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Évaluation critique du régime juridique québécois en matière de consentement aux soins pour le majeur inapte

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UMI

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ÉVALUATION CRITIQUE DU RÉGIME JURIDIQUE QUÉBÉCOIS EN MATIÈRE DE CONSENTEMENT AUX SOINS POUR LE MAJEUR INAPTE

par Nathalie Lecoq

Comparative Law, McGill University, Montreal

A thesis submitted to McGill University in partial fulfillment of the requirements of the degree of L.L.M. Specialization in Bioethics

February, 2005

(4)

1+1

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Conformément

à

la loi canadienne sur la protection de la vie privée, quelques formulaires secondaires ont été enlevés de cette thèse. Bien que ces formulaires aient inclus dans la pagination, il n'y aura aucun contenu manquant.

(5)

Résumé

Le régime juridique instauré par le législateur québécois en matière de consentement aux soins pour le majeur inapte mérite d'être révisé. La détermination de cette inaptitude produit des effets importants. Le constat d'inaptitude prive la personne majeure de son droit de prendre une décision à l'égard de sa santé, une des sphères les plus personnelles et privées de sa vie. Cette thèse utilise une approche transdisciplinaire, puisant à la fois dans le droit et la bioéthique, pour évaluer de façon critique: l'encadrement de la détermination de cette inaptitude, la détermination juridique de cette inaptitude et les dispositions pertinentes du Code civil du Québec qui s'appliquent en matière de consentement aux soins lorsque cette inaptitude est constatée par le médecin. L'auteur conclut que l'objectif visé par le législateur québécois, le respect de la personne, n'est que partiellement atteint.

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Summary

The legal rules enacted in the Civil Code of Quebec pertaining to consent to care for incompetent adults must be revised. Being considered incapable to consent to care has important consequences. The finding of this incompetence prevents a person from making decisions about her or his health, one of the most personal and private spheres of his or her life. This thesis uses a trans-disciplinary approach to critically evaluate: the supervision of medical determinations of capacity to consent to care, the legal determination of capacity to consent to care as well as the relevant rules of the Civil Code of Quebec that apply once a person has been deemed incompetent to consent to care. The author conc1udes that goal of respect for persons is only partially attained.

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Remerciements

Je tiens à remercier mes deux superviseures Lara Khoury et Carolyn Ens pour leur encadrement, leur encouragement et leur dévouement. Je remercie également le cabinet Heenan Blaikie dont le soutien financier a contribué à la réalisation de ce mémoire. Mille mercis à Nancy Martin. Je tiens finalement à remercier mes deux « CFCF » qui ont gentiment accepté de lire et commenter les versions antérieures de ce texte.

(8)

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION ... 7

CHAPITRE 1 - LE PRINCIPE DIRECTEUR: LE RESPECT DE LA PERSONNE ... '" 12 1. LE DROIT À L' AUTODÉTERMINATION ... 14

II. LE RESPECT DE L'AUTONOMIE ... 17

III. PROTECTION DE LA PERSONNE ... 22

CHAPITRE II -L'INAPTITUDE À CONSENTIR AUX SOINS: , ? CONSTAT DE FAITS OU FICTION MEDICALE ET JURIDIQUE ... 25

1. L'INAPTITUDE À CONSENTIR AUX SOINS: LE QUOI, PAR QUI ET LE QUAND ... ... 28

A. DÉFINITION (C'EST QUOI?) ... 28

B. QUI DÉTERMINE (OU CONSTATE) L'INAPTITUDE À CONSENTIR AUX SOINS? ... ... 29

C. QUAND LA DÉTERMINE-T-ON? ... ... 31

II. COMMENT DÉTERMINE-T-ON L'INAPTITUDE À CONSENTIR AUX SOINS? ... 32

A. LA DÉTERMINATION MÉDICALE ... 32

1. Les principes théoriques ... 32

2. La pratique ... 35

a) Les critères cliniques ... 35

b) La mise en œuvre des critères cliniques ... 36

B. LA DÉTERMINATION JURIDIQUE DE L'INAPTITUDE À CONSENTIR AUX SOINS ... ... 41

(9)

2. Le mode d'application des critères judiciaires ... 45

a) Jugement majoritaire ... 47

b) La dissidence ... ... 51

c) La divergence entre la majorité et la dissidence ... 53

i) Preuve médicale et témoignage du patient ... 53

ii) Autonomie décisionnelle ou protection de la personne? ... 55

III. RÉGIME JURIDIQUE ACTUEL ... 58

CHAPITRE III-ÉVALUATION CRITIQUE DES RÈGLES JURIDIQUES APPLICABLES ... 63

1. RÈGLES JURIDIQUES CONFORMES À L'OBJECTIF VISÉ ... ... 64

A. LE CONSENTEMENT SUBSTITUÉ: PROTECTION D'UN ÊTRE RELATIONNEL ... ... 64

1. Protection ... 69

2. Autonomie décisionnelle ou protection: volontés . , t' . t 72 exprlmees an erleuremen ... . Il. LES DÉFICIENCES DU RÉGIME ... 76

A. L'EMPÊCHEMENT OU LE REFUS INJUSTIFIÉ DU REPRÉSENTANT DU MAJEUR INAPTE ... 77

B. LE REFUS CATÉGORIQUE DU MAJEUR INAPTE ... 82

CONCLUSION ... 89

(10)

INTRODUCTION

Madame B., âgée de 45 ans, est atteinte de sclérose en plaques, maladie démyélinisante du système nerveux central entraînant une paralysie progressive. Célibataire et sans enfants, elle vit seule dans un appartement qui n'est pas adapté à ses incapacités physiques. Elle s'y déplace en fauteuil roulant manuel. L'état de santé de madame B. se détériore avec le temps; elle est en perte d'autonomie graduelle. Un jour, elle glisse de son fauteuil roulant et est incapable de se relever. Son frère la retrouve gisant sur le sol dans ses excréments quelques dix heures après la chute. Compte tenu de son état « épouvantable [ ... ] dépassant quasiment l'imagination» l, elle est conduite au centre hospitalier.

Constatant les plaies suintantes de longue date à la cuisse droite, à la malléole gauche, aux talons et aux fesses, le médecin omnipraticien qui l'examine l'admet au centre hospitalier. Après lui avoir posé quelques questions, ce médecin commence à douter de la capacité de madame B. de bien comprendre son état de santé et de consentir à l'hébergement requis. Elle fait donc appel à l'expertise de différents professionnels de la santé2 afin de l'aider à évaluer l'aptitude de madame B. à prendre une décision à cet égard.

Pendant son hospitalisation, madame B. prend ses médicaments et consent à une chirurgie visant à traiter une pathologie qui n'est pas liée à sa sclérose en plaques. Les intervenants de

2

Les faits sont ceux de l'arrêt Centre hospitalier Pierre-Le-Gardeur c. Boulet, [2004] R.J.Q. 792 (C.A.), nO

705-17-000689-032 (C.S.), en ligne: SOQUIJ, AZ-50205747 [arrêt Boulet]. Témoignage du docteure

Marceau, médecin omnipraticien ayant examiné madame B. à son arrivée au centre hospitalier.

Elle consulte un psychiatre, un neurologue, une neuropsychologue, une ergothérapeute et une travailleuse sociale.

(11)

la santé consultés la considèrent apte à consentir à ces soins.3 Toutefois, madame B. refuse catégoriquement l 'hébergement en centre de soins de longue durée proposé par l'équipe traitante. Le centre hospitalier et le médecin omnipraticien s'adressent donc au tribunal afin d'obtenir l'autorisation d'héberger madame B. contre son gré dans une ressource appropriée.

