• Aucun résultat trouvé

Stratégies thérapeutiques actuelles dans la leucémie lymphoïde chronique

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Stratégies thérapeutiques actuelles dans la leucémie lymphoïde chronique"

Copied!
8
0
0

Texte intégral

(1)

Stratégies thérapeutiques actuelles dans la leucémie lymphoïde chronique

Marie-Sarah Dilhuydy,CHU de Bordeaux, Haut-Lév^eque, Pessac, France

Anne Quinquenel,hôpital Robert Debré, Reims, France

Tirés à part : A. Quinquenel aquinquenel@chu-reims.fr

Liens d'intér^et : Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intér^et en rapport avec cet article.

Current therapeutic strategies in chronic lymphocyic leukemia

Leucémie lymphoïde chronique, première ligne, rechute, immunochimiothérapie, thérapies ciblées, recommandations Chronic lymphocytic leukemia,first line treatment, relapse, chemoimmunotherapy, targeted therapies, guidelines

Résumé

L '

émergence de thérapies ciblées a radicalement changé la prise en charge des patients atteints de leucémie lymphoïde chronique, et les indications de traitement par immunochimiothérapie (ICT) se réduisent progressivement.

Chez les patients éligibles, le traitement par fludarabine, cyclophosphamide et rituximab (FCR) reste le traitement de choix, en particulier chez les patients présentant un statutIGHV muté (M). Chez les patients avec un statutIGHVnon muté (NM), le FCR est toujours indiqué, notamment dans l'attente du remboursement des stratégies dites chemo-free. Pour les patients ^agés ou présentant des comorbidités, les schémas d'ICT tels que les associations bendamustine-rituximab ou obinutuzumab-chlorambucil ne sont pas clairement inférieurs aux traitementschemo-freechez les patients avec statutIGHV- M. En revanche, les résultats de l'ICT sont décevants chez les patientsIGHV-NM et, dans ce contexte, les stratégieschemo- free représentent la meilleure option mais des contraintes d'ordre réglementaire peuvent encore limiter leur prescription.

Chez les patients présentant des anomalies deTP53, l'ibrutinib est le traitement de choix. L'ICT n'a plus aucune indication en rechute. Chez les patients en premiere rechute apres ICT, l'ibrutinib ou l'association vénétoclax-rituximab peuventetre^ proposés, sans qu'il soit possible de dégager une supériorité pour l'une de ces deux stratégies. Chez les patients progressant sous ibrutinib ou sous vénétoclax, un changement de classe thérapeutique est indiqué. L'intér^et d'un recoursa la thérapie cellulaire doitetre discuté chez les patients présentant des^ anomalies TP53 progressifs sous ibrutinib ou pour les patients en rechute apres l'ibrutinib et le vénétoclax.

Abstract

T

he emergence of targeted therapies has dramatically changed the management of patients with chronic lymphocytic leukemia and the importance of chemoimmuno- therapy (CIT) is decreasing. Infludarabine-eligible patients, the fludarabine, cyclophosphamide and rituximab (FCR) regimen remains the treatment of choice, especially in patients with mutated (M) IGHV status. In patients with unmutated (UM) IGHVstatus, FCR is still indicated, butfixed-duration chemo- free combinations may represent the future in frontline treatment. For elderly patients or patients with comorbidities, CIT with bendamustine and rituximab or obinutuzumab and chlorambucil are not clearly inferior to chemo-free treatments in M-IGHVpatients. On the contrary, CIT is really disappointing in UM-IGHV patients, and, in this setting, chemo-free treatments represent the best option at the current time, but they are not reimbursed yet. In patients with TP53 abnormalities, ibrutinib is the treatment of choice. In relapsed CLL, CIT is no longer-indicated. In patients relapsing after CIT, both ibrutinib or vénétoclax and rituximab (VR) can be proposed. In patients progressing on ibrutinib, venetoclax (associated or not with rituximab) is indicated. For patients with TP53 abnormalities relapsing after ibrutinib or for patients relapsing after both ibrutinib and venetoclax, cellular therapy must be considered.

