15 R.G.D. 563 [ci-après

(23)

propice à s'accommoder de changements informels sans questionner leur légalité66• L'intluence du comm01l Law semble aussi avoir orienté les pratiques dans le sens d'une facilitation des changements67• A l'ensemble de ces facteurs se surajoute enfin une

question de politique législative, puisque l'institution sera prise en charge très tardivement par l'Etat comme instrument de police68,

A ce stade de l'évolution historique, la sensibilité libérale du droit québécois est donc déjà en germe. Il faut pounant attendre le milieu du vingtième siècle pour que le nom devienne officiellement un instrument subordonné aux désirs de son poneur. De façon révélatrice, la question en débat ne sera alors pas: "Peut-on changer de nom ?" mais plutôt: "Par quelles voiespeUl-on c:/ulngerde no",?".

C'est la Cour supérieure qui définit pour la première fois expressément le problème en ces termes. A l'occasion de l'arrêt Schwanz69, elle établit ainsi la compétence exclusive de la

législature de Québec pour prononcer les changements7o•

La

solution en cause ne prend

respecter l'immutabilité'? La question se posera jusqu'à la réforme. Voir par exemple HaT\'ey c. UJcroi:c. [1985] 1R,.J.Q. 11 (CS.). Il s'agit d'un cas de double enregistrement contradictoire à la paroisse et au greffe. De façon révélatrice. leur mise en conformité s'opérera non en vertu d'un principe de hiérarchie (laqllelle des delL"C inscriptions clwlÎt-elle amorit,} pOlir fi.'Cer le nom ?) mais par le recours au fait(auquel des deLL'C prénoms l'i"dividu répond-il principalemelll'! ).C'est dire qu'au milieu des années 1980, l'autorité conféréeà l'usage du nom prévaut encore sur la réglementation de l'inscription. A noter que dans tous les systèmes romano-germaniques. il existe un système de publicisation de l'identité des personnes. Dans l'idéal. celui-ci permet leur tixation par écrit et verrouille le jeu de l'immutabilité. VoirLe nom objet d'un corurclt, SUpTCl note 53àla p.-10.

tJ6"Pounant. bien des pc=rsonnes ont changé de nom volontairementà l'époque oùilétait permis de le faire;

pour d'autres personnes. des jugements rendus sur des actions d'état ont modifié leur filiation sans qu'il n'apparaisse rien à leur acte de naissance et elles ont droit à un autre nom". Dans "Lenom après l'anide 56-a du Code civil",supra Ilote 48.

67 Lecommon law. tradition dominante au Canada. ignore le principe d'immutabilité. Voir Li! nom, objet

d'lltl comrat, supranote 50 à la p. 53. Ainsi. la pratique des deed pools, c'està dire des changements de nom par acte notarié, perdurera au Québec jusqu'au milieu du 20ème siècle. Voir S.-G. Parent. "Lechangement de nom patronymique" (1951) 53 La Revue Du Notariat 420 [ci-après "Le changement de nom patronymique"1.

b8 Voirà titre d'illustration les propositions faites au milieu des années 1970 dans; Office de Révision du Code Civil - Comité spécial de l'enregistrement, Rappon Sl.r l'enregistrement - Première panie : Des personnes. Montréal, Québec. 197-1 [ci-après Rappon sur l'enregislremellt). A noter que le débat sur l'institution d'une cane d'identité vient de reprendre au Québec. Sur la notion d'intérêt de l'Etatàla stabilité, voir ci-dessous à la p. 18 et notes correspondantes.

69Re-Eric HallS Scllwan:. alias Cerny,[1944] C.S.128 (C.S.) [ci-après Schwartz].

70Panant d'une conception surannée de la nature du droit du nom comme objet de propriété"Lenom d'une

personne n'est pas une question de sentiment. mais constitue un actif et un bien ", les juges en déduisent la compétence exclusive du Parlement en venu de son rôle de gardien de la propriété et des droits civils. Sur

(24)

donc pas directement panie sur la question de l'immutabilité. Le recours au concept d'ordre public n'est à ce titre qu'un succédané. parce qu'il ne fait que régler un problème de compétence. sans impliquer quoi que ce soit au niveau des caractères du nom71•

,-~~-r-r'

A l'occasion de cet arrêt émerge dans l'argumentaire de la Cour

~e

une des

caractéristiques fondamentales de l'attitude des juristes de la Province. II s'agit d'un certain mode de lecture de la question du changement. qui consiste àla définir avant tout comme conflit de compétence. L'adoption de cet angle d'analyse n'est pas un phénomène anodin. puisqu'il participe d'un refus d'organiser concepluellement le rapport au nom. autrement dit de définir sa nature au moyen de caractères juridiques. L'institution prenait donc une trajectoire singulière.

