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LA PAIR AIDANCE EN SANTÉ MENTALE : L EXPÉRIENCE QUÉBÉCOISE ET FRANÇAISE

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Academic year: 2022

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LA PAIR AIDANCE EN SANTÉ MENTALE : L’EXPÉRIENCE QUÉBÉCOISE ET FRANÇAISE

Guylaine Cloutier, Philippe Maugiron

John Libbey Eurotext | « L'information psychiatrique » 2016/9 Volume 92 | pages 755 à 760

ISSN 0020-0204

DOI 10.1684/ipe.2016.1545

Article disponible en ligne à l'adresse :

--- https://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2016-9-page-755.htm ---

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L’Information psychiatrique 2016 ; 92 (9) : 755-60

La pair aidance en santé mentale : l’expérience québécoise et franc¸aise

Guylaine Cloutier

1

Philippe Maugiron

2

1Association québécoise pour la réadaptation psychosociale (AQRP). 2380,

avenue du Mont-Thabor, bur. 205, Québec, QC G1J 3W7, Canada

2Centre hospitalier Sainte-Anne, Paris ; Association francophone des médiateurs de santé pairs (AFMSP), France

Résumé.Dans cet article, nous aborderons la pratique innovante de l’intégration de pairs aidants certifiés ou médiateurs de santé pair au sein des secteurs de la psychiatrie ou du médico-social au Québec et en France.

Mots-clés :pair- aidant, santé mentale, psychiatrie, rétablissement, rôle, formation, expé- rimentation, historique, Québec, centre hospitalier Sainte-Anne

Abstract.Peer support in mental health: the Quebec and French experience.In this article we will discuss the innovative practice of integrating qualified peer support or peer health mediators in the areas of psychiatry and medico-social in Quebec and France.

Key words:peer-support, mental health, psychiatry, recovery, role, training, experimen- tation, historical, Quebec, Saint Anne hospital center

Resumen. La ayuda entre pares en salud mental: la experiencia quebequense y francesa.En este artículo, abordaremos la práctica innovadora de la integración de pares ayudantes diplomados o de mediadores de salud pares dentro de los sectores de la psiquiatría o del sector médico-social en Quebec y en Francia.

Palabras claves:ayudante, salud mental, psiquiatría, restablecimiento, rol, formación, experimentación, historial, Quebec, centro hospitalario Sainte Anne

Dans cet article, nous aborderons la pratique innovante de l’intégration de pairs aidants certifiés ou médiateurs de santé-pairs au sein des secteurs de la psychiatrie ou du médico-social. Car le concept de pair aidance n’est pas nou- veau comme on le verra dans un bref historique. Le pair aidant certifié est un usager ou ex-usager qui accompagne d’autres utilisateurs de services et la nouveauté est qu’ils sont intégrés dans des équipes de soins. On traitera de la pair aidance en santé mentale en y ressortant son rôle et la plus-value de ce nouvel acteur dans les équipes de santé mentale puis suivra l’expérience québécoise et l’expérience franc¸aise avant de conclure avec les objectifs d’avenir.

Certains pairs aidants ont suivi une formation diplômante qui valide des compétences, des savoirs et des connais- sances. Ils sont nommés pairs aidants certifiés au Québec, médiateurs de santé pairs en France et pairs praticiens en Suisse. Dans cet article, nous parlerons indifféremment de pair aidant certifié ou de médiateur de santé pair.

La pair aidance en santé mentale

En France comme au Québec, d’un point de vue his- torique, ce sont les associations de malades et plus particulièrement les Alcooliques Anonymes (AA) qui furent les pionniers des groupes d’entraide. Ce sont les premiers, en dehors des systèmes éducatifs et de prises en charge

institutionnelles, à s’appuyer sur la valorisation et le partage des acquis par l’expérience. Dans les groupes AA, on parle de rétablissement, dans tous les domaines de sa vie, bien avant que celui-ci commence à être théorisé par des profes- sionnels notamment de la santé.

