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L'expérience de vie des personnes atteintes d'un traumatisme crânien dans leur retour à la vie normale

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL

L'EXPÉRIENCE DE VIE DES PERSONNES ATTEINTES D'UN TRAUMATISME CRÂNIEN DANS LEUR RETOUR À LA VIE NORMALE

MÉMOIRE PRÉSENTÉ

COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MAÎTRISE EN SOCIOLOGIE

PAR

VINCENT DUROCHER

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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL Service des bibliothèques

Avertissement

La diffusion de ce mémoire se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles supérieurs (SDU-522 - Rév.03-2015}. Cette autorisation stipule que «conformément à l'article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l'auteur] concède à l'Université du Québec à Montréal une licence non exclusive d'utilisation et de publication de la totalité ou d'une partie importante de [son] travail de recherche pour des fins pédagogiques et non commerciales. Plus précisément, [l'auteur] autorise l'Université du Québec à Montréal à reproduire, diffuser, prêter, distribuer ou vendre des copies de [son] travail de recherche à des fins non commerciales sur quelque support que ce soit, y compris l'Internet. Cette licence et cette autorisation n'entraînent pas une renonciation de [la] part [de l'auteur] à [ses] droits moraux ni à [ses] droits de propriété intellectuelle. Sauf entente contraire, [l'auteur] conserve la liberté de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»

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REMERCIEMENTS

«Qui va lentement, va sûrement». Ce proverbe reflète bien l'histoire de ce mémoire; celui-ci a été fait dans le cadre d'un régime d'étude à temps pmtiel. Cette recherche a pu être réalisée grâce à la collaboration de plusieurs personnes que je tiens à remercier. Premièrement, j'aimerais souligner l'apport indispensable des personnes ayant survécu à un traumatisme crânien et qui ont participé à la recherche. J'admire leur détermination et leur persévérance. Un traumatisme crânien grave est un évènement majeur dans une vie et chacun et chacune d'entre vous avez réussi à surmonter les nombreux obstacles rencontrés, ce qui vous a permis de vous trouver là où vous êtes aujourd'hui. Vos témoignages présentent la complexité et la variété des traumatismes crâniens qui restent un sujet encore mal connu. Je tiens à remercier tout particulièrement ma conjointe qui a, elle-même, survécu à un traumatisme crânien; tu es l'inspiration de cette recherche. Toi aussi, tu as dû affronter de nombreux obstacles et tu dois continuer à franchir de nombreuses épreuves de la vie.

Je tiens à remercier sincèrement ma directrice de recherche, madame Shirley Roy, pour la clarté de ses commentaires et les précieux conseils qu'elle m'a donnés tout au long de la recherche. Grâce à son soutien, cette recherche fut agréable du début à la fin. Dire qu'elle-même a été victime d'un accident de la route pendant la rédaction de ce mémoire ... Frappé par une voiture lorsqu'elle traversait la rue non loin de l'UQAM, il s'en est fallu de peu pour qu'elle aussi subisse un grave traumatisme crânien. J'aimerais aussi remercier M. Jean-Marc Larouche, Mme Lise Arsenault et 1' entièreté du département de Sociologie de 1 'UQAM de m'avoir permis de compléter mon mémoire. Grâce à vous, j'étais persuadé que j'allais terminer mon mémoire. Gardez cette ouverture avec vos futur(e)s étudiant(e)s!

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DÉDICACE

Ce mémoire est dédié à Mélissa et à tous ceux qui, de près ou de loin, ont participé à cette recherche. Une pensée pour tous ceux vivant avec une situation de handicap.

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TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS... 11

LISTE DES FIGURES... vu LISTE DES AB RÉ VIA TI ONS, SIGLES ET ACRONYMES... vm RÉSUMÉ... IX INTRODUCTION ... . CHAPITRE I LE TRAUMATISME CRANIOCÉRÉBRAL : UN FLÉAU INVISIBLE ... .. 1.1 Problématique générale ... .. 5 5 1.2 Les questions de recherche... 7

1.3 Retombées de la recherche . . . .. 11

1.4 Entretiens avec des personnes ayant survécu à un TCC. . . 12

CHAPITRE II LE TRAUMATISME CRÂNIEN: DÉMYSTIFIER L'ÉPIDÉMIE SILENCIEUSE ... . 2.1 Le traumatisme crânien ... . 2.1.1 Définition et données concernant le TCC ... .. 2.1.2 Le retour à la vie normale ... .. 14 15 15 21 2.2 Le handicap : une notion phare... 24

2.2.1 Le Processus de production du handicap (PPH)... 28

2.3 Notions complémentaires : stigmatisation, liminalité et stratégies d'actions ... .. 34

2.3.1 Le processus de stigmatisation... 35

2.3.2 Liminalité... 38

2.3.3 Agir en situation de vulnérabilité... 42

CHAPITRE III LES DÉMARCHES MÉTHODOLOGIQUES... 45

3.1 L'approche méthodologique retenue... 45

(6)

3.3 3.4 3.5 3.6

3.7

Les critères de sélection des candidats ... . Les méthodes de recrutement. ... . Le déroulement des entrevues ... 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 Certificat éthique et limitations ... 0 00 00 0 0 00 Présentation des personnes participant à la recherche ... 0 0 0 00 0 0 0 0 0 0 0 0 CHAPITRE IV

LE RITE DE PASSAGE: LA SÉPARATION, L'ENTRÉE DANS LA PHASE LIMINALE ET LA TENTATIVE DE RETOUR DANS

v 47 47 48 51 53 LE MONDE « ORDINAIRE»... 55

4.1

La phase de séparation : 1' accident impliquant le TCC ... 0 0 . 56 4.2 La phase liminaire ... . 58 4.2.1 Le réveil : l'entrée consciente dans la phase liminaire... 59 4.2.2 La réadaptation dans la phase liminaire ... 0 0 62 4.3 La post-liminalité :tentative de retour dans le « monde ordinaire » .... oo 65

4.3.1 Les séquelles : visibles et invisibles... 66 4.3.2 La famille, les amis, les proches ... 0 0 0 0 . . . 0 0 0 0 0 0 0 74 4.3.3 L'expérience avec les institutions et les organismes ... 0 0 0 0 . . . 81 CHAPITRE V

AGIR EN SITUATION DE HANDICAP: LE TCC .... O O O O O O O O O O O O O O o o O O O O O O O O O O O O O O O O 5.1 Agir et PPH ... .

93 93 5.2 Agir et réagir face à un TCC... 95 CONCLUSION... 108

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VI ANNEXE A GRILLE D'ENTRETIEN... 115 ANNEXEE FORMULAIRE DE CONSENTEMENT... 118 BIBLIOGRAPHIE... 123

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LISTE DES FIGURES

Figure Page

2.1 Modèle du Processus de production du handicap ... .

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5.1 Modèle du Processus de production du handicap

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CERPE CRDP CSST ECG IRM NFL NHL PPH RRQ SAAQ TCC UQAM

LISTE DES AB RÉ VIA TI ONS, SIGLES ET ACRONYMES

Comité d'éthique de la recherche pour les projets étudiants impliquant des êtres humains

Centres de réadaptation en déficience physique

Commission de la santé et de la sécurité du travail

Échelle de coma de Glasgow

Imagerie par résonance magnétique

National Football League

National Hockey League

Processus de production du handicap

Régie des rentes du Québec

Société de l'assurance automobile du Québec

Traumatisme craniocérébral

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RÉSUMÉ

Plusieurs considèrent le traumatisme crânien comme une « épidémie silencieuse » :

« Épidémique » par le nombre élevé de cas, ayant des répercussions socio-économiques importantes; « silencieuse » car le manque de sensibilisation et de connaissances du phénomène fait que ce problème pa se quasiment inaperçu. Le traumatisme craniocérébral (TCC) implique un coup plus ou moins violent à la tête et il peut se produire à divers moments et dans divers lieux : accident de la route ou au travail ou encore lors d'une activité de loisir ou d'une activité sportive. Il y a trois niveaux: le TCC léger, modéré et grave. Les deux dernières catégories (TCC modéré et grave) impliquent un coma plus ou moins long et le réveil est souvent comparé à une deuxième naissance où 1 'on doit tout réapprendre. Souvent, le TCC est caractérisé par des séquelles persistantes qui ont la particularité d'être invisibles. Ainsi, les proches et les ami(e)s et aussi les autres personnes rencontrées peuvent avoir de la difficulté à saisir les changements causés par le TCC; ceci peut laisser place à de la stigmatisation.

