Caractéristiques chimiques du sol sous palmeraie

L

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éla eiculture est très utilisée pour mettre en valeur le Sud forestier ivoirien. Couvrant actuellement une superficie rorale de 200 000 ha, les plan ra rions arborées de palmiers adulres présenrenr des similirudes avec la forêr naturelle [l] en enrrerenanr une couverture permanen-ce du sol. Aussi éraie-il admis que cerce culture modifiait peu l'équilibre du milieu [2, 3], de sorte que le diagnostic foliaire jouair un rôle prédominant dans la gesrion de la fertilisation au détriment du suivi direct de la ferriliré du sol. On a observé le développement de l'érosion en nappe ou le cassement du sol [2, 4], can-dis que la matière organique du sol connaît une moindre accumulation er une minéralisation accélérée sous palme-raie [3], ce qui pose la question de l'équi-libre des propriétés chimiques du sol. Dans la présence érude, on analyse l' érar chimique du sol (matière organique er complexe absorbant) après une période d'exploitation d'une quarantaine d'années (deux cycles culturaux environ), après abattage de la forêr.

L'étude a porré sur le sol de la parcelle E60 du périmètre expérimental de la sra-rion de La Mé (5° 26' larirude nord er 3° 50' longirude ouest) du Département Plantes oléagineuses de l'Insritur des forêts (IDEFOR/DPO), située à une

K. Yeboua, K. Ballo : Service agronomie, IDEFOR/DPO 13, BP 989, Abidjan 13, Côte d'Ivoire.

Tirés à part: K. Yeboua

Note de recherche

Caractéristiques chimiques du sol

sous palmeraie

Kabrah Yeboua, Koffi

Balla

trentaine de kilomètres à l'est d'Abidjan (Côte d'Ivoire). Le climat est de type tropical humide. La pluviométrie annuelle, abondante, rrès irrégulière et à tendance décroissante [5], est de 1 740 mm en moyenne. La répartition mensuelle moyenne révèle un cycle plu-viométrique bimodal avec quatre sai-sons : une grande saison des pluies de mars à juillet, une petite saison sèche en août, une petire saison des pluies de sep-tembre à novembre et une grande saison sèche de décembre à février. L'éva po-transpiration (ETP) mensuelle est com-prise entre 70 et 130 mm. Le bilan cli-matique (pluies-ETP) montre un excès d'eau donc la majeure partie est enregis-trée pendant la grande saison des pluies. La température moyenne mensuelle se situe entre 24 et 28 °C er l'hygrométrie entre 75 et 90 %.

Le sol, dérivé des sables rerriaires, est fer-rallitique er forremenr désaturé. Profond, meuble, sableux en surface er sans élé-ments grossiers, ce sol esr filrranr, léger er perméable à l'eau er à l'air. L'argile de type kaolinire possède une faible capacité d'échange. Sous forêr, les valeurs des caracrérisriques chimiques, relativement élevées dans l'horizon humifère épais de 30 cm environ, diminuent forcement dans la couche sous-jacente (tableau 1).

La ferriliré chimique, physique er biolo-gique du sol, du fair de sa faible reneur en argile, repose sur la matière orga-nique, principal support du complexe absorbant [3].

Les rechniques de préparation du terrain er d'exploitation de la palmeraie influent sur les caracrérisriques du sol. La parcelle

Cahiers Agricultures 2000 ; 9 : 73-6

étudiée, d'une superficie de 4,54 ha, s'érend sur un plareau. Le premier cycle cultural, de 1951 à 1971, a été établi après le défrichement manuel d'une forêr. Après un brûlis léger, les branches et les troncs d'arbres ont été tronçonnés et mis en andain un interligne sur deux. Pour le deuxième cycle cultural, la plan-tation a éré abattue manuellement au début de 1972. Les palmiers ont été andainés mécaniquement sur les anciens andains avant d'être soumis à un brûlis modéré. Dans les deux cas, après l'andai-nage, une légumineuse de couverture

(Pueraria javanica) a été semée pour pré-server le sol du risque d'érosion, d' insola-tion directe er de battance des pluies. Les jeunes palmiers ont été plantés à la densité courante de 143 arbres/ha, à l'ins-tallation de la grande saison des pluies. La plantation a été disposée en triangle équi-latéral avec des écarcs de 7,80 m entre les lignes et de 9 m encre les arbres sur la ligne. L'entretien, manuel, a consisté à sarcler un « rond » au pied de chaque arbre et à contrôler le développement envahissant de la végétation du sous-bois par rabattage à la machette. À partir de crois ans, le palmier est récolté et élagué. Les palmes coupées lors de ces opérations sont entassées dans les interlignes andai-nés.

