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La gauche et la droite populistes comparées : les cas de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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La gauche et la droite populistes comparées : Les cas

de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen

Mémoire

Morgane Beaumier

Maîtrise en science politique - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

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La gauche et la droite populistes comparées :

Les cas de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen

Mémoire

Morgane Beaumier

Sous la direction de :

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Résumé

Les dernières élections présidentielles françaises montrent bien la saillance du populisme en France alors que 40 % de la population offre son appui aux deux partis de cette mouvance. Toutefois, le populisme en France, vu à travers les discours, reste un champ d’études sous étudié. Par conséquent, ce mémoire étudiera en quoi les discours populistes varient en fonction de l’orientation politique. Plus précisément, il explore d’une manière comparative le discours de deux politiciens populistes français : Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Ce sont 38 discours non institutionnels et 53 discours institutionnels qui seront étudiés grâce au cadre théorique de Raoul Girardet. Ce dernier met de l’avant la présence de quatre mythes populistes dans les discours des politiciens français : le mythe de la conspiration, le mythe de l’âge d’or, le mythe du sauveur et le mythe de l’unité. Par la suite, une deuxième comparaison, cette fois entre les deux types de discours, sera aussi effectuée. Plusieurs résultats peuvent être tirés de cette étude. Il semble, en effet, que Le Pen et Mélenchon ne fassent pas une utilisation complètement similaire des quatre mythes dans leurs discours. Alors que le mythe de la conspiration et celui de l’unité sont utilisés de manière semblable par les deux politiciens, celui de l’âge d’or ne l’est qu’en partie. Le dernier mythe, celui du sauveur, est utilisé de façon comparable pour les sauveurs contemporains, mais non comparable pour ceux du passé. De plus, les discours de Mélenchon restent relativement stables en fonction du lieu, alors que ceux de Le Pen varient beaucoup plus.

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Abstract

The last French presidential elections clearly show the salience of populism in France, while 40% of the population offers its support to the two parties of this allegiance. However, populism in France, seen through speeches, remains an under-studied field. Therefore, this dissertation will analyze how populist discourses vary depending on political orientation. More precisely, it explores, in a comparative manner, the discourse of two French populist politicians: Marine Le Pen and Jean-Luc Mélenchon. 38 non-institutional discourses and 53 institutional discourses will be studied with the help of the theoretical framework of Raoul Girardet. The latter highlights the presence of four populist myths in the speeches of French politicians: the myth of the conspiracy, the myth of the golden age, the myth of the savior, and the myth of unity. Subsequently, a second comparison— this time between the two types of speeches—will also be made. Several results can be drawn from this study. It seems that Le Pen and Mélenchon do not make a completely similar use of the four myths in their speeches. While the myths of conspiracy and of unity are expressed in a similar way by both politicians, the golden age myth is only partially demonstrated. The last myth (the myth of the savior) is used comparably in both politician’s speeches for contemporary saviors, but not for those of the past. In addition, Mélenchon's speeches remain relatively stable depending on the location, while Le Pen's vary considerably more.

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux ... vii

Liste des figures ... viii

Liste des acronymes ... ix

Remerciements ... x

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Revue de littérature ... 4

Le concept de populisme ... 4

Le discours populiste ... 7

Le populisme de droite ... 8

Le populisme de gauche ... 9

Comparaison entre la gauche et la droite ... 10

La France insoumise ... 12

Le Rassemblement national ... 13

Chapitre 2 : Cadre conceptuel et méthodologique ... 16

Question de recherche ... 16

Propositions ... 17

Cadre opératoire et indicateurs ... 19

Méthodologie ... 21

Chapitre 3 : Synthèse thématique des discours ... 24

Mythe de la conspiration ... 24

Une vision semblable des élites politiques ... 24

Finance, mondialisation et Union européenne : une perception similaire des élites économiques ... 28

Les médias : fayots ou sauveurs? ... 32

Une conception plus englobante du système chez Le Pen ... 33

Des discours complètement opposés sur les groupes marginalisés ... 34

Immigrants ... 35

Immigrants de 2e ou 3e générations ... 36

Le « nous » : une conception semblable du peuple ... 37

Mythe de l’âge d’or ... 39

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La voie législative davantage utilisée par Le Pen ... 42

Des propositions économiques similaires pour les Français ... 44

Patriotisme et protectionnisme économiques : une vision partagée des changements économiques en Europe ... 48

Immigration légale et illégale en France : un thème récurrent pour Le Pen ... 50

Ouvrir ou ne pas ouvrir les frontières? Changement d’ordre identitaire en Union européenne ... 52

Mythe de l’unité ... 54

Différentes valeurs communes ... 54

Écologie ... 55

Économie ... 55

Politique ... 56

Social ... 57

Le destin politique commun du peuple : une importance partagée pour Le Pen et Mélenchon ... 59

Le mythe du sauveur ... 63

Des sauveurs contemporains mobilisés différemment ... 63

Sauveurs du passé : la mémoire de De Gaulle ... 64

Conclusion ... 65

Chapitre 4 : Comparaison des discours institutionnels et non institutionnels ... 68

Le mythe de la conspiration ... 68

Une description plutôt similaire des élites politiques ... 68

Un traitement similaire des élites économiques ... 71

Pas d’attaque contre les médias ... 73

L’absence d’attaque contre le système ... 73

Les groupes marginalisés : mêmes visions ... 74

Le peuple absent des discours institutionnels ... 75

Le mythe de l’âge d’or ... 75

Changements politiques : mis de côté par Le Pen, semblables pour Mélenchon ... 75

Davantage de cohérence dans les changements économiques ... 77

Changements d’ordre identitaire : un thème plus électoral qu’institutionnel ... 79

Le mythe de l’unité ... 80

Valeurs communes à géométrie variable ? ... 81

Écologie ... 81

(7)

Politique ... 81

Social ... 82

Aucune référence institutionnelle au destin politique commun ... 83

Le mythe du Sauveur ... 83

Conclusion ... 84

Chapitre 5 : Résultats et discussion ... 87

Proposition 1 – « nous » vs. « eux » : la relation face aux élites ... 87

Proposition 2 – Le caractère antisystème : changements politiques, économiques et de nature identitaire 89 Proposition 3 – L’appel aux sauveurs ... 92

Proposition 4 – L’unité, les valeurs et le destin commun ... 94

Proposition 5 – Institutionnalisation ... 96

Conclusion ... 100

Conclusion générale ... 102

Limites et défis méthodologiques ... 104

Contribution scientifique et pistes de recherche futures ... 105

Bibliographie ... 106

Articles scientifiques ... 106

Communications lors de congrès ... 109

Discours ... 109

Livres et chapitres de livres ... 115

Mémoire et thèses ... 116

Pages web ... 117

Annexe A : Liste des discours de Le Pen ... 119

Annexe B : Liste des discours de Le Pen à l’Assemblée nationale ... 120

Annexe C : Liste des discours de Mélenchon ... 121

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Liste des tableaux

Tableau 1 : Cadre opératoire ... 20 Tableau 2 : Synthèse de l’analyse thématique ... 66 Tableau 3 : Synthèse de la comparaison entre les discours institutionnels et non institutionnels pour Le Pen et Mélenchon ... 86 Tableau 4 : Synthèse des propositions de recherche ... 101

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Liste des figures

Figure 1 : Discours non institutionnels ... 22 Figure 2 : Discours institutionnels ... 22

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Liste des acronymes

Rassemblement national RN

France insoumise FI

Union pour un mouvement populaire UMP

Parti socialiste PS

Union européenne UE

Organisation du traité de l’Atlantique Nord OTAN

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Remerciements

Je souhaite avant tout remercier mon directeur de mémoire, Éric Montigny, pour ses judicieux conseils qui ont permis de faire avancer et fructifier ma réflexion tout comme sa grande disponibilité.

Je souhaite aussi remercier Caterina Carta qui fut la première à m’introduire à mon sujet de mémoire et qui m’a aidé, plus largement, à développer mes habilités de recherche.

Un grand merci à mes parents, Joëlle et Éric qui ont été présents pour moi dans toutes les étapes de ce projet.

Je tiens aussi à remercier Étienne pour ses nombreuses suggestions lors de ma rédaction et son inestimable patience avec ma syntaxe.

