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De Freaks à Decasia, de l’image du monstre à l’image monstrueuse

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De Freaks à Decasia, de l’image du monstre à l’image monstrueuse

Lison Jousten

Motif fascinant dont le cinéma s’est largement emparé, le monstre a majoritairement été étudié en tant que figure par l’abondante littérature consacrée à cet objet. La présente contribution défend l’idée que la monstruosité cinématographique n’en est pas pour autant strictement liée à la représentation du monstre ; elle est aussi, et peut-être plus fondamentalement, une histoire de formes. En établissant un dialogue a priori inattendu entre les images de Freaks (Tod Browning, 1932) et celles de Decasia (Bill Morrison, 2002), cet article aborde la question de la monstruosité sous un angle formel. Par le croisement de deux films porteurs d'une monstruosité de nature différente mais cinématographique, l’objectif consiste à concevoir une continuité entre ces formes, qui persiste d'un film à l'autre, au-delà de leur diversité manifeste. Dans un mouvement de contamination1, le monstrueux, cette catégorie de l’écart2, se voit ici envisagé précisément dans l’écart qui sépare le représenté de la représentation. L’hypothèse d’une monstruosité cinématographique avant tout formelle est construite par l’analyse de deux films considérés dans cette étude comme exemples paradigmatiques de la monstruosité au cinéma. Un déplacement dans l’approche du monstrueux est ainsi proposé par la mise en relation de ces deux cas représentatifs de monstruosités distinctes — la monstruosité dans l’image vs la monstruosité de l’image — qui entretiennent pourtant des liens étroits.

À première vue, tout sépare le mélodrame fantastique de Browning de la fresque expérimentale de Morrison. Réalisé près de soixante-dix ans plus tard et élaboré sur la base d’un matériau corrompu3 que l’on pourrait qualifier de malade4, le second film fait état de la

1 Concept voisin du monstrueux, la contamination a notamment été mise en évidence dans l’étude de David Roche consacrée au registre du malsain. David ROCHE, L’Imagination malsaine. Russell Banks, Raymond Carver, David Cronenberg, Bret Easton Ellis, David Lynch, Paris, L’Harmattan, 2007.

2 La notion d’écart, centrale dans l’étude et la compréhension du monstre et, plus généralement, du monstrueux, semble en effet s’imposer sous toutes les plumes, des ouvrages les plus généralistes (Stéphane AUDEGUY, Les monstres. Si loin et si proches, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes », 2007) aux plus spécialisés (Gilbert LASCAULT, Le Monstre dans l’art occidental, un problème esthétique, Paris, Klincksieck,

1973), en passant par les plus étonnants (Georges BATAILLE, « Les écarts de la nature » (1930), in Œuvres

complètes, vol. I, Paris, Gallimard, 1970, pp. 228-230.).

3 Pour la réalisation de ce film de found footage, Bill Morrison retient des images enregistrées sur pellicule nitrate, un support utilisé jusque dans les années 1950 qui pose à la fois des problèmes de conservation et de sécurité. Les photogrammes sélectionnés sont, pour la plupart, inscrits dans un processus de dégradation plus ou moins avancé et visible.

4 Cette terminologie nous permet de formuler, dès l’abord, une personnification de la bande que l’analyse explore par la suite.

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disparition d’une image en déliquescence, tout en s’adonnant à un processus re-création esthétique. Entre Freaks et Decasia se joue pourtant quelque chose de singulier, de l'ordre d'une monstruosité cinématographique dont le territoire doit encore être balisé. Si le fameux film hollywoodien des années 1930 est bien connu pour avoir fait figurer des monstres véritables à l'écran, on s'aperçoit que la démarche de Bill Morrison n'est, en un sens, pas si éloignée de celle de Tod Browning : au cœur de ces deux œuvres réside un même processus d'exhibition de corps et de formes naturellement altérés, une même monstration d'une dégénérescence de l'homme et de l'image.

Formes monstrueuses

Dans sa fameuse étude Le Monstre dans l’art occidental, qui s’intéresse à la catégorie du monstrueux sous un angle esthétique, Gilbert Lascault fait émerger le concept de « formes

m », présentes dans l’univers des formes. Ces formes monstrueuses, définies avant tout autre

chose comme « écart[s] par rapport à la nature5 », constituent des êtres de fiction figurés, ou du moins figurables (précision notable soulignant l’importance d’une dimension fondamentalement visuelle du monstre) qui se distinguent à la fois des formes naturelles et des monstres biologiques observés puis imités6. La forme monstrueuse y est également appréhendée comme forme transgressive7 par excellence.

