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Perceptions des femmes et des hommes envers le plaisir de manger et la saine alimentation

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Academic year: 2021

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Perceptions des femmes et des hommes envers le

plaisir de manger et la saine alimentation

Mémoire

Myriam Landry

Maîtrise en nutrition

Maître ès sciences (M.Sc.)

Québec, Canada

© Myriam Landry, 2017

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Perceptions des femmes et des hommes envers le

plaisir de manger et la saine alimentation

Mémoire

Myriam Landry

Sous la direction de :

Sophie Desroches, directrice de recherche

Simone Lemieux, codirectrice de recherche

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iii

R

ÉSUMÉ

Une majorité d’interventions de promotion de la saine alimentation transmettent des messages à connotation biomédicale, présentant surtout les aliments comme des outils utiles au maintien ou à l’atteinte d’une bonne santé. Face à la faible efficacité de ces mesures pour provoquer des changements de comportements, plusieurs chercheurs recommandent un renouvellement des stratégies d’intervention auprès des populations, entre autres, en plaçant la notion du plaisir de manger au centre des interventions de promotion de la saine alimentation. Or, afin de pouvoir opérationnaliser ce nouveau type d’approche de manière efficace et adaptée auprès d’une population, il importe d’abord d’identifier les perceptions présentes envers l’approche chez cette population. Ce mémoire présente une étude qualitative ayant été menée auprès de Québécoises et de Québécois afin d’explorer leurs perceptions envers le plaisir de manger et la saine alimentation, dans le but d’informer de futures interventions utilisant une approche axée sur le plaisir de manger pour favoriser l’adhésion aux recommandations de saine alimentation. Les résultats suggèrent que les participantes et les participants associent le plaisir de manger à la fois à des composantes saines et malsaines de l’alimentation. Malgré l’ambivalence observée dans le discours des individus interrogés quant à l’association entre les deux concepts étudiés, les résultats de cette étude représentent des pistes d’intervention qui pourraient être exploitées afin d’aider les individus à associer la saine alimentation à une source de plaisir quotidienne.

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iv

A

BSTRACT

Most interventions promoting the adoption of a healthy diet are currently communicating biomedically-oriented messages, merely presenting healthy foods as useful tools for health maintenance or improvement. Given the low effectiveness of these measures in inducing behavioural changes, several researchers have recommended a shift in the intervention strategies traditionally used with populations to make the notion of eating pleasure a central piece of nutritional interventions. However, first gaining knowledge about a population’s perceptions is necessary in order to effectively operationalize this new type of approach in a way that is adapted to a target audience. This manuscript presents a qualitative study exploring a sample of Quebecers’ perceptions about eating pleasure and healthy eating, in order to inform future interventions using an approach focused on eating pleasure to promote healthy eating. It is outlined that participants associated eating pleasure with both healthy and unhealthy components of diets. Despite the ambivalence observed in the participants’ speech about the relationship between the two studied concepts, many results from this study could be used to support the development of interventions that would help individuals associate healthy eating with enjoyment.

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v

T

ABLE DES MATIÈRES

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... vii

Liste des figures ... viii

Liste des abréviations et des sigles ... ix

Remerciements ... x

Avant-propos ... xii

Chapitre 1 : Introduction ... 1

Chapitre 2 : Problématique ... 4

2.1 Saine alimentation ... 4

2.1.1 Définition et mesures de la saine alimentation ... 4

2.1.2 Alimentation, santé et obésité ... 5

2.1.3 Recommandations canadiennes en matière de saine alimentation ... 6

2.2 Déterminants des choix alimentaires ... 8

2.3 Plaisir de manger ... 9

2.3.1 Définitions ... 9

2.3.2 Plaisir de manger et qualité alimentaire ... 11

2.3.3 Plaisir de manger et gestion du poids ... 12

2.3.4 Interventions utilisant le plaisir de manger ... 13

2.4 Perceptions envers la saine alimentation et le plaisir de manger ... 14

2.5 Différences alimentaires reliées au genre ... 17

2.6 Différences alimentaires reliées à l’IMC... 18

2.7 Lacunes en recherche ... 19

2.8 Approche méthodologique ... 20

Chapitre 3 : Objectif, questions de recherche et propositions ... 22

3.1 Objectif et questions de recherche ... 22

3.2 Propositions ... 23

Chapitre 4 : ... 25

[Le plaisir de manger est-il compatible avec la saine alimentation ? Une étude qualitative sur les perceptions des Québécois] ... 25

Résumé ... 26 Abstract ... 27 4.1 Introduction ... 28 4.2 Methods ... 31 4.2.1 Recruitment ... 31 4.2.2 Data collection... 32 4.2.3 Data analysis ... 33 4.3 Results ... 35

4.3.1 Participants’ recruitment and characteristics ... 35

4.3.2 Perceptions about eating pleasure ... 38

4.3.3 Perceptions about healthy eating ... 38

4.3.4 Common perceptions of eating pleasure and healthy eating ... 40

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vi

4.4 Discussion ... 42

4.4.1 Compatibility of eating pleasure and healthy eating ... 42

4.4.2 Implications ... 46

4.4.3 Limitations of the study ... 47

4.5 Conclusion ... 48 Acknowledgments ... 48 Authors’ contributions ... 49 Conflicts of interest ... 49 Funding ... 49 References ... 49

Chapitre 5 : Analyses supplémentaires ... 55

5.1 Correspondance des définitions du plaisir de manger et de la saine alimentation avec les recommandations du GAC ... 55

5.1.1 Objectif ... 55

5.1.2 Méthode ... 55

5.1.3 Résultats ... 56

5.1.4 Conclusion ... 60

5.2 Perceptions envers la contribution du plaisir de manger dans l’adoption des recommandations du GAC ... 62

5.2.1 Objectif ... 62

5.2.2 Méthode ... 63

5.2.3 Résultats ... 63

5.2.4 Conclusion ... 65

Chapitre 6 : Conclusion générale ... 67

6.1 Discussion des principaux résultats ... 67

6.2 Forces et limites de l’étude ... 70

6.3 Perspectives ... 73

Bibliographie des chapitres I, II et V ... 77

Annexes ... 86

Annexe 1 : Formulaires de consentement ... 87

Annexe 2 : Guide d’entrevue de la modératrice pour les groupes de discussion ... 95

Annexe 3 : Images présentées à la question #3 ... 99

Annexe 4 : Résumé du GAC présenté lors des groupes de discussion ... 100

Annexe 5 : Image du GAC présentée lors des groupes de discussion ... 101

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vii

L

ISTE DES TABLEAUX

Chapitre 4

Table 1. Characteristics of focus group participants.………..…..37 Table 2. Salient themes used by participants to define eating pleasure.……….…..39 Table 3. Salient themes used by participants to define healthy eating..………40

Chapitre 5

Tableau 1. Fréquence de sélection des images représentant le plaisir de manger.………...57 Tableau 2. Thèmes saillants utilisés pour définir le plaisir de manger et la saine alimentation………...58

Annexes

(8)

viii

L

ISTE DES FIGURES

Chapitre 4

Figure 1. Flowchart of the participants’ recruitment………..36 Figure 2. Themes used by participants to define both eating pleasure and healthy eating…..41

Chapitre 5

Figure 1. Extraits du GAC — Recommandations retrouvées dans les définitions des participants du plaisir de manger et de la saine alimentation………..59

Annexes

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ix

L

ISTE DES ABRÉVIATIONS ET DES SIGLES

Abréviations françaises

AELIÉS : Association des étudiantes et des étudiants de Laval inscrits aux études supérieures

FSAA : Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation GAC : Guide alimentaire canadien

IMC : Indice de masse corporelle

INAF : Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels

SP-POS : Axe Santé des populations et pratiques optimales en santé

Abréviations anglaises

BMI: Body mass index

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x

R

EMERCIEMENTS

Mon cheminement à la maîtrise n’aurait pas été aussi enrichissant sans l’apport inestimable de plusieurs personnes que je souhaite remercier. D’abord, merci à ma directrice de recherche, Sophie Desroches, d’avoir accepté d’embarquer dans cette aventure avec moi alors que l’on ne se connaissait que peu. Ta patience et ta bienveillance m’ont aidée à traverser cette étape de ma vie avec confiance et chaque visite à ton bureau faisait diminuer mon stress d’un cran ! Merci pour ta grande disponibilité et pour le généreux partage de ton expertise. Je souhaite également remercier ma codirectrice, Simone Lemieux, qui m’a accordé sa confiance dans la réalisation de cette étape exploratoire de son programme de recherche. Merci d’alimenter mes réflexions depuis le tout début de mon parcours en nutrition et de transmettre ta passion à tes étudiants avec autant d’enthousiasme.

