"NOUS NE SOMMES PAS
DES PETITS BALLONS"
LES MODELES SPONTANES
DES ELEVES DE L'ECOLE
ITALIENNE SUR LA CELLULE"
R. GAGLIARDI, P. MOSCONI BERNARDlNI, M.T. BOCCIOLA, S. STRUBSBERG, R. SIMEONE et S. SIMEONE.
MOTS CLES représentations sur la cellule, enseignement de la biologie, causalité.
RESUME : L'analyse des représentations sur la cellule des élèves de différents âges de l'école italienne indique une série de transfonnations dans les notions relatives à la causalité. Cette analyse indique aussi que ces élèves n'arrivent pas à construire le concept de multiplication cellulaire.
ABSTRACT : The analysis ot the cell conceptions of strudents of italian school aged from 8 ta 14 years shows a series of transfonnations in the understanding of the law of causality. Its appears that they are not able ta achieve the constructin of the concept of celular multiplication.
1. INTRODUCTION
Le concept de cellule est fondamental dans la biologie actuelle. Concept difficile à acquérir, il est souvent appris par cœur et oublié après, ou il reste seulement quelques bribes d'information.
Des recherches faites sur des étudiant~ de psychologie et de pédagogie de l'Université de Genève indiquent la persistance de notions très vagues sur la cellule, véhiculées par des schémas très simples (par exemple deux cercles concentriques symbolisant le cytoplasme et le noyau). Un enseignement de la biologie qui ne prend pas en considération ces difficultés d'apprentissage sur la cellule donnera de mauvais résultats.
Il n'est pas possible de construire des connaissances fondamentales sur les organismes sans comprendre ce qu'est qu'une cellule, son fonctionnement, sa capacité de se reproduire.
Les recherches sur l'apprentissage des sciences nous indiquent l'importance des représentations non institutionnelles dans la construction des concepts par l'élève: - La signification qu'il donne aux informations dépend des représentations préalables. - Les nouveaux concepts ne se construisent pas de façon isolé mais comme résultat de l'intégration dans un réseau préexistant qui peut se modifier en fonction de cette intégration.
Toute transformation de l'enseignement de la biologie doit donc partir de la résolution de deux points fondamentaux:
- Quelles sont les représentations des élèves sur la cellule.
- Quels sont les contenus, les aides et les stratégies pédagogiques qui faciliteront la transformation de ces représentations pour arriver aux nouveaux concepts sur la cellule.
Nous avons commencé avec le premier de ces deux points, l'analyse des représentations sur la cellule chez des élèves des écoles de Rome et de Pavie.
2. METHODOLOGIE
La méthodologie utilisée est fort simple, l'analyse des réponses àun questionnaire ouvert, dans lequel il n'était mentionné ni le mot cellule, ni les noms des structures cellulaires. Avec cette stratégie, nous avons essayé d'éviter les réponses "automatiques" des élèves faceàdes questions qui demandent des notions apprises en classe.
La diversité des réponses nous indique que cette stratégie est bonne et que les élèves utilisent dans ces réponses leurs représentations. Cependant il faut signaler que ce questionnaire doit être complété par des interviews, des amlyses de cours, etc. pour vérifier les représentations que nous avuns trouvées.
Le questionnaire a été rempli par un total de 127 élèves de 2ème, 3ème, 4ème, Sème, 2ème moyen et 3ème moyen àRume et àPav ie.
3 RESULTATS
3.1 Réponses au questionnaire
Dans le questionnaire figuraient une question fondamentale et des questions complémentaires. La question tèlI1damentale était:
Pourquoi la peau n'éclate pas pendant la croissance?
Cette question avait pour but d'amener les élèves à faire une réflexion sur les propriétés de la peau, qui déterminent son adaptation à la croissance de tout l'organisme.
Les réponses peuvent être divisées en quaU'e grands groupes: réponses tautologiques; réponses fondées sur des propriétés physiques de la peau ; réponses fondées sur la croissance de la peau coincidant avec la croissance de J'organisme; réponses qui mentionnent les cellules.
3.2 Réponses tautologiques
Ces réponses sont majoritaires en 2ème. diminuent en 3ème et disparaissent presque en 5ème. Nous pouvons donc supposer une correspondance enlTe ce type de réponses et le développement de l'intelligence de ces élèves.
Quelques exemples typiques sont: - La peau ne doit pas éclater.
- Les être humains ne changent pas de peau. - La peau n'est pas faite de gaz.
- Nous ne sommes pas des petil<; ballons. - La peau n'est pas une bombe.
- Nous n'avons pas l'énergie suffisante pour éclater.
Ces réponses indiquentà notre avis que ces élèves ne se sont pas posés réellement la question, ils ont répondu en utilisant dans leur réponse, soit des termes similaires à
ceux de la question, soit des infonctions, soit des observations sur J'organisme. Nous pouvons faÎre l'hypothèse que ces élèves n'ont pascompris la relation causale entre l'éclatement et la croissance. Il nous faudra donc vérifier si cette incompréhension est provoquée par l'énoncé de la question, ou s'ils n'ont pas encore développé la notion de causalité.
