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La féminisation des noms de métiers Académie Française

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Texte intégral

(1)

La féminisation des noms de métiers

Académie Française

2014

Un incident récent opposant à l’Assemblée nationale un député à la

« présidente de séance » a attiré l’attention du public sur la féminisation des noms de métiers, fonctions, grades ou titres. L’Académie française, fidèle à la mission que lui assignent ses statuts depuis 1635, tient à rappeler les règles qui s’imposent dans notre langue pour la formation et l’emploi de ces termes :

1. L’Académie française n’entend nullement rompre avec la tradition de féminisation des noms de métiers et fonctions, qui découle de l’usage même : c’est ainsi qu’elle a fait accueil dans la 8e édition de son Dictionnaire (1935) à artisane et à postière, à aviatrice et à pharmacienne, à avocate, bûcheronne, factrice, compositrice, éditrice et exploratrice. Dans la 9e édition, en cours de publication, figurent par dizaines des formes féminines correspondant à des noms de métiers. Ces mots sont entrés naturellement dans l’usage, sans qu’ils aient été prescrits par décret : l’Académie les a enregistrés pourvu qu’ils soient de formation correcte et que leur emploi se soit imposé.

Mais, conformément à sa mission, défendant l’esprit de la langue et les règles qui président à l’enrichissement du vocabulaire, elle rejette un esprit de système qui tend à imposer, parfois contre le vœu des intéressées, des formes telles que professeure, recteure, sapeuse- pompière, auteure, ingénieure, procureure, etc., pour ne rien dire de chercheure, qui sont contraires aux règles ordinaires de dérivation et constituent de véritables barbarismes. Le français ne dispose pas d’un suffixe unique permettant de féminiser automatiquement les substantifs.

S’agissant des métiers, très peu de noms s’avèrent en réalité, du point de vue morphologique, rebelles à la féminisation quand elle paraît utile.

Comme bien d’autres langues, le français peut par ailleurs, quand le sexe de la personne n’est pas plus à prendre en considération que ses autres particularités individuelles, faire appel au masculin à valeur générique, ou « non marquée ».

2. [...] Les règles qui régissent dans notre langue la distribution des genres remontent au bas latin et constituent des contraintes internes avec lesquelles il faut composer. L’une des contraintes propres à la langue française est qu’elle n’a que deux genres : pour désigner les qualités communes aux deux sexes, il a donc fallu qu’à l’un des deux genres soit conférée une valeur générique afin qu’il puisse neutraliser la différence entre les sexes. L’héritage latin a opté pour le masculin. Les professeurs Georges Dumézil et Claude Lévi-Strauss [...] concluaient ainsi : « En français, la marque du féminin ne sert qu’accessoirement à rendre la distinction entre mâle et femelle. La distribution des substantifs en deux genres institue, dans la totalité du lexique, un principe de classification permettant éventuellement de distinguer des homonymes, de souligner des orthographes différentes, de classer des suffixes, d’indiquer des grandeurs relatives, des rapports de dérivation, et favorisant, par le jeu de l’accord des adjectifs, la variété des constructions nominales… Tous ces emplois du genre grammatical constituent un réseau complexe où la désignation contrastée des sexes ne joue qu’un rôle mineur. Des

Vocabulaire

rules the use

intends / break up Stem from, result from

= accueilli

recommended

Wish

have (at your disposal) prove to be

seems in addition

to rule, govern late latin

= choisi

to render, convey

Q. 5

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changements, faits de propos délibéré dans un secteur, peuvent avoir sur les autres des répercussions insoupçonnées. Ils risquent de mettre la confusion et le désordre dans un équilibre subtil né de l’usage, et qu’il paraîtrait mieux avisé de laisser à l’usage le soin de modifier » (déclaration faite en séance, le 14 juin 1984)

3. [...] La Compagnie fait valoir que brusquer et forcer l’usage revient à porter atteinte au génie même de la langue française et à ouvrir une période d’incertitude linguistique.