Tel que l'écrit le juge Chamberland pour la Cour d'appel du Québec:

Il n'est jamais facile de déterminer à partir de quel moment une personne malade devient inapte à prendre une décision concernant les soins requis par son état de santé. Cela est d'autant plus difficile lorsque, comme en l'espèce, la personne ne souffre pas d'une maladie mentale, ou à tout le moins, d'une maladie mentale de nature psychiatrique (psychose, névrose ou autre trouble de personnalité d'origine psychique). Cela est encore plus difficile lorsque l'inaptitude alléguée se limite aux décisions concernant l'hébergement, les spécialistes concluant à l'aptitude de l'appelante à la prise de médicaments et à la chirurgie à laquelle est elle soumise [ ... ] La tentation est forte de conclure que les médecins jugent l'appelante inapte à consentir parce que celle-ci n'est pas d'accord avec eux quant au type d'hébergement

,4

propose.

Le cas de madame B. souligne le dilemme auquel font face les professionnels de la santé eu égard aux patients qui persistent à refuser les soins requis par leur état de santé sans comprendre la portée de leur refus. Doivent-ils privilégier le droit à l'autodétermination du patient ou tenter de protéger son intégrité en lui fournissant les soins? De plus, ce cas illustre bien comment il peut être difficile de déterminer l'inaptitude d'une personne à consentir aux soins et comment cette détermination semble varier selon la nature de la question. À la lumière des changements démographiques au Québec, la question de l'inaptitude à consentir aux soins devient des plus pertinentes et importantes. La population vieillit et

4

Le terme «soin» en droit civil québécois doit être interprété de façon large. Selon les commentaires du ministre de la Justice, il: «[ ... ] utilise le mot soins dans un sens générique pour couvrir toutes espèces d'examens, de prélèvements, de traitements ou d'interventions, de nature médicale, psychologique ou sociale [ ... ] Ce terme couvre également, comme acte préalable, l'hébergement en établissement de santé lorsque la situation l'exige. » Québec, Commentaires du ministre de la Justice, Tome 1, Publications du Québec, 1993 à la p.12.

(12)

l'affaiblissement des capacités cognitives, ainsi que les besoins en matière de SOInS,

augmentent avec l' âge5. Cependant, la détermination de cette inaptitude produit des effets

importants. Le constat d'inaptitude prive la personne majeure de son droit de prendre une décision à l'égard de sa santé, une des sphères les plus personnelles et privées de sa vie. Elle engendre notamment l'application d'un régime juridique visant à protéger l'intégrité de la personne qui ne peut pas consentir ou refuser elle-même les soins requis par son état de santé.

En postulant que le principe du respect de la personne implique le droit de toute personne à l'autodétermination (son autonomie), la protection de son intégrité et la reconnaissance de sa singularité, ce mémoire tente de répondre à la question suivante: le cadre juridique prévu au Code civil du Québec6 en matière de consentement aux soins pour le majeur inapte permet-il réellement d'atteindre cet objectif? Plus précisément, ce mémoire est une évaluation critique de l'encadrement de la détermination médicale de l'inaptitude à consentir aux soins et des méthodes juridiques de cette détermination. Il vise également à commenter de façon critique les règles pertinentes du C.c.Q. qui s'appliquent une fois que cette inaptitude est constatée.

Une approche transdisciplinaire, puisant à la fois dans le droit et la bioéthique, est retenue pour les fins de cette thèse. Le droit et la bioéthique s'intéressent aux normes ou aux règles de conduite et à l'étendue des obligations et des devoirs de chaque partie en matière d'intervention médicale. Le droit fixe les règles de conduite minimale visant le maintien de

6

Voir notamment Pierre J. Durand, «La démence et la maladie d'Alzheimer: le malade, sa famille et la société» dans Le droit des aînés, Service de la formation permanente du Barreau du Québec, Cowansville, Yvon Blais, 1992,42 à la page 19.

(13)

l'ordre social; il se préoccupe de la légalité de la conduite. En revanche, la bioéthique7 étudie la légitimité de cette conduite, licite ou illicite. Une revue de la littérature en bioéthique permettra d'approfondir notre compréhension des principes éthiques qui fondent les règles juridiques en matière de consentement aux soins à l'égard du majeur inapte. Elle nous permettra également d'enrichir et de compléter notre critique des règles juridiques étudiées.

Ce mémoire décrit d'abord brièvement le principe du respect de la personne qui servira lui-même de base à notre critique des règles juridiques adoptées en matière de consentement aux soins pour le majeur inapte (chapitre 1).

Puisque la détermination de l'inaptitude constitue la pierre angulaire de la mise en œuvre du régime juridique étudié, elle fera l'objet du chapitre II du mémoire. Le droit positif québécois postule que l'inaptitude à consentir aux soins est un constat médical qui peut parfois être confirmé ou écarté par les tribunaux dans le cadre de demandes d'autorisation de soins8. Les

critères juridiques de détermination de l'inaptitude reprennent d'ailleurs les critères cliniques énoncés par l'Association canadienne des psychiatres. Or, en examinant la manière dont les médecins et les juges évaluent l'inaptitude d'une personne à consentir aux soins, on découvre que cette détermination est essentiellement subjective. Les valeurs personnelles et professionnelles des personnes qui la déterminent semblent influencer le constat d'inaptitude

L'étymologie du mot «bioéthique» est la conjugaison des termes grecs «bios » et « éthos » qui signifient «vie éthique ». Selon David Roy: «La bioéthique est l'étude interdisciplinaire de l'ensemble des conditions qu'exige une gestion responsable de la vie humaine (ou de la personne humaine) dans le cadre des progrès rapides et complexes du savoir et des technologies biomédicales» dans « La biomédecine aujourd'hui et l'homme de demain, Point de départ et direction de la bioéthique» (1979) 128 Le Supplément à la page 59.

(14)

à consentir aux soins. Cette analyse, issue d'une revue de la jurisprudence et de la littérature en droit et en bioéthique, pennet d'argumenter que notre régime actuel n'offre pas un encadrement suffisant à l'égard des évaluations de l'inaptitude à consentir aux soins.

Dans le troisième chapitre, nous critiquerons les règles juridiques prévues au C.c.Q. en matière de consentement aux soins requis par l'état de santé d'un majeur inapte. Plus précisément, nous évaluerons la règle du consentement substitué et les deux exceptions à cette règle: le refus injustifié de la personne autorisée à donner un consentement substitué et le refus catégorique du majeur inapte. Ce chapitre vise à démontrer dans quelle mesure les règles juridiques reflètent adéquatement ou non le principe du respect de la personne, notamment de son autonomie, de sa singularité et de la protection de son intégrité. De plus, cette analyse critique pennet de dégager les faiblesses résultant d'une perception limitée et réductrice du principe du respect de la personne.

(15)

CHAPITRE 1

LE PRINCIPE DIRECTEUR: LE RESPECT DE LA PERSONNE

La primauté de la personne est consacrée dans le droit privé québécois depuis les réformes législatives des années 19709. Les modifications subséquentes relatives aux droits des

personneslO et l'entrée en vigueur du C.c.Q. en 1994 confirment cette tendance et accordent une place privilégiée aux dispositions visant à assurer le respect de la personne humaine. Le C.c.Q. reconnaît désormais clairement que toute personne est titulaire des droits de la personnalité notamment le droit à la vie, à l'inviolabilité et à l'intégrité de sa personnel 1.

Tel que le soulignent les auteurs Goubau et Deleury, « L'être humain dans toute sa plénitude est aujourd'hui au coeur des préoccupations du droit civil. Le respect de la personne, telle est en effet l'assise sur laquelle repose le Code civil du Québec [ ... ] »12. Cette thèse postule donc que les règles du C.c.Q. en matière de consentement aux soins à l'égard du majeur inapte ne peuvent être adéquates que si elles favorisent l'objectif du respect de la personne.