Déjà, au sein des groupes d’usagers, on connaît la valeur de la transmission de l’espoir, de l’identification et de la rup- ture avec l’isolement. Les partages permettent de mieux connaître sa maladie. Les AA sont un formidable centre d’éducation thérapeutique du patient ! En AA, la personne apprend à se prendre en charge pour devenir autonome, acteur de sa santé, acteur de sa vie et à ne plus laisser tout le pouvoir à la maladie. Il s’agit de transmettre son expérience, son vécu. Entre eux, les AA sont des pairs aidants. Le groupe fonctionne sur le principe d’une pair aidance mutuelle ; mode de fonctionnement courant dans les associations d’usagers en santé mentale ou non.

Qu’est-ce la pair aidance en santé mentale ? À l’heure actuelle, il n’y a pas de définition du soutien par les pairs universellement reconnue; la définition que le programme québécois Pairs Aidants Réseau retient est inspirée de plu- sieurs sources [1-3] et se réfère surtout au rôle joué par un pair aidant certifié/médiateur de santé pair travaillant au sein des services de santé mentale.

Définition du rôle de pair aidant certifié et du médiateur santé pair

Le pair aidant certifié est un membre du personnel qui, dans le cadre de son travail, divulgue qu’il vit ou qu’il a vécu

doi:10.1684/ipe.2016.1545

Correspondance :G. Cloutier

<gcloutier@aqrp-sm.org>

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G. Cloutier, P. Maugiron

un trouble mental. Le partage de son vécu et de son histoire de rétablissement a pour but de redonner de l’espoir, de servir de modèle d’identification, d’offrir de l’inspiration, du soutien et de l’information auprès de personnes qui vivent des situations similaires à celles qu’il a vécues [4].

Ce qui distingue clairement les pairs aidants certifiés des autres intervenants, c’est l’obligation pour les titulaires d’un poste de pair aidant d’utiliser et de partager leur savoir expérientiel découlant de leurs propres expériences avec un trouble mental et le rétablissement [4].

Nous tenons à nuancer le concept de mutualité, car le pair aidant ne s’engage pas dans une relation d’entraide ou d’amitié mais dans un accompagnement de la personne et utilisera son vécu comme outil d’intervention dans le seul but de l’aider et donc de ne pas l’assaillir avec ses propres problèmes ou questionnements.

Comme le disent Provencher, Lagueux et Harvey [6],«le savoir expérientiel du pair aidant lui permet de se centrer sur le cheminement de l’usager et de bien en saisir toute la charge émotionnelle. Ce savoir lui est aussi très précieux pour aider la personne à apprendre de ses expériences posi- tives et négatives. Basé sur l’apprentissage par modeling (Bandura, 1980, 1986), l’usager observe chez le pair aidant des attitudes ou des comportements qu’il perc¸oit comme étant souhaitables pour lui-même et qui peuvent l’aider à se rétablir. Les stratégies de restauration et de promotion de la santé en sont un exemple. Bref, le rétablissement du pair aidant et l’utilisation de sa propre expérience aux bénéfices des autres [utilisateurs de services] représentent des atouts forts appréciables pour motiver ces derniers à s’engager plus à fond sur la voie du rétablissement et à croire et espérer en un avenir plus prometteur.»

