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La relation entre le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité et le développement du langage

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Academic year: 2021

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LA RELATION ENTRE LE TROUBLE DEFICITAIRE DE L'ATTENTION AVEC HYPERACTIVITÉ ET LE DÉVELOPPEMENT DU LANGAGE

Thèse présentée

à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de doctorat en psychologie pour l'obtention du grade Philosophiae Doctor (Ph.D.)

ECOLE DE PSYCHOLOGIE FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

2010

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L'objectif général de cette thèse consistait à étudier la relation entre le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (TDAH) et le développement du langage. Deux objectifs spécifiques ont été abordés dans la thèse: 1) comparer le développement langagier entre 18 mois et 7 ans d'enfants identifiés à l'âge scolaire comme étant à risque de TDAH à ceux qui ne le sont pas, et 2) étudier l'étiologie et le cours développemental de l'association entre les symptômes d'hyperactivité et d'inattention et les habiletés langagières entre 30 mois et 7 ans dans un contexte génétiquement informatif. Les deux études constituant le corps de la thèse ont été menées auprès d'un échantillon populationnel de 1118 jumeaux. Les résultats du premier volet de la thèse indiquent que les enfants avec un TDAH avaient des habiletés langagières expressives et réceptives plus faibles que les enfants du groupe contrôle, et ce dès l'âge de 18 mois. Ce retard langagier s'est maintenu à 30 mois, à 5 ans ainsi qu'à 7 ans chez les enfants TDAH. De plus, leurs habiletés langagières se sont développées plus lentement entre 18 mois et 7 ans comparativement aux enfants du groupe contrôle. Finalement, les résultats du premier volet de la thèse montrent que les habiletés langagières en bas âge permettent de prédire l'appartenance au groupe TDAH, et ce au-delà des comportements précoces liés au TDAH. Dans le deuxième volet de la thèse, les résultats indiquent une association modérée entre les symptômes d'hyperactivité et d'inattention et les habiletés langagières entre 30 mois et 7 ans qui seraient en grande partie attribuables à des influences génétiques partagées. Au-delà de ces influences partagées, la présence de symptômes d'hyperactivité et d'inattention à 30 mois contribue négativement aux habiletés langagières à 5 ans, alors que ces dernières contribuent négativement aux symptômes d'hyperactivité et d'inattention à 7 ans. Les résultats de cette thèse ajoutent un apport considérable à notre compréhension des causes de la cooccurrence élevée de TDAH et de déficits langagiers observé à l'âge scolaire.

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ABSTRACT

The overall objective of this thesis was to study the association between Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder (ADHD) and language development. Two specific objectives were addressed in the thesis: 1) comparing the language development between 18 months and 7 years of children identified at school age as being at risk for ADHD to the language development of those who are not at risk, and; 2) study the etiology and the developmental course of the association between symptoms of hyperactivity and inattention and language skills between the ages of 30 months and 7 years in a genetically informative context. The two studies comprising the body of the thesis were conducted with a population-based sample of 1118 twins. The results of the first study indicate that, as early as 18 months, children at risk of ADHD have poorer receptive and expressive language skills than children from the control group. This language delay was maintained at 30 months, at 5 years and at 7 years in children at risk of ADHD. Moreover, the language skills of the ADHD group developed more slowly than those of children in the control group between the ages of 18 months and 7 years. Finally, the results of the first part of the thesis indicate that early language skills contribute to the prediction of ADHD status at school age beyond the presence of early ADHD symptoms and other risk factors associated with ADHD. In the second part of the thesis, the results indicate that the moderate association of hyperactivity and inattention symptoms with language skills between the ages of 30 months and 7 years is largely due to shared genetic influences. Moreover, the presence of hyperactivity and inattention symptoms at 30 months had a negative impact on language skills at age 5 years, while these in turn negatively influenced hyperactivity and inattention symptoms at age 7 years. The findings of this thesis shed considerable light on our understanding of the high co-occurrence of ADHD and language deficits observed at school age and its' causes.

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Le dépôt de cette thèse se veut l'aboutissement d'un long parcours sinueux mais rempli de beaux moments. C'est la fin d'une étape qui ouvre la voie à celle de la vie d'adulte, enfin! Plusieurs personnes ont joué des rôles clés pendant ce processus et je tiens à les remercier.

Je voudrais d'abord remercier ma directrice de thèse, Dre Ginette Dionne, de m'avoir accepté comme étudiant voilà déjà plusieurs années. En plus de me faire confiance, elle m'a aussi permis de retrouver ma propre confiance par moments. Son regard original sur le développement de l'enfant, en plus des expériences enrichissantes accumulées en sa présence m'ont ouvert les yeux et l'appétit sur le monde de la recherche. Je tiens aussi à remercier mon co-directeur, Dr Michel Boivin, pour le travail accompli comme bâtisseur d'un groupe de recherche très stimulant.

Les deux articles empiriques formant le corps de cette thèse ont été réalisés en collaboration. Je suis responsable de la recension des écrits, des analyses statistiques et de la rédaction des deux articles empiriques formant le corps de cette thèse. Je tiens tout de même à remercier ma directrice et mon co-directeur pour leurs judicieux conseils, ainsi qu'à souligner l'apport des autres co-auteurs pour leur contribution. Un merci spécial à Dre Nadine Forget-Dubois pour son soutien statistique inestimable. Le processus de soumission pour publication est présentement en cours. Toutefois, à ce jour, aucun des deux articles empiriques n'a été accepté pour publication.

Cette thèse n'aurait pas été possible sans l'appui financier des organismes subventionnaires associés à l'Étude des jumeaux nouveau-nés du Québec (CRSH, IRSC, CQRS, FQRSC, FRSQ) et sans la participation des enfants et de leur famille à cette vaste étude. Je suis aussi reconnaissant envers les FQRSC, le Réseau Canadien de recherche sur le langage et l'alphabétisation (CLLRNet), le Groupe de recherche sur l'inadaptation psychosociale chez l'enfant et l'adolescent (GRIP) ainsi qu'envers le Genes, Environment and Health Training Program pour l'octroi de bourses d'études et d'appuis financiers d'appoint pendant mes études supérieures.

Finalement, je tiens à adresser un merci tout spécial à mes amis et à ma famille qui m'ont accompagné et soutenu pendant les dernières années. Merci à Isabelle, Nancy, Nathalie, Amélie,

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Aude, Dominique, Claudia, Dominick, Hélène, François et aux autres amis ayant vécu des expériences similaires aux miennes en cours de route. Un merci à ma belle Guylaine pour son soutien, ses encouragements et surtout son amour lors des 5 dernières années. Et finalement un gros merci à mes parents pour leur optimisme, leur sens du travail et leur amour inconditionnel.

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RÉSUMÉ/ABSTRACT ii AVANT-PROPOS iv TABLE DES MATIÈRES vi

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

Présentation de la thèse 2 CHAPITRE 1. CONTEXTE THÉORIQUE ET OBJECTIFS DE RECHERCHE 4

1.1 Le TDAH. 4 /. /. / Les déficits langagiers en lien avec le TDAH

chez les enfants d'âge scolaire 5 1.1.2 L'émergence de l'association entre déficits langagiers et TDAH 12

1.1.3 Le développement de la régulation attentionnelle

et comportementale 14 1.1.4 Le développement des habiletés langagières 17

1.2 Le premier objectif de la thèse 20 1.3 Les modèles théoriques de la relation TDAH-déficits langagiers 21

1.3.1 Les modèles impliquant un effet de phénotype à phenotype 22 1.3.2 Les modèles à facteurs étiologiques communs ou associés

aux déficits langagiers et au TDAH 27

1.4 Le deuxième objectif de la thèse 30 CHAPITRE 2. MÉTHODE ET STRATÉGIES STATISTIQUES 32

2.1 Participants 32 2.2 Zygotie 32 2.3 Procédure 32 2.4 Mesures 33

2.4.1 Mesures du langage à 18 et 30 mois 33 2.4.2 Mesures du langage à 60 et 84 mois 33

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2.4.3 Mesures du langage à 72 et 84 mois 34 2.4.4 Mesures du comportement à 18, 30, 48, 60, 72 et 84 mois 34

2.5 Description des stratégies d'analyses 35 CHAPITRE 3. PREMIER ARTICLE EMPIRIQUE DE LA THÈSE 38

Article 1. Childhood language delays as early predictors of ADHD 38 CHAPITRE 4. DEUXIÈME ARTICLE EMPIRIQUE DE LA THÈSE 63