Le terme «respect» signifie «prendre en considération ». Il réfère au « sentiment qui porte à accorder à quelqu'un une considération admirative, en raison de la valeur qu'on lui reconnaît,

9

\0

11

Loi modifiant de nouveau le Code civil et modifiant la Loi abolissant la mort civile, L.Q. 1971, c. 84,

sanctionnée le 1 er décembre 1971. Le Code civil du Bas Canada est modifié afin de préciser la portée des

droits fondamentaux enchâssés dans la Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., c. C-12 [Charte

québécoise], dans le droit privé.

Les propositions de l'Office de révision du Code civil publiées en 1978 à l'égard des droits de la personne ont mené ultimement à l'adoption du projet de loi n° 125, Loi modifiant le Code civil présenté le 18

décembre 1990 et adopté un an plus tard. Entre-temps, la Loi sur le Curateur public et modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives, L.Q. 1989, c. 54, fut adoptée.

Art. 3 du c.c.Q.

12 Edith Deleury et Dominique Goubau, Le droit des personnes physiques, 3e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2002, introduction à la page XXXI. Voir également Jean Pineau, « La philosophie générale du Code civil» dans Le nouveau Code civil: interprétation et application, Les Journées Maximilien-Caron, Université de

(16)

et à se conduire envers lui avec réserve et retenue» 13 avec le souci de ne pas y porter atteinte.

Le respect de la personne humaine est une notion complexe qui peut se traduire de diverses manières.

Le « Belmont Report» 14 introduit formellement le principe du respect de la personne dans la

littérature bioéthique en 1979. Bien que ce rapport traite des principes directeurs en matière d'expérimentation sur des êtres humains, ces principes sont également omniprésents dans la médecine c1inique15. Suivant la proposition énoncée dans le «Belmont Report », le respect

de la personne humaine implique la reconnaissance du droit de toute personne à l'autodétermination et la protection des personnes dont l'autonomie est diminuée16• Tout en

admettant qu'il puisse exister d'autres principes pertinents à la notion de respect de la personnel7, l'approche proposée dans ce rapport semble correspondre aux objectifs fixés par

le législateur québécois en matière de consentement aux soins pour le majeur inapte18.

Cependant, ajoutant à cette définition, nous postulons que la notion d'autonomie requiert une approche contextuelle et relationnelle au nom précisément du respect de la personne19.

\3 Le nouveau petit Robert, 1996, s. v. « respect ».

14 É.-u., The National Commission for the Protection of Human Subjects of Biomedical and Behavioral

Research, The Belmont Report, Office of the Secretary, Ethical, Principles and Guidelines for the Protection of Human Subjects of Research, Department of Health, Education, and Welfare, U.S., 18 avril

1979.

15 Eric J. Cassell, « The principles of the Belmont report revisited »(2000) 30:4 Hastings Center Report 12.

16 Nous nous inspirons uniquement de la définition du principe du respect de la personne proposée dans ce

rapport.

17 Tels la dignité, la vie privée, etc.

18 Supra note 3 à la p. 18. Voir également Robert P. Kouri et Susan Philips-Nootens, « Le majeur inapte et le

refus catégorique de soins de santé: un concept pour le moins ambigu» (2003) 63 R. du B. 1 à la p. 23.

19 L'autonomie est considérée comme une des valeurs les plus importantes en matière de soins et des plus

pertinentes à la relation médecin-patient. Voir Jurrit Bergsma et David C. Thomasma, Autonomy and Clinical Medicine: Renewing the Health Professional Relation with the Patient, Pays-Bas, Kluwer

(17)

Dans le présent chapitre, nous décrirons brièvement le droit à l'autodétermination (I), la signification du respect de ce droit (ou du droit à l'autonomie) (II) et celui de la protection de la personne (III), en ayant recours surtout à la littérature en bioéthique qui s'attarde aux questions éthiques actuelles dans le monde de la santé2o. Les enseignements de la bioéthique permettront de mieux définir les principes éthiques qui fondent les règles juridiques en matière de consentement aux soins. Nous préciseront également les définitions des principes retenus pour les fins de notre évaluation critique des ces règles juridiques prévues au Cc.Q. en matière de consentement aux soins pour le majeur inapte.

1. LE DROIT À L'AUTODÉTERMINATION

Dans le C.c.Q., le législateur traite du droit à l'inviolabilité et à l'intégrité dans le cadre de la prestation de soins. Il choisit d'édicter la règle d'or de l'obtention du consentement libre et éclairé avant toute intervention21. À défaut d'un tel consentement, une intervention médicale

constitue une atteinte illicite à l'intégrité de la personne. Le médecin a l'obligation de fournir à son patient tous les renseignements pertinents pour favoriser une prise de décision éclairée. Aucune pression ou coercition ne doit être exercée par le médecin. Celui-ci doit aider le patient à peser le pour et le contre du traitement proposé et des alternatives disponibles sans influencer indûment le choix du patient, lui permettant ainsi de prendre une décision libre et

20 Guy Durand, La Bioéthique: nature, principes, enjeux, France, Les éditions de Cerf 1989 à la p. 19. 21 Art. Il du c.c.Q.

22 Beausoleil c. Communauté des sœurs de la charité, [1965] B.R. 37. Voir également Robert P. Kouri et

Suzanne Philips-N ootens, Le corps humain, l'inviolabilité de la personne et le consentement aux soins, Sherbrooke, Éditions R.D.U.S., 1999 à la p. 218 pour des illustrations d'atteintes à la liberté de consentir (ex. réfugiés, immigrants, prisonniers, sujets de recherche).

(18)

La relation entre le médecin et le patient est donc structurée sur un mode contractuel dans lequel la prestation de soins doit faire l'objet d'un accord de volontés23. D'aucuns pourraient

prétendre que l'obtention du consentement libre et éclairé en matière de soins n'est qu'une illusion, compte tenu du rapport de force disproportionné entre le patient et le médecin. L'un est vulnérable en raison de sa maladie alors que l'autre possède des connaissances supérieures relativement à celle-ci. Bien que le devoir de renseigner incombant au médecin cherche à rétablir l'équilibre entre les parties, le consentement ne saurait être qualifié «d'éclairé» en raison de la simple communication de l'information médicale au patient. En matière de soins, le consentement est véritablement éclairé lorsque le patient prend une décision qui est motivée par ses valeurs propres à la lumière de l'information médicale qu'il reçoit24• Ainsi, le rôle du médecin ne devrait pas se limiter à celui d'un simple expert

technique. Il peut aider le patient à élucider les valeurs personnelles de ce dernier afin de lui permettre d'évaluer, à la lumière de ces derniers, les options thérapeutiques et d'identifier le plan de soins qui y correspondra le mieux25.

Le législateur a donc retenu ce modèle, à l'exclusion du modèle paternaliste qui confère au seul médecin le pouvoir de décider du traitement approprié et le droit de l'administrer sans autre formalité. Tel que le souligne Cassell :

23

24

25

Voir notamment Pauline Lesage-Jarjoura et Suzanne Philips-Nootens, Éléments de responsabilité civile médicale, 2e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2001 aux pp. 9-29 et Paul-André Crépeau, La responsabilité civile du médecin et de l'établissement hospitalier, Montréal, Wilson et Lafleur, 1956.

Donald T. Ridley, «Informed Consent, Informed RefusaI, Informed Choice- What is it that makes a Patient's Medical Treatrnent Decisions Informed? » (2001) 20 (2) Med. & L. 205.

Ezekiel J. Emmanuel et Linda L. Emmanuel, «Four Models of the Physician-Patient Relationship» (1992) 267 J.A.M.A. 2221. Ces auteurs préconisent le « deliberative model » selon lequel le médecin identifie le meilleur choix thérapeutique à la lumière des valeurs personnelles du patient. Toutefois, ce modèle implique que le médecin convainque le patient des valeurs les plus admirables, lui confiant ainsi un rôle d'ami ou de professeur. Nous préférons l'approche « interprétative» décrite dans le texte.