Essentiellement, le travail de pair aidant est basé sur l’utilisation et le partage de son savoir expérientiel dans ses interventions auprès de ses pairs et de l’équipe de travail et s’exprime ainsi :

«Le pair aidant a vécu des expériences similaires à celles de ses pairs. Selon ses expériences de vie reliées au trouble mental et à son processus de rétablissement, il détient un savoir expérientiel lui conférant un grand nombre d’habiletés et de connaissances par rapport au vécu de ses pairs, telles que [7] :

–l’expérience d’être diagnostiqué, hospitalisé et médica- menté ;

–l’utilisation des services dans le réseau de la santé men- tale et des autres ressources dans la communauté ;

–la perte d’estime de soi et l’auto-stigmatisation ; –la connaissance du sentiment d’être envahi par une souffrance émotionnelle intense ou par des délires ;

–la compréhension des obstacles que la personne uti- lisatrice affronte tels que l’exclusion, la pauvreté et la stigmatisation ;

–l’identification des problèmes, la responsabilisation, les stratégies pour faire face aux difficultés ;

–l’empathie, la tolérance, la flexibilité ;

–la démarche de réadaptation et le franchissement des étapes dans le processus de rétablissement.

Le pair aidant a un rôle très spécial et unique à jouer pour promouvoir et soutenir le paradigme du rétablissement.

[. . .] Plusieurs personnes utilisatrices ont surmonté les obs-

tacles et elles ont découvert leur voie, retrouvant ainsi la dignité de vivre leur propre existence. Grâce à la richesse de leur expérience, les pairs aidants peuvent transmettre leur savoir expérientiel et l’espoir à leurs pairs qui se croient condamnés à vie. Semer l’espoir aujourd’hui donne un sens à toutes les souffrances du passé du pair aidant. [. . .] Le pair aidant noue un lien d’authenticité et de confiance avec les personnes utilisatrices de services. Par sa simple présence, il suscite l’espoir. . . c’est l’espoir qui est le catalyseur du rétablissement»(Lagueux et Charles, 2009 [5]).

Plus spécifiquement, «les pairs peuvent aider les per- sonnes à valider leurs propres expériences, les guider et les encourager à assumer la responsabilité pour participer acti- vement à leur rétablissement. En outre, ils peuvent aider à déterminer, comprendre et combattre le stigma et la dis- crimination contre la maladie mentale et développer des stratégies pour aider les personnes à les combattre»(Asso- ciation des hôpitaux du Québec, 2004) [6].

Dans l’évolution d’un système de soins et de services vers les meilleures pratiques de réadaptation psychosociale, visant à soutenir le rétablissement des personnes vivant ou ayant vécu un trouble de santé mentale, la présence de pair aidance en santé mentale en est un bon indicateur.

Une recherche mise en place en 2010 par l’Association québécoise pour la réadaptation psychosociale, avec la contribution de Hélène Provencher vise à décrire le proces- sus d’intégration dans six équipes en santé mentale, deux d’entre elles offrant des services de suivi intensif et les quatre autres du soutien d’intensité variable. Ces équipes représentent un sous-échantillon de l’ensemble des pre- mières ressources ayant embauché un pair aidant certifié en 2008. Parmi les faits saillants, on note que :

–«L’intégration du pair aidant a des retombées positives sur les usagers, les pairs aidants, la satisfaction à l’égard des services et les pratiques des intervenants.

–L’intégration du pair aidant est structurée à partir d’une vision basée sur l’innovation et la normalisation.

–La phase de préparation est un gage de succès à l’intégration, notamment à l’égard de la clarté de l’apport spécifique du pair aidant et du niveau de son intégration un an après son embauche.

–En ce qui concerne les pratiques orientées vers le rétablissement dans l’équipe, l’intégration du pair aidant est freinée par des pratiques qui sont en émergence alors qu’elle est favorisée par des pratiques qui sont établies.

–Le savoir expérientiel, la proximité expérientielle et la proximité relationnelle de même qu’une attitude davantage centrée sur l’usager et une plus grande compréhension empathique différencient le soutien orienté vers le réta- blissement offert par le pair aidant de celui offert par les intervenants.

–Les stratégies de définition à l’égard du rôle et des tâches spécifiques du pair aidant tendent à varier avec le temps et reposent sur des choix organisationnels.

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–Le double rôle chez le pair aidant représente une impor- tante cible de supervision, notamment le départage entre le rôle d’ami et celui d’intervenant.