Nous avons fait des entretiens semi-dirigés avec des personnes ayant survécu à un TCC modéré ou grave pour pouvoir les questionner sur leur expérience de vie à leur retour à la vie « normale ». Le handicap est le thème central de notre recherche, et à 1' aide du modèle du Processus de production du handicap (PPH) proposé par Fougeyrollas et al. ( 1998), nous avons observé 1' importance du rôle des facteurs personnels (séquelles) et surtout de l'impact des facteurs environnementaux (famille, ami(e)s, organismes et institutions, etc.) sur la réduction ou l'augmentation des habitudes de vie (situation de handicap). Pour faire la démonstration que la personne ayant survécu à un TCC n'est pas un acteur passif face à sa situation de handicap, nous avons utilisé le concept « d'agir» proposé par Hurtubise et Roy (2007). Cela a permis d'illustrer les diverses stratégies qu'utilise une personne vivant avec un TCC pour faire face aux différents obstacles. Nous avons identifié cinq types d'actions: l'évitement, la paralysie, la contrainte, le bricolage et la tactique. Toutes les personnes de notre recherche n'ont pas fait un retour à leur vie d'avant l'accident mais ils ont tous trouvé de nouvelles habitudes de vie adaptées à leur situation; plusieurs doivent et devront faire face à des obstacles en lien avec le TCC.

MOTS CLÉS : traumatisme crânien, handicap invisible, liminalité, agir, stigmatisation

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INTRODUCTION

Le traumatisme crânien est un phénomène encore peu connu de la population en général. Véritable fléau pour la santé publique, le traumatisme crânien (TCC) a un impact socio-économique important. Chaque année, des milliers de familles sont affectées par la situation d'un proche qui est victime d'un TCC plus ou moins grave et celles-ci sqnt peu préparées à faire face aux conséquences qui en découlent. Lorsque l'impact est assez violent, la victime peut se retrouver hospitalisée et inconsciente. Son réveil peut ressembler à une deuxième naissance, elle devra souvent réapprendre à marcher, parler, etc. Même si la personne semble avoir récupéré entièrement suite à sa sortie de l'hôpital, de nombreuses séquelles invisibles l'empêcheront de reprendre la même vie qu'elle avait avant, et le retour vers une vie normale sera difficile. Elle risque, en raison de 1' incompréhension des autres quant à sa situation, d'être jugée et stigmatisée. La personne qui a survécu à un TCC se retrouvant dans une situation de handicap voit ses habitudes de vie transformées en lien avec ses séquelles mais aussi en regard des limitations imposées par la société. Face à ces situations de handicap, la personne ayant subi un TCC agira de différentes façons en tentant de surmonter ces obstacles.

Ce mémoire est divisé en cmq chapitres. Le prerruer se concentre sur la problématique. On y présente brièvement 1' étendue du phénomène, une courte introduction des concepts de « Processus de production du handicap » (PPH)

(Fougeyrollas et al., 1998) et celui des « formes possibles d'agir » (Hurtubise et Roy, 2007), qui nous permettra plus loin d'analyser les actions et réactions des personnes atteintes d'un TCC.

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2

Le deuxième chapitre explore les dimensions théoriques de la recherche. Une définition du traumatisme crânien et quelques statistiques permettront d'illustrer l'étendue du phénomène. Puis nous présentons: l'évolution du TCC en lien avec les progrès technologiques et la recherche; les types de séquelles résultant d'un TCC, séquelles souvent invisibles pour les autres. Nous verrons aussi que le traumatisme crânien renvoie à différents niveaux de gravité (léger, modéré et sévère), et qu'en conséquence, la période de réadaptation peut être plus ou moins longue.

La deuxième section de ce chapitre aborde le thème central de la recherche: le handicap. Pour dépasser la vision biomédicale du handicap, nous avons utilisé le modèle de Fougeyrollas (1998) et qu'il nomme Processus de production du handicap

(PPH) qui met en interaction les facteurs personnels (ex. : séquelles) et les facteurs environnementaux qui favorisent ou non le développement des habitudes de vie de la personne touchée. En raison des séquelles résultant d'un TCC et particulièrement celles qui sont invisibles, plusieurs individus peuvent être victimes de stigmatisation. Pour nlieux saisir ce que peut vivre une personne ayant survécu à un TCC, Murphy et Alexandre (1990) parlent d'une sorte« d'entre-deux » dans laquelle la personne se retrouve et qu'ils associent à un stade linlinal. Cette approche s'appuie sur les travaux de Van Gennep (1909) sur les rites de passage comportant trois phases. La prenlière phase est celle de la séparation : l'individu se voit coupé de son état antérieur. Dans notre recherche, la séparation arrive au moment de l'accident impliquant le TCC. La deuxième phase est l'entrée dans la sphère linlinale où la personne est isolée du monde normal qui trouve écho, dans notre recherche, dans la guérison et la réadaptation de la personne. Enfin la troisième phase se vit à travers la tentative de retour dans le monde ordinaire (phase d'agrégation ou post-linlinale) où la personne, ayant des séquelles résultant du TCC, tente de retrouver sa place dans la société.

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3

Un retour non réussi dans le « monde ordinaire » ou dans la vie quotidienne confine la personne à la phase liminale. Mais se retrouver dans une situation de handicap ne signifie pas que l'on ne peut rien faire pour essayer de s'en sortir...

Le troisième chapitre se concentre sur nos choix méthodologiques. Pour récolter notre matériel, nous avons fait huit entretiens semi-dirigés d'une durée minimale de 90 minutes chacune. Les candidats recherchés étaient des hommes ou des femmes ayant survécu dans des circonstances différentes (des accidentés de la route, de travail, de loisir, etc.), à un traumatisme crânien modéré ou grave. Dans ce chapitre nous présentons les participants à la recherche. Cinq personnes ont été impliquées dans un accident de la route, une personne a eu un accident de la route pendant son quart de travail, un autre pendant des rénovations chez un ami et un cas d'un TCC lors d'une activité de loisir. Nous présentons aussi les procédures liées au protocole éthique que nous avons mis en place.

Le quatrième chapitre explore le parcours des huit personnes interviewées. En utilisant le modèle des rites de passage de Van Gennep (1909), nous avons cherché à voir comment ces personnes ont vécu 1) la phase de séparation (leur accident), 2) la phase liminaire (la guérison et la réadaptati.on) ainsi que 3) la phase d'agrégation (leur tentative de retour dans le monde ordinaire). Le chapitre est centré sur le retour à la « vie normale » et sur les expériences liées aux séquelles visibles et invisibles résultant de l'accident (facteurs personnels), en explorant particulièrement le moment du retour dans leur famille, de la reprise de contact avec le conjoint(e), les arni(e)s ainsi qu'avec les différentes institutions (ex. : Société de 1' assurance automobile du Québec (SAAQ), Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), Régie des rentes du Québec (RRQ), etc.).

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Le cinquième chapitre explore concrètement, à l'aide du concept de l'agir (Hurtubise et Roy 2007) comment les personnes atteintes d'un TCC tentent de faire face à leur situation de handicap. Selon le modèle du PPH, 1' interaction entre les facteurs personnels et les facteurs environnementaux crée cette situation de handicap, mais celui-ci peut évoluer à travers le temps. Non seulement la situation de handicap peut s'améliorer ou s'aggraver à travers le temps, la personne peut agir pour soit améliorer ou aggraver cette situation. Pour ce faire, à l'aide des cinq formes d'agir (Hmtubise et Roy, 2007), nous avons cherché à illustrer les diverses stratégies que les personnes ont développées face à leur situation de handicap.