(19)

The idea of respect for persons as described in the Belmont Report- or even the concept of persons qua persons-was not present in me di cine in 1954. Benevolence and the avoidance of harm were the expressions of the humanity of patients. Patients were to be treated as fully human. Persons, in contrast, are not merely human; they are social, moral, legal, and political entities with rights, to whom obligations are due. Because ofthis persons can not only be harmed, they can be wronged.26

Les différentes réformes sociales en matière de libertés civiles, le mouvement anti-psychiatrie, l'acharnement thérapeutique depuis l'avènement des nouvelles technologies biomédicales et l'émergence du courant de la protection des droits du consommateu~7 semblent avoir contribué au développement du droit à l'autodétermination du patient à l'égard des soins28. Le terme «autodétermination» réfère à l'action ou au fait de se

gouverner par soi-même. Tel que le souligne Jean-Louis Baudouin, «Le fait, pour une personne adulte et capable, de prendre elle-même les décisions sur son propre corps, est l'expression juridique du principe de l'autonomie de la volonté et du droit à l'autodétermination. »29.

En outre, le droit de consentir aux soins implique le droit corollaire de refuser ces soins. Le refus, tout comme le consentement du majeur apte, doit être respecté sous réserve des limites

26 Supra note 15 à la p. 2.

27 Bien qu'une étude approfondie des conditions permettant l'émergence du droit à l'autodétermination du patient dépasse le cadre de ce mémoire, elle permettrait de découvrir que l'idée qu'une personne est maître de son corps est relativement nouvelle dans notre histoire occidentale. Voir notamment E. Keyserlingk, Commission de réforme du droit, Le caractère sacré de la vie, Ottawa, 1979.

28 Supra note 15. Voir Jean-Louis Baudouin, « Le droit de refuser d'être traité» dans Rosalie S. Abella et

Melvin L. Rothman, dir., Justice Beyond Orwell, Institut canadien d'administration de la justice,

Cowansville Yvon Blais, 1985,207.

29 J.-L. Baudouin, ibid.

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imposées par la loi ou par l'ordre publique3o. Ce modèle consacre la primauté et le respect de l'autonomie3!.

Cependant, peut-on continuer de parler de respect de l'autonomie lorsque la personne concernée est inapte à consentir aux soins?

II. LE RESPECT DE L'AUTONOMIE

L'étymologie du mot autonomie est le mot grec classique (ancien) «autonomia» qui résulte de la combinaison de « autos» qui signifie soi-même et de « nomos » qui veut dire règle, loi ou gouvernance. Le premier usage colligé du mot semble remonter à 1623 et il référait alors à l'autodétermination politique (<< self-governance »)32. Par la suite, le terme a été appliqué à l'égard des individus et signifie généralement le droit de se gouverner par ses propres lois, c'est-à-dire l'indépendance morale. Le droit à l'autodétermination est donc une composante nécessaire du principe du respect de l'autonomie d'une personne33. Les auteurs Beauchamp et Childress représentent le courant traditionnel de cette discipline34 :

30

31 32

33

34

Art. 10 du C.c.Q. Voir le Règlement ministériel d'application de la Loi sur la santé publique, R.R.Q., c.

S-2.2, r. 2, énumérant les maladies à « traitement obligatoire» en vue de protéger la santé publique. Outre les traitements obligatoires, le législateur impose certaines limites au libre droit de disposer de son corps ou des parties de son corps. Voir notamment les dispositions relatives à la participation à une expérimentation et le don d'organe ou de tissus (arts. 19 et 21 du c.c.Q.)

J.-L. Baudouin, supra note 28.

William Little, H.W. Fowler et J. Coulson, The Shorter Oxford English Dictionary on Historical Principles, 3e éd., volume 1, Oxford, Clarendon Press, 1972.

Nous retenons ces définitions pour les fins de ce mémoire tout en reconnaissant que les auteurs puissent définir ces termes différemment. À titre d'illustration, voir Margaret A. Somerville, «Labels versus Contents: Variance between Philosophy, Psychiatry and the Law in Concepts Goveming Decision-Making» (1994) 39 R.D. McGill 179 aux pp. 185-186. Selon elle, l'autonomie réfère à la capacité de s'autodéterminer qui peut être présente sans être exercée, alors que l'autodétermination se rapporte à l'exercice de cette capacité.

Voir Louis-Marie Morfaux, Vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines, Paris, Armand Colin,

1980 à la p. 31. Pour une discussion des origines du mot autonomie notamment de ses origines morales issues de la philosophie, voir Barbara Frank, «Réflexions éthiques sur la sauvegarde de l'autonomie» dans

Pouvoirs publics et protection, Service de la formation permanente du Barreau, Cowansville, Yvon Blais,

(21)

Personal autonomy is, at a minimum, self-mIe that is free from both controlling interference by others and from limitations, such as inadequate understanding, that prevent meaningful choice. The autonomous individual acts freely in accordance with a self-chosen plan, analogous to the way an independent govemment manages its territories and sets its policies. A person of diminished autonomy, by contrast, is in sorne respect controlled by others or incapable of deliberating or acting on the basis of his or her desires and plans. For example, prisoners and mentally retarded individuals often have diminished autonomy. Mental incapacitation limits the autonomy of the retarded person, whereas coercive institutionalization constrains the autonomy ofprisoners.35

Selon leur définition de l'autonomie, l'individu autonome doit être capable de concevoir ou de mettre en oeuvre un «self-chosen plan ». L'ensemble des auteurs considère que l'autonomie réfère à la capacité de développer son propre système de valeurs ou préférences ou croyances avec lequel on s'identifie36. Une personne peut nécessiter l'aide des autres pour

pouvoir mettre en œuvre ce « self-chosen plan »37. Ainsi, le simple fait qu'une personne ne

puisse pas exécuter ses volontés toute seule ne la prive pas de son statut d'agent autonome. À titre d'illustration, une personne en perte d'autonomie physique peut préférer vivre à domicile au lieu d'être hébergée en centre d'hébergement et de soins de longue durée. Une personne peut requérir l'aide de proches ou des intervenants du C.L.S.C. pour pallier ses déficits fonctionnels. En reconnaissant que le majeur, apte ou inapte, est ancré dans ses

35

36

37

Tom L. Beauchamp et James F. Childress, Principles of Biomedical Ethics, 5e éd., New York (É.-u.), Oxford University Press, 2001 à la p.58. Nos soulignements.

A. Donchin, «Understanding Autonomy Relationally: Toward a Reconfiguration of Bioethical Principles » (2001) 26 Journal of Medicine and Philosophy 365; Nuala P. Kenny et Carolyn ElIs, «Empowerment to Meaningful Autonomy in Long-Term Care» dans Marion Stephenson et Eleanor Sawyer, dir., Continuing the Care: The Issues and Challenges for Long-Term Care, Ottawa, CHA Press, 2002 aux pp. 313-331;

Martha Albertson Fineman, The Autonomy My th - a Theory of Dependency, New York (É.-u.), The New Press, 2004.

Sur l'importante distinction entre «autonomie décisionnelle» et «autonomie exécutionnelle » (la première se rapporte à la capacité de formuler et de partager ses préférences tandis que la deuxième désigne la capacité de les mettre en œuvre), voir Bart J. Collopy, «Autonomy in long-term care: Sorne crucial distinctions» (1990) 28 The Gerontologist 10 et B. Frank, supra note 34 à la p. 190.

(22)

rapports avec les autres et en soulignant l'importance de ses relations, on peut donc favoriser l'actualisation de son autonomie et de son identité38.

Au-delà de la participation d'autrui dans la mise en œuvre de notre « self-chosen plan », une définition de l'autonomie qui permet et reconnaît l'implication des autres dans notre processus décisionnel doit être retenue. L'autonomie a traditionnellement été comprise comme la non-interférence ou la non-ingérence des autres à l'égard de notre processus décisionnel39• Cette approche dresse le portrait d'une personne abstraite, atomiste, isolée,

désincarnée et purement rationnelle. Elle ne tient pas compte de la personne humaine dans toute sa plénitude. Cette position ne correspond pas au principe du respect de la personne retenu pour les fins de ce mémoire4o. En outre, la maladie suscite bien souvent une remise en question et une réévaluation de notre système de valeurs41• L'avis, le conseil et l'écoute des

personnes proches, pour autant qu'ils ne prennent pas une forme coercitive, peuvent s'avérer essentiels à notre prise de décision.