« […] monstre biologique et forme m diffèrent […] essentiellement. Alors que le monstre biologique (cf. Aristote) naît du hasard, d’une impuissance de la forme à informer la matière, au contraire la forme m créée par la littérature ou les arts plastiques est en général voulue. Le monstre biologique trouve son origine dans une incapacité relative de la cause formelle et dans une matière qui refuse de se laisser complètement adapter à la forme. Au contraire la forme m naît d’une cause efficiente qui se veut toute puissante, d’une volonté qui veut rivaliser avec la nature et d’une matière torturée et dominée8. »

L’émergence de cette catégorie dont les caractéristiques primaires sont posées dès les prémices de l’ouvrage de Lascault nous permet de dessiner les contours d’une définition minimale, à la fois maniable et opérante — celle du monstre comme écart et intimement lié à

5 LASCAULT Gilbert, Le Monstre dans l’art occidental, op. cit., p. 21. 6 Ibid., p. 20-26.

7 Cet autre trait essentiel de la forme monstrueuse est pointé par Lascault dès les premiers instants de sa recherche : « […] définie comme un écart formel par rapport aux être naturels que d’autres formes prétendent imiter, la forme m transgresse les classifications éthiques comme les classifications esthétiques traditionnelle. ». Ibid., p. 24.

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la question visuelle — sur laquelle nous nous fonderons. Elle se verra enrichie au cours de l’analyse de la monstruosité cinématographique.

Partant de la distinction élémentaire formulée par Lascault qui sépare les formes monstrueuses des véritables monstres, il est possible de saisir la singularité de Freaks, film absolument atypique et déterminant dans l’histoire de la figuration du corps monstrueux au cinéma. Dans la mesure où les figures monstrueuses y sont naturelles, Freaks ne peut être réduit à l’étiquette de simple film de monstres. La question de la monstruosité s’y pose en effet à un autre niveau. Dans le film de Browning, les monstres ne sont ni le fruit d’une transformation, ni d’un agrandissement ; ils ne découlent pas non plus d’une manipulation de l’image, ne visent pas à créer l’effroi (le traitement des personnages suscite au contraire la sympathie et la compassion), et ne reposent pas sur la ruine ou une dimension organique qui prennent toutes deux une place fondamentale dans Decasia. En réalité, seule la qualité de l’image photographique permet de faire apparaître cette monstruosité véritable. Une distinction essentielle doit dès lors être établie entre Freaks et une réalisation telle que The

Elephant Man (David Lynch, 1980) — ou toute autre réalisation du même acabit — où

l’acteur est grimé et le monstre factice. Si ces deux films reposent sur la monstration de

freaks, et s’inscrivent dans une longue tradition de spectacle forain9, une différence essentielle sépare La Monstrueuse parade des films de monstres, aussi réalistes qu’ils puissent paraître. Au-delà de la seule présence du monstre à l’écran, il est donc primordial de s’interroger sur les lieux du monstrueux dans Freaks.

Freaks affirme sa singularité en venant buter contre la classification établie par Lascault. Du

statut poreux d’acteurs-personnages qui fait la particularité du film de Tod Browning, découle une œuvre tout en ambiguïté. Les monstres qui y sont mis en scène représentent autant d’accidents de la nature absolument authentiques (qui ne relèvent pas d’une simple imitation mais de la captation photographique) ; que le geste du réalisateur tend à fictionnaliser et, ainsi, à ré-œuvrer. Relevant à la fois de la forme créée et voulue (par sa qualité d’œuvre) et de la forme accidentelle (par la nature même de son profilmique), Freaks confond les catégories distinguées par Lascault et place son spectateur dans une situation perturbante. Parce qu’il s’impose comme objet inclassable, le film est en un sens lui-même monstrueux. Il représente en soi un état-limite : par son statut d’image cinématographique, capable de rendre compte

9 Lire à ce propos l’ouvrage de Dick Tomasovic, qui aborde précisément le film de Browning comme basculement entre deux formes spectaculaires (du spectacle d’exhibition au cinéma). TOMASOVIC Dick,

Freaks. La Monstrueuse Parade de Tod Browning : De l’exhibition à la monstration. Du cinéma comme théâtre des corps, Liège, éditions du CÉFAL, 2005.

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d’une monstruosité réelle, il se situe à la croisée des chemins, entre forme m et monstre biologique.

La fascination inconfortable suscitée par ce nouveau type de spectacle d’exhibition tend à placer le public du film de Browning dans la position du badaud, du voyeur, qui ne peut détourner son regard de ces corps incroyables. Dans un autre registre, celui qui assiste à l'éprouvant et hypnotique visionnage de Decasia est également malmené par les images auxquelles il est soumis. Le spectateur de ces deux films se trouve inévitablement ébranlé par le choc des images. L'exhibition outrageante à laquelle il assiste provoque en lui un mouvement paradoxal d'attrait et de rejet, le confronte à un certain pouvoir du film et de l’image.