Dans la conclusion, nous reviendrons sur l'idée que le traumatisme crânien est un phénomène répandu mais qu'il est peu connu et surtout mal compris; principalement à cause des séquelles invisibles. Les séquelles non perceptibles peuvent amener de la stigmatisation et elles peuvent nuire au retour à la vie normale. De plus, nous discuterons de 1' influence de facteurs externes (manque de services, indemnisations déficientes, etc.) qui peuvent restreindre les habitudes de vie, et donc amplifier la situation de handicap de la personne. Est-ce que les participants de la recherche ont réussi un retour à une vie normale? La réponse peut être subjective et variable pour chacun ... D'un point de vue externe et selon nos standards sociaux, ils ne semblent pas avoir retrouvé une vie «normale », mais plusieurs ont trouvé un nouveau sens à leur vie.

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CHAPITRE I

LE TRAUMATISME CRANIOCÉRÉBRAL: UN FLÉAU INVISIBLE

Ce chapitre a comme objectif de présenter assez largement la problématique de notre recherche. Dans cette rapide mise en contexte, nous introduirons le Processus de production du handicap (PPH) (Fougeyrollas et al., 1998) et celui d'agir (Hurtubise et Roy, 2007). À la section 1.1 de ce chapitre, nous présenterons nos trois questions de recherche portant sur les conditions de retour à la vie normale en explorant les divers éléments qui y contribuent. Nous élaborerons rapidement sur les retombés de la recherche. Nous allons ainsi constater que l'on est collectivement peu sensibilisé à l'ampleur du phénomène entourant le TCC et que très peu d'études sur le sujet ont été effectuées par des sociologues. Enfin, la dernière section de ce chapitre explore l'approche que nous avons utilisée pour récolter le matériel pour notre recherche. Pour ce faire, des rencontres avec des personnes ayant survécu à un TCC modéré ou grave étaient nécessaires.

Le traumatisme craniocérébral : un phénomène peu connu

1.1 Problématique générale

Le traumatisme craniocérébral (TCC) est un phénomène peu connu dans notre société. Le « TCC » est généralement associé à un coup plus ou moins violent à la tête. Chaque année, des milliers de personnes en sont victimes lors d'accidents de la route, d'une violente collision lors d'une activité sportive ou suite à une vilaine chute. Même si les traumatismes crâniens sont une cause majeure de décès,

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l'avancement des traitements d'urgence et médicaux permet à un plus grand nombre de personnes de survivre (Hart et Sander, 2005). Évidemment, les personnes ne sont

pas préparées à vivre une « nouvelle vie » suite à l'accident, et surtout si le TCC a causé des séquelles permanentes. Qualifié comme véritable fléau et une « épidémie silencieuse » par certains ( Vaishnavi, Rao, et Fann, 2009; Banville et Nolin 2008;

Langlois et al., 2005; Feinstein et Rapoport, 2000; Coburn, 1992; Goldstein, 1990), le traumatisme crânien est devenu une problématique qui préqccupe grandement les différents milieux de la santé publique; les coûts économiques et sociaux qu'ils

engendrent sont en particulier très élevés (Dikmen et al., 2009; Dumont, 2003).

Même si le TCC est peu connu de la population, il a été le sujet d'un grand nombre d'articles et de recherches dans différentes disciplines et, graduellement, la

population y est de plus en plus sensibilisée; pensons par exemple au casque qui est utilisé plus fréquemment qu'auparavant en moto, bicyclette, ski alpin, etc.

Subir un traumatisme crânien change une vie. À partir de l'accident et à travers de nombreuses phases de réhabilitation, la personne atteinte et les proches se

questionnent sur 1' ampleur des conséquences liées aux séquelles et s'il sera possible de revenir à «la vie d'avant ». Dans de nombreuses situations, les personnes ayant subi un TCC doivent faire le deuil de ce qu'« elles étaient avant » 1' accident. Le retour à une vie normale ne sera pas un retour à la vie d'avant le TCC, mais les personnes atteintes sont à la recherche d'une vie qui pourrait possiblement être considérée comme « normale ».

Dans le cadre de notre mémoire, en nous inspirant des propositions de Hurtubise et Roy (2007) sur les formes d'agir, nous chercherons à saisir les actions et réactions des personnes vivant avec un TCC modéré ou grave. Nous utiliserons le modèle du Processus de production du handicap (PPH) développé par Fougeyrollas et al.

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et actions de la personne pour se sortir de sa situation de handicap. Pour ce faire, nous nous intéresserons aux conséquences des séquelles sur le retour à la vie normale, à l'influence des facteurs environnementaux (famille et proches) ainsi qu'aux difficultés rencontrées face aux différentes institutions.

1.2 Les questions de recherche

Les connaissances produites dans la littérature et mon expérience personnelle du fait de fréquenter une personne ayant un TCC, nous a permis de développer trois questions qui interrogent les modalités de 1' action dans le retour à la vie normale.

Question 1 : En quoi et comment les séquelles résultant du TCC influenceront-elles le retour à la vie normale?

Reprendre la même vie après 1' accident ayant causé un TCC est l'objectif ultime de la réadaptation, mais 1' importance des séquelles déterminera les limites de la personne ayant subi un TCC modéré ou grave. Ces séquelles risquent d'avoir une influence sur la motivation de l'individu : l'apprentissage sera plus ou moins lent, on assistera souvent à des troubles plus ou moins profonds de mémoire1, ou à un déficit d'attention, à des difficultés de concentration, etc. Aussi, la « fatigabilité » est une séquelle qui peut nuire à la personne atteinte d'un TCC. Ce qui peut sembler simple pour une personne normale sera beaucoup plus compliqué pour une personne atteinte

Les troubles de la mémoire constituent une séquelle importante associée aux traumatismes

crâniens et ils affecteront plus ou moins durablement le retour à une vie normale dépendamment du fait que ce soit la mémoire à long terme ou à court terme qui est affectée. Si la mémoire à

long terme est atteinte, la personne peut ne pas se souvenir de certains moments importants de sa vie.

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8

d'un TCC2. Il sera alors difficile de retrouver les mêmes habitudes de vie : juste s'occuper de soi et de son domicile peut être très complexe dans les premiers mois après 1' accident, car la fatigabilité et les pertes· de mémoire peuvent décourager la

personne3.

Les séquelles invisibles constituent des obstacles importants chez les individus atteints d'un TCC. Les autres (les proches et les ami(e)s) auront de la difficulté à saisir leurs besoins s'ils n'ont pas été suffisamment sensibilisés aux répercussions

provenant d'un accident impliquant un TCC. De plus, la personne elle-même qui doit

apprendre à vivre avec un TCC devra prendre conscience de ses nouvelles limites et

les accepter.

Question 2 : Quelle est la contribution des facteurs environnementaux dans le retour

à la vie normale?

La personne ayant subi un TCC se sentira souvent seule dans ses efforts visant un retour à une vie normale. Elle se sentira aussi incomprise face à sa condition. Le TCC étant un « handicap invisible », les proches, les amis et les autres peuvent avoir

tendance à oublier la situation difficile dans laquelle sont les personnes atteintes.

Certaines seront bien entourées et bien supportées tandis que d'autres seront abandonnées à elles-mêmes.

Il est important de souligner que 40% des personnes ayant souffert d'un TCC souffrent de dépression et cela nuit à un retour à une vie normale. Voir les statistiques sur le site Web de la

Fondation Martin-Matte: http://www.fondationmartinmane.com/ statisitiques/

Un autre aspect important est qu'une personne ayant survécu à un TCC modéré n'aura pas nécessairement plus de facilité que celle provenant d'un TCC grave dans son retour à une vie normale. Chaque TCC est unique, cela dépend des régions qui ont été affectées et peut-être que

nous allons observer certains TCC graves qui ont eu un retour à une vie normale plus facile qu'un TCC modéré ...

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Le processus de stigmatisation de ces personnes est un élément important et il aura un impact sur la confiance en soi de la personne atteinte d'un TCC; ce qui sera un

frein à un retour à la vie normale. De plus, la famille doit s'adapter aux besoins de la personne ayant un TCC et, dépendamment de la gravité des séquelles, cela peut être très exigeant pour les proches. On peut imaginer que le manque d'énergie et les sautes d'humeur peuvent rapidement être associés à un « manque de volonté » pour les proches. On peut aussi observer des situations de séparation ou de divorce avec

un conjoint ou des arni(e)s. Dans le cas où les séquelles sont lourdes, la famille n'est souvent pas formée ni organisée pour prendre en charge une personne qui demande une surveillance constante en raison d'une mémoire qui a été gravement affectée.