Je remercie également les professionnelles de recherche et les étudiantes des équipes de Sophie Desroches et de Simone Lemieux, qui ont toutes contribué de près ou de loin à mon expérience à la maîtrise et qui ont partagé expertise, réflexions et conseils sans compter. Plus particulièrement, un grand merci à Alexandra Bédard pour sa grande disponibilité. Tu étais toujours prête à aider, ton écoute et ta bonne humeur font aussi de toi une collègue en or. Merci également à Annie Lapointe pour son importante et indispensable implication dans ce projet. Annie, j’ai beaucoup appris en t’observant lors des groupes de discussion et en « m’obstinant » (gentiment) avec toi pour l’atteinte de nos consensus. Merci pour ta patience et pour tes encouragements qui faisaient toute la différence. Je remercie également Audrée-Anne Dumas, qui s’inquiétait bienveillamment de ma santé mentale et de mon sommeil dans les moments charnières de mes études au deuxième cycle !

Je souhaite également remercier les chercheuses Ariane Bélanger-Gravel, Catherine Bégin et Véronique Provencher, coauteures des communications reliées à ce projet, d’avoir fait avancer mes réflexions toujours un peu plus loin par leurs conseils et leurs suggestions. D’ailleurs, je souhaite adresser un merci particulier à Véronique Provencher ainsi qu’à la professionnelle de recherche Mylène Turcotte de m’avoir transmis leur enthousiasme pour la recherche qualitative en m’accueillant dans leur équipe pour mon tout premier emploi en recherche, en 2014, alors que j’étais étudiante au premier cycle.

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xi

D’autre part, je remercie le Fonds de nutrition publique ainsi que le Programme de soutien stratégique des activités de recherche de la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation (FSAA) pour le support financier qu’ils m’ont octroyé sous forme de bourses pendant mes études à la maîtrise. Je remercie également l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF), l’Association des étudiantes et des étudiants de Laval inscrits aux études supérieures (AELIÉS) ainsi que l’axe Santé des populations et pratiques optimales en santé (SP-POS) du centre de recherche du CHU de Québec pour leur support financier dans la diffusion de mes résultats.

Je ne peux passer sous silence l’importance qu’ont eue mes proches pendant cette période de ma vie. Je remercie mes amis de l’INAF comme de l’extérieur ainsi que mon amoureux pour le support moral qu’ils m’ont apporté à différentes étapes de mon parcours. Merci de m’apprécier pour ce que je suis et de m’aider à revenir à l’essentiel lorsque je me sens dépassée. Je remercie également ma famille de m’avoir encouragée sans relâche et d’avoir cru en mes projets, tout au long de mes études universitaires. Votre amour m’aide toujours à avancer avec confiance malgré les difficultés que je rencontre.

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xii

A

VANT

-

PROPOS

Ce mémoire décrit les efforts que j’ai déployés dans le cadre d’un projet de recherche abordant les perceptions des femmes et des hommes envers le plaisir de manger et la saine alimentation. Cette étude correspond à la phase exploratoire d’un programme de recherche dirigé par la Dre Simone Lemieux et visant à développer une intervention utilisant le plaisir de manger pour promouvoir la saine alimentation. Les analyses et les résultats qui suivent ne représentent en fait qu’une partie des données obtenues dans le cadre de cette étude qualitative, dont l’élaboration a été le fruit de la collaboration multidisciplinaire de plusieurs chercheuses. Son devis a été développé par Simone Lemieux, Dt. P., Ph. D., Alexandra Bédard, Dt. P., Ph. D., Sophie Desroches, Dt. P., Ph. D. et Véronique Provencher, Dt. P., Ph. D. dans le domaine de la nutrition, par Ariane Bélanger-Gravel, Ph. D. dans le domaine de la communication ainsi que par Catherine Bégin, Psy. D. dans le domaine de la psychologie. L’importante implication d’Annie Lapointe, Dt. P., Ph. D., coordonnatrice de recherche, aux étapes qui ont suivi se doit aussi d’être soulignée.

J’ai d’abord été impliquée dans ce projet en tant qu’auxiliaire de recherche à l’hiver 2016, puis en tant qu’étudiante à la maîtrise, à partir de mai 2016. Notamment, j’ai procédé à l’étape de recrutement des participantes et des participants en collaboration avec Alexandra Bédard et j’ai eu l’occasion d’assister à une partie des groupes de discussion menés par Annie Lapointe et Alexandra Bédard en tant qu’observatrice. Ces deux étapes m’ont permis de me familiariser avec nos participantes et nos participants ainsi qu’avec le contexte et le déroulement des groupes de discussion. Par la suite, j’ai pu mettre à contribution mon souci du détail alors que j’étais responsable de la transcription verbatim des groupes de discussion ; ce faisant, j’ai acquis une connaissance approfondie des données qualitatives sur lesquelles je travaillerais pour le temps que dureraient mes études au deuxième cycle. Mon implication dans le projet s’est bien sûr poursuivie à l’étape de codification, réalisée conjointement avec Annie Lapointe et à laquelle Simone Lemieux et Sophie Desroches ont parfois participé pour faciliter l’atteinte de consensus. J’ai ensuite procédé de manière autonome à une analyse plus approfondie des données codifiées. Ces étapes de codification et d’analyse ont grandement contribué au développement de mon savoir-faire en matière de recherche qualitative. J’ai alors dû me familiariser avec le logiciel d’analyse qualitative NVivo 10 et avec certaines

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xiii

méthodes reliées à son utilisation, telles que la double-codification, un travail de collaboration de longue haleine, de même que la création d’arbres thématiques et de matrices d’encodage. Ces étapes ont exigé de ma part une grande rigueur afin de faire preuve d’objectivité et de ne pas dénaturer les données utilisées, tout en gardant comme perspective que mes analyses reflèteraient ma propre interprétation et seraient immanquablement teintées par mes propres connaissances, expériences et valeurs.

Mon parcours à la maîtrise m’aura permis à plusieurs occasions de développer mes aptitudes en communication orale et écrite, en français et en anglais. Notamment, des résultats présentés dans ce mémoire ont fait l’objet d’une affiche scientifique, que j’ai eu l’occasion de présenter en mai 2017 à la Journée de la recherche de la FSAA, à l’Université Laval, ainsi qu’au Congrès annuel de la Société canadienne de nutrition (SCN), à Montréal. Le mois suivant, j’ai été invitée à présenter mes résultats à l’oral dans le cadre de la 4e Journée de la recherche des étudiants de l’axe SP-POS du Centre de recherche du CHU de Québec. J’ai également eu la chance de participer au congrès annuel de l’International Society of Behavioral Nutrition and Physical Activity (ISBNPA) à Victoria, en Colombie-Britannique, où j’ai présenté une seconde affiche scientifique. J’ai par la suite rédigé un article intitulé « Is eating pleasure compatible with healthy eating? A qualitative study on Quebecers’ perceptions », qui est intégré au chapitre 4 de ce mémoire, duquel je suis première auteure et dont les coauteures, impliquées depuis le tout début dans ce projet, sont Simone Lemieux, Annie Lapointe, Alexandra Bédard, Ariane Bélanger-Gravel, Catherine Bégin, Véronique Provencher et Sophie Desroches. Cet article a été soumis en novembre 2017 à la revue scientifique révisée par les pairs Appetite, à la suite de quelques modifications mineures. Par ailleurs, des analyses supplémentaires qui ne font pas encore l’objet d’un article scientifique sont présentées au chapitre 5 de ce mémoire.