Une image devenue monstre

Decasia représente un cas intéressant parmi les nombreux films convoquant des images du

passé qui proliférèrent lors de la célébration du centenaire du cinéma. Poème en archives et véritable méditation sur le passage du temps, sur le passé et le devenir d'une image en péril — à la fois blessée et menacée de disparition — ce film mélancolique pose indéniablement Morrison en « passeur10 » d'images. Transposant dans le temps présent des images issues du passé dont elles portent la trace, le cinéaste propose une réflexion sur l'archive et le cinéma. Ce film de remploi relevant d'un recyclage strictement exogène11, a ceci de particulier qu'il est créé à partir d'images défigurées, poussant à ses extrêmes une pratique chère à un Peter Delpeut ou un Gustav Deutsch12. Animée, la corruption qui ronge l’image s’agite, donnant vie à un spectacle de figures improbables, sujettes à une singulière défiguration.

Il faut rappeler ici les circonstances particulières qui sont à l’origine du film. Decasia est né d’une commande faite à Michael Gordon à l’occasion du « Mois Européen de la musique ». Le Ridge Theater — avec lequel Morrison collabore — est sollicité pour réaliser une

10 C’est en ces termes que l’artiste définit son propre rôle. Cf. André HABIB (propos recueillis par), « Conversation avec Bill Morrison (1e partie). Matière et mémoire », in Hors Champ, octobre 2004, [en ligne], http://www.horschamp.qc.ca/spip.php?article154, consulté le 28/01/2016. La séquence introductive de Decasia rappelle d’ailleurs de manière très explicite le projet de recyclage qui anime l’ouvrage. Parmi les images d’un laboratoire cinématographique où les techniciens s’affairent entre les bobines, apparaît le plan d’une main plongeant dans un bain de solution pour se saisir de la pellicule. Ces images, qui ressurgissent à plusieurs reprises dans la suite du film, renvoient au geste de l’artiste. Littéralement, et à l’image de cette main experte, Morrison s’empare d’un matériau qu’il fait sien.

11 BRENEZ Nicole, « Montage intertextuel et formes contemporaines du remploi dans le cinéma expérimental », in CINéMAS : revue d'études cinématographiques, vol. 13, nos 1-2, automne 2002, p. 51.

12 BELLOÏ Livio, « Le film comme Tombeau : Composition, Décomposition et Reprises dans l'Œuvre de Bill Morrison », in CHARDIN Jean-Jacques (éd.), The Déjà-vu and the Authentic: Reprise, Recycling, Recuperating in Anglophone Literature and Culture, Cambridge Scholars Publishing, 2012, p. 48.

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performance théâtrale et visuelle accompagnant la symphonie du compositeur américain13. Ainsi, l’œuvre est autant un projet musical escorté par des images qu’un film accompagné d’une musique14. Elle est conçue comme un véritable système gouverné par un même principe, celui de la décomposition15. Si les dimensions sonores et visuelles coïncident dans un même thème structurant, la recherche des deux artistes s’effectue néanmoins séparément. Morrison parle d’ailleurs de « collaboration passive16 » à propos de cette association. Il n’empêche qu’expérimentations visuelle et sonore se répondent et se renforcent mutuellement : le film, réalisé sur la base d’images altérées, fait directement écho à la symphonie élaborée à partir de pianos désaccordés, et inversement. Decasia témoignerait donc également d’une dimension sonore monstrueuse17, en raison de cette construction dans

l’écart, élaborée en dehors des schémas classiques — autrement dit, hors norme — mais étonnamment viable18.

Decasia se distingue de la plupart des films de found footage dans la mesure où il ne repose

pas sur un travail de manipulation et de reconfiguration formelle de l'image. Ce geste, qui représente une pratique courante — voire dominante — dans le cinéma de reprise, est globalement absent du film de Morrison qui se contente de monter telles quelles des images trouvées. Hormis l’effet de ralentissement destiné avant tout à insister sur l'aspect avarié de cette pellicule subissant les affres du temps, on ne trouve aucune trace d'accélération, chromatisation ou autre retouche19. Le discours sur l'image cinématographique ne passe pas ici par sa transformation : son état de ruine est en soi assez éloquent. Le cinéaste se limite à présenter et agencer ces trouvailles inouïes. Cette absence de réélaboration formelle amène

13 HABIB André (propos recueillis par), « Conversation avec Bill Morrison (1e partie). Matière et mémoire », art. cit.

14 BELLOÏ Livio, « Le film comme Tombeau : Composition, Décomposition et Reprises dans l'Œuvre de Bill Morrison », art. cit., p. 47-48.