L'insécurité de vivre en couple est un autre stress, car le TCC rend les «personnes

atteintes » dépendantes. Elles perdent une certaine autonomie et vivent dans l'insécurité que leur conjoint(e) ne puisse plus supporter les contraintes de cette

nouvelle situation et les quitte à tout moment. Les personnes ayant souffert d'un TCC et les personnes qui les entourent, que ce soit le conjoint ou la conjointe, la

famille immédiate, les amis et les intervenants sociaux ou médicaux doivent prendre

en compte ce que peuvent vivre ces personnes au moment de leur retour à une vie

normale.

Suite à l'accident, des problèmes au niveau institutionnel, dont le manque de services

et les difficultés à être indemnisé, viennent s'ajouter à la vie difficile des personnes

vivant avec un TCC4. Pour obtenir gain de cause face à leur situation en regard des programmes institutionnels d'aide ce1taines personnes devront se battre énormément.

Cela dit, des organismes contribuent au processus de retour à la vie normale

Par exemple, la situation de handicap est plus contraignante si l'on a seulement l'accessibilité à la solidarité sociale pour crainte sévère à J'emploi comparativement à un individu qui sera

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(ex. : association pour les TCC), car ils accompagneront la personne atteinte du TCC leur permettant de faire graduellement face aux différents obstacles rencontrés.

Des politiques gouvernementales subviennent à certains besoins de base, mais elles empêchent aussi l'émancipation des personnes atteintes d'un TCC5. L'autre aspect

important est l'iniquité des indemnisations que reçoivent certaines personnes atteintes d'un TCC provenant d'un accident s'étant produit lors d'une activité de loisir ou sportive.

Question 3 : Comment les personnes ayant survécu à un TCC agissent-elles face à

leur situation de handicap?

La troisième question consiste à observer comment les participants de la recherche ont tenté de faire face aux différents obstacles imposés par les facteurs personnels et les facteurs environnementaux. Lors du retour graduel dans le monde post-liminal, les personnes devront composer avec l'obligation d'essayer de vivre une vie normale malgré les nouvelles limitations. La manière d'agir évoluera certes à travers le temps et il est difficile de prévoir avec certitude les formes qui seront mobilisées en lien avec un handicap donné.

Dans une situation de handicap similaire, deux personnes ayant survécu à un TCC n'agiront pas de la même manière face à la limitation. On peut supposer que plus les facteurs personnels et les facteurs environnementaux sont imposants plus il y a de risques que la personne soit paralysée. Par exemple, il sera intéressant d'observer comment le type d'indemnisation peut influencer la façon d'agir. Mais, ceci ne

Un exemple est les personnes handicapées recevant une solidarité sociale de contraintes sévères à J'emploi.

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signifie pas pour autant qu'une personne peut réussir, à travers le temps, à trouver le bonheur en voyant le bon côté que la vie peut lui apporter même si elle se retrouve en marge de la société et pas totalement sortie du monde liminal.

En croisantces trois niveaux d'informations, nous verrons ce qui favorise ou freine un retour à la vie normale. Nous réfléchirons ces questions à partir du point de vue des acteurs sur leur propre capacité d'agir.

1.3 Retombées de la recherche

Ma conjointe a été victime d'un TCC et je l'accompagne dans son retour à la vie normale. Même si son accident s'est produit en 2004, il y a encore du chemin à faire pour que l'on puisse juger qu'elle a retrouvé une « vie normale ». Ne pas avoir fait le deuil de ce qu'elle était avant est probablement l'un des plus gros obstacles à franchir. Vivant moi-même l'expérience d'être une personne proche d'une victime de TCC, je tente de sensibiliser un grand nombre de personnes à cette problématique et je suis toujours étonné du peu de connaissances partagées sur le sujet.

Au Québec, le système de santé et différents orgamsmes viennent en aide aux personnes atteintes d'un TCC. Mais, être sensibilisés à leurs difficultés permettrait probablement une approche plus « empathique » de leur situation. Comme chaque TCC est unique, cette recherche nous donnera des connaissances précises des

différentes expériences de vie des personnes atteintes d'un TCC.

La sociologie s'est rarement penchée sur le phénomène des personnes atteintes d'un traumatisme crânien bien qu'il y a toute une littérature autour du handicap et de la

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recherche est de mieux saisir cette réalité complexe. Malgré 1' ampleur de la problématique et les recherches effectuées, on constate que la population connait peu le phénomène des TCC. C'est une des raisons qui me pousse à non seulement faire cette recherche, mais à tenter de rejoindre un cercle plus large que les personnes directement impliquées dans la réalité des TCC.

1.4 Entretiens avec des personnes ayant survécu à un TCC

Pour être sensibilisé aux expériences de vie des personnes vivant avec les séquelles d'un TCC. Nous avons rencontré des personnes ayant survécu à un TCC afin de récolter l'information sur leur parcours de vie. L'entretien semi-dirigé semblait être l'approche la plus adaptée à notre recherche. Pour rencontrer les participants potentiels, j'ai fait le choix de participer à des activités où des personnes atteintes d'un TCC se rencontrent. Le but était de participer à l'une de leurs activités et de les sensibiliser aux retombées de la recherche pour ensuite leur demander s'ils accepteraient de pmticiper à un entretien. Ayant déjà préalablement fait connaissance avec de nombreux candidats potentiels, je minimisais les chances d'être perçu comme un étranger.

Les entretiens ont permis d'explorer leurs expériences à travers l'évènement qui a bouleversé leur vie : le TCC. De l'accident à la sortie du coma à l'hôpital, à travers la guérison et la réhabilitation et finalement au moment de la tentative de retour dans le rythme ordinaire de la vie, chacun des patticipants ont des expériences variées face aux obstacles qu'ils ont affrontés et qu'ils doivent toujours surmonter. Le TCC étant un sujet peu exploré dans l'univers de la recherche sociologique, cela nous a permis d'observer comment les personnes tentent d'agir pour se sortir d'une situation de

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handicap imposée par les nouvelles limitations résultant des séquelles ainsi que des différentes restrictions présentent dans la société.

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CHAPITRE II

LE TRAUMATISME CRÂNIEN : DÉMYSTIFIER L'ÉPIDÉMIE SILENCIEUSE

La première partie de ce chapitre contient essentiellement une recension des écrits portant sur le phénomène du traumatisme crânien, la ou les définitions, ainsi qu'un survol historique. Pour donner un aperçu épidémiologique du TCC, des statistiques du Québec, du Canada ainsi que des États-Unis seront utilisées. De plus, ce chapitre présentera certaines notions essentielles entourant le TCC dont les types de séquelles (ex. : physiologiques et psychologiques) et les différents niveaux de gravité (léger, modéré et sévère). Finalement, survivre à un TCC implique un processus de retour vers la vie normale contenant trois stades distincts débutant lors de la guérison dans le milieu hospitalier suivi d'une période de réadaptation et se terminant lors des moments de réintégration de la société.

La deuxième partie de ce chapitre aborde le concept de handicap, le thème central de cette recherche, une conséquence directe du TCC. De plus, on discutera brièvement la différence entre le handicap visible et invisible. La notion de handicap étant multiple, une définition incluant un aspect qui dépasse l'approche biomédicale sera utilisée; l'environnement dans lequel la personne vit aura un impact aussi important que les séquelles physiologiques. Pour ce faire, nous utiliserons la notion de Processus de production du handicap, c'est Je concept le plus pertinent et qui parle le mieux de la situation d'une personne vivant avec les conséquences d'un TCC. La situation de handicap sera la résultante de 1' interaction entre les facteurs personnels, les facteurs environnementaux et les habitudes de vie.