Pour citer cet article : Dilhuydy MS, Quinquenel A. Stratégies thérapeutiques actuelles dans la leucémie lymphoïde chronique.Hématologie2020 ; 26(supplément 3) : 12-19. doi : 10.1684/

hma.2020.1566

Revue

Hématologie-vol.26n8supplément3,septembre2020 doi:10.1684/hma.2020.1566

(2)

L

e développement des thérapies ciblées a profondément modifié la prise en charge des patients atteints de leucémie lymphoïde chronique (LLC). En particulier, l'utilisation d'inhibiteurs de la tyrosine kinase de Bruton (iBTK) ou de Bcl2 (iBcl2, pourB-cell lymphoma 2) a permis l'obtention des meilleurs résultats jamais décrits chez des patients en rechute. En revanche, la toxicité des inhibiteurs de la phosphatidylinositol-3 kinase (iPI3K) a jusqu'à présent limité leur utilisation.

Ces inhibiteurs ont donc logiquement été testés des la premiere ligne, ou ils viennent tres sérieusement remettre en cause l'utilisation de l'immunochimio- thérapie (ICT), m^eme en l'absence d'anomalie deTP53. L'objectif de cet article est de faire le point sur la stratégie thérapeutique actuelle dans la LLC, et de prendre en compte non seulement les données récentes issues des principales études cliniques, mais également les données réglementaires en France. L'obtention de nouvelles autorisations de mise sur le marché (AMM) et/ou remboursements, ainsi que le développement de nouvelles combinaisons, viendra probablement remettre en cause la stratégie décrite actuellement.

Traitement depremiere ligne

L'initiation d'un traitement de premiere ligne n'est justifiée qu'en présence de criteres d'évolutivité tels que définis par l'IWCLL[1]. Plusieurs études ont évalué l'intér^et d'un traitement précoce, notamment chez des patients considérés comme à haut risque de progression, mais, à ce jour, l'abstention demeure consensuelle[2, 3].

L'inclusion dans un protocole thérapeutique doit^etre privilégiée à chaque fois que possible. Avant l'initiation du traitement de premiere ligne, la recherche d'une anomalie de TP53 (délétion 17p ou mutation deTP53) est indispensable car elle contre-indique la prescription d'une ICT. Lafigure 1résume les recommandations du groupe French Innovative Leukemia Organization (FILO) pour le traitement de premiere ligne des patients atteints de LLC.

En l'absence d'inactivation de TP53

Le premier critere de choix repose sur la notion d'éligibilité à la fludarabine, habituellement définie par un^age inférieur à 65-70 ans, l'absence de comorbidités significatives (score CIRS [pourcumulative illness rating scale]<6) et une fonction rénale correcte (débit defiltration glomérulaire>60 mL/min). L'analyse du statut mutationnel du gene codant les chaînes lourdes des immunoglobulines (IGHV) est également devenue un élément décisionnel dans la prise en charge thérapeutique.

Jusque tres récemment, le schéma fludarabine, cyclophosphamide et rituximab (FCR) représentait la référence indiscutable pour les patients éligibles à la fludarabine. En effet, les résultats à long terme du CLL8 du groupe allemand comparant FCR à FC ont été publiés (recul médian de 5,9 ans), avec une survie sans progression (SSP) médiane de 56,8 mois dans le bras FCR. Apres FCR, le statut mutationnelIGHVinfluait grandement sur la SSP avec une SSP à cinq ans de 33,1 % chez les patients avec statutIGHVnon muté (NM) contre 66,6 % chez les patients avec statutIGHVmuté (M)[4]. Les résultats de l'analyse à long terme de l'étude de phase II MD Anderson évaluant le FCR en premiere ligne sont concordants avec une SSP à 12,8 ans de 53,9 % chez les patientsIGHV-M contre 7,8 % chez les patients IGHV-NM[5]. Chez les sujets plus^agés, une stratégie reposant sur quatre cycles de FCR suivis de deux injections de rituximab peut^etre proposée selon le schéma de l'étude CLL 2007-SA du groupe FILO-LLC[6].

Logiquement, ce schéma de référence par FCR a donc été comparé à une associationchemo-freeassociant rituximab et ibrutinib (RI), dans l'étude de phase III E1912 du groupe ECOG-ACRIN. Cette étude, initialement présentée à l'ASH en 2018 puis publiée en 2019, a fait naître un vif débat dans la communauté de la LLC.

