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L enjeu de la Référence D une dérive du discours

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Daniel DEMEY D’une dérive d’un discours

Association des Forums du Champ Lacanien de Wallonie Colloque du 3 mai 2003 ACTES

L’enjeu de la Référence

D’une dérive du discours

Lecture d ‘un fait de société

la plainte déposée contre M. Abou Jahjah par le Centre pour l’Egalité des chances et la lutte contre le racisme

Daniel DEMEY

bou Jahjah est un nouvel acteur politique qui a fait parler de lui à Anvers à propos de groupes de surveillance du travail de la police. Il est poursuivi par le Centre pour l’égalité des chances pour avoir tenu les propos suivants sur le site de l’AEL, (ligue arabe européenne).

« Anvers est le bastion du Sionisme en Europe et c’est pourquoi elle devrait être la Mecque de l’action pro-palestinienne. Il n’y a pas de lieu plus logique pour manifester en faveur de la Palestine en Europe qu’une ville où les gangs pro-sionistes de fanatiques sionistes font la loi ».

Au-delà du fait lui-même, cet événement pose à la société une série de questions dont

le n ud central est une bascule d’un ordre de discours à travers le changement de statut du doute dans notre société.

D’une manière générale, on peut dire, et l’expérience de mon travail en prison où je prépare leur procès avec les détenu(e)s me le confirme, que le « doute » ne paie plus ... que le doute en général ne fait plus le poids dans le traitement des affaires judiciaires.

Devant quoi plie-t-il ? Quel sens cela peut-il couvrir ?

1° Introduction

Je commencerai par la reprise d’une citation élémentaire, issue du livre de Ch. Melman et J-P Lebrun “ L’Homme sans gravité ” p. 84 Denoël 2003.

« La violence apparaît à partir du moment où les mots n’ont plus d’efficace. A partir du moment où celui qui parle n’est plus reconnu…Dans un couple, la violence commence quand l’autre

refuse de reconnaître, en celui qu’il a en face de lui, un émetteur de paroles, vivant et de bonne foi. Vivant, donc ayant sa propre économie, ses propres contraintes et considéré, quel que soit le désaccord, comme de bonne foi. Dès lors que cette reconnaissance n’a pas lieu, l’autre n’est pas reconnu comme sujet et la violence survient ».

Voilà… on pourrait s’arrêter là, tant l’élémentaire paraît édifiant. Mais hélas, tellement cet élémentaire est absenté, il faut poursuivre dans les cheminements de sa relégation et de son déni.

Ce que souhaitent les tenants du discours qui veut joindre dans un même sens sionisme et judaïsme, sioniste et juif, ne légitime en rien ce souhait. Ils ne sont pas les dépositaires d’une rente sur l’Histoire, la politique ou sur la langue.

Ils ne sont pas dispensés, parce qu’ils le voudraient, de ce qui, dans l’Histoire, dans la politique et dans la langue, leur échappe.

Le sionisme est un mouvement politique et tous les juifs ne sont pas sionistes ! N’en déplaise à certains. Le caractère « juif » n’est pas réservé au sionisme.

Se saisir d’un amalgame, quoi qu’en convienne une opinion, c’est faire fi de la mesure de langue qui est aussi de faire séparation. Ici, on veut tout confondre pour prendre ce que l’on veut prendre avec l’argument démagogique de ce que l’opinion en dit.

Qu’importe ce que le sieur Abou pense au fond de lui-même... c’est « sa propriété » ; qu’importe s’il déteste les juifs ou non, c’est son problème! Nous n’avons pas à le savoir tant

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qu’il ne le dit pas ! Et il ne le dit pas. Nous devons en rester là.

En affirmant ce qu’il affirme, il ne fait rien de moins ni de plus que ce que tout un chacun pourrait faire sur la scène de l’expression politique.

Il ne dit pas ce qu’il est interdit de dire à savoir s’en prendre à un autre pour son origine, dans son attachement générique.

Mais certains supposent qu’il pourrait le penser et vouloir le dire par une métonymie.

Il s’agit d’un procès d’intention...