Les arbres du premier cycle cultural ont reçu, à partir de cinq ans, du chlorure de potassium (KCl) à la dose croissance avec l'âge de 0,8 à 2 kg/arbre/an. Ceux du deuxième cycle cultural, jusqu'à 4 ans, ont bénéficié de l'apport des engrais sui-vants : KCl (de 200 à 800 g/arbre/an) ; sulfate de potassium (K2S04) (de 240 à

Tableau 1

Propriétés physiques et chimiques du sol sous forêt à La Mé (Côte d'Ivoire)

posice est constitué par mélange des qua-rante prélèvements élémentaires effecrués sur les quarre sires. La forêr de référence, originellement ombrophile sempervirente mais as ez secondarisée par l'exploitaàon forestière, occupe sur 7 ha un plareau où le prélèvement de sol a été réalisé comme dans la palmeraie. Couche 0-20 cm Couche 40-60 cm Granulométrie Argile(%) 11,3 19,0 Limon fin (%) 4,0 5,6 Limon grossier (%) 2,2 2,3 Sables fins (%) 20.4 17,5 Sables grossiers (%) 62,1 55,7

Résultats

Matière organique

et conclusion

Carbone total (%) 1,67 0,39 Azote total (%) 0, 14 0,05 C/N 12 11 Complexe absorbant CEC (mEq/100 g) 9,28 5,30 Ca2_{+ (mEq/1 OO g) 3,31 0, 15} Mg2_{+ (mEq/1 OO g) 0,70 0,05} K+ (mEq/1 OO g) 0,09 0,01 SBE (mEq/100 g) 4,09 0,21 SBE/CEC (%) 31 4 Acidité PH 5,0 4,7 A/3_{+ (mEq/100 g) 0,51 1, 17} A/3_{+/(SBE + A/}3_{+) (%) 11 85} P205 (0/sen, Dabin) (ppm) 60 29

SBE : somme des bases échangeables; SBE/CEC : taux de saturation du complexe d'échange en bases; Al3_{•/(SBE + Al}3_{•) : valeur relative de l'aluminium échangeable.}

Les caracrérisriques physiques et chi-miques du sol sous palmeraie sont pr é-senrées au tableau 2. Le eaux d'argile est de 35 % inférieur à celui du sol forestier. La

figure

présente, en rermes de pourcen-tage des valeurs respectives obrenues sous forêr, les propriérés chimiques et la marière organique du sol de la palmeraie où la plupa.rr de ces caraccérisriques onr accusé une baisse. Le eaux de saruracion er la reneur en porassium échangeable onr le moins baissé (56 et 48 % de leurs valeurs respectives sous forêr). Le cal -cium,

le

magnésium er la somme des bases échangeables onr le plus diminué, avec des teneurs comprises entre 9 et 20 % de celles du sol foresrier. Le carbo-ne rotal, l' azore coral, le pouvoir ab sor-bam (CEC) er le phosphore (Olsen, Dabin), représenrenr 30 % des reneurs du sol rémoin. Le risque de coxiciré de l'aluminiwn échangeable [Al X 100/(SBE + Al)] est quatre fois plus élevé alors que sa teneur demeure inchangée, de même que le pH du sol.

Physical and chemical properties of soil in a forest in La Mé (Ivory Coast)

960

g/arbre/an). Pendant les deux pre-mières années de la phase immature, ils one reçu, en ourre, de l'urée (150 g/arbre/an) puis du sulfare d'ammoniaque (750 g/arbre/an) er de la kiésérire (60 puis 120 g/arbre/an). À parrir de huir ans, le porassiwn seul a éré apporré er la dose de KCl a été définie par la reneur foliaire porassique er le barème suivanr:

- K > 0,9 %, KCl = 0,5 kg/arbre/an ; - 0,8 % < K < 0,9 %, KCI = 1 kg/arbre/an ; - K < 0,8 %, KCl = 2 kg/arbre/an. La dose de K2

50

4 esr équivalente en quan-riré de potassium (soit 0,6; 1,2 er 2,4 kg/ arbre/an respecrivement). L'épandage des engrais esr effecrué dans le « rond » sarclé au pied de l'arbre.