L'association RI a en effet démontré un bénéfice de SSP en comparaison au FCR, avec, lors de la derniere actualisation à l'ASH 2019, une SSP à 48 mois de 89 et

Stratégies thérapeutiques actuelles

(3)

71 %, respectivement, dans les bras IR et FCR. En revanche, si les analyses de sous- groupe selon le statutIGHVont mis en évidence une supériorité en SSP tres nette du RI chez les patientsIGHV-NM,il n'en est rien chez ceux avec le statutIGHV-M. De fac¸on beaucoup plus inattendue, malgré un recul relativement limité, cette étude a démontré un bénéfice de survie globale (SG) dans le bras IR[7, 8]. Ces données ont donc conduit certains auteurs à proclamer l'existence d'un changement de référence en premiere ligne. Cette affirmation est néanmoins discutable. Tout d'abord, plusieurs études, dont les résultats n'étaient pas disponibles au moment de l'initiation de l'essai E1912, ont clairement démontré que l'adjonction de rituximab n'apportait rien à l'ibrutinib[9, 10]. De plus, les résultats à long terme du FCR, notamment chez les patients IGHV-M, demeurent particulierement intéressants. Enfin, il est important de rappeler qu'à ce jour, l'ibrutinib n'a pas encore obtenu de remboursement en premiere ligne en France en l'absence d'anomalie deTP53. Pour ces raisons, le FILO-LLC recommande l'utilisation du FCR en premiere ligne chez les patients éligibles à lafludarabine. Chez les patients avec statut IGHV-NM, l'utilisation de l'ibrutinib pourra se discuter une fois ce médicament remboursé. Néanmoins, l'utilisation prolongée d'ibrutinib chez ces patients jeunes, induisant le risque de survenue de résistances[11, 12], ne semble pas pleinement satisfaisante, et le développement de combinaisons permettant de limiter la durée d'utilisation des thérapies ciblées représente tres probablement l'avenir chez ces patients.

Pour les patients non éligibles à un traitement par FCR, deux stratégies d'ICT, l'association bendamustine et rituximab (BR), d'une part, et l'association chlorambucil et obinutuzumab (GCLB) d'autre part, étaient jusqu'à présent considérées comme le traitement de référence en premiere ligne[13-15]. Ces deux options n'ayant jamais été comparées directement, il est difficile d'en privilégier une par rapport à l'autre. L'ibrutinib est le premier traitement ditchemo-freetesté en premiere ligne chez les patients^agés de plus de 65 ans dans le cadre de l'essai FIGURE1

Stade A ou B progressif • stade C

Âge < 65-70 ans Âge > 65-70 ans

FCR × 6

Âge < 65-70 ans 1.Immunochimio

2.Chemo-free

1.Chemo-free

2.Immunochimio Âge > 65-70 ans

OU

FCR × 6 G-Clb

Ibrutinib*

G-VEN*

BR FCR × 4 + 2R

Ibrutinib*

Ibrutinib*

G-VEN*

*Non remboursé dans cette indication G-Clb

BR Ibrutinib + G*

FCR × 4 + 2R

Pas d’anomalie de TP53

Éligibilité à la fludarabine

Statut IGHV M Statut IGHV NM Statut IGHV M Statut IGHV NM Non-éligibilité à la fludarabine

Anomalie de TP53

1. Ibrutinib

2. VEN* (uniquement si CI à l’ibrutinib)

Algorithme de traitement de la LLC en première ligne.IGHV: statut mutationnel du gène des chaînes lourdes des immunoglobulines, M : muté, NM : non muté, F :udarabine, C : cyclophoaphamide, R : rituximab, G : obinutuzumab, Clb : chlorambucil, B : bendamustine, Ven : vénétoclax.

Hématologie-vol.26n8supplément3,septembre2020

(4)