Article 2. The developmental interplay between hyperactivity/inattention and

language skills: Results from a genetically informative cross-lagged study 63 CHAPITRE 5. CONCLUSION GÉNÉRALE

5.1 Retour sur les objectifs 101

5.2 Développement langagier des enfants TDAH 102 5.3 Étiologie de l'association H/1 - habiletés langagières 102

5.4 Implications au plan des connaissances fondamentales 103

5.5 Implications cliniques 107 5.6 Implications pour les recherches futures 109

5.7 Les limites des études de la thèse 112 BIBLIOGRAPHIE (Introduction générale, chapitres 1, 2 et 5) 114

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L'objectif général de cette thèse de doctorat est d'examiner l'émergence et l'étiologie du lien entre les retards langagiers et le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (TDAH) avant l'âge de 7 ans. Les résultats de plusieurs études indiquent une cooccurrence élevée entre ces deux problèmes chez les enfants d'âge scolaire. Si presque la moitié des enfants et des adolescents d'âge scolaire avec un retard langagier présentent les critères diagnostiques du TDAH (Baker & Cantwell, 1982, 1987a; Beitchman, Hood, Rochon, & Peterson, 1989) l'inverse est aussi vrai: les enfants avec un TDAH sont jusqu'à dix fois plus à risque de présenter un déficit langagier que ceux de la population générale (Cohen et al., 1998). Toutefois, les déficits langagiers des enfants avec un TDAH passent souvent inaperçus en l'absence d'une évaluation standardisée. Est-ce que leur déficit langagier se manifeste plus tardivement? Est-il trop peu sévère pour attirer l'attention en bas âge et être dépisté tôt? En somme, quand cette association émerge-t-elle et pourquoi retrouve-t-on une proportion si élevée de déficits langagiers chez les enfants avec un TDAH?

Malgré l'émergence précoce du langage et la présence de comportements précurseurs au TDAH tôt durant la petite enfance (e.g. Rietveld, Hudziak, Bartels, van Beijsterveldt, & Boomsma, 2004), l'état actuel des connaissances sur l'association entre les déficits langagiers et le TDAH avant l'âge scolaire est limité. Pourtant, la stabilité des comportements précurseurs au TDAH (e.g. Price et al., 2005) ainsi que des déficits langagiers (e.g. Johnson et al., 1999) durant la petite enfance devraient nous permettre d'étudier l'émergence et l'étiologie de l'association entre le TDAH et les déficits langagiers bien avant les diagnostics de TDAH posés, le plus souvent une fois l'entrée à l'école.

Le premier objectif de cette thèse est donc de vérifier, par une analyse rétrodictive, soit une analyse rétrospective de données recueillies de façon longitudinale, si le développement langagier des enfants caractérisés par une haute fréquence de comportements d'inattention et d'hyperactivité au cours de l'enfance se distingue du développement langagier des autres enfants dès les premières années de vie. Le cas échéant, il s'agit de voir à partir de quel âge le retard langagier devient apparent et dans quelle mesure il fait partie intégrante de la symptomatologie du TDAH chez certains enfants.

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précurseurs au TDAH ne nous éclaire toutefois pas sur les causes de cette association. Plusieurs modèles théoriques ont été proposés pour expliquer cette cooccurrence élevée entre les déficits langagiers et le TDAH. Ces modèles explicatifs demeurent toutefois encore hypothétiques et les appuis empiriques sont rares. D'une part, l'apparition de l'un de ces problèmes pourrait précipiter le développement de l'autre. Par exemple, un retard de développement dans la capacité à utiliser le langage pourrait mener au maintien de comportements turbulents et impulsifs, ou inversement, les difficultés attentionnelles précoces pourraient nuire à l'acquisition du langage. D'autre part, les deux problèmes pourraient partager une ou des causes communes, de nature constitutionnelle ou environnementale, qui font qu'ils se retrouvent éventuellement associés en cours de développement. Ces questions sont cruciales si l'on souhaite identifier des pistes d'intervention qui tiennent compte de la complexité des manifestations ontogéniques associées au TDAH.

Le deuxième objectif de cette thèse est donc de soumettre ces différents modèles théoriques à une vérification empirique en utilisant un devis génétiquement informatif longitudinal permettant d'identifier les transactions entre les habiletés langagières et les symptômes d'hyperactivité et d'inattention avant l'apparition de diagnostic de TDAH. Une meilleure compréhension de l'émergence de l'association entre les retards de langage et le TDAH, et des causes de cette association pourrait avoir un impact sur les interventions cliniques à préconiser en lien avec les manifestations précoces du TDAH pour un traitement plus efficace.

Présentation de la thèse

La thèse comporte cinq sections:

1) Un premier chapitre faisant état des connaissances actuelles de l'association entre le TDAH et le développement du langage, menant aux objectifs spécifiques de la thèse; 2) Un deuxième chapitre décrivant la méthode utilisée pour répondre aux questions de

recherche;

3) Un troisième chapitre portant sur le développement langagier dès 18 mois d'enfants identifiés à 7 ans comme étant à risque de TDAH, constitué du premier article empirique;

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langagières entre 30 mois et 7 ans, constitué du deuxième article empirique;

5) Un cinquième chapitre discutant des principaux résultats de la thèse sous forme de conclusion générale.

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1.1 Le TDAH

Le TDAH est le diagnostic psychiatrique le plus fréquemment posé chez les enfants d'âge scolaire. D'après la quatrième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV; American Psychiatrie Association [APA], 1994), entre 3% et 5% des enfants d'âge scolaire rencontrent les critères diagnostiques du TDAH. Certaines études épidémiologiques récentes notent une prévalence encore plus élevée. Par exemple, d'après l'étude épidémiologique effectuée par Scahill et Schwab-Stone (2000), entre 5% et 10% des enfants d'âge scolaire rencontraient les critères diagnostiques du TDAH. Et comme le TDAH est 4 à 9 fois plus fréquent chez les garçons que chez les filles (APA, 1994), c'est dire que la prévalence chez les garçons dépasse les 10% (Froehlich et al., 2007).

Le TDAH est un mode persistant d'inattention ou d'hyperactivité/impulsivité plus fréquent et plus sévère que ce qui est habituellement observé chez les sujets avec un niveau de développement semblable (APA, 1994). D'après certaines études populationnelles, environ 4% des enfants d'âge scolaire présentent le TDAH de type inattention prédominante, 2% présentent le type hyperactivité prédominante, alors que 2% des enfants présentent la forme mixte (Froehlich et al., 2007; Graetz, Sawyer, Hazell, Arney, & Baghurst, 2001). Un minimum de six symptômes d'inattention et/ou d'hyperactivité/impulsivité doit avoir été observé pendant au moins six mois pour poser le diagnostic de TDAH. Parmi l'ensemble des symptômes d'inattention associés au TDAH, on note, entre autres, une incapacité à prêter attention aux détails, une propension aux erreurs d'étourderie dans différentes tâches, une difficulté à soutenir son attention dans les jeux et une impression d'être ailleurs et de ne pas écouter quand une personne parle. Pour ce qui est des symptômes d'hyperactivité, les enfants atteints sont incapables de rester assis quand il le faut, ils ont tendance à courir ou à grimper dans des situations où ces comportements sont inappropriés et ils ont également du mal à se tenir tranquille dans les jeux, parlant souvent trop. Quant à l'impulsivité, elle se manifeste par de l'impatience et de la difficulté à attendre avant de répondre ou d'agir. Il s'agit donc d'un trouble du comportement pouvant se présenter sous plusieurs formes.

D'après les récentes études génétiquement informatives, entre 60% et 90% de la variabilité des symptômes du TDAH dans une population normale est expliquée par des influences

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indiquer que l'environnement unique à chaque enfant explique une part de la variabilité du TDAH, alors que l'influence de l'environnement commun à la paire de jumeaux est négligeable (e.g., Coolidge et al., 2000). Ainsi, les composantes génétiques semblent avoir une influence plus marquée sur le développement du TDAH.