L'analyse de la littérature postérieure pennet de confirmer que ce raisonnement a établi un précédent. Principale autorité doctrinale en la matière. M. Parent72 règle clairement les comptes du Québec avec la tradition française de l'immutabilité73, Selon lui. même si

l'Ancien droit avait accueilli le concept74• le système d'autorisation royale auquel il se

trouvait agencé n'a pu survivre àla cession du Québec. En effet. il relevait du droit public et n'a donc pas pu être repris.

Le propos lève enfin tous les doutes concernant l'état du droit tel qu'il perdure ci~puis

deux. siècles. à savoir que "le changement de nom, effectué sans intention frauduleuse,

l'abandon de la conception patrimonialisante du nom en droit français. voir A. Letèbvre-Teillard, supranote 19 à lap. 185.

71 "L'ordre public demande qu'il(lenom) ne soit pas changé". Dans Schwartz.supranote 69.

72 Simon George Parent. avocat au barreau du Québec. s'est imposé à l'occassion de trois publications

successi ves la même année. comme la principale autorité doctrinale sur la matière du nom. L'article suivant met à jour l'absence de normes textuelles sur le changement. et fut en tant que tel à l'origine de la controverse qui a donné lieu à l'adoption du futur article 56-a du Code civil. Voir"Lechangement de nom patronymique" Sllpr" note 67. Voir également. Le nom patronymique en droit québécois. supra note 46.

Voir enfin. "Le nom après l'article 56-a du Code Civil"supranote48,

73 Voir "Le changement de nom patronymique".supranote 67 aux pages88et suivantes.

7.-Ce qu'il conteste par ailleurs. Selon lui. l'édit d'Amboise n'a pas été correctement enregistré et. quoi qu'il

en soit. il ne visait que les nobles. Le recoursàl'article 211 de l'ordonnance de 1629. dit "Code Michau" lui paraît tout aussi peu pertinent. car ce texte n'aurait jamais été adopté. "Le changement de nom patronymique". ibid. Enfin. Parent affirme dans sa thèse que la pratique française des lettres de commutation ne saurait a voir créé un usage. Ces dernières ne concernaient que les armes et pas le nom à proprement parler. Voir Le nom patronymique en droil québécois. supra note 46 aux pages 102 et suivantes.

(25)

dans les cas que précise le Code criminel, est permis,,75. Restait alors à préciser sous quelles configurations de compétence. C'est cette interrogation et aucune autre que le Parlement tentera de résoudre en imposant le recours à une loi d'intérêt privée dans

l'article

seu

Code civil.

5;b

a,.X

"Les noms et prénoms donnés à une personne dans son acte de naissance, ou qui sont réputés être ses véritables noms et prénoms d'après la loi ou l'usage du lieu de naissance. ne peuvent être changés que par une loi de la Législature, et ses droits ne peuvent être exercés que sous ce nom et sous l'un ou plusieurs de ces prénoms. à moins qu'ils n'aient été changés.,76.

Ce texte, énigmatique par de nombreux aspects71, est loin d'affecter la qualification du problème. La doctrine en extrait logiquement un principe de compétence et non pas un caractère du nom. En somme. la matière serait d'ordre public, et ce pour des motifs de police7s• D'où le recours obligatoireàla loi.

Les juristes de l'époque achèvent donc de substituer àl'immutabilité d'origine française79 une règle de nature processuelle. Les tentatives de prohibition opposées aux désirs de changements ne seraient donc pas des limites de fond imposées aux sujets par la Loi. Il s'agirait de principes de procédure liant les autorités publiques. Le nom s'en trouve expulsé de l'orbite du "noyau atomique"SO du droit civil, avec pour conséquence une incapacité indélébile à faire entrer les porteurs dans la dimension du manque et de l'interdit. Au plan de la politique juridique, et à plus moyen terme, cette démarche pose aussi les bases du glissement sémantique et conceptuel qui va s'opérer vers la notion évolutive d'intérêt.