RESONATE-2, et, si le bras comparateur (chlorambucil en monothérapie) est un traitement obsolete loin du standard actuel et n'a que peu d'intér^et, les données du bras ibrutinib sont intéressantes avec une SSP à cinq ans estimée à 70 %[16]. Il faut cependant souligner que cette étude compare un traitement jusqu'à progression à un traitement à durée fixe de 12 mois. L'étude de phase III ALLIANCE a ensuite comparé un traitement par ibrutinib en continu à un traitement de type IR et un traitement de type BR. Cette étude a permis d'obtenir plusieurs informations importantes. Tout d'abord, si on tient compte de l'ensemble de la population étudiée, les bras contenant de l'ibrutinib sont tres nettement supérieurs en termes de SSP (SSP à deux ans de 74, 87 et 88 % dans les bras BR, I et IR, respectivement), mais il n'existe aucun bénéfice de l'association du rituximab à l'ibrutinib. En revanche, m^eme si cette donnée est issue d'une analyse de sous- groupe, la SSP n'est pas significativement différente entre les trois bras chez les patients avec statutIGHV-M[10]. L'association ibrutinib et obinutuzumab (GI) a également été évaluée chez les patients inéligibles à la fludarabine, et a été comparée au GCLB dans le cadre de l'étude de phase III ILLUMINATE. Encore une fois, le bras à base d'ibrutinib (GI) est supérieur au bras d'ICT de référence (SSP à 30 mois de 79 contre 31 % respectivement), mais la SSP n'est pas différente entre les deux bras chez les patients avec statutIGHV-M. En l'absence de comparaison directe, l'apport de l'obinutuzumab à l'ibrutinib est néanmoins difficile à démontrer, et cette association ne sera pas remboursée en France en premiere ligne[17]. L'étude CLL14 a comparé deux traitements donnés pour une duréefixe de 12 mois : l'association obinutuzumab et vénétoclax (GV) à GCLB. Les résultats sont prometteurs avec, lors de la derniere actualisation à l'ASH 2019, une SSP à 36 mois (soit à deux ans de lafin du traitement) de 82 % dans le bras GV contre 50 % dans le bras GCLB. De plus, le schéma GV induit un taux important de réponses profondes avec MRD<10-4et il existe, pour la premiere fois, un bénéfice de SSP m^eme chez les patients avec statutIGHV-M[18, 19]. Cette association a obtenu une autorisation de mise sur le marché en avril 2020 mais n'est pas encore remboursée.

Pour ces raisons, m^eme si les thérapies ciblées, associées ou non à un anticorps anti-CD20, sont recommandées par le FILO chez les patients non éligibles à la fludarabine avec statutIGHV-NM des la premiere ligne, l'absence de rembourse- ment pour encore probablement plusieurs mois restreint leur utilisation.

En présence d'une inactivation de TP53

L'immunochimiothérapie n'est pas indiquée chez les patients ayant une inactivation de la voie p53 (8 à 10 % des patients non précédemment traités) [20]. L'ibrutinib représente donc le traitement de choix de premiere ligne en cas d'inactivation deTP53 [21]. La toxicité de l'idélalisib a fortement restreint son utilisation et il n'est désormais réservé qu'aux patients présentant une contre- indication à l'ibrutinib. Le vénétoclax a également une AMM en premiere ligne en présence de contre-indications aux inhibiteurs du BCR mais n'a pas de remboursement dans cette indication.

Traitement derechute

Criteres de traitement

Les indications de traitement sont les m^emes qu'en premiere ligne et reprennent les criteres de LLC symptomatique de l'iWCLL.

Rechute postimmunochimiothérapie

Le traitement de rechute de la leucémie lymphoïde chronique a été profondément modifié par l'arrivée des thérapies ciblées. En 2013, les premiers résultats d'une

Stratégies thérapeutiques actuelles

(5)

phase II évaluant l'ibrutinib, et portant sur 85 patients en rechute ou réfractaires (R/R) conduisent à sa commercialisation accélérée auxEtats-Unis. L'actualisation de cet essai, publiée en 2020 montre une SSP à 57 mois et une SG à 92 mois[22]. Ils sont suivis par la publication d'un essai randomisé de phase III, RESONATE, qui compare l'ibrutinib jusqu'à progression à l'ofatumumab (OFA) durant 24 semaines chez 391 patients R/R (médiane de quatre lignes de traitements antérieurs). Des les 12 mois de traitement, l'ibrutinib permet un gain de SG de 10 % (90 contre 81 %) chez des patients lourdement prétraités avec 50 % d'anomalies de la voie p53 (mutation ou délétion). L'ibrutinib obtient une autorisation temporaire d'utilisation en France en 2014. L'analysefinale de l'étude, avec un recul de six ans montre une SSP de 44 mois pour le bras ibrutinib contre huit mois pour le bras OFA. La SG est de 68 mois, sans différence significative de survie, sans doute en raison de la possibilité decross-overqui concerne désormais 68 % des patients, et de l'arrivée de nouvelles classes thérapeutiques permettant de traiter efficacement les patients progressifs[23].