En plus des différentes manifestations comportementales propres au TDAH, ce trouble est fréquemment associé à d'autres problématiques. Les enfants ayant un TDAH rencontrent souvent les critères diagnostiques de d'autres troubles psychiatriques. En fait, en raison du taux élevé de cooccurrence, la présence d'un deuxième trouble chez ces enfants serait plutôt la norme que l'exception (Kutcher et al., 2004). Le trouble oppositionnel avec provocation ainsi que le trouble des conduites sont les deux désordres comportementaux les plus souvent associés au TDAH. Près de 50% des enfants ayant un TDAH rencontrent aussi les critères diagnostiques de l'un ou l'autre de ces deux autres troubles (Wolraich, Hannah, Pinnock, Baumgaertel, & Brown, 1996; Angold, Costello, & Erkanli, 1999). En plus de ces deux troubles, le DSM-IV indique une prévalence élevée de troubles de l'humeur, de troubles d'anxiété, de troubles d'apprentissage et de troubles de la communication chez les enfants ayant un TDAH (APA, 1994). Ainsi, en plus des symptômes centraux, les enfants avec un TDAH présentent souvent une symptomatologie associée très variée. 1.1.1 Les déficits langagiers en lien avec le TDAH chez les enfants d'âge scolaire

Alors que le DSM-IV ne fait qu'une brève référence au taux élevé de troubles de la communication chez les enfants ayant un TDAH, plusieurs études ont récemment mis en évidence des taux de cooccurrence élevés entre les différents troubles de comportements extériorisés, notamment le TDAH, et des déficits langagiers. Différents critères sont utilisés dans les études pour déterminer ce qui représente un déficit langagier. De façon générale, un déficit est habituellement reconnu lorsque l'enfant obtient un rendement à deux écarts-types sous la moyenne à l'une des sous-échelles d'un test de langage normalisé, ou un rendement à un écart- type sous la moyenne à deux sous-échelles ou plus (e.g. Cohen et al., 1998). Les résultats d'une étude épidémiologique américaine utilisant sensiblement ces critères indiquent que 7.4% des enfants âgés de 5 et 6 ans présentent un déficit langagier (Tomblin et al., 1997). Ces résultats convergent

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du langage de type expressif et de type mixte expressif/réceptif (APA, 1994).

Le taux de prévalence de déficits langagiers augmente toutefois substantiellement lorsqu'on fait référence à une population clinique présentant d'autres troubles psychiatriques. Plusieurs études ont documenté cette cooccurrence soit en évaluant les habiletés langagières des enfants vus en clinique psychiatrique ou en faisant une évaluation psychiatrique chez les enfants référés pour des déficits langagiers.

Une équipe de chercheurs canadiens, dirigée par Nancy Cohen, s'est intéressée aux habiletés langagières des enfants et des adolescents référés à des cliniques psychiatriques. Par exemple, dans une de leurs études, ils ont évalué les habiletés langagières de 399 enfants âgés entre 4 et 12 ans référés pour une consultation en clinique psychiatrique (Cohen, Davine, Horodezky, Lipsett, & Isaacson, 1993). Une batterie composée de 10 tests a été administrée évaluant les composantes expressive et réceptive des habiletés sémantiques, syntaxiques et phonologiques. Les participants ayant une performance correspondant à deux écarts-types sous la moyenne à l'un des 10 tests de la batterie ou ceux ayant une performance d'un écart-type sous la moyenne à deux des tests recevaient un diagnostic de déficit langagier. Parmi les 399 participants, un déficit langagier avait été identifié chez 27.8% des enfants avant leur visite à la clinique. À ceux-ci se sont ajoutés 24.8% des enfants de l'échantillon qui ont rencontré les critères établis pour un déficit langagier suite à l'évaluation langagière systématique. En tout, c'est la moitié des enfants de cet échantillon clinique, soit près de 52.6% des enfants, qui présentaient un déficit langagier, dont la moitié n'avait jamais été identifiés. C'est donc dire que les déficits langagiers sont très fréquents chez les enfants ayant des problématiques psychiatriques et ces déficits demeurent souvent non identifiés.

Les enfants évalués dans cette étude présentaient une variété de problèmes psychiatriques. Or, les enfants présentant un déficit langagier étaient plus à risque de présenter aussi des difficultés comportementales liées au TDAH. Le Child Behavior Checklist (CBCL) et le Teacher Report Form (TRF) ont été utilisés pour évaluer les comportements problématiques des enfants. D'après l'évaluation des parents, les enfants pour lesquels un déficit langagier avait été identifié avant le début de l'étude obtenaient un score plus élevé à la sous-échelle d'hyperactivité comparativement aux enfants ayant un développement langagier normal (Cohen et al. 1993). L'évaluation par les

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norme. Les auteurs n'ont toutefois pas fait mention de diagnostic précis du TDAH, les analyses étant effectuées uniquement auprès des perceptions parentales et des enseignants.

Une étude subséquente a permis de préciser ces résultats (Cohen et al., 1998). En plus des évaluations comportementales à l'aide du CBCL et du TRF, un diagnostic était posé suite à une entrevue structurée avec un parent de l'enfant. Parmi les 380 participants âgés entre 7 et 14 ans, un déficit langagier avait déjà été identifié chez 38% avant leur visite à la clinique. Suite à l'évaluation langagière à la clinique, c'est chez 41% des autres enfants qu'on a identifié les critères d'un déficit langagier. En tout, près de 64% des enfants de l'échantillon total présentaient un déficit langagier, ce qui représente un taux plus élevé que dans la première étude pour laquelle l'échantillon était composé d'enfants plus jeunes (Cohen et al., 1993).

Dans cette deuxième étude, les évaluations comportementales des parents et des enseignants reflétaient sensiblement les mêmes problématiques que celles retrouvées dans la première étude. Ainsi, les enfants ayant un déficit langagier identifié avant le début de l'étude obtenaient des scores plus élevés à la sous-échelle d'inattention comparativement aux enfants de l'échantillon ayant un développement langagier normal. De plus, ils étaient plus enclins à recevoir un diagnostic de TDAH (Cohen et al., 1998). Globalement, le taux de diagnostic du TDAH était plus élevé chez les enfants qui présentaient un déficit langagier alors que le taux des autres diagnostics posés suite à l'évaluation psychiatrique était semblable pour les enfants avec ou sans déficit langagier. Ces résultats indiquent que les enfants ayant un déficit langagier sont particulièrement à risque de rencontrer les critères diagnostiques du TDAH et ce, dès la fin de la petite enfance jusqu'à l'adolescence.

Une autre étude s'est intéressée aux habiletés langagières d'enfants âgés entre 6 et 14 ans ayant été évalués dans une clinique médicale du développement et présentant des problèmes attentionnels. Trente enfants ayant des difficultés attentionnelles ont été comparés à 33 enfants présentant des difficultés d'apprentissage et à 32 enfants contrôles (Humphries, Koltun, Malone, & Roberts, 1994). Les résultats de cette étude indiquent que les enfants ayant des problèmes attentionnels et les enfants ayant des difficultés d'apprentissage étaient plus à risque de présenter un déficit des habiletés langagières expressives ou réceptives que les enfants du groupe contrôle.

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De plus, les enfants ayant des problèmes attentionnels présentaient les habiletés langagières pragmatiques les plus faibles des trois groupes. Finalement, la présence de difficultés d'articulation était similaire pour les trois groupes.

À l'instar des études de l'équipe de Cohen (1993, 1998) et de celle de Humphries et ses collègues (1994), des comportements problématiques sont aussi souvent identifiés chez des enfants référés pour des problèmes langagiers (e.g. Warr-Leeper, Wright, & Mack, 1994). Dans les années '80, Baker et Cantwell (1982, 1987a) se sont intéressés à la présence de troubles psychiatriques chez des enfants référés à une clinique communautaire pour des troubles du langage et de la parole. Dans la première étude (Baker & Cantwell, 1982), l'échantillon comprenait 291 participants ayant un déficit langagier et/ou de la parole, âgés entre 2 et 16 ans. Suite à une évaluation exhaustive des habiletés langagières et de la parole, un psycholinguiste a émis un diagnostic de trouble de la parole (e.g. difficultés d'articulation, bégaiement) chez 37% des participants, un trouble du langage (ex. difficultés de compréhension du langage, déficit au niveau du langage expressif) chez 7% de l'échantillon, et d'un diagnostic de trouble du langage et de la parole chez 56% des enfants évalués.