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1

C

HAPITRE

1 :

I

NTRODUCTION

Bien que la nutrition soit une science en évolution, un constat fait l’unanimité depuis plusieurs années : l’alimentation joue un rôle essentiel dans la promotion de la santé humaine (Organisation mondiale de la Santé, 2015), notamment dans la prévention des maladies chroniques (Organisation mondiale de la Santé & Organisations des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, 2003). D’innombrables études observationnelles et interventionnelles ont exploré les liens entre alimentation, santé et bien-être — des connaissances scientifiques inestimables pour la santé publique. En revanche, il est également d’une importance critique de s’assurer que ces connaissances soient mises à profit dans la société en trouvant des moyens efficaces pour aider les individus à opérationnaliser des changements avantageux au niveau de leurs choix et de leurs comportements alimentaires.

Or, des impasses sont rencontrées en ce qui a trait aux manières traditionnelles d’intervenir dans les politiques publiques, qui demeurent d’une efficacité limitée (Jacquier, Bonthoux, Baciu, & Ruffieux, 2012). Un exemple particulièrement évocateur est celui des interventions de perte de poids. Les tentatives documentées pour traiter l’obésité par l’utilisation de diètes sont nombreuses et presque toutes aussi peu couronnées de succès : pour la grande majorité des individus, les interventions sont suivies d’une reprise du poids perdu (Puterbaugh, 2009).

Face à ce type de constat, les approches utilisées pour intervenir sur le plan nutritionnel auprès d’individus et de populations évoluent et s’actualisent. Entre autres, les guides alimentaires développés par différents pays soulèvent plusieurs débats publics sur les meilleures stratégies pour conseiller et soutenir les populations dans l’adoption d’une saine alimentation. Les nouvelles recommandations faisant office de guide alimentaire au Brésil, par exemple, ont attiré une vive attention des médias, représentant un changement de paradigme majeur dans l’approche à la nutrition en santé publique (Barton, 2014). Ces recommandations, axées notamment sur le niveau de transformation des aliments et le contexte psychosocial des repas, n’incluent aucune directive quant au nombre de portions devant être consommé pour chaque type d’aliments, une différence majeure avec le Guide alimentaire canadien (GAC) (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et

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l’agriculture, 2017 ; Santé Canada, 2011). Un processus de révision est d’ailleurs en cours pour ce dernier ; un tout nouveau GAC est attendu pour 2019 (Santé Canada, 2016b).

Parmi les pistes explorées dans la littérature récente pour améliorer les interventions de promotion de la saine alimentation, certains auteurs recommandent d’exploiter le potentiel du concept de plaisir alimentaire (Jacquier et al., 2012 ; Pettigrew, 2016). La vision de la saine alimentation comme un choix idéologique en conflit avec le plaisir serait, selon eux, peu aidante dans l’optique de pousser la population à améliorer ses habitudes alimentaires ; au contraire, incorporer le plaisir de manger comme une partie intégrante de la saine alimentation aurait davantage de potentiel (Jacquier et al., 2012 ; Lindeman & Stark, 2000 ; Pettigrew, 2016). Cela dit, comment effectuer ce type de changement de paradigme, alors que les concepts de plaisir de manger et de saine alimentation sont souvent dichotomisés dans les messages communiqués au public (Dodds & Chamberlain, 2017) ? C’est une question à laquelle je me suis intéressée dans le cadre de ma maîtrise.

L’étude qualitative présentée dans ce mémoire correspond à la phase exploratoire d’un programme de recherche visant à développer une intervention dont la stratégie sera axée sur l’utilisation du plaisir de manger afin de promouvoir la saine alimentation. D’un même souffle, cette étude pourrait informer les futures interventions en santé publique qui communiqueront des messages sur la saine alimentation. Pour ce faire, notre objectif principal était d’identifier les perceptions des femmes et des hommes québécois envers le plaisir de manger et la saine alimentation. Plus spécifiquement, l’étude visait à explorer quels ponts pourraient être établis entre les concepts de plaisir de manger et de saine alimentation, de manière à communiquer des messages cohérents avec les perceptions des individus. L’étude visait aussi à identifier si des différences de perceptions attribuables au genre et à l’indice de masse corporelle (IMC) des individus justifieraient l’utilisation d’interventions spécifiquement adaptées aux sous-groupes de la population. D’autre part, nous avions pour objectif spécifique de comparer les perceptions précédemment identifiées chez notre échantillon aux recommandations populationnelles présentement en vigueur au pays, divulguées par le biais du GAC. Enfin, nous souhaitions explorer comment nos participantes et nos participants perçoivent le plaisir de manger dans un contexte d’adoption des recommandations du GAC.

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Ce mémoire, divisé en 6 parties, présente cette démarche de manière détaillée. Le chapitre 2 met la table en faisant état des connaissances actuelles et des lacunes dans la littérature scientifique au sujet de la saine alimentation et du plaisir de manger, suivi du chapitre 3, qui présente les objectifs de recherche poursuivis par cette étude ainsi que les propositions de notre équipe. Le chapitre 4, rédigé en anglais, correspond à un article scientifique qui a été soumis à une revue révisée par les pairs. Il présente les résultats touchant les définitions offertes par notre échantillon pour les concepts de plaisir de manger et de saine alimentation. Le chapitre 5 présente pour sa part les analyses supplémentaires qui ont été réalisées en lien avec nos objectifs spécifiques qui concernent le GAC. Enfin, le chapitre 6 conclut ce mémoire en présentant une discussion générale des résultats obtenus, les forces et les limites de notre démarche ainsi que les perspectives en recherche et en intervention quant à l’utilisation du plaisir de manger dans la promotion de la saine alimentation.

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4

C

HAPITRE

2 :

P

ROBLÉMATIQUE

2.1

S

AINE ALIMENTATION

2.1.1DÉFINITION ET MESURES DE LA SAINE ALIMENTATION

La saine alimentation est typiquement définie, notamment par l’Organisation mondiale de la Santé (2015), par la consommation d’une certaine variété, qualité et quantité d’aliments qui permet à la fois de combler les besoins nutritionnels des individus et de prévenir les maladies non transmissibles associées à la nutrition. Or, selon Hamelin, Lamontagne, Ouellet, Pouliot, et O’Brien (2010), une définition de la saine alimentation devrait aller au-delà de la consommation adéquate d’énergie et de nutriments et englober les pratiques d’acquisition et de préparation des aliments, de même que le contexte socio-environnemental dans lequel l’alimentation s’inscrit. Cette définition devrait d’ailleurs laisser place aux facteurs de satisfaction favorisant le bien-être, le plaisir et la convivialité. De plus, la saine alimentation devrait non seulement être définie au niveau individuel, mais également au niveau communautaire, en tenant compte, par exemple, des enjeux de sécurité alimentaire (Hamelin et al., 2010).

Au Québec, le Plan d’action gouvernemental de promotion des saines habitudes de vie et de prévention des problèmes reliés au poids 2006-2012 a défini la saine alimentation simplement comme « les habitudes ou comportements alimentaires qui favorisent l’amélioration ou le maintien de la santé » (Ministère de la santé et des services sociaux, 2006, p. 42). En revanche, quelques années plus tard, la publication la Vision de la saine alimentation pour la création d’environnements alimentaires favorables à la santé est venue soutenir une conception globale de la saine alimentation. Effectivement, ce document s’adressant aux acteurs ayant une influence sur les environnements alimentaires définit la saine alimentation en allant au-delà de la dimension biologique axée sur la réponse aux besoins nutritionnels en nutriments, en énergie et en eau, en prenant soin d’également considérer les dimensions socioculturelle, économique, de la sécurité alimentaire et du développement durable (Ministère de la santé et des services sociaux, 2010). D’autre part, le Portail Santé Mieux-être s’adressant à la population québécoise adopte lui aussi une vision

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de la saine alimentation ne se limitant pas à des critères biomédicaux, en faisant mention, par exemple, de l’importance du plaisir lors des repas (Gouvernement du Québec, 2016). En recherche, la qualité alimentaire est le concept auquel on fait souvent référence lorsque l’on mesure le niveau d’adoption d’une saine alimentation chez les individus. Les mesures de la qualité alimentaire tiennent pour l’instant rarement compte du type de définition globale précédemment décrit, se concentrant plutôt sur des critères quantitatifs reliés aux aliments et aux nutriments consommés. Il s’agit tout de même d’un concept dont l’interprétation est variable, puisque plusieurs index différents sont actuellement utilisés pour mesurer la qualité alimentaire (Alkerwi, 2014). Notamment, certains ont été développés afin de mesurer le degré d’adhésion des individus à des modèles d’alimentation et à des recommandations alimentaires visant différentes populations. Ceux-ci peuvent par exemple utiliser des systèmes de pointage négatif ou positif selon certains critères nutritionnels et composantes de l’alimentation, ou encore se baser sur un ratio d’aliments inclus ou non dans les recommandations (Bach et al., 2007 ; Estaquio et al., 2009 ; Garriguet, 2009 ; Guenther et al., 2014 ; Haines, Siega-Riz, & Popkin, 1999 ; Hajna et al., 2012).