Ce cas est exemplaire d’une sorte de dérive qui guette notre monde dans bien d’autres affrontements idéologiques que celui posé entre sionisme et intérêts arabes ou palestiniens.

Ce qui compte ici, c’est, d’une part, observer le maniement du droit, le recours au judiciaire à partir d’un amalgame entre politique et générique (sionisme et juif) et à partir de la confusion des plans du privé et du public (ce que peut penser quelqu’un et ce qu’il peut dire) et, d’autre part, de comprendre l’affiliation que la méthode de traitement de l’information sous le mode gestionnaire implique : méthode qui fait passer la présomption d’innocence à l’arrière plan de la présomption de culpabilité.

Est-ce la charge de la justice de supporter le procès d’intention ?

Je ne pense pas que quelqu’un ici puisse défendre cette position.

Quelle serait alors la charge du juge ? Car on y arrive pourtant ?

Pourquoi cette évidence du procès d’intention n’emporte-t-elle pas directement la décision de ne pas poursuivre ? Devant quoi l’évidence du rejet du procès d’intention plie- t-elle ?

Ce cas est exemplaire et significatif d’un brouillage du repérage social et institutionnel car c’est le statut du bénéfice du doute et le laminage de sa référence fondatrice en tant que forme d’une négativité constitutive qui est mise en question dans la société d’aujourd’hui.

2°Les plans du discours : Discours et légitimité, l’enjeu de la référence.

Le droit dans une éthique du droit, ce n’est pas seulement d’être l’outil de la justice pour le droit lui-même... (on ne peut pas faire tout et n’importe quoi parce que ce serait le droit d’un peuple, d’une nation... comme à l’exemple du nazisme) mais c’est le droit dans le soin de situer sa légitimité sous condition de l’humanité elle-même, sous condition de la condition de l’être parlant. La difficulté réside à trouver ces points où la condition humaine est accrochée.

Comment repérer ces points d’ancrage et de fondement dans les discours ?

La parole s’organise dans des discours énumérés notamment en Discours du maître et discours du capitaliste.

Prenons d’abord

2.1-Le discours du maître que nous référons à la Référence dogmatique.

La Référence dogmatique est un concept élaboré par P.Legendre dans le champ nouveau de l’Anthropologie dogmatique.

Une difficulté de notre époque est d’entendre encore le mot dogme. Aussi, rapportons-nous- en simplement à ceci : « L’ordre dogmatique, dont relève l’organisation de l’Interdit en toute société, se ramène à ceci : instituer le Tiers du langage et lui faire produire son effet normatif. » Legendre in Sur la question dogmatique en occident chez Fayard, p. 33

La condition de l’humanité en tant qu’elle est condition de l’être parlant repose sur une inscription d’un certain rapport à lanégativité.

Négativité que l’on retrouve dans le malentendu de la parole, dans l’écart inhérent au langage humain entre la chose et le mot ; mais aussi dans l’énigme du pourquoi ? de l’origine, dans l’interdit de l’inceste.

Pour Legendre, « L’instauration du ne pas ,de l’écart signifié par la prohibition de l’inceste, irradie le système de la culture... » pg84 ; et

« hors de sa symbolisation (en parlant de la négativité), il n’y a pas de parole, mais seulement des signaux ».

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L’Interdit est la mise en uvre de la négativité, il est un « usage métaphorique du vide » p. 85, le

« point de rencontre, littéralementmétaphysique, de l’individu et de la société ».

Ce qui lui fait dire, avec Damascius, que l’

« humain apprend à marcher dans le vide » p.

84.

Cette négativité, nous la voyons aussi dans la valeur attribuée au doute. Valeur qui a déterminé l’adage qui nous dit que le bénéfice du doute doit bénéficier à l’accusé.

Et l’on voit bien là comment ce principe repose effectivement sur un fondement qui fait notre condition. Il faut accepter ce doute, en tant que, là où il n’y a pas de réponse, c’est au sujet qu’il faut laisser l’espace : un certain espace, espace d’incertitude, qui fait la marge d’une possibilité du désir.