15 Le titre Decasia renvoie d’ailleurs aux termes « decay » et « fantasia ». ibid., p. 47.

16 HABIB André (propos recueillis par), « Conversation avec Bill Morrison (1e partie). Matière et mémoire », art. cit.

17 Cette question qui mériterait de plus amples développements ne peut être que mentionnée ici, dans la mesure où la contribution privilégie les formes visuelles monstrueuses.

18 La viabilité de l’écart est notamment abordée par Anne Souriau, qui consacre une entrée au « monstre/monstrueux » dans le Vocabulaire d’esthétique d’Étienne Souriau. L’auteure y établit une séparation fondamentale entre les « monstres dans l’art » (catégorie elle-même subdivisée entre les monstres réels et les monstres fictifs) et « l’œuvre monstrueuse ». Outre un sens appartenant au champ technique musical, Anne Souriau désigne par ces termes une œuvre composite dont l’hétérogénéité, viable, peut s’avérer discordante ou, au contraire, cohérente. S’il n’est pas question dans Decasia d’une hétérogénéité fondamentale sur le plan sonore — celle-ci concerne plutôt l’image — la viabilité étonnante des formes sonores, élaborées selon des schémas qui s’écartent des normes, contribue indéniablement au caractère monstrueux de l’œuvre. SOURIAU Anne, « Monstre/Monstrueux », in SOURIAU Étienne, Vocabulaire d’esthétique, Paris, Quadrige/PUF, 2004, p. 1024-1025.

19 BELLOÏ Livio, « Les intermittences du visible : reprises de vue dans le cinéma expérimental américain », in Reprise, Recycling, Recuperating: Modes of construction of Anglophone Culture, RANAM Recherches Anglaises et Nord-Américaines, n° 45, 2012, p. 179.

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Livio Belloï à considérer Decasia comme un « readymade cinématographique20 ». Une impression indescriptible, poétique, naît de la simple et brute exhibition de ces images qui n'étaient plus destinées à être projetées, et que nous posons ici comme monstrueuses.

Ce film devient ainsi un lieu d’explorations où le dispositif cinématographique se voit interrogé et la matière sondée. L'usage matériologique21 (autrement dit, insistant sur la matière d'image) du recyclage de Bill Morrison donne naissance à une œuvre reposant sur la

monstration22 d'une image en souffrance, d'une image qui, tel un corps en putréfaction, est devenue monstrueuse. Les images trouvées par le cinéaste, sortes de zombies cinématographiques auxquels il offre une seconde vie, semblent en effet s’allonger, s’étirer, se débattre, se tordre de douleur. L’image recueillie semble survivre, vaille que vaille, pour donner une image éprouvée et éprouvante, monstrueuse et douloureuse.

Vie et douleur de l’image

La souffrance représente un élément important dans la compréhension de la monstruosité. De manière générale, le monstre semble s’imposer dans l’imaginaire collectif comme être de douleur23. Créature marquée par la souffrance — morale mais surtout physique — elle ne peut se défaire de ce mal à la fois originel et consécutif de la monstruosité qui la frappe. Il n’y aurait, en un sens, pas de monstre heureux. Dans Decasia s’affirme l’idée d’une image dolente et par là même, vivante. Le rapport au vivant est primordial pour concevoir pleinement ce film, pour en saisir l’aspect monstrueux. Organicité et monstruosité doivent être envisagées ensemble. Bon nombre de productions fantastiques, où le monstrueux réplique un phénomène organique, usent d’ailleurs de cette ficelle.

Body Snatchers d’Abel Ferrara (1993) représente ainsi un bel exemple où le monstre, pris

dans un cocon jouant un rôle de matrice, duplique le corps envahi. Dans ce récit d’invasion, le monstrueux se cristallise davantage dans des gros plans à caractère physiologique que dans la figuration des monstres dans leur forme aboutie (des clones à l’aspect humain, parfaitement normaux). Les dessins informes qui représentent les créatures, réalisés par les enfants contaminés, semblent d’ailleurs abonder dans ce sens : les gribouillis, tous identiques,

20 Loc. cit.

21 BRENEZ Nicole, « Montage intertextuel et formes contemporaines du remploi dans le cinéma expérimental », art. cit., p. 59.

22 André HABIB, « Notes sur l'imaginaire de la ruine au cinéma », in Hors Champ, [en ligne], juin 2004, http://www.horschamp.qc.ca/spip.php?article141, consulté le 28/01/2016.

23 Lascault aborde à plusieurs reprises ce qui lie, dans les « rêveries biologiques », le monstre aux mutilations, au corps comme lieu de l’accident et de la douleur. LASCAULT Gilbert, Le Monstre dans l’art occidental, op. cit., p. 254-256 ; 373-377.