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Introduction

L’Europe connaît des changements politiques majeurs depuis la fin de la guerre froide. L’indépendance de plusieurs pays, jumelée avec la chute du communisme, a causé l’apparition d’une multitude de nouveaux partis politiques (Eiermann, Mounk et Gultchin, 2017). C’est ainsi que les partis populistes commencent à faire une apparition plus marquée sur le continent (Eiermann, Mounk et Gultchin, 2017). Effectivement, le nombre de partis d’allégeance populiste ne cesse d’augmenter passant de 33 à la fin du 20e siècle à 63 en 2017 (Eiermann, Mounk et Gultchin, 2017).

En outre, alors qu’en 1980 le populisme rejoignait un peu plus de 10 % de la population européenne, en 2018 c’est 23 % de celle-ci qui vote pour des partis de ce genre (Timbro, 2019 : 15). Cet appui est majoritairement regroupé dans certains pays. Tout d’abord, la Hongrie détient le record de ces appuis en Europe ; ceux-ci sont d’environ 65 %, entre autres, en faveur du Fidesz-MPSZ, parti de Viktor Orbán (Timbro, 2019 : 17). Le deuxième pays avec la plus grande part du vote populiste est la Grèce. En 2018, c’est près de 60 % de la population qui appuie un parti populiste, dont la moitié qui supporte le parti d’extrême gauche Syriza (Timbro, 2019 : 17). Par la suite, l’Italie représente le troisième pays où les forces populistes sont les plus populaires (Timbro, 2019 : 17). L’appui pour ce type de parti est légèrement inférieur à celui de la Grèce et est divisé entre deux partis : La Ligue du Nord et le Mouvement 5 étoiles (Timbro, 2019 : 17). La Pologne est aussi touchée par le populisme. Le parti Droit et Justice récupère près de 45 % des appuis politiques du pays (Timbro, 2019 : 17).

Bien que ce phénomène soit plus présent dans d’autres pays comme illustré plus haut, la France ne fait pas exception (Boros, Győri et Laki, 2018 : 10). À ce sujet, le pays a accordé 40 % d’appui à ses deux partis populistes opposés sur le spectre politique lors de la dernière élection présidentielle en 2017 (Boros, Győri et Laki, 2018 : 10). Les deux partis populistes français sont le Rassemblement national, anciennement Front national, dirigé par Marine Le Pen et la France insoumise, de Jean-Luc Mélenchon. Ceux-ci sont considérés comme populistes, car ils font appel à la notion de peuple qu’ils opposent à celle des élites et considèrent que des changements majeurs doivent être apportés à la société tant dans la sphère politique, qu’économique et aussi en matière d’immigration (Mudde, 2004 ; Müller, 2016 ; Mudde et Kaltwasser, 2017 ; Laclau, 2005 ; Canovan, 1999 : Girardet, 1986). De plus, l’exaltation de valeurs communes et d’un destin commun en plus de la projection de l’image de chef de parti comme sauveur sont deux autres caractéristiques qui font des partis politiques français des entités populistes (Girardet, 1986 ; Mudde et Kaltwasser, 2017). Les différentes définitions du populisme, ainsi que celle retenue dans ce mémoire, seront expliquées plus largement dans la section suivante.

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Bien que les résultats des partis populistes français ne soient pas aussi impressionnants que dans certains pays mentionnés plus haut, ces premiers restent importants. En effet, le Rassemblement national a obtenu au second tour un tiers du vote lors de l’élection de 2017 alors qu’il n’avait obtenu que 18 % en 2002 (Ministère de l’Intérieur, 2019). De l’autre côté du spectre, Jean-Luc Mélenchon a obtenu un peu moins de 20 % au premier tour doublant presque son résultat de l’élection de 2012 (Ministère de l’Intérieur, 2019). Ces résultats illustrent que l’appui pour des partis populistes est en expansion en France.

Plusieurs raisons justifient l’importance d’étudier les partis populistes plutôt que les partis traditionnels. Tout d’abord, les partis populistes représenteraient une menace pour la démocratie libérale puisqu’ils sont contre l’aspect principal de celui-ci : la représentation (Canovan, 1999 : 7-8). En général, les politiciens populistes considèrent que la représentation des intérêts permet à certaines élites de dominer la vie politique et de brimer les intérêts du peuple (Canovan, 1999 : 7-8).

Un autre aspect des démocraties libérales qui est mis en danger par les partis populistes est l’idée d’indépendance judiciaire (Canovan, 1999 : 7). Cette indépendance judiciaire passe par le respect du Rule of Law, tout comme le fait d’assurer la non-intervention des acteurs externes dans le processus légal (Repucci et coll., 2018 : 6-8). Plusieurs auteurs soutiennent d’ailleurs que cette caractéristique est la première à être touchée par les gouvernements populistes (Repucci et coll., 2018 : 6-8). Effectivement, ils notent que dans certains pays où les partis populistes ont du pouvoir politique, par exemple la Pologne, la Hongrie et l’Italie, une diminution de l’indépendance judiciaire a été observée (Repucci et coll., 2018 : 6-8).

Une autre conséquence de la montée des partis populistes sur la société est que ceux-ci nuisent aux droits et libertés, et ce principalement pour les groupes déjà marginalisés (Repucci, et coll., 2018 ; 9-13). Ainsi, les partis populistes mettraient en place, lors de leur entrée au pouvoir, des lois pour diminuer les droits, par exemple, des immigrants et des minorités religieuses et des femmes (Repucci, et coll., 2018 ; 9-13).

Par ailleurs, les partis populistes s’attaquent aussi à la liberté de la presse. Effectivement, les auteurs expliquent qu’après l’élection de partis populistes en Europe, la liberté de presse a de grandes chances de diminuer (Repucci, et coll., 2018 ; 13-16). Ceci est illustré en Pologne et en Hongrie où après l’élection respective de Droit

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et justice et de Fidesz-MPSZ, des lois ont été votées afin de donner le pouvoir médiatique au gouvernement en place (Repucci, et coll., 2018 ; 16-17).

Toutefois, malgré la montée du populisme ainsi que les diverses conséquences de celui-ci sur les démocraties, les études sur le sujet ne sont pas réellement variées. En premier lieu, les études sur le populisme portent en grande majorité sur des pays en Europe de l’Est et du Sud, principalement la Hongrie, la Pologne, l’Italie et la Grèce. Ensuite, il y a une surreprésentation des études sur la droite populiste alors que la gauche est davantage mise de côté. De plus, les recherches qui portent sur la gauche se concentrent, elles aussi, sur certains pays comme la Grèce et l’Espagne. Par conséquent, les études sur le populisme dans les pays comme la France sont peu présentes. La France offre à ce sujet un cas intéressant dans la mesure où cohabitent de façon institutionnelle deux partis politiques populistes occupant les deux extrémités du spectre politique.

La présente recherche tentera donc de combler un angle mort de la littérature, à savoir le peu d’études comparatives entre les populismes de gauche et de droite observés en France. De ce fait, la question de recherche consistera à établir en quoi les discours populistes varient en fonction de l’orientation politique ? Ainsi, cette question permettra de mesurer l’influence que l’orientation des politiciens populistes a sur leur discours politique. Plus précisément, cette recherche sera une étude comparative du discours populiste français étudiant les discours de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen dans le contexte de l’élection présidentielle française de 2017. Après avoir présenté une revue de littérature, la méthodologie sera expliquée plus en détail. Par la suite, les résultats seront détaillés et suivis d’une section comparant les discours institutionnels et non institutionnels. Finalement, la dernière partie du mémoire permettra de confirmer ou d’infirmer les propositions de recherche.

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Chapitre 1 : Revue de littérature

Pour bien comprendre l’enjeu du discours populiste en France, il est essentiel d’examiner la littérature sur le sujet. Cette revue de littérature présentera d’abord le concept de populisme et ses définitions à travers les ouvrages d’auteurs majeurs sur le sujet. Ensuite, c’est le discours populiste qui sera présenté. Ceci sera suivi par le populisme de droite et de gauche et par la suite de contributions proposant une comparaison entre ceux-ci. Finalement, pour faire le lien entre le discours populiste et la France, la littérature sur le discours du Rassemblement national ainsi que celui de la France insoumise sera détaillée.