Les prariques culrurales sont suscepribles d'entraîner une hérérogénéité de réparr i-tion de la ferciliré er des propriérés chi-miques du sol qui sonr cependanr arré-n uées dans l'inrerligne andainé par rapporr à l'inrerligne libre et au « rond » [3]. Quarre sires représentatifs

comprenanr seize palmiers sains, deux interligne andainés er un interligne libre (soir une superficie de 27 X 24 m) ont été choisis. Pour chaque profondeur (0-20 cm, 40-60 cm), un échantillon

com-Summary

La faible reneur en argile du sol sous p al-meraie peut être attribuée au lessivage,

Soil chemistry characteristics

in

an oil palm plantation K. Yeboua, K. Balle

The physical and chemical properties, and organic matter content of soif in an oil palm plantation were assessed 40 years after forest clearing. The clay content of the top soif layer (0-20 cm) was 35% less than that of the soif in forested areas, white the exchangeable aluminium content and pH were similar and the aluminium toxicity risk was fourfold higher. Phosphorus,

nitrogen and total carbon levels were also markedly lower in the oil palm plantation as compared to the forest. Organic matter was the main factor determining the unfavourable change in soif properties, leading to a mar

-ked deficiency in most nutrients. Cahiers Agricultures 2000; 9: 73-6.

Tableau 2

Propriétés physiques et chimiques du sol sous palmeraie à La Mé (Côte d'Ivoire) Couche 0-20 cm Couche 40-60b cm KCI _K2S04 KCI K2S04 Granulométrie Argile(%) 7,4 7,4 12,3 12,3 Limon fin (%) 3,7 3,7 2,2 2,2 Limon grossier (%) 1,9 1,9 1,7 1,7 Sables fins (%) 19,9 19,9 20, 1 20, 1 Sables grossiers (%) 67, 1 67, 1 63,7 63,7 Matière organique Carbone total (%) 0,51 0,50 0,39 0,41 Azote total (%) 0,05 0,05 0,03 0,04 C/N 10 11 13 10 Complexe absorbant CEC (mEq/100 g) 3,28 3,36 4,04 4,26 Ca2_{+ (mEq/100 g) 0,32 0,30 0, 16 0, 19} Mg2_{+ (mEq/100 g) 0, 14 0, 14 0,07 0,09} K+ (mEq/100 g) 0,05 0,04 0,03 0,03 SBE (mEq/100 g) 0,51 0,48 0,26 0,31 SBE/CEC (%) 16 14 6 7 Acidité pH 5, 1 5,0 5,3 5,3 Al3_{+ (mEq/100 g) 0,52 0,57 0,89 0,93} A13_{+/(SBE + Al}3_{+) (%) 50 54 77 75} P₂0₅ (Olsen, Dabin) (ppm) 15 19 25 29

KCI : traitement avec apport de chlorure de potassium; K2S04 : traitement avec apport de sulfate de

potassium; SBE: somme des bases échangeables; SBE/CEC: taux de saturation du complexe d'échange; Al3_{+/(SBE + Al}3_{+) : valeur relative de l'aluminium échangeable.}

Soil physical and chemical properties in an oil palm plantation in La Mé (Ivory Coast)

Niveau sous forêt {%)

600 !!JI KCI 500 a K2SO, 400 300 20Q 100 0 [ I ] l[Il

o:J

~ t l ] Cl Nt CEG Ca Mg K SBE V pH Al m p Cahiers Agricultures 2000 ; 9 : 73-6

en raison de l'aspect plan de la parcelle,

défavorable à l'érosion. Quant au eaux de carbone très inférieur sous palmeraie à

celui du sol forestier, il serait lié à la nature de la matière végétale humidi-fiable. Dans un rel contexte, l'activité biologique est dominée par les champi-gnons acidiphiles incapables de mener à bien l'humification [ 6].

La licière, composée de palmes âgées et de racines mortes à force teneur en ligni

-ne, tend à se décomposer lentement, eu égard également à l'apport en cas qui réduit la surface de contact encre la

matière végétale et le sol. Formés dans un sol sableux, acide et faiblement pour-vu en stabilisateurs minéraux (argile et calcium), les composés humiques jeunes, à petites molécules et floculation difficile [6], subiraient une faible polymérisation sous palmeraie [3].