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figurent cette masse organique monstrueuse. L’analyse que consacre Nicole Brenez à Body

Snatchers, principalement centrée sur le corps des personnages et les enjeux de leur

figuration, insiste sur l’organicité du monstrueux24. L’organique y serait mêlé aux rêveries archaïques :

« Le corps ici ne consiste pas en une charpente de chair et d’os, mais en un mélange de plantes aquatiques, de bulbes et de filaments qui confond trois substances originelles : le plasma, le placenta et le plancton25. »

Cette imagerie, qui n’est pas sans rappeler le magma de certaines images de Decasia, tend certes à rapprocher l’informe du vivant, mais suggère, du même coup, que ce souffle de vie est susceptible de s’éteindre. Déconnectée de l’individu qu’elle envahit et duplique, la créature, inachevée, est d’ailleurs vouée à sa perte. L’informe serait plus exactement le lieu d’une tension entre création et destruction de la forme ; un processus, un basculement, une hésitation entre deux états. À l’instar d’un monstrueux capable de copier l’ordre du vivant,

Decasia révèle que l’image cinématographique emprunte elle-même à l’organique : maladie,

croissance, reproduction, dégénérescence, souffrance, etc.

Un film comme House of Wax (André De Toth, 1953), qui conte la folle revanche d’un sculpteur ayant perdu l’usage de ses mains ainsi que ses plus belles œuvres dans un incendie, scelle lui aussi cette idée dans un plan, combien éloquent, donnant à voir une Jeanne d’Arc de cire dévorée par les flammes. Personnage sacrifié entre tous et historiquement voué au feu destructeur — le film insiste en particulier sur ce mannequin, devenant monstre lui-même sur le plan plastique lors de cette fameuse scène26 — elle se défigure progressivement sous l’effet de la chaleur et se liquéfie sous l’œil du spectateur, pour devenir matière gluante, informe, monstrueuse.

Peut-être plus qu’aucune autre, l’image de défiguration, de dégradation de la figure humaine, effraie. La métamorphose (entendue donc en tant que processus dynamique) d’un visage perdant toute humanité recèle une puissance et une terreur potentielles indéniables. Gilbert Lascault distingue dans sa classification les « êtres monstrueux » du « monstrueux dynamique », soit ces phénomènes s’écartant des lois naturelles et qui s’imposent dès lors à la perception comme monstrueux : « Inséparable des formes monstrueuses, il [le monstrueux

24 BRENEZ Nicole, De la figure en général et du corps en particulier. L’invention figurative au cinéma, Bruxelles, De Boeck, coll. « Arts & cinéma », 1998, p. 21-28.

25 Ibid., p. 25.

26 Davantage que dans la version de Michael Curtiz (Mystery of the Wax Museum, 1933), le remake d’André De Toth présente le mannequin de Jeanne d’Arc sous des traits décomposés. D’autres personnages sont également présentés — avec insistance et de manière répétée — comme matière fondante.

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dynamique] n’est pas totalement assimilable à elles ; il se constitue en quelque sorte à l’intersection de la figure et du récit27. » La métamorphose, qui doit être entendue comme processus, comme événement s’actualisant dans la durée, devient une monstruosité particulière dont le cinéma s’est avéré friand et parfaitement capable de rendre compte. La monstration de la métamorphose de l’humain en matière informe est quoi qu’il en soit absolument primordiale. Elle permet d’expliquer, du moins en partie, ce qui rendrait l’image monstrueuse, a fortiori dès lors qu’elle est entendue comme être souffrant, comme être vivant.

Épreuve du temps et de l’informe

Decasia est conçu de sorte à éprouver son spectateur. Relativement long (un peu plus d'une

heure), déroutant, impénétrable à plus d'un égard, ce film pullulant de figures altérées le travaille en profondeur. Il n'est pas inutile de rappeler que les premiers films de Morrison ont été réalisés dans le cadre de productions théâtrales (il participe aux projets du Ridge Theater dès les débuts de sa carrière), soit un art éminemment lié au temps présent, et déterminé par la relation de coprésence entre acteur(s) et public, propre au spectacle vivant. Ceci explique en partie une pratique cinématographique touchant de près à la question du spectateur, qu'il considère comme un protagoniste à part entière28. Dans un film comme Decasia, celui-ci est immanquablement confronté à l'épreuve du temps et de l'informe.