–La collaboration interprofessionnelle entre les interve- nants et le pair aidant représente un important enjeu lié au succès de l’intégration du pair aidant»[8].

L’expérience québécoise : résultante du mouvement des usagers

et d’une volonté politique

Reconnue comme visionnaire, en 1997, l’Association qué- bécoise pour la réadaptation psychosociale (AQRP) publie un premier article portant sur le thème des usagers comme pourvoyeurs de services en réadaptation psychosociale [9].

Cela passe quasi inaperc¸u. . .

En 2006, l’Association publie un nouveau numéro sur la participation grandissante des usagers au sein des services de santé mentale [10] qui inclut une grande revue de la litté- rature sur l’embauche des pairs aidants et invite Roy Muise, un pair aidant reconnu de la Nouvelle-Écosse, lors de son XIIIecolloque«Rétablissement et citoyenneté dans l’espace francophone». Tant la revue que le colloque sont un succès ! Au Québec, le mouvement prend définitivement ses racines. Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), dans son plan d’action 2005-2010 inclut pour la pre- mière fois la pair aidance dans ces objectifs et préconise l’embauche de pairs aidants dans 30 % des équipes de suivi intensif et d’intensité variable [11].

Pour ce faire, en 2006, le MSSS interpelle l’AQRP pour l’élaboration d’un programme provincial de formation à l’intention des personnes utilisatrices de services en santé mentale désirant agir comme pair aidant. L’AQRP propose alors au MSSS de s’associer à l’Association des personnes utilisatrices de services de santé mentale régionale qui dési- rait alors élaborer un programme de formation pour les futurs pairs aidants. Donc en collaboration avec l’Association des personnes utilisatrices de services de santé mentale de la région de Québec (APUR) une formation pour ses pairs est créée et proposée au palier gouvernemental régional.

En 2007, avant même la première cohorte de pairs aidants certifiés le centre hospitalier Robert-Giffard, maintenant nommé l’Institut universitaire en Santé mentale de Québec (IUSMQ), fait office de pionnier en embauchant le premier pair aidant au Québec en l’intégrant dans son équipe PACT (Program for Assertive Community Treatment).

Ayant pris connaissance de projets semblables ailleurs,

« l’embauche des usagers implique une interaction cons- tante entre l’expression d’une volonté politique ferme du ministère de la Santé et des Services sociaux et l’expertise apportée par les praticiens de la réadaptation psychoso- ciale associés à des leaders usagers exerc¸ant un leadership éclairé à partir de la base. Entre les deux, l’expérience amé- ricaine illustre que les gestionnaires des organisations sur le plan local ont un rôle crucial à jouer pour opérer la jonction entre ces deux forces sociales pour que l’inclusion se fasse réellement»(Gélinas, [2]).

Ainsi l’AQRP ne se limite pas qu’à développer un programme de formation à l’intention des personnes utilisa- trices de services en santé mentale désirant agir comme pair aidant. Elle dépose au MSSS un projet incluant une stratégie efficace pour favoriser l’embauche et l’intégration des per- sonnes utilisatrices de services de santé mentale comme intervenants pairs aidants au sein des équipes de suivi inten- sif du système de santé mentale québécois ainsi qu’un cadre conceptuel pour l’élaboration d’un programme provincial de sensibilisation, de formation et de soutien basé sur 5 axes d’intervention.