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2.1 Le traumatisme crânien

2.1.1 Définition et données concernant le TCC

Le TCC peut prendre des formes variées dépendamment du type d'accident auquel il est associé. Selon Gervais et Dubé (1999) un traumatisme crânien peut se définir ainsi (Gervais et Du bé, 1999) :

Le traumatisme craniocérébral [TCC) représente une atteinte cérébrale,

excluant toute étiologie dégénérative ou congénitale, causée par une force physique extérieure susceptible de déclencher une diminution ou une altération de l'état de conscience avec la perturbation des fonctions cogmt1ves assoc1ees ou non à une dysfonction physique; des modifications du comportement et de l'état émotionnel peuvent également être observées. L'incapacité qui résulte du traumatisme est soit temporaire, soit permanente avec des limitations physiques, neuropsychologiques ou psychosociales partielles ou totales.

Tout comme les accidents qui présentent des niveaux de gravité différents, les types de TCC varient entre un léger coup à la tête provoquant peu ou pas de séquelles, un stade de coma ou encore la mort dans certains cas. Pour prendre la mesure de 1' importance de la fréquence des TCC, attardons-nous à certaines données dont celle du Canada, du Québec et des États-Unis.

Au Québec, il y a environ 13 000 personnes par année qui subissent un TCC (Gadoury, 1999). La première cause est reliée aux accidents de la route qui comptent pour 40% à 50% des TCC (Dumont, 2003). Les chutes sont la cause de 30% des TCC, les accidents du travail et les accidents dans les activités sportives et de loisirs

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correspondent à 10% chacun et, finalement, les agressions physiques comptent pour 5 % des TCC6.

Au Canada7, 85 % des TCC sont de type léger tandis que 15 % sont modérés et

graves. Chaque année, 600 personnes sur 100 000 sont victimes d'un TCC léger et 11 d'un TCC grave. Chaque jour, 465 personnes seront victimes d'un TCC, ce qui équivaut à une personne toutes les 3 minutes ou à environ 170 000 personnes par années8. De plus, le TCC cause la mort de 11 000 personnes par année et plus de

6 000 personnes seront invalides de façon permanente9. La personne type est un jeune homme âgé entre 15 et 24 ans ayant un accident de la route. Les plus jeunes et les personnes âgées sont davantage victimes de TCC reliés à des chutes.

Aux États-Unis10, il y a en moyenne 1,7 million de TCC par année. 52,000 de ces

personnes en décèdent, 275,000 sont hospitalisées et 1,365 million sont traitées en urgence puis renvoyées à la maison. Les TCC comptent pour 30,5 % des cas de morbidité reliés aux accidents. 75 % sont considérés comme des commotions cérébrales ou des « mild traumatic brain injuries » (TCC léger). Les coûts médicaux directs et indirects s'élèvent à 60 milliards de dollars pour l'an 2000 seulement. Contrairement au Canada et au Québec 11, les chutes représentent la grande

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Il

Selon les statistiques du Regroupement des associations de personnes traumatisées craniocérébrales du Québec(« RAPTCCQ »Le TCC, c'est quoi?», 2015): http://www .raptccg .com/fr/raptccg!le-tcc-cest -quoi .html

L'information provient de l'Institut canadien de l'information sur la santé qui était présentée sur le site Web de lnfo TCC ( « Statistiques sur les personnes ayant un TCC 1 INFO-TCC », 20 15) conçu par Hélène Lefebvre: http://www.repar.veille.qc.ca/info-tcc/Statistiques-sur-les-personnes Statistiques provenant de Brain ln jury Association of Waterloo-Wellington :

http://www.biaww.com/stats.html.

Ibid.

Statistique provenant du site Web de la CDC aux États-Unis (AVERAGE, s. d.): http://www.cdc.gov/traumaticbraininjury/pdf/BiueBook_factsheet-a.pdf.

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proportion des TCC avec 35,2 %, les accidents de la route 17,3 %. Un demi-million de visites à l'urgence pour des TCC impliquent des enfants âgés de 0 et 14 ans.

Comme nous pouvons l'observer, le TCC est l'une des causes majeures de décès et d'infirmités. Il cause Je plus grand nombre de décès pour les moins de 45 ans en plus de créer la plus grande cause d'infirmité pour les moins de 44 ans. Pour les moins de 20 ans, le TCC causera plus de décès que toutes les autres causes combinées12!

Le TCC existe depuis toujours, mais la reconnaissance de ce phénomène ne remonte pas à très loin dans Je temps (Winslade, 1999). Avant les années 1900, de graves accidents à la tête causaient la mort chez de très nombreuses personnes touchées, car il n'existait pas vraiment de procédures médicales d'urgence appropriées pouvant permettre la réhabilitation des personnes atteintes d'un traumatisme crânien (Jablon et Walker, 1961). L'intérêt envers le traitement des TCC a alors été influencé par divers accidents qui ont soulevé la curiosité de plusieurs médecins13.

La Première Guerre mondiale a amené une augmentation marquée du nombre de personnes atteintes d'un traumatisme crânien, car l'utilisation de nouvelles armes plus destructrices pouvait blesser un plus grand nombre de soldats et de civils (Hayward, 2008). Durant la Première Guerre mondiale, les nouvelles découvettes associées à la neurotraumatologie ont mené à 1' augmentation du nombre de

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Statistiques provenant de Brain ln jury Association of Waterloo-Wellington ( « Stars» 2015):

http://www .biaww .com/stats.html.

Phineas Gage a eu la tête transpercée par une rode de métal lors d'une explosion dans la construction ferroviaire. Elle entra par l'œil gauche pour sortir par le dessus du crâne. Phineas avait même réussi à rester éveillé jusqu'à l'endroit où il avait reçu les premiers soins. Les

complications secondaires ont suivi, mais il a tout de même survécu et même récupéré pour être autonome. Ce qui a frappé le monde scientifique fut sans contredit sa survie à l'évènement, mais surtout son changement de personnalité qui a suivi l'accident. Quelques recherches ont été faites

sur son sujet. Le cas de Phineas Gage est toujours d'actualité. (Wagar et Thagard, 2004;

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personnes blessées à la tête qui ont survécu (Hart et Sander, 2005). De plus, cette période a vu naître les premiers programmes de réhabilitation reliés spécifiquement

aux traumatismes crâniens 14. Une particularité de ces programmes était de mettre l'emphase sur I'employabilité des personnes victimes du TCC, car les soldats atteints étaient très majoritairement des jeunes pouvant potentiellement travailler durant de nombreuses années (Hart et Sander, 2005).

La Deuxième Guerre mondiale a fait émerger de nombreux programmes dans les pays qui avaient tardé à développer des structures concrètes permettant d'aider et

d'accueillir les personnes atteintes d'un TCC. Les recherches sur le sujet prenaient de plus en plus d'importance tout en s'inspirant de ce qui avait été fait par l'Allemagne depuis la Première Guerre mondiale (Hart et Sander, 2005). Les programmes de réhabilitation se sont développés en équipes multidisciplinaires où psychologues, spécialistes du langage, médecins, etc. avaient un rôle à jouer dans Je processus de

réhabilitation. Cela a permis J'éclosion de nombreux centres de réhabilitation qui

allaient aussi s'occuper de personnes aux prises avec différents types de déficiences.

À partir des années 1970, les circonstances d'apparition des TCC se sont

transformées avec le développement du secteur de J'automobile et l'arrivée d'un grand nombre de voitures plus performantes et des autoroutes à grandes vitesses15. L'alcool au volant, la vitesse excessive et Je manque de sécurité des véhicules causaient une part importante du nombre de décès par accident et de TCC (Sander et

Hart, 2005). Cette période marqua l'apparition de technologies qui allaient

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Selon High et al. (2005), des programmes de réhabilitation pour diverses blessures physiques étaient présents dans de nombreux pays, mais l'Allemagne et l'Autriche sont ceux qui ont clairement affiché un programme qui prenait en charge les personnes victimes d'un traumatisme craniocérébral.

En effet, depuis le début des années 70, un grand nombre de mesures ont été graduellement adoptées pour réduire le nombre d'accidents sur les routes. Le port de la ceinture, les limites d'alcool ainsi que les différentes zones de vitesse en sont quelques exemples.