Le travail du temps est primordial dans Decasia : il est à l’origine de la monstruosité de l’image, prise dans un processus irréversible de sénescence. Cette dimension est par ailleurs déterminante pour appréhender le travail de Bill Morrison. Peintre de formation, il passe de la peinture à l'animation sous l'impulsion de Robert Breer, avant de se diriger presque naturellement vers le cinéma29. Temps et mouvement, étroitement mêlés au cinéma, sont au cœur des préoccupations du cinéaste. Le passage du temps, qui détermine l'expérience humaine tout comme il touche la pellicule, rappelle aussi le défilement propre au cinématographe. Chez Morrison, temporalité et matérialité semblent aller de pair. Son travail désigne très exactement l'empreinte de l'un sur l'autre. Le ralentissement opéré par le cinéaste permet de cristalliser cette corrélation fondamentale. Decasia, qui repose sur un principe de sélection puis d'exhibition d'une pellicule altérée, désigne ipso facto une certaine matérialité

27 LASCAULT Gilbert, Le Monstre dans l’art occidental, op. cit., p. 162-163.

28 HABIB André (propos recueillis par), « Conversation avec Bill Morrison (1e partie). Matière et mémoire », art. cit.

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de l'image, elle-même vouée à la disparition. Cette image physique, presque vivante, est condamnée à subir l'attaque du temps :

« La chose qui m'a le plus frappé avec les images d'archives, et en particulier les archives plus anciennes, c'était que les films donnaient l'impression d'avoir été touchés… Touchés par le temps, par une intervention non-humaine, organique, ou s'il faut parler en terme romantique, qu'il y avait une “Puissance supérieure” qui avait intercédé auprès de la matière [...] Chaque image, chaque photogramme représentait une dimension du temps, possédait sa propre histoire30. »

Les propos de Morrison renvoient clairement à une dimension organique, déjà soulignée, qui affecterait et contaminerait l'image. Rappelant le corps gangrené, le tissu nécrosé, la pellicule, qui porte les stigmates du passage du temps, apparaît cruellement endommagée. Plus que jamais, elle renvoie et s'offre définitivement au regard comme « peau du cinéma31 », plus ou moins viciée au gré des images, dont la décomposition, défigurante, invite à l'exploration et au questionnement.

Organicité

La connexion entre le monstrueux et l’organique est communément établie. Georges Canguilhem est d’ailleurs sur ce point intransigeant, y voyant une condition sine qua non de la monstruosité : « Il faut réserver aux seuls êtres organiques la qualification de monstres. Il n'y a pas de monstre minéral. Il n'y a pas de monstre mécanique32. » Decasia témoigne cependant du fait que l’image peut elle-même imiter le processus organique. La restriction de Canguilhem nie par ailleurs une autre capacité de l’image cinématographique. Envisagé sous une certaine échelle des plans, sous un certain point de vue, l’inorganique peut se révéler monstrueux : le gros plan du visage d’une statue peut s’avérer terrifiant. Au-delà d’une dimension organique, certaines images ont la capacité d’ébranler le spectateur, et sont, en cela même, monstrueuses. Les propos de l’épistémologue permettent quoi qu’il en soit de répéter une tendance déjà mentionnée : celle d’un rapprochement entre monstruosité et organicité, celle d’un monstrueux prenant l’apparence du vivant, affirmation que soutient également Lascault :

30 Propos tenus par le cinéaste à propos de Tom, Tom the Piper's Son (Ken Jacobs, 1969). Loc. cit. (souligné par nous).

31 BELLOÏ Livio, « Le film comme Tombeau : Composition, Décomposition et Reprises dans l'Œuvre de Bill Morrison », art. cit., p. 50.

32 CANGUILHEM Georges, « La monstruosité et le monstrueux », in La connaissance de la vie, Paris, Librairie Philosophique J. Vrin, 1971, p. 171.

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« […] la classification montre l’importance de la notion de vie pour comprendre les monstres. Tous les êtres monstrueux sont des êtres vivants ; en général nous parlons d’écart par rapport à la nature lorsque le végétal s’anime, lorsque les morts ou les machines deviennent vivants, lorsque les phénomènes monstrueux viennent nous faire douter de l’ordre des espèces33. » Le monstrueux ne se limite donc pas à ce qui est vivant dans l’ordre naturel. Il touche — du moins potentiellement — tout objet auquel on prêterait une telle qualité, ou tout phénomène qui tend à reproduire, à imiter la vie. On comprend dès lors que le cinéma est particulièrement soumis à ces questions de monstruosité.

Dans Decasia, quelques images manifestement issues d'un film scientifique sont particulièrement révélatrices et emblématiques de cette dimension organique. Elles donnent à voir un plan au microscope, où cellules et taches de corruption s'agitent et se mêlent sous l'œil attentif de la caméra. Ce motif du microscope affirme le projet qui traverse l’œuvre : passer des images au crible pour observer les germes qui s'y développent.

Cabinets de curiosités

Le film de Bill Morrison ne constitue pas autre chose qu'une collection d'images malades, moribondes, monstrueuses qu'il s'agit d'observer. André Habib, pointant le phénomène de monstration de la ruine, suggère que celle-ci peut curieusement — et significativement — s'avérer connectée au contenu de l'image.