La capacité totale d'échange sous palme-raie est beaucoup plus faible que sous sol

forestier. La capacité d'échange du sol dépend plus des colloïdes organiques que de l'argile (en quantité moindre et de type kaolinite à faible capacité d'éc han-ge). La diminution de ce pouvoir de fixation de cations peut être attribuée à un lessivage de l'argile, et surtout à un humus peu polymérisé, de moins en moins abondant et polymérisé, dominé par les acides fulviques, incapables de former un complexe argilo-humique [6]. La quantité totale de cations métalliques échangeables fixés par le sol a baissé éga-lement de manière drastique. Phénomè-ne naturel et permanent, ces perces ont crois causes principales : la lixiviation,

l'exportation par les récoltes et l'action acidifiante des engrais. La lixiviation des bases (Ca2+ et Mg2+ notamment) est en relation avec la pluviométrie abondante,

Figure. Caractéristiques chimiques du sol

sous palmeraie à La Mé (Côte d'Ivoire) en fonction du type d'engrais utilisé. Ct: carbo-ne total; Nt: azote total; CEC: capacité d'échange cationique; Ca : calcium échan-geable; Mg : magnésium échangeable; K:

potassium échangeable; KCI : traitement avec apport de chlorure de potassium; K2S04 : traitement avec apport de sulfate de

potassium; SBE: somme des bases échan-geables; V: taux de saturation du complexe absorbant; Al: aluminium échangeable; m :

Al x 100/(SBE + Al) ; P : phosphore extrait

par la méthode Olsen modifiée Dabin (Dabin, 1967).

Figure. Chemical characteristics of soil in an oil palm plantation in La Mé (Ivory Coast) relative to fertilizer used.

la perméabilité et la forte baisse du pou-voir absorbant du sol, la densité du sys-tème racinaire. À ces pertes il faut ajou-ter les exportations minérales par la récolte de régimes, absentes sous forêt. Les apports de cations, par la mauvaise décomposition de la litière, sont plus faibles sous palmeraie que sous forêt où ils sont recyclés en quantité importante par la litière et le pluvio-lessivage [7]. L'acidité (pH) du sol est demeurée inchangée, bien que le complexe absor-bant soit plus désaturé sous palmeraie (absence de corrélation entre le pH et le taux de saturation du complexe absor-bant pour les acidités comprises entre 4,5 et 5,5 [6]). Le sol doit donc son aci-dité à d'autres facteurs dont le principal pourrait être sa teneur en ions A13+, so u-vent supérieure à celle des ions H• ; l'augmentation de la toxicité aluminique peut être imputée à la baisse des teneurs en calcium, en matière organique et en complexe absorbant. La matière orga-nique peut complexer les formes toxiques d'aluminium tandis que le cal-cium produit le même effet par précipi-tation Al3_{+ auraient exercé un pouvoir} tampon permettant au sol de conserver le même pH.

La

baisse de la teneur du sol en azote et en phosphore serait liée à celle du taux de matière organique qui en est la principale forme de réserve. Les carions métalliques, outre leur rôle de nutriment, exercent pour le calcium et le

magnes1um des effets sur les propnetes physiques et biologiques du sol. Les seuils de carence suivants sont connus : 0, 10-0, 17 mEq/ 1 OO g pour le magné-sium; 0,40 mEq/100 g pour le calcium; 0,05-0,07 mEq/ 1 OO g pour le potas-sium [7]. La teneur en ces bases échan-geables du sol sous palmeraie (tableau 2)

avoisine ces valeurs critiques. Celles du phosphore (Olsen, Dabin) er de l'azote sont largement inférieures aux seuils cri-riq ues respectifs de 30 ppm er de 0, 1 %.

Les carences identifiées pourraient être corrigées par l'apport d'engrais appro-priés, qui sont de plus en plus coûteux. L'appon potassique, essentiel pour la production de régimes, risque cependant d'être peu efficace, car le complexe absorbant faible et très désaturé limi te-rait la fixation du potassium qui s'échan-ge mal avec les ions H• et Al3_{+ en sol} acide. Libre dans la solution du sol, K• apporté par l'engrais est exposé à la l ixi-viation intense dans un milieu filtrant soumis à une pluviométrie abondante. La dégradation des caractéristiques c hi-miques du sol peut constituer à terme une contrainte réelle pour la culture du pal-mier à huile en Côte d'Ivoire si la tendan-ce décroissante actuelle de la pluviométrie persiste. Dans cette condition climatique, la production raisonnable et soutenue de régimes commande une plus grande atten-tion accordée au sol. Dans le cas extrême d'insuffisance climatique où l'exploitation

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de la culture du palmier à huile n'est plus rentable, cette contrainte chimique du sol peut rendre difficile la reconversion des palmeraies, notamment par développe-ment des cultures annuelles •

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