Les diagnostics de troubles psychiatriques, tels que décrits dans le DSM-III, ont été posés par un psychiatre qui ne connaissait pas les résultats de l'évaluation langagière. Les diagnostics étaient basés sur les informations recueillies lors d'une entrevue semi structurée avec l'enfant et les parents ainsi qu'une évaluation comportementale par questionnaire rempli par les parents et les enseignants. Près de la moitié des enfants ayant un trouble de langage et/ou de la parole ont reçu un diagnostic de trouble psychiatrique (Baker & Cantwell, 1982). Plus spécifiquement, 29% des enfants ayant un trouble de la parole, 45% des enfants ayant un trouble de langage et de la parole et 95% des enfants ayant un trouble de langage sans difficulté d'articulation présentaient au moins un trouble psychiatrique. Parmi les 24 différents troubles psychiatriques répertoriés chez les enfants de ces études, le TDAH était le trouble le plus prévalent. Chez les enfants ayant uniquement un trouble de la parole, 4% présentaient les critères diagnostiques du TDAH, prévalence semblable à ce qui est retrouvée dans la population normale (APA, 1994). Toutefois, un diagnostic de TDAH a été posé chez 22% des enfants ayant un trouble du langage ou un trouble mixte du langage et de la parole, prévalence cinq à six fois plus élevée que chez les enfants sans déficits langagiers.

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cinq ans plus tard. Près du quart de l'échantillon ne rencontraient plus les critères diagnostiques d'un trouble du langage et/ou de la parole cinq ans après l'évaluation initiale. Toutefois, cette amélioration des habiletés langagières concernait plus particulièrement les enfants ayant des troubles de la parole tel le bégaiement que les interventions ou la maturation ont permis d'améliorer. Par ailleurs, les enfants avec des déficits relatifs à la compréhension du langage et du langage expressif n'ont pas connu de changement significatif entre les deux temps de mesure. Alors qu'au moins un trouble psychiatrique était présent chez 44% des enfants de l'échantillon initial, ce taux de prévalence a augmenté à 60% lors de la seconde évaluation (Baker & Cantwell, 1987a). La majorité des enfants, soit 68% d'entre eux, n'ont pas connu de changement quant à la présence ou non d'un trouble psychiatrique. Toutefois, les résultats concernant les enfants qui ont connu un changement sont frappants. Tandis que seulement 8% des enfants de l'échantillon ont vu leur condition psychiatrique s'améliorer entre les deux temps de mesure, près du quart des enfants de l'échantillon ont développé un trouble psychiatrique non identifié lors de l'évaluation initiale. Encore une fois, le TDAH était le trouble psychiatrique le plus fréquent chez ce groupe. Le taux de prévalence du TDAH a plus que doublé pendant cette période de 5 ans, passant de 16% lors de l'évaluation initiale à 37% lors de la deuxième évaluation. Parmi les 72 enfants qui ont développé un trouble psychiatrique entre les deux temps de mesure, 38 ont développé un TDAH. Alors que les enfants présentant des déficits langagiers sont à risque de présenter un ensemble de troubles psychiatriques, les résultats des études de Baker et Cantwell (1982, 1987a) confirme la présence d'une association nettement plus marquée entre les déficits langagiers et le TDAH.

Les études recensées mettent en évidence cette association marquée entre le TDAH et les déficits langagiers chez des populations cliniques identifiées initialement pour le problème langagier ou encore pour le problème comportemental. En raison des caractéristiques des populations cliniques, l'association entre déficits langagiers et troubles psychiatriques est difficilement généralisable à l'échelle populationnelle. Entre autres, la classe sociale, l'ethnicité, le type de trouble psychiatrique ainsi que la sévérité des comportements perturbateurs et des difficultés langagières risquent de différencier les enfants se présentant en clinique spécialisée comparativement aux enfants de la population générale. Ainsi, pour établir la prévalence réelle sur une base épidémiologique, un échantillon populationnel est nécessaire.

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Beitchman et ses collègues ont entrepris une étude épidémiologique longitudinale afin d'étudier le taux de cooccurrence entre déficits langagiers et troubles psychiatriques, tout en palliant aux lacunes des études avec populations cliniques. Initialement, le tiers des enfants âgés de 5 ans de la région d'Ottawa-Carleton ont participé à la première étape du processus de dépistage (Beitchman, Nair, Clegg, Fergusson, & Patel, 1986). Une entrevue portant sur les habiletés langagières était menée chez ces enfants. Les participants obtenant un score sous un seuil prédéterminé recevaient une évaluation plus complète des habiletés langagières à la deuxième étape du processus de dépistage. Suite à cette évaluation, 142 enfants ont reçu un diagnostic de trouble de langage et/ou de la parole ce qui représente environ 10% des enfants. Un groupe contrôle formé de 142 enfants provenant des mêmes écoles que les enfants du groupe cible a été constitué en s'assurant d'une distribution équivalente pour le sexe et l'âge des enfants. Finalement, le Conners' Teachers Rating Scale (CTRS) ainsi que le CBCL ont été remplis par les parents et les enseignants lors de la troisième étape d'évaluation. Les enfants obtenant un score élevé à ces évaluations par questionnaires ainsi qu'un sous-ensemble d'enfants obtenant des scores dans la moyenne ont participé à une évaluation psychiatrique. Les diagnostics de trouble psychiatrique, tels que retrouvés dans le DSM-III, étaient posés par un psychiatre ne connaissant pas les résultats des évaluations du langage.

Les évaluations faites par les parents et les enseignants dénotent une prévalence plus élevée de comportements anormaux chez les enfants ayant un trouble du langage et/ou de la parole comparativement aux enfants du groupe contrôle (54.8% vs 37.2%) (Beitchman et al., 1986). Afin de dresser un portrait plus juste de l'association entre les déficits langagiers et des troubles psychiatriques spécifiques, d'autres analyses ont été entreprises avec les diagnostics posés par le psychiatre. Encore une fois, la prévalence de trouble psychiatrique était plus élevée chez les enfants avec un déficit langagier comparativement aux enfants du groupe contrôle. Alors qu'un taux de prévalence de 11.9% de trouble psychiatrique a été observé chez les enfants du groupe contrôle, ce taux augmentait à 48.7% chez les enfants avec un déficit langagier, prévalence très similaire à celle retrouvée dans l'échantillon clinique de l'étude de Baker et Cantwell (1982). Encore une fois, les enfants avec un trouble du langage et/ou de la parole étaient plus à risque de recevoir un diagnostic de TDAH. Alors que 4.5% des enfants du groupe contrôle ont reçu un diagnostic de TDAH, ce qui correspond à la prévalence attendue (APA, 1994), 30.4% des enfants avec un déficit langagier ont reçu ce diagnostic dans l'étude de Beitchman et ses collègues (1986).

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Afin de qualifier les types de déficits langagiers associés aux différents troubles psychiatriques, Beitchman, Hood, Rochon et Peterson (1989) ont regroupé les enfants selon différents profils de déficits langagiers. Quatre groupes ont été formés à l'aide d'analyse discriminante: bonnes habiletés langagières; difficulté d'articulation; compréhension verbale déficitaire, et; faibles habiletés langagières générales (faible compréhension verbale et difficultés expressives). Encore une fois, plusieurs associations ont été notées entre les déficits langagiers et le TDAH. Premièrement, les enfants du groupe avec faibles habiletés langagières générales étaient perçus par les enseignants comme étant plus hyperactifs que les enfants du groupe avec bonnes habiletés langagières et ceux ayant uniquement des difficultés d'articulation. De plus, alors qu'aucun enfant du groupe avec bonnes habiletés langagières et seulement un enfant sur 21 de ceux avec des difficultés d'articulation a reçu un diagnostic de TDAH, 38% de ceux qui présentaient des difficultés de compréhension verbale et 59% des enfants du groupe aux faibles habiletés langagières générales ont reçu ce diagnostic.

Une autre étude épidémiologique s'est intéressée directement à l'association entre le TDAH et les déficits langagiers. Sur une cohorte de 3208 enfants âgés entre 6 et 11 ans ayant participé au recrutement, 5.2% d'entre eux ont été identifiés par leurs enseignants comme ayant un TDAH sans autres problèmes comportementaux (Tirosh & Cohen, 1998). Les enfants ainsi identifiés dont les parents ont accepté la participation à l'étude ont subi des évaluations psychiatriques et langagières. Parmi l'ensemble des enfants ayant un TDAH, 45% de ceux-ci avaient aussi au moins une fonction langagière déficitaire, dont 10% présentaient un faible niveau de vocabulaire, 26% des difficultés au niveau de la syntaxe, et 16% présentaient des habilités langagières pragmatiques déficitaires.