La stratégie proposée par l’AQRP s’inscrit alors dans une perspective provinciale et mise sur des actions progressives aux plans local et régional. Elle prévoyait des étapes de vali- dation par des activités mobilisant l’ensemble des acteurs concernés et par conséquent, suggérait le développement d’actions concrètes basées sur l’émulation et la volonté des milieux et l’accès à des services de soutien et de forma- tion qui seront nécessaires à la réalisation de leur projet d’intégration [12]. En résumé, la stratégie se déployait en six étapes consécutives :

a)l’acquisition et la diffusion d’une expertise en matière d’embauche et d’intégration des personnes utilisatrices de services comme pourvoyeurs de services ;

b)l’actualisation du cadre de référence proposé dans la stratégie provinciale incluant des activités de promo- tion/sensibilisation et de formation ;

c)la mise en place d’un comité de suivi ayant pour man- dat d’assurer le suivi, de valider, d’évaluer et de faciliter le développement de la stratégie d’embauche et d’intégration des intervenants pairs aidants ;

d)l’orientation des contenus de formation en collabora- tion des différents milieux concernés par l’embauche et l’intégration des intervenants pairs aidants ;

e)le développement et le déploiement d’une for- mation de sensibilisation pour l’émergence de projets d’expérimentation suivie de la formation et du soutien aux expérimentations découlant de la mobilisation volontaire des milieux et finalement,

f)la diffusion des résultats pour l’émergence d’une nou- velle pratique d’embauche au plan provincial.

La stratégie déposée au MSSS par l’AQRP proposait éga- lement un premier cadre conceptuel pour le développement du programme de sensibilisation, de formation et de soutien basé sur cinq axes d’interventions soit :

1)des interventions de sensibilisation, de formation et de soutien auprès des groupes de personnes utilisatrices inté- ressées à s’investir dans une formation d’intervenant pair aidant dans la perspective de travailler au sein du système de soins et de services de santé mentale ;

2)des interventions de sensibilisation, de formation et de soutien auprès des directions et des gestionnaires des milieux de travail concernés par les objectifs du plan d’action ministériel en santé mentale afin de revoir leurs politiques, leurs programmes, leur culture et leurs pratiques en vue de favoriser l’embauche et l’intégration des intervenants pairs aidants au sein de leur organisation ;

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G. Cloutier, P. Maugiron

3)des interventions de sensibilisation, de formation et de soutien auprès des praticiens accueillant les intervenants pairs aidants afin de favoriser leur intégration et profiter des nouvelles expertises et points de vue apportés par les per- sonnes utilisatrices de services de santé mentale ;

4)des interventions de sensibilisation, de formation et de soutien auprès des instances syndicales afin de maximiser les conditions d’intégration et assurer une réelle inclusion des intervenants pairs aidants au sein des organisations ;

5)des interventions de sensibilisation, de formation et de soutien auprès des milieux de recherche afin de développer des alliances pour favoriser l’inclusion des personnes utili- satrices de services à l’intérieur de leurs équipes et investir dans la recherche-action sur l’intégration des personnes uti- lisatrices de services de santé mentale comme pourvoyeurs de services.

L’importance d’établir une stratégie provinciale pour l’embauche et l’intégration des personnes utilisatrices de services comme intervenants pairs aidants s’appuie égale- ment sur de nombreuses recherches démontrant qu’il ne suffit pas de rédiger et d’offrir un programme de formation aux personnes utilisatrices intéressées pour permettre leur embauche. Il faut à la fois sensibiliser et former les milieux d’accueil de ces futurs intervenants, revoir les structures organisationnelles, les politiques de gestion, la culture et les pratiques de l’organisation, de même qu’il faut prévoir des débats sur les questions éthiques [13-16].

Donc entre 2006 et 2008, deux années ont été consa- crées pour la mobilisation des milieux afin de les sensibiliser et les préparer à accueillir les premiers candidats formés.

L’AQRP et l’APUR mettent en commun leur expertise et montent la formation de sensibilisation à l’intention des milieux d’embauche potentiels. Une première journée de sensibilisation et de mobilisation des divers acteurs concer- nés par l’embauche de pairs aidants est organisée et une première cohorte de milieux d’embauche incluant des gestionnaires intéressés décide d’embarquer dans cette aventure.