« Un catalogue de métiers, titres et fonctions systématiquement et arbitrairement "féminisés" a été publié par la Documentation française, avec une préface du Premier ministre. [...] Or aucun texte ne donne au gouvernement « le pouvoir de modifier de sa seule autorité le vocabulaire et la grammaire du français ». Nul ne peut régenter la langue, ni prescrire des règles qui violeraient la grammaire ou la syntaxe : elle n’est pas en effet un outil qui se modèle au gré des désirs et des projets politiques. Les compétences du pouvoir politique sont limitées par le statut juridique de la langue, expression de la souveraineté nationale et de la liberté individuelle, et par l’autorité de l’usage qui restreint la portée de toute terminologie officielle et obligatoire. Et de l’usage, seule l’Académie française a été instituée « la gardienne ».

4. Il convient par ailleurs de distinguer des noms de métiers les termes désignant des fonctions officielles et les titres correspondants.

Dans ce cas, les particularités de la personne ne doivent pas empiéter sur le caractère abstrait de la fonction dont elle est investie, mais au contraire s’effacer derrière lui : c’est ce que mettait en lumière un rapport remis, à sa demande, au Premier ministre en octobre 1998 par la Commission générale de terminologie et de néologie, qui déconseillait formellement la féminisation des noms de titres, grades et fonctions officielles, par distinction avec les noms de métiers, dont le féminin s’impose naturellement dans l’usage. [...]

La Commission générale rappelle que, si l’usage féminise aisément les métiers, « il résiste cependant à étendre cette féminisation aux fonctions qui sont des mandats publics ou des rôles sociaux distincts de leurs titulaires et accessibles aux hommes et aux femmes à égalité, sans considération de leur spécificité. […] » Elle « estime que les textes règlementaires doivent respecter strictement la règle de neutralité des fonctions. L’usage générique du masculin est une règle simple à laquelle il ne doit pas être dérogé » dans les décrets, les instructions, les arrêtés et les avis de concours. Les fonctions n’appartiennent pas en effet à l’intéressé : elles définissent une charge dont il s’acquitte, un rôle qu’il assume, une mission qu’il accomplit. Ainsi ce n’est pas en effet Madame X qui signe une circulaire, mais le ministre, qui se trouve être pour un temps une personne de sexe féminin ; mais la circulaire restera en vigueur alors que Madame X ne sera plus titulaire de ce portefeuille ministériel. La dénomination de la fonction s’entend donc comme un neutre et, logiquement, ne se conforme pas au sexe de l’individu qui l’incarne à un moment donné. Il en va de même pour les grades de la fonction publique, distincts de leur détenteur et définis dans un statut, et ceux qui sont des désignations honorifiques exprimant une distinction de rang ou une dignité. Comme le soutient la Commission générale, « pour que la continuité des fonctions à laquelle renvoient ces

Vocabulaire unexpected

subtle

sounder, wiser / attention

to harm

a tool / according to

to limit, restrain

to impige on / infringe on to fade

extend

breached, contravened decree, order

to carry out

to take on ("to assume" = supposer)

holder support refer to

(3)

appellations soit assurée par-delà la singularité des personnes, il ne faut pas que la terminologie signale l’individu qui occupe ces fonctions. La neutralité doit souligner l’identité du rôle et du titre indépendamment du sexe de son titulaire. »

5. Cependant, la Commission générale de terminologie et de néologie considère – et l’Académie française a fait siennes ces conclusions – que cette indifférence juridique et politique au sexe des individus « peut s’incliner, toutefois, devant le désir légitime des individus de mettre en accord, pour les communications qui leur sont personnellement destinées, leur appellation avec leur identité propre. » Elle estime que, « s’agissant des appellations utilisées dans la vie courante (entretiens, correspon- dances, relations personnelles) concernant les fonctions et les grades, rien ne s’oppose, à la demande expresse des individus, à ce qu’elles soient mises en accord avec le sexe de ceux qui les portent et soient féminisées ou maintenues au masculin générique selon le cas ». La Commission générale conclut justement que « cette souplesse de l’appellation est sans incidence sur le statut du sujet juridique et devrait permettre de concilier l’aspiration à la reconnaissance de la différence avec l’impersonnalité exigée par l’égalité juridique ».

[...paragraphe de 8 lignes]

—————

Académie française, le 10 octobre 2014 http://www.academie-francaise.fr/actualites/la-feminisation-des-noms-de-metiers-fonctions-grades- ou-titres-mise-au-point-de-lacademie

Questions

1. [1] Dans le premier point, à quoi s'oppose « l'esprit de système » ?