38

1. Nedelsky, «Reconceiving Autonomy: Sources, Thoughts and Possibilities» (1989) 1 Yale J. L. & Feminism 7; S. Benhabib, Situating the Self, New York (É.-U.), Routledge, 1992; Susan Sherwin, «A Re1ational Approach to Autonomy in Health Care » dans Susan Sherwin, dir., The Po/itics of Women 's

Health : Exploring Agency and Autonomy, Philadelphia, Temple University Press, 1998.

39 B. Frank, supra note 34. 40

41

Il importe de souligner que cette critique s'adresse essentiellement à la vision traditionnelle de l'autonomie adoptée en médecine. Elle s'applique davantage à la première édition de l'ouvrage en bioéthique de Beauchamp et Childress qu'à leur édition la plus récente de 2001 où les auteurs tentent de répondre aux critiques formulées à l'égard de leur vision de la notion d'autonomie. Cependant, comme le souligne Ells (Carolyn ElIs, «Shifting the Autonomy Debate to Theory as Ideology» (2001) 26 Journal of Medicine and Philosophy à la p. 418), ces auteurs ne répondent que partiellement aux préoccupations exprimées par la critique.

(23)

De plus, le recours à autrui pour notre prise de décision ou pour accomplir certains actes de la vie quotidienne ne contrevient pas nécessairement à la notion d'autonomie. Contrairement à la vision traditionnelle de l'autonomie, l'autonomie relationnelle reconnaît et valorise l'apport d'autrui à l'exercice de notre autonomie sous réserve du caractère volontaire d'une telle «interdépendance ». Ceci décrit ce qu'on entend par l'autonomie relationnelle d'une personne. Cette notion est importante dans la mesure où elle propose une définition plus large et plus généreuse de ce que constitue l'autonomie d'une personne, facilitant davantage d'atteindre l'objectif du respect de la personne.

Au surplus, la définition traditionnelle privilégie la rationalité au-delà de toute autre dimension de la personne humaine. À l'instar de ElIs et Gutfreund : «We are not merely, and indeed not always or wholly rational, independent, and guided by self-interested plans. »42.

Un ensemble de valeurs et de facteurs très personnels nous anime à l'occasion des prises de décisions en matière de soins. La personne humaine est donc complexe et non pas nécessairement rationnelle.

Nous retenons donc une approche holistique reconnaissant que la personne humaine, loin d'être un être atomiste, indépendant, isolé et purement rationnel, est un être relationnel et émotif, ancrée dans un réseau de liens affectifs et sociaux dont elle dépend43. Elle permet de

mieux saisir les liens entre l'individu, sa famille et la société, et de comprendre comment ces

42 Carolyn ElIs et Shawna Gutfreund, «Agency, Autonomy and Cognitive Disability» (24-28 mars 2004)

SWIP, Pacific AP A.

43 Anne Donchin, «Understanding Autonomy Relationally: Toward a Reconfiguration of Bioethical

(24)

liens forgent les décisions d'une personne, notamment en matière de soins44. Cette approche tient compte également du contexte particulier de la personne et vise à la considérer dans sa globalité.

En résumé, le droit à l'autodétermination en matière de soins est une valeur privilégiée dans notre société contemporaine. Le principe du respect de la personne exige que toute personne soit présumée apte à exercer ce droit. Cependant, l'autonomie requière certaines habilités cognitives, intellectuelles et émotives (capacité d'introspection, d'analyse, de raisonnement, de mémoire)45, que tout patient ne possède pas nécessairement. Un trouble cognitif (ex. démence, déficit intellectuel) ou une maladie mentale peut diminuer l'autonomie décisionnelle d'un majeur ou en empêcher l'exercice. Certaines personnes peuvent être dépourvues des capacités nécessaires pour consentir elles-mêmes aux soins de façon éclairée. Compte tenu de l'importance du principe de l'autonomie, la détermination de l'inaptitude à consentir aux soins doit être des plus rigoureuses afin d'éviter de priver indûment une personne de son droit de l'exercer.

44 Ibid; Daniel Callahan, «Bioethics: Private Choice and Connnon Good» (mai-juin 1994) 28 Hastings

Center Report; Carolyn Ells, supra note 40.

45

Diana Tietjens Meyers «Intersectional Identity and the Authentic Self? Opposites Attract! » dans Catriona Mackenzie et Natalie Stoljar, dir., Relational Autonomy: Feminists Perspectives on Autonomy, Agency, and

(25)

Ainsi, il ne sera pas possible de parler d'autonomie per se au sujet de la personne inapte à consentir aux soins. Cependant, s'inspirant de la notion d'autonomie relationnelle, nous postulons que le majeur inapte doit être considéré comme un être relationnel compris dans sa globalité et son contexte de vie.

Enfin, le droit et la bioéthique conviennent que la personne dépourvue d'autonomie décisionnelle mérite également de voir son intégrité protégée.

III. PROTECTION DE LA PERSONNE

Selon le principe du respect de la personne, la personne incapable d'exercer son autonomie décisionnelle mérite d'être protégée pendant la durée de cette inaptitude. Certains patients nécessitent l'ouverture d'un régime de protection46 pour l'exercice de tous leurs droits civils, d'autres personnes requièrent uniquement l'assistance d'un proche pour les fins du consentement aux soins. Ainsi, le degré de protection accordé au majeur inapte à consentir aux soins doit correspondre à ses besoins particuliers.

Le législateur indique que les règles pertinentes du c.c.Q. visent à protéger l'intégrité de la personne sans définir ce que constitue cette intégrité47. Dans son sens courant, l'intégrité

réfère à l'état d'une chose qui est demeurée intacte48. En matière de consentement aux soins,

les dispositions pertinentes du C.c.Q. semblent viser la protection de l'intégrité physique et psychologique d'une personne:

46 Les régimes de protection prévus par le législateur québécois varient en fonction du degré d'inaptitude de

la personne à exercer ses droits civils: du conseil, à la tutelle, à la curatelle. Voir arts. 256 et s. du C.c.Q.

47 Supra note 3 à la p. 18.

(26)

[ ... ] Dans ces matières qui concernent l'intégrité de l'être humain, le Code civil s'appui sur le principe que le corps humain ne peut être un objet de commerce; il

réaffirme le caractère inviolable de la personne en posant, comme règle fondamentale, la nécessité d'obtenir le consentement libre et éclairé, avant qu'un acte quelconque, qu'il soit de nature médicale ou autre, ne soit accompli.49

L'objectif est de rétablir l'équilibre physiologique de la personne, de lui pennettre de retrouver son état de santé antérieur ou d'en empêcher la détérioration, voire même la mort. Du point de vue médical, la protection de l'intégrité de la personne découle également du principe de la bienfaisance/non malfaisance5o. Le principe de non malfaisance implique un

devoir de ne pas causer de tort ou de mal à autrui. Ainsi, le médecin doit traiter ses patients, mais il ne peut pas utiliser ces traitements pour leur causer du mal. Quant à la bienfaisance, elle. réfère à l'obligation du médecin de venir en aide aux personnes en besoin. La bienfaisance se traduit notamment par la défense des droits du majeur inapte et la mise en œuvre de tout moyen raisonnable pour le protéger du maI5!. En général, les soins requis par

l'état de santé visent à produire des bénéfices, mais ceux-ci sont très souvent accompagnés d'effets indésirables. Ainsi, le principe de la protection de la personne n'exige pas que le traitement produise seulement du bien, mais plutôt que les bienfaits soient proportionnels aux risques escomptés.