Quant à la formation spécialisée en intervention par les pairs, elle est élaborée par deux personnes utilisatrices de services en santé mentale et travailleuses sociales, Nathalie Lagueux et Noémie Charles qui, en influenc¸ant celle-ci par leur savoir expérientiel et académique, inspirées en autres par le programme de la Colombie britannique (Canada) et de la Géorgie (États-Unis), créent une formation unique et spécifique. Celle-ci est ensuite accréditée par la Direction de la formation continue de l’École de service social de l’Université Laval. Une première cohorte de personnes utili- satrices de services de santé mentale est recrutée et formée en 2008, dont plusieurs seront embauchés, devenant ainsi, avec leur nouvelle équipe de travail, des pionniers de la pair aidance au Québec !

Depuis, sept cohortes représentant un total de 146 pairs aidants ont été formées dont 136 candidats ont été certi- fiés. Soixante-dix-sept pairs aidants ont intégré des emplois dans des services en santé mentale ou dans des domaines connexes à la santé mentale sur les 99 pairs aidants de la

cohorte active (soit 77 % en emploi), 47 pairs aidants se sont retirés pour diverses raisons (retour aux études, retraite, décès ou échec à la certification). De plus, une prochaine formation spécialisée en«Intervention par les pairs»est en préparation pour mai 2016. Une dizaine de pairs aidants ayant une promesse d’embauche suivront celle-ci et se joindront aux pairs aidants en emploi.

Depuis huit ans, nous pouvons observer que le mouve- ment d’embauche est continu et irréversible. Le MSSS a adopté son nouveau plan d’action 2015-2020 dans lequel il réitère sa précédente cible d’intégration des pairs aidants certifiés dans 30 % des équipes de services de suivi d’intensité variable et même rehausser sa cible de 30 à 89 % dans les équipes de soutien intensif dans le milieu intensif et d’intensité variable.

Par ailleurs, le Commissaire à la santé et au bien-être du Gouvernement du Québec, dans son rapport d’appréciation de la performance du système de santé et de services sociaux de 2012, recommande qu’au plan de la lutte à la stig- matisation, on«accentue la participation des pairs aidants dans les soins et services de santé mentale»[17].

Entre-temps, les pairs aidants se multiplient, diversifient leur implication dans l’organisation de services de santé mentale en occupant des instances plus décisionnelles ou plus influentes, des services conseils ainsi que des initiatives de recherche.

L’intervention par les pairs devient de plus en plus recon- nue et se transpose même chez les membres de l’entourage à l’intention de leurs pairs. Avec la collaboration de la Société québécoise pour la schizophrénie (SQS), le programme de formation a pu être adapté pour les proches et expérimenté dans le cadre d’un projet pilote de la SQS au sein du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’est de Montréal pour une première cohorte de pairs aidants famille. Le succès de cette expérimentation est tel que de nouvelles initiatives en ce sens sont à prévoir !

Aujourd’hui, le programme québécois est en cours d’adaptation en version anglaise suivant une entente signée avec le ministère de la Santé du Nouveau-Brunswick, une province canadienne bilingue avoisinant le Québec. Le pro- gramme«Pairs aidants Réseau»formera des pairs aidants formateurs ainsi qu’une première cohorte de futurs pairs aidants de ce territoire afin de soutenir l’émergence de cette pratique novatrice d’embauche. Un autre élan à suivre !

L’expérience franc¸aise : résultante d’un projet de recherche

Nous parlons aujourd’hui de savoir expérientiel et de sa professionnalisation. En 2010, à Marseille, dans le service du Dr Girard, le statut d’Herman Handlhuter évolue de bénévole à salarié. C’est le premier usager qui a signé un contrat de travail avec un hôpital psychiatrique et a intégré une équipe en santé mentale en France pour partager son expérience.

Herman Handlhuter se définit comme « travailleur pair », traduction de l’anglais«peer social worker»et cette nouvelle activité n’est valorisée par aucun diplôme.