Deux grandes études randomisées ont ensuite évalué l'utilisation plus précoce des thérapies ciblées dans la stratégie thérapeutique. L'étude HELIOS a évalué le bénéfice à ajouter de l'ibrutinib à l'association BR, ICT standard dans les rechutes.

Apres les six cycles de BR, l'ibrutinib est poursuivi jusqu'à progression ou intolérance. Cet essai portant sur 578 patients a montré un bénéfice de réponse globale, de SSP (65versus14 mois) et de SG en faveur du bras BR-ibrutinib. Malgré uncross-overqui concerne les eux tiers des patients, le bénéfice de SG est net à cinq ans, à 75,7 versus 61,2 %. La SSP 2 est également significativement meilleure, confirmant l'importance de la séquence des traitements[24]. La deuxieme étude, MURANO, portant sur 389 patients, randomise le traitement classique RB à un bras sans chimiothérapie associant le rituximab au vénétoclax (RV). Ici, l'association RV est poursuivie pour une durée totale de 24 mois puis stoppée. Avec quatre ans de suivi, soit à deux ans de lafin du traitement le bénéfice de SSP est toujours tres nettement en faveur du bras RV. Il est de 57 % contre moins de 5 % pour le bras RB pour la population globale, de 68 % pour les patients qui ont rec¸u la totalité des deux ans de traitement et de 84 % pour les patients qui ont une MRD indétectable enfin de traitement. Le bénéfice de SG est également net, à 85 % contre 67 % pour le bras BR (HR : 0,41) et ce, comme dans l'étude HELIOS, bien que les patients qui ont progressé aient majoritairement été traités ultérieurement par des thérapies ciblées[25].

Ces deux études amenent des données claires sur l'absence d'indication à une ICT en rechute, quel que soit le délai entre le traitement de premiere ligne et la rechute.

Tout patient en rechute doit recevoir une thérapie ciblée. L'association VR et l'ibrutinib en monothérapie semblent avoir une efficacité similaire en rechute et aucune étude randomisée ne les a comparés dans cette indication. Le choix du traitement se fait en fonction du profil et des comorbidités du patient, de la préférence d'un traitement pour une durée définie ou pour un mode d'action plut^ot qu'un autre.

D'autres associations chemo-free, non recommandées en pratique courante, sont testées dans le cadre d'essais thérapeutiques. Les résultats de ces nouvelles combinaisons sont développés ailleurs dans ce supplément.

Rechute apres thérapie ciblée

En cas de rechute apres traitement ciblé, plusieurs études ont démontré l'intér^et d'un changement de classe thérapeutique. En effet, la perte d'efficacité d'un traitement ciblé comme l'ibrutinib ou le vénétoclax est le plus souvent liée à l'acquisition de résistance entraînant une modification de la cible et une diminution de l'affinité et lafixation. Les mécanismes de résistances sont décrits dans ce m^eme supplément. Plusieurs études montrent des taux de réponse globale

Hématologie-vol.26n8supplément3,septembre2020

(6)

supérieurs à 80 % et durées de réponse de 24 à 34 mois, que le changement de traitement se fasse des iBTK vers le vénétoclax ou l'inverse. Il s'agit majoritairement d'études de cohorte rétrospectives, portant sur de petites séries de patients ayant rec¸u trois à quatre lignes de traitement, mais ces premieres données confirment l'efficacité durable d'un changement de thérapie ciblée[26- 29]. Ces études, ainsi que la possibilité d'avoir recours en cas de réponse à une allogreffe ou un traitement par cellules à récepteur antigénique chimérique (CAR- T) sont développés par le Pr Tournilhac dans ce m^eme supplément.

Lafigure 2résume les recommandations du groupe FILO pour la prise en charge des patients en rechute.

Adaptation des stratégies thérapeutiques dans le cadre de l'épidémie de Sars-CoV-2 Le contexte épidémique récent a conduit le groupe FILO-LLC à publier des recommandations transitoires, qui étaient destinées à n'^etre appliquées que pendant le pic épidémique. Elles n'avaient pas vocation à devenir pérennes.