2.1.2ALIMENTATION, SANTÉ ET OBÉSITÉ

Les mesures de la qualité alimentaire, bien qu’elles ne réfèrent pas à une définition holistique de la saine alimentation, ont été jusqu’ici fort utiles en recherche. Les liens établis entre ces mesures et la santé humaine font souvent consensus chez la communauté scientifique : de nombreux organismes en reconnaissent l’importance pour le maintien de la santé des populations et la prévention ou le traitement de l’obésité. Notamment, l’Organisation mondiale de la Santé (2010) cible comme principaux facteurs de risque des maladies non transmissibles la mauvaise alimentation, la sédentarité, le tabagisme et l’usage nocif de l’alcool.

La littérature présente une abondance d’avantages pouvant être retirés de la consommation régulière de certains aliments ou de l’adhésion à certains modèles alimentaires. À titre d’exemple, des bénéfices de la consommation de légumes et de fruits ont été largement documentés, tels que la gestion du poids corporel et la prévention des maladies

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cardiovasculaires, du cancer et de la mortalité de toutes causes confondues, pour ne nommer que ceux-ci (Aune et al., 2017 ; Boeing et al., 2012 ; Boffetta et al., 2010 ; Michels et al., 2006 ; Sartorelli, Franco, & Cardoso, 2008). Se conformer à certains modèles alimentaires, dont, par exemple, les diètes méditerranéennes et DASH (pour Dietary Approaches to Stop Hypertension), a aussi été démontré efficace pour prévenir les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2 et ses complications et pour maintenir un poids normal (Azadbakht et al., 2010 ; Estruch et al., 2013 ; Hajna et al., 2012 ; Jannasch, Kroger, & Schulze, 2017 ; Ros et al., 2014). D’autre part, une étude récente a suivi sur une période de douze ans des femmes et des hommes participant respectivement aux études américaines Nurses’ Health Study et Health Professionals Follow-up Study. L’évolution de la leur qualité alimentaire était mesurée selon trois scores évaluant chacun 8 à 11 composantes alimentaires. Les auteurs ont constaté sans surprise que les individus ayant maintenu des scores de qualité alimentaire élevés sur toute la période de suivi avaient un risque de mortalité de toutes causes confondues plus faible. Il était également encourageant de constater que chez les individus ayant amélioré considérablement leurs scores de qualité alimentaire avec le temps, le risque de mortalité était également abaissé (Sotos-Prieto et al., 2017).

Au Canada spécifiquement, des indices de qualité alimentaire adaptés aux recommandations du GAC ont été associés à un IMC plus faible (Sundararajan, Campbell, Choi, & Sarma, 2014). Or, l’importance en santé publique qu’a l’impact de l’alimentation sur le poids corporel se doit d’être soulignée, car le surplus de poids et l’obésité sont associés à plusieurs comorbidités, telles que certains cancers, le diabète de type 2 ainsi que les maladies cardiovasculaires (Guh et al., 2009; World Health Organization, 2006).

2.1.3RECOMMANDATIONS CANADIENNES EN MATIÈRE DE SAINE ALIMENTATION

Face à ce type de constats, de nombreuses interventions de santé publique, telles que les campagnes de marketing social, l’étiquetage des aliments et l’éducation en nutrition, ont été mises en branle afin d’informer les individus et de favoriser chez eux des choix alimentaires sains. Malheureusement, ces mesures se sont montrées d’une efficacité limitée, puisqu’elles

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ne se traduisent pas nécessairement par des changements de comportements (Brambila-Macias et al., 2011).

Au Canada, le GAC a été développé dans le but de diriger la population vers des choix alimentaires sains et d’ainsi permettre la couverture adéquate des besoins nutritionnels, la diminution des risques de plusieurs maladies et l’atteinte d’une santé globale optimale (Santé Canada, 2011). Ce modèle d’alimentation saine, dont la plus récente version remonte à 2007, recommande la consommation d’un certain nombre de portions d’aliments provenant de quatre groupes alimentaires (légumes et fruits, produits céréaliers, lait et substituts, viandes et substituts), selon l’âge et le sexe, en mettant l’accent sur certains critères de qualité à considérer, tels que la teneur en gras et en sel des aliments (Santé Canada, 2011). Par ailleurs, le Gouvernement du Canada (2016) a récemment mis en ligne l’Assiette Bien manger, un modèle de repas fidèle aux recommandations du GAC et complémentant celui-ci d’une manière visuelle, simplifiée et interactive.

Malgré la large diffusion du GAC et la multiplication des sources d’information touchant la nutrition dans les médias populaires, la population canadienne semble peu connaître les recommandations officielles en matière de saine alimentation (Vanderlee, McCrory, & Hammond, 2015). De plus, la familiarité d’une population avec des recommandations de saine alimentation ne s’accompagne pas nécessairement d’une compréhension adéquate de celles-ci ni de leur utilisation au quotidien (Brown et al., 2011 ; Haack & Byker, 2014). Dans le cadre du volet « Nutrition » de l’Enquête canadienne sur la santé des collectivités effectuée en 2004, il a été constaté que plus de 22 % de l’apport énergétique total des enfants et des adultes provenait d’aliments ne faisant pas partie de l’un des quatre groupes alimentaires du GAC (Garriguet, 2007). Cette enquête a aussi révélé que les adultes consommaient en moyenne 5,2 portions de légumes et fruits par jour (Garriguet, 2007), comparativement à la recommandation du GAC variant entre 7 et 10 portions par jour (Santé Canada, 2011). Des constats similaires peuvent être faits en se penchant sur les données concernant plus spécifiquement la population québécoise (Institut national de santé publique du Québec, 2009). En parallèle, les données canadiennes les plus récentes montrent que selon les IMC mesurés, la prévalence de l’obésité poursuit son ascension dans la population adulte, ayant passé de 23,1% à 26,7% entre 2004 et 2015 (Statistique Canada, 2017b). Considérant que

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8

plusieurs maladies associées à l’alimentation et à l’obésité figurent parmi les plus importantes causes de mortalité au pays (Statistique Canada, 2017a), il apparaît urgent d’agir afin de favoriser chez la population une amélioration des habitudes alimentaires et, par le fait même, le maintien ou l’atteinte d’un poids associé à un plus faible risque pour la santé.

2.2

D

ÉTERMINANTS DES CHOIX ALIMENTAIRES

L’intervention sur les choix alimentaires d’une population doit nécessairement passer par la compréhension de leurs déterminants, dont la littérature scientifique fait état de diverses manières. Plusieurs de ces déterminants s’apparentent à des critères faisant appel aux connaissances et au raisonnement des individus. Le coût des aliments et les contraintes des individus, notamment, influenceraient leurs choix alimentaires. Par exemple, les aliments abordables et adaptés à leur rythme de vie sont habituellement préférés (Deliens, Deforche, Annemans, De Bourdeaudhuij, & Clarys, 2016 ; Ducrot et al., 2015 ; Phan & Chambers, 2016). Des connaissances et des croyances touchant la santé peuvent aussi influencer les choix alimentaires des individus par le biais de déterminants tels que la qualité nutritionnelle des aliments, l’adoption d’un régime alimentaire spécifique ou la gestion du poids (Ducrot et al., 2015 ; Phan & Chambers, 2016).