« Ces images sont, en effet, le théâtre d’un étrange combat entre des séries de forces contraires, maintenues en tension, entre l’image et la matière de l’image, tension entre l’impression et sa décomposition, entre l’histoire et la nature, entre la narration et sa

ruination, ou la monstration de sa ruine — elles sont, à l’agonie, précisément puisqu’elles

oscillent entre la vie et la mort, sur le seuil tendu entre leur survivance et leur disparition. Il y donc un combat entre l’image et le support dans lequel elle est prise — et sur lequel elle n’a pas toujours prise34. »

Livio Belloï s’inscrit dans une réflexion du même ordre lorsqu’il dresse l’inventaire de liens qui unissent l’image et sa ruine, permettant ainsi de défricher — et déchiffrer — cette masse d’images énigmatiques. La première de ces possibilités, l'oblitération, désigne ces cas où la détérioration de l'image voile son contenu. Dans le cas d'une oblitération totale, il ne persiste rien de l'image originelle : le figuratif sombre dans l'abstraction et seule demeure une image grouillante. La défiguration concerne les cas de mutilation de la figure humaine. Les visages

33 LASCAULT Gilbert, Le Monstre dans l’art occidental, op. cit., p. 193. 34 HABIB André, « Notes sur l'imaginaire de la ruine au cinéma », art. cit.

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visibles à l'écran s'étirent, se déforment en une vision horrifique. La troisième modalité de relation entre l'image et sa ruine est celle de la concordance, qui peut s'opérer selon différents modes35.

Cette proposition de typologie — on en revient souvent au classement dès lors qu’il s’agit d’approcher le monstre, qu’il soit biologique, artistique ou cinématographique — permet à Livio Belloï de poser Decasia en « véritable traité de tératologie de l'image de cinéma36 ». La formule proposée par l'auteur est particulièrement éclairante. Elle permet d'insister, une fois encore, sur une dimension primordiale de Decasia, qui peut être appréhendé comme cabinet de curiosités.

Dans le film de Morrison, il est bien question du monstrueux. Le monstre, parce qu’il est précisément écart, désigne ce qui excède et échappe aux limites d'une norme37. Les images

altérées sur lesquelles se construit Decasia se sont éloignées de celles, intactes, canoniques, du cinéma classique. Dans un même mouvement de contamination, le casting de Freaks, constitué de cul-de-jatte, homme-tronc, siamoises, nains, colosse, microcéphales,... représente un catalogue relativement étendu de monstruosités physiques, côtoyant deux beautés typiquement hollywoodiennes (Olga Baclanova et Leila Hyams38).

« Retournant les armes et les techniques de la constitution du mythe du corps beau, glacé et magnifié contre elles-mêmes, Browning humilie, bafoue et ravage une star en puissance, une femme grande, belle, lumineuse et exotique (Olga Baclanova comme corps emblématique) en la faisant ramper dans la boue jusqu'à ce qu'une troupe d'individus difformes, frustrés et vengeurs la transforment en vulgaire et grotesque poulet dont on vient se gausser39. »

La triste fin de Cléopâtre admet la toute-puissance de cette monstruosité dévorante qui finit par absorber le Corps parfait dont le personnage est le symbole. Dans Decasia, la maladie phagocyte et infecte les images saines — en réalité, absolument normales — produites par l'industrie cinématographique. De manière exemplaire, la séquence des enfants dans un autobus, filmés en une série de plans fixes, en illustre l'idée : la partie malade de l'image, concentrée sur les bords du cadre, semble attaquer par à-coups les visages qu'elle ourle tour à tour. Elle incarne parfaitement le travail de déconstruction de la figure, toujours plus étendu, qui est en jeu au sein de ce film.

35 BELLOÏ Livio, « Le film comme Tombeau : Composition, Décomposition et Reprises dans l'Œuvre de Bill Morrison », art. cit., p. 49-53.

36 Ibid., p. 49.

37 CAIOZZO Anna, DEMARTINI Anne-Emmanuelle, « L’histoire des monstres : questions de méthode », in CAIOZZO Anna, DEMARTINI Anne-Emmanuelle (dir.), Monstre et imaginaire social, Paris, CREAPHIS, 2008,

p. 11.

38 TOMASOVIC Dick, Freaks. La Monstrueuse Parade de Tod Browning, op. cit., p. 23. 39 Ibid., p. 26.

(12)

Le monstre, de manière plus générale, peut être envisagé comme « accident de la matière40 ». C'est ce dont il est question tout au long du film. L'accident de la matière filmique est précisément l'objet de Decasia, qui repose sur la monstration d’une image altérée, monstrueuse. Cette monstruosité y est particulière : là où la plupart des films donnent à voir des monstres créés, celui de Morrison présente une défiguration naturelle (photographique) et relevant de la contingence. La monstruosité qui y est en œuvre, fruit du hasard et pur accident de la matière, s'y révèle véritable. Son intensité est en cela inégalable, et ne trouve peut-être son équivalence que dans les vrais monstres du film de Browning, que seule la valeur photographique du cinéma pouvait pleinement exprimer.