49 Supra note 3 à la p.lO.

50 Allen E. Buchanan & Dan W. Brock, Deciding for others - the Ethics of Surrogate Decision Making,

Cambridge, Cambridge University Press, 1990.

(27)

Cependant, l'identité d'une personne mérite également d'être protégée52. Son histoire et ses

expériences de vie, ses sensations, ses émotions et ses liens affectifs sont des éléments importants constituant l'identité du majeur inapte à consentir aux soins. La protection de l'intégrité «biologique» du majeur inapte doit se faire en tenant compte de son identité, de sa singularité, afin mieux le respecter. Seule une approche holistique qui tient compte de la personne dans sa globalité et dans son contexte particulier permettra d'atteindre cet objectif.

Le principe du respect de la personne implique une pondération de ces différents facteurs dans le processus d'évaluation de l'opportunité des soins requis par l'état de santé du majeur inapte.

En résumé, pour les fins de l'évaluation du régime juridique québécois en matière de consentement aux soins pour le majeur inapte, nous établissons les prémisses suivantes. Toute personne doit être présumée apte à exercer son droit à l'autodétermination en matière de soins. L'exercice de ce droit dépend de notre aptitude à consentir aux soins. En outre, le simple fait d'être inapte à consentir aux soins ne prive pas le majeur de la jouissance de son droit à l'inviolabilité et à l'intégrité.

52 Le terme « identité» utilisé dans ce mémoire réfère aux éléments et aux caractéristiques qui confèrent à la

personne son individualité. Rares sont les personnes sans identité propre ou personnelle. Cependant, certains auteurs soutiennent qu'une personne dans un état végétatif permanent ou dans un coma irréversible et un enfant anencéphale n'ont plus l'état psychologique permettant une telle identité ou à tout le moins permettant sa continuité. Voir supra note 50 aux pp. 156-157.

(28)

De plus, lorsqu'une personne est incapable d'exercer son autonomie décisionnelle, le principe du respect de la personne implique que l'on doive la traiter comme une personne à part entière, en reconnaissant sa singularité et en adoptant une approche relationnelle qui tient compte de la personne dans sa globalité. Enfin, la personne inapte à consentir aux soins mérite d'être protégée. Bien que l'intégrité «biologique» de la personne doive être protégée, l'identité et la singularité de cette personne devront également être pris en compte. Le principe du respect de la personne implique que les soins devront être bénéfiques, proportionnels et opportuns dans les circonstances.

Dans les chapitres suivants, nous évaluerons dans quelle mesure le législateur québécois atteint l'objectif du respect de la personne lorsque l'on soupçonne que cette dernière est inapte à consentir aux soins. Le chapitre II évalue le respect de ce principe dans le cadre de la détermination de l'inaptitude à consentir aux soins. Quant au chapitre III, il critique sur cette base les règles du c.c.Q. en matière de consentement qui s'appliquent une fois l'inaptitude du majeur à consentir aux soins constatée.

CHAPITRE II

L'INAPTITUDE

À

CONSENTIR AUX SOINS: CONSTAT DE FAITS OU

FICTION MÉDICALE ET JURIDIQUE?

La détermination de l'inaptitude à consentir aux soins mérite une étude approfondie. Compte tenu de son importance et du fait qu'elle constitue la pierre angulaire des règles prévues par le législateur en matière de soins prodigués au majeur inapte, elle fait l'objet de ce chapitre.

(29)

Selon le principe du respect de la personne, toute personne doit être présumée capable d'autodétermination et donc apte à consentir aux soins requis par son état de santé. Le C.c.Q. reflète ce principe en postulant que toute personne est présumée apte à exercer ses droits civils, incluant ses droits de la personnalité53. Ainsi, l'évaluation de l'inaptitude d'une

personne à consentir aux soins ne saurait être arbitraire.

Le simple fait qu'une personne ne puisse pas exercer son droit de consentir aux soins, ne la prive pas pour autant de la jouissance de son droit à l'inviolabilité et à l'intégrité. La jouissance des droits de la personnalité étant un attribut essentiel de la personne humaine, cette dernière ne saurait en être privée54. À défaut de pouvoir obtenir le consentement de la

personne inapte, le médecin devra chercher le consentement le plus adéquat notamment en s'adressant à un proche du patient qui tiendra compte de sa singularité et de son contexte social et relationnel: le consentement substitué55.

La condition sine qua non de l'application de la règle du consentement substitué est donc l'inaptitude du majeur. En effet, c'est uniquement lorsque l'inaptitude du majeur est constatée que le professionnel de la santé qui désire lui prodiguer des soins sollicitera le consentement (substitué) du représentant du majeur. Alors que le médecin a le devoir déontologique de collaborer avec les proches du patient ou avec toute autre personne qui démontre un intérêt particulier pour celui-ci56, il ne saurait solliciter leur consentement en

53 L'article 4 du C.c.Q. prévoit que toute personne est présumée apte à exercer ses droits civils dont ses droits

de la personnalité qui incluent ses droits à l'inviolabilité et à l'intégrité en matière de soins.

54 Supra note 3 à la p.4.

55 Supra note 20 à la p.45. Les règles juridiques à cet égard seront discutées et critiquées dans le chapitre III

de ce mémoire.

(30)

lieu et au nom du patient lorsque ce dernier est apte. Ainsi, selon le droit québécois, prodiguer des soins avec la seule « autorisation» des proches du patient, alors que le patient est apte, constitue une violation de ses droits pouvant engendrer la responsabilité du prestataire de soins tant sur le plan civil que criminel57.

Le majeur doit donc être «hors d'état d'exprimer sa volonté »58 pour que le professionnel de

la santé puisse demander un consentement substitué. La détermination de l'inaptitude s'avère donc d'une importance primordiale puisqu'elle privera le majeur de sa capacité d'exercer son droit de consentir aux soins ou de les refuser. De plus, l'inaptitude est également la première condition d'attribution de juridiction de la Cour supérieure pour ordonner un traitement contre le gré du majeur inapte ou lorsque son représentant oppose un refus injustifié aux soins requis59. Puisque l'inaptitude constitue la pierre angulaire du régime juridique en

matière de soins pour le majeur inapte, elle mérite une étude approfondie.

Les règles en matière de consentement aux soins varient selon que le patient soit apte ou inapte, comme si l'aptitude et l'inaptitude constituaient des catégories claires et distinctes. Or, il est permis de se demander si tel est vraiment le cas. L'inaptitude à consentir aux soins se constate-t-elle objectivement comme le laisse entendre le législateur? Par qui, quand et

57 58

Sur le plan du droit criminel, une atteinte à l'intégrité physique d'une personne constitue des voies de faits. Voir Alain Bemardot et Robert. P. Kouri, La responsabilité civile médicale, Sherbrooke, Éditions R.D.U.S., 1980 à la p. 132.

59 Ce principe fut réitéré dans Québec (Curateur public) c. Charest, R.E.lB. 1998-06599 (C.A.) au para. 3 : « si le tribunal estime que le majeur est apte, la requête pour autorisation de soins doit être rejetée ». À titre d'illustration voir Centre hospitalier de Chandler c. c.c., [2002] R.lQ. 1159 (C.S.). Voir également Carrefour de la santé et des services sociaux de la Saint-Maurice c. Cadieux, R.EJ.B. 1999-10538 (15 janvier 1999) (C.S.), où les deux évaluations médicales concluaient à l'aptitude du majeur alors que la travailleuse sociale du majeur avait émis des doutes à cet égard.

(31)

comment est-elle déterminée? La réponse à ces questions nous permettra d'évaluer les règles encadrant la détermination de l'inaptitude à la lumière de l'objectif du respect de la personne.

Nous traiterons brièvement de la notion de l'inaptitude à consentir aux soins avant d'étudier par qui et quand elle est déterminée.