Le concept de populisme

Le concept de populisme est un concept qui semble difficile, voire impossible à définir parfaitement. En effet, bien que les théoriciens ne soient pas en mesure de s’entendre sur une définition commune, certains aspects de celle-ci font consensus. Le principal, repris par l’ensemble des auteurs, est celui de la dichotomie entre le peuple et les élites. Ainsi, le populisme serait une idéologie qui divise le monde en deux entités : le peuple pur et les élites corrompues (Mudde, 2004 : 542-543 ; Müller, 2016 : 19-25 ; Mudde et Kaltwasser, 2017 : 9-19- ; Canovan, 1999 : 3-5 ; Girardet ; 1986). Les élites seraient immorales, car elles ne respecteraient pas la volonté générale du peuple et poseraient des actions contre cette même volonté (Mudde et Kaltwasser, 2017 : 9-19 ; Girardet, 1986). Ces élites seraient corrompues, illégitimes et « venant des ténèbres » (Girardet, 1986 : 41-48).

Cette opposition entre le peuple et les élites provient d’un processus en trois étapes et dont la finalité est une dichotomie bien installée. La première étape s’initie lorsque de nombreuses demandes populaires légitimes ne sont pas prises en considération par les élites au pouvoir, ceci amènerait une première division entre les exclus du système et les élites possédant le pouvoir (Laclau, 2005). La deuxième étape commence lorsque des politiciens populistes vont prétendre représenter l’ensemble des citoyens d’une société ou du moins la notion qu’ils font du peuple (Laclau, 2005). C’est ici que la véritable dichotomie entre les deux groupes s’installe. De ce fait, ces politiciens considèrent qu’ils sont les seuls à être légitimes pour représenter le peuple dans les institutions politiques, car ils expriment la volonté générale (Müller, 2016 : 25-31 ; Laclau, 2005 ; Mudde, 2004 : 546-548 ; Canovan, 1999 : 3-5). Ceci exprime la notion d’anti-pluralisme au cœur de l’idéologie populiste, une seule entité, les politiciens d’allégeance populiste, étant en mesure de représenter le peuple (Müller, 2016 : 19-31 ; Mudde, 2004 : 543-548). Cet anti-pluralisme est l’étape finale de la création de la dichotomie (Laclau, 2005).

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Une deuxième composante du populisme qui fait généralement consensus dans la littérature est l’idée que cette idéologie fait appel aux changements pour répondre aux maux de la société actuelle. Raoul Girardet (1986) exprime ceci par le désir d’un retour à l’âge d’or à l’époque où les problèmes du peuple causés par les élites n’étaient pas présents. Selon ce mythe, les populistes, pour amener un retour en arrière, proposeraient différents changements politiques, économiques et sociaux. Ce « passé légendifié » est opposé au présent, un « moment de tristesse et de déchéance » en raison des décisions des élites (Girardet, 1986 : 97-138).

Par contre, certains bémols sont posés par la littérature quant à la véritable nature de ces changements. Les auteurs considèrent que ces divers changements proposés par les partis populistes peuvent être néfastes pour la démocratie et dans certains cas pour le peuple lui-même. En effet, même si le populisme a des effets positifs sur la démocratie par une meilleure représentation de groupes marginalisés et de certains secteurs de la société, l’obtention de meilleures réponses du système politique et une plus grande responsabilisation des acteurs politiques, ce sont les effets négatifs qui priment (Mudde et Kaltwasser, 2017 : 79-96). Ceux-ci sont multiples. Les changements proposés pour le peuple amèneraient l’aliénation de minorités sur la base de la légitimité de la majorité, une érosion des institutions qui protègent les droits et libertés, l’empêchement de la stabilité politique et l’impossibilité de l’atteinte de compromis (Mudde et Kaltwasser, 2017 : 79-96). De plus, certains auteurs considèrent que ces partis vont occuper l’État et empêcher que la société civile et les contre-pouvoirs soient présents dans la vie politique (Mudde et Kaltwasser, 2017 : 79-96 ; Müller, 2016 : 60-67). Par conséquent, même si le populisme permet d’augmenter la représentation de certaines classes oubliées par la démocratie libérale, il ne permet pas de rendre la politique plus proche du peuple ni de répondre aux maux de ce dernier (Mudde et Kaltwasser, 2017 : 79-96; Müller, 2016 : 60-67). D’autres auteurs considèrent plutôt que l’idée d’un retour à l’âge d’or grâce aux changements ne serait en fait qu’une façade pour obtenir plus de votes (Müller, 2016 : 60-67). Les populistes ne cherchent pas réellement à avoir un véritable processus de consultation ni de participation du peuple, mais plutôt une représentation symbolique pour apparaître comme véritable représentant du peuple (Müller, 2016 : 60-67).

Une troisième composante pouvant décrire le populisme est l’utilisation de l’image d’un sauveur. Celle-ci peut être vue de deux façons. Premièrement, elle peut s’expliquer par le fait que les politiciens populistes utilisent leur image et leur représentation dans l’imaginaire collectif afin de rallier le peuple à la cause de leurs partis (Girardet, 1986). Ainsi, ils chercheraient à se présenter comme héros et seul sauveur du peuple (Girardet, 1986). Cette première forme s’illustre à travers le leadership d’un politicien, par exemple Alberto Fujimori au Pérou (Mudde et Kaltwasser, 2017 : 45-46). La deuxième façon dont ce mythe est utilisé est lorsque les politiciens de

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partis populistes utilisent des images de héros du passé ou contemporains afin de faire une corrélation entre le destin de cette personne et le destin du peuple (Girardet, 1986). Dans le contexte français, Jeanne D’Arc et Charles de Gaulle sont largement utilisés par les partis populistes (Girardet, 1986).

Une dernière composante qu’offrent les définitions du populisme est la notion d’unité et de valeurs communes. À cet égard, le peuple posséderait un destin politique commun et des valeurs communes qu’il doit mettre de l’avant pour répondre aux crises et éviter le danger que représentent les élites (Girardet, 1986). Cette unité vient renforcer la dichotomie entre le peuple et les élites en unissant le peuple, car celui-ci possède de bonnes valeurs alors que les élites possèdent des valeurs mauvaises et contraires à celles du peuple (Girardet, 1986).

À la lumière de la littérature, on peut considérer le populisme comme une « thin-centred ideology » qui ne serait donc pas aussi complexe que le libéralisme par exemple, mais quand même plus complexe qu’un style (Mudde, 2004 : 544 ; Mudde et Kaltwasser, 2017 : 6). En effet, le populisme est facilement malléable par différents partis politiques et n’est pas un phénomène seulement de gauche ou de droite (Mudde, 2004 : 544-545 ; Mudde et Kaltwasser, 2017 : 6). Toutefois, il reste assez consistant et explicatif pour représenter une idéologie.

En synthèse, il est clair que les définitions du populisme sont diverses tout en étant complémentaires à l’occasion. En effet, toutes les théories proposent une dichotomie entre un peuple et des élites ce qui apparaît donc comme le cœur de la définition du populisme. En outre, l’idée d’apporter des changements aux systèmes en place est aussi abordée par plusieurs contributions. Par contre, les théories plus haut ne s’entendent sur aucune autre composante présente dans les définitions. Ceci illustre bien le fait qu’aucune de celles-ci ne fait consensus, mais aussi la complexité de l’enjeu du populisme.

Ainsi, c’est la théorie de Raoul Girardet qui semble la plus complète et appropriée en lien avec la question de recherche. Effectivement, celle-ci propose quatre mythes explicatifs (conspiration, âge d’or, sauveur et unité) qui somment bien l’ensemble des théories des divers auteurs présentés. Il y a, d’un côté l’opposition entre le peuple et les élites, mais aussi un aspect de contestation et d’unité à travers le peuple. C’est donc pour cette raison que ce cadre théorique sera utilisé dans la présente recherche.

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Le discours populiste

Tout comme pour le populisme, les définitions du discours populiste sont variées et parfois contradictoires. Toutefois, ici encore, la notion de conspiration des élites est au cœur du discours (Charaudeau, 2011 : 106-108 ; Jagers et Walgrave, 2007 : 322-325 ; Pauwels, 2011 : 99-101 ; Krouwel, de Raadt et Hollanders, 2004 ; Paskarina, 2017 : 134-135).