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grandement faire progresser les recherches sur la complexité des TCC. Le scanographe ams1 que l'imagerie par résonance magnétique (IRM) sont devenus indispensables pour observer les séquelles physiologiques d'un TCC. Cela a permis la création de différentes banques de données et de classifications 16 hiérarchisant la sévérité des TCC selon l'échelle de coma de Glasgow (Teasdale et Jennett, 1974). Il y a maintenant un consensus autour de trois types de TCC : léger, modéré et grave.

Depuis les 10 dernières années, les coups à la tête dans le monde sportif ont été un sujet de préoccupation en regard des TCC. Le nombre élevé de coups à la tête entrainant des TCC légers (appelés «commotions cérébrales») a secoué le milieu des sports de contact tels le football, le hockey, la boxe, etc. Des recherches associent le traumatisme crânien à des problématiques se développent (Chermann, 2014) ainsi que l'augmentation du risque plus élevé d'être atteint de la maladie d'Alzheimer ou d'une forme de démence (Bigler, Weiner, et Lipton, 2009; Fleminger, 2008; De Jouvence! et al., 2008). Un reportage télévisé analysait l'ampleur de cette problématique dans Je football amateur au niveau des écoles secondaires au Québec où le constat est alarmant ( « Commotions : Jeunes cerveaux en périll Radio-Canada. ca », 2015) : beaucoup de jeunes étaient à risque d'avoir une commotion cérébrale et mettaient leur vie en jeu 17. Dans les sports de niveau professionnel, certains joueurs ont été forcés de prendre une retraite anticipée, car les séquelles résultant du cumul de TCC légers étaient trop importantes. En 2013, la National Football League (NFL) a été poursuivie par d'anciens joueurs pour des dommages

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Par exemple, 1' AIS est un système (maintes fois amélioré depuis sa création en 1971 et révisé en 1990) qui a compilé 1200 lésions traumatiques toutes associées à une région anatomique; et chacune de celles-ci a été reliée à un score de gravité de 1 (mineur) à 6 (fatal). (Cohadon et

Castel, 2008).

Suite à ce reportage (fin janvier 2014), la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport de la

province du Québec a décidé de créer un groupe de travail pour étudier pendant une période de

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causés par les TCC légers 18. Dans la foulée, 200 joueurs de hockey à la retraite ont

poursuivi la National Hockey League (NHL) pour les mêmes raisons (le litige est tou jours en cours) 19• Dans le milieu de la boxe, les commotions cérébrales chroniques peuvent se retrouver chez 20% des boxeurs et ainsi progressivement évoluer vers un stade avancé de démence ou de la maladie d'Alzheimer (Jordan, 2000). Cette médiatisation de la problématique des TCC aide grandement à

sensibiliser la population : plus de gens prennent conscience que le cerveau est un organe fragile et que des séquelles « illvisibles » peuvent entraver une vie.

Quant à la mesure de la gravité du TCC, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS, 1999) s'appuie sur l'échelle de coma de Glasgow (ECG). En ce sens, le TCC léger correspond à une altération de l'état de conscience d'une durée de quelques minutes à 30 minutes. La mesure de l'ECG, prise à l'urgence ou à moins de 30 minutes suivant le TCC, se situe entre 13 et 15; dans ce cas l'individu aura une amnésie post-traumatique d'une durée de 0 à un maximum de 10 minutes. Le TCC modéré est associé à une perte de conscience qui s'échelonne sur une période de 30 minutes à 6 heures et ne dépassant pas 24 heures; la mesure de 1 'ECG est entre 9 et 12. L'amnésie post-traumatique du TCC modéré se situe entre 1 et 14 jours. Le TCC grave renvoie à une altération de la conscience qui est majoritairement au-dessus de 24 heures et obligatoirement plus de 6 heures. La mesure de l'ECG sera de 8 ou moins et l'amnésie post-traumatique durera sur une période s'échelonnant sur plusieurs semaines.

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En effet, 4500 ex-athlètes blâment la NFL de ne pas les avoirs informer des conséquences à long terme des TCC légers et plusieurs ont eu des problèmes de démences, de dépression,

d'Alzheimer, etc. Vers la fin août 2013, la NFL s'est entendue avec les joueurs contestataires pour une somme de 765 mjllions de dollars de dédommagement reconnaissant le fondement des accusations(« NFL, ex-players agree to $765M seulement in concussions suit», 2015).

Voir site le site internet pour plus d'information(« NHL concussion lawsuit grows to over 200 players: lawyers-NHL on CBC Sports-Hockey news, opinion, scores, stats, standings », 20 15) http://www.cbc.ca/sports/hockey/nhllnhl-concussion-lawsuit-grows-to-over-200-player s-lawyers-1.2443059.

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2.1.2 Le retour à la vie normale

Le traumatisme craniocérébral nécessite un long processus de réhabilitation. Au Québec, les Centres de réadaptation en déficience physique (CRDP), appuyés par des équipes multidisciplinaires (ergothérapeute, médecin, psychiatre, etc.) travaillant en synergie avec les services médico-sociaux, prennent en charge les personnes atteintes d'un TCC. Ils proposent une aide visant à réintégrer leur milieu familial et de travail ainsi que la communauté. Dépendamment des séquelles que présente le sujet, Je CRDP mobilise divers spécialistes permettant de répondre à différents besoins tels la déficience du langage, la déficience motrice, etc?0. La perte de son identité est un aspect important chez les personnes ayant survécu à un TCC (Segal, 20 10; Krefting, 1989). La variabilité du temps de guérison et la diversité des séquelles chez les individus auront un impact important sur la réintégration au marché du travail (Colantonio et al., 2004).

Suite à l'accident, la personne devra traverser trois phases distinctes avant de réintégrer pleinement la société. La première phase débute dans le centre hospitalier et est associée aux premiers soins médicaux reliés aux séquelles découlant du TCC (Dumont, 2003). La deuxième phase est reliée à la phase de réadaptation et l'objectif est de diminuer les incapacités ainsi que la compensation des séquelles résultantes (Dumont, 2003). Finalement, la troisième phase peut être associée à celle de la réintégration en société où de nombreuses institutions ainsi que des organismes communautaires offrent divers services aux personnes vivant avec les contraintes

20 Les informations sont disponibles sur le site internet(« Accueil-Le CRDP Bouclier» 2015): http://www.bouclier.gc.ca/.

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apportées par un TCC à long terme21 [retour au travail, conduite automobile, éducation scolaire, etc. (Dumont, 2003)].

Les séquelles résultant des TCC peuvent apparaitre au niveau physiologique, cognitif et comportemental (Lefebvre et Pelchat, 2005). Un aspect important est la variabilité des séquelles : chaque TCC est différent et il est souvent difficile de prévoir le temps de récupération; certaines personnes auront des séquelles permanentes tandis que d'autres récupéreront plus rapidement et seront plus fonctionnelles socialement22. Plus le TCC est sévère, plus les séquelles seront importantes23.

De nombreuses recherches s'intéressent aux séquelles physiologiques et

psychologiques apparaissant suite à un traumatisme crânien (Azouvi, 2009; Cohadon et Castel, 2008; Flerninger, 2008; Lefebvre et Pelchat, 2005; Colantonio et al., 2004; Arciniegas, Topkoff, et Silver, 2000). On y décrit les déficiences de différents systèmes de la personne (épilepsie, déficiences sensorielles, douleurs chroniques, etc.), des déficiences motrices, des incapacités reliées aux fonctions cognitives ainsi que des troubles comportementaux (Dumont, 2003). D'autres recherches examinent davantage l'importance des différentes étapes des soins médicaux nécessaires suite au TCC et d'autres s'intéressent aux questions de l'adaptation et de la réadaptation des personnes ayant un TCC24.

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Le Centre de réadaptation le Bouclier offre des services spécifiques aux personnes ayant subi un TCC («Réadaptation -traumatologie-Le CRDP Bouclier», 20 15). Voir :

http://www.bouclier.qc.ca/servicesprogrammes/Pages/DM_readaptation_trauma.aspx Ceux qui réussissent à sortir du coma comparativement à ceux qui resteront dans un état végétatif peuvent être un bon exemple.

La mort étant souvent une des finalités d'un TCC grave ...

