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LE PROFIT FINANCIER DE L'ENTREPRISE EST-IL UN MAUVAIS PROFIT?

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Academic year: 2022

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Guy de Panafieu

L E PROFIT FINANCIER DE L'ENTREPRISE

EST-IL UN MAUVAIS PROFIT ?

Qu'une entreprise fasse du profit est désormais, et enfin, considéré comme légitime en France. Toutefois, certains font encore une distinction entre le bénéfice d'exploitation tradi- tionnel et celui qui provient d'opérations spéculatives. Cette nuance n'a aucun sens : toute entreprise doit optimiser sa trésorerie et donc placer ses excédents éventuels.

' I 1 semble que plus personne en France, ou presque, ne

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conteste la légitimité du profit. Celui-ci est le critère de , I la bonne gestion de l'entreprise, la condition de sa survie et de son développement, car il lui permet d'investir pour croître et améliorer sa compétitivité, i n d é p e n d a m m e n t de sa justification économique traditionnelle de rémunération du risque de l'entrepre- neur. Toutefois, si le profit a, désormais, largement droit de cité, certains semblent vouloir faire une distinction entre deux natures ou deux sources de bénéfices : le bénéfice d'exploitation, qui sanc- tionne l'activité traditionnelle de l'entreprise, est loué et légitimé.

En revanche, le profit tiré des opérations financières est qualifié de spéculatif et critiqué : l'entreprise ferait, dans ce cas, un mauvais

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usage de ses ressources qui auraient pu être investies dans des opérations industrielles.

Ce courant de pensée n'a rien d'académique. Il s'est exprimé à diverses reprises dans des propos de l'actuel ministre de l'Economie et des Finances et il inspire une part de l'action de l'administration fiscale qui cherche à réduire les avantages fiscaux des entreprises en matière de titres de placement.

Y a-t-il donc un "mauvais" profit de l'entreprise qui serait le profit financier ?

La manière la plus universelle pour l'entreprise d'aborder la finance est la gestion de sa trésorerie. Toute entreprise a un fonds de roulement et un besoin de fonds de roulement : la différence entre les deux s'appelle "trésorerie" quand elle se révèle positive, "besoin de financement" si elle est négative. Un grand nombre d'entreprises se trouve dans la seconde catégorie : elles empmntent aux banques, ce qui occasionne des frais financiers, qui viennent diminuer le bénéfice d'exploitation. Cette situation n'est cependant pas la norme. Beaucoup d'entreprises ont une trésorerie positive, soit en raison de leur cycle d'exploitation propre, soit par la structure de leur haut de bilan.

Dans ce groupe se rangent, notamment, les entreprises de travaux publics, de bâtiment, les constructeurs de gros matériel mécanique ou électrique, les sociétés d'ingénierie et, plus généra- lement, toutes celles qui reçoivent de leurs clients des acomptes à la commande et en cours d'exécution des travaux, qui leur permettent de financer - et au-delà - les besoins liés à l'exécution des contrats.

Dans tous ces cas, la distinction entre le bénéfice d'exploita- tion et le bénéfice financier n'a pas de sens : facturer un grand contrat 1 million de francs de plus ou obtenir un paiement au troi- sième mois plutôt qu'au sixième mois est parfaitement équivalent pour l'entreprise, alors que le premier entre dans l'exploitation et que le second génère des produits financiers. C'est pourquoi, à juste titre, le plan comptable regroupe le bénéfice d'exploitation et le bénéfice financier pour donner le bénéfice courant qui est la vraie mesure du résultat de l'activité.

Ce qui est particulièrement clair dans les entreprises à tréso- rerie positive est vrai pour toutes les entreprises. Il est aussi impor- tant pour un responsable de société, quelle qu'en soit la taille, de se

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préoccuper de sa trésorerie que de toute autre partie de l'exploi- tation ; diminuer le compte clients et obtenir les meilleures condi- tions de paiement de ses fournisseurs est un principe élémentaire de gestion ; l'économie de frais financiers ou l'augmentation de pro- duits financiers qui en résulte n'est donc pas d'une qualité inférieure au résultat d'exploitation.

Est-il anormal qu'une entreprise fasse

des plus-values sur ses cessions de titres de placement ?

Certains admettront aisément que l'entreprise doive optimiser sa trésorerie, mais trouveront, en revanche, qu'il n'entre pas dans sa vocation normale de faire des plus-values sur cessions de titres de placement. On peut vraiment se demander pourquoi, puisque tout d é p e n d de la manière dont l'entreprise gère sa trésorerie.

S'il s'agit d'une PME, elle n'aura pas de service de trésorerie spécialisé et le comptable qui s'en occupe fera des placements à terme dans des comptes bancaires bloqués. Le stade suivant - et très vite atteint - consiste à s'intéresser aux organismes de placements collectifs, le plus souvent des Sicav ou des fonds communs de place- ment. Il en existe un très grand nombre, depuis les moins risqués que l'on appelle Sicav monétaires, qui offrent une rémunération voisine du marché monétaire, jusqu'aux plus risqués qui s'intéres- sent aux options sur les marchés à terme, en passant par toute la gamme des placements en obligations ou en actions, français ou étrangers.

Les plus grandes entreprises ont des services de trésorerie étoffés, qui recourent eux-mêmes aux différentes formes de place- ment et d'opérations financières ; certaines ont fondé des banques qui leur donnent une base élargie d'intervention. C'est ainsi que, depuis plus de vingt ans, Renault a créé une organisation financière très é l a b o r é e , y compris pour ses o p é r a t i o n s à l'étranger. Plus récemment Thomson CSF a d é v e l o p p é sa fonction financière qui contribue pour un tiers à son résultat consolidé total.