L'évolution actuelle de l'épidémie permet d'appliquer de nouveau les recomman- dations « standard », mais, du fait de nombreuses incertitudes et de la difficulté à modéliser l'évolution de la situation, ces recommandations transitoires sont susceptibles d'^etre de nouveau d'actualité. Les grands principes en sont les suivants :

– il n'y a pas d'indication formelle à interrompre un traitement par thérapie ciblée (ibrutinib ou vénétoclax). Pour les patients en cours d'ICT, la décision de suspendre les cycles doit^etre prise au cas par cas. En cas de traitement par FCR, un arr^et de traitement apres quatre cycles peut sembler légitime,

– dans la mesure du possible, et en l'absence d'urgence, il est licite de reporter la mise en route d'un primotraitement ou d'une nouvelle ligne thérapeutique de quelques semaines (jusqu'à lafin du pic de l'épidémie),

FIGURE2

Rechute symptomatique Recherche anomalie TP53 systématique Rechute postimmunochimiothérapie

Pas d’immunochimiothérapie

Rechute post-ibrutinib

Progression

TEP-scan et recherche mutation BTK et PLCg2 souhaitables

Arrêt pour toxicité

Rechute post-inhibiteurs de kinase et post-VEN 1.VEN ou R-VEN

3.R-idélalisib 2. Reprise ibrutinib (selon la toxicité)

Essai thérapeutique Thérapie cellulaire

Ibrutinib VEN

R-VEN

Envisager allogreffe Si anomalie de TP53 R-VEN

Algorithme de traitement de la LLC en rechute. R : rituximab, VEN : vénétoclax.

Stratégies thérapeutiques actuelles

(7)

– en cas d'impossibilité de différer l'initiation d'un traitement, l'utilisation de l'ibrutinib doit^etre privilégiée, m^eme en premiere ligne et en l'absence d'anomalie deTP53. Le suivi régulier à distance doit impérativement ^etre maintenu, – en cas d'infection Covid-19 suspectée ou prouvée, le maintien d'un traitement par thérapie ciblée doit ^etre discuté au cas par cas. Les interactions médicamenteuses entre l'ibrutinib ou le vénétoclax et les traitements éventuel- lement proposés pour l'infection à Sars-CoV-2 doivent^etre considérées.

Conclusion etperspectives

La prise en charge des patients atteints de LLC a profondément évolué depuis l'avenement des thérapies ciblées. La place de l'ICT diminue progressivement en premiere ligne, et si le schéma de type FCR reste légitime chez les patients éligibles avec statut mutationnel IGHV-M, les nouvelles molécules prennent une place croissante dans toutes les autres situations. En rechute, l'ICT n'a dorénavant plus aucune indication. Les recommandations décrites dans cet article sont évidemment amenées à évoluer en fonction de l'évolution des données réglementaires et du développement de nouvelles combinaisons chemo-free.

Références

[1]Hallek M, Cheson BD, Catovsky D,et al.

iwCLL guidelines for diagnosis, indications for treatment, response assessment, and supportive management of CLL.Blood 2018 ; 131 (25) : 2745-60.

[2]Herling CD, Cymbalista F, Groß-Ophoff- M€uller C,et al.Early treatment with FCR versuswatch and wait in patients with stage Binet A high-risk chronic

lymphocytic leukemia (CLL): a randomized phase 3 trial.Leukemia2020; Online ahead of print.

[3]Langerbeins P, Bahlo J, Rhein C,et al.

Ibrutinibversusplacebo in patients with asymptomatic, treatment-naïve early stage cll: primary endpoint results of the phase 3 double-blind randomized cll12 trial.Hema- tol Oncol2019 ; 37 : 38-40.

[4]Fischer K, Bahlo J, Fink AM,et al.Long- term remissions after FCR chemoimmuno- therapy in previously untreated patients with CLL: updated results of the CLL8 trial.

Blood2016 ; 127 (2) : 208-15.

[5]Thompson PA, Tam CS, O'Brien SM, et al.Fludarabine, cyclophosphamide, and rituximab treatment achieves long-term disease-free survival in IGHV-mutated chronic lymphocytic leukemia.Blood 2016 ; 127 (3) : 303-9.

[6]Dartigeas C, Van Den Neste E, Léger J, et al.Rituximab maintenanceversusobser- vation following abbreviated induction with chemoimmunotherapy in elderly patients with previously untreated chronic lymphocytic leukaemia (CLL 2007 SA): an open-label, randomised phase 3 study.