Freaks et Decasia représentent finalement deux pôles du spectre du monstrueux, l'un

s'inscrivant dans une veine classique, l'autre expérimentale ; l'un marqué par un profilmique monstrueux, l'autre par une image elle-même monstrueuse. Tous deux sont pourtant frappés de plein fouet par la monstruosité. D'autres films sont évidemment porteurs de cette monstruosité cinématographique, cette violence transgressive à la limite des frontières. La présente contribution, qui entendait éclairer les liens entre l’image du monstre et l’image monstrueuse, entrouvre une porte pour faire de la monstruosité une catégorie opérante pour penser ce type d’images.

Bibliographie :

- AUDEGUY Stéphane, Les monstres. Si loin et si proches, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes », 2007.

- BATAILLE Georges, « Les écarts de la nature » (1930), in Œuvres complètes, vol. I, Paris, Gallimard, 1970, pp. 228-230.

- BELLOÏ Livio, « Le film comme Tombeau : Composition, Décomposition et Reprises dans l'Œuvre de Bill Morrison », in CHARDIN Jean-Jacques (éd.), The Déjà-vu and the

Authentic: Reprise, Recycling, Recuperating in Anglophone Literature and Culture,

Cambridge Scholars Publishing, 2012, p. 45-55.

- BELLOÏ Livio, « Les intermittences du visible : reprises de vue dans le cinéma expérimental américain », in Reprise, Recycling, Recuperating: Modes of construction of

Anglophone Culture, RANAM Recherches Anglaises et Nord-Américaines, n° 45, 2012, p.

173-181.

- BRENEZ Nicole, De la figure en général et du corps en particulier. L’invention figurative

au cinéma, Bruxelles, De Boeck, coll. « Arts & cinéma », 1998.

40 On retrouve la formule notamment chez Stéphane AUDEGUY, Les monstres. Si loin et si proches, op. cit., p. 49. Gilbert Lascault pointe également la cause matérielle dans la formation du monstrueux. Synthétisant les propos d’Aristote, il envisage le monstre comme résultat d’une incapacité de la matière à se laisser modeler. Cf. Gilbert LASCAULT, Le Monstre dans l’art occidental, op. cit., p. 371.

(13)

- BRENEZ Nicole, « Montage intertextuel et formes contemporaines du remploi dans le cinéma expérimental », in CINéMAS : revue d'études cinématographiques, vol. 13, nos 1-2, automne 2001-2, p. 49-67.

- CAIOZZO Anna, DEMARTINI Anne-Emmanuelle, « L’histoire des monstres : questions de méthode », in CAIOZZO Anna, DEMARTINI Anne-Emmanuelle (dir.), Monstre et imaginaire

social, Paris, CREAPHIS, 2008, p. 4-25.

- CANGUILHEM Georges, « La monstruosité et le monstrueux », in La connaissance de la

vie, Paris, Librairie Philosophique J. Vrin, 1971, p. 171-184.

- HABIB André (propos recueillis par), « Conversation avec Bill Morrison (1ère partie). Matière et mémoire », in Hors Champ, octobre 2004, [en ligne], http://www.horschamp.qc.ca/spip.php?article154.

- HABIB André, « Notes sur l'imaginaire de la ruine au cinéma », in Hors Champ, [en ligne], juin 2004, http://www.horschamp.qc.ca/spip.php?article141.

- LASCAULT Gilbert, Le Monstre dans l’art occidental, Paris, Klincksieck, 1973.

- ROCHE David, L’Imagination malsaine. Russell Banks, Raymond Carver, David

Cronenberg, Bret Easton Ellis, David Lynch, Paris, L’Harmattan, 2007.

- SOURIAU Anne, « Monstre/Monstrueux », in SOURIAU Étienne, Vocabulaire d’esthétique, Paris, Quadrige/PUF, 2004, p. 1024-1025.

- TOMASOVIC Dick, Freaks. La Monstrueuse Parade de Tod Browning : De l’exhibition à la

monstration. Du cinéma comme théâtre des corps, Liège, éditions du CÉFAL, 2005.

Filmographie :

- Body Snatchers, Abel FERRARA, Dorset Productions/Robert H. Solo Productions/Warner Bros, 1993.

- Decasia, Bill MORRISON, Hypnotic Pictures, 2002. - Freaks, Tod BROWNING, Metro-Goldwyn-Mayer, 1932. - House of Wax, André DE TOTH, Warner Bros, 1953.

- Mystery of the Wax Museum, Michael CURTIZ, Vitaphone Corp./Warner Bros, 1933. - Tom, Tom the Piper’s Son, Ken JACOBS, 1969.

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