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Par méconnaissance, peu s'attendent à des complications associées au traumatisme crânien. La personne, en se réveillant du stade comatique, ne se souvient plus de ce qui lui est arrivé et se demande pourquoi elle se retrouve couchée dans un lit d'hôpital (Lefebvre et Pelchat, 2005). De simples choses qu'elle pouvait faire auparavant, elle ne peut plus les faire; tout semble plus compliqué (Blaise, 1997). Il est difficile de prévoir si la personne qui a subi le TCC aura ou non des séquelles graves et ceci affecte tous les acteurs interpellés par 1 'évènement; les médecins ne pouvant pas donner de diagnostic clair sur l'avenir de la personne (Lefebvre et Pelchat, 2005).

Certaines recherches démontrent qu'une des expériences marquantes des personnes souffrant d'un TCC et de leur famille est le «deuil », car cette personne ne sera plus comme «auparavant» (Jumisko, 2005; Lefebvre et Pelchat, 2005; Nochi, 1998; Crisp, 1993). Selon certains récits, la perte du « sens de soi » est l'une des expériences importantes des personnes atteintes d'un TCC (Lefebvre et Pelchat, 2005; Nochi, 1998). De plus, l'individu devra faire une reconstruction d'une nouvelle identité (Gelech et Desjardins, 2010). «Beaucoup de sujets mentionnent qu'il est difficile de se refaire une vie, de nouveaux amis, de revenir vivre chez leurs parents, de voir leur vie professionnelle changée ou inexistante, leur vie sexuelle modifiée, leur humeur fluctuante, une mémoire qui n'est pas toujours fiable et une capacité de concentration limitée (Côté et al., 1989) ». De plus, pour bon nombre de ces personnes, il est difficile de fonctionner normalement dans une société où la productivité, la performance, etc., sont des valeurs dominantes; être productif après avoir survécu à un TCC n'est pas aisé (Dawson et al., 2007).

Le retour à la vie normale suite à un TCC peut souvent être associé à la gravité de celui-ci et s'avère être un long processus ( Colantonio et al., 2004; Ponsford, Olver, et Curran, 1995; Annoni, Beer, et Kesselring, 1992) et un moment difficile pour

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l'individu qui en est victime et ses proches (Crête, 2009; Lefebvre et Pelchat, 2005; Jumisko, 2005). La dépression est une complication qui apparaît souvent et elle peut grandement nuire à un retour vers une vie normale ( Seel et al., 2003; Kreutzer, 2001; Paul et al., 1992). Les changements neurologiques qui ont affecté le cerveau peuvent en être la cause (Jorge et al., 2004; Paul et al., 1992). Certains chercheurs affirment que les facteurs psychosociaux (ex. : contacts limités avec les autres, la solitude, etc.) peuvent aussi être considérés comme une des causes majeures nuisant à un retour à une vie normale (Draper, Ponsford, et Schonberger, 2007; Dan Hoofien, 2001; Morton et Wehman, 1995). De plus, les proches et les proches-aidants peuvent aussi être victimes de dépression entourant les changements qu'apporte le TCC (Jumisko, 2005; Lefebvre et Pelchat, 2005; Marsh et al., 1998; Florian et Katz,

1991).

2.2 Le handicap : une notion phare

Le handicap est le thème central dans notre recherche. Il qualifie la situation dans laquelle une personne peut potentiellement se retrouver à la suite d'un traumatisme crânien. Pour retrouver une vie normale, les personnes vivant avec les séquelles d'un TCC tenteront de surmonter leur situation de handicap. Peu de recherches sociologiques ont directement porté sur les TCC, mais celles traitant des limitations du corps sont nombreuses. La notion de handicap a été abondamment discutée au cours des 30 dernières années par des sociologues provenant d'Europe et d'Amérique (Albrecht, Seelman, et Bury, 2001).

Le terme « handicap » est vague et doit être circonscrit au regard de notre objet d'étude. Plus couramment associée à la déficience, l'incapacité ou l'infirmité, la notion de handicap a été utilisée principalement dans le cadre d'une approche

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biomédicale réduisant la personne à sa pathologie. La « Loi pour améliorer J'état des personnes handicapées », adoptée au Québec en 1978, a défini une personne handicapée comme étant « Toute personne limitée dans 1 'accomplissement d'activités normales et qui, de façon significative et persistante, est atteinte d'une déficience physique ou mentale ou qui utilise régulièrement une orthèse, une prothèse ou tout autre moyen pour pallier son handicap » (Office des personnes handicapées du Québec, 1984).

Avant les années 1990, les recherches sur le concept du handicap étaient principalement reliées aux problématiques de l'intégration ou du rôle social de l'individu vivant avec un handicap, mais ces recherches empruntaient le modèle biomédical et négligeaient alors les contextes de vie dans lesquels Je handicap évolue (Fougeyrollas et Roy, 1996).

Après les années 1990, des recherches se sont davantage intéressées aux dimensions sociales de l'intégration sociale ou de la marginalisation vécue par la personne touchée (Fougeyrollas et Roy, 1996). Depuis plus de 30 ans, le Québec a été un chef de file dans l'élaboration d'une approche plus globale de la problématique du handicap s'éloignant de 1' approche de « cause à effet » du paradigme biomédical (Fougeyrollas, 2002). De fait, au Québec des chercheurs se sont démarqués en proposant une définition du handicap qui prenait en compte les facteurs environnementaux auxquels la personne peut être confrontée; J'emphase n'est pas placée entièrement sur l'individu et sur sa déficience. Le modèle du «Processus de production du handicap » (PPH), proposé par Fougeyrollas, est incorporé dans l'analyse du concept du handicap. Ce modèle systémique s'intéresse à la qualité de la patticipation sociale de la personne en utilisant les variables individuelles et environnementales en interaction (Fougeyrollas et al., 2008). Le problème n'est plus entièrement centré sur 1' aspect pathologique, mais sur la façon dont la société

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cherche à inclure les personnes vivant une situation de handicap. On peut associer cette réflexion à celle de « 1 'égalité des chances » permettant aux personnes vivant avec une déficience de se développer pleinement en tant qu'individu25. Selon le modèle du PPH, une personne est soit en situation de participation sociale ou en situation de handicap (Fougeyrollas et al., 1998). «La personne n'est pas le handicap. Le handicap c'est la difficulté de faire ce que l'on veut et cela change selon notre environnement. Le handicap c'est quand mon environnement ne respecte pas mes différences pour éduquer mes enfants, étudier, travailler, aller au spectacle » (Fougeyrollas et al., 2008).

Le handicap visible peut se définir comme toute déficience physiologique apparente dont une paralysie, des problèmes d'élocutions, etc. Le handicap invisible est plus difficile à identifier pour les autres et la personne elle-même (Azouvi, 2009), car il est associé aux séquelles . cognitives, psychoaffectives et comportementales (Croisiaux, 2005). Tout comme le handicap visible (par exemple, la personne en fauteuil roulant dont les déplacements sont limités) l'individu vivant avec un handicap invisible aura comme conséquence une réduction de ses activités quotidiennes.

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La personne qui présente un handicap invisible a donc souvent, dans un premier temps, une apparence «normale » laissant penser qu'elle n'a gardé aucune séquelle de son accident. Or, même si on ne le voit pas au premier abord, ces séquelles invisibles se révèlent, à terme, lourdes de conséquences dans la vie quotidienne de la personne et de son entourage, entravant la bonne réalisation des habitudes de vie. (Croisiaux, 2005, p. 3).

Message de Patrick Fougyrollas présentant Je RIPPG («À Propos de nous 1 Réseau international

sur le Processus de production du handicap», 201 5) site Web: http://www.ripph.gc.ca/a-propos -de-nous.

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Les différentes incapacités que l'on peut associer aux séquelles que le TCC peut produire en liaison avec le handicap invisible sont multiples et il serait pertinent d'en avoir un portrait global. Il y a trois groupes d'incapacités reliés au handicap invisible (Croisiaux, 2005) : 1) les séquelles cognitives, 2) les séquelles comportementales et/ou psycho affective ainsi que 3) 1' agnosie et la fatigue.