Lancet Haematol2018 ; 5 (2) : e82-94.

[7]Shanafelt TD, Wang XV, Kay NE,et al.

Ibrutinib-rituximab or chemoimmunothe-

rapy for chronic lymphocytic leukemia.N Engl J Med2019 ; 381 (5) : 432-43.

[8]Shanafelt TD, Wang V, Kay NE,et al.

Ibrutinib and rituximab provides superior clinical outcome compared to FCR in youn- ger patients with chronic lymphocytic leu- kemia (CLL): extended follow-up from the E1912 trial.Blood2019 ; 134 (Supple- ment 1) : 33-133.

[9]Burger JA, Sivina M, Jain N,et al.Rando- mized trial of ibrutinibversusibrutinib plus rituximab in patients with chronic lympho- cytic leukemia.Blood2019 ; 133 (10) : 1011-9.

[10]Woyach JA, Ruppert AS, Heerema NA, et al.Ibrutinib regimensversuschemoim- munotherapy in older patients with untrea- ted CLL.N Engl J Med2018 ; 379 (26) : 2517-28.

[11]Quinquenel A, Fornecker L-M, Letestu R,et al.Prevalence of BTK and PLCG2 mutations in a real-life CLL cohort still on ibrutinib after 3 years: a FILO group study.

Blood2019 ; 134 (7) : 641-4.

[12]Woyach JA, Ruppert AS, Guinn D,et al.

BTKC481S-mediated resistance to ibrutinib in chronic lymphocytic leukemia.J Clin Oncol2017 ; 35 (13) : 1437-43.

[13]Michallet A-S, Aktan M, Hiddemann W, et al.Rituximab plus bendamustine or chlorambucil for chronic lymphocytic leuke- mia: primary analysis of the randomized, open-label MABLE study.Haematologica 2018 ; 103 (4) : 698-706.

[14]Goede V, Fischer K, Busch R,et al.

Obinutuzumab plus chlorambucil in patients with CLL and coexisting condi- tions.N Engl J Med2014 ; 370 (12) : 1101-10.

[15]Eichhorst B, Fink A-M, Bahlo J,et al.

First-line chemoimmunotherapy with ben- damustine and rituximab versusfludara- bine, cyclophosphamide, and rituximab in patients with advanced chronic lymphocy- tic leukaemia (CLL10): an international, open-label, randomised, phase 3, non-infe- riority trial.Lancet Oncol2016 ; 17 (7) : 928-42.

[16]Burger JA, Barr PM, Robak T,et al.

Long-term efcacy and safety ofrst-line ibrutinib treatment for patients with CLL/

SLL: 5 years of follow-up from the phase 3 RESONATE-2 study.Leukemia2019 ; 34 (3) : 787-98.

[17]Moreno C, Greil R, Demirkan F,et al.

Ibrutinib plus obinutuzumabversuschlo- rambucil plus obinutuzumab inrst-line treatment of chronic lymphocytic leukae- mia (iLLUMINATE): a multicentre, randomi- sed, open-label, phase 3 trial.Lancet Oncol 2019 ; 20 (1) : 43-56.

[18]Fischer K, Al-Sawaf O, Bahlo J, Fink A- M, Tandon M, Dixon M,et al.Venetoclax and obinutuzumab in patients with CLL and coexisting conditions.N Engl J Med 2019 ; 380 (23) : 2225-36.

[19]Fischer K, Ritgen M, Al-Sawaf O,et al.

Quantitative analysis of minimal residual disease (MRD) shows high rates of unde- tectable MRD afterxed-duration chemo- therapy-free treatment and serves as surrogate marker for progression-free sur- vival: a prospective analysis of the rando- mized CLL14 trial.Blood2019 ; 134 (Supplement 1) : 36-136.

[20]Zenz T, Eichhorst B, Busch R,et al.

TP53 mutation and survival in chronic lymphocytic leukemia.J Clin Oncol2010 ; 28 (29) : 4473-9.

Hématologie-vol.26n8supplément3,septembre2020

(8)

[21]Farooqui MZH, Valdez J, Martyr S, et al.Ibrutinib for previously untreated and relapsed or refractory chronic lymphocytic leukaemia with TP53 aberrations: a phase 2, single-arm trial.Lancet Oncol2015 ; 16 (2) : 169-76.