En effet, le discours populiste laisserait transparaître une opposition entre le peuple et les élites (Krouwel, de Raadt et Hollanders, 2004 ; Jagers et Walgrave, 2007 : 322-325). Ainsi, le discours mettrait de l’avant les élites représentant la source du mal, et ce, avec l’idée de conspiration ou de complot (Charaudeau, 2011 : 106-108). En outre, l’idée de l’âge d’or est aussi présente dans la littérature sur le discours populiste. En effet, le peuple tenterait de retrouver le pouvoir politique en appuyant des partis politiques populistes qui mettent de l’avant la question d’une plus grande participation (Pauwels, 2011 : 101). De plus, le discours populiste se définirait aussi par l’exaltation des valeurs communes au peuple et la présentation d’un projet social (Charaudeau, 2011 : 108-110). Les auteurs notent que cette composante est souvent plus perceptible que la dichotomie entre le peuple et les élites (Charaudeau, 2011 ; Jagers et Walgrave, 2007). Conséquemment, les discours populistes seraient plus inclusifs que laisse paraître la littérature. En effet, ceci s’explique par la domination du populisme de droite dans la littérature qui met l’accent sur l’exclusion, alors que ce sont les partis de gauche qui sont plus inclusifs. Ainsi, lorsqu’une distinction n’est pas réalisée entre la gauche et la droite, le populisme est caractérisé comme exclusif dans son ensemble. La dernière caractéristique du discours populiste présentée par les auteurs est la présence du sauveur incarné par le leader politique. Celui-ci doit se présenter comme un représentant du peuple, comme authentique, puissant et finalement déterminé (Charaudeau, 2011 : 110-112).

En somme, il est clair que les quatre composantes de la littérature décrivant le populisme, la conspiration, l’âge d’or, l’image de sauveur et les valeurs d’unité sont présentes dans les discours populistes. Toutefois, les conclusions de l’ensemble des auteurs sont que le populisme se présente de façon hétérogène dans les discours des partis politiques (Charaudeau, 2011 :102-104 ; Jagers et Walgrave, 2007 ; Pauwels, 2011 ; Krouwel, de Raadt et Hollanders, 2004 ; Paskarina, 2017 : 134-135). Effectivement, certains partis le seraient beaucoup plus alors que d’autres moins.

Ce qu’il est important de retenir de ces textes est que tout comme les définitions du populisme, celles du discours populiste ne font pas non plus consensus. Effectivement, chaque auteur apporte des spécificités ce qui rend les

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contributions difficiles à comparer entre elles puisque la définition même du populisme n’est pas la même. Toutefois, ce qu’il est essentiel de retenir est que les différentes expressions du populisme ne possèdent pas tous les attributs traditionnellement associés au populisme.

Ainsi, il apparaît important de définir le discours populiste avec le plus de composantes possibles sans par contre être trop large. C’est avec la définition du populisme qui a été choisi pour ce mémoire que celle du discours populiste sera élaborée. De ce fait, c’est encore une fois la définition de Girardet qui sera utilisée pour spécifier le discours populiste ; le populisme serait donc l’utilisation des quatre mythes dans le discours.

Le populisme de droite

Les contributions sur le populisme de droite sont plus abondantes. Ainsi, elles nous permettent d’offrir une définition plus étoffée. Tout d’abord, ce populisme se définit par le nativisme (Rooduijn, 2015 : 5-6 ; Caiani et della Porta, 2011 ; Caiani, della Porta et Wagemann, 2012 : 207). En effet, dans les discours de la droite, le peuple serait opposé aux immigrants, étranger, et tous les groupes qui ne sont pas natifs du pays en question (Rooduijn, 2015 : 5-6 ; Ivarsflaten, 2007 ; Caiani et della Porta, 2011). Le peuple est présenté de façon positive alors que les différentes minorités sont présentées comme nuisant à ce premier, le persécutant même, comme la littérature sur le sujet l’explique (Caiani et della Porta, 2011 ; Caiani, della Porta et Wagemann, 2012). En outre, ces groupes ethniques sont puissants et contrôlent le système au détriment du peuple et de ses intérêts (Caiani, della Porta et Wagemann, 2012). Ce sont donc les caractéristiques ethniques qui servent pour opposer les élites au peuple (Caiani et della Porta, 2011). Certains auteurs notent que cette opposition ethnique est présente chez tous les partis populistes de droite ce qui les mène à porter des propos contre l’immigration et le multiculturalisme (Ivarsflaten, 2007 : 16). En plus de ces changements au niveau de l’immigration, la littérature montre que les partis populistes de droite souhaitent aussi des changements politiques et économiques (Ivarsflaten, 2007).

Une autre caractéristique des partis de droite est leur appel à la peur (Wodak, 2015). La peur serait utilisée par les partis populistes pour asseoir leurs discours en instrumentalisant les minorités soit religieuse, politique ou culturelle (Wodak, 2015 : 2). C’est, entre autres, la peur du changement, de la perte d’emploi ou de l’augmentation de l’insatisfaction à l’égard des partis traditionnels qui est utilisée (Wodak, 2015 : 3-7). Cet appel à la peur permet aux partis populistes de la droite de présenter des solutions directes aux « problèmes » de la société et de légitimer leurs propositions (Wodak, 2015 : 5). De ce fait, le peuple serait dans l’idée constante

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que le monde est en « crise » économique ou sociale et que des changements majeurs devraient être opérés (Rooduijn, 2015 : 7).

Ensuite, les partis populistes de droite font aussi référence au retour à un temps passé meilleur (Caiani, della Porta et Wagemann, 2012). Effectivement, la modernité amènerait de mauvaises conséquences et le retour aux traditions du passé viendrait renverser la situation et donner au peuple la place qu’il mérite (Caiani, della Porta et Wagemann, 2012). Ces changements sont principalement au niveau de l’évolution du système politique et au niveau de l’économie (Ivarsflaten, 2007). Dans le contexte européen, l’évolution du système politique s’exprime principalement par la sortie de l’Union européenne et des institutions non nationales (Ivarsflaten, 2007). La dernière caractéristique de la droite populiste est l’accent sur l’arrogance de l’ignorance ou en d’autres mots un anti-intellectualisme (Wodak, 2015 : 2 ; Caiani, della Porta et Wagemann, 2012).

Les contributions présentées permettent de dégager qu’il existe une certaine unité dans les discours des partis populistes de droite en Europe principalement sur la question de l’exclusion des minorités culturelles, religieuses et sociales comme les immigrants et plus généralement sur le concept du peuple. Les questions sur le multiculturalisme et les changements en matière de politique sont aussi abordées par les partis populistes de droite.

Le populisme de gauche

Le populisme de gauche est moins étudié que celui de droite. Toutefois, les différentes contributions permettent de faire un portrait détaillé de la gauche populiste. La principale caractéristique du populisme de gauche est que la notion de peuple y est plus inclusive (Castaño, 2018 ; Fassin, 2017 ; Mouffe, 2018). En effet, la gauche serait plus inclusive sur les dimensions matérielle, politique et symbolique (Castaño, 2018 : 170). Tout comme la droite, celle-ci présenterait une vision idéalisée du peuple détenteur de la souveraineté populaire (Lazar, 1997). Donc, la gauche populiste se caractériserait par le rejet de l’exclusion à l’inverse de la droite et ferait plutôt la promotion d’une inclusion de tous les groupes présents dans la société (Fassin, 2017). La gauche se verrait très inclusive de toutes les minorités principalement religieuses et ethniques (Castaño, 2018). Les élites sont donc caractérisées par la classe politique dominante qui serait responsable de la crise économique (Castaño, 2018). Les élites économiques, les banques et les corporations, en plus les élites sociales et des médias, seraient aussi ciblées par cette dichotomie (Fassin, 2017). Cette caractéristique, l’inclusion du peuple, est souvent définie

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comme étant une force du populisme de gauche (Mouffe, 2018). Ainsi, le peuple ne serait pas uni par ses demandes, ses revendications, mais seulement par son opposition à une entité (Mouffe, 2018).

Ceci s’observe aussi dans le contexte de la France où les partis populistes français se regrouperaient principalement autour d’une composante sociale et politique où le peuple est présent dans toutes les couches sociales sauf celle des élites et serait une couche politique « en gestation » (Lazar, 1997 : 125).

Une autre caractéristique de la gauche populiste est l’idée d’un retour à l’âge d’or par la mise en place de différents changements politiques et économiques (Castaño, 2018). Celle-ci peut se manifester à travers un appui aux politiques socio-économiques et un rejet de l’austérité tout comme l’augmentation de la participation directe des citoyens en politique (Castaño, 2018). Les institutions seraient par définition mauvaises et injustes (Lazar, 1997). De plus, un autre changement qui est souvent proposé par la gauche est la sortie de l’Union européenne ou du moins la diminution de ses pouvoirs (Castaño, 2018). La littérature note aussi la place importante d’un leader charismatique chez ces partis populistes de gauche comme mentionné dans la section sur le populisme (Lazar, 1997).