1. L'INAPTITUDE À CONSENTIR AUX SOINS: LE QUOI, PAR QUI ET LE QUAND

A. DÉFINITION (C'EST QUOI?)

Les règles prévues par le législateur en matière de consentement aux soins pour le majeur sont différentes de celles qui s'attardent au majeur apte. Or, le législateur ne définit ni l'aptitude ni l'inaptitude à consentir aux soins. Le seul indice relatif à la notion d'inaptitude dont nous disposons se retrouve à l'article 258 du C.c.Q. Cette disposition réfère à l'inaptitude globale d'une personne à prendre soin d'elle-même:

258. Il est nommé au majeur un curateur ou un tuteur pour le représenter, ou un conseiller pour l'assister, dans la mesure où il est inapte à prendre soin de lui-même ou à administrer ses biens, par suite, notamment, d'une maladie, d'une déficience ou d'un affaiblissement dû à l'âge qui altère ses facultés mentales ou son aptitude physique à exprimer sa volonté.

Il peut aussi être nommé un tuteur ou un conseiller au prodigue qui met en danger le bien-être de son époux ou conjoint uni civilement ou de ses enfants mineurs.

Cette disposition prévoit l'ouverture d'un régime de protection pour une personne incapable de prendre soin d'elle-même et indique que la source de cette incapacité peut être une

maladie mentale ou un état physique affectant ses capacités cognitives. Le législateur

(32)

et l'aptitude à consentir aux soins dans la section du C.c.Q. relative aux soins60• Par contre, la

doctrine indique que ces deux notions se rapportent à des idées différentes61•

Contrairement à l'inaptitude globale à prendre soin de sa personne, l'inaptitude à consentir aux soins est essentiellement un constat de fait ponctuel qui réfère au degré d'autonomie décisionnelle de la personne au moment où elle doit consentir aux soins62• Elle atteste donc

des capacités cognitives ou mentales d'une personne à prendre une décision à l'égard de soins spécifiques à un moment déterminë3. Elle doit donc s'évaluer à l'égard de chaque

décision à prendre en matière de soins (<< decision-relative »). On ne saurait donc faire une adéquation entre l'aptitude globale à prendre soin de sa personne et l'aptitude relative à consentir aux soins. La distinction entre ces deux notions est essentielle pour les fins de ce mémoire car ce dernier traite exclusivement de l'aptitude à consentir aux soins. Dans la prochaine sous-section, nous indiquerons qui est chargé de déterminer l'inaptitude à consentir aux soins.

B. QUI DÉTERMINE (ou CONSTATE) L'INAPTITUDE À CONSENTIR AUX SOINS?

Le législateur ne prévoit pas qui doit constater l'inaptitude du majeur à consentir aux soins. Contrairement aux incapacités juridiques résultant de l'ouverture d'un régime de

60 61 62

63

Livre premier, titre deuxième, chapitre premier, section 1 du c.c.Q.

Supra note 12.

F. Allard, «Les droits de la personnalité» dans Personnes, famille et successions, Collection de droit du Barreau du Québec (2003-2004) 61 à la p. 66 et supra note 12 aux nOs 413,377.

Certains auteurs suggèrent que la détermination de l'inaptitude à consentir aux soins devrait également s'attarder aux capacités émotives de la personne. Voir notamment Margaret A. Somerville, «RefusaI of Medical Treatment in « Captive» Circumstances » (1985) 63 Cano Bar Rev. 59 et Kathleen Cranley Glass, «Refining Definitions and Devising Instruments: Two Decades of Assessing Mental Competence» (1997) 20:1 Int'l 1. L. & Psychiatry 5.

(33)

protection64, l'inaptitude à consentir aux soins ne requière pas une déclaration judiciaire. Par

contre, les tribunaux sont parfois appelés à se prononcer sur l'inaptitude d'une personne dans le cadre des demandes d'autorisation de soins.

De plus, le libellé de l'article 258 du c.c.Q. suggère que la détermination de l'aptitude d'une personne à prendre soin d'elle-même relève de la compétence des professionnels de la santëS• Les professionnels de la santé doivent constater que la maladie, la déficience ou

l'affaiblissement dû à l'âge affecte la capacité d'une personne à prendre des décisions ou à exprimer sa volontë6. Par extension, il est permis de penser que l'inaptitude à consentir aux

soins est également un constat médical.

64 65

66

Art. 268 du C.c.Q.

Il importe de souligner que l'article 270 du C.c.Q. prévoit expressément le recours aux évaluations médicales et psychosociales dans les cas où l'établissement duquel le majeur inapte reçoit des soins ou des services considère que l'ouverture d'un régime de protection est opportune en l'espèce. Par ailleurs, dans le cadre de l'homologation d'un mandat d'inaptitude, le mandataire doit faire la preuve de l'inaptitude en fournissant une évaluation médicale et psychosociale (voir arts. 2166 du c.c.Q. et 884.2 du Code de

procédure civile).

Hélène Guay, « Quelles sont les limites à l'intervention d'un établissement de santé pour fins de protection des personnes majeures inaptes» dans Responsabilité et mécanisme de protection, Service de la formation permanente du Barreau du Québec (2004) 200 1 à la p. 4. Or, il est surprenant de constater que les tribunaux ont jugé que l'absence d'évaluations médicale et psychosociale relatives à l'aptitude d'une personne à prendre soin de sa personne ou à gérer ses biens ne fait pas échec à une demande d'ouverture de régime de protection lorsque l'ensemble de la preuve révèle l'inaptitude de la personne.

(34)

La jurisprudence et les auteurs abondent d'ailleurs dans le même sens67• Le médecin traitant

est généralement identifié comme la personne à qui incombe la tâche de déterminer cette aptitude. Toutefois, dans certains cas, l'inaptitude est plus difficile à constater et l'expertise d'un psychiatre ou d'un neurologue devra être sollicitée68. Ceci nous amène à notre troisième

question: quand les médecins déterminent-ils l'inaptitude de leur patient à consentir aux soins?

C. QUAND LA DÉTERMINE-T-ON?

Seule une personne apte peut donner un consentement libre et éclairé en matière de soins. Selon notre droit, toute personne est présumée apte à consentir aux soins requis par son état de santé69. Or, une revue de la doctrine démontre que, dans la pratique, cette présomption

n'est pas nécessairement mise en œuvre de façon neutre. Les médecins semblent douter de l'aptitude de leur patient surtout lorsque ces derniers refusent les soins. Les auteurs rapportent que la majorité des évaluations formelles d'inaptitude à consentir aux soins ne sont pas effectuées lorsque les patients acceptent ou ne s'opposent pas aux soins, mais plutôt lorsqu'ils les refuseneo. Ceci nous parait contraire aux exigences du principe du respect de la personne, notamment de son droit à l'autodétermination. L'évaluation de l'inaptitude d'un patient à consentir aux soins devrait être déclenchée lorsque le médecin doute de la capacité

67 68 69

70

Voir E. Deleury et D. Goubau, supra note 12 à la p. 109.

R. P. Kouri et S. Philips-Nootens, supra note 22, à la p. 219, au nO 199.

Voir art. 4 du C.c.Q. relatif à la présomption que toute personne est apte à exercer ses droits civils. L'inaptitude s'établit selon la balance des probabilités. La présomption de l'aptitude à consentir aux soins a été réitérée maintes fois par les tribunaux. Voir notamment supra note 1.

Voir Pauline Lesage-Jarjoura, Consent to Care, Montréal, Collège des médecins du Québec, 1996 et David

(35)

de son patient d'exercer son autonomie décisionnelle, indépendamment de son choix d'accepter ou de refuser les soins.

Cette observation nous permet de douter de la neutralité de la détermination de l'inaptitude à consentir aux soins et donc du caractère prétendument objectif du constat de cette inaptitude. Cela nous incite à tenter de comprendre comment les médecins déterminent l'inaptitude de leur patient. Une étude de la littérature médicale démontre qu'en pratique, les médecins ne tiennent pas toujours compte des exigences découlant du principe du respect de la personne dans le cadre des évaluations d'inaptitude à consentir aux soins.