Dans cet exemple traditionnel, la référence au discours est dogmatique parce que« l’Interdit qui fonde ce type de discours est sans fondement scientifique et sa justification ne peut être qu’usage métaphorique du vide, théâtralisation d’un ultime pourquoi ? p. 85.

En prononçant l’adage positivement, la tradition valorisant le doute énonce en filigrane un interdit et théâtralise non seulement la légitimité mais aussi la nécessité structurelle du pourquoi ? Le doute, l’absence de réponse, est un point clivage de l’humanité.

Nous pouvons dire que le discours du maître se rattache à cette référence dogmatique et qu’une de ses particularités n’est pas un pur arbitraire vis à vis duquel il n’y a pas de compte à rendre, mais un ordre de parole fait de reconnaissance, d’engagement et de décisions. Cet ordre réside de la mise en scène et de la pérennité de la Référence tierce qui « fonctionne comme discours créancier, maître de scénarios à valeur mythique, instance à qui se paye la dette de la ritualité et garant des images fondatrices des filiations. » p. 86.

Notre société est portée par l’institution de la parole ; institution qui prend sa corporéité, sa vigueur corporelle, dans le privé et dans le public.

La Référence dogmatique résonne de la structure de l’être parlant. Autour d’elle gravite le

discours du maître qui met en scène et en représentation l’Interdit autour de la question de l’origine en énigme gardée et conservée dans les représentations...

Où l’on peut reconnaître aussi la métaphore paternelle, un nom-du-père... cette identification du père dans un trait qui est celui du manque.

La référence dogmatique pose la question d’un lieu, une réalité symbolique, dépositaire de la légitimité. Elle fait repère non par une affirmation positiviste, mais par une affirmation dans la négativité. Par là, elle garde et transfère le lieu de l’Interdit dans le discours, sur la scène de la parole. L’interdit est, toujours d’après Legendre, un dire d’interposition. En ceci, la référence dogmatique véhicule le sens du dire- entre-tenu. Elle ne fait par là que donner possibilité à la réalité de l’inscriptible, soit, réalité du désir dans l’inscription.

2.2-Comme autre catégorie de discours, venons-en au

Discours du capitaliste (plus de jouir), de la scientificité (plus de certitude objective), il s’affirme dans une Référence totalitaire.

Ces discours-ci s’offrent dans une forclusion du Nom-du-Père.

Ce sont des discours marqués par une absence structurale, celle du manque, où ce n’est plus un énigmatique représenté, une vérité mythique, ce n’est plus une représentation autour de la négativité qui fait Loi, renvoyant toujours à l’inatteignable du pourquoi ?, à l’avancée du discours dans le jeu des signifiants, mais ce sont des agencements empiriques de faits, des puissances de volontés, d’envies qui donnent statut d’accomplissement, d’avoirs et de Vérité à ces représentations.

Dans ce discours, le manque qu’on peut aussi localiser dans l’incertitude, n’apparaît plus comme constituant, il est bouché... reporté, déporté. Le statut du manque est retourné.

Le manque n’est plus constitutif. Autour de lui ne se construit plus une raison subjectivée, trouée. Le manque comme constituant est rejeté, expulsé au dehors. Le voeu est de

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repousser le manque à l’horizon, de l’éloigner toujours plus loin en donnant son énergie à l’accroissement de l’objet-bouche trou, de la réponse objective.

Le départ de l’action est une certitude antérieure ou un état d’objet. Et le travail consiste à développer plus loin la construction logique de la certitude, à rendre « meilleur » l’objet.

Les choses, les objets « du désir » s’offrent dans la promesse du discours, comme résultat du lien entre la parole et ces choses. Et la parole est celle de faits qu’il faut produire pour aboutir au résultat escompté. Il n’y a plus d’écart, il n’y a plus d’interdit... l’écart est repoussé à sa dimension minimale, l’interdit qui marquait un impossible est brisé dans le « tout est possible ».

Ces discours du capitalisme, de la scientificité sont positivistes.