2. [1] En théorie d'acquisition d'une langue étrangère, on rencontre la notion de

« parachèvement », qui est un processus qui vise à réduire la diversité des mots et de leurs schémas orthographiques (etc.) à un seul. Par exemple, après avoir vu les mots « Canadien » et « Italien », on pourrait être tenté de dire « *Francien ». Cette opposition existe-t-elle dans le premier point ? Complète ce schéma :

Esprit de système Un (réduction) _____________________ Quelques-unes _____________________ Plusieurs

3. [1] Concernant les noms de professions, sont-elles aisées ou difficiles à féminiser pour la plupart ?

4. [2] Le masculin en français est-il le masculin de la biologie ? Sachant qu'en biologie, le sexe par défaut est le féminin, est-ce le contraire ou la même « chose » en français ?

5. [2] « distinguer des homonymes », par exemple :

(4)

Le voile et la voile ► Pièce de tissu porté sur la tête. □ M □ F Le manche et la manche ► Partie d'un outil, ex. une poële. □ M □ F

Le moule et la moule ► Mollusque marin. □ M □ F

Le physique et la physique ► Apparence de quelqu'un. □ M □ F

Le tour et la tour ► Construction en hauteur. □ M □ F

La manœuvre et le manœuvre ► Ouvrier. □ M □ F

Le vase et la vase ► Eau et terre mélangées. □ M □ F

Le garde et la garde ► « Action » du garde. □ M □ F

Le vague et la vague ► Imprécis. □ M □ F

Le mémoire et la mémoire ► Ecrit sommaire pour informer. □ M □ F 6. [3] Quel est le rôle souligné ici de l'Académie, surtout face au Gouvernement ?

7. [4] A quoi s'opposent les noms de métiers ?

8. [4] « Ainsi ce n’est pas en effet Madame X qui signe une circulaire, mais le ministre, qui se trouve être pour un temps une personne de sexe féminin ; mais la circulaire restera en vigueur alors que Madame X ne sera plus titulaire de ce portefeuille ministériel. » Reformule la règle que vise à exemplifier cette phrase ?

9. [5] En quoi ce paragraphe s'oppose-t-il au précédent ? 10. [5] A quoi peut s'opposer la langue ?

11. Evolution en 2019 :

http://www.academie-francaise.fr/actualites/la-feminisation-des-noms-de-metiers-et-de-fonctions

Dans ce document, il est dit que :

► « Longtemps, les formes féminines correspondant à certaines fonctions exercées exclusivement par les hommes ont marqué la reconnaissance du statut social accordé aux femmes en tant qu’épouses1. » (p. 16)

► « Si, dans un premier temps, des femmes se sont accommodées des appellations masculines, c’est parce qu’elles avaient à cœur de marquer, dans la dénomination de leur

1 Par exemple, « ambassadrice » se référait à l'épouse de l'ambassadeur.

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métier, l’égalité de compétence et de mérite avec les hommes qui avait permis ce qu’elles regardaient comme une conquête; ce constat est de moins en moins vrai, les nouvelles générations donnant souvent la préférence aux appellations qui font droit à la différence. » (p. 3)

► « Si la féminisation des noms de fonctions, de titres et de grades fait apparaître des contraintes internes à la langue française qu’il n’est pas possible d’ignorer, il n’existe aucun obstacle de principe à la féminisation des noms de métiers et de professions. » (p. 4)

► « On n’est pas sa fonction: on l’occupe. » (p.13) N'est-ce pas de même pour le métier ? Ou est-ce une question de temps (la fonction est plus limitée que le métier, qui dans l'histoire définit la personne qui l'exerce).

► « forcer une évolution linguistique ne permet pas d’accélérer une mutation sociale. » (p.

15)

Selon ces extraits, penses-tu que l'Académie ait changé sa ligne de conduite par rapport à 2014 ?

10. Selon toi, y a-t-il une opposition de classes (peuple – dirigeants par exemple) dans ces textes ?

11. Penses-tu que le féminin dans la langue et le féminin dans le réel soient distincts et/ou peuvent être distingués?

12. Est-il possible (facile ou non) de séparer ou distinguer la langue de la « réalité » (physique, sociale, culturelle, etc.) ?

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