75"Le changement de nom patronymique", supra note 67.

76(1950-51) 14-15 George VI ch. 42 14 mars 1951.

n "Le nom d'après l'article 56-a du Code civil". supra noie 48.

78"Le changement de nom patronymique". supra note 67. Parent affirmait précédemment qu'aucun principe

n'empêchaità l'époque les clauses contractuelles de changement de nom. Ilen résulte que les règles de compétence n'étaient pas d'ordre public.Lenom patronymique en droit québécois, supranote 46.

79Comme l'affirme d'ailleurs Parent: "La thèse de l'immutabilité est d'un intérêt tout spéculatif·. Ibid,àla

95 .

o Formule utilisée par P. Legendre pour désigner la matière de l'étal des personnes. P. Legendre. "Revisiter les fondations du droit civil" (1990) 89 R.T.D.C. 4.à la p. 639.

(26)

On parlera d'abord fort logiquement d'un intérêt de l'Etatà la stabilité. Le concept prévaut d'ailleurs au cours des années L960, àune époque où les motifs de changement sont très largement liés aux enjeux migratoires81• Toujours présent à l'époque actuelle82, il sera pourtant concurrencé par un autre intérêt, celui de la personne à l'ialstabilité. qui n'est autre que le corollaire du droit à changer de nom qui va lui être reconnuS3•

L'absence d'attachement du droit québécois à l'imprescriptibilité semble participer du même processus. Même si aucun texte ne spécifie son existence, la jurisprudenceS" et la doctrine85 françaises restent attachées à ce caractère. Il implique en particulier ceci: le nom de famille ne peut se perdre par le non-usage, il ne s'acquiert par usage que dans certains cas précis86•Il contribue donc àcantonner l'influence de la volonté du porteur sur

le signe nominal. à lui interdire un certaintype de manipulation.

Il est clair que l'imprescriptibilité fonctionne de concert avec l'immutabilité. Dire qu'on ne peut pas changer de nom équivaut à affirmer qu'il ne suffit pas d'en porter un pour l'acquérir. Il est donc logique que la faiblesse de l'immutabilité ait pour contrecoup celle de l'imprescriptibilité.

1j1 Au milieu des années 60. c'est ainsi la problématique de la québecquisation des noms de famille qui

motivera l'assouplissement de la procédure de changement de nom. "Le nomapour fonction de désigner l'individu dans le milieu où il vit. Le public aussi bien que lui-même doit pouvoir s'en servir de manière à se faire comprendre. Or. les particularités sonores et graphiques de certaines langues étrangères constituent souvent une barrière parfois infranchissable". Voir Québec. Assemblée nationale. Journal des débats (2 avril 1965)àla p. 1832.

~2 La jurisprudence contemporaine a ainsi évacué l'immutabilité de ses préoccupations. en faisant de la stabilité des noms le seul principe matériel sur lequel elle base ses décisions. Voir Côté et St Antoine. [19911 R.O.f. 513 (C.A.) : "Le caractère exceptionnel des motifs qu'on doit démontrer pour obtenir un changement de nom se justitie par l'importance de la stabilité des noms des individuspourl'ensemble de la société". Pour un arrêt rendu dans le cadre de la procédure adminstrative. voirCroteau c. Directeur de l'Etat civil. [19951 R.O.F. 31 (C.S.) : "la stabilité du nom a une grande importance" ou bien encoreSt Pierrec. Directeurde l'EtClt civil. [19951 R.D.F. 31 (C.S.). Cet arrêt est également disponiblesous la référence C.S. J.E. 95-1870 : "L'Etat a un intérêt en la matière. car le nom est un moyen indispensable d'individualiser chacun de ses citoyens et d'éviter au maximum la confusion par le citoyen dans l'exercice de ses droits r:ublics et privés".

3Voir ci-dessous. auxp.43 et suivantes.

iWVoir Paris. 29 juillet 1879. O. 1880. Jur. 2.102.

85 Voir Droit civil-lmroductiolZ supra note 20 à la p. 63. Voir également G. Marty et P. Raynaud.Droit

civil, [es personnes, Paris, Sirey, 1976àlap.818.