Les résultats de Beitchman et ses collègues (1989), ajoutés à ceux de Baker et Cantwell (1982, 1987a) et de Humphries et ses collègues (1994) indiquent que les enfants ayant uniquement un trouble de la parole (e.g. difficultés d'articulation) ne sont pas à risque de recevoir un diagnostic concomitant de TDAH. Toutefois, l'ensemble des études recensées montre que les enfants ayant un trouble du langage, et particulièrement ceux ayant à la fois un trouble du langage expressif et réceptif, ont un taux de prévalence du TDAH jusqu'à 12 fois celui des enfants ayant un développement langagier normal. Les résultats des études épidémiologiques et cliniques concordent et montrent que la prévalence élevée de déficits langagiers chez les enfants avec un

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TDAH ne reflète pas seulement les particularités spécifiques aux échantillons cliniques, mais semble se généraliser à l'ensemble de la population.

1.1.2 L'émergence de l'association entre déficits langagiers et TDAH

Le portrait que dressent les études décrites précédemment demeure toutefois statique et ne dit rien sur la période qui précède l'entrée à l'école alors que le développement de ces difficultés débute souvent bien avant. À quel moment du développement l'association entre un déficit langagier et des comportements précurseurs du TDAH est-elle décelable ? Comment le développement de cette association se manifeste-t-elle dans une population normale avant l'entrée à l'école?

Quelques études de nature rétrospective soutiennent la possibilité que les difficultés langagières des enfants avec un TDAH étaient présentes avant l'entrée scolaire. Hartsough et Lambert (1985) ont procédé à une étude épidémiologique afin d'identifier les enfants hyperactifs de la maternelle à la cinquième année du primaire. Selon l'information recueillie rétrospectivement par entrevue avec les mères, 10% des enfants hyperactifs comparativement à 4% des enfants du groupe contrôle avaient commencé à parler après l'âge de trois ans. Dans une autre étude épidémiologique comprenant plus de 2700 enfants âgés entre 4 et 16 ans, des questionnaires remplis rétrospectivement par les parents ont révélé que 6% des enfants avec un TDAH n'émettaient pas de phrase de trois mots à l'âge de 30 mois comparativement à seulement 2% des enfants normaux (Szatmari, Offord, & Boyle, 1989). Une autre étude effectuée avec 140 enfants âgés entre 6 et 12 ans n'a toutefois pas observé de différence dans l'acquisition du langage, telle qu'évaluée rétrospectivement par les parents, entre les enfants avec un TDAH et les enfants d'un groupe contrôle (Barkley, DuPaul, et McMurray, 1990).

Les taux de cooccurrence dans ces études rétrospectives sont loin des taux rapportés à l'âge scolaire. Il est donc possible que les difficultés langagières en lien avec le TDAH ne deviennent apparentes que tardivement. Une autre possibilité c'est que la nature rétrospective des données recueillies pour déterminer la présence ou non d'un retard langagier chez les enfants avec un TDAH présente trop de lacunes. D'abord, les informations recueillies sur le développement du langage demeurent très générales dans ces études. Elles portent principalement sur l'atteinte d'étapes importantes du développement, faisant référence au début d'une activité (i.e. vers quel

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âge les premiers mots?) ou encore à l'absence d'une habileté à un âge donné (i.e. absence de mots dits à 30 mois). Elles ne peuvent donc pas tenir compte de différences plus subtiles quant au degré de maîtrise d'une habileté donnée. Ensuite, même si les résultats laissent entendre qu'une proportion plus importante des enfants avec un TDAH ait commencé à parler tardivement, on ne sait rien sur le cours du développement à partir de cette étape. Finalement, les études rétrospectives reposent sur le jugement a posteriori des parents et peuvent ne pas rapporter fidèlement la mesure ciblée (Henry, Moffit, Caspi, Langley, & Silva, 1994).

Une seule étude longitudinale s'intéressant au développement du TDAH et comportant des mesures langagières de nature prospective a été répertoriée. Dans cette étude, 9% des 741 enfants suivis ont été identifiés comme ayant un TDAH d'après des évaluations parentales alors que les jeunes étaient âgés entre 9 et 11 ans (Loe et al., 2008). Une mesure de vocabulaire réceptif avait été administrée aux enfants alors qu'ils avaient 3, 4, et 6 ans. Comparativement aux enfants du groupe contrôle, les enfants ayant un TDAH à l'âge scolaire avaient reçu de plus faibles scores de vocabulaire réceptif aux trois temps de mesure. Aucun effet d'interaction avec le temps n'avait été montré dans cette étude. C'est dire que les enfants identifiés ultérieurement comme ayant un TDAH présentaient dès 3 ans un vocabulaire réceptif plus faible que les autres enfants, et que ce retard était maintenu dans les évaluations subséquentes sans détérioration significative avec le temps (Loe et al., 2008).

Quoique les résultats de cette étude contribuent grandement à notre compréhension de l'émergence de l'association entre le TDAH et les déficits langagiers, plusieurs questions demeurent. Les habiletés langagières de nature expressive sont-elles aussi affectées? Les habiletés langagières chez les enfants avec un TDAH sont-elles plus faibles même avant l'âge de 3 ans? Si les déficits langagiers passent souvent inaperçus chez ces enfants lorsqu'ils sont plus jeunes, est-ce parce que leurs habiletés langagières ne se développent pas uniformément pendant les différentes périodes de l'enfance?

Comme aucune étude empirique n'a répondu à ces questions, une description du développement à la petite enfance en ce qui concerne le langage et la régulation attentionnelle et comportementale est nécessaire pour développer des hypothèses plus précises quant au moment et aux mécanismes de l'émergence de la relation entre les déficits langagiers et le TDAH.

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/. 1.3 Le développement de la régulation attentionnelle et comportementale

La capacité attentionnelle de l'enfant se développe bien avant l'entrée scolaire. En fait, il est déjà question de capacité attentionnelle dès les premiers jours après la naissance. Dans la première année, l'attention est largement influencée par des stimuli exogènes, tels la nouveauté de certains objets ou événements (Ruff & Rothbart, 1996). D'importantes différences individuelles sont néanmoins présentes dès cette période: certains enfants ont plus de facilité que d'autres à orienter leur attention vers ces stimuli exogènes, et peuvent la maintenir pour de plus longues durées (Colombo, Mitchel, Coldren, & Freeseman, 1991). Vers l'âge d'un an, les capacités attentionnelles soutenues, régulées par des facteurs endogènes, se développent parallèlement au développement des habiletés cognitives et de l'autorégulation des comportements et des émotions. Entre la deuxième et la cinquième année, l'enfant devient de plus en plus habile à centrer son attention volontairement pour effectuer des tâches cognitives (attention focalisée). En parallèle, l'enfant présente de moins en moins d'interruptions causées par des interférences de son environnement (Kochanska, Murray, & Harlan, 2000) ce qui implique qu'il apprend à inhiber son impulsivité et à pouvoir faire abstraction de stimuli exogènes non pertinents. Les résultats d'une étude comprenant 172 enfants âgés entre 10 et 42 mois indiquent que l'attention focalisée est assez faible entre 10 et 26 mois, mais augmente substantiellement à 42 mois (Ruff & Capozzoli, 2003). De plus, ces résultats montrent que la capacité à faire abstraction de stimuli externes lors des périodes de jeux augmente progressivement entre 10 et 26 mois, puis entre 26 et 42 mois.

Certaines études se sont attardées à la stabilité des différences individuelles quant aux capacités attentionnelles en bas âge. Dans une étude auprès de 95 nourrissons, les différences individuelles d'une mesure d'attention observée en contexte de jeux libres se sont avérées modérément stables entre 7 et 9 mois, puis entre 9 et 31 mois (Kannass, Oakes, & Shaddy, 2006). Cependant, les mesures d'attention entre 7 et 31 mois n'étaient pas corrélées ce qui peut indiquer des changements dans la nature du focus attentionnel entre ces âges. De fait, dans la première année de vie, le contrôle attentionnel serait largement dicté par des facteurs exogènes, alors qu'à 31 mois le contrôle attentionnel serait gouverné de façon plus marquée par une autorégulation soutenue de l'effort. Certains chercheurs avancent donc que le développement de l'attention focalisée et soutenue serait à la base de l'autorégulation comportementale à la petite enfance (e.g. Colombo & Frick, 1999; Ruff, Lawson, Parrinello, & Weissberg, 1990).