Les choix alimentaires ne dépendent toutefois pas seulement de déterminants rationnels : des déterminants plus intuitifs les influencent également de façon marquée. Évidemment, le goût des aliments en fait partie (Kourouniotis et al., 2016), de même que la commodité de ceux qui demandent peu d’efforts de préparation (Phan & Chambers, 2016). Les habitudes et les traditions des individus contribuent également à leurs choix alimentaires (Phan & Chambers, 2016). Par ailleurs, selon les données récoltées par questionnaires en ligne auprès de plus de 53 000 adultes français, lors des repas préparés à la maison, le plaisir serait parmi les dimensions les plus importantes décrivant les motifs derrière les choix alimentaires pour cette population (Ducrot et al., 2015).

Contento (2007) a suggéré un modèle intégrant les différents facteurs qui influencent les choix et les comportements alimentaires des individus : 1) les facteurs sensoriels-affectifs, regroupant les prédispositions biologiques, les expériences avec la nourriture et les

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conditionnements physiologique et social, 2) les croyances, les normes, les attitudes et les compétences, regroupant les facteurs intrapersonnels et interpersonnels et 3) les influences sociales et environnementales, regroupant les environnements physique/bâti, social/culturel, économique et informationnel.

Notons qu’actuellement, ce sont les déterminants axés sur les attributs « santé » des aliments qui sont les plus exploités dans les interventions de promotion de la saine alimentation (Pettigrew, 2016), incluant le GAC (Santé Canada, 2011). On invite ainsi la population à envisager l’alimentation sous un angle rationnel et à faire appel à ses connaissances pour faire ses choix. Or, en se référant à la littérature scientifique existante, incluant le modèle de Contento (2007), il peut être constaté que les connaissances en nutrition ne correspondent qu’à un facteur intrapersonnel parmi plusieurs autres facteurs ayant une influence sur les choix alimentaires. De plus, selon Jacquier et al. (2012), les choix alimentaires seraient principalement déterminés par des processus émotionnels automatiques qui relèvent davantage de l’intuition, telle que la recherche du plaisir. Ainsi, afin de favoriser l’efficacité des interventions en nutrition, il apparaît essentiel de chercher à agir sur une variété de déterminants des choix alimentaires, dont le plaisir de manger, dans leur élaboration.

2.3

P

LAISIR DE MANGER 2.3.1DÉFINITIONS

Le plaisir est défini de manières diverses par de nombreux champs d’expertise. En consommation, les produits, alimentaires ou non, sont souvent placés sur un continuum allant de l’utilitarisme à l’hédonisme (Alba & Williams, 2013). Un produit ayant une fonction utilitaire sera consommé pour ses utilités et son efficacité, tandis qu’un produit ayant une fonction hédonique sera consommé pour le plaisir qu’il procure. Or, il est souligné qu’un même produit peut remplir à la fois des fonctions utilitaires et hédoniques ; Alba et Williams (2013) suggèrent l’exemple du détergent à lessive, consommé pour son pouvoir détachant comme pour son agréable parfum, ou encore du chocolat noir, un aliment apprécié à la fois pour ses qualités fonctionnelles et organoleptiques.

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Le plaisir associé à la consommation d’un produit peut être obtenu de deux façons. D’abord, les qualités du produit lui-même peuvent apporter du plaisir, par exemple, par le biais de qualités esthétiques ou d’une odeur agréable. D’autre part, l’expérience que le consommateur fait du produit, ou encore la manière dont il le perçoit, peut aussi être source de plaisir (Alba & Williams, 2013). Pour appliquer ces notions à l’alimentation, on peut prendre l’exemple d’une salade verte. Cet aliment peut se situer à divers points sur un continuum utilitarisme-hédonisme : il pourrait à la fois être qualifié d’aliment « santé » ou « diète », car composé de légumes et peu calorique, mais aussi d’aliment « plaisir ». En effet, les qualités du produit, telles que sa fraîcheur, sa saveur et son apparence, peuvent contribuer à une expérience hédonique. De plus, sa consommation risque d’être plus plaisante dans un restaurant chic que dans un établissement de restauration rapide, en raison de l’expérience du produit (environnement haut de gamme et relaxant) et de la manière dont il est perçu (ingrédients raffinés, préparés par un chef, etc.).

Cornil et Chandon (2016) ont quant à eux suggéré l’existence de deux types de plaisir de manger qui doivent être bien distingués. D’une part, on retrouve le plaisir viscéral, qui répond aux fortes envies de manger qui sont causées par des stimuli externes, comme le fait d’apercevoir une boulangerie ou de sentir l’odeur de pain frais qui s’en dégage, ou par des émotions, comme la joie ou la tristesse. Les auteurs mesurent chez les consommateurs leur orientation vers le plaisir viscéral en utilisant des échelles d’alimentation externe (external eating) et émotive (emotional eating). Ils soulignent que les comportements menant à ce type de plaisir visent à répondre à un sentiment d’urgence viscéral et impliquent une certaine perte de contrôle sur les types et les quantités d’aliments consommés (Cornil & Chandon, 2016). D’autre part, le plaisir épicurien tel que décrit par Cornil et Chandon (2016) est plutôt associé aux valeurs symbolique, sensorielle et esthétique des aliments. Il est présenté comme une fin en soi consciemment poursuivie par les individus, et non répondant à une pulsion, chaque expérience alimentaire étant riche et unique. À titre d’exemple, les auteurs ont développé une échelle visant à mesurer l’orientation vers le plaisir épicurien chez les consommateurs qui inclue des items tels que « La cuisine est une forme d’art, au même titre que la musique et la peinture » et « Je peux facilement trouver les mots pour décrire le goût de plusieurs aliments » (traductions libres) (Cornil & Chandon, 2016).

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2.3.2PLAISIR DE MANGER ET QUALITÉ ALIMENTAIRE

La littérature associant plaisir de manger et la qualité alimentaire telle que décrite à la section 2.1.1, demeure pour l’instant limitée, en plus d’être plutôt controversée. Certaines études semblent montrer que le plaisir de manger est associé à une qualité alimentaire plus faible, tandis que d’autres études rapportent plutôt le contraire. Comme les mesures relatives au plaisir de manger et à la qualité alimentaire sont variables, ces résultats peuvent difficilement être comparés.

À titre d’exemple, Kourouniotis et al. (2016) ont constaté que les individus accordant une plus grande importance au goût dans leurs choix alimentaires avaient une qualité alimentaire plus faible. De plus, un sondage en ligne interrogeant les internautes sur les motivations ayant mené aux choix des aliments composant leur dernier repas a permis d’observer que tandis que des aliments sains, tels que les fruits et les légumes, étaient plus souvent choisis pour des motifs de santé et de contrôle du poids, les sucreries étaient choisies principalement pour le plaisir qu’elles procuraient (Phan & Chambers, 2016).

En revanche, une étude réalisée en ligne auprès d’Américaines et d’Américains est arrivée à des constats différents en les plaçant dans une situation imaginaire où ils devaient participer à une dégustation de menu pour un nouveau restaurant (Huang & Wu, 2016). On présentait à tous les individus interrogés le même repas principal, soit une salade de pâtes, mais le nom donné à ce mets avait soit une connotation « santé » (spécial salade du jour) ou « non santé » (spécial pâtes du jour). Les auteurs ont constaté que les participantes et les participants ayant une plus forte orientation vers le plaisir alimentaire – c’est-à-dire, attribuant une grande importance aux plaisirs sociaux et sensoriels de l’alimentation – attribuaient un meilleur goût au mets de connotation « santé » (Huang & Wu, 2016). Ainsi, la manière de définir le plaisir de manger et de le mesurer chez les individus étant variable selon les études, les liens entre ce concept et la qualité alimentaire nécessiteraient d’être davantage examinés.

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2.3.3PLAISIR DE MANGER ET GESTION DU POIDS

En revanche, davantage d’études ont exploré les liens entre le plaisir de manger et la gestion du poids. Elles concernent surtout la consommation d’aliments hédoniques, riches en gras, en sucre et/ou en sel et de haute densité énergétique. D’un côté, certains auteurs considèrent que le plaisir de manger est incompatible avec l’objectif de gestion de poids. Notamment, Stroebe, Mensink, Aarts, Schut, et Kruglanski (2008) argumentent que chez les personnes restreintes, le plaisir de manger (eating enjoyment) entre en conflit avec la gestion du poids, ce pour quoi cette dernière serait particulièrement ardue.