1I6La jurisprudence française n'admet pas l'acquisition par prescription. mais reconnait tout de même un

rôle acquisitifà··l'usage loyal public et incontesté". Voir Casso civ. 1ère. 22 juin 1971, 0.1971 Som. 181. L'usage en cause doit avoir perduré pendant une période suffisamment prolongée. Sur ce point. M. Terré et

(27)

La

Provlnce semble se distinguer par la prégnance d ' u n G qui favorise l'autorité de

~u

nomS7• Lecontenu de la thèse fondatrice de S. Parent vient incontestablement

au soutien d'une telle interprétation. Celui-ci établira ainsi non seulement que le nom peut s'acquérir par usage, mais de plus le non-usage entraîne sa perte en principe88.

Le

droit positif contemporain porte d'ailleurs toujours la trace de cet héritage, notamment en ce que l'actuel article 58 du Code civil prévoit le prononcé d'un changement automatique en faveur du nom d'usage89•

L'auteur ne precIse pourtant pas en fonction de quels principes s'opèrent les effets susmentionnés, se contentant de noter l'inadéquation du concept de possession90• Ceci révèle que la gestion du couple formé par la personne el son nom n'est pas l'angle par leq uel il aborde le problème du port.

Il aurait certes été périlleux d'opérer une refonte des caractères de l'institution sans faire appel au droit français. Comme l'a montré Mme Lefebvre-Teillard, l'histoire de la matière s'est toujours caractérisée par certains errements de la doctrine. La tentation naturelle consistantàsolliciter des mécanismes issus du droit réel romain, comme la propriété ou la possession, se retrouve d'ailleurs au QUébec91• Pour cet auteur, une telle attitude, visible dès le Moyen-Age en France, est liée àune ignorance persistante sur les origines du droit nominal, et en particulier l'influence du mécanisme de la saisine92•

Mme Fenouillet parlent de possession centenaire. Voir F. Terré et T. Fenouillet. Droit civil, personnes. familles, incapacités.6ème édition. Paris. Dalloz. 1997àla p. 149.

!l7A noter d'ailleurs que droit québécois n'a pas reçu d'héritage te:ttuel à même d'établir l'imprescriptibilité.

Au sujet de l'immutabilité, les controverses relatives à l'édit d'Amboise avaient au moins pu conduire certains à se poser la question de son existence dans la Province. Voir ci-dessus. aux p. 13 et suivantes.

liSLenom patronymique en droit québécois. supranote 46 à la p. 116.

1I9Plus précisément lorsque "le nom généralement utilisé ne correspond pas à celui qui est inscrit dans l'acte

de naissance". Art. 58 al. 2 C.c.Q.. M. Goubau en déduit que le nom est "susceptible de prescription en cas

de possession prolongée". O. Goubau et E. Deleury, Le droit des personnes physiques, 2ème èdition.

Cowansville(Qc.).Y. Blais, 1997 à la p 119.

\~ "II nous parait nécessaire d'admettre qu'il se passe quelque chose d'analogue à la prescription acquisitive. Mais à l'égard de cette chose immatérielle qu'est le nom, il est difficile de parler avec justesse de

~ossession".danslenom patrotlynrique en droit québécois, supranote 46 à la p. 113.

1Voir D. Goubau et E. Deleury.supranote 89.

92 La saisine s'acquérait par un usage public et prolongé. non en venu d'une quelconque prescription

(28)

La doctrine se montre quoi qu'il en soit impuissante à refondre l'institution93. Dans la

perspecti ve qui nous intéresse, cette lacune est des plus préjudiciables.

En effet, comme l'enseigne l'anthropologie, aucune société ne permet aux sujets de manipuler le nom à leur guise9",. Cette prohibition ne procède pas exclusivement d'une entreprise classi ficatoirelJ5, elle répond à un impératif de reproduction subjective organisé spéculairement : le nom décide de l'entrée dans le langage, scelle la non-folie du rapport au corps et aux choses96•autant qu'il assigne à un destin généalogiquement défini, à une

Il 1 l' 'l' . II

t

J7

P ace par ee a avance aux sUjets .

certains auteurs au Moyen-Age favorisera ensuite une assimilation fallacieuse de la saisine à la possession. A. Lefebvre-Teillard.sllpm note 19.àla p. -l3.