II. COMMENT DÉTERMINE-T-ON L'INAPTITUDE À CONSENTIR AUX SOINS?

A. LA DÉTERMINATION MÉDICALE 1. Les principes théoriques

Les auteurs en droit et en bioéthique s'entendent pour dire que la détermination de l'inaptitude à consentir aux soins doit s'effectuer suivant une approche fonctionnelle (( decision-relative »).

Cette approche tire son origine des travaux de la United States President's Commission for the Study of Ethical Problems in Medicine and Biomedical and Behavioral Research, qui, dès 1982, fait état de trois approches possibles pour la détermination de l'inaptitude à consentir aux soins : l'approche fonctionnelle, l'approche de résultat (( content or outcome

(36)

approach ») et l'approche en fonction du statut de la personne71• La Commission opte pour

l'approche fonctionnelle. Selon cette dernière, l'aptitude d'une personne à effectuer la tâche spécifique de prendre une décision relativement aux soins est le seul facteur déterminant. Il s'agit de déterminer dans quelle mesure le patient est à même de comprendre l'information reçue quant au traitement proposé, d'évaluer ses choix et leurs conséquences eu égard à son contexte particulier et d'exprimer ses choix.72 Selon la professeure Glass, l'approche fonctionnelle implique la prise en compte des éléments suivants:

A "functionning approach" to determining competence, requiring both the ability to factually understand and the ability to appreciate the relevance of specifie treatment or research to one's immediate situation, ensures that the patient can understand the potential for personal consequences or risks of a decision and accepts them.73

La commission rejette donc le critère de résultat, suivant lequel l'aptitude d'une personne se détermine en fonction du caractère raisonnable de la décision prise à l'égard du traitement. Ainsi, le refus de soins ne saurait constituer un critère permettant de conclure automatiquement à l'inaptitude du patient. En outre, bien que la décision de refuser les soins requis par son état de santé puisse paraître complètement déraisonnable au médecin, ceci ne suffit pas pour conclure à l'inaptitude d'une personne à consentir aux soins.

De plus, la Commission écarte également le critère du statut de la personne. Ainsi, le statut d'une personne sur le plan psychiatrique ou médical n'est pas indicateur de l'inaptitude de

71 É.-u., United States President's Connnission for the Study of Ethical Problems in Medicine and

Biomedical and Behavioral Research, Making Health Care Decisions on the Ethical and Legal

Implications of Informed Consent in the Patient-Practitioner Relationship, Washington D.C., GPO, 1982 à

la p. 5.

n Voir E. Deleury et D. Goubau, supra note 12, aux pp. 108-109, au nO 96, et Pauline Lesage-Jarjoura et Susan Philips-Nootens, supra note 23 à la p. 214.

(37)

cette personne à consentir aux soins74. Ceci est également vrai du statut criminel d'une

personne. Le fait d'avoir été l'objet d'un verdict de non responsabilité criminelle en raison de troubles mentaux n'implique pas qu'une personne soit inapte à consentir aux soins75. De

surcroît, le simple fait d'être hospitalisé ou sous garde en établissement contre son gré n'est pas indicatif d'une telle inaptitude76• Enfin, le fait d'être placé sous un régime de protection (tutelle ou curatelle) n'implique pas automatiquement que l'on soit pour autant inapte à

consentir aux soins 77.

Au Canada, les travaux de la Commission de réforme du droit du Canada des années 1980 abondent dans le même sens 78 et les tribunaux québécois, saisis d'une demande

d'autorisation de soins, prétendent également suivre cette approche79.

Cette approche fonctionnelle est plus respectueuse de la personne car elle reconnaît implicitement l'importance du droit à l'autodétermination en tentant d'éliminer, autant que possible, les jugements de valeur, à l'égard de la décision prise ou des soins proposés ou du statut du patient, susceptibles d'affecter l'évaluation de l'inaptitude à consentir aux soins.

74

K. Cranley Glass, supra note 63 aux arts. 11-12.

75 Une personne sous régime de protection peut être apte à consentir aux soins, voir art. 15 du c.c.Q. De plus,

en vertu de la Loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour elle-même ou pour autrui, L.R.Q., c. P-38.001, l'évaluation de la dangerosité se distingue de l'évaluation de la capacité à

consentir aux soins. Voir Institut Philippe Pinel de Montréal c. Dion, [1983] C.S. 438 et Institut Philippe Pinel de Montréal c. Blais, [1991] RJ.Q. 1969 (C.S.).

76 À l'époque, le statut de personne admise contre son gré dans une institution psychiatrique privait une

personne de son droit de consentir aux soins dans la majorité des provinces canadiennes. Voir M. Gupta, «Treatrnent RefusaI in the Involuntarily Hospitalized Psychiatric Population: Canadian Policy and Practice» (2001) 20 Med. & L. 245, 25.

77 Pour une étude de l'ancien régime de l'interdiction dérivé du droit romain, voir André Cellard, La curatelle

et l'histoire des maladies mentales au Québec, Histoire sociale, 1986, XIX (38) à la p. 443.

78

Voir la définition proposée par la Commission de réforme du droit du Canada dans Le traitement médical et le droit criminel, document de travail #26, 1980, Ottawa à la p. 79.

(38)

Or, une revue de la littérature médicale démontre qu'en pratique, ces principes ne sont pas nécessairement appliqués par les médecins.

2. La pratique

À ce jour, aucun test umque médical, physique, physiologique, neuropsychologique ou psychologique ne permet de déterminer l'inaptitude d'une personne à consentir aux soins8o•

Alors qu'il existe certains outils cliniques pour évaluer cette aptitude, aucun ne fait l'unanimité et aucun n'est utilisé de façon constante81. Ceci s'explique par la variété des

causes de l'inaptitude, le caractère fluctuant de la notion d'inaptitude82 et par le caractère imparfait et incertain de la médecine et plus particulièrement de la psychiatrie83.

a) Les critères cliniques

Selon la littérature médicale, l'approche fonctionnelle préconisée par les auteurs en bioéthique et en droit est retenue84. Elle implique en pratique que les tests de détermination

de l'inaptitude doivent viser à évaluer si la décision du patient résulte d'une maladie mentale

80 Ibid. Voir également Jos V.M. Welie et Sander P.K. Welie, « Patient Decision Making Competence:

81

82

83

Outlines ofa Conceptual Analysis» (2001) 4:2 Medicine, Health Care and Philosophy 127.

Voir: F. Kitamura et al., « Method for Assessment of Competency to Consent in the Mentally III » (1998) 21:3 Int'l J. L. & Psychiatry 223 à la p. 244; G. Bean et al., « The Psychometric Properties of the Competency Interview Schedule» (1994) 39:8 Cano J. Psychiatry 368 à la p. 376; Anna Skorzewska, « Aptitude à consentir au traitement: tests et suggestions» Psychiatrie conférences scientifiques, Département de psychiatrie, Université de Toronto, Centre de toxicomanie et de santé mentale, Toronto, octobre 2000, 4:6 et K. Cranley Glass, supra note 63 à la p. 33.

Voir notamment Gary Mullins, « Le refus des soins requis: lorsque la vague de l'intervention se brise sur les rochers du droit », dans Être protégé malgré soi, Service de la formation permanente du Québec,

Cowansville, Yvon Blais, 2002, 105 à la p. 107.

Voir notamment: Mary Boyle, Schizophrenia a Scientific Delusion?, Londres (R.-u.), Routledge, 1993 et Thomas S. Szasz, The My th of Mental Illness: Foundations of a Theory of Personal Conduct, New York

(É.-U.), Harper & Row Publishers, 1974.

84 Voir Loren H. Roth, Alan Meisel et Charles W. Lidz, « Tests of Competency to Consent to Treatrnent»

Références

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