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Ainsi, parallèlement au développement de l'attention focalisée et soutenue, les capacités de l'enfant à réguler soi-même ses émotions et ses comportements s'améliorent avec le temps (Buckner, Mezzacappa, & Beardslee, 2009). L'autorégulation est un construit complexe et diversifié. Il inclut la conformité aux demandes, le délai de gratification, le contrôle des impulsions et de l'affect, la modulation des activités verbales et motrices, et l'habileté à se conformer aux normes comportementales attendues en l'absence de contraintes externes (Kopp, 1991). Le développement des capacités attentionnelles faciliterait la régulation émotionnelle et comportementale, alors que les enfants âgés de deux ans commencent à utiliser les processus internes pour le contrôle de leurs impulsions et comportements (Ruff et al, 1996). D'ailleurs, les deux construits, attention et autorégulation, sont fortement associés durant cette période. Dans une étude impliquant plus de 150 enfants (Ruff et al., 1990), l'évaluation de l'attention à 1 an était corrélée aux évaluations de l'attention focalisée et à l'inattention pendant une période de jeux à 3.5 ans et, dans une même mesure, à l'évaluation comportementale de l'hyperactivité.

À l'instar des capacités attentionnelles, les différences individuelles associées aux capacités d'autorégulation sont aussi relativement stables en bas âge. Cette stabilité a été documentée, entre autres, dans une étude longitudinale auprès d'enfants entre de 2 et 4 ans. Les résultats indiquent que la capacité à gérer un délai chez des enfants de 2 ans, leur niveau d'impulsivité ainsi que leur capacité d'attention étaient corrélés à l'évaluation par questionnaire de l'autocontrôlé comportemental des enfants à 4 ans (Silverman & Ragusa, 1992). Plusieurs études montrent d'ailleurs des liens entre des difficultés de régulation émotionnelle et comportementale avec une multitude de problèmes comportementaux (voir Keenan, 2000).

Les enfants qui développent un TDAH manifestent justement, à divers degrés, des déficits au niveau de l'inhibition de la réponse, de l'autorégulation du comportement et des fonctions executives (capacité attentionnelles et d'organisation intellectuelle) (Barkley, 2003). Ils pourraient donc être de ceux qui manifestent des difficultés attentionnelles et d'autorégulation de façon précoce. À cet égard, de plus en plus d'études sont effectués sur la validité des évaluations des symptômes centraux du TDAH à la petite enfance, ainsi que sur leur capacité à prédire la présence de ces symptômes à un âge ultérieur. Par exemple, une étude incluant plus de 1100 enfants a montré que 7.1% des enfants étaient identifiés par leurs parents comme démontrant des niveaux élevés d'hyperactivité et d'impulsivité de façon stable jusqu'à 63 mois et ce, dès l'âge de 19 mois

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(Leblanc et al., 2008). De plus, ces enfants étaient aussi perçus par leurs enseignants comment étant plus hyperactifs et impulsifs à l'âge de 6 et 7 ans. Une autre étude montre qu'un diagnostic de TDAH émis pour des enfants d'âge préscolaire tend à perdurer dans le temps: entre 67% et 81 % des enfants rencontraient encore les critères diagnostiques du TDAH 8 ans plus tard (Lahey, Pelham, Loney, Lee, & Willcutt, 2005).

En raison des facteurs génétiques impliqués dans le développement du TDAH, plusieurs études de jumeaux ont été menées sur cette problématique. Plusieurs de ces études ont porté sur des enfants d'âge préscolaire suivis de façon longitudinale et sont arrivées à la conclusion que les symptômes du TDAH sont identifiables dès un jeune âge, et sont relativement stables dans le temps. Par exemple, les résultats d'une étude longitudinale auprès d'un échantillon de jumeaux indiquent une stabilité importante des différences individuelles des symptômes précurseurs du TDAH entre 2 et 4 ans (Price et al., 2005). Les symptômes du TDAH touchant l'hyperactivité, l'impulsivité et l'inattention des jumeaux ont été évalués par questionnaire aux parents alors que les enfants étaient âgés de 2, 3 et 4 ans. Les corrélations à l'échelle du TDAH entre les différents temps de mesure variaient entre .46 et .60. Une autre étude longitudinale auprès de jumeaux rapporte des corrélations phénotypiques similaires entre des mesures de symptômes précurseurs au TDAH évaluées à 3, 7, 10 et 12 ans (Rietveld et al., 2004). Les parents ont rempli le CBCL avec lequel des scores d'hyperactivité (overactivity) à 3 ans et des scores de problèmes d'attention aux autres temps de mesure ont été créés. Des corrélations variant entre .35 et .41 entre l'hyperactivité à 3 ans et les problèmes attentionnels aux autres temps de mesure dénotent une stabilité modérée dans le temps sur une période de 9 ans. Les résultats de ces études ont été répliqués ailleurs (e.g. Kuntsi, Rijsdijk, Ronald, Asherson, & Plomin, 2004).

En somme, les capacités attentionnelles diffèrent déjà à la naissance, et quoiqu'elles se développent tout au long de la période préscolaire, les différences individuelles précoces tendent à demeurer relativement stables. De plus, le développement de la régulation comportementale semble être intimement lié aux capacités attentionnelles croissantes durant cette période ce qui explique pourquoi les difficultés attentionnelles et d'autorégulation sont si fortement associées, à cet âge puis ultérieurement. D'ailleurs, quoique le TDAH comporte des sous-types distincts selon que la composante comportementale ou attentionnelle est plus touchée, ou les deux également, les corrélations entre ces composantes dans les études recensées sont souvent très élevées (LeBlanc et

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al., 2008). Ensemble, ces résultats appuient la possibilité que des symptômes similaires à ceux du TDAH touchant les capacités attentionnelles et la régulation comportementale soient décelables dès la petite enfance, et que les différences individuelles à cet égard demeurent stables, du moins pendant l'enfance.

1.1.4 Le développement des habiletés langagières

Le développement du langage débute bien avant l'apparition des premiers mots. Une partie importante de ce que fait le nourrisson durant sa première année consiste à extraire du langage qu'on lui adresse les combinaisons de sons et le sens que leur attribuent les gens de son entourage. Alors que sa compréhension se façonne, ses capacités à s'exprimer verbalement émergent aussi. Dès la naissance, le nouveau-né émet des vocalisations spontanées et peut capter plusieurs subtilités dans le langage qu'on lui adresse. Vers 3 mois, il peut produit quelques phonèmes, surtout des voyelles. Vers l'âge de 6 mois, l'enfant commence à produire des syllabes, à combiner des consonnes et des voyelles, communément appelé babillage. Puis, les premiers mots sont habituellement exprimés vers l'âge de 1 an.

Entre 18 et 24 mois, une augmentation importante dans le nombre de mots connus et utilisés par l'enfant est observée. Apparaissent alors généralement les premières combinaisons de mots pour exprimer des messages plus complexes (Rescorla, 1989). Suite aux premières combinaisons de mots, l'enfant intégrera constamment de nouveaux mots fonctionnels tels les articles et les propositions à son répertoire, complexifiant ainsi la structure grammaticale utilisée. Vers l'âge de 5 ans, la plupart des enfants ont acquis les bases grammaticales pour comprendre et formuler des phrases complètes (Paul, 1981). Les enfants continueront par la suite à apprendre à utiliser le langage de façon plus efficace dans différentes situations sociales et apprendront à maîtriser les formes grammaticales plus complexes de leur langue.

Cinq composantes distinctes du langage sont acquises en succession durant cette période, d'abord dans leur forme réceptive, l'enfant est capable de les percevoir ou les comprendre, puis dans leur forme expressive, l'enfant est capable de les utiliser pour communiquer. De façon générale, les aspects réceptifs sont acquis avant les formes expressives. L'enfant apprend d'abord à extraire la phonologie de sa langue dès la première année, puis commence à extraire le sens des mots (sémantique) et à pouvoir utiliser ces mots pour communiquer; il constitue alors son lexique

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(vocabulaire). Viennent alors les combinaisons de mots qui marquent le début du développement grammatical (syntaxe) et parallèlement, le développement des habiletés pragmatiques qui permettent à l'enfant d'utiliser de plus en plus efficacement le langage dans ses interactions sociales. Durant cette période, dans les formes expressives, l'enfant apprend graduellement à maîtriser la prononciation des phonèmes et certaines successions de phonèmes plus complexes peuvent n'être maîtrisées qu'à la fin de la petite enfance.