Par contre, Arch et al. (2016) ont testé l’utilisation d’une technique d’alimentation consciente (mindfulness) lors de dégustations d’un aliment communément associé au plaisir (chocolat) et d’un aliment dont l’appréciation est plus variable (raisins secs). Les participantes et les participants recevant des instructions d’alimentation consciente étaient appelés à se concentrer sur les qualités sensorielles des aliments, ce qui leur a permis de retirer davantage de plaisir que les participants subissant une distraction pendant les dégustations. En parallèle, en se concentrant sur les qualités sensorielles des aliments, les participants ont consommé moins de calories provenant d’aliments riches en sucre, en sel et en gras saturés (Arch et al., 2016). De façon similaire, Cornil et Chandon (2015) ont démontré chez des groupes d’individus variés (Américains, Français, enfants) que d’imaginer explicitement la saveur, l’odeur et la texture d’un aliment hédonique poussait à choisir de plus petites portions d’un autre aliment hédonique et à l’apprécier davantage, puisque le plaisir sensoriel est plus prononcé lors de la consommation de faibles quantités d’aliments.

Si le fait de savourer pleinement ses aliments peut entraîner la consommation de plus petites portions, le contraire pourrait également être vrai : s’attendre à recevoir une petite portion d’aliments hédoniques pousserait les individus à prendre plus de temps pour les savourer et pour porter attention à leurs qualités sensorielles, en plus de les laisser avec une sensation de satiété plus prononcée (Areni & Black, 2015). Ainsi, dans une optique de gestion de poids, conseiller aux individus consommant des aliments hédoniques à haute densité énergétique de choisir de petites portions et de porter une attention soutenue à leurs propriétés organoleptiques pourrait être une alternative avantageuse à la restriction pour à la fois

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13

favoriser le plaisir de manger et limiter la surconsommation d’aliments moins sains qui peuvent favoriser un surplus énergétique.

Les définitions des plaisirs épicurien et viscéral de Cornil et Chandon (2016) représentent une explication intéressante pour certains résultats d’études contradictoires, car ces deux types de plaisir auraient des associations bien différentes avec la gestion du poids. Alors que le plaisir épicurien, favorable à la gestion du poids, serait associé à une préférence pour de plus petites portions d’aliments riches en calories, le plaisir viscéral serait associé à une préférence pour des portions plus généreuses (Cornil & Chandon, 2016).

2.3.4INTERVENTIONS UTILISANT LE PLAISIR DE MANGER

Devant une littérature scientifique sur le plaisir de manger en croissance, plusieurs experts considèrent que la promotion de la saine alimentation devrait désormais passer par un nouveau paradigme positionnant l’aliment comme composante du bien-être global et non uniquement comme un outil nutritionnel biomédical (Block et al., 2011 ; Cornil & Chandon, 2016). Faire du plaisir de manger un allié de la saine alimentation pourrait contribuer à opérationnaliser ce changement de paradigme (Cornil & Chandon, 2016). Il est proposé que la promotion de la saine alimentation soit judicieusement associée au plaisir de manger à travers les interventions individuelles et populationnelles, qui seraient de cette façon plus efficaces (Jacquier et al., 2012 ; Pettigrew, 2016 ; Vogel & Mol, 2014). En effet, contrairement à certaines approches nutritionnelles plus traditionnelles et restrictives axées sur la recommandation ou l’interdiction de certains aliments, une approche visant à attribuer une notion de plaisir à un modèle alimentaire sain permettrait aux individus d’adopter une perception plus favorable de la saine alimentation et faciliterait le maintien de celle-ci à long terme (Jacquier et al., 2012).

Bien qu’encore peu documentées, des interventions utilisant le plaisir de manger pour promouvoir la saine alimentation sont déjà utilisées. Notamment, Vogel et Mol (2014) ont rapporté les expériences de différents professionnels incluant cette approche dans leur travail avec leurs clients cherchant à perdre du poids. On peut également considérer l’exemple du programme Choisir de maigrir ? offert dans plusieurs établissements de santé au Québec, qui

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vise, grâce à des rencontres de groupe, à favoriser chez les participantes un mode d’alimentation intuitif qui attribue une place importante, entre autres, au plaisir. Or, cette intervention a été significativement associée à une amélioration de la qualité alimentaire (Carbonneau et al., 2017).

2.4

P

ERCEPTIONS ENVERS LA SAINE ALIMENTATION ET LE PLAISIR DE MANGER Afin d’intégrer le plaisir de manger dans des interventions faisant la promotion de la saine alimentation, il est pertinent de commencer par s’intéresser aux perceptions de la population visée envers les concepts utilisés. Quelques études qualitatives se sont penchées sur les perceptions envers l’alimentation d’individus de différentes origines ethniques et culturelles. Plusieurs ont permis de comprendre que la saine alimentation avait des significations variées dans l’imaginaire collectif, incluant plusieurs composantes, notamment : les types d’aliments, leurs modes de production, de transformation et de préparation, les nutriments, les pratiques ou habitudes alimentaires et les impacts sur la santé et le bien-être (Bisogni, Jastran, Seligson, & Thompson, 2012; Hamelin et al., 2010; Paquette, 2005).

Plus spécifiquement, l’étude de Bildtgård (2010) a utilisé des groupes de discussion composés d’individus natifs de la France ou de la Suède afin d’identifier les différences culturelles entre eux quant à leurs perceptions de ce que « bien manger » signifie. Six idées centrales sont ressorties chez ces individus : l’équilibre, les plaisirs reliés au goût et à la convivialité, la régularité des repas, cuisiner soi-même et choisir des aliments purs ou naturels. Ces idées étaient exprimées différemment en fonction du groupe culturel. Tandis que les perceptions des groupes français étaient grandement influencées par l’héritage culturel et les traditions domestiques, les groupes suédois laissaient transparaître une vision dite « industrielle » du monde, axée sur l’efficience et la productivité, où le fait de bien manger était présenté comme une responsabilité individuelle et comme un outil permettant d’avoir un corps en santé (Bildtgård, 2010).

Romeike, Abidi, Lechner, de Vries, et Oenema (2016) se sont pour leur part intéressés aux similarités et aux différences dans les croyances envers la saine alimentation de femmes et

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15

d’hommes d’origines néerlandaise, turque et marocaine vivant aux Pays-Bas, par le biais de groupes de discussion. Alors que tous les groupes ont identifié l’importance de consommer certains aliments, plus particulièrement les fruits et légumes, les auteurs ont aussi relevé certaines perceptions propres aux différents groupes culturels. Les groupes turcs et marocains ont notamment mentionné que l’évitement de certains aliments, comme le sel et le sucre, faisait partie des recommandations de l’Islam. Les auteurs ont noté chez ces mêmes groupes l’expression de fausses croyances, telles que la consommation de viande rouge était importante pour le corps et que les habitudes de vie n’étaient pas reliées au développement du cancer et du diabète. Par ailleurs, la perception d’avoir des connaissances insuffisantes sur la saine alimentation émergeait plus particulièrement chez les groupes néerlandais et turcs (Romeike et al., 2016).

Des entrevues individuelles ont également été menées auprès d’un échantillon hétérogène d’adultes allemands afin d’explorer leurs perspectives sur la saine alimentation dans la vie de tous les jours (Bouwman, te Molder, Koelen, & van Woerkum, 2009). La saine alimentation était construite chez ces individus comme un comportement facile et déjà intégré à leur routine, bien que les taux d’obésité et de maladies liées à l’alimentation, à la hausse, témoignent de l’inverse. De plus, ils percevaient que la consommation d’aliments malsains pouvait être compensée plus tard par la consommation d’aliments sains ou de suppléments alimentaires (Bouwman et al., 2009).

Pour ce qui est du Canada, en Alberta plus spécifiquement, une étude qualitative utilisant comme méthodologie la photovoix (photovoice) a pu regrouper les perceptions des individus envers la saine alimentation sous cinq catégories : la qualité des aliments, la quantité d’aliments, la consommation de fruits et légumes, la consommation d’aliments locaux et le respect du GAC (Hammer, Vallianatos, Nykiforuk, & Nieuwendyk, 2015).