Tout comme pour la droite populiste, les contributions de gauche montrent qu’il existe bel et bien une unité dans les partis populistes de cette orientation. Le point principal des textes présentés est que la gauche propose une vision du peuple inclusive et sans terme ethnique et des critiques vis-à-vis l’économie et les institutions politiques. Ceci pourra aussi servir afin de formuler les propositions de cette recherche et de prévoir certains résultats.

Comparaison entre la gauche et la droite

Comme présenté précédemment, plusieurs contributions nous donnent un portrait global de la droite et de la gauche populiste. Toutefois, peu de textes proposent une véritable comparaison entre ces deux extrêmes. La section suivante présentera les conclusions de ces contributions.

Pour commencer, la notion de peuple diffère en fonction de l’orientation politique des partis selon la littérature. En effet, la droite met de l’avant le nativisme et l’opposition aux élites traditionnelles alors que pour la gauche

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c’est seulement cette dernière composante qui est présente (Ivaldi et Zaslove, 2014 ; Ostiguy et Casullo, 2017 : 6-9). Effectivement, la gauche aurait une vision plus inclusive du peuple (Ivaldi et Zaslove, 2014 : 128 ; Rooduijn et Akkerman, 2015 ; Ostiguy et Casullo, 2017 ; March, 2017). Ainsi, la gauche populiste oppose le peuple aux riches, à l’oligarchie, à la globalisation et à l’impérialisme (Ivaldi et Zaslove, 2014 : 125 ; Ostiguy et Casullo, 2017 : 7-8). Pour la droite populiste, les autres sont plutôt les étrangers et les immigrants (Ivaldi et Zaslove, 2014 : 126-128 ; Ostiguy et Casullo, 2017 : 7-8). Donc, la gauche attaque « vers le haut » des élites de nature économique, les banques par exemple, alors que la droite le fait « vers le bas » et pour des élites d’ordre plutôt social (Ivaldi et Zaslove, 2014 ; Ostiguy et Casullo, 2017 : 7-8).

À cet égard, les populistes de gauche seraient dyadiques, attaquant les élites au pouvoir alors que la droite populiste serait triadique, en plus d’attaquer les élites, les groupes extérieurs le sont aussi (March, 2017 : 284-285). Ceci illustre bien que les deux types de populisme mettent de l’avant l’exclusionnisme, comme la théorie le propose, mais que la droite le fait contre plus de groupes (March, 2017 : 284-286).

En plus de cette divergence sur la notion de peuple, la gauche et la droite populiste seraient aussi différentes au niveau des changements qu’elles souhaitent apporter à la société. La littérature sur le sujet exprime très clairement que les changements politiques sont autant exprimés par la gauche que par la droite (Ivaldi et Zaslove, 2014 : 140-142 ; Rooduijn, Burgoon, van Elsas et van de Werfhorst, 2017 : 541 ; March, 2017 : 292-296 ; Otjes et Louwerse, 2013). En effet, la gauche comme la droite attaque les institutions politiques traditionnelles et se présente contre celles-ci (Ivaldi et Zaslove, 2014 : 140-142 ; March, 2017 : 292-296). Le changement politique le plus abordé par les partis populistes est la place du pays dans l’Union européenne. Ainsi, les partis aux extrêmes représentent de façon disproportionnée les citoyens anti-Union européenne (Ivaldi et Zaslove, 2014 ; Rooduijn, Burgoon, van Elsas et van de Werfhorst, 2017 : 550). Toutefois, certains auteurs considèrent que la gauche est moins touchée par le phénomène de l’euroscepticisme, car elle rejette de façon moins catégorique l’intégration européenne (Ivaldi et Zaslove, 2014 : 142-144 ; Rooduijn, Burgoon, van Elsas et van de Werfhorst, 2017 : 550).

Les changements politiques ou institutionnels sont les seuls changements sur lesquels la gauche et la droite s’entendent. D’un côté, la gauche populiste mettrait l’accent sur des changements économiques, par exemple sur les pertes d’emploi et de salaire et sur la mondialisation (March, 2017 : 295-296 ; Ivaldi et Zaslove, 2014 : 142-144). De l’autre côté, la droite mettrait, quant à elle, l’accent sur des changements identitaires (March, 2017 : 292-294 ; Ivaldi et Zaslove, 2014). La cible de cet extrême serait donc l’immigration, la globalisation et la

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promotion du nationalisme (March, 2017 : 292-294 ; Ivaldi et Zaslove, 2014 : 139-140 ; Rooduijn, Burgoon, van Elsas et van de Werfhorst, 2017 : 550). Il est important de noter que la littérature montre bien que la droite populiste est plus ouverte à la mondialisation que la gauche qui favorise un protectionnisme, mais que la dimension identitaire est complètement absente des propos de la gauche (Ivaldi et Zaslove, 2014 : 142-144; Rooduijn, Burgoon, van Elsas et van de Werfhorst, 2017).

De nombreux constats peuvent être tirés des contributions comparatives sur le populisme. Le discours de la gauche serait plus inclusif alors que celui de la droite serait exclusif. De plus, les préoccupations ne seraient pas les mêmes, comme il est mentionné dans les sections précédentes, la gauche se concentrant davantage sur l’économie et la droite sur les questions identitaires. Ces différents constats montrent qu’il existe une différence entre le populisme de gauche et de droite, ce que les définitions traditionnelles ne prennent pas en compte.

La France insoumise

La littérature sur la France insoumise est très limitée. En effet, le parti politique n’existe que depuis quelques années. La première caractéristique du discours de Jean-Luc Mélenchon et de son parti est l’idée de dégagisme (Premat, 2019). La présence s’explique par la nature du discours populiste soit du rejet des élites et du système en place (Premat, 2019). En outre, le discours de Jean-Luc Mélenchon se pose, aussi, contre les oligarchies et les castes (Birnbaum, 2017). Pour le politicien, les oligarchies ou les castes seraient composées, entre autres, des politiciens, des médias, des banques et des grandes sociétés. Bref, l’oligarchie est tout ce qui est opposé au peuple (Birnbaum, 2017). Mélenchon, pour rallier le peuple contre les élites, utilise les émotions et les passions plutôt que la raison afin de créer une véritable dichotomie entre le peuple et les élites (Birnbaum, 2017). Les quelques textes étudiant le discours de la France insoumise dégagent que l’économie, la sécurité, l’écologie et le manque de confiance envers les politiciens sont les thèmes principaux du discours du parti politique (Brishammar, 2018).

La principale synthèse à faire de cette section est qu’il est nécessaire d’étudier le discours de la France insoumise. En effet, les trois études ne tirent pas de grandes conclusions sur celui-ci. Toutefois, il est clair que ces recherches ont montré que la France insoumise tenait des discours populistes principalement avec des propos dichotomiques entre le peuple et les élites et les idées de changements dans les systèmes.

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Le Rassemblement national

Le même constat peut être fait pour la littérature du Rassemblement national ; il y a un manque de littérature récente sur le sujet, bien que les études sur le Front national soient nombreuses. Le problème pour ce parti n’est pas l’année de sa fondation, mais le fait que sa cheffe, Marine Le Pen, n’est entrée en fonction qu’en 2011 et qu’elle a grandement changé le parti politique depuis. Nous tenterons donc de faire un portrait des conséquences du changement de chef de parti chez le Rassemblement national tout en dressant un portrait de la situation actuelle.

Premièrement, comment le discours du Front national avant l’arrivée de Marine Le Pen peut être décrit ? La principale caractéristique de ce dernier est l’utilisation de l’ethnonationalisme qui passe par le nativisme (Ivaldi et Lanzone, 2016 : 132-136). En effet, le discours du parti mettait l’accent sur des référents identitaires principalement contre la religion juive et les communistes (Ivaldi et Lanzone, 2016 : 132-136). Ce nativisme est aussi perceptible dans le nouveau discours du parti, mais comme plusieurs auteurs l’expliquent, est présent de façon moins importante (Ivaldi et Lanzone, 2016 : 145-149). À cet égard, lors de son entrée en fonction comme chef de parti, Marine Le Pen a tenté de lancer une campagne de dédiabolisation (Ivaldi, 2014 : 1  ; Ivaldi, 2012 : 4 ; Frigoli et Ivaldi, 2019). Ainsi, la politicienne a cherché à retirer de son discours tous les référents identitaires en condamnant le racisme biologique et l’antisémitisme (Frigoli et Ivaldi, 2019 : 68). Ce changement était dans le but de gagner plus de votes (Alduy, 2016 : 18-19). Cette tentative s’est illustrée par un accent du discours sur la promotion de la laïcité et de la neutralité plutôt que sur la religion et ses impacts négatifs sur la démocratie française (Frigoli et Ivaldi, 2019 :68-69).