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Dès 2006, le Dr Patrick le Cardinal du Centre collaborateur de l’OMS (CCOMS) de Lille, propose à son retour du Qué- bec de travailler sur un projet de pair aidant en France. Ce sera les prémices de l’expérimentation des médiateurs de santé/pairs qui s’est inspirée de modèles étrangers et plus particulièrement du modèle québécois. Par la suite, c’est le Dr Jean-Luc Roelandt du CCOMS de Lille et son équipe qui porteront l’expérimentation des médiateurs de santé/pairs (MSP).

C’est une expérimentation innovante inter-régionale. Trois régions y participent. Les régions Nord-Pas-de-Calais, Île- de-France et Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Après un appel à candidatures, cinq établissements par région ont été rete- nus soit quinze établissements. Parallèlement, vingt-neuf usagers ou anciens usagers, médiateurs de santé/pairs en devenir, ont été recrutés.

Les agences régionales de santé (ARS) respectives de ces régions ont accepté de financer l’expérimentation pour une durée initiale de deux ans. La nature de son financement exige que des travaux de recherches tant qualitatives que quantitatives soient menés.

C’est à l’hôpital Sainte-Anne à Paris, le 16 janvier 2012, que l’expérimentation des médiateurs de santé-pairs débute officiellement. Cette expérimentation est en accord avec les recommandations du Plan de santé mentale 2011-2015 qui stipule dans son axe 4 de développer le partenariat avec les aidants. Il est à noter que les recommandations du ministère de la Santé, au sujet des aidants, sont en avance en ce qui concerne la pratique, les désirs et les demandes de la majo- rité des services en santé mentale et qu’elles coïncident avec les demandes des usagers.

L’expérimentation des MSP est une première en France et c’est également une première dans le monde eut égard à certaines spécificités. Tout d’abord, c’est une formation diplômante. Le diplôme de médiateur de santé-pair a été mis en place par l’Université Paris 8. Il est constitué de 240 heures de formation théorique sur 8 semaines et repose sur un cadre universitaire ainsi qu’un diplôme universitaire : DU médiateur de santé-pair (examen écrit, rédaction d’un mémoire avec une soutenance orale) et d’une formation en alternance de 34 semaines encadrée dans une équipe de santé mentale.

C’est la première fois qu’une telle formation est mise en place dans un cadre institutionnel, reconnu et formalisé avec un temps de formation théorique aussi développé. Cette for- mation repose sur la complémentarité du savoir théorique et du savoir pratique. D’autre part, la difficulté et la force de cette expérimentation résident dans sa capacité de proposer un emploi, au choix à temps plein ou à temps partiel, avec un contrat de travail qui lie le MSP avec un établissement hospitalier sous la forme d’un contrat à durée déterminée (CDD) renouvelable dans un premier temps puis pour cer- tains, à la fin du temps de l’expérimentation, un contrat à durée déterminée (CDI). C’est une formation qui offre donc des perspectives d’emploi à terme. La formation est rému- nérée avec un emploi pérenne pour peu que l’employeur et le MSP désirent continuer ensemble leur collaboration.

Malgré les nombreuses résistances rencontrées, l’expérimentation a abouti. À ce jour, quatorze MSP sur les vingt-neuf sont encore en place. Certains MSP ont quitté l’expérimentation car cela ne leur convenait pas, d’autres ont trouvé un emploi plus en rapport avec leur compétence ou ont repris des études. Plus rarement des MSP ont rechuté et ont décidé d’arrêter. Dans le souci de parfaire notre pratique, nous avons appris que nous ne pouvons pas faire l’économie d’informer et de former les établissements et les services participants au savoir expérientiel, de préfé- rence en binôme soignant-MSP. Faciliter la compréhension des équipes, améliorer le recrutement des MSP, favoriser l’intégration des MSP, orienter la formation vers un autre format et un diplôme plus favorable à l’évolution et mieux rémunéré, accompagner les équipes et les MSP sont des postulats de départs incontournables.