'13 Voir notamment L. Baudouin. "Personne humaine et droit québecois - section ((, la personnification de

l'individu" (1966) 26 R.D.B. 78. Comme l'auteur le remarque d'entrée. "Le droit québecois ne comporte pas de théorie générale sur le nom de l'individu", et l'articleà suivre ne va pas remédier à cette lacune.

'l4C. Levi-Strauss. La pensée sCllH'age. Paris, Plon. 1962. M. Levi-Strauss commence par remarquer que le

nom dans les sociétés primitives ou a-historiques marquait toujours le rattachement de l'individu au totem d'une manière ou d'une autre. Prenant l'exemple des Penan dans le chapitre VI. il met à jour d'autres déterminants du système nominal. Cette société désignait ainsi ses membres selon leur âge et leur situation de famille. soit au moyen d'un nom personnel. soit au moyen d'un technonyme. soit entin par le recours à un nécronyme. Par le jeu de ce qui y est décrit commeson entrée dallsUIInom, chaque ego était ainsi référé au

système de parenté. Le système de nomination battait le rythme de l'échange entre les générations. tout autant que celui du déroulement de la vie de chacun. Le changement était d'ailleurs assujetti à un changement d'état et la volomé individuelle n'y pouvait rien. L'usage du nom personnel. quant àlui. était dévalorisé l.:ar il prouvait un défaut de socialisation de son paReur.

1)5 Pour une étude contemporaine reprenant l'approche inaugurée par Claude Levi-Strauss, voir C.

Bromberger. "Pour une analyse anthropologique des noms de famille" (1982) 66 langages 103.àla p. IDS. "L'ensemble de ces appellations fonctionne comme un code dont chaque élément (prénom, patronyme. diminutif patronymique. surnom) indique l'appartenance du sujet à une classe préordonnée [... ] rindividu y est défini comme une espèce occupant une place déterminée dans un systèmeà plusieurs dimensions".

96Selon les mécanismes identiticatoires mis à jour par Lacan dans son étude du stade du miroir, Voir sur ce

pointEcrits /, supra note~Oaux pages 91 et suivantes ainsi que 151 et suivantes. M. Legendre nous signale la dimension la dimension spéculaire du nom. "Instant inaugural de la nomination. le nom (le nom propre dans la culture d'Occident). prend statut de signe tondateur : l'enfant peut habiter son corps parce qu'il est advenu au spéculaire et nommé comme sujet [ ) le pouvoir de signifier du nom fonctionne suivant un processus intrinséque d'entre-appartenance du signifiant comme tel et du signitié inaugural du sujet qu'est sa propre image dans le mirroir. moyennant le jeu de l'instance de représentation qui redouble. c'est à dire néantise symboliquement le corps en autonomisant l'image". P. Legendre.UÇOIIS /.'La9D/ème conclusion.

essai sur le r/réarre de la Raison. Paris. Fayard, 1998. à la p. 247. Le passage suivant permet ensuite d'éclairer en quoi consiste l'opéroltion d'identification ici en cause: permettre l'accèsàla subjectivité età la raison. "[....]on conçoit aisément que la base d'authenfication sur laquelle est construite la relation de l'autre

à soi. sa propre image -la vérité dévoilée par la fulgurance poétique du "je est un autre" de Rimbaud-rejaillise sur la représentation de la causalité. Si au niveau premier de la Raison. l'image est pur effet. projection visible du corps sur la surface réfléchissante et donc projection analysable en termes de physique ou de psychologie expérimentale. si au niveau du fonctionnnement duel elle reste mirage. elle change de statut au niveau de la Raison identificatoire. où nous entrons dans un univers de relativité: ayant transité

(29)

Dans cette optique, toute expression d'une volonté de changer de nom relève non seulement d'un fantasme qui vise au changement de corps~ mais aussi d'un acte d'hybris

généalogique98. Elle témoigne d'une prétention fantasmatique à l'autofondation et à la

toute puissance narcissique. C'est à ce niveau que les caractères traditionnels du nom entrent en jeux, en assurant, via la prohibition de son instrumentalisation, que tout sujet fasse l'expérience de la séparation d'à soi même et d'au monde99•

En France, l'immutabilité et l'imprescriptibilité, malgré leur caractère désormais relatif1OO,

jouent encore ce rôle de structure. Théoriquement assises sur le concept d'indisponibilitéIOI, elles achèvent de faire du nom un élément de l'état. En d'autres

termes, elles le subsument comme composant de ce domaine du droit si particulier à

l'intérieur duquel le jeu des volontés humaines n'a pas cours, qui procède de l'arbitraire.