Toutefois, toutes les contributions s’entendent sur le fait que cette dédiabolisation n’a duré que très peu de temps. Effectivement dès 2015, la politicienne affichait déjà un retour aux propos nativistes de son père (Ivaldi, 2012 : 4; Frigoli et Ivaldi, 2019). L’ancien discours du Front national est revenu en force avec un retour à la diabolisation de l’autre non pas à travers l’antisémitisme et le racisme, mais usant de propos anti-immigration, contre les élites politiques et sociales et contre la mondialisation (Alduy, 2016 : 24-25). En somme, malgré une tentative de dédiaboliser le discours de son parti, Marine Le Pen tient encore largement des propos nativistes. Par ailleurs, malgré l’importance de la laïcité dans le discours de la politicienne, celle-ci donnera une place majeure à la catholicité (Wahnich, 2017 : 81-83). Cette utilisation permettrait de faire une hiérarchisation entre les Français d’origine française provenant d’une France historiquement catholique et les étrangers souvent musulmans (Wahnich, 2017 : 81-83). Ainsi, l’utilisation de ce référent permettrait à la politicienne d’augmenter la diabolisation des étrangers et de justifier sa vision politique. Ceci montre encore une fois que la diabolisation

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est présente dans le discours Le Pen, malgré ses tentatives d’épuration. Donc, pour le père et la fille les élites, ou les groupes qui sont opposés au peuple, sont relativement les mêmes et prennent deux formes (Ivaldi, Lanzone et Woods, 2017). Premièrement, il y a les élites classiques soit les politiciens, les intellectuels, les libéraux, les banques, les marchés et les corporations (Ivaldi, Lanzone et Woods, 2017). Deuxièmement, il y a aussi différents groupes de la société, les étrangers ou non français, qui sont opposés au peuple (Ivaldi, Lanzone et Woods, 2017). Les deux sont opposés au peuple, car ils mettent de l’avant leurs intérêts collectifs au détriment de ceux du peuple (Wahnich, 2017 : 85-87).

Comme il est mentionné, le discours du Front national avant 2011 était largement teinté par des propos anti-immigration (Ivaldi et Lanzone, 2016 : 145-149). Depuis le milieu des années 90, un discours anti-globalisation et anti-Union européenne est utilisé (Ivaldi et Lanzone, 2016 : 135). Ces préoccupations sont aussi partagées par Marine Le Pen qui fait de la globalisation, de l’euroscepticisme, du protectionnisme et de la mondialisation des thèmes clés de ses campagnes ; cet euroscepticisme serait motivé par des arguments économiques à l’inverse de son père qui motivait ses sentiments anti-Europe sur la base identitaire (Wahnich, 2017 : 83-85 ; Alduy, 2016 : 21-22).

Pour continuer, la divergence majeure entre le discours du père et de la fille Le Pen se situe au niveau du thème de l’économie. Effectivement, cet enjeu n’était pas réellement abordé sous Jean-Marie Le Pen, car les préoccupations économiques étaient traditionnellement laissées à la gauche politique (Alduy, 2016 : 21-22 ; Dewulf, 2017 : 34-35 ; Commin, 2016 : 32-39). Ainsi, Marine Le Pen fait un pas vers la gauche politique et met l’économie comme priorité dans son programme politique (Ivaldi, 2018 ; Ivaldi, 2013). Elle propose notamment de bonifier les programmes sociaux et de redonner le produit de leur travail aux Français, de redistribuer les richesses ; elle souhaite donc favoriser la France et les Français sur le plan économique (Ivaldi, 2018 : 12 ; Ivaldi, 2013). De ce fait, le parti s’éloigne tranquillement de la déréglementation et de la croyance fondamentale du laisser-faire du libéralisme classique (Ivaldi, 2013).

Finalement, un dernier aspect caractéristique spécialement du discours de Marine Le Pen est l’importance des images de sauveurs (Wahnich, 2017 : 87-88 ; Sini, 2016). L’utilisation de ces figures historiques par Le Pen permet de mettre de l’avant l’autorité de ces individus pour justifier son discours (Sini, 2016 : 5-7). C’est cette légitimité dont la politicienne avait tant besoin puisqu’elle cherchait à s’imposer comme cheffe légitime du Front national (Sini, 2016 : 5-7). Ainsi, Marine Le Pen utilise notamment, dans un discours donné en 2015, la figure de Jeanne d’Arc pour légitimer son projet pour la France et augmenter le sentiment national autour de son parti

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(Sini, 2016 : 5-7 ; Wahnich, 2017 : 87-88). Le Rassemblement national utilise toutes les qualités qui ont été attribuées à Jeanne d’Arc au fil du temps, la résistance, la dévotion à la patrie, par exemple, et tente de convaincre les électeurs qu’il est en mesure de proposer ces mêmes qualités pour la France (Sini, 2016 ; Wahnich, 2017 : 87-88). Marine Le Pen tente de projeter les caractéristiques de Jeanne d’Arc sur elle-même pour construire un nouvel éthos (Sini, 2016 : 7-10 ; Wahnich, 2017 : 87-88).

Tout comme pour la littérature de la France insoumise, celle du Rassemblement national montre aussi qu’une étude sur le parti politique est nécessaire. En effet, le manque de littérature récente sur le sujet rend difficile de tirer des conclusions sur le discours du nouveau Rassemblement national. Par contre, celle-ci illustre bien que le parti politique oppose le peuple à différents groupes : les élites traditionnelles tout comme les étrangers. De plus, la littérature permet aussi de faire ressortir l’utilisation dans le discours de la cheffe du mythe du sauveur et de la place de l’économie dans les discours plus récents du parti.

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En somme, plusieurs constats peuvent être tirés de la littérature. Tout d’abord, les principales définitions du populisme parlent toutes d’une dichotomie entre le peuple et les élites comme cœur du populisme. À ceci, plusieurs caractéristiques sont ajoutées par différents auteurs soit l’idée de changements, l’idée de l’unité du peuple ou encore la place du sauveur. Par ailleurs, la littérature a permis de mettre en lumière que les populistes de droite ont une certaine unité dans leurs discours principalement sur la question de l’exclusion des minorités culturelles, religieuses et sociales, le multiculturalisme et des changements politiques. Cette littérature a aussi montré une unité dans les partis populistes de gauche. En effet, les partis de cette allégeance présenteraient une vision du peuple sans terme ethnique en plus de critiquer le système politique et l’économie. Ensuite, la littérature a montré que bien que les études sur la France insoumise fassent ressortir que ce parti tient des propos populistes, celles-ci ne tirent pas des conclusions communes. Finalement, l’étude de la littérature sur le Rassemblement national met de l’avant que le parti politique utilise aussi un discours populiste : opposition du peuple aux élites et à des groupes marginalisés, utilisation de l’image du sauveur et changements en économie. De ce fait, la littérature montre qu’il est important d’étudier le populisme en France avec une perspective comparative afin de produire plus de connaissances dans un domaine moins bien étudié de ce champ d’études.

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Chapitre 2 : Cadre conceptuel et méthodologique

Cette partie mettra en lumière la méthodologie du mémoire. Tout d’abord, après avoir détaillé la question de recherche, les propositions seront expliquées. Ensuite, le choix du cadre opératoire, des indicateurs et de la méthodologie sera développé.

Question de recherche

À la lumière de notre revue de littérature, il semble plus que pertinent d’étudier les partis populistes français et principalement leur utilisation du discours. Effectivement, il n’y existe aucune étude comparative sur le sujet du populisme en France. Les seules études de ce type ont été réalisées avec comme cas des pays avec lesquels les conclusions sont difficilement transposables à la France. De plus, les recherches portant sur la France ne se concentrent que sur le populisme de droite et le Rassemblement national. De ce fait, notre mémoire étudiera : en quoi les discours populistes varient en fonction de l’orientation politique ? En d’autres termes, quels sont les éléments de discours qui se rejoignent au sein de la gauche populiste et de la droite populiste en France ?