Conclusion : perspectives d’avenir

L’émergence de cette pratique novatrice exige des condi- tions facilitantes, une ouverture d’esprit chez les différents acteurs du système de soins et de services. Sur le plan des recommandations, dans sa recherche, Hélène Provencher [18] mentionne l’importance, dans la phase de préparation de l’équipe avant l’intégration du pair aidant, d’avoir un plan de promotion de l’approche du rétablissement au sein de son service, de miser sur l’apport additionnel du pair aidant pour consolider les pratiques orientées vers le rétablisse- ment dans l’équipe, d’offrir suffisamment d’échanges dans l’équipe sur le profil du pair aidant à être embauché de même que sur la définition initiale de son rôle et de ses tâches, de favoriser le consensus dans l’équipe à l’égard de la définition du rôle et des tâches du pair aidant, notamment le niveau de responsabilité dans le suivi des clients.

Force est de constater que les facteurs d’échec de plu- sieurs de ces initiatives proviennent de la difficulté des milieux à intégrer ces nouveaux acteurs plutôt que leur capa- cité à offrir de l’aide et du soutien à leurs pairs. Donc un impératif est la préparation, l’information et la formation des équipes de santé mentale, de préférence par un binôme constitué d’un pair aidant/MSP et d’un autre membre de l’équipe qui travaille avec lui, avant même l’accueil du futur collègue pair aidant. En préparant bien les équipes qui sou- haitent accueillir un pair aidant ou un médiateur de santé pair, cela facilitera l’intégration de ce dernier.

Plusieurs enjeux sont présents tout au long du proces- sus : de la stratégie déployée pour promouvoir la pratique jusqu’à la reconnaissance réelle de l’apport des pairs aidants et de leur savoir expérientiel. Une des préoccupations qui ressort autant dans l’expérience québécoise que franc¸aise estla non-reconnaissance de leur titre d’emploi. Dans cette volonté d’innover, on crée le paradoxe de considé- rer les pairs aidants/MSP comme un collègue de travail à part entière mais sans les embaucher comme les autres membres de l’équipe ; soit par contrats, prêts de services dont sans possibilité d’ancienneté et d’avantages sociaux comme leurs collègues.

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G. Cloutier, P. Maugiron

Au Québec, après plus de 8 ans d’expérimentation, nous sommes à l’heure d’un autre bilan. Une étude de satisfac- tion des pairs aidants certifiés et des milieux d’embauche à l’égard du programme, de la formation, de l’intégration des pairs aidants, du soutien offert et des préoccupations des milieux d’embauche sera démarrée sous peu et nous pré- voyons en sortir les résultats à l’automne prochain. Avec cet exercice, nous désirons faire les ajustements nécessaires à la consolidation de cette nouvelle pratique d’embauche. Ceci nous permettra d’avoir des données récentes pour appuyer des démarches en cours.

En France, quatre ans après le début de l’expérimentation, une deuxième session est en pré- paration. Ne doutons pas que les enseignements de ces quatre dernières années vont nous permettre de nous améliorer. Nous nous attacherons, avec une attention particulière, à informer et à former les équipes en amont afin de les sensibiliser au savoir expérientiel et de favoriser l’intégration de MSP en leur sein. Il s’agira aussi de vérifier la capacité des futurs MSP à se former et à s’adapter à une équipe. Il s’agit de favoriser la rencontre du savoir expert et du savoir profane. Et l’enjeu de cette rencontre est la reconnaissance du savoir expérientiel et de son intégration dans les équipes soignantes comme nouveau savoir professionnel.

Dans les années à venir, la plus-value du pair aidant cer- tifié/MSP et sa spécificité feront en sorte que les réseaux public et communautaire offriront de meilleurs services, axés sur le rétablissement, en reconnaissant les bénéfices qu’ils en résultent pour leur clientèle, soit les personnes en besoin !

Liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.

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760 L’Information psychiatriquevol. 92, n9, novembre 2016

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