Parmi les études précédemment mentionnées, le plaisir de manger a été abordé comme une composante de l’alimentation saine par Bildtgård (2010) et Bouwman et al. (2009), mais n’a pas été investigué de façon spécifique. En effet, les perceptions envers le plaisir de manger demeurent à ce jour très peu étudiées. Parmi les rares études qualitatives sur ce sujet, celle de Macht, Meininger, et Roth (2005) s’est attardée aux composantes d’un repas apportant du

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16

plaisir (pleasurable meal) chez des femmes et des hommes allemands. Il est ressorti de ces travaux que les aliments choisis, l’environnement physique du repas ainsi que les facteurs sociaux étaient des stimuli importants d’une expérience de repas hédonique.

Pour ce qui est des perceptions envers l’association entre la saine alimentation et le plaisir de manger, la littérature fait fréquemment mention des différences culturelles soulignées par Rozin, Fischler, Imada, Sarubin, et Wrzesniewski (1999), plus particulièrement celles qui concernent les populations américaine et française. Notamment, aux États-Unis, comparativement à la France, la Belgique et le Japon, les individus percevraient plus fortement le lien entre la santé et l’alimentation. Ils se préoccuperaient d’ailleurs davantage de l’impact de leurs habitudes alimentaires et de celles de leur entourage sur la santé, seraient plus susceptibles d’avoir une alimentation réduite en gras ou en sel et les aliments hédoniques à haute densité énergétique provoqueraient chez eux plus d’inquiétudes quant à la santé et la gestion du poids. Il est intéressant de soulever que malgré ces attitudes et comportements orientés vers la santé, ce sont les Américaines et les Américains qui percevraient leur qualité alimentaire de la façon la moins positive. À l’opposé, les Françaises et les Français se démarqueraient par l’importance élevée qu’ils accordent au plaisir dans l’alimentation, alors qu’il s’agit aussi du groupe qui percevrait sa propre qualité alimentaire le plus positivement.

Toujours concernant l’association perçue entre la saine alimentation et le plaisir de manger, des auteurs ont observé que chez les consommatrices et les consommateurs, généralement, les aliments malsains sont associés intuitivement à un meilleur goût que les aliments sains (en anglais, ce phénomène a été nommée la unhealthy = tasty intuition). Cette « intuition » aurait non seulement un impact sur l’appréciation des aliments, mais également sur les choix alimentaires, les aliments malsains étant priorisés dans un contexte de recherche du plaisir (Raghunathan, Naylor, & Hoyer, 2006). Ce type de perception a été observé qualitativement auprès d’adolescentes et d’adolescents, qui dépeignaient les aliments malsains comme goûteux et les aliments sains comme sans saveur (Stevenson, Doherty, Barnett, Muldoon, & Trew, 2007). D’ailleurs, ces jeunes semblaient percevoir la saine alimentation comme un effort à fournir pour contrôler leur poids et non comme une fin en soi (Stevenson et al., 2007). D’autre part, chez des adultes irlandais âgés de 50 à 70 ans, une étude a observé que les messages de saine alimentation étaient perçus comme moralisateurs et associés au sacrifice

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17

du plaisir dans l’alimentation (Delaney & McCarthy, 2014). Jallinoja, Pajari, et Absetz (2010) ont rapporté des perceptions similaires chez des individus participant à une intervention de promotion de la santé, pour qui l’expérience du plaisir de manger devait être planifiée et encadrée, car elle était en opposition avec leurs efforts visant l’adoption de saines habitudes de vie.

En revanche, on ne peut généraliser l’intuition associant aliments malsains et bon goût. En fait, chez des Français, l’intuition contraire a même été documentée : les aliments sains seraient spontanément associés au plaisir gustatif (Werle, Trendel, & Ardito, 2013), ce qui contribue à expliquer que ce peuple ait une perception positive de leur qualité alimentaire tout en attribuant une grande importance au plaisir de manger (Rozin et al., 1999).

Ces différences culturelles suggèrent d’une part que l’association perçue entre la saine alimentation et le plaisir de manger, qu’elle les allie ou les oppose, est en partie un construit psychosocial ; elle pourrait donc être influencée. D’autre part, cette revue de la littérature souligne l’importance cruciale de considérer d’abord les perceptions spécifiques d’une population cible envers la saine alimentation et le plaisir de manger, avant de chercher à les influencer.

2.5

D

IFFÉRENCES ALIMENTAIRES RELIÉES AU GENRE

L’alimentation est un acte non seulement influencé par la culture, mais également par le genre des individus. Par exemple, certaines préférences alimentaires sont considérées comme des indicateurs de féminité, comme les fruits, les légumes et le poisson, ou de masculinité, comme la viande rouge et l’alcool (O’Doherty Jensen & Holm, 1999). Des différences dans les choix alimentaires ont aussi été soulevées : entre autres, les femmes seraient plus susceptibles que les hommes d’éviter les aliments riches en gras ou en sel et de consommer des fruits et des fibres alimentaires (Rozin et al., 1999 ; Wardle et al., 2004).

Les auteurs expliquent ces différences, d’une part, par le fait que les femmes présenteraient des préoccupations plus prononcées envers la santé et seraient plus conscientes de

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18

l’association entre la santé et l’alimentation, ce qui influencerait positivement leurs habitudes alimentaires (O’Doherty Jensen & Holm, 1999 ; Rozin et al., 1999 ; Wardle et al., 2004). D’autre part, les comportements alimentaires seraient davantage influencés par des objectifs de perte de poids chez les femmes que chez les hommes, possiblement en raison des conséquences sociales plus marquées d’un surplus de poids chez la gent féminine, alors que les objectifs de gain de poids sont observés plus fréquemment chez la gent masculine (O’Doherty Jensen & Holm, 1999). Par exemple, les femmes seraient plus susceptibles de s’inquiéter par rapport à l’effet « engraissant » de certains aliments plutôt que de les savourer (Rozin et al., 1999).

Par ailleurs, des différences reliées au genre ont aussi été soulevées concernant les connaissances sur l’alimentation. Par exemple, Mathe et al. (2015) ont observé que des Albertaines étaient plus familières avec les recommandations du GAC que leurs homologues masculins.

Somme toute, en considérant les différences déjà soulevées dans la littérature par rapport à l’alimentation chez les femmes et les hommes, il est probable que les perceptions envers la saine alimentation et le plaisir de manger diffèrent selon le genre. Ceci justifierait l’utilisation d’interventions de promotion de la saine alimentation distinctes ciblant les hommes ou les femmes, ou du moins l’intégration des perceptions féminines et masculines dans une même intervention. En revanche, cette proposition n’a fait l’objet d’aucune étude à ce jour.

2.6

D

IFFÉRENCES ALIMENTAIRES RELIÉES À L

’IMC

En plus de l’influence potentielle du genre, le statut pondéral pourrait aussi être relié à des différences de perceptions envers la saine alimentation et le plaisir de manger en raison, entre autres, de la stigmatisation qui peut être vécue au quotidien par les personnes souffrant d’obésité. Une étude sociologique de Bissell, Peacock, Blackburn, et Smith (2016) s’est intéressée au gradient social de l’obésité en Angleterre. Ces auteurs ont observé lors d’entrevues individuelles avec des individus obèses et défavorisés une discordance associée au plaisir de manger. En effet, les perceptions de ces femmes et de ces hommes opposaient

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19

les volontés de retirer du plaisir des aliments et de contrôler leur poids, ce qui s’ensuivait d’émotions telles que la honte et la frustration (Bissell et al., 2016).