C’est la conception du populisme de Raoul Girardet qui sera utilisée pour cette présente recherche. Le choix a été fait pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le cadre théorique de Girardet nous apparaît plus complet que ceux développés par de Mudde et par Müller. Effectivement, il ne comporte pas seulement l’aspect dichotomie entre le peuple et les élites. Il va aussi plus loin que Müller qui définit le populisme comme antisystème. Effectivement, en plus de l’opposition peuple et élites, Girardet ajoute trois mythes (âge d’or, sauveur et unité). Ceci rend sa théorie plus riche pour étudier le discours populiste. Par ailleurs, Girardet a construit sa théorie autour du contexte français, contexte qui est étudié dans cette présente recherche. Ce dernier propose donc un cadre théorique plus adapté pour l’étude comparative du populisme en France.

En somme, le populisme sera décrit comme comportant quatre mythes explicatifs : la conspiration, le retour à l’âge d’or, le sauveur et l’unité. Ce cadre analytique permet de préciser la recherche en proposant des sous-questions de recherche ainsi que des propositions originales.

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Propositions

Cinq propositions de recherche découlent de notre revue de la littérature. Ces dernières prennent la forme de sous-questions de recherche. Les quatre premières sous-questions font directement référence au cadre théorique de Raoul Girardet. En effet, celles-ci sont en lien avec les quatre mythes explicatifs du populisme. La cinquième proposition, quant à elle, utilisera l’ensemble des mythes de Girardet puisqu’elle fait une comparaison entre les différents types de discours.

Premièrement, de quelle façon le mythe de la conspiration est-il utilisé par les populistes de droite et de gauche ? Ainsi, il sera proposé que : (P1) : le Rassemblement national et la France insoumise tiendront des propos exclusifs envers les élites traditionnelles de la même façon ; le Rassemblement national tiendra aussi des propos exclusifs envers les groupes marginalisés, mais ces propos seront inclusifs pour la France insoumise.

Cette proposition s’explique avec la littérature qui est riche sur la distinction entre la notion d’élite chez la gauche et la droite. Effectivement, la gauche populiste proposerait une opposition verticale, donc seulement contre les élites traditionnelles : politiques et économiques par exemple (March, 2017 : 285 ; Fassin, 2017). Ces élites sont totalement différentes du peuple, puisqu’elles ne partagent pas les difficultés de celui-ci et vont même jusqu’à les causer (March, 2017 : 285). De ce fait, la gauche aurait une vision du peuple plus inclusive, car le peuple n’est pas caractérisé en termes ethniques ou culturels, mais seulement sur la base d’expériences vécues (Castaño, 2018). Ainsi, le peuple est caractérisé par tous les individus qui sont contre les élites, il inclut donc, par exemple, les minorités religieuses et ethniques (Ostiguy et Casullo, 2017 ; Mouffe, 2018).

D’un autre côté, la droite proposerait une opposition verticale, donc envers ces mêmes élites, mais aussi horizontale, c’est-à-dire envers certains groupes de la société, les immigrants et minorités par exemple (March, 2017 : 284 ; Fassin, 2017). Ainsi, le populisme de droite serait plus exclusif que la gauche (Ostiguy et Casullo, 2017 : 7-8). Ces différentes minorités sont opposées au peuple puisqu’elles seraient elles aussi responsables des problèmes et seraient une menace pour celui-ci (Wodak, 2015 : 4). En d’autres mots, les immigrants et les élites traditionnelles se partageraient le rôle de bouc émissaire pour les problèmes vécus par le peuple (Wodak, 2015 : 4-5).

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En outre, comme le suggèrent March (2017 : 284) et Wodak (2015 : 4-5), les groupes opposés au peuple peuvent causer des torts à celui-ci. Toutefois, aucun auteur n’explique s’il y a une différence dans la manière dont les partis populistes expriment les conséquences des actions des élites. De ce fait, cette proposition considère que la gauche et la droite populistes utiliseront cet aspect du mythe de la même façon.

La deuxième sous-question de recherche est : en quoi les changements sociaux présentés par les deux partis seront différents ? La proposition qui en découle est que (P2) : le Rassemblement national proposera des changements aux institutions politiques et de nature identitaire alors que la France insoumise proposera des changements aux institutions politiques et économiques.

Cette proposition s’explique aussi par la littérature. En effet, selon celle-ci, les différents partis populistes s’entendent sur l’idée d’une augmentation de la participation (Müller, 2016). Les partis populistes font la promotion de leur insatisfaction envers les institutions politiques et un « mécontentement à l’égard de l’action du gouvernement » (Ivaldi et Zaslove, 2014 : 140). Ainsi, les institutions seraient injustes et mauvaises, il serait important que le peuple en reprenne le pouvoir afin d’éviter la démocratie représentative (Lazar, 1997 : 123). De ce fait, c’est la démocratie directe qui est mise de l’avant pour que le peuple « contrôle et dirige réellement la vie politique » (Lazar, 1997 : 123).

La littérature explique aussi que seulement les partis populistes de droite s’attaquent à l’immigration et au multiculturalisme, donc à l’identitaire, et que cette composante est essentielle pour leur réussite politique (Ivarsflaten, 2007 : 2 ; Rooduijn, Burgoon, van Elsas et van de Werfhorst, 2017 : 550 ; Pearce, 2018 : 53). Les différentes contributions notent que l’immigration n’est pas du tout utilisée ou très peu par la gauche populiste (Ivarsflaten, 2007 : 2 ; Rooduijn, Burgoon, van Elsas et van de Werfhorst, 2017 : 550). En outre, la gauche se concentrerait sur la composante économique des changements (Pearce, 2018 : 53). En effet, les contributions expliquent que l’économie et les problèmes économiques sont souvent au cœur des préoccupations des partis populistes de gauche, par conséquent plus abordés dans leurs discours (Rooduijn, Burgoon, van Elsas et van de Werfhorst, 2017 : 542 ; Pearce, 2018 : 36-38). Aussi, comme les électeurs de la gauche populiste accordent plus d’importance à l’économie, il est évident que les partis de la même allégeance font de même (Ivaldi et Zaslove, 2014 : 142).

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Troisièmement, une autre sous-question est : est-ce que les deux partis politiques feront appel à une figure de sauveur ? La proposition (P3) est que : le Rassemblement national et la France insoumise feront tous deux des appels à des saveurs, soit passés ou contemporains, de manière égale. La littérature n’apporte aucune distinction dans la façon dont la droite et la gauche populistes utilisent l’image d’un sauveur. Effectivement, les auteurs qui mentionnent la notion de sauveur chez les populistes ne font aucune distinction entre la gauche et la droite (Lazar, 1997 : 122 ; Charaudeau, 2011 : 104-112). De ce fait, notre proposition va en ce sens et considère qu’il n’y existe aucune différence.

La quatrième sous-question est : est-ce que les deux partis politiques utiliseront le mythe de l’unité ? Il sera proposé que (P4) : le Rassemblement national et la France insoumise feront la promotion d’unité et de valeurs communes et d’un destin politique commun de manière égale. La littérature n’aborde que très peu ce sujet. En effet, il semble que les deux types de partis populistes fassent appel aux valeurs et destins communs en quantité égale (Charaudeau, 2011 : 102-110 ; March, 2017 : 299-300).

Finalement, la dernière sous-question de recherche porte sur le lieu dans lequel les discours ont été prononcés : est-ce que les discours prononcés à l’Assemblée nationale et ceux dans des conventions de partis feront l’utilisation des quatre mythes de manière égale ? La proposition (P5) est que les partis n’utiliseront pas les mythes de la même façon dépendamment du lieu. Cette proposition est pertinente puisque les partis populistes sont généralement antisystèmes (Müller, 2016 ; Mudde, 2004). De ce fait, il est intéressant de voir si le RN et la FI modifieront leurs propos dans un lieu institutionnel comme la littérature le laisse entendre.

Cadre opératoire et indicateurs

Tout d’abord, toutes les propositions seront étudiées en procédant à une analyse de contenu de discours (voir section méthodologique). Pour valider la première proposition (P1), les concepts d’inclusion et d’exclusion seront utilisés ainsi que les indicateurs « propos négatifs envers les élites », « propos inclusifs envers les groupes marginalisés » et « propos négatifs envers d’autres groupes de la société ». En outre, cette proposition fera aussi l’utilisation des indicateurs suivants : « l’appel au danger », « l’appel à la peur » et « l’insatisfaction envers les élites politiques ».

(31)

Ensuite, afin de répondre à la sous-question portant sur le mythe politique du retour à l’âge d’or, la proposition deux sera mesurée par l’insatisfaction envers les institutions politiques (« proposer plus de participation », « proposer plus de protectionnisme », « changements au système politique » et « des demandes de souveraineté »), les changements économiques (« moins de mondialisation » et « plus de partage des richesses ») et les changements identitaires (« prononcer contre l’Union européenne » et « moins de mixité »).