[22]Byrd JC, Furman RR, Coutre SE,et al.

Ibrutinib treatment forrst-line and rela- psed/refractory chronic lymphocytic leuke- mia:nal analysis of the pivotal phase 1b/

2 PCYC-1102 study.Clin Cancer Res2020;

Online ahead of print.

[23]Munir T, Brown JR, O'Brien S,et al.

Final analysis from RESONATE: up to six years of follow-up on ibrutinib in patients with previously treated chronic lymphocytic leukemia or small lymphocytic lymphoma.

Am J Hematol2019 ; 94 (12) : 1353-63.

[24]Fraser GAM, Chana-Khan A, Demirkan F,et al.Final 5-yearndings from the phase 3 HELIOS study of ibrutinib plus bandamustine and rituximab in patients with relapsed/refractory chronic lymphocy- tic leukemia/small lymphocytic lymphoma.

Leuk Lymphomaepub ahead of print.

[25]Seymour JF, Kipps TJ, Eichhorst BF, et al.Four-year analysis of murano study conrms sustained benet of time-limited venetoclax-rituximab (VenR) in relapsed/

refractory (R/R) chronic lymphocytic leuke- mia (CLL).Blood2019 ; 134 (Supplement 1) : 355-1355.

[26]Lin VS, Lew TE, Handunnetti SM,et al.

BTK inhibitor therapy is effective in patients with CLL resistant to venetoclax.

Blood2020 ; 135 (25) : 2266-70.

[27]Mato AR, Roeker LE, Jacobs R,et al.

Assessment of the efcacy of therapies following venetoclax discontinuation in CLL reveals BTK inhibition as an effective strategy.Clin Cancer Res2020 ; 26 : 3589-96.

[28]Godet S, Protin C, Dupuis J,et al.

Outcome of chronic lymphocytic leukemia patients who switched from either ibruti- nib or idelalisib to alternate kinase inhibi- tor: a retrospective study of the French innovative leukemia organization (FILO).

Am J Hematol2018 ; 93 (2) : E52-4.

[29]Jones JA, Mato AR, Wierda WG,et al.

Venetoclax for chronic lymphocytic leukae- mia progressing after ibrutinib: an interim analysis of a multicentre, open-label, phase 2 trial.Lancet Oncol2018 ; 19 (1) : 65-75.

Stratégies thérapeutiques actuelles

Références

Documents relatifs

Il s’avère que les patients ayant un temps de doublement lymphocytaire &lt; 12 mois présentent une progression rapide de la pathologie qui va nécessiter une entrée

Figure 50 : Visualisation à partir du logiciel IGV des séquences obtenues par séquençage du génome entier au niveau du chromosome 14, position 105894509. Les alignements colorés en

It is noteworthy that a remarkable increase in the populations expressing either IL-6R ( P 5 0.01) or IL-21R ( P 5 0.02) was observed in SSc patients versus controls, with

Les rayonnements de gluons dans l’´etat final sont la principale source de corrections d’origine QCD pour les mesures d’asym´etries de charge de quarks lourds : les

Nous avons ainsi mis en évidence trois groupes de patients présentant des profils cytogénétiques et télomériques distincts : le premier groupe combine une

C’est également avec cette partie constante que l’anticorps a la capacité de recruter les cellules effectrices du système immunitaire (macrophage et NK) (Schroeder and

(Color online) Excitonic Josephson current in case of (i) two identical DLG subsystems (green triangles, Vl = 1.0 and V r = 1.0), (ii) equal left and right external potentials

GAZ, 2006, p17... ﻲﻧﺎﺛﻟا لﺻﻔﻟا : ﺔﯾطﻔﻧﻟا تﺎﻣدﺻﻟا و طﻔﻧﻟا لوﺣ ﺔﯾرظﻧ ﺔﺳارد ﺧ ﺔﺻﻼ : درو اذﻫ ﻲﻓ لﺻﻔﻟا دروﻣﻟا اذﻫ لوﺣ رودﯾ ﺎﻣ لﻛو طﻔﻧﻟا ةدﺎﻣﺑ ﺔﺻﺎﺧﻟا ،ﺔﯾرظﻧﻟا