Plusieurs études ont montré que les différences individuelles quant aux habiletés langagières précoces sont en partie sous l'influence de facteurs génétiques (Chapman, 2000). Par exemple, les résultats d'une étude de Dionne et ses collègues (Dionne, Tremblay, Boivin, Laplante, & Pérusse, 2003) indiquent que des facteurs génétiques expliquent 39% de la variance des différences individuelles du vocabulaire expressif de jumeaux âgés de 19 mois. D'après Kay-Raining Bird et Chapman (1998), les périodes d'acquisition rapide de la compréhension du vocabulaire (14 mois) et de la production de nouveaux mots (20 mois) seraient liés plus spécifiquement à des contributions génétiques. Toutefois, d'après ces deux chercheurs, les progrès subséquents dans ces deux domaines seraient plutôt liés à des facteurs environnementaux. Ainsi, alors que le développement langagier est en partie déterminé par des influences génétiques, les études démontrent que l'environnement de l'enfant apporte une contribution plus importante aux différences individuelles. Parmi les influences environnementales les plus étudiées, on retrouve la quantité de verbalisations adressées à un enfant (Hoff & Naigles, 2002), ainsi que le style d'interaction utilisé par les parents (Gallaway & Richards, 1994; Pine, 1994).

Une étude longitudinale effectuée par Hart et Risley (1992, 1999) illustre bien l'importance du milieu familial dans le développement langagier des enfants. Dans cette étude, plusieurs variables observées en milieu naturel ont été mesurées à une fréquence d'une fois par mois pendant la période d'acquisition rapide du langage, c'est-à-dire entre l'âge de 10 et 36 mois. Plusieurs variables environnementales étaient associées au quotient verbal des enfants âgés de 3 ans (Hart & Risley, 1992) ainsi qu'aux évaluations standardisées de langage expressif et réceptif effectuées lorsque les enfants étaient âgés de 9 ans. (Hart & Risley, 1999). Parmi les variables environnementales associées au développement langagier, ce sont celles qui reflètent la qualité du contenu des verbalisations des parents lorsqu'ils adressent la parole à leur enfant qui expliquent la plus grande part de variance. Par exemple, la répétition et l'élaboration des thèmes abordés par

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l'enfant étaient associées positivement au quotient verbal de l'enfant. Toutefois, on a observé une association négative entre la propension des parents à contrôler l'activité des enfants et le développement langagier de ces derniers (Hart & Risley, 1992).

Sameroff et Chandler (1975; tiré de Camarata et Gibson, 1999) ont proposé un modèle transactionnel du développement basé sur les interactions parents-enfant. Appliqué au développement du langage, ce modèle stipule que la répétition de rétroaction verbale des parents, un support contextuel (e.g. des routines), la contingence des réponses (e.g. interaction verbale, attention conjointe), et la réduction de la complexité du langage des parents seraient liés à un développement langagier optimal. Ainsi, le développement du langage serait favorisé par une interaction continue entre les comportements de l'enfant et ceux des parents qui mènerait à un développement graduel des habiletés langagières de l'enfant. De façon simplifiée, selon ce modèle, certains aspects des verbalisations de l'enfant produiraient des réponses spécifiques de la part des parents. Ces réponses parentales mèneraient à l'apprentissage d'habiletés langagières plus avancées chez l'enfant, et en retour, à des réponses parentales plus avancées et ainsi de suite. Ainsi, lorsque le jeune enfant commence à émettre des vocalisations reconnaissables, les parents vont répéter les mots correctement. Alors que l'enfant apprend ses premiers mots, les parents vont commencer à vocaliser des petites phrases de quelques mots. Lorsque l'enfant verbalise des demandes à l'aide de deux ou trois mots, les réponses des parents vont souvent inclure quelques morphèmes grammaticaux que l'enfant a omis, et ainsi de suite.

À l'instar des études sur la stabilité des différences comportementales et attentionnelles, plusieurs études rapportent une stabilité importante des différences individuelles quant aux habiletés langagières depuis la période préscolaire, et ce, pour les diverses composantes du langage qui se succèdent en cours de développement. Par exemple, le développement du lexique est lié au développement des compétences en grammaire. Une étude rapporte une corrélation de .83 entre le vocabulaire des enfants âgés de 20 mois et la longueur des combinaisons de mots en phrases simples à 28 mois (Bates, Bretherton, & Snyder, 1988). Une autre étude rapporte aussi une corrélation importante entre le vocabulaire et les habiletés grammaticales chez un échantillon de jumeaux âgés de deux ans (Dale, Dionne, Eley, & Plomin, 2000). En fait, le vocabulaire et les habiletés grammaticales seraient associés aux mêmes sources d'influences étiologiques durant cette période (Dionne, Dale, Boivin, & Plomin, 2003).

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Alors que ces corrélations dénotent une relation entre les différences individuelles de différentes composantes du langage, d'autres études ont montré qu'un retard dans l'acquisition des premiers mots est un indicateur de risque pour un trouble du langage à long terme. En fait, près de la moitié des enfants qui présentent un retard lexical dès deux ou trois ans, maintiennent ce retard jusqu'à l'entrée à l'école (Dale, Price, Bishop, & Plomin, 2003; Silva, 1980). Par opposition, très

peu d'enfants, entre 2% et 7% parmi ceux qui présentent un langage dans les normes au début de l'acquisition du langage développeront un déficit par la suite. Les déficits langagiers n'émergent donc pas en cours de développement; ils sont, dans la majeure partie des cas, apparents dès l'apparition des premiers mots. De surcroît, la stabilité des déficits langagiers au-delà de la petite enfance est frappante. Dans une étude épidémiologique longitudinale, des mesures de langage ont été prises à 5 ans puis à 19 ans (Johnson et al., 1999). Alors que 12% des enfants du groupe contrôle et 14% des enfants ayant uniquement un trouble de la parole à cinq ans rencontraient les critères de déficits langagiers à 19 ans, 73% des enfants présentant des déficits langagiers à cinq ans avaient encore des habiletés langagières déficitaires à 19 ans.

1.2 Le premier objectif de la thèse

Des différences individuelles relativement stables sont présentes tôt à la fois pour les habiletés langagières et les capacités attentionnelles et d'autorégulation qui constituent les symptômes du TDAH. Ainsi, la stabilité modérée de ces différences individuelles, de la petite enfance à l'âge scolaire, suggère que l'association entre le TDAH et les déficits langagiers chez les enfants d'âge scolaire puisse être observable bien avant l'entrée à l'école, voire même très tôt durant la période préscolaire. Certaines études recensées semblent indiquer que ce soit effectivement le cas. Toutefois, parmi celles-ci, les études rétrospectives impliquent plusieurs restrictions méthodologiques affectant leur validité. De plus, la seule étude longitudinale montrant que les enfants d'âge scolaire avec un TDAH présentent des difficultés langagières (Loe et al., 2008) porte sur le vocabulaire réceptif seulement, et les mesures les plus précoces de langage sont prises à 3 ans. L'étendue des mesures langagières ainsi que la période développementale couverte, notamment l'âge des premières évaluations, sont toutefois limitées. Ainsi, une étude longitudinale et prospective est nécessaire afin de dresser un portrait plus juste de la relation entre le développement du langage chez des enfants présentant un risque de TDAH.

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L'Étude des jumeaux nouveau-nés du Québec, une étude longitudinale auprès d'une cohorte de 1200 jumeaux évalués annuellement sur un ensemble d'indicateurs de développement, dont le langage et les comportements précurseurs du TDAH, présente une plateforme idéale pour explorer le développement langagier des enfants à risque de développer un TDAH. Elle permet d'utiliser l'information longitudinale pour explorer des hypothèses de façon rétrodictive. En étant en mesure d'identifier à 7 ans les enfants qui, selon des sources multiples (parents, enseignants et observateurs externes) et longitudinales présentent un risque élevé de TDAH, il devient possible de retourner documenter le profil de développement du langage mesuré de façon prospective en comparant les enfants à risque de TDAH à ceux qui ne le sont pas.

Le premier objectif de la thèse vise donc à déterminer si les enfants à haut risque de TDAH à 7 ans se distinguent des autres enfants quant au développement du langage au cours de la petite enfance. Le cas échéant, des questions secondaires s'ajoutent pour mieux décrire la nature des différences observées: 1) À partir de quel âge peut-on déceler une différence entre les enfants à risque de TDAH et leurs pairs ? 2) En quoi le cours du développement du langage à la petite enfance diffèrent-il chez les enfants qui développent un TDAH ? 3) Enfin, dans une perspective clinique prospective, le retard langagier ajoute-t-il au risque de recevoir un diagnostic de TDAH au-delà des difficultés comportementales et attentionnelles présentes en bas âge ? En d'autres mots, l'observation du développement du langage chez ces enfants permet-il d'établir un meilleur pronostic à long terme quant au risque de TDAH ? Les réponses à ces questions devraient permettre de déterminer si la prise en compte du développement langagier devrait faire partie d'une approche plus globale quant au dépistage précoce du TDAH.