2.3-Implications et corrélations de ce type de discours

Cette position positiviste de savoir implique d’être dans une gestion de la certitude. Cela illustre la pente actuelle qui va vers la dénégation où est tenu le doute dans la société. Il n’y a plus de doute dans ce sens qu’il n’oriente plus rien, qu’il n’est plus en position de centre de gravité, de noyau. Et là comme ailleurs où la négativité n’est pas intégrée, où elle est rejetée à l’extérieur, c’est la place du sacrifié qui est appelée dans ceux ou celles qui en offriront le stigmate. Parce que cette part négative, il faut bien qu’on en fasse quelque chose.

« De nos jours, la logique de la Référence en tant que logique du Tiers nous est proposée comme logique d’une Loi qui se confondrait avec le discours de la Science en tant que telle. S’il ne peut être question d’éluder le montage de l’Interdit comme structure propre à l’espèce parlante – problématique institutionnelle non reconnue par les sciences sociales aujourd’hui –, cette confusion augure assez mal des possibilités de penser la communication en termes non arbitraires pour l’humanité contemporaine. » Legendre p. 40.

Et c’est devant quoi nous nous trouvons : à la croisée des chemins devant un monde d’arbitraire, un monde sans limite, car sans Interdit, qui ne connaît plus ses repères, ses

fondations et qui, en dehors de se tenir dans la transmission de son fondement, se retrouve catapulté devant la déperdition des crédits de ses institutions, d’autant que, dans leur mise en uvre, les discours déploient des formes matérielles qui se traduisent en forces matérielles.

A la question de savoir si le juge est en position de « trancher » en ce qui concerne les délits relatifs à l’expression d’une opinion, du moins, je pense que le juge n’a pas à donner son

« interprétation » du discours ; il est devant une mission double : celle qui veut que :

1° Le juge doit être l’interprète du doute, être capable de le déchiffrer et de le communiquer ; 2° Il doit transférer un discours, celui de la Référence du Tiers, de l’Interdit. Il doit être le lieu d’un possible transfert de la Loi.

Son rôle est d’investiguer pour connaître la volonté explicite d’un individu et, à défaut d’en retirer une confirmation, de travailler face « au bénéfice du doute », face à l’ouverture que constitue le doute.

3° Pour conclure

Dans les discours gestionnaires quotidiens de notre société, nous sommes tous déjà coupables de quelque chose que la statistique nous dira... comme à l’exemple du fonctionnement des assurances dans leur programme de gestion des risques où vous êtes parfois radiés dès lors que vous entrez dans le groupe à risque.

Abou Jahjah est sans doute traité dans cette logique. Etant donné ce qu’on sait déjà de lui, son origine, ses antécédents…il probabilise un pourcentage élevé de vouloir dissimuler sous la métonymie une réelle activité raciste !

Rien n’est franchement affirmé, mais c’est insidieux. Là où la parole de la personne devrait suffire pour en savoir quelque chose selon l’élémentaire position de départ présentée au début de cette intervention, ce sont des chiffres, des données « scientifiques » froides, neutres, présentées en pourcentage de certitude qui apparaissent.

Le juge, dans la filière sociale gestionnaire, est de plus en plus là pour entériner une procédure

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collective d’abandon de responsabilité vis à vis de l’enjeu de la négativité référentielle.

C’est face à un seuil d’expertise, seuil lui-même déterminé par d’autres experts, qu’il accomplira sa mission faussement subjective de porter le couperet.

On peut dès lors craindre pour une société lorsque le juge, dans sa fonction détournée, se transforme en bourreau, en celui qui exécute une sentence, celle rendue par la référence objective, statistique…

La position illégitime est la position gestionnaire, celle d’une suspicion, en fin de compte, d’une culpabilité... c’est la position politique et sociale que prend le Centre pour l’Egalité des Chances.

Cette position met en jeu un arbitraire « propre » à un mode de fonctionnement (celui de la gestion des risques, du management social) afférente au discours positiviste du capitalisme (plus de jouir) et de la scientificité (objectivation).

La responsabilité est exonérée dans un rapport de gestion froide, « pseudo scientifique ». La Raison se perd dans l’inhumanité indiscutable des chiffres à l’appui !

La référence humaine est toujours dans la dialogie. Elle est dogmatique mais reste discutable... La référence inhumaine, elle, a vocation d’être indiscutable : ça n’y discute plus.

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