Le droit québécois ne se caractérise pas uniquement par une impuissance passagère à

organiser ce processus de décollement. Les développements judiciaires et doctrinaux qui par h: lieu du garant. l'eft~tadvient à soi comme cause. Dans la perspective de la structuration subjective, l'image parce que légitimée, devient instance causale du sujet".Ibid.à la p. 246.

lnExpression empruntéeà P. Legendre<Les en/ants du Texte, supranote 6 à la p, 328.), et qui vise a rendre compte de la dimension généalogique de l'opération d'identification nominale. Sur la nomination comme

farum. voir ci-dessous aux pages 76 et suivantes. En guise d'illustration. on pourrait également se tourner vers l'oeuvre d'interprétation des mythes d'Oedipe et de la genèse à laquelle se livre Bernard This dans F. Beddock. Comme", t'appelleS-Ill ? Psychanalyse et nomination. Nice. Z'éditions, 1991. aux p. 47 et suivantes [ci-aprèsComment t'appelles-tll '?).

98 Dans les termes du Yahviste biblique. 11,ybrisest l'acte de désir fou par lequel l'homme cherchera a

échapper à sa destinée pour devenir semblable à Dieu. Cette interprétation du pêché originel joua un rôle def dans le questionnement sur la théodicée. ]. Bonéro. Naissance de Dieu, La Bible et l'historien.

Gallimard. Paris, 1986, à la p. 276. Le recours à la notion d'Izybrisdans le contexte qui nous intéresse viseà expliciter que ce qui se joue au niveau du port du nom est la confrontation des fils avec les pères. contlit éternel dont la réalité émergeait par exemple chez les sumériens. "Le père transmet son nom. dans le monde sumérien et chaldéen. dans la mesure. où. prestigieux, il surpasse par ses mérites la gloire de son père ou

cell~ du tits qui lui succède. [... 1 Dans ce système politico-religieux dont les scribes assuraient le fonctionnement. effacer le nom du père. du procréateur. pour devenir procréateur. paraissait essentiel". B. This.Naitre... el sourire. supranote 17 à la p. 241.

99Comme le montre M. This. le nom inaugure la coupure du sujet à son image. Si l'on doit toujours parler

en son nom. c'est que ce dernier est impuissant à définir le porteur. "Que fait la nomination? Elle promeut un vide. un manque. Si je dis "fraise". il est évident que je ne fais pas apparaître une fraise...mais cela l'évoque. la représente. Le mot est le meurtre de la chose. il en est la représentation. il n'en est pas la réalisation".Comment t'appelles-tu ? supranote 97 à la p. 47.

Références

Documents relatifs

2) A tour de rôle chaque joueur doit annoncer un nombre parmi les multiples et les diviseurs du nombre choisi par son adversaire et inférieur ou égal à n,.. 3) Un nombre ne peut

Dans tout système social, la réalité sociale des règles est une réalité vivante : « a réa- lité sociale que nous constatons, ce n’est pas la présence de règles,

Tout comme pour la courbe dans le cas d’une charge résistive, nous constatons une diminution de plus en plus importante de la tension secondaire en fonction de l’augmentation

Exit, voice and loyalty a ainsi pour objectif d’étudier les conditions de développement, conjoint ou non, des deux modes d’action, leur efficacité respective dans

En plus de toutes ces raisons ponctuelles, il existe deux importantes exceptions à l’octroi de l’exécution forcée de l’obligation : la présence d’un droit de révocation

Si l'application d'une loi provinciale à une entreprise fédérale a pour effet de l'entraver ou de la paralyser, c'est, , le signe quasi infaillible que cette sujétion

Dans un travail de recherche publié il y a quelques temps, et qui portait sur l’image de soi et de l’autre à travers les textes proposés dans le manuel de

L’énoncé [dxelt kursi] (U.C 6) marque un dysfonctionnement au niveau de la fonction du contexte, parce que l'expression est étrangère au thème abordé, ce qui reflète