1.3 Les modèles théoriques de la relation TDAH-déficits langagiers

Bien qu'il soit important de dresser un portrait plus juste de l'émergence de l'association entre les déficits langagiers et le TDAH, cette description ne permet pas d'expliquer les causes de cette association. Plusieurs modèles théoriques ont été proposés pour expliquer la forte cooccurrence des déficits langagiers chez les enfants ayant un TDAH. Certaines explications peuvent être écartées en raison d'appuis empiriques incompatibles. Dans un premier temps, le taux de cooccurrence entre le TDAH et des déficits langagiers ne peut pas être simplement attribué au hasard. Les études épidémiologiques évaluent le taux de base du TDAH entre 5% et 10% (Scahill & Schwab-Stone, 2000) et celui des déficits langagiers autour de 7% (Tomblin et al., 1997). Ainsi,

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l'association attendue uniquement par chance serait moins d'un pourcent (7% x 5% = .35%,) ce qui est substantiellement inférieur aux taux variant entre 30% et 60% retrouvé dans les études épidémiologiques et cliniques (Beitchman et al., 1989; Tirosh & Cohen, 1998; Humphries et al., 1994). Par ailleurs, la cooccurrence entre le TDAH et les difficultés langagières n'est pas assez importante pour parler d'un seul et unique désordre.

Les explications possibles de l'association TDAH-déficits langagiers peuvent être classées selon deux modèles théoriques. Le premier type de modèle stipule un effet de phénotype à phénotype lors du développement de l'enfant. Ainsi, un phénotype influencerait le développement et l'occurrence d'un second phénotype, sans nécessairement partager les mêmes causes. Ce modèle, appliqué à l'association entre le TDAH et les déficits langagiers pourraient prendre trois formes; 1) un délai à maîtriser les rudiments de la communication verbale pourrait exacerber les difficultés comportementales et attentionnelles précurseurs du TDAH; 2) les symptômes comportementaux et attentionnels du TDAH pourraient entraver la capacité des enfants à profiter de la stimulation langagière à laquelle ils sont exposés et causer des déficits langagiers, 3) il pourrait y avoir une influence réciproque entre les deux troubles en cours de développement faisant en sorte que la présence d'un problème exacerbe l'autre et vice-versa avec le temps.

Un deuxième type de modèle propose plutôt que des facteurs étiologiques communs ou associés pourraient expliquer la cooccurrence élevée du TDAH et de déficits langagiers. Le modèle peut prendre plusieurs formes : 1) le TDAH et les déficits langagiers pourraient avoir des causes génétiques communes; 2) ils pourraient découler tous les deux, du moins en partie, de causes environnementales similaires, et finalement, 3) une troisième variable pourrait expliquer la cooccurrence des déficits langagiers et du TDAH, notamment une atteinte neurodéveloppementale ou cognitive. Toutes ces possibilités ne sont pas mutuellement exclusives, chacune pouvant expliquer une part de l'association entre le TDAH et les déficits langagiers.

1.3.1 Les modèles impliquant un effet de phénotype à phénotype

Le langage est un outil indispensable au développement social et comportemental des enfants. L'une des fonctions importantes du langage concerne la régulation intra-personnelle des émotions et des comportements (Kopp, 1992). Les habiletés langagières des enfants sont importantes pour la compréhension, l'encodage, l'organisation et la récupération des règles

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sociales nécessaires à l'autocontrôlé et à la régulation des émotions et des comportements (Gallagher, 1999). En lien avec les fonctions executives et les processus métacognitifs, les habiletés langagières seraient associées à la médiation verbale, à l'inhibition des réponses impulsives ainsi qu'au contrôle comportemental, tous liés à la régulation des émotions et des comportements. Il ne serait donc pas surprenant que de faibles habiletés langagières en bas âge soient liées à des difficultés de régulation émotionnel et comportemental, et par surcroît, à l'apparition ultérieure de comportements problématiques.

Alors qu'en théorie les déficits langagiers devraient être liés à des difficultés d'autorégulation, seulement quelques études s'y sont attardées. Dans une étude de Stansbury et Zimmermann (1999), les stratégies d'autorégulation des émotions utilisées par des enfants âgés de 4 ans dans une situation de frustration ont été évaluées. Ces enfants ont été catégorisés comme ayant des habiletés langagières normales ou déficitaires d'après la médiane de leurs résultats à des tests standardisés de compréhension et d'expression verbales. Les stratégies d'autorégulation des émotions utilisées par les enfants avec des difficultés langagières étaient dans l'ensemble similaires à celles utilisées par les enfants avec des habiletés langagières normales. La seule différence notée concernait l'utilisation de la distraction pour réguler les émotions. Cette stratégie était plus fréquemment utilisée par les enfants aux habiletés langagières normales. Toutefois, l'utilisation de la médiane des résultats aux tests de langage pour former les groupes pourraient être jugée trop libérale, mettant en doute la validité des analyses effectuées.

Fujiki, Brinton, Morgan et Hart (1999) ont comparé les comportements sociaux des enfants d'âge scolaire avec un déficit langagier à ceux des enfants avec un langage normal. D'après les évaluations des enseignants, les enfants avec un déficit langagier avaient plus de difficultés à contrôler leurs comportements impulsifs comparativement aux enfants avec des habiletés langagières normales. L'impulsivité peut être perçue comme une difficulté d'autocontrôlé et fait aussi partie des critères diagnostiques du TDAH. Ainsi, ces résultats apportent un certain appui à l'hypothèse que des déficits langagiers pourraient mener à des comportements dérangeants, peut-être même plus spécifiquement à un TDAH. Toutefois, comme les données ont été recueillies au même temps de mesure, le lien de causalité ne peut pas être établi.

Comme le TDAH a une origine génétique bien documentée, il est peu probable que les difficultés langagières en soient une cause primaire. Cependant, elles pourraient jouer un rôle dans

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l'exacerbation d'une prédisposition aux difficultés d'autorégulation des émotions et des comportements. Toutefois, aucune étude n'a encore permis de vérifier si c'est le cas. De plus, les quelques études recensées suggérant que les déficits langagiers aggravent les difficultés d'autorégulation des comportements contiennent des contraintes méthodologiques ne permettant pas d'appuyer cette hypothèse.

Les difficultés de communication causées par des déficits langagiers ont aussi été proposées pour expliquer le lien langage-comportements perturbateurs (Stevenson, 1996). En plus de leurs difficultés sémantiques, lexicales et syntaxiques, plusieurs études ont montré que les enfants ayant un trouble de langage spécifique présentent souvent des difficultés pragmatiques (Lapadat, 1991). La pragmatique fait plutôt référence à l'utilisation du langage dans des situations sociales ou d'apprentissage, à l'utilisation du langage pour résoudre des problèmes ou dans l'expression des émotions (Chaban, 1996). De façon plus concrète, des difficultés pragmatiques peuvent s'observer par la sélection de thèmes inadéquats, des réponses verbales ne reflétant pas la demande de l'interlocuteur, ou par des interruptions inappropriées. Ces difficultés pragmatiques interfèrent nécessairement avec une communication efficace. Donahue (1983) a proposé que cette communication inefficace puisse mener à des situations de frustration répétées, prédisposant les enfants qui sont touchés à des comportements extériorisés.

Encore une fois, peu d'études ont directement testé cette hypothèse de frustration. Toutefois, une étude de Caulfield (1989) apporte un certain appui à cette hypothèse. Des enfants avec un déficit langagier expressif et des enfants avec un langage normal ont été soumis à des tâches où les demandes langagières étaient différentes. Le taux de comportements perturbateurs était identique dans les deux groupes lors d'une tâche faisant appel à des réponses non verbales. Toutefois, lors d'une tâche mesurant la fluidité verbale, le taux de comportements perturbateurs était plus élevé chez les enfants avec un déficit langagier expressif. Ainsi, certains comportements problématiques observés chez les enfants avec un déficit langagier pourraient être en partie une conséquence de la frustration causée par une incapacité à communiquer efficacement. Comme les sollicitations à interagir verbalement augmentent pendant la période préscolaire, les enfants avec une prédisposition au TDAH pourraient voir leur prédisposition exacerbée par cette frustration.

Les habiletés langagières limitées des enfants présentant un retard langagier pourraient aussi contribuer à une perception erronée de leur comportement. Kaler et Kopp (1990) ont étudié

Figure

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Figure 1. Path diagram of the cross-lagged full model.
Figure 2. Standardized path diagram of the best-fitting cross-lagged model.

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