Pour ce qui est de la proposition (P3) portant sur le mythe du sauveur, les concepts des sauveurs passés et des sauveurs contemporains vont être utilisés. Les indicateurs de « la présence de sauveurs contemporains » et « la présence de sauveurs du passé » seront mobilisés. Ensuite, la proposition P4 sera traitée avec le concept de valeurs et de destin communs. Les indicateurs seront donc « valeurs communes mentionnées ou non » et « destin politique mentionné ou non mentionné ».

Finalement, la dernière proposition (P5) utilisera l’ensemble des concepts nommés plus haut puisque celle-ci tentera de mesurer la différence entre les discours institutionnels et non institutionnels pour les quatre mythes du cadre théorique. Pour cette proposition sur la constance du discours devant des militants ou des parlementaires, tous les indicateurs précédemment présentés seront utilisés.

Tableau 1 : Cadre opératoire

Indicateurs

Conspiration

Exclusion avec les élites

traditionnelles

• Propos négatifs contre les

élites

Inclusion avec les groupes

marginalisés

• Propos inclusifs envers les

groupes marginalisés

Exclusion avec groupes

marginalisés

• Propos négatifs contre les

élites

• Propos négatifs contre

d’autres groupes de la

société

Retour à l’âge

d’or

Insatisfaction envers les

institutions politiques

• Proposer plus de

participation

• Plus de protectionnisme

(32)

• Changement au système

politique

• Demandes de

souveraineté

Changements économiques

• Proposer moins de

mondialisation

• Partage des richesses

Changements d’ordre

identitaire

• Demander moins

d’immigration

• Fermeture des frontières

• Se prononcer contre

l’Union européenne

• Moins de mixité

Sauveur

Sauveurs contemporains

• Présence de sauveurs

contemporains

Sauveurs du passé

• Présence de sauveurs du

passé

Unité

Destin politique commun

• Destin politique mentionné

ou non mentionné

Valeurs communes

• Valeurs communes

mentionnées ou non

Constance

Différence des discours selon

le lieu

• Comparaison de

l’ensemble des indicateurs

utilisés

Méthodologie

Il convient d’abord de préciser les deux concepts qui seront utilisés pour cette recherche. Le premier est celui de discours politique qui se définit comme les « paroles prononcées en public de façon unilatérale par des responsables politiques » (Nay, 2011 : 148). Le deuxième concept est celui d’orientation politique ou de place sur l’échiquier politique. Celui-ci se définit comme une échelle, représentée sur un axe généralement linéaire, qui permet de positionner les partis politiques, de l’extrême gauche à l’extrême droite, selon leurs idéologies (Heywood, 2012 : 11-16).

Les données utilisées dans la recherche sont des discours donnés par Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon dans le cadre de l’élection présidentielle de 2017 soit de leur entrée en campagne jusqu’à l’élection du premier tour. Ici, seulement les discours lors de conventions, donc non médiatiques, ont été choisis afin d’éviter l’impact du cadrage médiatique sur le contenu du discours. Mélenchon et Le Pen ont respectivement donné 19 et 27

(33)

discours. Comme l’analyse requiert un nombre égal de discours non institutionnels en raison de leur longueur, une sélection aléatoire de 19 discours pour Le Pen serait faite. Ces discours ont été choisis pour quelques raisons. Premièrement, les discours étudiés dans cette recherche représentent la totalité du corpus de discours donnés par les deux politiciens durant l’élection présidentielle de 2017, il n’est donc pas possible de le bonifier. En outre, bien qu’il serait possible de rajouter des discours prononcés lors d’autres élections présidentielles, ceci ne sera pas réalisé. Cette décision s’explique par le fait que le contexte joue un rôle majeur sur le contenu et la forme des discours politiques. Ainsi, en rajoutant plusieurs années à l’étude, ce même contexte pourrait provoquer des changements dans l’analyse en raison de thèmes qui seraient plus présents. Comme le but de l’étude n’est pas d’étudier le changement dans le temps du discours populiste en France, mais plutôt de comparer celui de la gauche et de la droite, il semble évident que seuls les discours de l’élection présidentielle de 2017 soient retenus. En outre, le deuxième tour de l’élection présidentielle ne sera pas inclus dans l’analyse, car un seul des deux politiciens, Marine Le Pen, s’est rendu à cette étape. Ce choix a été fait, encore une fois, pour garder un contexte de campagne plus similaire.

Figure 1 : Discours non institutionnels

Figure 2 : Discours institutionnels

Pour ce qui est des discours institutionnels, seront sélectionnés toutes les allocutions prononcées à l’Assemblée nationale entre l’entrée en fonction de la 15e législature le 27 juin 2017 jusqu’au 31 décembre de la même année. Cette fois-ci Mélenchon prononça 38 allocutions et Le Pen 15. À l’inverse des discours non institutionnels, ceux de l’Assemblée nationale seront tous gardés en raison de leur durée qui ne dépasse généralement que quelques minutes. Le choix des discours institutionnels pour la recherche vient des mêmes raisons que pour les discours

1er mai 2016: premier discours Le Pen 28 août 2016: premier discours Mélenchon 15 avril 2017: dernier discours Le Pen 19 avril 2017: dernier discours Mélenchon 6 juillet 2017: premiers discours Le Pen et Mélenchon 11 décembre 2017: dernier discours Le Pen 21 décembre 2017: dernier discours Mélenchon

(34)

non institutionnels. Effectivement, pour éviter un changement dans le contexte politique, une période plus restreinte a été choisie soit l’année 2017.

Pour l’analyse des discours politiques, un tableau de codage sera réalisé grâce aux mythes de Girardet et aux sous-questions de recherche. Ainsi, le premier mythe, celui de la conspiration sera divisé en quatre catégories (les actions contre la volonté populaire, l’inclusion de groupes marginalisés, l’exclusion de ces mêmes groupes et l’exclusion des élites traditionnelles). Le deuxième mythe, l’âge d’or, sera divisé en trois catégories (changements politiques, changements économiques, changements de nature identitaire). Le mythe de sauveur sera divisé en deux catégories soit les sauveurs passés et les sauveurs contemporains. Finalement, le mythe de l’unité sera aussi divisé en deux catégories (le destin politique commun et les valeurs communes). Les données seront analysées à la main en raison de leur nombre réduit. Ce type d’analyse a été choisi afin de permettre un meilleur codage. En effet, avec le nombre réduit de discours, soit 38 discours non institutionnels et 53 discours institutionnels, il semble plus ou moins possible de penser obtenir un résultat concluant avec un codage par logiciel ou encore de réduire le temps nécessaire pour le codage (Basit, 2003). En outre, cette technique a été choisie pour avoir un meilleur contrôle sur les codes et leur permettre de se raffiner plus facilement lorsque la recherche évolue (Saldaña, 2009). De ce fait, des idées, phrases ou mots seront lus, codés et ensuite placés dans les différentes catégories présentées. Au final, une comparaison entre les discours de Mélenchon et de Le Pen sera réalisée afin de répondre à la question et aux sous-questions de recherche. Pour les quatre premières propositions, seulement les discours non institutionnels seront utilisés, alors que la cinquième hypothèse nécessitera l’analyse des discours institutionnels.

***

En somme, la présente recherche identifiera en quoi les discours populistes varient en fonction de l’orientation politique ? Cinq propositions de recherche et leurs indicateurs respectifs ont été mis de l’avant, soit les quatre premières pour chaque mythe de Girardet et la dernière afin de mesurer si le lieu (institutionnel ou non) a une influence sur l’utilisation de ces mythes. Pour produire une analyse de discours, 38 discours non institutionnels ont été aléatoirement choisis soit 19 par candidat, entre l’entrée en campagne du politicien et l’élection du premier tour. Ensuite, pour ce qui est des discours institutionnels, toutes les allocutions des politiciens lors de la 15e législature pour un total de 53 allocutions soit 38 pour Mélenchon et 15 pour Le Pen. Finalement, un codage sera réalisé à la main grâce à un tableau divisant les mythes populistes en catégories et sous-catégories.

Figure

Tableau 1 : Cadre opératoire
Figure 1 : Discours non institutionnels
Tableau 2 : Synthèse de l’analyse thématique
Tableau 3 : Synthèse de la comparaison entre les discours institutionnels et non institutionnels pour  Le Pen et Mélenchon
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