Un certain nombre de difficultés peuvent être associées aux séquelles cognitives qui nuiront au bon fonctionnement de la personne dans sa vie quotidienne (Dikmen et

al., 2009). Une personne qui aura des troubles de mémoire et d'apprentissage peut, par exemple, oublier ses rendez-vous (Mazaux et al., 1997). Avoir des difficultés d'attention ou à se concentrer peut amener la personne à se fatiguer rapidement (Cantor et al., 2008) et à vivre des difficultés à faire deux tâches en même temps. La vitesse et le traitement de 1 'information peuvent aussi être affectés; la personne vivant avec un TCC réfléchira et analysera plus lentement et elle sera en décalage par rapport aux autres (Dumont, 2003). On peut observer des troubles d'orientation spatiale et temporelle, de la difficulté à raisonner et à prendre des décisions, ainsi que des troubles d'organisation et de planification (Dikmen et al., 2009). De plus, la personne peut avoir du mal à s'adapter aux changements et, finalement, elle peut être plus passive et peu motivée (Sherer et al., 1998).

Pour ce qui est des séquelles comportementales et/ou psychoaffectives, la personne vivant avec un TCC peut être en situation de manque de contrôle de soi comme avoir un comportement trop démonstratif, un manque de retenue, etc. (Oppenheim-Gluckman et al., 2003). Il y a aussi un risque d'inhibition qui peut se traduire par une apathie et un manque d'initiative; la personne ne prend plus de responsabilités et/ou est désintéressée pour elle-même et pour les autres (Dumont, 2003). De plus, les séquelles psychoaffectives peuvent affecter la personne à plusieurs niveaux : indifférence, passer du rire aux larmes en quelques minutes, anxiété ou angoisse pour

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des situations anodines, découragement, réalisation de ce qm a été perdu, phases dépressives, perte de confiance en soi, etc. (Croisiaux, 2005). Finalement,

l'anosognosie amènera la personne vivant avec le TCC à être inconsciente face à ses difficultés ou à leurs conséquences dans la vie quotidienne (Azouvi, 2009) et la

fatigue nuira à son bon fonctionnement dans ses activités de tous les jours (Belmont

et al., 2006). Ainsi, il peut être très difficile d'associer certaines de ces déficiences invisibles à un individu qui a subi un TCC. De plus, même la personne atteinte du TCC risque de ne pas réaliser que certains changements sont associés aux séquelles de l'accident26.

2.2.1 Le Processus de production du handicap (PPH)

Pour saisir la situation des personnes ayant survécu à un TCC, nous allons mobiliser 1' approche du Processus de production du handicap (PPH) proposée par Fougeyrollas

( 1998). Le traumatisme crânien n'est pas un handicap en soi, il en est plutôt la cause.

Le TCC est l'accident qui laissera des séquelles qui amèneront la situation de handicap. Étant complexe et varié, le TCC crée des situations différentes de handicap. Dans ce sens, le PPH est un outil intéressant pour saisir les nuances.

La classification québécoise, définie dans le Processus de production du handicap

(PPH), vise à créer un modèle pouvant s'appliquer aux diverses situations

(Fougeyrollas et al., 1998). Il s'agit d'un modèle du développement humain basé sur l'interaction entre des éléments intrinsèques (les facteurs personnels) et des éléments extrinsèques (les facteurs environnementaux) qui auront des impacts sur les

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Les autres auront probablement encore plus de difficultés à associer entièrement les déficiences au TCC, car la personne est en apparence« normale» et certaines penseront« on ne peut pas toute mettre la faute sur le TCC! »Surtout si la personne avant l'accident avait déjà quelques comportements considérés «anormaux ».

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habitudes de vie des personnes et varieront en regard de l'âge, du sexe et de l'identité socioculturelle de la personne (Fougeyrollas, J 990). «Cette perspective théorique universelle est également déstigmatisante et dénonce les approches dichotomiques séparant les personnes dites "handicapées" des personnes "valides" ou "normales" (Fougeyrollas et al., 1998) ». Nous pouvons observer le modèle global du Processus de production du handicap qui met en tension des causes et des conséquences liées à des maladies, des traumatismes et d'autres atteintes à J'intégrité ou au développement de la personne (Fougeyrollas et al., 1998). L'utilisation de ce modèle permet de «faire une évaluation, un profil, un portait d'une personne ou d'une population à un moment spécifique » (Fougeyrollas et al., J 998).

Cause

Fac:tnn peniiDIII

Syslè1110s Aptitudes orcalli••s

Intégrité+-+ Défu:ionce Capacité +-+ Incapacité F ocilitateur +-+ Obstacle

Habitudes de vie

Participation sociale+-+ Situation de handicap

Source: Modèle du PPH (Fougeyrollas et al., 1998)

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Ce modèle que nous résumons dans la figure précédente est très intéressant en ce qu'il permet d'analyser les situations dans lesquelles peut se retrouver une personne atteinte d'un TCC, tout particulièrement face aux déficiences invisibles27. Comme

chaque situation de TCC est complexe et peut entrainer de nombreuses situations de handicaps, le modèle du PPH donne un bon aperçu de la situation de handicap de la personne atteinte d'un TCC. Ce modèle aide à bien identifier les différentes variables (déficiences, facteurs sociaux, etc.) et permet d'observer l'évolution des habitudes de vie à travers le temps et, particulièrement, lors d'un processus du retour à la vie normale. li permet aussi de saisir l'évolution et le cheminement d'une personne au moment de son retour à la vie normale, un an après avoir vécu un TCC, puis deux, cinq ou dix ans plus tard. Ce modèle peut ressembler à une photo que l'on peut comparer, par exemple, « avant » et « après » la période de réadaptation (Fougeyrollas, 2010).

L'interaction

Le modèle du PPH se veut une version plus élaborée du modèle du développement humain (Fougeyrollas et al., 1998) qui tient compte des différences liées aux facteurs personnels, environnementaux et aux habitudes de vie. Selon Fougeyrollas, « suivant le modèle du PPH, une personne vit une situation de handicap, qui est synonyme d'une restriction à la participation sociale, lorsqu'elle ne peut pleinement réaliser les habitudes de vie qu'elle souhaiterait réaliser» (Fougeyrollas et al., 1998).

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Il est important de noter qu'en 2010, Fougeyrollas a présenté un modèle du PPH bonifié qui est

plus précis et plus complexe(« Le MDH-PPH 1 Réseau international sur le Processus de

production du handicap», 20 15). Nous avons décidé d'utiliser le modèle de 1998, car le but est

de faire un survol sur les interactions entre les différentes sphères (facteurs personnels, facteurs

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Les facteurs personnels

Les facteurs personnels tiennent compte des conditions organiques et des aptitudes de la personne. Le « système organique », défini comme « un ensemble de composantes corporelles visant une fonction commune » (Fougeyrollas et al. 1998), peut être présenté sur une échelle qui varie de la déficience complète à l'intégrité (aucune déficience). Quant aux «aptitudes» de la personne, elles sont vues comme . « la possibilité pour une personne d'accomplir une activité physique ou mentale » et elles se mesurent sur une échelle allant d'une incapacité totale à une capacité complète (Fougeyrollas et al., 1998).

Les facteurs environnementaux

Les facteurs environnementaux28 sont associés aux « dimensions sociales ou physiques qui déterminent l'organisation et le contexte d'une société » (Fougeyrollas et al., 1998). Ces facteurs peuvent être mesurés à l'aide d'une échelle oscillant entre un obstacle total et un facilitateur optimal. Par exemple, un obstacle nuisant à la réalisation des habitudes de vie et croisant des facteurs personnels causera une ou des situations de handicap (Fougeyrollas et al., 1998). Contrairement à l'obstacle, le facilitateur supportera la participation sociale et diminuera les effets possibles des incapacités et des déficiences.

28 Les facteurs environnementaux peuvent être divisés en trois catégories : 1) le niveau micro

renvoie à J'environnement immédiat de la personne comme la maison, J'emplacement de travail,

etc.; 2) Je niveau « meso »qui inclut, par exemple, le quartier où habite la personne, l'entreprise où elle travaille, etc.; 3) Je niveau macro qui concerne« les variables qui influencent la

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Références

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