3.3 Réponses fondées sur des propriétés physiques de la peau
Elles sont fréquentes en 2ème et Sème à Pavie et en 2ème moyen et 3ème moyen à Rome.
Quelques réponses nous montreront le type de réponses: - La peau est élastique.
- La peau est dure.
- La peau est faite de chair. - La peau est grande.
recherche des propriétés qui peuvent expliquer le phénomène. Cependant ces réponses sont fondées sur des propriétés macroscopiques, qu'on trouve dans des objets courants. En fait ces réponses sont des analogies avec les propriétés des objets observables qui supportent une certaine tension.
3.4 Réponses fondées sur la croissance de la peau coincidant avec la croissance de l'organisme
Ces réponses sont données par quelques élèves de 2ème et de 3ème et sont majoritaires en 4ème (Pavie), en 5ème (Pavie), et en 3ème moyen. L'exemple caractéristique de ce type d~réponses est:
- La peau n'éclate pas parce qu'elle s'accroît avec l'organisme.
A notre avis ces réponses indiquent un nouveau degré dans la recherche des explications causales, la peau cesse d'être un objet inerte pour acquérir certaines propriétés biologiques, telles que la croissance. Du point de vue de l'enseignement de la biologie ces réponses peuvent être un bon point de départ pour introduire la notion de celluleàpartir des questions du type :
- Comment s'accroît la peau?
- Comment peut-elle "suivre" la croissance de l'organisme avec sa propre croissance? Ces questions peuvent être une manière d'aborder la notion de l'existence d'un niveau microscopique sous-jacent qui détermine les propriétés de l'organisme.
3.5 Réponses qui mentionnent la cellule
Ces réponses sont absolument majoritaires dans deux classes (5ème A à Rome et Sème A à Pavie), et seulement dans d'autres cas (lélève de Sème B à Pavie et 1 élève de 2ème moyenàRome). En fonction du niveau de détail des réponses, nous pouvons faire l'hypothèse que les élèves de 5ème avaient étudié la cellule quelques semaines (ou quelques jours) avant de répondre au questionnaire.
Nous n'avons pas encore d'éléments pour dire si les élèves de 2ème moyen et de 3ème moyen ont "oublié" la notion de cellule, ou s'ils n'ont pas étudié ce thème.
Ce type de réponse n'est pas homogène. Dans la Sème A à Rome, une majorité d'élèves répond:
- La peau n'éclate pas parce que les cellules se reproduisent. Les élèves de Sème A à Pavie répondent:
- La peau n'éclate pas parce que les cellules s'accroissent avec l'organisme.
Cette dernière réponse nous indique un nouvel obstacle: il ne suffit pas de connaître le rapport entre les cellules et la croissance de la peau pour comprendre le phénomène: il faut franchir un pas de plus, arriveràl'idée de reproduction cellulai.re.
4. CONCLUSIONS
Le questionnaire nous a donc permis d'établir une série de transformations successives entre les 718 ans et les 101Il ans. Cette série commence avec des réponses tautologiques dans lesquelles n'apparaît pas la recherche des explications causales, est suivie par des réponses dans lesquelles il ya une explication causale au niveau des propriétés macroscopiques. La série continue avec l'introduction des notions biologiques (la peau a des propriétés différentes d'un objet inerte) pour finir avec la notion, différenciée en deux sous-groupes : celui des réponses qui parlent d'accroissement cellulaire et celui des réponses qui mentionnent la multiplication cellulaire.
La notion de cellule n'apparaît pas en rapport avec l'âge, ce qui indique que ce concept n'est pas construit "spontanément" par les élèves et doit être introduit par l'enseignant.
5. POSSIBLES RETOMBEES PEDAGOGIQUES
Nos résultats sont préliminaires. Il nous reste encoreàtrouver d'autres représentations en relation avec ce sujet pour pouvoir élaborer des stratégies et des contenus nouveaux pour l'enseignement.
Cependant nous pouvons déjà avancer l'hypothèse que tout enseignement sur la structure cellulaire de l'organisme devrait d'abord prendre en considération la capacité des élèves de "construire des structures de causalité". Il s'agit d'utiliser l'analyse de représentations conune une "mesure" de la capacité des élèves de comprendre les relations causales entre les différents éléments d'un phénomène.
Cette proposition ouvre des nouvelles possibilités à l'analyse de représentations et justifie son utilisation courante dans laclasse.
Du point de vue de l'organisation des cours de biologie, nos résultats confirment l'importance de surmonter l'obstacle épistémologique de la relation microscopique/macroscopique avant de se l'entrer sur les aspeet~ anatomiques qui ne sont pas suffisants pour amener les élèves àconstruire le concept de cellule.