De plus, certaines différences associées à l’IMC ont été soulevées dans la littérature quant aux comportements et aux attitudes alimentaires. Barthomeuf, Droit-Volet, et Rousset (2009) ont par exemple constaté que chez un échantillon d’adolescentes et d’adolescents, la restriction alimentaire était associée à un IMC plus élevé. De plus, lors d’un exercice de visualisation de la consommation d’aliments très appréciés comme le chocolat, le pain et la pizza, les émotions négatives engendrées étaient plus prononcées chez les individus obèses que chez leurs pairs ayant un poids normal ou de l’embonpoint (Barthomeuf et al., 2009). Bien que les personnes obèses ne semblent pas retirer une réponse de plaisir plus importante lors de la consommation d’aliments, il est suggéré qu’elles seraient par contre caractérisées par une plus forte motivation à manger. La différence se trouverait donc dans leur désir plutôt que dans leur plaisir de manger (Mela, 2006). Par ailleurs, les comportements alimentaires pourraient être davantage influencés par les signaux sociaux chez les personnes obèses, puisque dans une étude antérieure, un IMC plus élevé était associé au grignotage d’aliments à teneur élevée en calories en l’absence d’autres personnes et à la consommation d’aliments plus faibles en calories devant d’autres personnes (Schüz, Revell, Hills, Schüz, & Ferguson, 2017).

Ainsi, plusieurs différences reliées à l’alimentation sont associées au statut pondéral. Pour cette raison, il est possible que les perceptions envers la saine alimentation et le plaisir de manger se distinguent en fonction de l’IMC des individus. Ce type de constat pourrait justifier l’utilisation d’interventions différentes pour promouvoir la saine alimentation, par exemple, chez des personnes de poids normal et chez des personnes obèses.

2.7

L

ACUNES EN RECHERCHE

Plusieurs études qualitatives ont fait état des perceptions envers la saine alimentation (Bisogni et al., 2012), tout comme des motivations et des barrières perçues pour manger sainement, qui ont été documentées chez plusieurs populations (Ashton et al., 2015 ;

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20

Farahmand et al., 2015 ; Farahmand, Tehrani, Amiri, & Azizi, 2012 ; Greaney et al., 2009 ; Lappalainen, Kearney, & Gibney, 1998 ; Stevenson et al., 2007). Malgré le fait que plusieurs auteurs suggèrent l’intégration du concept de plaisir de manger dans les interventions de promotion de la saine alimentation (Cornil & Chandon, 2016 ; Jacquier et al., 2012 ; Pettigrew, 2016 ; Vogel & Mol, 2014), on ne sait pour l’instant que peu de choses sur les perceptions des individus envers le plaisir de manger spécifiquement. Plusieurs questions n’ont pas encore de réponses dans la littérature scientifique : à quel type d’aliments le plaisir de manger est-il associé ? Comment est-il défini par la population générale ?

En effet, à notre connaissance, aucune étude n’a tenté d’identifier les perceptions d’individus à la fois envers le plaisir de manger et la saine alimentation, en tant que concepts distincts et interreliés, avec pour objectif d’exploiter ces perceptions dans une intervention de promotion de la saine alimentation.

De plus, comme cela a été soulevé plus tôt, les perceptions envers l’alimentation qui ont été documentées par des études antérieures ont fait ressortir plusieurs différences reliées à l’origine ethnique et culturelle, le genre et l’IMC des individus. Or, selon Bisogni et al. (2012), il serait utile d’exploiter le potentiel de la recherche qualitative afin de tenir compte des perspectives des populations visées dans les interventions de promotion de la santé. Effectivement, il est essentiel que les interventions de santé publique soient développées de manière stratégique et adaptée aux différents publics cibles (Dixon, Murphy, Scully, Rose, & Cotter, 2016). C’est pourquoi avant de développer toute nouvelle intervention destinée aux Québécoises et aux Québécois, il importe d’abord d’explorer chez ce groupe culturel spécifique les perceptions envers les concepts qui seront exploités, soit le plaisir de manger et la saine alimentation. De plus, effectuer cet exercice chez des femmes et des hommes de différentes catégories d’IMC apparaît essentiel afin d’être en mesure d’adapter une éventuelle intervention, au besoin, au genre et au statut pondéral de son public cible.

2.8

A

PPROCHE MÉTHODOLOGIQUE

En résumé, à la lumière de cette revue de littérature, il apparaît fort pertinent de se tourner vers le plaisir alimentaire comme avenue prometteuse pour améliorer la qualité de

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21

l’alimentation de la population québécoise. Cependant, il importe de combler certaines lacunes dans la littérature scientifique en s’attardant aux croyances et aux perceptions envers le plaisir de manger et la saine alimentation chez les Québécoises et les Québécois de différents statuts pondéraux, afin que ces notions soient intégrées de façon optimale au sein de futurs programmes et interventions ciblés et efficaces.

Dans l’optique de mieux comprendre un concept donné au sein d’un groupe de personnes, l’utilisation de la recherche qualitative est une étape importante qui permet une exploration en profondeur des perceptions des individus. Les groupes de discussion et les entrevues individuelles en profondeur sont les méthodes qualitatives les plus utilisées pour identifier les perceptions envers la saine alimentation (Bisogni et al., 2012). Une méthodologie par groupes de discussion, plus spécifiquement, est caractérisée par la dynamique créée entre la modératrice ou le modérateur et le groupe, de même qu’entre les membres du groupe ; cette dynamique a pour avantage de stimuler les échanges et la réflexion, ce qui peut générer un large bassin d’idées (Wong, 2008). De plus, l’action de la modératrice ou du modérateur permet de clarifier les questions, de diriger les conversations et d’aller chercher des précisions supplémentaires au besoin, ce qui favorise la production de données qualitatives à la fois détaillées et de grande qualité (Wong, 2008).

Par ailleurs, le fait de former des groupes dont certaines caractéristiques sont homogènes peut rendre la participation à un groupe de discussion moins menaçante pour les participantes et les participants, qui ont alors le sentiment que leurs pairs vivent des situations semblables aux leurs et se sentent plus à l’aise de partager leurs expériences et leurs réflexions (Wong, 2008). Dans un contexte de groupe de discussion touchant l’alimentation, il est donc utile de former des groupes homogènes sur les plans du genre et de la catégorie d’IMC, puisque la littérature suggère des différences considérables dans les perceptions des individus selon ces caractéristiques, comme le décrivent les sections précédentes.

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22

C

HAPITRE

3 :

O

BJECTIF

,

QUESTIONS DE RECHERCHE ET PROPOSITIONS

3.1

O

BJECTIF ET QUESTIONS DE RECHERCHE

L’objectif principal de l’étude présentée dans ce mémoire était d’identifier les perceptions d’un échantillon d’adultes québécois envers le plaisir de manger et la saine alimentation. Ce faisant, nous souhaitions répondre à deux besoins.

Premièrement, comme précédemment mentionné, impliquer les populations ciblées par les initiatives en nutrition en santé publique est essentiel pour s’assurer de la pertinence de ces dernières et pour favoriser leur efficacité (Bisogni et al., 2012). Or, les perceptions de la population sont rarement examinées de manière qualitative préalablement à l’élaboration de nouvelles interventions, ce qui pourrait en partie expliquer les difficultés rencontrées pour amener les individus à adopter de meilleures habitudes alimentaires. C’est notamment pour cette raison que notre équipe a planifié l’étude présentée dans ce mémoire en tant que phase exploratoire d’un programme de recherche visant à développer et à évaluer une intervention utilisant le plaisir de manger pour promouvoir la saine alimentation. Afin d’informer ces études subséquentes ainsi que d’autres interventions en saine alimentation et en santé publique, nous avions pour questions de recherche :

- Comment des adultes québécois définissent-ils les concepts de plaisir de manger et de saine alimentation ?

- Quels sont les points communs et la compatibilité entre leurs définitions du plaisir de manger et de la saine alimentation ?

- Existe-il des différences associées au genre et à la catégorie d’IMC parmi leurs perceptions envers le plaisir de manger et la saine alimentation ?

Deuxièmement, dans le contexte où le GAC est en cours de révision et que Santé Canada mène des consultations auprès de la population, des professionnels de la santé et de divers représentants (Santé Canada, 2016b), il est pertinent de vérifier si le GAC actuel, utilisé comme modèle de saine alimentation depuis maintenant dix ans, concorde avec les perceptions de la population. Cela peut nous apporter des pistes de réflexion sur le niveau

Figure

Figure 1. Flowchart of the participants’ recruitment
Table 1. Characteristics of focus group participants
Table 2. Salient themes used by participants to define eating pleasure
Table 3. Salient themes used by participants to define healthy eating
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