Un tel développement de la fonction financière dans l'entre- prise est-il critiquable ?

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Certains estiment que ce n'est pas le rôle des entreprises et que, en procédant à des opérations financières complexes, elles courent des risques i n c o n s i d é r é s q u i ne sont pas dans leur vocation. Cet argument est pour le moins surprenant. Quand une grande société procède à une acquisition externe pour plusieurs centaines de millions de francs, ou si elle réalise un investissement très important, elle court un risque qui peut lui coûter son indépen- dance ou sa survie en cas d'erreur. On ne voit pas pourquoi l'entre- prise ne serait pas capable, et en droit, de former ou de recaiter des spécialistes financiers qui la mettront à m ê m e de prendre des risques financiers calculés, comme dans les autres compartiments de sa gestion. O n peut même dire que les risques financiers sont plus faciles à a p p r é h e n d e r que les autres ; le succès ou l'échec d'une opération est très aisément quantifiable et les sanctions, positives ou négatives, immédiatement applicables.

En matière financière, encore plus qu'ailleurs, le seul critère de réussite est le résultat. Plutôt que de se demander si les opéra- tions financières d'une entreprise sont justifiées ou non, on peut dire qu'elles sont justifiées si elles sont profitables et injustifiées dans le cas contraire.

Le régime fiscal des cessions doit-il être modifié ?

Se pose alors la question du régime fiscal applicable à ces opérations. Aujourd'hui, les profits de cession des valeurs mobilières se trouvent taxés au taux normal de 39 %, quand les titres détenus le sont depuis moins de deux ans, et au taux réduit de 15 %, quand ils le sont depuis plus de deux ans. On prête à l'administration fiscale le projet de supprimer ce dernier régime. Une telle suppression serait fortement dommageable au m a r c h é et encouragerait, paradoxalement, la rotation rapide au détriment de la détention des titres pendant plus de deux ans ou des formes de placement stables comme les fonds communs de placement.

De plus, il y aurait, dans ce cas, une novation du droit fiscal qui ignore aujourd'hui la distinction entre titres de placement et titres de participation et qui l'introduirait désormais. Cette novation

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serait source de difficulté pour le classement des valeurs mobilières dans l'une ou l'autre catégorie, classement qui prendrait une impor- tance beaucoup plus grande dès lors que le régime fiscal applicable serait différent.

Le Matif est un grand progrès par rapport à l'état de fait antérieur

Reste le sujet des opérations à terme. Pour ne traiter que du marché à terme des instruments financiers (Matif) - mais il en irait de m ê m e pour les autres marchés à terme - le sujet est sensible car on a connu au moins deux pertes spectaculaires à la suite d'opérations sur le Matif : l'ex-chambre syndicale des agents de change et la Compagnie générale des matières nucléaires (Cogéma), qui ont chacune perdu plusieurs centaines de millions de francs.

O n sera tenté de penser qu'il y a eu une prise de risques inconsidérés, condamnant le recours à ce type d'opérations pour les entreprises. Il n'est pas sûr que les choses soient aussi simples.

Si l'on a admis le raisonnement p r é c é d e n t et donc le fait qu'une entreprise pouvait détenir un portefeuille d'obligations (dans le but d'obtenir une rémunération accrue liée aux taux longs), elle va se trouver confrontée au risque de taux. Soit elle ne se couvre pas et elle fait donc une anticipation à la baisse sur l'évolution des taux d'intérêt, soit elle ne veut pas courir ce risque et elle doit se couvrir : pour ce faire, il faudra qu'elle ait recours au Matif - un grand p r o g r è s par rapport à l'état des choses antérieur - sous différentes formes qu'il serait fastidieux de décrire ici.

On conviendra cependant que, s'il est justifié pour une entre- prise de recourir au Matif en "couverture" d'un portefeuille, il serait exagérément risqué pour elle d'opérer en "spéculation", c'est-à-dire uniquement pour prendre une position sur l'évolution des taux d'intérêt. Cette dernière observation se fonde sur des considérations pratiques plus que sur des principes. Généralement, une entreprise n'a pas une é q u i p e de spécialistes suffisamment qualifiés pour prendre de tels risques. Par ailleurs, le Matif, comme tout marché à terme, présente un risque particulier tenant à la faiblesse du dépôt

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n é c e s s a i r e , par comparaison avec les capitaux e n g a g é s : par exemple, pour vendre ou acheter un contrat de 5 millions de francs, l'opérateur n'a à effectuer qu'un dépôt de 250 000 francs.

Cette situation, et plus généralement le risque particulier lié aux marchés à terme, implique qu'une surveillance spéciale soit exercée sur ces opérations. C'est d'ailleurs ce que la COB a instauré pour les sociétés cotées à la suite des opérations rappelées plus haut.

Des gisements de profitabilité

Les lignes qui précèdent ont pour but de montrer qu'il y a beaucoup d'artifice à vouloir isoler la fonction financière dans l'en- treprise, comme si elle était d'une nature différente des autres com- partiments de celle-ci.

L'entreprise est un lieu où l'on crée de la valeur ajoutée et toutes ses parties concourent à cet objectif. A l'instar des grandes firmes qui ont déjà e m p r u n t é cette voie, un nombre croissant d'entreprises va explorer les gisements de profitabilité que comporte leur gestion financière et il serait regrettable que des mesures fis- cales viennent contrarier cette évolution souhaitable.

Guy de Panafieu

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